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Giovanni Del Ponte LES INVISIBLES Le château de Doom Rock

Les invisibles - Tome 3

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DESCRIPTION

Douglas n’a plus de nouvelles de ses amis Crystal et Peter. Pas une lettre, pas un coup de téléphone. Douglas est maintenant pensionnaire au collège de Doom Rock, dont le directeur Talbot met en pratique des méthodes d’éducation peu sympathiques : incitation à la violence, exploitation des plus faibles par les plus forts. Depuis, Douglas a perdu tout espoir de s’insérer dans son nouveau milieu scolaire : on l’a mis dans une section faible et il ne s’est pas fait de nouveaux amis. Seule, une étrange camarade dont les parents sont Italien et Américain lui témoigne de l’intérêt… mais c’est la fille la moins populaire du collège. Quand Douglas voit apparaître en rêve le spectre d’un garçon trempé de pluie, il comprend qu’il se trouve en grand danger et qu’un secret effrayant se cache dans les murs de Doom Rock. Mais pour lui, il est peut-être déjà trop tard…

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Giovanni Del Ponte

LES INVISIBLES

Le château de Doom Rock

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À Caroline (dite Ciata) et Cocotte, gentilles et chaleureuses. La porte de mes rêves vous est toujours ouverte : venez ronronner, moi, je vous offre les caresses.

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Personnages

Douglas, 12 ansCeux qui se moquent de lui le traitent de « gros lard ». Il est vrai qu’il est dodu, peu dégourdi, pas très courageux non plus. Mais il a un cœur d’or et son humour est redoutable. Son passe-temps préféré ? Les BD. Sa mère est morte quand il était tout petit et il vit désormais avec son père, dont la profession l’oblige à changer très souvent de ville… et Douglas d’école. Doté d’un pouvoir particulier, il est un portail, c’est-à-dire qu’il peut, à son insu et à l’improviste, ouvrir des passages entre les dimensions du temps et de l’espace, ou entre la vie et la mort.

Crystal, 12 ansC’est elle le chef de la bande, car elle est très mûre pour son âge. Orpheline, elle a été élevée par sa grand-mère, qui appartenait dans sa jeunesse à la toute première bande des Invisibles et lui a appris à se servir de son pouvoir : la télépathie, c’est-à-dire à percevoir les émotions et les pensées des autres. En faisant de gros efforts, elle parvient aussi à contrôler leur esprit. Crystal habite à Misty Bay.

Peter, 12 ansTimide, se cachant derrière ses lunettes, il a une grande faculté de déduction. Il a des parents stricts et sévères, qui l’obligent à s’habiller de façon très classique et à parler correctement. Inutile de dire qu’il n’est pas très aimé des jeunes de Misty Bay, la ville où il habite. Il aime les animaux, surtout les chats, mais ses parents ne lui ont jamais permis d’en avoir à la maison.

Fabian C’est le seul élève du collège de Doom Rock avec lequel Douglas a pu sympathiser. Il est souvent la victime de la brutalité de Dennis, son camarade de classe.

MagicaDe mère sud-américaine et de père italien, cette fille boite légèrement. Susceptible et indisciplinée, elle est aussi tenace et déterminée. Elle ne supporte pas ce collège et n’approuve pas les méthodes du directeur Talbot.

Dennis Chef de la bande de la prestigieuse classe A, il se fait remarquer par sa brutalité.

Professeur EllisPoursuivi par un sombre passé, chaque nuit, il fait d’affreux cauchemars.

Nadia FlaxJeune psychologue, elle vient d’arriver à Doom Rock ; c’est son premier poste.

Frederick Talbot Directeur du collège de Doom Rock, il a créé ce collège à son image. Pour lui, la violence est l’école de la vie : seuls les plus forts seront armés pour se tailler une place dans une société de plus en plus agressive, d’où il sera bon d’éliminer sans pitié les faibles. Quel programme !

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Prologue

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« Pourquoi ne m’ont-ils pas répondu ? Pourquoi m’ont-ils laissé seul ? » se demandait sans cesse Moby.

Moby Dick, la baleine blanche.C’était le surnom que lui avaient collé ses copains.Bon, c’est vrai, il était un peu dodu, mais pourquoi

étaient-ils aussi cruels avec lui ?Ils avaient été méchants dès le début.Pour commencer, il y avait eu le bizutage : son sac dans

son lit, du poil à gratter dans ses vêtements. Mais ce n’était encore rien. Rien en comparaison de « la chasse ». Un jour, un garçon qu’il croyait son ami avait eu la riche idée de lancer la première « chasse à Moby » : le gagnant serait celui qui lui enlèverait son pantalon !

Il avait alors eu tous ses camarades à ses trousses. Ils l’avaient coincé avant même qu’il ait réussi à s’enfermer dans les toilettes. Et hop ! Plus de pantalon !

Mais ça, c’était la première « chasse à Moby ». Les autres avaient été plus pénibles encore. De plus en plus pénibles.

Il avait tout raconté dans ses lettres. Car il pensait que ses amis trouveraient le moyen de l’aider. Ou du moins de le réconforter.

Mais ils ne lui avaient pas répondu.

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Maintenant, Moby se cachait, mais il savait bien qu’on ne tarderait pas à le découvrir. Même planqué là, dans la tourelle de l’école.

Il avait ouvert l’une des fenêtres et se tenait debout sur la corniche.

Il pleuvait, la corniche était glissante et il avait le vertige. Ce serait si facile de se laisser tomber…

Pourquoi n’avaient-ils pas répondu à ses lettres ?Pourquoi le laissaient-ils seul ?

Première partie

Tout seul

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L’anniversaire

– Doug, dis-moi que je rêve, lui demanda Peter avec insistance.

– Ben, je pourrais aussi bien te raconter des blagues. Mais non, tout est vrai, malheureusement ! plaisanta Douglas.

– Allons, Pete, un petit sourire : tu es en train de devenir populaire ! renchérit Crystal.

C’était une belle journée de fin d’été et, il y a peu encore, ils s’amusaient comme des fous.

Douglas séjournait à Misty Bay chez son oncle et sa tante, dans une chambre voisine de celle de Crystal. Les deux ados étaient allés réveiller Peter de bonne heure pour aller faire une promenade sur les rochers du bord de mer. En fait, ce n’était qu’un prétexte pour l’éloigner de la maison, car ses parents lui préparaient une fête surprise.

Thérèse et Richard Peaky n’avaient jamais été des parents idéaux. Le père, très souvent retenu par son travail, n’était presque jamais à la maison. En revanche, sa mère était beaucoup trop présente ! En fait, elle ne lâchait pas son fils d’une semelle, l’obligeant à passer tout son temps libre avec elle et ses amies de l’association Dames de charité.

Aucun des deux n’avait jamais tenté de nouer un dialogue avec lui. Résultat ? Peter avait grandi, mal dans sa peau et sans amis, du moins jusqu’à ce qu’il rencontre Crystal et

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Douglas. Mais après leurs éprouvantes aventures à Dark Falls1, les parents de Peter avaient décidé de se rapprocher de leur fils et de le rendre plus heureux.

Mais il n’est pas facile d’améliorer la vie de quelqu’un quand on ne le connaît pas.

Voilà pourquoi Peter s’était senti aussi mal à l’aise quand sa mère l’avait poussé, avec Douglas et Crystal, dans le jardin derrière la maison : là, une foule de jeunes avait fait bruyamment exploser un énorme « JOYEUX ANNIVER-SAIRE, PETE ! ».

Car, en tête de la liste des priorités de papa et maman Peaky, il y avait leur désir de faire de leur fils le chouchou de Misty Bay, l’ami idéal. Ils avaient donc invité à la fête tous ses camarades de classe, les jeunes de son âge du voisinage et les enfants des parents et des amis.

Il n’y avait qu’un détail qui clochait.– Mais maman, siffla Peter, mon anniversaire était il y a

six mois !– Ah, ne fais pas le rabat-joie, le gronda sa mère. Tu ne

vois pas que tout le monde est content ?– Oh non, c’est pas vrai, il y a aussi Lance !– Super-chouette ! s’exclama Douglas avec un sourire un

poil sadique. Je savais que tes parents allaient faire les choses en grand, mais à ce point… chapeau !

Peter lui lança un regard furieux.– Alors, tu le savais ! Et toi aussi, Crystal ! Vous le saviez,

et au lieu de m’aider à m’enfuir le plus loin possible, vous…– Viens, Peter, l’appela sa mère, ne fais pas ton timide.

Viens saluer tes amis !– La majeure partie de ces gens ne me supporte pas !– Bêtises que tout ça ! Après la fête, tout le monde t’ado-

1. Les précédentes aventures de Douglas, Crystal et Peter à Misty Bay et à Dark Falls sont relatées dans les deux premiers tomes de la série Les Invisibles : Le Se-cret de Misty Bay et La Sorcière de Dark Falls, du même auteur, dans la même collection.

rera, tu verras. Reste avec eux pendant que ton père se prépare pour le spectacle de magie.

– Un… spectacle de magie ? Papa ?– Et agrafe ça sur les tee-shirts de tes amis, lui dit-elle en

lui tendant des badges à leur nom, en forme d’animaux.– Et la musique ? demanda-t-il avec un frisson. Qu’est-ce

que c’est que cette musique ?– C’est l’hymne du club Mickey. C’est ce que ton père et

moi avons trouvé de mieux pour des enfants, non ? Allez, ne critique pas tout ! Va plutôt t’amuser !

Peter se tourna vers les invités.– Euh, merci à vous tous d’être venus…Presque personne ne l’entendit. Les invités s’étaient tous

jetés sur les petits gâteaux et la musique était trop forte.– Super, cette chanson ! dit Douglas ? C’est le dernier

tube d’Eminem ?– Doug, fiche-lui la paix, veux-tu ? Peter, préviens-moi

quand ton père va se mettre à jouer au prestidigitateur. Je vais aux toilettes, mais je ne voudrais manquer ça pour rien au monde !

– Je vous déteste ! Tous les deux ! dit Peter d’un air malheureux.

Crystal et Douglas se mirent à rire.– Rigolez, rigolez ! En attendant, accrochez-vous donc

ces mignonnes petites choses !Peter leur tendit leurs badges animaliers.– Un panda pour moi… J’ai l’air d’un panda, moi ?

protesta Douglas.– Toi au moins, tu es une espèce protégée, dit Crystal.

Moi, j’ai le chimpanzé !– Je vois que mes parents t’adorent toujours autant, c’est

sûr, commenta Peter.La musique s’interrompit soudain et le crachotement

d’un micro se fit entendre.

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– Venez, approchez tous ! lança la mère de Peter.– Oh non, que se passe-t-il encore ? grogna celui-ci.– C’est le moment d’offrir vos cadeaux à Peter. Venez,

venez ! Il va les ouvrir devant vous !– Ah non, pas ça ! Je m’en vais ! déclara Peter.Douglas le retint par le bras.– Reste là, froussard. Moi, j’aime les cadeaux. Tu vas

peut-être recevoir un truc sympa.Peter s’avança, avec une tête de condamné à mort.– Allons, qui est le premier ? demanda Thérèse Peaky.Un garçon de dix ans leva la main, mais elle ne le vit pas

et se tourna vers une plus grande fille aux cheveux blond platine.

– Comment t’appelles-tu, toi ?– Carole, répondit timidement la fillette.– Avance, Carole. Tu peux donner ton cadeau.La petite prit un paquet sur une table, mais resta immo-

bile.– Viens donc, Carole, dit Mme Peaky dans le micro.

Qu’attends-tu ?– C’est que… commença Carol, en regardant autour

d’elle. Les enfants la fixaient en silence.– Oui ?– C’est que je ne sais pas qui est Peter. Je ne l’ai jamais

vu…Éclat de rire général. Peter, rouge comme une tomate,

s’avança et lui tendit la main. Sans un mot, Carole la lui serra et lui remit le paquet.

Peter l’ouvrit. C’était le dernier tome des aventures d’Harry Potter.

– Euh… merci ! Je le reli… je le lirai volontiers. Merci encore !

Applaudissements.

Le petit garçon qui avait levé la main précédemment refit son geste. Mais la mère de Peter se tourna vers un petit rouquin au visage constellé de taches de rousseur.

– C’est à toi ! Quel est ton nom ?– Randalph. Voilà pour toi, Peter, bon anniversaire. Mon

père tient le distributeur d’essence.– Mais bien sûr, Randalph… Merci ! Qu’est-ce que c’est ?

demanda Peter en ouvrant le petit paquet.– Une carte à points pour de l’essence, dit l’enfant, tout

fier. Quand tu viendras remplir le réservoir de ton scooter, papa te marquera des points. Tu vois ? Il y en a déjà pour vingt dollars !

Admiration générale de la foule.– Voui… Je n’ai pas encore de scoot, mais quand j’en

aurai un, ce sera super ! Merci !– Et toi, ma petite ? demanda la mère à une autre fillette

blonde.– Moi, je pensais offrir aussi Harry Potter, mais on m’a

déjà chipé mon idée…Autre éclat de rire.– Et moi, je t’offre le dernier Final Fantasy pour ta Play-

Station, hurla soudain le petit garçon à la main levée, en ouvrant lui-même le paquet.

– Ouaouh ! s’exclamèrent les invités, en l’entourant.– Du calme, du calme ! intervint Thérèse Peaky. Laissez

Peter s’approcher.Mais plus personne ne s’intéressait à Peter.– Les enfants… insista-t-elle.Son fils coupa alors le micro.– Voyons, Peter, que fais-tu ?– Excuse-moi, maman. Je préfère remettre à plus tard

l’ouverture des cadeaux. Ne te vexe pas.La mère sourit, mais pour ce qui était d’être vexée, elle

l’était bel et bien !

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– Bon, c’est entendu, mon grand modeste. J’ai compris. Et puis ton père doit être presque prêt, maintenant. Je vais voir.

Peter demeura seul. Douglas s’approcha, la bouche pleine d’une bouchée d’un énorme gâteau au chocolat.

– Doug, tu m’étonnes. Avant-hier, tu as déclaré solennel-lement renoncer aux gâteaux jusqu’à ce que tu aies perdu au moins un kilo !

– Aaah ! Je te retrouve ! répondit son corpulent ami, en passant un bras autour de ses épaules. J’avais l’impression que tu n’avais pas le moral. Pourquoi ? Tu sens le poids des ans ?

– Fais attention ! Tu as les mains pleines de chocolat !– Hé, l’ami, un peu de respect ! C’est de l’authentique

chocolat italien ! Et ma promesse ne concerne que les goûters made in USA, pas cette merveille ! Pour les fêtes, tes parents sont une catastrophe, mais pour les gâteaux, ils sont imbattables ! Et je m’y connais !

Peter vit Lance s’approcher, une boîte à chaussures à la main. Quelque temps auparavant, Lance s’était désigné tout seul comme le bourreau officiel de Peter. Celui-ci ne pouvait faire un pas dehors sans regarder derrière lui. Et, imman-quablement, Lance était là. Mais après la vigoureuse intervention punitive de Crystal, le comportement de Lance avait changé du tout au tout. En plus d’être une amie atten-tionnée, Crystal était une personne hors du commun. À bien des points de vue.

– Salut, Peter, salut gros lard, salua Lance, en tendant la boîte à son hôte.

– Mais… qu’est-ce que c’est ? Un serpent mort ? s’ex-clama Peter en frissonnant.

– Oui ! J’ai pensé que comme tu es très savant, tu aurais envie de le disséquer pour savoir comment il est fait. Il est tout frais, je l’ai écrasé hier avec mon vélo, ajouta-t-il d’un air très satisfait.

Douglas le regarda d’un air ébahi, se demandant si c’était du lard ou du cochon.

– Merci, Lance, répéta Peter, avec un sourire indécis. Le garçon s’éloigna, tout content.– Gros lard ! marmonna Douglas d’un ton dédaigneux.

D’accord, je suis un peu rondelet, mais lui, c’est toute sa tête qui est ramollie par la graisse ! Quand il la remue, elle fait floc ! floc !

Il abandonna sur une assiette sa part de gâteau qui, soudain, n’était plus aussi bon.

On entendit alors un bruit sourd, suivi d’un nuage de fumée.

– Mais que diable ?… interrogea Douglas.– Nous y voilà ! murmura Peter.– Venez, les enfants, fit une voix en écho. Le grand magi-

cien Merlake est là pour vous !– Ce n’est pas ton père, le magicien ? insista lourdement

Douglas.– Non, c’est le magicien Merlake, répondit Peter, fron-

çant les sourcils.– Cher monsieur, dit Crystal en prenant Peter par le

bras, veuillez m’accompagner au spectacle, je vous prie.– Hum, c’est plutôt toi qui m’y traînes !Crystal se mit à rire.– Tu sais, pendant un instant, j’ai bien cru qu’en fait de

magicien, c’était le sorcier Angus Scrimm qui était revenu, et non pas ce Murlake !

– Merlake, corrigea Peter en soupirant. Je crois qu’il a dit Merlake, un condensé d’enchanteur Merlin et de Mandrake, je suppose.

– Ah, je n’aurais pas compris ça toute seule ! s’esclaffa Crystal.

Les enfants s’assirent sur la pelouse du jardin, devant un rideau de scène. Tandis que la fumée se dissipait, le rideau s’ouvrit, découvrant Merlake lui-même, ressemblant très

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fort au père de Peter en smoking, chapeau haut-de-forme et fausses moustaches.

Applaudissements et cris d’enthousiasme. Un brin trop enthousiastes, peut-être.

Le magicien Merlake retira son chapeau en un geste élégant et le posa sur une tablette couverte d’un tissu tombant jusqu’à terre.

– Selon vous, qu’est-ce qui se cache dans mon chapeau ? demanda-t-il à haute voix.

– Un lapin ! répondit en chœur l’assistance.– Un lapin ? Voyons voir ! Un lapin, ça se pourrait bien.

Hum, hum…Peter se raidit.– Du calme, Peter, il n’y a pas une pauvre bête là-dedans,

dit Crystal pour le tranquilliser. Elle savait que son ami désirait par-dessus tout avoir un

chat ou un chien, mais que ses parents n’en voulaient rien savoir.

Le magicien Merlake plongea la main dans le chapeau, puis tout le bras et l’en ressortit tenant par les oreilles un magnifique lapin blanc… en peluche, qu’il offrit à une petite fille au premier rang.

– Ouf ! souffla Peter.Tonnerre d’applaudissements.– Et maintenant, qu’y a-t-il d’autre dans ce chapeau ?

demanda encore le magicien.– Une colombe !– Un pigeon !– Un bébé requin !– Une guitare !Le magicien sourit.– Rien de tout cela, les enfants, mais…Plongeant une fois encore la main dans le chapeau, il l’en

retira d’un coup sec en s’écriant brusquement : « Aaaah ! »

Le public se tut, curieux.– Nom d’un chien, ton père a un sacré talent, murmura

Douglas à Peter.– Mais que se… s’exclama le magicien Merlake, fouillant

du regard l’intérieur du chapeau.Silence.Un pan du tissu recouvrant la tablette se souleva et l’on

vit apparaître la tête d’un enfant d’environ quatre ans.– Michael ! hurla sa maman. Voilà une demi-heure que

je te cherche partout comme une folle !– Michael ? s’étonna le magicien Merlake.Rapide comme l’éclair, l’enfant s’élança de sa cachette,

serrant contre lui une girafe en peluche.– Michael, viens ici ! supplia sa mère, en le poursuivant

dans tout le jardin.Rires et applaudissements.– Du calme, du calme, les enfants ! intervint Mme Peaky

au micro. Un petit incident. Le spectacle peut continuer.Sans un mot, Merlake retira la tablette truquée. Il s’es-

suya le front et redressa une moustache qui se détachait.– À quoi faut-il s’attendre encore ? Prévenez-moi quand

le spectacle sera terminé, gémit Peter, les mains sur ses yeux.

– C’est le meilleur spectacle de magie que j’aie jamais vu ! commenta Douglas, s’étouffant de rire.

Le magicien Merlake montra un paquet de cartes à jouer.

– Et maintenant… je vais faire choisir une carte à l’un de vous !

Il tendit le paquet à un enfant du deuxième rang, qui prit une carte.

– Très bien. Maintenant, montre-la au public. Je vais essayer de deviner quelle est cette carte !

L’enfant s’exécuta. C’était le deux de pique.

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Le magicien ferma les yeux, respira profondément et déclara :

– Quatre de pique !– Nooon ! hurla le public.– Non, vous avez raison ! J’étais distrait ! Le roi de

carreau !– Nooooon !– La dame de cœur !– Noooooooooon !Crystal loucha sur Peter. Il avait l’air d’avoir gobé un

citron. Puis elle regarda M. Peaky qui battait les cartes avec un sourire forcé et épongeait la sueur de son visage avec la manche de son habit.

– Alors… le deux de pique ? dit-il enfin.Des « Ouiiii ! Il était temps ! Pas trop tôt ! Enfin » fusè-

rent dans le public.– Oui, mais au quatrième essai, se moqua Lance.Commentaires d’approbation du public à l’adresse de

Lance.– Recommençons ! annonça le magicien.– Euh, Richard… tu es bien sûr que… chuchota

Mme Peaky à son mari.Un trois de cœur fut tiré.Le magicien se concentra un instant. Puis il proclama :

« Le trois de cœur ! »Cette fois, il y eut un « Oooooh ! » admiratif du public.Une autre carte, la dame de carreau.– La dame de carreau ! dit le magicien avec assurance.Applaudissements.– De plus en plus fort ! s’écria Merlake. Toi, dit-il au

gamin qui tenait la carte en main, tu t’appelles Paul, tu as dans la poche un billet de cinq dollars taché de sauce tomate et dans celle de derrière, une photo de femme…

– Même pas vrai ! s’exclama le moutard, vexé.

Puis, en rougissant, il fourra la main dans sa poche arrière et en sortit une photo.

– Bon, d’accord, c’est ma tante Linda !Énormes applaudissements, cris d’enthousiasme. Sin-

cères, cette fois.Le spectacle continua sans incident pendant encore

vingt minutes. Un triomphe !Peter avait retrouvé le sourire.– Il n’est pas mal, mon vieux, vous ne trouvez pas ?

demanda-t-il à Douglas et Crystal.– Tu parles ! Il s’est rattrapé en vrai pro ! admit Douglas. Puis il glissa dans le creux de l’oreille de Crystal :– Bien, le coup des cartes. Je me demande comment il a

fait ! Tu le sais, toi ?Chut ! répondit-elle avec un sourire, en s’adressant direc-

tement à son esprit. La télépathie était l’une des extraordinaires facultés de

Crystal.Le spectacle terminé, le père de Peter rejoignit les trois

ados.– Alors, je ne m’en suis pas trop mal tiré, non ? dit-il en

essuyant son front d’un air ravi.– Tu as été super, papa ! s’exclama son fils en l’embras-

sant.– Ah oui, vraiment, monsieur Peaky ! ajouta Crystal.

Peter ne nous avait jamais dit qu’il y avait un magicien dans la famille.

– Je voudrais vous engager pour une tournée, plaisanta Douglas. Je m’occupe de l’organisation et je prends cinquante pour cent !

– Merci, les enfants, dit Richard Peaky en riant, vous êtes trop gentils.

Puis, se tournant vers son fils, il ajouta :

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– Euh, écoute, Peter. Ta mère et moi avons longuement réfléchi à un cadeau… Cette année, nous voudrions t’offrir quelque chose de très spécial…

– Mais non, voyons, papa ! Vos cadeaux habituels me plaisent toujours beaucoup. Le dictionnaire des synonymes et des contraires, votre cadeau de l’an dernier, m’a été… très utile !

– D’accord, mais cette année, nous aimerions que ce soit un cadeau qui te plaise vraiment. Ce que tu voudras. Penses-y !

Peter lui sourit à son tour.– D’accord, j’y réfléchirai. Merci.– Les enfants, donnez-lui quelques conseils ! dit M. Peaky

en s’éloignant.– Peter, tu les as dans la poche, tes parents, chuchota

Douglas. Demande-leur ce que tu veux !Mme Peaky appela tous les invités autour d’elle pour le

traditionnel découpage du gâteau, sur lequel brillaient douze bougies. La fête allait se terminer.

L’été aussi tirait à sa fin. L’année scolaire reprendrait bientôt et Douglas devait repartir dès le lendemain.

Les trois amis avaient encore quelque chose à faire avant le dîner. Ils saluèrent les parents de Peter et coururent vers la pointe nord de Misty Bay.

Réunion extraordinaire au phare abandonné.