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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL LES LIMITES DU LEADERSHIP TRADITIONNEL DANS LE DÉVELOPPEMENT LOCAL : LE CAS D'UN ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT LOCAL À MONTRÉAL MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAITRISE EN GÉOGRAPHIE PAR MAHJOUBA AKARTIT JUIN 2013

Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

LES LIMITES DU LEADERSHIP TRADITIONNEL DANS LE

DÉVELOPPEMENT LOCAL :

LE CAS D'UN ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT LOCAL À MONTRÉAL

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAITRISE EN GÉOGRAPHIE

PAR

MAHJOUBA AKARTIT

JUIN 2013

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques ·

A vertlssement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le• respect des droits de son auteur, qui a signé te formulaire Autorisation de rapir:XJulre. at de diffuser un travail de recherche de cycles <Jup~Jrlaurs (SDU-522- Rév.01-2006). Cette autorisation stipula qua <<conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études da cycles supérieurs, [l'auteur) concède à l'Université du Québec à Montréal une llc~nce non exclusive d'utilisation at de . publication .da la totalité ou d'une partie Importante de [son} travail de rechercha pour dea fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur) autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre dea copies da. [son) travail da rechercha à dea flns non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet Cette licence et cette autorisation n'entrainent pas une renonciation de [la} part [de l'auteur} à [ses} droits moraux ni à [ses) droits de propriété intellectuelle. Sauf ententé contraire, [l'auteur) conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.~t

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont à Monsieur Juan-Luis Klein, mon directeur de

recherche et professeur au département de géographie, pour son encadrement

judicieux et le cadre enrichissant qu’il m’a offert. Un cadre ouvert sur la recherche

scientifique et qui incite à la participation régulière aux diverses rencontres et

activités scientifiques, notamment les colloques étudiants et la publication d’articles

scientifiques. Ma participation dans le cadre du CRISES à des travaux de recherches

sur l’innovation sociale et l’économie sociale m’a permis de développer une

expérience appréciable en recherche. Ces projets de recherche constituent également

un soutien financier important et favorisent les liens avec les milieux de pratique.

Cette démarche m’a permis de forger une bonne connaissance des réalités

contemporaines du développement territorial, notamment à Montréal, et des

approches pour observer leur évolution et les transformations sociales qui s’y opèrent.

Mes remerciements vont aux acteurs locaux à Verdun qui ont accepté de

m’accorder des entrevues et qui ont été d’un apport certain dans ma compréhension

de la réalité verdunoise.

Enfin, toute ma gratitude va à ma mère et à mon père pour leur soutien affectif.

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Le président-directeur général de l'organisme, objet de l'étude de cas, ne voulant pas

associer son nom à l'analyse critique effectuée dans le présent mémoire, le nom de

l'organisme a été remplacé par l'appellation anonyme "Organisme de développement

local - ODL".

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TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES CARTES ET DES FIGURES ................................................................. vii

LISTE DES TABLEAUX ET DES ENCADRÉS ..................................................... viii

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES .................................... ix

RÉSUMÉ ...................................................................................................................... x

INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

CHAPITRE I

LES INITIATIVES LOCALES DE DÉVELOPPEMENT, CONTEXTE ET

PROBLÉMATIQUE ..................................................................................................... 6

1.1 Mondialisation et changement de paradigme ........................................................ 7

1.1.1 Démantèlement du système fordiste et différenciation socioterritoriale ....... 8

1.1.2 Remise en question de la modernité et revalorisation du local .................. 11

1.2 Changement du rôle de l’État et gouvernance locale .......................................... 13

1.2.1 Crise de l’État-nation et du providentialisme ............................................. 13

1.2.2 Le modèle québécois de gouvernance locale .............................................. 16

1.3 Les initiatives locales de développement et l’économie sociale ......................... 18

1.3.1 L’économie sociale, réalités et pratiques sociales ...................................... 18

1.3.2 Institutionnalisation et transformation sociale, le débat en cours ............... 20

1.3.3 L'ODL et la configuration d’un style de leadership ................................... 23

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CHAPITRE II

CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE ................................................... 25

2.1 Cadre conceptuel : le développement par l’initiative locale, la gouvernance et le

leadership ............................................................................................................ 25

2.1.1 Le développement par l’initiative locale et l’inclusion socioterritoriale .... 26

2.1.2 La gouvernance locale : structuration du pouvoir local et sentiers

institutionnels ....................................................................................................... 33

2.1.3 Le leadership élitiste versus le leadership partagé ..................................... 37

2.2 Démarche méthodologique ................................................................................. 43

2.2.1 La révision des documents ......................................................................... 43

2.2.2 L’observation participante .......................................................................... 46

2.2.3 Les entrevues semi-dirigées ....................................................................... 48

CHAPITRE III

LE TERRITOIRE DE VERDUN : DÉCLIN ÉCONOMIQUE ET RÉACTION DE

L’ÉLITE LOCALE ..................................................................................................... 50

3.1 Essor et déclin du territoire de Verdun ............................................................... 51

3.1.1 Enjeux socioéconomiques et disparités socio-spatiales ............................. 53

3.1.2 Verdun, crise des années 1980 et nouvelles formes de pauvreté ................ 55

3.2 Verdun, crise des années 1980 et changements institutionnels........................... 58

3.3 Déroulement de l’expérience de l'ODL ............................................................. 61

3.3.1 La réaction de l’élite et la création de l'ODL ............................................. 61

3.3.2 L'ODL, une expérience de réseautage et de partenariat ............................. 64

3.3.3 L'ODL, des réalisations importantes mais contestées ................................ 67

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CHAPITRE IV

LE ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT LOCAL : UN LEADERSHIP NON

PARTAGÉ ......................................................................................................................

....................................................................................................................... 71

4.1 L'ODL, les conditions d’émergence des leaders ................................................. 73

4.2 L'ODL, une coalition de l’élite locale de Verdun ............................................... 76

4.3 L'ODL, un organisme de financement du développement local ......................... 80

4.4 L'ODL, un leadership de type élitiste .................................................................. 85

4.4.1 L'ODL, une efficacité de gestion ................................................................ 85

4.4.2 L'ODL, un processus de décision fortement centralisé .............................. 88

CHAPITRE V

L'ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT LOCAL ET LA CRISE D’UN

LEADERSHIP ÉLITISTE .......................................................................................... 92

5.1 L'ODL, présence des sentiers institutionnels et du leadership local ................... 93

5.2 L'ODL, le processus de légitimation d’un leadership élitiste ............................. 98

5.3 L'ODL, le processus d’institutionnalisation d’un leadership élitiste ................ 101

5.4 L'ODL : les limites d’un leadership élitiste ...................................................... 103

5.4.1 L'ODL, incapacité de créer des instances autonomes .............................. 104

5.4.2 L'ODL, un leadership voué au renforcement individuel .......................... 105

5.4.3 L'ODL, incapacité intégrative de l’ensemble des acteurs locaux ............. 107

CONCLUSION ......................................................................................................... 110

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 113

ANNEXES ................................................................................................................ 123

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LISTE DES CARTES ET DES FIGURES

Liste des cartes :

Carte 3.1 : Localisation de Verdun ....................................................................... 51

Liste des figures :

Figure 2.1 : Schéma du modèle du développement par l’initiative locale ........... 32

Figure 3.1 : Schéma du réseau d’organismes de l'ODL ....................................... 66

Figure 4.1 : L'ODL et la gouvernance locale à Verdun ........................................ 81

Figure 4.2 : L'ODL : schéma de montage de partenariat ...................................... 86

Figure 4.3 : Organigramme administratif de l'ODL, 2010 ................................... 89

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LISTE DES TABLEAUX ET DES ENCADRÉS

Liste des tableaux :

Tableau 3.1 : Évolution de quelques paramètres socioéconomiques à Verdun

entre 1971 et 1991 ................................................................................................ 57

Tableau 3.2 : Projets menés par l'ODL entre 1992 et 2000 .................................. 65

Liste des encadrés :

Encadré 4.1 : Le commissaire au développement local ....................................... 82

Encadré 4.2 : La fondation du développement local (FDL) ................................. 83

Encadré 4.3 : Le budget annuel de l'ODL ............................................................ 84

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LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

CAV : Centre d’affaires Verdun

CCSO : Chambre de Commerce Sud-ouest

CDSV : Conseil de développement social de Verdun

CFJC : Centre de formation du Jardin du citoyen

CIPEV : Centre d’Initiatives des petites entreprises de Verdun

CLD V : Centre local de développement Verdun

CRISES : Centre de Recherche et d’Innovation Sociale et de l’Économie Sociale

DSP : Direction de santé publique

FDL : Fondation de Développement Local

IUPE : L’Incubateur Universitaire de Parole d’ExcluEs

LAREPPS : Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales

OBNL : Organisme à but non lucratif

ODL : Organisme de développement local

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

RQVVS : Réseau Québécois Villes Villages en Santé

SIDAC : Société d’initiatives de développement d’artères commerciales

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RÉSUMÉ

L'Organisme de développement local (ODL) étudié est une concertation

intersectorielle menée par une coalition d’acteurs locaux à Verdun. Il a été créé pour

revitaliser le territoire de Verdun touché par les conséquences de la

désindustrialisation de Montréal et par la crise économique des années 1980. C’est

une étude de cas qui s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche plus vaste intitulé

« Économie sociale et inclusion socioterritoriale », qui, sous la direction de Juan-Luis

Klein, vise à étudier les effets structurants des initiatives locales de développement

qui se sont appuyées sur les ressources de l’économie sociale à Montréal pour

revitaliser ou reconvertir des territoires fragiles ou fragilisés suite aux conséquences

de la crise des années 1980.

L’analyse des effets structurants dans notre étude de cas s’est penchée sur un

facteur important dans la réussite de ce type d’initiatives, à savoir le leadership (Klein

et Champagne, 2011). Notre hypothèse de départ postule que plus la coalition qui

soutient un leadership est large, plus celui-ci est capable de mettre en place une

gouvernance plurielle et inclusive et plus le milieu devient créatif et réussit à contrer

les tendances à l’appauvrissement de la collectivité. Or, nous montrerons que le

leadership de l'ODL à Verdun, soutenu par l’élite locale traditionnelle, a opté pour

une démarche de concertation institutionnelle pour mener la revitalisation du

territoire. Tout en s’appuyant sur les ressources de l’économie sociale et montrant une

grande capacité de mobilisation de ressources diverses et diversifiées, l'ODL est

demeuré incapable d’intégrer les acteurs du milieu communautaire comme

partenaires de ladite concertation et n’a pu, de ce fait, mettre en place une

gouvernance plurielle et inclusive. La démarche adoptée a privilégié l’observation

participante et s’est basée sur la documentation et des entrevues semi-dirigées avec

divers acteurs. L’analyse du cas de l'ODL a porté sur l’examen des différents aspects

qui rentrent dans la légitimation et l’institutionnalisation du leadership pour expliquer

les raisons qui ont limité la construction d’un leadership partagé.

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Mots clés : Initiative locale, leadership, développement local, économie sociale,

gouvernance locale, coalition, Verdun, Montréal.

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INTRODUCTION

Depuis le début des années 1980, à Montréal, comme dans d’autres grandes villes

des pays occidentaux, on assiste à l’émergence d’initiatives locales de développement

avec la mission de revitaliser des territoires affectés par la crise du fordisme (Fontan,

Klein et Lévesque, 2003). Ce sont de nouveaux acteurs avec de nouveaux modes

d’intervention qui ont entamé la revitalisation ou la reconversion de ces territoires

fragilisés ou dévitalisés suite à la crise économique qui a frappé le monde dans les

années 1980 (Drewe et al., 2008). En effet, le contexte de la mondialisation, marqué

sur le plan institutionnel par le changement du rôle de l’État, a remis en question les

interventions classiques dans le développement territorial et le mode de régulation

économique et sociale fordiste. Ce sont des acteurs locaux émanant de la société

civile qui ont investi, dès lors, la scène du développement territorial pour contrer la

pauvreté et l’exclusion sociale et renverser les tendances à l’appauvrissement et à la

dévitalisation qui caractérisaient leurs territoires (Klein et al., 2009, Tremblay, Klein

et Fontan, 2009; Klein et Champagne, 2011). Le chômage de longue durée et la

précarité de l’emploi, à l’origine de réalités complexes de pauvreté et d’exclusion

sociale, liées au déclin industriel et à la montée de l’économie de savoir, ont constitué

la cible d’intervention des acteurs sociaux. Ce tournant économique des acteurs

sociaux est donc venu répondre à une incapacité de l’économie publique et de

l’économie de marché à créer des emplois suffisants et adéquats à la demande

existante au niveau local. En s’appuyant principalement sur les ressources de

l’économie sociale, ces initiatives ont montré une grande capacité de mobilisation

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citoyenne, laquelle a joué un rôle important dans la reconnaissance du leadership

communautaire. La démarche d’action collective adoptée leur a permis de mobiliser

des ressources diverses qui sont nécessaires à la revitalisation de leurs territoires

(Klein et Champagne, 2011).

La remise en question du leadership de l’État dans la régulation économique et

sociale et dans le développement territorial a ouvert la voie à ces initiatives pour

assurer le leadership local. À ce propos, les défis auxquels sont confrontés ces acteurs

concernent la mise en place des cadres novateurs de gouvernance qui intègrent

l’ensemble des acteurs représentant les nouvelles réalités, notamment celles liées à la

pauvreté et l’exclusion sociale et à faire de l’économie sociale un levier du

développement local. Ces initiatives œuvrent principalement pour le changement

social à travers la mise en place de projets qui visent l'amélioration des conditions de

vie de la population de leurs territoires et certaines d’entre elles ont activement

contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques pour assurer

le redéveloppement de leurs localités (ex. le projet Angus à Montréal, (Fontan, Klein

et Tremblay, 2005)). Les expériences d’initiatives locales de développement sont

aussi multiples que diverses, comme en témoignent des études empiriques

relativement nombreuses qui se sont penchées sur ce sujet (Tremblay, Klein et Fontan,

2009).

Après une vingtaine d’années, depuis l’émergence de ces initiatives locales, la

réflexion autour de ces pratiques et interventions porte sur leurs effets structurants en

lien avec leur capacité de transformation sociale, ainsi que sur les dynamiques

inclusives de développement territorial qu’elles mettent en scène (Klein et

Champagne, 2011). Il importe en effet de se demander si ces initiatives locales ont pu

affirmer le leadership local et mettre en place des systèmes inclusifs de régulation

économique et sociale et comment elles ont pu repositionner leurs territoires dans la

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nouvelle configuration socioterritoriale mondiale. Autrement dit, est-ce que le local

peut être une base pour construire un type de développement plus équitable et

solidaire ?

C’est dans le cadre de ces questionnements que nous inscrivons l’étude de cas

dde l'Organisme de développement local, qui a conduit l’action territoriale de

revitalisation à Verdun dès la fin des années 1980. L'Organisme de développement

local, dénommé ODL ci-après, est une initiative locale qui s’est appuyée sur les

ressources de l’économie sociale sans pour autant rejoindre le mouvement de

développement économique communautaire qui a réussi à institutionnaliser

l’économie sociale au Québec dans la même période, et c’est en cela qu’il se

différencie des autres actions collectives de revitalisation menées dans la région de

Montréal à la même période. Cette étude de cas nous offre l’occasion de nous pencher

sur une dimension importante et déterminante dans la conduite des initiatives locales

de revitalisation territoriale, celle du leadership et plus précisément du type de

leadership en lien avec la nature de la coalition d’acteurs qui le soutient. Nous allons

observer plus précisément les éléments qui rentrent dans la construction du leadership

établi à Verdun, notamment les types de rapports entretenus par les leaders avec les

milieux politique, économique et social et leur rôle dans le processus

d’institutionnalisation du projet de développement de Verdun.

Le mémoire est structuré en cinq chapitres :

- Le chapitre I situe notre cas d’étude dans son contexte général, celui de la

mondialisation et ses implications sur le changement du rôle de l’État qui a

favorisé l’émergence des initiatives locales de développement dans les années

1980. Le modèle québécois de développement local et l’expérience

montréalaise dans le développement économique communautaire va nous

renseigner sur le contexte local de l’expérience de l'ODL et sur les questions

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relatives aux différenciations sociales qui se sont opérées par rapport au

leadership mis en œuvre ailleurs à Montréal. Ces éléments vont permettre de

poser la problématique spécifique de l'ODL et les questions relatives à la crise

de son style de leadership.

- Le chapitre II concerne le cadre théorique et méthodologique de notre

recherche. Le développement des nouvelles approches scientifiques en dehors

du paradigme scientifique dominé par le déterminisme historique propose un

regard pluriel pour cerner les nouvelles réalités territoriales et la diversité des

problématiques générées dans le cadre de la mondialisation. Les outils

conceptuels sont recherchés dans plusieurs disciplines et branches

scientifiques (géographie, sociologie, sciences politiques et autres) avec

l’appui d’une vaste bibliographie. La méthodologie empruntée pour l’étude

empirique s’est basée sur l’observation participante, sur des entrevues semi-

dirigées ainsi que sur la consultation d’une documentation exhaustive

concernant le cas de l'ODL. Ce chapitre conduit à la formulation des

hypothèses principale et secondaires de notre travail et à la proposition d’une

grille d’analyse.

- Le troisième chapitre est consacré d’abord à la présentation du territoire de

Verdun et du contexte territorial spécifique de l'ODL. Ensuite nous

présenterons, à lumière du modèle de développement par l’initiative locale1, le

déroulement de l’expérience de l'ODL, ses réalisations et les réactions des

acteurs du milieu. Ce chapitre permet de cibler le type de leadership

développé par l'ODL.

1 C’est le modèle qui a inspiré la recherche dans laquelle s’insère notre mémoire de maîtrise. Sur les

caractéristiques de ce modèle, voir Klein (2008) ; Klein, Fontan et Tremblay (2009) ; Klein et

Champagne (2011).

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- Le chapitre IV est réservé à l’examen des résultats de notre travail de terrain.

Nous présenterons le processus social de construction du leadership local à

Verdun en nous basant sur les éléments recueillis lors de l’observation

participante et les entrevues semi-dirigées. Les résultats de l’étude de cas

montrent la mise en œuvre d’un style de leadership fort, mais non partagé, ce

qui a fini par l’affaiblir.

- Le chapitre V explique les limites du style traditionnel de leadership dans

lequel s’inscrit l’expérience de l'ODL et son incapacité à mettre en place une

gouvernance plurielle et inclusive à Verdun. Pour cette démonstration, nous

nous appuierons sur les concepts théoriques présentés dans le chapitre II,

notamment ceux compris dans le modèle de développement par l’initiative

locale, la théorie des coalitions et l’approche néo-institutionnaliste de la

dépendance des sentiers (« path dependency »).

- La conclusion générale présentera un bilan des points à retenir de notre étude

de cas, les limites de notre travail de recherche et les questionnements sur les

aspects qui nous paraissent pertinents à développer afin d’enrichir le modèle

des initiatives locales de développement.

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CHAPITRE I

LES INITIATIVES LOCALES DE DÉVELOPPEMENT,

CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE

Dans ce chapitre, nous allons présenter, dans une première partie, l’émergence

des initiatives locales de développement dans les pays occidentaux à partir du début

des années 1980 et l’apparition du leadership local en matière de développement

territorial. La mondialisation dans le contexte de démantèlement du système

d’organisation économique fordiste a provoqué des transformations socioterritoriales

et institutionnelles profondes dans le monde (Benko et Lipietz, 1992), qui se sont

caractérisées par le creusement des écarts d’inégalités économiques et sociales entre

les territoires, particulièrement dans les pays occidentaux. Suite à la crise économique

des années 1980, l’éclatement du système de régulation économique et social fordien

et keynésien, va donner lieu à de nouveaux modes de gouvernance locale dans le

développement territorial. Ceux-ci incluent une pluralité d’acteurs et s’inscrivent dans

de nouvelles modalités de régulation basées sur la concertation et le partenariat. Ces

transformations se sont accompagnées de changements paradigmatiques, notamment

la remise en question de la modernité, et l’apparition des nouveaux mouvements

sociaux qui ont mis de l’avant des problématiques diverses d’ordre identitaire,

culturel et écologique et appellent à repenser les fondements de la démocratie et de la

citoyenneté dans les pays occidentaux. Dans une deuxième partie, nous passerons en

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revue le contexte québécois et son modèle de gouvernance, et l’expérience

montréalaise en matière de développement local avec l’émergence du leadership

économique communautaire. Celui-ci constitue le contexte territorial dans lequel

s’inscrit notre cas d’étude.

1.1 Mondialisation et changement de paradigme

L’approche des initiatives locales de développement territorial s’inscrit dans le

nouveau contexte mondial qui se dessine depuis les années 1980 et qui se caractérise

par la conjugaison de deux processus : 1) des transformations profondes provoquées

par la mondialisation en tant que processus de développement accéléré et intensif du

mode de production capitaliste sous l’effet des révolutions technologiques et de

communication et 2) un projet mondial de développement économique basé sur les

impératifs de l’économie de marché et de la croissance économique dans le cadre des

orientations néolibérales dominantes depuis les deux dernières décennies du

XXe siècle. Ces changements liés à la crise du fordisme et à la transition vers la

nouvelle économie ont eu des impacts majeurs en termes de transformation

socioterritoriale. Ces changements sont fortement marqués par l’accentuation des

inégalités sociales et par l’apparition de nouvelles formes de pauvreté et d’exclusion

sociale. Cette situation va remuer en profondeur les principes et les valeurs qui ont

guidé, durant une bonne partie du XXe siècle, la perception et les pratiques de

développement des territoires dans les pays occidentaux.

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1.1.1 Démantèlement du système fordiste et différenciation socioterritoriale

Le fordisme comme mode de régulation économique et sociale a été institué dans

les pays capitalistes occidentaux dans les années 1930 pour répondre à la crise de

surproduction industrielle de 1929. Ce système d’organisation favorise le modèle de

la grande entreprise basé sur la standardisation de la production et l’organisation

taylorienne du travail, d’une part, et la consommation de masse, d’autre part. Le

mode d’organisation du travail et du capital favorise la structuration spatiale autour

des centres et de périphéries (Amin, 1973), propres au développement du système

capitaliste. Les politiques publiques de développement qui ont orienté l’aménagement

spatial et qui s’inscrivent dans la doctrine économique keynésienne ont favorisé

l’homogénéisation des espaces pour faciliter l’expansion du capital industriel et la

consommation de masse (Klein, 2008) et se sont traduites par la création de pôles de

croissance à partir des années 1950 (Perroux, 1958). Cette polarité qui structure

l’économie du monde et des États de manière asymétrique, en termes de rapport de

pouvoir de domination politique et économique dans le cadre de la division

internationale du travail, se traduit par des disparités entre pays dits développés et

pays dits sous (ou non) développés, et par la concentration des richesses

(investissements, capitaux, revenus…) dans les grandes villes (ou espaces urbains)

généralement, au détriment d’espaces marginalisés, les espaces ruraux entre autres.

Le système fordiste amorce une période de crise à partir des années soixante-dix,

sous l’effet des bouleversements technologiques, notamment en matière de

télécommunication, de transport et de la finance, qui vont jeter les bases d’une

nouvelle économie de type informationnel basée sur les principes de la réduction de

la distance et de l’instantanéité de la transmission des données. De nouveaux modes

d’organisation économique s’installent et vont introduire de nouvelles modalités dans

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les rapports d’échanges permettant une accélération de l’ouverture économique au

marché mondial, le développement de la finance et une mobilité accrue surtout des

produits et des capitaux (les accords régis par l’OMC). Les échanges intra et

internationaux dans ce nouveau contexte vont emprunter des formes réticulaires et

vont s’articuler autour de réseaux divers (Veltz, 1996; Castells, 1998).

La différenciation spatiale qui en résulte présente une double polarité : celle qui

caractérise les centres/périphéries, liée au développement du système capitaliste, et

celle de la réticulation des réseaux due au processus de mondialisation (Klein, Fontan

et Tremblay, 2009). Cette nouvelle division socioterritoriale, en territoires connectés

et territoires déconnectés situés au centre et/ou à la périphérie, (Klein, 2010) va

engendrer une différenciation entre des territoires dits gagnants, qui concentrent

l’essentiel des richesses mondiales et sont fortement connectés entre eux, et les

territoires dits perdants de la mondialisation, déconnectés de ces réseaux et qui sont

pris dans des cycles de dévitalisation et des processus d’appauvrissement de leur

population. La connexion à ces réseaux de production et d’investissement est

désormais un défi majeur pour assurer le développement d’un territoire (Klein et

Champagne, 2011).

Les réseaux performants de la nouvelle économie vont prendre attache dans

certains lieux, notamment les grandes métropoles. Celles-ci sont des pôles de

captation de ressources et constituent des nœuds de transport et de réseaux

d’informations et sont des lieux de développement de créneaux de technologies de

pointe à haute valeur ajoutée. Ce sont donc des lieux de pouvoir qui déterminent la

création et la distribution des investissements, des capitaux et des revenus à travers le

monde. Ces lieux sont fortement connectés entre eux et abritent les sièges centraux

des grandes institutions et des firmes multinationales et entretiennent entre eux

l’essentiel des échanges internationaux (Sassen, 2002). Ces échanges sont encadrés,

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dans une large mesure, par des institutions internationales détachées des institutions

« démocratiques » nationales. L’ordre économique mondial qui s’est établi dans le

cadre de cette reconfiguration territoriale, bien qu’il puisse générer la croissance

économique du fait de la forte concentration des richesses, provoque également

l’exclusion de collectivités entières qui sont privées de l’accès à ces réseaux

mondiaux de « prospérité ».

En effet, la construction de ce nouvel ordre économique mondial s’est

accompagnée de mouvements de délocalisation/relocalisation des capitaux, qui ont

provoqué l’élimination de pans importants des secteurs de l’industrie lourde,

l’abandon de sites industriels et la réduction massive d’emplois sur certains territoires

dans les pays occidentaux (Fontan, Klein et Lévesque, 2003). Ces mouvements ont

sapé la base économique et sociale de collectivités souvent importantes et ont

provoqué leur dévitalisation et l’apparition de nombreuses friches industrielles

(Pecqueur, 2000), entre autres problèmes. Ce sont les territoires dits perdants de la

mondialisation qui se trouvent pris dans un cycle d’appauvrissement ou de

dévitalisation (Vachon, 1993) caractérisé par le chômage massif, la détérioration du

cadre de vie, la pauvreté et l’exclusion sociale.

Dans ce contexte de changements dans l’organisation du travail et du capital, le

redéveloppement de ces territoires est fortement lié à leur insertion dans les réseaux

mondiaux de production et de distribution de la richesse. Intégrer ces circuits

performants exige des collectivités dévitalisées le développement de capacités

d’adaptation aux changements rapides qui s’opèrent sur les plans technologique et

socioéconomique et nécessite la mobilisation de diverses ressources endogènes et

exogènes pour créer des milieux de vie créatifs capables de renverser les tendances à

l’appauvrissement de ces territoires. Tenant compte des asymétries existantes entre

les différents territoires et les différents groupes inscrits dans des rapports de force

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inégalitaires, la question qui se pose à l’ère post-fordiste est dans quelle mesure le

local pourrait constituer une base pour construire un nouveau mode de

développement équitable et solidaire ?

1.1.2 Remise en question de la modernité et revalorisation du local

La modernité, comme paradigme qui a orienté la pensée humaine, repose sur les

principes de la rationalité présents depuis les premières réflexions scientifiques et de

l’individualisme qui tire ses origines dans les valeurs mises de l’avant à l’époque des

lumières avec l’universalité des droits de citoyenneté (Rousseau, 1762). Or, la

rationalité associée au déterminisme moderniste fait du progrès la voie unique pour

l’évolution des sociétés humaines. Selon cette voie, le développement des sociétés est

un processus historique linéaire depuis une société « primitive» jusqu'à la

« civilisation » par excellence, occidentale, technique et scientifique (Rostow, 1960).

La construction de la société moderne dans les pays occidentaux, au début du

siècle passé, s’est achevée par le triomphe de l’industrialisation. Avec la crise de

surproduction industrielle de 1929 et la mise en place d’un acteur économique public

(l’État), les principes de la modernité ont trouvé leur traduction dans la promotion de

la consommation de masse comme moteur de la croissance économique. Ce modèle

de développement va atteindre son apogée dans les années de l’après-guerre. Sur le

plan spatial, la promotion de la consommation de masse associée à la société moderne

est diffusée par l’homogénéisation et l’uniformisation des territoires dans le cadre des

politiques d’aménagement urbain et régional (Klein, 2010). Sur le plan institutionnel,

l’échelle nationale a constitué la base territoriale pour la mise en œuvre des politiques

économiques et sociales. Le local était perçu comme le refus de la modernité.

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Les fondements de la modernité comme paradigme ont largement influencé les

théories scientifiques dans les sciences sociales, notamment les théories de

développement (Rostow, 1963; Perroux, 1956; Furtado, 1970). La notion de

développement, apparue à la fin des années 1950, signifiait le développement

industriel et elle était synonyme de la croissance économique (Moulaert et

Nussbaumer, 2008). Les trente glorieuses ont permis de légitimer le modèle de la

société moderne et sa primauté par rapport aux autres modèles de société dits

traditionnels, considérés comme moins avancés ou sous-développés.

À l’ère du post-fordisme, avec l’émergence de l’espace-monde (Klein et Lasserre,

2011) et du local comme scènes privilégiées des stratégies économiques (Tremblay,

Klein et Fontan, 2009), le projet de la société moderne dans les pays occidentaux qui

repose sur l’individualisme, la consommation de masse et la séparation entre

l’économique et le social, montre ses limites. Un changement de paradigme qui

appelle une reconstruction de la société humaine sur de nouvelles bases, une révision

des valeurs prédominantes et de nouvelles visions de développement s’imposent sur

la scène publique. Les nouveaux mouvements sociaux qui ont émergé, à partir des

années 1970, ont posé sous un angle nouveau les problématiques d’ordre identitaire,

communautaire et écologique en mettant de l’avant des valeurs qui reposent sur les

principes de justice sociale, de l’équité et de la solidarité (Harvey, 1996). Dans ce

contexte de transition qui ouvre la voie à toutes les possibilités d’orientations que

pourrait prendre la recomposition de la société moderne, les initiatives de

développement territorial, s’inspirant de ces nouveaux mouvements sociaux, ont

replacé le local comme une base du développement économique et social (Cox, 1997).

Afin de mieux circonscrire le contexte d’émergence des initiatives locales de

développement et de saisir leur positionnement dans le nouveau contexte

institutionnel, il est nécessaire de rappeler le rôle joué par l’État dans la construction

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de la société moderne au début du siècle passé et sa transformation à l’ère post-

fordiste.

1.2 Changement du rôle de l’État et gouvernance locale

1.2.1 Crise de l’État-nation et du providentialisme

Suite à la crise de 1929, l’intervention de l’État dans les pays occidentaux, pour

résorber le chômage massif et absorber la surproduction industrielle, lui a conféré un

rôle central tant dans la régulation économique et sociale que sur le plan politique.

Des fonctions régaliennes qui limitaient le rôle de l’État à la sécurité et à la

souveraineté nationale, à partir des années trente, l’État va jouer un rôle économique

et social important à travers la création d’un marché économique intérieur (national).

Celui-ci va être impulsé par des investissements publics et par la stimulation de la

consommation à travers l’adoption des politiques économiques keynésiennes. En

effet, l’État va lancer de grands projets d’utilité publique (autoroutes, ponts,

établissements publics,…), va appuyer l’exploitation des ressources naturelles et va

promouvoir la création d’entreprises (PME) et d’emplois dans le secteur public

notamment. Ceci a permis une redistribution des revenus qui a favorisé

l’élargissement de la classe moyenne et la promotion de la consommation de masse.

La régulation des conflits sociaux entre les classes sociales, celle des propriétaires de

moyens de production et celle des travailleurs (les syndicats), codifiée par l’État, a

favorisé la cohésion sociale nécessaire à la stabilité du système de production

capitaliste et à la croissance économique. L’État devient alors l’acteur central de la

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régulation économique, une situation confortée par la croissance économique réalisée

dans la période d’après-guerre dite des « trente glorieuses ».

Avec le démantèlement du système fordiste et l’émergence de l’espace-monde

versus le local, le territoire national ne constitue plus le cadre principal de régulation

économique et social. Le processus de déterritorialisation-reterritorialisation des

prérogatives étatiques et des stratégies de développement qui traduisent la fin de

l’État-nation comme cadre hégémonique de la régulation économique (Klein, 1989;

Brenner, 1999), donnent lieu à de nouvelles reconfigurations institutionnelles à

différentes échelles mettant en scène une multitude d’acteurs nouveaux prenant part à

la gouvernance à toutes les échelles. L’ouverture des marchés mondiaux s’est

accompagnée par la déréglementation des échanges internationaux et la montée de

nouveaux acteurs sur la scène mondiale. Les multinationales et les instances

internationales (FMI, Banque mondiale, G8) sont devenues des acteurs influents dans

la gouvernance mondiale au détriment des États nationaux. La succession des crises

financières (crashs boursiers et pétroliers) et le changement du contexte géopolitique

avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement du monde socialiste ont favorisé

l’accélération des processus d’ouverture du marché économique, laissant place au

développement d’un capitalisme hégémonique et débridé. À partir des années 1980,

la libéralisation des marchés économique et financier et la privatisation des services

publics sont devenues les mots d’ordre des instances internationales pour assurer la

régulation du marché économique mondial. Les politiques publiques d’inspiration

keynésiennes sont remises en question et la montée en force des courants s’inspirant

des théories économiques néoclassiques se traduit par la diminution de la place de

l’État dans des secteurs sociaux importants et par des restructurations institutionnelles

qui ont pour objectif l’application de nouvelles méthodes de gestion des services

publics inspirées de l’entreprise privée. Sur le plan infranational, les politiques de

décentralisation prennent place et se traduisent par le transfert de certaines

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compétences de l’État central vers des collectivités locales recouvrant les domaines

économiques, sociaux et urbanistiques. D’un rôle centralisateur, hiérarchique et

providentiel, l’État va adopter de nouveaux types de rapports basés sur la concertation,

le partenariat et la contractualisation (Gagnon et Klein 1991; Klein, 1992).

Suite à la crise économique des années 1980, marquée par le chômage massif et

de nouvelles formes d’exclusion sociale dans le cadre de la transition vers la nouvelle

économie, les réalités locales sont diverses et présentent des dynamiques de

développement territorial spécifiques. Ces nouvelles donnes territoriales imposent à

l’État de composer avec une pluralité d’acteurs, notamment ceux issus de la société

civile. Ces derniers ont adopté de nouvelles approches et investi le champ de

développement économique pour faire face aux réalités de pauvreté dans leurs

collectivités. Le nouveau rôle de l’État au niveau local se pose en termes de

coordination et de gouvernance, ce qui traduit des changements dans le type de

rapport avec les différents acteurs dans la production des services publics.

Les systèmes de gouvernance locale, mis en place dans les pays occidentaux

configurent plusieurs modèles dépendamment des politiques favorisées (d’inspiration

néolibérale ou social-démocrate) et traduisent les spécificités locales et historiques

des territoires. On est donc en présence de plusieurs formes d’intervention de l’État et

de différents modes de gouvernance locale. L’expérience du Québec en la matière a

permis de mettre en place un modèle spécifique dit « modèle québécois » (Bourque,

2000 ; Klein, Fontan, Harrisson et Lévesque, 2009).

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1.2.2 Le modèle québécois de gouvernance locale

L’expérience québécoise de gouvernance locale s’inscrit pleinement dans le

contexte général de la mondialisation marqué, à partir des années 1980, par les

remises en question du fordisme et du providentialisme. Le processus de

modernisation entamé par le gouvernement québécois dans le cadre de la révolution

tranquille et les particularités liées à sa position minoritaire comme l’État d’une

société francophone minoritaire au Canada et en Amérique du Nord ont grandement

participé au façonnement de son modèle de gouvernance. Celui-ci s’est caractérisé

par la prédominance de la concertation comme mode de coordination et de régulation

de la société québécoise, notamment la concertation entre l’État, le patronat et les

syndicats dans un premier temps. Son évolution dans les années 1970-80 a été

marquée par la transition d’un État centralisateur et providentiel à un État partenaire

qui intègre des acteurs issus des nouveaux mouvements sociaux (Klein, Fontan,

Harrisson et Tremblay, 2009; Klein, 2010).

Cette transition a été effectuée sous l’effet de l’émergence d’un large mouvement

communautaire au début des années 1970 en réaction notamment à la politique

d’aménagement régional et urbain dans les années 1980 (Hamel, 1991; Joyal, 2002,

Hamel, 2005). Ces mouvements sociaux ont fortement dénoncé les conséquences de

ces politiques publiques de l’État qui ont, plutôt, accentué les inégalités sociales et

spatiales au Québec. Ces stratégies d’aménagement qui prônent la polarisation du

développement du territoire du Québec autour de la métropole de Montréal et

accessoirement autour de quelques villes de taille moyenne se sont soldées par une

dualisation entre des aires en relance et d’autres en déclin. Ces dernières se

caractérisaient par des taux élevés de chômage et de populations vivant en dessous du

seuil de la pauvreté et qui concernent aussi bien le milieu rural que le milieu urbain,

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tel que les quartiers péricentraux de Montréal qui ont fortement subi les effets

négatifs de la désindustrialisation dans les années 1970-80 (Fontan, Klein et

Tremblay, 2005).

En matière de développement territorial à Montréal, le gouvernement québécois

mène de front deux stratégies, celle du renforcement de la position de la métropole de

Montréal à l’échelle mondiale à travers la promotion des secteurs stratégiques

(rapport Picard, 1986) dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) et celle de

soutenir le développement économique communautaire à l’échelle microlocale (des

quartiers, des arrondissements) en appuyant les instances de concertation (Klein,

Manzagol, Tremblay et Rousseau, 2005). Le modèle québécois a entamé une

nouvelle ère dans la gouvernance locale avec l’institutionnalisation de l’économie

sociale depuis 1996, à travers la mise en place des organisations intermédiaires,

issues des mouvements sociaux et communautaires à Montréal. Ce sont des structures

qui ont une vocation de concertation et d’intervention pour la revitalisation socio-

économique des quartiers qui font de l’économie sociale un levier de développement

local (Tremblay, 1996). Des réformes territoriales jumelées à la redéfinition des

organisations intermédiaires d’appui au développement ont abouti à la création, à

partir de 1998, des Centres locaux de développement (CLD). Ces derniers sont des

dispositifs de soutien du gouvernement du Québec au développement local et à

l’économie sociale. Depuis 2002, à Montréal, le rôle de CLD est assuré par les

corporations de développement économique communautaire (CDEC) à l’exception de

la localité de Verdun, objet de notre recherche, où ce rôle est assuré par

l’arrondissement.

Dans quelle mesure ces organismes intermédiaires et ces nouvelles dynamiques

d’actions collectives ont influencé l’orientation du développement de leur territoire

dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale? Quel est le leadership local

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construit par ces mouvements sociaux et s’inscrit-il dans les nouveaux paradigmes et

dans la dynamique d’inclusion socioterritoriale? Ces questionnements font partie des

débats sur les effets structurants des initiatives locales de développement qui se sont

appuyées sur l’économie sociale pour revitaliser leurs territoires et lutter contre la

pauvreté et l’exclusion sociale.

1.3 Les initiatives locales de développement et l’économie sociale

1.3.1 L’économie sociale, réalités et pratiques sociales

La crise économique des années 1980 a provoqué l’augmentation du taux de

chômage et la dévitalisation de plusieurs quartiers. En réponse à cela, des

organisations du milieu communautaire et de la société civile se sont impliquées dans

le développement économique pour proposer des solutions aux problèmes du

chômage et de dévitalisation de leurs collectivités en s’appuyant sur l’économie

sociale.

Ce sont des services aux personnes visant à combler des besoins non satisfaits par

l’État Providence (activité à dominance non marchande) et des activités

économiques pour favoriser l’insertion de personnes exclues, ou encore des

initiatives pour revitaliser un territoire urbain ou rural en déficit (Lévesque et

Mendell, 2004 : 4)

Leurs interventions visent à palier les limites de l’économie de marché et des

politiques traditionnelles de l’État dans le contexte post-fordiste et du changement du

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rôle de l’État. L’économie sociale constitue ainsi « une réponse à la crise du système

de production de masse et du providentialisme » (Lévesque, Malo et Girard, 1999 :

2).». Ces limites de l’économie de marché se manifestent à travers la fragmentation

sociale due au creusement des écarts d’inégalités économiques entre les groupes

sociaux et entre les territoires, comme le confirment divers rapports2 depuis le début

des années 1990, et ce malgré les taux relativement élevés de croissance économique

réalisés dans divers pays jusqu’en 2008.

La reconnaissance de la contribution de l’économie sociale dans le redressement

des économies locales et dans l’amélioration des conditions de vie des populations,

ainsi que son institutionnalisation en tant qu’acteur de la gouvernance ont permis de

mettre en évidence des canaux de création et de diffusion de la richesse économique

et sociale autre que le seul marché et les programmes publics. L’économie sociale

devient ainsi « un troisième type d’économie qui caractérise le contexte actuel, avec

l’économie publique et l’économie privée. Ces trois systèmes constituent une

économie plurielle » (Réseau d’investissement social du Québec, 2004 : 9)

Les objectifs affichés par les organismes et les réseaux qui œuvrent pour la

promotion de l’économie sociale, telle qu’elle s’est redéployée dans les années 1990

et qui se sont soldés en 1996 par le rapport du chantier de l’économie sociale «Osons

la solidarité», s’articulent autour de trois axes principaux :

1. La satisfaction des besoins non couverts ni par l’État, ni par l’économie de

marché. Ces actions concernent essentiellement les secteurs mal desservis par

l’économie du marché et par l’économie publique.

2 Rapports OCDE, 1992, 1997, 1999.

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2. L’autonomie de ces organisations par rapport aux instances gouvernementales

ou de celles liées au marché libre. Le défi est d’affirmer leur autonomie par

rapport à l’économie de marché et à l’économie publique et d’inscrire la

dynamique de leur développement autour des valeurs d’équité sociale, de

solidarité entre les territoires et de durabilité.

3. La démocratie dans le processus de décision à l’interne et le partage collectif

des revenus et des surplus générés, notamment dans le cas des entreprises

d’économie sociale.

Dans la pratique en général ou dans les interventions territoriales, l’économie

sociale représente une réalité hétérogène d’un secteur à un autre et d’un territoire à

l’autre (Bouchard, 2011; Laville, 2010). À ce propos, notre étude de cas présente une

expérience singulière à Montréal.

1.3.2 Institutionnalisation et transformation sociale, le débat en cours

Le contexte général et celui de la crise des années 1980 ont mis en évidence

l’incapacité de l’État à faire face aux inégalités économiques et sociales qui se

creusent de plus en plus entre les territoires et entre les groupes sociaux et qui se

traduisent par des fractures socioterritoriales profondes (Klein, Fontan et Tremblay,

2009; Klein et Champagne, 2011). D’un côté, la crise du leadership de l’État et son

incapacité d’assurer la stabilité économique et la cohésion sociale, ont posé la

question de la territorialité de la gouvernance. D’un autre côté, l’institutionnalisation

de l’économie sociale et son rôle dans le développement local posent la question du

leadership local en termes de sa capacité transformatrice dans une perspective

d’inclusion socioterritoriale. Le débat autour de ces questions présente des avis

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partagés quant aux effets de ces initiatives locales de développement et leur capacité

de renverser les tendances à la dévitalisation de leurs collectivités.

Certains soutiennent que l’effet ponctuel et local de l’économie sociale ne

garantit pas l’effet inclusif durable, pour ce qui est de l’insertion des exclus, des

services aux démunis et de la viabilité des collectivités aux prises avec des processus

de dévitalisation économique, notamment lorsqu’il s’agit de faire des organisations

locales ancrées dans l’économie sociale la base d’une politique plus globale de lutte

contre la pauvreté (Amin et al. 2002). Selon ces auteurs, les conditions dans

lesquelles interviennent ces initiatives locales ne permettent pas de concurrencer avec

l’économie publique et l’économie privée en termes de volume d’investissement et de

niveaux de salaires. Ils avancent que l’économie sociale sert à compenser la

réingénierie de l’État, à se plier aux exigences de la compétitivité et à atténuer les

effets de l’exclusion (Amin, 2005). De ce fait, ces initiatives locales risquent

d’institutionnaliser une économie de pauvreté et de misère et de servir à une

adaptation au modèle néolibéral qui renforce la dualisation et l’exclusion

(Vaillancourt et Favreau, 2000 : 5).

D’autres analyses mettent de l’avant la place importante qu’occupent ces

initiatives en termes de création d’emplois et d’insertion des exclus dans le marché du

travail ainsi que sa part dans le PIB3, et en s’appuyant sur des expériences qui ont

montré des résultats probants et parfois d’envergure dans divers domaines de la

finance, des coopératives, des sociétés de développement territorial et des projets de

revitalisation urbaine ou rurale. Ces projets montrent que l’économie sociale

contribue au renforcement du marché local, à la construction des compétences locales

et à l’expérimentation de nouvelles façons de répondre aux problèmes sociaux en

matière d’offre de services et de prise en charge du milieu à l’échelle locale (Klein et

3 Rapport Chantier de l’économie sociale du Québec, 2009.

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Champagne, 2011). L’économie sociale, de ce fait, pourrait être vue comme un

vecteur de développement local (Demoustier, 2004; Hamel, 2005; Joyal, 2002; Klein

et Tremblay, 2011; Klein, 2012a). En lien avec l’innovation sociale, l’économie

sociale est considérée comme un laboratoire ou un incubateur d’expérimentation de

solutions nouvelles aux problèmes pour identifier les expériences innovatrices et

analyser son potentiel de transformation sociale. Les analyses qui en résultent

soulignent que la démarche de l’action collective adoptée par ces initiatives qui

s’appuient sur l’économie sociale pour mobiliser des ressources diverses favorisent la

participation citoyenne et le renouvellement de la démocratie et de la citoyenneté

(Klein et Champagne, 2011).

Ce débat a permis d’engager des réflexions scientifiques plus poussées pour

élucider les controverses autour de la part contributive de l’économie sociale dans la

création de la richesse par rapport à l’économie publique et à l’économie de marché,

pour examiner les mécanismes de participation de ses acteurs dans la production des

politiques publiques, notamment les rapports des organismes communautaires avec

l’État (Jetté, 2008), ou pour observer la participation des acteurs locaux dans la

coconstruction des stratégies de développement territorial (Vaillancourt, 2008; Klein,

Fontan, Harrisson et Lévesque, 2009).

Nous nous intéressons dans notre étude de cas à un aspect fondamental dans ces

débats, celui du leadership qui a conduit ces initiatives locales de développement.

C’est un aspect qui, toutefois, n’a pas fait l’objet de réflexion en tant que tel. Les

effets structurants des initiatives locales de développement qui ont été analysés en

termes de leadership, de gouvernance locale et d’inclusion socioterritoriale dans le

cadre d’études empiriques sur des cas au Québec (Klein, 2009 et Champagne, 2011)

ont fait ressortir l’importance du leadership comme condition de leur succès. Notre

recherche en s’inscrivant dans la suite de ses études a l’ambition d’approfondir cet

aspect particulier, celui du style de leadership. L’étude de cas de l'ODL nous

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permettra de nous pencher sur le type de leadership construit en lien avec la coalition

d’acteurs qui l’a soutenu et qui a grandement influencé le parcours de son

intervention territoriale. C’est une étude de cas qui nous permettra d’observer le rôle

du leadership dans l’institutionnalisation des initiatives locales de développement et

comment il intervient dans l’augmentation de la capacité des acteurs d’orienter ou

d’influencer le développement territorial de leurs collectivités.

1.3.3 L'ODL et la configuration d’un style de leadership

L'ODL s’insère dans le contexte plus global caractérisé par l’engagement des

organisations de la société civile à Montréal dans le développement économique local

de leur communauté, et ce en réponse à la perte d’emplois et à la dévitalisation

provoquées par la crise de l’économie industrielle des années 1980. C’est une

expérience singulière car il s’agit de la seule expérience de développement local à

Montréal qui, tout en se présentant comme une expérience d’économie sociale, n’a

pas été portée par des acteurs du milieu communautaire, mais plutôt par une élite

locale de type traditionnel, ce qui l’a placée en concurrence, voire en conflit avec les

acteurs du mouvement communautaire. La concertation intersectorielle lancée par

l'ODL a abouti à la formation d’une coalition entre les élites politique et commerciale

et a établi un mode de gouvernance qui permettait, lorsque Verdun était un territoire

autonome, de mobiliser des ressources importantes et diversifiées et d’amorcer une

dynamique de transformation dans les rapports entre les acteurs locaux qui a permis

d’assurer des ponts entre la sphère politique et le milieu des affaires ainsi que des

relations avec les professionnels et instances administratives des différents secteurs

d’activité, notamment la santé et l’éducation. Toutefois, la situation institutionnelle

change au début de la nouvelle décennie, notamment quand la ville de Verdun est

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fusionnée à la Ville de Montréal et la coalition d’acteurs qui s’était constituée et qui a

assuré la gouvernance locale perd sa légitimité institutionnelle dans un contexte où

l’économie sociale et l’action communautaire sont portées par des acteurs qui ont

acquis une légitimité sociale forte à Montréal, tels le Chantier de l’économie sociale

et les Corporations de développement économique communautaire, qui n’ont pas

joint l'ODL. La division des forces dans un contexte institutionnel renouvelé semble

menacer la survie même de l'ODL ainsi que la poursuite de l’expérience de

développement local à Verdun. Est-ce qu’une régénération pourrait permettre

d’établir un leadership élargi et partagé, ainsi qu’une concertation inclusive?

L’expérience est toujours en cours et l’analyse de son parcours d’une vingtaine

d’années permettra d’élucider certains aspects de cette question.

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CHAPITRE II

CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

Ce chapitre se présente en deux parties. La première est consacrée au cadre

conceptuel, c’est une lecture de concepts et d’approches qui s’inscrivent dans le

renouveau scientifique et le changement de paradigmes des dernières décennies et qui

présentent une capacité explicative des réalités nouvelles issues du contexte post-

fordiste. Le local, le territoire, la gouvernance, les coalitions d’acteurs et le leadership

sont les concepts clés qui composent cette partie pour aboutir à la formulation des

hypothèses pertinentes pour l’analyse de notre étude de cas de l'ODL. La deuxième

partie concerne la méthode adoptée pour faire une étude en profondeur de l'ODL.

L’objectif de cette partie est d’aboutir à une grille d’analyse qui nous permettra

d’examiner les résultats de l’étude de cas qui seront présentés dans le chapitre IV.

2.1 Cadre conceptuel : le développement par l’initiative locale, la

gouvernance et le leadership

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté le contexte territorial post-

fordiste caractérisé, dans les pays occidentaux, par l’accroissement des inégalités

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sociales et économiques entre les groupes sociaux et entre les territoires. Ceci se

traduit par des configurations socioterritoriales différenciées en territoires gagnants et

territoires perdants dans le cadre de la mondialisation. Un contexte marqué, sur le

plan institutionnel, par le changement du rôle de l’État dans la régulation économique

et sociale et par les mutations qui se sont produites dans la gouvernance locale suite à

l’émergence de nouveaux acteurs et des initiatives locales de développement. En ce

qui concerne le modèle québécois de développement, celui-ci a été marqué par une

régénérescence dans les années 1990 avec l’institutionnalisation de l’économie

sociale et les nouvelles stratégies de développement local qui privilégient la

concertation et le partenariat entre différents acteurs et surtout l’intégration des

acteurs sociaux dans la gouvernance. La lecture des nouvelles pratiques

d’interventions territoriales menées par les acteurs sociaux suite à la crise

économique des années 1980, sur le territoire montréalais notamment, permet de

poser plusieurs questions qui constitueront la trame de fond du cadre conceptuel dans

ce chapitre et qui concernent la réflexion sur le leadership et sur la territorialité de la

gouvernance et sa capacité d’être inclusive.

2.1.1 Le développement par l’initiative locale et l’inclusion socioterritoriale

L’analyse des initiatives locales de développement exige un croisement de

regards de l’ensemble des outils conceptuels apportés par les nouvelles approches

afin de capter les dynamiques à l’œuvre qu’agencent les différents acteurs pour

expliquer les mutations dans la gouvernance locale (Arocena, 2001). Depuis les

années 1970, la réflexion scientifique dans les sciences humaines a constaté un

changement paradigmatique lié à la remise en question de l’historicité de l’action

sociale, en rupture avec le déterminisme dans les rapports sociaux de production et le

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sens unique du progrès technique. Ainsi, l’actionnalisme sociologique (Touraine,

1982) a replacé l’acteur au centre de l’action sociale et a ramené l’attention des

chercheurs sur la spécificité des lieux dans le contexte de la mondialisation (Aydalot,

1985, Benko, Lipietz, 1999; Pecqueur, 2000; 2006). Le territoire a ainsi été vu

comme la source d’initiatives locales avec la mise en évidence du lien entre l’action

collective et l’attachement au lieu dans lequel elle émerge (Klein, Fontan et Tremblay,

2009).

2.1.1.1 L’initiative locale, source de construction du territoire local

La notion de territoire a fait l’objet d’analyses pluridisciplinaires approfondies

dans le cadre de l’exploration du développement endogène (Aydalot, 1983; Benko et

Lipietz, 1992; Vachon, 1993; Lévesque, 1996; Arocena, 2001). Ces analyses ont fait

ressortir les dimensions intrinsèques du territoire qui, jusque-là, constituaient une

boîte noire dans les théories de développement classiques et néoclassiques (Moulaert

et Nussbaumer, 2008), car elles s’intéressaient peu aux dynamiques sociale, culturelle

et institutionnelle du territoire dans le développement. Ainsi, le territoire se révèle

comme source d’identité en réaction au global (Arocena, 2000), comme « une sorte

de ciment du lien social » en rapport avec l’effet de la proximité qui favorise les

interrelations entre acteurs et le sentiment d’appartenance (Castells, 1998) ou comme

« un espace institué, qui structure des arrangements spécifiques entre les individus et

les acteurs sociaux » (Klein, 2008).

Sur le plan épistémologique, le concept de territoire renvoie à la notion de lieu

qui constitue le concept de base de l’institutionnalisation de la géographie en tant que

science, telle que fondée au début du XXè siècle par Vidal de LaBlache. Celui-ci a

défini la géographie comme la « science des lieux » (1913, p.297 cité dans Klein,

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1986), s’appuyant sur « la région » comme unité géographique dans laquelle prennent

place les « genres de vie ». Cette dernière notion exprime une perception du lien

qu’entretient la société avec l’espace et qui privilégie le local comme base de

développement, dans une vision plus « localiste », en opposition à une vision

« globaliste » nationale prônée alors par la sociologie (Durkheim, 1919). Avec le

triomphe de l’industrialisation et la domination de l’État central, le territoire national

s’est imposé comme l’échelle exclusive de la gouverne au détriment des spécificités

locales, lesquelles étaient vues comme une réaction contre la modernité. Cette

opposition qui a animé, jadis, des débats intenses sur les définitions de la société, de

la communauté ou de la collectivité, redevient d’actualité avec l’émergence du local

dans le contexte de la mondialisation (Cox, 1997).

Le local dans ce contexte ne fait pas référence à un lieu (localisme), ni à un

territoire prédéfini ou décrété mais à une construction d’acteurs; «un système

d’acteurs qui se concertent parce qu’ils partagent une identité commune à un territoire,

un sentiment d’appartenance qui les amène à développer une conscience territoriale et

à réaliser des actions partenariales » (Klein, 1997). Dans ce sens, la référence au local

favorise la mobilisation des ressources endogènes, notamment les actifs intangibles

comme la confiance et l’identité territoriale, qui sont saisies pour expliquer la

construction du territoire local (Fontan, Klein et Tremblay, 2005; Klein, Fontan et

Tremblay, 2009). Le territoire local est de ce fait un construit entamé par le bas par

des initiatives locales, en lien avec le global dans lequel il est imbriqué à différentes

échelles institutionnelles. Il se trouve, ainsi, au cœur d’une dynamique de

reconfiguration territoriale structurée en réseaux qui favorise la mobilisation des

ressources exogènes nécessaires au développement des collectivités dans le contexte

de la mondialisation. « L’initiative locale est un fait territorial dont l’élaboration et les

effets dépendent des contextes conflictuels et hiérarchisés, aussi bien locaux que

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mondiaux, où elle se construit. » (Klein, Fontan et Tremblay, 2009). Le territoire

local ainsi conçu est devenu un espace de régulation et de développement.

La perspective territoriale du développement se pose en termes d’action

collective, d’institutionnalisation et de gouvernance. L’action collective est devenue

une option nécessaire dans la production de l’action publique, avec la diminution du

leadership de l’État, et constitue une source de légitimité d’intervention. Dans ce

contexte, l’enjeu pour les acteurs sociaux est d’augmenter leur capacité d’orienter les

transformations sociales et politiques qui s’opèrent sur leurs territoires. L’analyse des

initiatives locales dans une perspective socioterritoriale inclusive s’intéresse aux

dynamiques qui sont à l’origine de leur émergence, à leur rôle dans le processus

d’institutionnalisation et à leur capacité de transformation sociale.

2.1.1.2 Le développement par l’initiative locale; un modèle

Le modèle de développement par l’initiative locale (Klein, 2008) s’inscrit dans le

renouveau de l’analyse du développement économique et permet d’observer le

processus d’évolution des initiatives locales qui ont émergé dans le contexte post-

fordiste en réaction aux crises économiques et sociales. Le modèle de développement

par l’initiative locale (voir schéma), que nous empruntons pour la présentation de

notre étude de cas, comprend trois étapes stratégiques. Pour la présentation des étapes

d’un parcours idéal d’une initiative locale qui arriverait à atteindre ses objectifs et qui

contribuerait à la revitalisation du milieu local, nous nous inspirons de Klein (2011;

2012a).

1) Dans un contexte de crise, le lancement, que ce soit par un individu ou par un

groupe, d’une action qui vise à répondre à un besoin local, à trouver une solution à un

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problème social, économique ou culturel ou à réaliser une aspiration de la collectivité

locale afin de changer son sort, constitue la première étape d’une initiative locale. Les

leaders de telles initiatives sont amenés à rechercher des alliances et à construire des

compromis avec les acteurs des milieux public ou privé. La question de la légitimité

se pose pour les leaders de ces projets afin d’assurer leur reconnaissance par la

collectivité ou par les groupes concernés. Cette légitimité leur permet de s’organiser

et de coordonner les actions de développement pour identifier des objectifs communs

et mobiliser les ressources pour les atteindre. À cette étape, le capital humain et le

capital social dont disposent les leaders sont des composantes importantes qui leur

permettent de saisir les enjeux locaux et d’établir des rapports de confiance et de

coopération entre les acteurs. Ceux-ci se traduisent par des alliances qui sont à la base

de la formation de coalitions d’acteurs et du renforcement de leur leadership.

2) La deuxième étape concerne la mobilisation des ressources endogènes et

exogènes (humaines, organisationnelles, culturelles, financières, etc.) nécessaires

pour faire avancer le projet. Les ressources endogènes font référence au capital

socioterritorial qui comprend des éléments tangibles et intangibles tels que l’identité,

les réseaux sociaux, la culture organisationnelle, la capacité de coopération entre

acteurs. Les ressources exogènes sont aussi importantes, car les milieux

d’intervention sont souvent dépourvus de ressources suffisantes nécessaires à leur

développement. La mobilisation des ressources s’effectue dans le cadre d’une

dynamique relationnelle entre acteurs autour de l’identification d’objectifs

stratégiques qui devraient rejoindre les différentes composantes de la collectivité.

Cette dynamique territoriale favorisée par la proximité et les interrelations entre

acteurs est également source de tensions et de rapports conflictuels. La résolution de

ces conflits constitue un processus d’apprentissage continu qui permet l’appropriation

du projet par les acteurs du milieu et par les différents groupes sociaux de la

collectivité et la création de solidarités locales. Celles-ci se traduisent par des

montages de partenariats divers autour du projet territorial et par la capacité des

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leaders à établir des compromis autour des enjeux de développement pour la

collectivité locale. Les partenariats construits permettent de stabiliser ces compromis

qui rejoignent les acteurs concernés par le projet et aboutissent à la formation de

coalitions d’acteurs.

3) La troisième étape correspond au développement du sentiment d’appartenance

au territoire par l’appropriation du projet territorial construit par les acteurs du milieu

local. Ce processus collectif de construction du projet territorial est à la base du

développement d’une « conscience territoriale ». Le développement de la conscience

territoriale permet de dépasser les clivages entre groupes sociaux et entre les

différents secteurs pour instaurer de nouvelles perspectives de développement à partir

du local et de privilégier des rapports sociaux de type transversal et horizontal entre

acteurs et institutions. Ceci se traduit par la mise en place de nouvelles pratiques

collectives de régulation et de résolution de conflits et permet d’atteindre le

consensus nécessaire pour réaliser les objectifs stratégiques de développement

territorial et d’élaborer des politiques publiques spécifiques et adaptées aux réalités

locales.

Ce parcours idéal d’une initiative locale de développement réussie dans le sens

d’un développement socioterritorial inclusif, retrace un processus qui consiste à

favoriser le lancement de nouvelles initiatives et de nouvelles solidarités locales qu’il

y a lieu d’institutionnaliser pour assurer leur durabilité. C’est un processus

d’apprentissage collectif continu entre acteurs qui leur permet d’identifier les

objectifs communs et aboutir à des compromis nécessaires à l’établissement de

partenariats. Ceux-ci permettent d’augmenter la capacité d’agir de la collectivité à

travers la mise en place des conditions nécessaires pour le lancement de nouvelles

initiatives et pour l’institutionnalisation des solidarités locales qu’elles génèrent. Le

développement par l’initiative locale pose ainsi la question de la gouvernance locale

dans une perspective d’inclusion socioterritoriale.

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Figure 2.1 : Schéma du modèle du développement par l’initiative locale

Dans la partie suivante, nous allons porter un éclairage sur le concept de

gouvernance locale tel que proposé par les théories qui s’y sont intéressées pour

comprendre comment s’opère la transformation sociale et son institutionnalisation et

comment les acteurs interviennent pour opérer un changement ou le maintien d’un

système de gouvernance local.

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2.1.2 La gouvernance locale : structuration du pouvoir local et sentiers

institutionnels

Depuis les années 1980, la réflexion sur le développement territorial a ciblé les

questions politiques et institutionnelles liées à la gouvernance (Saucier et al. 2007).

Le concept de gouvernance a pris une place importante du fait des difficultés qui se

posent pour définir et caractériser les modes de régulation, suite à l’éclatement du

système fordiste de régulation unifié de l’économique et du social dans le cadre de

l’État-nation (Klein, 2008). La gouvernance est un terme associé à la pluralisation des

acteurs qui interviennent dans le développement des territoires (Le Galès, 1995) et

permet d’identifier de nouvelles pratiques collectives et de nouvelles formes d’action

publique, basées sur la négociation et le partenariat entre acteurs locaux (Jouve, 2003).

Dans des contextes de mutations sociopolitiques et de montée en légitimité des

intervenants communautaires et sociaux au Québec dans les années 1980-90, certains

auteurs parlent de « la nouvelle gouvernance » pour désigner la restructuration des

rapports entre l’État, le marché et la société civile (Lévesque, 2005) et la

transformation du rôle de l’État dans le domaine de l’élaboration des politiques

économiques et sociales comme co-intervenant dans l’élaboration des politiques

publiques. L’attention est donc portée sur les acteurs dans leur pluralité et sur la

restructuration de leurs rapports de pouvoir dans le cadre local.

2.1.2.1 Les coalitions d’acteurs et la structuration du pouvoir local

Pour analyser la gouvernance, des auteurs étatsuniens ont élaboré le concept de

« régime urbain » (Logan et Molotch, 1987), qui s’intéresse aux acteurs et à leur

capacité d’agir, pour modifier les règles et l’évolution du marché dans le sens qui leur

est favorable, en construisant des coalitions (Le Galès, 1995). Au départ, ces études

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concernaient les « coalitions de croissance » qui interviennent dans le cadre des

projets urbains (des méga projets ou des projets de revitalisation) et qui ont été

dénoncés en raison des conséquences qu’ils ont produites en termes de fragmentation

des territoires et de ségrégation sociale (Rodriguez, 1996). Le concept de coalition

visait à identifier les élites politiques et économiques dominantes dans l’élaboration

de ces politiques urbaines (Dowding, 2001). Ce sont des politiques de compétitivité

territoriale de soutien de la croissance économique par une mobilisation des

ressources endogènes. Dans les années 1990, apparaît une perspective critique sur les

questions de gouvernance et la réexploitation des notions de régimes urbains et de

coalition de croissance (Pinson, 2002). Dès lors, le pouvoir est associé à la capacité

d’agir, plutôt qu’à un processus de contrôle social et de domination (Stoker, 1995).

La mise en évidence de la capacité d’agir des acteurs locaux dans la perspective de

structuration des rapports de pouvoir, en lien avec le capital humain et le capital

social dont disposent les acteurs. Des réflexions ont été entamées sur le rôle des

acteurs locaux dans l’intervention territoriale, sur les raisons qui les poussent à

coopérer et sur les rapports sociaux établis afin d’influencer les décisions politiques

(Le Galès, 1995; Stoker, 1991; 1995).

Des théories à moyenne portée ou de niveau intermédiaire se sont développées

pour analyser les nouvelles pratiques d’action collective pour rendre compte des

différences entre les régimes urbains en multipliant les études de cas, sans prétendre

expliquer l’ensemble des transformations (Le Galès, 1995), telles que les théories des

coalitions, du corporatisme et des réseaux. La théorie des régimes urbains s’enrichit

avec des travaux empiriques qui vont s’intéresser plus aux coalitions d’acteurs. Nous

retenons la définition d’une coalition comme « un groupe d’acteurs informels,

quoique relativement stable, ayant un accès aux ressources institutionnelles ce qui lui

permet d’avoir un rôle effectif dans la prise de décision politique. » (Stoker, 1995).

L’approche des coalitions questionne les relations de pouvoir inscrites à l'intérieur

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des processus décisionnels dans la gouvernance urbaine et cherche à déterminer qui

prend les décisions et comment, pour créer, renouveler ou reproduire un régime

urbain.

L’intérêt de l’approche des coalitions telle que revue dans les années 1990-2000

est qu’elle permet une analyse dynamique de la structuration du pouvoir local qui

tient compte des conflits entre acteurs et de leurs différences d’intérêts en regard de

leurs espaces urbains. Elle explique la formation de la coalition d’acteurs et le

processus de légitimation et de stabilisation des rapports sociaux permettant de

réaliser des projets collectifs (Stone, 2003). L’action collective et la mobilisation des

ressources sont déterminantes dans la structuration des partenariats entre les

différents acteurs. Depuis les années 1980, l’action collective n’est plus l’apanage des

seuls acteurs sociaux et est devenue un objectif implicite dans les politiques de

régénération urbaine pour mobiliser les acteurs institutionnels (Dormois, 2008). La

nature des ressources mobilisées dépend des objectifs de l’action publique entamée

par la coalition d’acteurs et du leadership proposé. Ainsi, la mobilisation des

ressources institutionnelles permet la stabilisation du pouvoir et la mobilisation de

nouvelles ressources permet son renouvellement (Lagroy, 2003).

Ces études ont identifié plusieurs types de coalitions et les différents types de

partenariats. Aux États-Unis, les types de coalitions identifiés dans les régimes

urbains étudiés, sont dominés par le corporatisme et l’élitisme (Deitrick, 1999). Ces

études se sont peu intéressées aux coalitions de développement plus larges et de

nature plus inclusive qui ont été initiées par des acteurs sociaux, comme celles mises

en place au Québec. La différence tient principalement au type de leadership que

soutiennent ces coalitions, un leadership élitiste versus un leadership partagé.

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2.1.2.2 La capacité d’agir des acteurs et les sentiers institutionnels

Pour expliquer la reproduction et le changement de l’ordre institutionnel, les

approches néoinstitutionnalistes, associées à la redécouverte des institutions dans les

années 1970, se sont intéressées à la genèse des institutions, au contexte de leur

création et au processus d’institutionnalisation. Selon les auteurs régulationnistes

(Michel Aglietta, Robert Boyer, Benjamin Coriat, Alain Lipietz), les conflits entre

groupes et classes sociales sont à l’origine des institutions. Les institutions ont pour

rôle d’assurer la régulation des conflits à travers l’établissement de compromis (Klein,

2008). L’institutionnalisation serait un processus cognitif et politique, « un processus

dialectique entre le conflit et le consensus et reposant sur la contradiction entre les

forces instituées et les forces instituantes » (Chevallier, 1996). Dans ce cadre, la

gouvernance (ou le mode de gouvernance) serait constituée des arrangements

institutionnels impliqués dans la coordination des acteurs économiques et dans la

distribution du pouvoir entre eux dépendamment du contexte social (Stone, 2003).

Pour ne pas réintroduire le déterminisme dans l’action sociale et expliquer la

reproduction des institutions comme produit de conflits, des auteurs

néoinstitutionnalistes ont élaboré le concept de path dependency ou la dépendance

des sentiers. C’est un processus par lequel les choix antérieurs (l’histoire) des acteurs

ou des collectivités affectent leurs possibilités et alternatives. « Cela signifie que

même quand les décideurs politiques prennent l’initiative de redéfinir des institutions,

ils sont contraints dans leur perception par les contraintes culturelles encastrées dans

les institutions existantes » (Thelen, 1999 :386; Tardif, 2007). Le concept de la

dépendance des sentiers est également utilisé pour rendre compte des différences

territoriales en matière de gouvernance (Hall et Taylor, 1996), notamment en

identifiant des trajectoires d’évolution différentes (Fontan, Klein et Tremblay, 2005).

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Les analyses de la gouvernance locale dans le cadre des théories de régimes

urbains et des théories néoinstitutionnalistes qui traitent de la dépendance de sentiers,

se sont appuyées sur le concept de capital social (Putnam, 1996; Granovetter, 2000)

pour expliquer l’importance des acteurs dans la structuration des rapports sociaux et

dans les transformations sociales. Le capital social fait référence aux réseaux sociaux

qui se tissent sur la base de la confiance en autrui et sur la coopération. Le capital

social a été reconnu comme un facteur déterminant dans la création de la richesse.

Appliqué au territoire, le concept de capital socioterritorial a été proposé pour mettre

en évidence l’ancrage territorial des composantes du capital humain (formation,

compétences) et du capital social (confiance, réseaux, lien social) et son importance

dans l’orientation de l’évolution des territoires (Fontan, Klein et Tremblay, 2005;

Klein, Fontan et Tremblay, 2009).

2.1.3 Le leadership élitiste versus le leadership partagé

L’introduction des logiques sociales dans l’analyse de la gouvernance locale et la

révision de la notion du pouvoir en tant que capacité d’agir, en opposition à un

exercice de contrôle et de domination, permettent de mieux comprendre l’intervention

territoriale des acteurs et les processus qui rentrent dans la construction de leur

leadership. La question du leadership est redevenue centrale dans la gouvernance

locale, suite à des études qui y ont vu un facteur majeur de la réussite des initiatives

locales (Klein et Champagne, 2011). Avec la pluralisation des acteurs qui

interviennent dans l’action publique au niveau local et avec la diversité des réalités

socioterritoriales générées par des coalitions de pouvoir différentes traduites dans des

sentiers institutionnels spécifiques, les nouveaux défis qui se posent aux acteurs en

matière de gouvernance locale concernent essentiellement l’intégration de l’ensemble

des acteurs locaux qui interviennent dans le développement territorial et l’inclusion

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socioterritoriale des collectivités locales pour contrer les effets négatifs de la

mondialisation (Fontan, Klein et Tremblay, 2005). Il importe ainsi de retracer le lien

entre la nature de ces coalitions et le type de leadership proposé pour produire

l’action publique et son rôle dans la reproduction ou dans le changement des rapports

sociaux dans la collectivité locale et par conséquent dans son développement.

Dans ce cadre, la rigidité des formes de leadership qui ont prévalu sous l’égide de

la régulation fordiste ont montré leur incapacité à répondre aux nouveaux défis du

contexte de la mondialisation. L’analyse inspirée par l’approche des régimes urbains

a apporté un éclairage intéressant sur la nature des coalitions qui soutiennent le

leadership et a montré que la régénérescence des régimes urbains menée par des

coalitions formées par des élites locales aboutit à la reproduction du pouvoir local en

place. L’effet limité, de ce type de leadership ne permet pas d’opérer les changements

nécessaires sur le plan organisationnel et institutionnel et de s’ouvrir sur l’ensemble

des acteurs du territoire afin d’agir adéquatement sur les réalités locales. Ce type de

leadership, malgré l’efficacité affichée en termes de stabilité et de durabilité des

coalitions qui le soutiennent, freine les capacités d’action de la collectivité locale et

ne favorise pas les transformations institutionnelles nécessaires pour introduire

l’équité, la solidarité et la durabilité dans le développement territorial.

Dans ce sens, la construction de « nouveaux sentiers de développement » (path

building) (Fontan, Klein et Tremblay, 2008), doit miser sur la participation citoyenne

dans l’action collective et sur la mobilisation de nouvelles ressources tangibles et

intangibles puisées dans le capital socioterritorial des collectivités. Les études

empiriques sur les expériences réussies des initiatives locales de développement ont

montré que ces initiatives privilégient un leadership collectif et partagé et proposent

des systèmes innovants de gouvernance participative et inclusive (Klein et

Champagne, 2011; Klein, 2012b).

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Si l’effet structurant du leadership dans l’intervention territoriale a été

relativement bien analysé, l’analyse du type ou des types de leadership issus des

différentes coalitions identifiées n’a pas fait jusque là l’objet d’une attention

particulière dans les travaux de recherches scientifiques dans ce domaine. Le rôle de

l’action collective dans la légitimation des leaders de l’intervention territoriale et la

nature des ressources mobilisées en lien avec le type de coalitions d’acteurs, sont des

aspects qui restent à élucider dans la conceptualisation du leadership local.

La notion de leadership a, néanmoins, fait l’objet d’une littérature abondante

depuis la fin du XXe siècle, notamment dans les champs politique et économique.

Cependant, les auteurs qui s’y sont intéressés ont souvent critiqué les aspects qui

limitent sa portée analytique et qui lui donnent un sens vague et synthétique (dans les

discours journalistiques), ou mystérieux et inaccessible (comme les personnalités

charismatiques), ou un sens qui banalise son contenu (pour diffuser des applications

de réussite de carrières professionnelles). Ceci a amené certains auteurs à poser la

question sur la pertinence du concept de leadership et sur son utilité (Smith et al.,

2003). Avec le regain d’intérêt pour ce concept, plusieurs disciplines s’y sont

intéressées, notamment la sociologie, la psychologie, l’anthropologie, la gestion, et ce

dans divers domaines (éducation, santé). On a ainsi distingué plusieurs types de

leadership (transactionnel, transformationnel, laisser faire, positif, négatif). Ceci

s’explique par le besoin de régénérer le leadership dans un contexte marqué par

l’incertitude et l’instabilité1.

Le renouvellement de l’analyse du leadership dans une perspective territoriale

s’intéresse à celui-ci comme un construit social, c'est-à-dire comme un processus qui

s’inscrit dans l’action sociale. Il réfère à la capacité d’agir de l’acteur et la capacité de

1 Voir le dossier « Le Québec en panne de leadership » publié dans L’état du Québec 2012 (Fahmy,

2012).

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transformation des rapports sociaux pour orienter ou influencer le développement

d’une communauté ou collectivité. Dans cette perspective, l’analyse du profil des

leaders, en relation avec le capital humain et le capital social dont ils disposent et les

coalitions sociales qui leur permettent de les mobiliser est cruciale pour comprendre

les éléments qui sont à la base de la capacité des collectivités de transformer leur

milieu institutionnel.

L’analyse sur les initiatives locales de développement présente le leadership sous

trois formes qui s’inscrivent dans un processus évolutif (Klein et Champagne, 2011).

Le leadership individuel, lequel concerne des personnes qui ont des

dispositions personnelles et professionnelles en termes de capital humain

(connaissance, compétences, savoir-faire) et de capital social (reconnaissance

sociale, insertion dans des réseaux locaux et globaux). Ces éléments rentrent

dans la légitimation de leurs actions dans la collectivité.

Le leadership organisationnel, lequel fait référence aux organisations

auxquelles appartiennent ces leaders locaux et qui portent l’initiative. Ces

organisations peuvent intégrer les objectifs stratégiques du développement du

territoire, tels que identifiés par la collectivité, dans leurs programmes et

peuvent ainsi influencer les actions publiques sur leurs territoires.

le leadership socioterritorial, correspond aux liens qui se tissent entre les

acteurs locaux et les différentes organisations auxquelles ils appartiennent et

entretiennent des réseaux interreliés à différentes échelles de gouvernance. Ce

maillage permet d’établir des coalitions inclusives entre acteurs et groupes

d’acteurs autour des enjeux de développement et est à la base de la création

d’une conscience territoriale.

Les nouvelles approches qui cadrent le leadership dans le contexte du

développement territorial privilégient les relations de coopération, de partenariat, de

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médiation et d’intermédiation dans la mise en place des systèmes de régulation

(Ninacs, 2008; Klein et Champagne, 2011; Klein, 2012b). Celles-ci se traduisent par

de nouvelles pratiques collectives de régulation et de résolution de conflits, par de

nouveaux modes d’organisation et de concertation.

La logique socioterritoriale inclusive suppose donc un leadership partagé soutenu

par des coalitions larges qui favorisent le soutien de l’action citoyenne, la

participation des différents acteurs au processus de décisions et la prise de parole pour

assurer la continuité et le renouvellement du leadership dans ces systèmes de

gouvernance. Dans cette perspective, un leadership partagé est déterminant dans

l’action territoriale qui vise à mettre en place une gouvernance plurielle et intégrative.

Autrement dit, un leadership partagé permet d’orienter les relations de pouvoir

inscrites à l'intérieur des processus décisionnels de développement vers une

gouvernance qui accroit la capacité d’agir des acteurs locaux permettant ainsi de

structurer des partenariats sur la base des valeurs d’équité, de solidarité et de

durabilité.

À Montréal, le leadership communautaire a constitué une pièce maîtresse dans

l’institutionnalisation de l’économie sociale et a donc jeté les bases d’une

gouvernance locale plurielle et intégrative. Le leadership communautaire ainsi

construit a permis de construire des coalitions qui ont institutionnalisé la démarche du

développement économique communautaire et à faire de l’économie sociale un

vecteur de développement local (Fontan, Klein et Tremblay, 2005; Klein, Fontan,

Harrisson et Lévesque, 2009). La reconnaissance de l’économie sociale comme un

acteur de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans le cadre d’instances

intermédiaires où siègent les acteurs de l’économie sociale aux côtés des autres

acteurs de l’économie du marché et ceux de l’économie publique a permis

d’institutionnaliser une gouvernance plurielle en milieu local.

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42

Notre étude de cas relative à l’initiative locale de l'ODL nous montrera un cas de

leadership soutenu par l’élite locale qui a conduit la revitalisation de sa collectivité à

la fin des années 1980. En misant sur la mobilisation des ressources institutionnelles

et sur la concertation intersectorielle, il s’est trouvé incapable cependant de proposer

une gouvernance locale intégrative et inclusive. L’analyse du type de leadership qui a

orienté l'ODL à Verdun nous montrera que les initiatives locales s’insèrent dans des

contextes institutionnels structurés à plusieurs échelles. C’est ce que nous avons

identifié précédemment comme la dépendance de sentier, ou « path dependency ».

L’hypothèse que nous voulons développer ici est que la façon dont se construit le

leadership est en relation avec la capacité institutionnelle des acteurs qui portent les

initiatives locales, c'est-à-dire leur capacité de transformation du cadre institutionnel

(Stone, 2003; Tardif, 2007). Cette capacité est liée à la nature de la coalition qui

soutient le leadership. Plus les coalitions sont larges et inclusives, plus les initiatives

locales sont capables de transformer les sentiers institutionnels et plus ce milieu est

capable de développer sa capacité innovatrice (Hula, 1997; Stone, 2001). C’est

l’hypothèse qui orientera notre analyse.

Notre étude de cas permettra d’observer plus précisément les éléments qui

rentrent dans la construction du leadership et les types de rapports entretenus par les

leaders avec les milieux politique, économique et social et les options suivies dans les

processus de concertation entre les différents acteurs locaux, ainsi qu’avec les

différents réseaux et instances décisionnelles à différentes échelles. Ceci nous

amènera à privilégier l’analyse des variables suivantes (voir la grille d’analyse en

annexe1) :

- les conditions d’émergence des leaders,

- l’accès des leaders à l’information

- la reconnaissance des leaders par les acteurs endogènes et exogènes

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43

- l’importance des options choisies dans la planification des projets, soit l’accès

des leaders à l’information et les types de partenariats établis,

2.2 Démarche méthodologique

L’objectif de cette étude de cas est de documenter l’expérience de revitalisation

du territoire de Verdun et de ressortir les spécificités de l’intervention de l'ODL pour

répondre aux problématiques locales. La démarche adoptée s’inscrit dans une analyse

empirique et qualitative et repose sur trois volets : une revue documentaire,

l’observation participante et des entrevues semi-dirigées. Une grille d’analyse est

élaborée à cet effet à partir de l’hypothèse de base présentée précédemment (voir

annexe 1)

2.2.1 La révision des documents

La documentation consultée nous permettra de comprendre et de présenter les

principaux facteurs qui ont provoqué la crise économique sur le territoire de Verdun.

Elle nous permettra de saisir et d’analyser la problématique sociale du territoire et de

documenter le processus d’évolution du leadership de l'ODL. En ce qui concerne la

documentation sur l'ODL comme tel, toute la documentation disponible et accessible

a été consultée que ce soit en format numérique (les sites web de l'ODL, de la

fondation de développement local, du centre d’affaires et sites divers sur Verdun) ou

des documents imprimés (sondages, diagnostics, actes de colloque, bilans financiers,

rapports de divers projets, procès-verbaux des conseils d’administration). Toutefois,

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44

une partie des archives de l'ODL située dans les anciens locaux en raison des

déménagements n’a pas été accessible. Les documents contractuels avec la

municipalité ont été obtenus directement auprès de la direction de la Ville, devenue

arrondissement en 2001.

Les études sur l'ODL et le territoire de Verdun ont été consultées et analysées et

sont prises en compte dans le présent travail. Les principales études sont les

suivantes :

Clavette, Suzanne. 1986. « Des bons aux chèques : aide aux chômeurs et

crise des années 1930 à Verdun », Thèse de doctorat en Histoire, Université

du Québec à Montréal. Cette étude historique sur Verdun permet de voir

Verdun au début du siècle passé, notamment les acteurs à l’œuvre dans la vie

politique, économique et sociale de la ville. 364p.

Grenier, Anne-Marie.1998. « Une recherche évaluative sur l’initiative du

Organisme de développement local : un processus de développement local »,

Mémoire de maîtrise, Sherbrooke, Université de Sherbrooke. 398p. Ce

document couvre l’expérience de l'ODL depuis son démarrage en 1989

jusqu’à l’année 1998. Il comprend un inventaire détaillé des projets pilotés par

l'ODL et des divers conflits qui ont marqué ses rapports avec les acteurs du

milieu. L’auteure inscrit la démarche d’intervention de l'ODL dans celle du

développement économique communautaire, perspective dont nous nous

dissocions.

L’Écuyer, Daniel. 1995. « La démarche de Verdun dans le cadre de

développement local », Mémoire de maîtrise, Université de Montréal. 150p.

L’auteur s’est concentré sur la période de démarrage jusqu’en 1993-94. En

raison de sa fonction de responsable du département de l’urbanisme de la

Page 57: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

45

municipalité et ayant participé activement à cette étape de l’expérience de

l'ODL, il a privilégié les rapports entretenus entre l'ODL et la Ville de Verdun.

Prévôt, Paul et Yan Lambert. 1996. « Étude de cas du Organisme de

développement local », Rapport présenté à la Direction de la Santé Publique

de Rosemont. Sherbrooke, Université de Sherbrooke. p.57. Paul Prévost,

chercheur en développement local, a agi comme conseiller des dirigeants de

l'ODL.

Bel Hocine, Noureddine. 1996. « La réinsertion socio-professionnelle des

chômeurs et des exclus : le cas de la corporation de travail du Organisme de

développement local », Rapport élaboré dans le cadre d’un projet de recherche

doctorale sur l’employabilité. (PROGRAMME-UNIVERSITÉ) 58p.

Beaumont, Yan. 2005. « Les organismes communautaires de développement

local et leur articulation avec les autres paliers d’intervention du territoire

métropolitain : le cas de Verdun », Mémoire de maîtrise en études urbaines,

Montréal, Université du Québec à Montréal, 128 p.

Fontan, Jean-Marc, Pierre Hamel, Richard Morin et Eric Shragge. 2007.

« Action collective et développement local en région métropolitaine : le cas de

Montréal ». Bibliothèque Nationale du Québec.145 p. Ce rapport de recherche

comprend une étude de cas sur Verdun.

Jetté, Christian, et Christian Paquin. 2009. « Agir ensemble à Verdun : portrait

et enjeux socioéconomiques du territoire », Cahiers de recherche du

LAREPPS, n° 09-10. Université du Québec à Montréal. 153 p. C’est une

étude lancée par le Conseil de Développement Social de Verdun (CDSV) pour

établir un diagnostic du territoire de Verdun.

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46

2.2.2 L’observation participante

Nous avons privilégié l’observation participante comme technique de recherche

dans l’analyse du cas de l'ODL, car c’est la méthodologie la plus appropriée pour

rendre compte de la complexité de cette expérience, pour examiner de près les

différents rapports entretenus avec les partenaires qui interviennent dans les

différentes sphères politique, économique et communautaire (négociations, conflits)

et pour faciliter la collecte des différents points de vue. Dans le cadre de l’observation

participante, « on cherche à s’intégrer au groupe, à en faire partie pour mieux

l’étudier », affirme Diaz (2005). Or, c’est justement ce qu’il faut pour étudier un cas

aussi complexe et aussi controversé que celui de l'ODL.

L’intérêt de l’utilisation de l’observation participante dans la présente étude tient

à plusieurs faits :

l’accès à certaines informations ne peut se faire que de l’interne,

une expérience d’une vingtaine d’années, dense en termes de cumul

d’informations, qui a traversé plusieurs étapes, qui a interpellé une multitude

d’acteurs, qui est fortement imbriquée dans les sphères politique et privée et

qui suscite diverses perceptions sur sa position et son positionnement, ne

pouvait pas être étudiée uniquement par l’analyse de documents.

Pour procéder à l’observation participante, une entente a été établie entre la

direction de l'ODL et le responsable du projet dans lequel s’insère ce mémoire, Juan-

Luis Klein, ce qui nous a permis d’assister aux différentes réunions et activités

organisées par l’organisme et d’accéder à l’information interne. Il est important de

mentionner l’intérêt manifesté par les responsables de l'ODL pour l’étude et de

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47

souligner leur ouverture au projet de recherche, ouverture qui peut être liée au niveau

de maturité et de professionnalisme atteint et qui permet aux responsables de l’ODL

de repenser leur parcours dans l’action de revitalisation de Verdun, notamment dans

un contexte de questionnements sur les perspectives d’avenir de l’organisme par les

acteurs du milieu.

Les éléments importants de notre démarche d’observation participante ont été :

La présence aux réunions des conseils d’administration de l'ODL et à celles

des organisations qui lui sont liées (Fondation de Développement Local, les

organismes liés au Centre de Formation du Jardin du Citoyen) entre septembre

2009 et novembre 2010. Au total, nous avons assisté à plus d’une vingtaine de

réunions d’une durée moyenne d’une heure et demie.

Le suivi de certains projets en cours tel que le projet de mentorat et,

notamment, le projet des aînés dans le cadre du programme « Verdun, ville

amie des aînés ». Nous avons assisté régulièrement aux réunions des comités

promoteur et aviseur de ce projet, ce qui nous a permis de comprendre le

mode de fonctionnement des projets et de leur mise en place dans le milieu.

Dans ce cadre, nous avons aussi accompagné le coordonnateur du projet dans

la mise en place des comités locaux dans les centres des aînés. Étant un projet

controversé, cela nous a permis de relever les difficultés de l'ODL dans le

milieu et de saisir les critiques d’acteurs sociaux qui contestent la légitimité de

son intervention dans ce secteur.

La participation aux activités courantes : les midi-motivation, concours coup

de chapeau 2009 et 2010, le mois de développement local 2009 et 2010,

déjeuners d’affaires, etc. Ce sont des activités régulières d’animation du

milieu (pour la liste complète d’activités, voir annexe 3).

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2.2.3 Les entrevues semi-dirigées

Nous avons complété les observations réalisées par la tenue de 14 entrevues,

d’une heure et demie en moyenne chacune, réalisées avec différents leaders,

partenaires et acteurs du milieu local et extra local. Des entrevues ont été réalisées

avec :

les instigateurs et les dirigeants de l'ODL (4)

des membres ayant siégé au conseil d’administration (2)

des acteurs locaux des milieux économique et social(4).

des acteurs locaux du milieu politique (2)

des acteurs extralocaux (2)

Les entrevues semi-dirigées ont été réalisées à l’aide d’un guide qui a été

confectionné dans le cadre du projet de recherche sur « Initiative locale et la lutte à la

pauvreté et l’exclusion : connexion et pluralité » dirigé par J-L Klein. Il s’agissait

donc d’un outil déjà validé que nous avons toutefois adapté à l’objectif spécifique de

notre mémoire de maîtrise. Il faut souligner que les questions posées, au-delà des

informations qu’elles procurent, étaient aussi des occasions, pour certains acteurs,

d’engager une réflexion sur le processus de revitalisation de Verdun et de préciser

leurs positions. L’entrevue semi-dirigée a permis de recueillir des informations sur les

faits et sur les perceptions des différents acteurs rencontrés à l’égard de ces faits.

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Le guide d’entretien couvre les dimensions suivantes, qui constitueront la base de

notre analyse (pour le guide complet, voir annexe 2) :

Questions sur l’intervenant et l’organisation (rôles et implications dans le

milieu local et dans l'ODL

Questions sur l'ODL, son émergence et son évolution

Questions sur la mobilisation des ressources endogènes et exogènes

Questions sur la construction du leadership local

Questions sur la gouvernance locale

Questions sur l’impact du projet vis-à-vis de la lutte à la pauvreté et à

l’exclusion sociale

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CHAPITRE III

LE TERRITOIRE DE VERDUN : DÉCLIN ÉCONOMIQUE ET

RÉACTION DE L’ÉLITE LOCALE

L’objectif de ce chapitre est de présenter le contexte spécifique de l’émergence

de l’initiative locale, objet de notre étude de cas. Il s’agit de replacer l’expérience de

l'ODL dans son contexte socioterritorial. Dans un premier temps, nous allons

présenter les principales caractéristiques du territoire de Verdun pour comprendre les

processus qui ont fragilisé son développement et ont entrainé la dégradation de son

milieu de vie. Ensuite, nous présenterons les effets de la désindustrialisation et de la

crise économique des années 1980 qui ont provoqué le déclin du territoire de Verdun

et la réaction des acteurs locaux qui se sont mobilisés pour sa revitalisation et qui ont

amené à la création de l'ODL. Dans la suite de cette description, nous présenterons le

déroulement de l’initiative de l'ODL, les ressources mobilisées par les acteurs locaux

et les réalisations de l'ODL ainsi que les controverses qui l’ont accompagné depuis

son démarrage jusqu’à l’an 2010.

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51

3.1 Essor et déclin du territoire de Verdun

Le territoire de Verdun, situé au sud-ouest de Montréal, s’étend sur une superficie de

près de 9,8km2 et comprend une population de plus 66 158 habitants selon le

recensement 2011, ce qui en fait un territoire parmi les plus denses du Canada.

Pourtant, en 1901, le territoire de Verdun, qui était alors la municipalité de Rivière

Saint-Pierre, nommée également « village de Verdun », était essentiellement agricole

et ne comptait que quelques 2000 habitants. De 1921 à 1966, Verdun a été la

troisième ville du Québec, après Montréal et Québec, en termes de croissance de

population. Ceci témoigne d’une urbanisation très rapide.

Carte 3.1 Localisation de Verdun

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52

La croissance accélérée de Verdun durant le siècle dernier est intimement liée à

l’industrialisation du secteur Sud-Ouest de Montréal amorcée suite à la construction

du Canal Lachine en 1821. Celui-ci constituait un axe de navigation permettant le

passage des navires vers la région des Grands Lacs et formait un nœud de transport

important avec les infrastructures ferroviaires construites par la suite et qui

communiquaient avec l’intérieur de l’Amérique du Nord. Accompagnant

l’industrialisation du Sud-Ouest de Montréal, le territoire de Verdun connaîtra surtout

un développement résidentiel et se distingue par l’offre de services divers à

l’ensemble des territoires avoisinants. Son développement urbain demeure marqué

par une concentration d’établissements publics, notamment dans le domaine de la

santé, qui occupent une superficie de 20% de l’ensemble du territoire avec quatre

hôpitaux et plusieurs sièges sociaux d’administrations. L’importance de son

commerce lui a valu une renommée à l’échelle de la métropole de Montréal,

notamment sa rue commerciale Wellington qui représentait un symbole de prospérité

pour la collectivité.

L’essor économique engendré dans le Sud-Ouest et en particulier à Verdun a eu

des impacts majeurs sur Montréal, comme métropole à l’échelle du Canada. L’essor

de Verdun est redevable au développement industriel des autres territoires du Sud-

Ouest et associé largement à l’importance économique du Canal de Lachine. Or,

comme pour sa prospérité, son déclin aussi y est étroitement lié. En effet, une

importante crise industrielle s’amorce dès la fin des années 1950. L’ouverture de la

Voie maritime du Saint-Laurent combinée au déclin de l’industrie ferroviaire, a fait

perdre à la zone du Sud-Ouest sa position de nœud de transport (Fontan, Klein et

Tremblay, 2005). On assiste alors, depuis les années 1970 et 1980, à la fermeture en

série de nombreuses industries d’envergure (Dominion Textile, Stelco, Redpath,

Northern Electric, Sherwin Williams, Coléco, Simmons Bed, etc.). La zone du canal,

autrefois centre industriel du Canada, devient un « espace orphelin » (Fontan, Klein et

Page 65: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

53

Lévesque, 2003), ce qui provoque le déclin commercial et l’appauvrissement

économique de Verdun.

3.1.1 Enjeux socioéconomiques et disparités socio-spatiales

Le territoire de Verdun est délimité au nord par l’autoroute 15, au sud par

l’arrondissement de LaSalle, à l’ouest par le canal de l’Aqueduc et à l’est par le

fleuve Saint-Laurent dont les berges s’étendent sur 5km. Bien que la localité de

Verdun soit excentrée par rapport à l’île de Montréal, les connexions terrestres

établies avec la ville de Montréal à partir de la fin des années 1960 la rendent

accessible et facilitent le transport. Cette connexion s’effectue via les autoroutes 15 et

20, le pont Champlain et, à partir de 1978, à travers la liaison souterraine du métro,

avec trois stations sur son territoire. Une situation qui n’aura pas que des effets

bénéfiques sur le territoire de Verdun eu égard au départ massif des familles les

mieux nanties et à la fermeture en série des commerces qui ont caractérisé le cycle de

dévitalisation entamé depuis.

Verdun se compose de trois quartiers qui marquent les étapes de son

développement urbain et qui présentent des réalités sociologiques relativement

différenciées :

le quartier Centre-ville ou Wellington-de-l’Église, le plus ancien, abrite

44,4% de l’ensemble de la population de Verdun, soit 29 310 habitants

en 2006. Il est relativement pauvre et affiche une bonne part des

indicateurs de défavorisation du territoire (Larepps, 2009 p.115).

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54

le quartier Démarchais-Crawford, comprend 31,1% du total des

habitants de Verdun, soit 20 555 résidents en 2006. Les caractéristiques

socioéconomiques de cette population se rapprochent sensiblement des

moyennes statistiques établies pour la population montréalaise dans son

ensemble. C’est « un quartier intermédiaire habité par des résidents

issus de ce qu’on pourrait appeler la classe moyenne » (Larepps, 2009

p.115).

L’Île-des-Sœurs avec 25% du total des résidents de Verdun, soit

16 210 habitants. « Un quartier excentré et insulaire qui évolue à

plusieurs égards en marge de la terre ferme et qui accueille sur son

territoire une population relativement riche et éduquée » (Larepps, 2009

p.115).

Afin de mieux saisir le contexte local dans lequel a émergé l’initiative de l'ODL à

Verdun, nous présenterons les transformations sociodémographiques et

socioéconomiques qui ont favorisé, dans les décennies 1980 et 1990, la fragilisation

de son milieu de vie et l’appauvrissement de la population du territoire de Verdun

comme conséquence du déclin industriel dans la zone du Sud-Ouest.

Afin de tenir compte des disparités socioterritoriales existantes entre les

différents quartiers dans notre analyse, que les moyennes statistiques du recensement

officiel ne permettent pas de ressortir, nous allons mettre en évidence, à chaque fois,

les données concernant le quartier dénommé Wellington-De-L’Église, celui-ci

présentant des indicateurs de pauvreté relativement élevés. Ceci permettra d’éviter de

fausses interprétations des réalités économiques et sociales sur le territoire.

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55

3.1.2 Verdun, crise des années 1980 et nouvelles formes de pauvreté

La fermeture des usines dans le Sud-Ouest de Montréal a engendré un chômage

croissant à Verdun, dont le taux a atteint 13% en 1991 dans l’ensemble du territoire et

16% au quartier Wellington-De-L’Église. Cette situation a provoqué un départ massif

des familles de Verdun, notamment les mieux nanties. L’ouverture de nouvelles

zones d’urbanisation dans les banlieues avec la construction des autoroutes a favorisé

ce départ. Ainsi l’effectif de la population verdunoise a chuté de 51% entre 1971-

1991 et la proportion des personnes de moins de 19 ans a régressé de plus de 52%

entre 1971-1991 (voir annexe 5), ce qui montre que ce sont les familles avec enfants

qui ont été le plus concernées par ces départs. Une situation qui ne sera pas sans

impact sur la fermeture des écoles à Verdun par la suite. Avec l’arrivée de personnes

seules, dont la proportion va plus que doubler, et l’augmentation du nombre des

familles monoparentales qui commence à constituer une composante non négligeable

de la population, un nouveau paysage de pauvreté s’installe à Verdun.

Le tissu économique est essentiellement composé d’établissements institutionnels,

notamment ceux relevant de la santé. Ce secteur totalise plus de 50% des emplois

disponibles. L’activité économique privée quant à elle offre 14 245 emplois en 1991

qui se répartissent sur 1 128 entreprises. Près de 70% de ces entreprises sont de très

petite taille (avec moins de 5 employés) et concernent surtout le commerce de détail

et la restauration. L’impact de ces secteurs d’activité sur le territoire en termes

d’emplois est relativement faible : seul 14% des résidents travaille à Verdun (voir

annexe 5).

Cette faible intégration de la structure économique et sociale à Verdun et la

fragilité du tissu socioéconomique se traduisent par des indicateurs élevés de pauvreté

Page 68: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

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à partir des années 1980. L’effectif des ménages sous le seuil de la pauvreté à Verdun

est passé de 33,2% à 38,6% du total des ménages entre 1981 et 1991. Pour le quartier

qui assurait la fonction de centre-ville, ces proportions sont de l’ordre de 43,2% et

52,5% pour les mêmes périodes. Ainsi, les années 1980 vont être surtout marquées

par l’apparition de nouvelles formes de pauvreté et d’exclusion sociale (les familles

monoparentales entre autres) (voir tableau 3.1). A la fin des années 1980, la ville de

Verdun a été associée dans les médias et dans la presse de Montréal à la pauvreté, à la

criminalité et à l’insécurité (incendies, inondations, prostitution)5

. Cette image

négative a affecté le territoire et son identité et a nourri une perception répulsive dans

la population locale qui a renforcé le cycle de dévitalisation qui s’est instauré dans le

milieu local.

5 Voir article dans le Messager de Verdun sur « la mort de ma ville, Témoignage », 15 mai 1992, de

Carole Beaulieu.

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Comme ailleurs, cette crise multiple et complexe a rendu inefficaces les

programmes sectoriels de revitalisation lancés par la municipalité de Verdun et a

montré l’incapacité de son appareil politique en place pour répondre aux problèmes

du chômage et à la détérioration du cadre de vie sur son territoire. Dans ce contexte

également marqué par la crise du providentialisme de l’État, les mouvements sociaux

vont se mobiliser et proposer de nouvelles stratégies pour contrer les tendances à

l’appauvrissement et pour la revitalisation de leurs territoires.

3.2 Verdun, crise des années 1980 et changements institutionnels

Ayant eu un statut de ville, jusqu’en 2001, l’arrondissement de Verdun assurait

l’offre de services dans divers domaines (logement, transport, aménagement urbain,

sécurité). En vertu de son statut, elle disposait d’une autonomie par rapport à la Ville

de Montréal avec laquelle elle partageait certaines fonctions telles que le transport et

la sécurité. Cette autonomie constituait une source de pouvoir stratégique majeure

pour l’élite locale qui a toujours dirigé la municipalité de Verdun et qu’elle a protégée,

tout au long du siècle passé, face à plusieurs tentatives d’annexion à Montréal.

L’élite locale à Verdun exerce une influence marquée sur la vie de la collectivité.

Elle joue un rôle important dans l’action politique municipale et établit des

arrangements institutionnels spécifiques avec les différents paliers de gouvernement

provincial et fédéral. Composée de notables locaux, de politiciens municipaux,

d’hommes d’affaires, de professionnels, de cadres de l’administration publique locale,

sa position est relativement forte par rapport aux autres parties prenantes des

transformations qui se sont opérées sur le territoire de Verdun durant son histoire

Page 71: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

59

(l’État, les associations, les syndicats). Une situation qui lui a permis de créer un tissu

social relativement dense, dit tricoté serré. Ce sont des éléments importants qui ont

prédisposé certains leaders de la collectivité appartenant à cette élite à prendre

l’initiative de lutter contre la situation de dévitalisation qui a affecté le territoire dans

les années 1980.

Les coupures budgétaires drastiques dans les services sociaux et la réattribution

de certaines responsabilités au milieu communautaire ont mis les acteurs locaux

devant des réalités nouvelles et complexes en termes d’offre de services. À l’échelle

locale, les restructurations du système de santé des années 1970-80-90 ont consisté à

transférer les services de première ligne (CLSC, CSSS) aux acteurs locaux et aux

organismes communautaires6. De nouveaux types de rapports se sont formalisés entre

l’État et les organismes du milieu. Ces rapports posent des enjeux sociopolitiques et

génèrent des divergences en termes de vision et de modes de gouvernance

(coopération et partenariat versus sous-traitance et dépendance).

A Verdun, la désinstitutionalisation des soins de santé dans les années 1990,

processus appelé « le virage ambulatoire », a eu pour conséquence de sortir des

hôpitaux et autres institutions de santé quelques 2500 personnes présentant des

problèmes de santé mentale. C’est ce qui va justifier l’octroi à la municipalité de

Verdun de subventions à même le fonds de lutte à la pauvreté au début des années

2000 et qui vont être gérées par l'ODL.

6 La municipalité de Verdun a adopté en 1991 une politique officielle pour la reconnaissance des

organismes communautaires qui s’établissent sur le territoire (L’Écuyer, 1996).

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60

À Montréal, le Sud-Ouest a assisté depuis les années 1980 à l’émergence du

mouvement émanant du milieu communautaire pour contrecarrer la situation de

dévitalisation. La mise en place du Programme économique de Pointe-Saint-Charles

(PEP) et du Regroupement économique et social du Sud-Ouest ensuite, a amorcé la

stratégie de développement économique communautaire à Montréal qui va se

généraliser par la suite dans plusieurs quartiers montréalais et au Québec. Cette action

pionnière à Montréal s’inscrit dans le cadre de l’émergence de la société civile

comme acteur de développement économique local. L’instauration de modalités

nouvelles de partenariat entre l’État et le milieu communautaire axées sur les réalités

socioéconomiques locales a été à la base des transformations dans la gouvernance

locale marquée par la concertation.

C’est dans ce climat environnant du mouvement économique communautaire que

nait l’action de l'ODL dans le début des années 1990. Cependant, son expérience va

être particulière et va se développer en marge des réseaux élaborés par le mouvement

du développement économique communautaire en raison de la nature de son

leadership et des caractéristiques institutionnelles de la Ville de Verdun.

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61

3.3 Déroulement de l’expérience de l'ODL

3.3.1 La réaction de l’élite et la création de l'ODL

En 1989, une réflexion s’amorce à l’initiative du dirigeant de la Société

d'initiative de développement des artères commerciales (SIDAC)7

de la rue

Wellington en association avec un groupe de notables locaux, notamment le directeur

de la Direction de la santé publique (DSP). En 1991, cette initiative individuelle

suscite l’adhésion d’un groupe de leaders (comité promoteur) parmi lesquels on

trouve, en plus des deux dirigeants des entités citées (SIDAC et DSP), deux

représentants de la mairie, le directeur général de la commission scolaire locale et le

directeur du journal local. Ceux-ci décident de lancer une réflexion collective qui met

en contact les représentants des différents secteurs existants sur le territoire de

Verdun. L’objectif de ce groupe est de réunir l’ensemble des « forces vives » de la

ville de Verdun. Une conférence de presse a été organisée en novembre 1991 pour

annoncer la tenue d’un colloque afin de dresser un diagnostic de la situation du

territoire de Verdun. Ce colloque visait essentiellement les acteurs institutionnels.

Quand on a commencé, le but qu’on s’était fixé, c’était d’aller chercher des

leaders dans la communauté. En 1990, c’est du monde qui ne s’étaient jamais

vus…tout le monde travaillait en silo. On s’était dit, si on avait le directeur

général de la ville ce serait bon, le président de la commission scolaire, le

directeur de la chambre de commerce, le directeur d’Emploi Québec. On est parti

avec la notion qu’il fallait que tu aies une force. Donc il n’y avait pas de citoyens.

(Entrevue avec l’initiateur de l'ODL, mars 2010)

7 Une SIDAC est un organisme à but non lucratif qui a pour but de promouvoir le développement des

rues commerçantes de la ville de Montréal et de favoriser le dynamisme économique de leurs quartiers.

Mise en place depuis 1980 par la ville de Montréal, les SIDAC deviennent des SDC (Sociétés de

Développement Commercial) en 1998.

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62

Un premier colloque est alors tenu en février 1992, avec la participation de 150

personnes, afin d’orienter le mouvement. L’événement a été fortement médiatisé

auprès de la population verdunoise et a été marqué par la mobilisation d’acteurs

influents (un ministre, les députés provincial et fédéral, l’élite locale politique et

économique) et les responsables locaux de rang supérieur dans la hiérarchie des

administrations des différents secteurs de l’éducation, de l’emploi et de la santé. Le

travail de réflexion lors du colloque s’est effectué sur la base des éléments de

diagnostic et des questionnements précis préparés par le comité promoteur et envoyés

à l’avance aux participants. La journée de travail s’est clôturée par l’engagement

collectif des participants de redresser la situation et par la volonté de répondre aux

préoccupations communes des acteurs locaux pour la revitalisation du territoire de

Verdun. L’organisation de ce colloque a été soutenue par la municipalité et par la

direction de la santé publique de Verdun, qui y ont apporté des moyens logistiques

(locaux, équipement) et des ressources humaines et par la contribution des

participants tant financière qu’en expertise. Le suivi de ce colloque a donné lieu à des

points d’information, des sondages et des rencontres autour des thématiques diverses

qui ont été regroupées dans quatre comités (économie, développement urbain,

éducation, santé).

C’est de ce colloque, qui a attiré une forte participation et dont les résultats ont

été abondamment diffusés, que l'ODL est né et a été mandaté pour s’engager dans la

revitalisation du territoire de Verdun. L'ODL s’est incorporé en mai 1992, en tant

qu’organisation sans but lucratif. Son mandat explicite est de concerter les différents

acteurs socioéconomiques du territoire, de favoriser la prise en charge du milieu par

le milieu et d’assurer la revitalisation et le développement local de la ville de Verdun.

À ce moment, tous les secteurs institutionnels du milieu ont été présents, soit la

municipalité, la santé, l’éducation et l’emploi, et siégeaient au conseil de l'ODL avec

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63

les acteurs du milieu d’affaires (SIDAC et Chambre de Commerce du Sud-Ouest) et

la presse locale8.

En mai 1993, des états généraux ont été réalisés avec comme objectif une large

consultation des différentes catégories de la population de Verdun (jeunes, aînés,

représentants des milieux institutionnel et communautaire, entrepreneurs) pour

valider les conclusions du colloque et élaborer des propositions pour les stratégies à

mettre en place. Les résolutions qui se sont dégagées de ces états généraux portaient

sur les thèmes suivants :

la qualité de vie dans le milieu en regard de l’habitation (mettre en application

le plan directeur d’habitation de la ville de Verdun, le code du logement et la

conversion en condos) et l’environnement (aménagement de parcs,

embellissement de la ville, mise en valeur des berges, amélioration de la

sécurité publique),

le développement économique et le soutien à l’emploi, axé sur l’embauche

locale, l’achat local et le soutien au développement (proposition d’un

commissaire au développement économique),

le développement socioculturel et communautaire en ce qui concerne la

formation et l’insertion des jeunes et le service à la communauté en matière de

sport et de loisir.

8 Les acteurs ayant participé au premier Conseil d’administration de l'ODL sont : le Centre d’emploi

Canada, le Centre de Travail-Québec, le conseil de la Chambre de Commerce LaSalle-Verdun, la

Commission des écoles catholiques de Verdun (CECV), le Département de santé communautaire

Verdun, le Conseil Verdunois d’initiatives et d’intervention communautaire (CVIIC), la Sidac

Promenade Wellington, la Ville de Verdun et le Messager de Verdun.

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64

Les états généraux tenus en 1993 ont généré un large consensus des acteurs

institutionnels de Verdun autour des axes du développement local. Toutefois, ce

consensus n’a pas inclu l’ensemble des composantes du territoire de Verdun,

notamment les organisations communautaires, qui étaient pourtant nombreuses à

Verdun9

. Les tensions entre les dirigeants de l'ODL et les acteurs du milieu

communautaire se sont donc manifestées dès le début. Ceci constitue une

caractéristique importante dans le processus de construction du leadership de l'ODL

laquelle a eu des conséquences sur son évolution ultérieure.

3.3.2 L'ODL, une expérience de réseautage et de partenariat

Pendant la décennie 1990, l'ODL a lancé plusieurs projets visant à promouvoir

des initiatives de développement dans divers domaines (culturel, économique, social).

La dynamique créée par la démarche d’action collective et la concertation

intersectorielle a permis à l'ODL de se démarquer par une présence active dans le

milieu économique et social de Verdun et a montré une capacité de mobiliser des

ressources importantes et diverses. En témoignent plusieurs projets (Tableau 2).

9 En 1994, 97 groupes communautaires sont reconnus par la municipalité de Verdun.

Page 77: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

65

Tableau 3.2 Projets menés par l'ODL entre 1992 et 2000

Projet Type de projet Objectif

Animation du

milieu

Concours à s’impliquer pour

la revitalisation du territoire

de Verdun

Midi-Motivation, déjeuner

d’affaires, tournois

Production et publication de

documents

Favorisation de la participation aux

projets de développement issus des

états généraux

Création de climat de confiance

entre les acteurs et les citoyens

Suivi des indicateurs sur les

déterminants de la santé et du bien-

être

Projet INFO-PME, Centre d’information Aide aux entreprises de Verdun en

difficulté ou en expansion

Projet Multiservice

TPE

Corporation intermédiaire de

travail

Insertion et réinsertion au travail de

personnes exclues.

Fondation du

développement

local

Outil de financement mis sur

pied par les gens d’affaires et

des décideurs de la

communauté

Appuyer des nouvelles entreprises

Favoriser la formation et le

perfectionnement

Centre de

Formation du

Jardin du Citoyen

(CFJC),

Projets de jardinage au profit

des personnes démunies

Insertion sociale (enfants, jeunes et

aînés) ou à vulnérabilité

psychosociale

Fondation du CFJC

1998

Services d’éducation aux

personnes les plus démunies

Développement de l’employabilité

Insertion sociale.

Centre d’affaires de

Verdun

Milieu incubateur Appuyer des entreprises viables en

phase de démarrage

Depuis la réforme que le gouvernement du Québec a apportée à la gouvernance

du développement local en 1998, par la création des CLD (Centres locaux de

développement), dans le cadre de la réorganisation du programme gouvernemental de

soutien au développement local, l'ODL a cédé la structure du projet Info-PME au

CLD de Verdun qui va se charger dès lors de la concertation locale. L'ODL s’affiche

désormais comme organisation d’économie sociale et réajuste sa mission autour de

l’animation du milieu et la promotion du développement local à Verdun. En 2001,

avec l’intégration du territoire de Verdun à celui de la ville de Montréal et le

changement des représentations de certaines institutions sur le territoire de Verdun

(devenu arrondissement), la structure de l'ODL a constaté des changements dans la

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66

composition de son conseil d’administration qui est devenue plus restreinte, mais sans

impact majeur sur ses activités d’animation et de réseautage dans le milieu local.

Dans les années 2000, l'ODL se présente comme un réseau local structuré et bien

établi dans le milieu et qui assure l’animation et le réseautage entre différents secteurs

socioéconomiques par le biais de l’organisation de diverses activités. Celles-ci ont

une forte capacité de mobilisation, ce qui permet à l'ODL de bénéficier d’un appui

important de l’instance municipale. Sur le plan organisationnel, l'ODL est formé par

les structures et organisations qu’il a mises en place et dont il constitue le noyau

central (Figure 3.1).

Figure 3.1 Schéma du réseau d’organismes de l'ODL

Source : élaboration de l’auteure

Page 79: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

67

En 2009-2010, l'ODL entame une nouvelle dynamique avec la contractualisation

de nouveaux projets gouvernementaux (Tech-net, Verdun Ville Amie des Aînés,

Aînés net, Activer). Ses activités peuvent être classées en trois catégories :

les activités de type événementiel qui se maintiennent depuis la création de

l'ODL (coup de chapeau, midi motivation, divers concerts et activités

culturelles,…). Ce sont des événements réguliers ouverts à la population et qui

visent l’animation du milieu et la valorisation des initiatives individuelles ou

des activités de réseautage qui concernent le milieu d’affaires de Verdun à

travers des rencontres d’affaires, des tournois de golf, l’organisation de

conférences et des formations au profit des entrepreneurs;

les projets économiques d’appui à l’entrepreneuship pour les petites

entreprises et à l’insertion sociale (le centre d’affaires, la cellule des mentors,

le centre d’initiative de la petite entreprise de Verdun CIPEV);

les projets contractuels, des programmes publiques qui concernent des

problématiques sectorielles et visent l’appropriation des projets par la

population concernée (Tech-net pour l’informatisation des petites entreprises,

projets des aînés, projet Activer pour la promotion de l’emploi à Verdun et le

développement de l’employabilité).

3.3.3 L'ODL, des réalisations importantes mais contestées

En 2010, l'ODL emploie une quinzaine de personnes. Ce sont des emplois

subventionnés dans le cadre de programmes d’aide à la création ou au développement

de l’emploi, des stagiaires en insertion ou des stagiaires non rémunérés ou des

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68

contractuels dans le cadre de programmes sectoriels gouvernementaux. Ce personnel

est employé dans les différents projets gérés ou parrainés par l'ODL et mis à la

disposition des différentes organisations liées directement à l'ODL. Quelques 600

personnes sont passées par l'ODL dans les années 2000 et environ un millier dans la

décennie 199010

.

L'ODL présente à son actif un bilan quantitatif étonnant en termes de réalisations

sur le territoire de Verdun. En témoignent les nombreux prix de reconnaissance qu’il

a reçus, notamment celui de la lutte à la pauvreté en 1996 octroyé par le Réseau

québécois des villes et villages en santé (RQVVS). Ces réalisations concernent :

l’insertion au marché du travail de plus d’un millier de personnes,

des projets visant le développement de l’employabilité et le soutien à

l’entreprenariat,

la création de dizaines d’organisations,

des activités de réseautage et de concertation,

la consolidation du sentiment d’appartenance à la communauté locale.

La valorisation des projets pilotés par l'ODL, à travers l’organisation de prix et de

concours divers constitue une composante importante dans sa démarche de

mobilisation de la population locale et renforce la légitimité de ses interventions.

10 Les données chiffrées proviennent de la liste des employés de l'ODL (Multiservices, Centre

d’Affaire, PQCV, Coup de Chapeau) et du Centre de Formation du Jardin du citoyen et les stagiaires

non rémunérés des institutions de formation diverses. Il y a lieu de souligner le statut du ODL de

corporation intermédiaire de travail acquis en 1994, qui lui permet d’intervenir comme entreprise

d’insertion des chômeurs et des exclus dans le cadre du programme de développement de

l’employabilité.

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69

…au niveau de la valorisation, on valorise beaucoup les gens d’affaires, les gens

d’affaires s’investissent, créent des emplois, ce sont eux qui sont pris avec les

défis quotidiens et nous là une fois par an pour leur remettre un tableau qu’ils

accrochent à l’entrée principale. (Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre

2009)

Toutefois, cette démarche ne suscite pas l’adhésion de tous les acteurs du

territoire. Les organisations du milieu communautaire et certains commerçants

demeurent sceptiques et ne se retrouvent pas dans cette façon de faire, jugée comme

sélective et non démocratique. Ces acteurs estiment que les projets de l'ODL sont

survalorisés et n’ont pas l’effet escompté sur le milieu. De plus, les projets d’insertion

sociale se font auprès d’une clientèle sélectionnée en vue d’obtenir des résultats

tangibles et spectaculaires, ce qui exclue les plus nécessiteux (Belhocine 1996;

Grenier, 1998).

Les principales controverses relevées dans différents documents sur l'ODL et à

travers les entrevues que nous avons réalisées dans le cadre de ce mémoire portent sur

les points suivants :

l’accès à l’information qui privilégie l'ODL en raison des rapports étroits de

ses dirigeants avec le milieu politique et les hauts cadres de l’administration

publique, notamment pour l’accès au financement public et aux subventions

tels que le fonds de lutte à la pauvreté ou certains programmes sectoriels

gouvernementaux (le projet Ville amie des aînés, l’emploi, l’environnement),

la démarche d’intervention des dirigeants de l'ODL qui ne tient pas compte

des acteurs concernés des différents milieux sur le territoire de Verdun,

l’absence de transparence dans les mécanismes de prise de décision et dans les

modes de gestion des projets et la forte centralisation des décisions aux mains

des dirigeants de l'ODL.

Page 82: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

70

Donc, on peut conclure que les conséquences de la désindustrialisation de

Montréal et celles de la crise des années 1980 ont affecté profondément le territoire

de Verdun qui a subi une dégradation du milieu de vie de sa population et de son

cadre physique et économique. Cependant, contrairement au reste de Montréal qui est

marqué par une présence active des mouvements communautaires et syndicaux, le

territoire de Verdun a fait l’objet d’une expérience relativement particulière, dans la

mesure où à Verdun, c’est l’élite locale qui a assuré le leadership menant à la

revitalisation du territoire. Les leaders de l'ODL, en s’appuyant sur l’élite locale à

laquelle ils appartiennent, se sont démarqués par une grande capacité de mobiliser des

ressources institutionnelles, humaines, financières et matérielles, et par la réalisation

de divers projets de développement local. Toutefois, après vingt ans, le leadership de

l'ODL est contesté dans le milieu et se trouve dans l’impasse face au renouvellement

de ses dirigeants qui sont restés toujours les mêmes. Au début des années 2010, en

dehors du pouvoir local traditionnel de la municipalité et de l’appareil politique en

place, le territoire de Verdun peine à assurer une gouvernance locale autonome et

inclusive.

Pourquoi le leadership de l'ODL bute-t-il sur son incapacité à se renouveler?

Pourquoi l'ODL n’est-il pas parvenu à jouer le rôle d’intermédiation dans la

gouvernance locale à l’image des CDEC (Klein, Tremblay et Bussières, 2010; Klein,

à paraître)? Quel rôle a-t-il joué dans la gouvernance locale à Verdun? C’est

l’objectif de répondre à ces questions qui inspirera notre analyse du processus de

construction du leadership de l'ODL et d’expliquer les aspects qui ont limité sa

capacité à mettre en place un leadership partagé.

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CHAPITRE IV

LE ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT LOCAL : UN

LEADERSHIP NON PARTAGÉ

Dans ce chapitre, en partant de notre hypothèse de départ qui veut que « plus la

coalition qui soutient le leadership local est large, plus ce leadership est inclusif et

capable de mettre en place une gouvernance plurielle et intégrative et plus le milieu

devient créatif et peut réussir à renverser les tendances à l’appauvrissement de son

territoire », nous allons examiner l’expérience de l’intervention territoriale de l'ODL,

en fonction de la grille d’indicateurs élaborée à cet effet dans le cadre

méthodologique. À ce propos, plusieurs questions guideront notre lecture de

l’expérience de l'ODL, et vont s’articuler autour des axes suivants:

Quelles sont les conditions d’émergence des leaders de l'ODL et de leur

reconnaissance dans le milieu ? Dans cette partie, nous rappelons le contexte

local de l’initiative de l'ODL et nous mettrons en évidence les éléments du

capital humain et du capital social qui ont été déterminants dans sa

construction.

Page 84: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

72

Quelle est l’importance et la nature des options choisies par l'ODL dans

l’élaboration et la planification des projets de revitalisation? Il s’agit de se

pencher sur l’importance accordée aux processus démocratiques, sur l’accès à

l’information et son partage avec les acteurs concernés et l’intérêt que

représente l’élargissement de la concertation et du partenariat pour l'ODL.

Quel est le type de partenariat élaboré par l'ODL et son incidence sur la

construction des solidarités locales à Verdun? On fait référence ici à

l’arrimage des ressources à travers la gestion des projets (financiers, personnel

et organisationnel) et la capacité du leadership de l'ODL de surmonter les

difficultés et à ressortir les éléments de ralliement des différentes parties pour

faire converger leurs intérêts et atteindre un consensus.

Quelle est la capacité des instances et des organisations mises en place par

l'ODL de régler les conflits entre les acteurs locaux? Autrement dit, quel est le

processus de décision concernant les projets, quels sont les mécanismes de

consultation au sujet de leurs orientations et de concertation entre les acteurs

qui y participent et comment s’établissent les ententes formelles et informelles

dans le milieu?

Nous nous appuyons sur notre consultation de la documentation existante sur

l'ODL, sur les résultats de notre observation participante et les entrevues effectuées et

qui permettent de ressortir les avis des différents acteurs, ainsi que leurs appréciations

des actions menées par les leaders de l'ODL

Page 85: Les limites du leadership traditionnel dans le développement local : le cas d… · 2014-11-01 · universitÉ du quÉbec À montrÉal les limites du leadership traditionnel dans

73

4.1 L'ODL, les conditions d’émergence des leaders

Rappelons-nous du contexte territorial de Verdun, qui se caractérisait avant la

crise par sa vocation essentiellement résidentielle et qui concentrait les sièges de

plusieurs administrations publiques. Jadis, connue à Montréal par la rue Wellington,

sa rue commerciale, celle-ci revêt plusieurs dimensions qui ont eu une portée

stratégique dans le développement de ce territoire. La rue Wellington incarne

l’identité du territoire qui le distingue du reste des territoires industriels de la zone du

Sud-Ouest de Montréal à laquelle Verdun appartient sur le plan géographique.

Frappée de plein fouet par les effets de la désindustrialisation de la zone Sud-Ouest

de Montréal et par les conséquences plus globales de la crise du fordisme des années

1980, la rue Wellington à Verdun a subi la fermeture en série de ses magasins et la

population du territoire a vécu la détresse généralisée de l’activité socioéconomique

et la dégradation de son milieu de vie. Face à cette réalité, marquée également par

l’augmentation importante du taux de chômage et par le départ massif des familles les

mieux nanties, la SIDAC (Société d’initiative de développement commerciale) de la

rue Wellington, appuyée par la municipalité de Verdun, ont entamé des actions qui se

sont avérées vaines pour redynamiser cette rue.

Dans un climat de forte mobilisation dans les quartiers avoisinants à la fin des

années 1980, où les résultats des initiatives lancées par des acteurs locaux

commencent à faire écho et à souffler un air de changement inspirant, le responsable

de la SIDAC, un notable de la ville de Verdun, a décidé d’agir autrement pour

redonner vie à la rue commerçante et par conséquence à la ville. Il a lancé une

invitation, pour une réflexion préliminaire, à quelques personnes actives dans le

milieu local, qui faisaient partie de ses relations personnelles (amis, collègues,

connaissances), notamment au directeur du département de la santé communautaire.

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Celui-ci s’est démarqué par un engagement prononcé et par sa vision d’inscrire la

solution à la dévitalisation de la rue commerçante dans une démarche plus globale de

développement de la ville de Verdun.

On cherchait comment redynamiser Verdun, on a voulu faire cela en améliorant

la qualité des commerces sur la rue Wellington ……C’est là que le Dr est

intervenu et a dit : vous ne changerez jamais Verdun et la rue Wellington en

améliorant les commerces. Il faut changer la clientèle, améliorer la clientèle et le

commerce va suivre. C’est exactement cela qu’on a fait…. (Entrevue avec un

dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Plus tard, une troisième figure est entrée en jeu et se place comme un

incontournable dans la mobilisation pour la revitalisation du territoire de Verdun.

Celui-ci va assurer la mission de commissaire au développement local par la suite.

J’ai animé le premier colloque. C’est là que le Dr m’a découvert et j’ai découvert

le Dr; tout d’un entrepreneur, et il possédait beaucoup d’informations au

Département de Santé Communautaire. Et pourtant, moi, j’ai été au journal et

j’avais presque rien comparé à ce que lui avait comme information sur le

territoire de Verdun et, dans le fond, il y a un eu un déclic qui s’est passé entre

nous. Il avait besoin de moi et j’avais besoin de lui […] on avait des priorités

qu’on s’était données d’améliorer Verdun, mais on ne savait pas comment

(Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Ces trois leaders ont assuré le leadership de la nouvelle dynamique de

revitalisation du milieu local à Verdun, celui de la concertation intersectorielle dans le

cadre de l'ODL. Les trois instigateurs de l'ODL, en plus de leur statut social et des

milieux professionnels auxquels ils appartenaient en leur qualité de commerçant, de

médecin et de directeur de la presse locale, possédaient des expériences dans le

domaine de l’entrepreneuriat, ce qui constituait un trait commun qui a favorisé le

lancement de projets économiques et sociaux.

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J’ai été directeur de la santé publique du [...]de Montréal, pendant 20 ans. J’étais

médecin dans une clinique. J’avais aussi ma clinique que j’avais fondée à Verdun.

Parallèlement, j’avais une grosse compagnie de transport avec un collègue […]

J’avais développé beaucoup de compagnies. Je me sentais à l’aise de travailler

avec les gens d’affaires. (Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Les leaders initiateurs de l'ODL étaient également des personnalités connues au

niveau local et reconnues pour leur implication dans le milieu au-delà de leur

profession.

…peut-être parce que mon implication était bien au-delà de la rue Wellington. À

l’époque, j’étais longtemps président de la caisse populaire et également

président du manoir de Verdun, du centre hospitalier de Verdun, donc c’est une

implication sociale qui probablement me donnait une ouverture d’esprit qui me

permet de penser beaucoup plus large… (Entrevue avec un ancien dirigeant de

l'ODL, mars 2010)

Ce capital social est lié à l’ancrage territorial de ces leaders qui se traduit par leur

insertion dans divers réseaux locaux et extra locaux, notamment à travers des

associations professionnelles (SIDAC, CCSO), des clubs d’affaires et diverses

associations. Les rapports étroits entretenus avec l’élite locale à laquelle

appartiennent les leaders de l'ODL demeurent le point saillant de leur capital social.

Les différents acteurs interviewés dans le cadre de notre étude s’accordent sur

l’importance des dispositions personnelles et professionnelles des dirigeants de l'ODL,

telles leurs qualifications relativement élevées (des diplômés, hauts cadres

administratifs, longue expérience professionnelle) et sur leur capital social dans le

lancement de la coordination interinstitutionnelle à Verdun. Ces acquis ont favorisé la

légitimation de l’intervention des leaders de l'ODL et sont à la base des orientations

de celui-ci dans la concertation des acteurs du milieu institutionnel local et ceux du

milieu des affaires auxquels ils appartenaient.

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76

4.2 L'ODL, une coalition de l’élite locale de Verdun

L'ODL constituait une structure représentative des différents secteurs

institutionnels sur le territoire (la municipalité, la santé, l’éducation, l’emploi)

auxquels se sont joints des représentants du milieu d’affaires de Verdun (CCSO,

SIDAC). Le milieu communautaire a été sollicité lors du lancement de la concertation,

mais sa présence au conseil d’administration comme membre de l'ODL a été

sporadique.

Le monde des affaires s’était collectivement ramassé là, et investi globalement

soit par commandite ou autrement …avec la mise en œuvre de l'ODL, il y a eu,

je ne dirais pas des alliances, il y avait ce qui se fait lorsqu’on crée quelques

chose de nouveau; il y avait la méfiance, pourquoi vous faites ça? Les gens, je

dirai les organismes communautaires ont été beaucoup plus lents que les autres à

venir à la table (Entrevue avec un ancien dirigeant de l'ODL, mars 2010)

Avec les états généraux établis en 1993, lesquels ont atteint un large consensus

autour des axes de développement local à Verdun, l'ODL a montré une capacité

d’agir sur le milieu et de coaliser « les forces vives » de Verdun qui regroupaient les

acteurs locaux de la sphère politico-administrative et ceux du milieu des affaires.

Le succès de l'ODL c’est les gens qui étaient dedans. Ne siégeait pas à l'ODL qui

voulait. C’était des gens avec des réseaux, avec une influence, avec des

connaissances, scolarisés, allumés, beaucoup de jugement (Entrevue avec un

ancien membre de l'ODL, mars 2010)

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L'ODL a été reconnu pour avoir enclenché une nouvelle dynamique dans le

milieu local, qui avait été marqué par le gel et l’immobilisme qui caractérisaient son

appareil politique face aux effets de la dévitalisation de Verdun. Cette dynamique

institutionnelle a permis d’établir des ponts de communication entre différents

secteurs, de dépasser la démarche traditionnelle de travail en silo entre les différentes

institutions et de réduire les confrontations entre elles, ce qui a permis d’instaurer le

dialogue et un esprit de collaboration entre différents acteurs locaux. Les effets sont

visibles au niveau de l’établissement de divers partenariats autour des projets lancés

par l'ODL (tableau 2).

Toutefois, certains acteurs sont restés à l’écart de cette démarche institutionnelle,

qui malgré son ouverture sur le milieu pour l’identification des problèmes territoriaux,

est demeurée incapable de rejoindre la base et de faire participer les acteurs concernés

par ces problèmes. Nous parlons des acteurs du milieu communautaire et des citoyens,

lesquels n’y trouvaient pas leur place et ne se retrouvaient pas dans le type de

partenariat proposé par l'ODL. La sollicitation des groupes communautaires s’était

limitée à mobiliser leur clientèle autour des projets lancés par l'ODL et lors de la

collecte de l’information par le biais des sondages et de recueil d’opinions de la

population.

« Les attentes de l'ODL, en ce qui a trait à la capacité du communautaire à

mobiliser la population verdunoise dans les divers projets, semblent toutefois

avoir provoqué une pression insoutenable pour les organisations à caractère

social. » (Anne-Marie Grenier, 1998 p.101).

La coopération asymétrique proposée par les dirigeants de l'ODL aux groupes

communautaires de Verdun n’a pas permis d’établir des compromis viables et

d’intégrer ce secteur social à la coalition qui soutenait la concertation. Dans la

pratique, la concertation pilotée par l'ODL entre 1991 et 1997 va constituer une

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prolongation du milieu institutionnel local soutenue par le pouvoir politique à Verdun.

D’ailleurs, les états généraux ont constitué la base du programme électoral qui a hissé

l’initiateur de l'ODL au siège de maire de Verdun pour trois mandats consécutifs. Une

situation qui va permettre de renforcer les rapports entretenus par les leaders de

l'ODL avec l’appareil politique municipal et de développer une complicité qui lui

confère une notoriété et un pouvoir d’influence sur les acteurs institutionnels au

niveau local.

Historiquement, l’élite à Verdun, composée de notables, de personnalités

influentes dans le milieu politique local et provincial, des hauts cadres de

l’administration locale, des hommes d’affaires et des professionnels, constituait

l’assise traditionnelle de l’appareil politique en place. La densité des relations

formelles et informelles entre les leaders de l'ODL et l’élite locale au pouvoir favorise

l’établissement de liens étroits avec le milieu politique et économique et le

développement d’une complicité avec le pouvoir local. Cette situation a eu pour

conséquence de faciliter l’accès à l’information et à la mobilisation des ressources

importantes dans le milieu local pour la réalisation des projets de développement

local et de favoriser la communication entre différents corps professionnels et les

différentes institutions intervenant dans le territoire.

Verdun c’est un gros village, on se connait, on s’appuie, on se rencontre

fréquemment. Verdun c’est une famille et ça c’est une grande contribution de

l'ODL qui a été mise de l’avant de façon pratico pratique par le politique.

(Entrevue avec un élu municipal, janvier 2010)

La coalition derrière l'ODL a favorisé l’exercice d’un leadership de type

autoritaire et élitiste. Ce type de leadership ne laissait pas de marge d’expression aux

acteurs mal outillés dans le milieu ou non intégrés à la coalition, notamment les

organisations du milieu communautaire.

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La coalition de l’élite locale va assurer le pilotage du développement local avec

l’appui du pouvoir politique local régénéré à partir de 1993. Le mode de

fonctionnement de l'ODL dans le milieu (figure 2) et les modalités de montage de

partenariats proposées par l'ODL (figure 3) autour de la mise en œuvre des projets de

développement local montrent le type de leadership construit par l'ODL et son

incapacité à mettre en place une gouvernance inclusive. Ses interventions et son

implication dans le milieu sont souvent perçues avec méfiance par certains acteurs du

territoire et son style leadership est remis en cause par l’ensemble des acteurs locaux.

…puis l'ODL c’est des relations très imbriquées; ils sont dans le CLD, dans la

FDL, dans le centre d’affaires et ils ont accès à ces structures facilement et ils les

utilisent tout le temps. On ne comprend pas cela. C’est quoi les rapports qui lient

ce monde, ce n’est pas clair. (Entrevue avec un responsable de la table de

concertation de Verdun, novembre 2009)

Sur le plan du financement, on ne comprend pas comment l'ODL a tous ces

financements? Quelles sont les conditions d’éligibilité? Plusieurs questions se

posent sur l'ODL; d’où vient l’argent? à qui profite cet argent? Ces questions ont

été posées, mais les réponses restent insatisfaisantes. D’ailleurs, il n’y a qu’à

consulter les questions des citoyens sur le financement de l'ODL et les PV à

l’hôtel de ville enregistrent toutes ces questions, la réponse de l’arrondissement

en rapport avec son soutien à l'ODL est oui. (Entrevue avec un responsable du

milieu communautaire, novembre 2009).

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4.3 L'ODL, un organisme de financement du développement local

L'ODL est mandaté par la municipalité comme l’organisme de développement

local à Verdun. Son financement est octroyé dans le cadre du programme

gouvernemental de soutien au développement local11

. Les financements contractuels

récurrents12

qui le lient à la municipalité sont :

- le contrat triennal du développement local renouvelable, qui concerne le

financement du commissariat au développement local;

- les baux des locaux exploités par l'ODL pour l’exercice de ses activités

(locaux administratifs, le centre d’affaires), lesquels sont contractés pour dix

ans renouvelables;

- les revenus issus de la gestion du centre d’affaires (locations des bureaux,

formation, activités diverses).

En plus de divers contrats municipaux (fonds paysagers d’embellissement de

l’arrondissement, déneigement) qui offrent du travail temporaire aux personnes

démunies ou à vulnérabilité psychosociale dans le cadre du statut de corporation de

travail dont dispose l'ODL.

11 Un dollar investi dans le développement local pour un dollar accordé à la municipalité par le

gouvernement. 12

Ces financements ont été renouvelés en 2010.

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Figure 4.1 : l'ODL et la gouvernance locale à Verdun

Source : élaboration de l’auteure.

CA V : Centre d’affaires Verdun

CFJC : Centre de formation du Jardin du citoyen

CLD V : Centre local de développement Verdun

CIPEV : Centre d’Initiatives des petites entreprises de Verdun

FDL : Fondation de Développement Local

Sur le plan financier, l'ODL a commencé par assurer son financement de base par

les cotisations annuelles de ses membres statutaires qui ont constitué une ressource

stable dans les années 1990, en plus de la mobilisation des moyens logistiques que

certaines institutions mettent à sa disposition (locaux, équipements, ressources

humaines). Ensuite, l’attribution par la municipalité du poste de commissariat au

développement local à l'ODL vient assurer la mise en œuvre des projets programmés

Locaux offert à

l'ODL:

- Administration

- CA V CFJC

CLD V

Municipalité de

Verdun

l'ODL

Commissaire au

développement

local

CA V

FDL

Projets :

- Tech net et Verdunbiz

- Ville amie des aînés

- Activer

- Coup de Chapeau

- Midi motivation

- Déjeuner d’affaires

- Les grandes conférences

- Mentorat

- CIPEV

- Société culturelle des

artistes de la terrasse

- Société Jardin de Lourde

- ….

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dans le cadre des états généraux. Cette attribution s’est effectuée comme allant de soi,

car seul l'ODL est reconnu comme organisme de développement local.

Encadré 4.1 Le commissaire au développement local

C’est un poste créé depuis 1993 par la municipalité de Verdun pour

promouvoir le développement local. Il est confié à l'ODL qui assure sa

gestion avec un financement récurrent tous les trois ans. Sa mission est de

favoriser le développement économique de Verdun, d’assurer l’animation

du milieu et d’organiser des activités (les midi-motivations, les déjeuners

d’affaires, les tournois de golf, le mois de développement local, des

spectacles, …) et la mise en lien des différents réseaux institutionnels et

d’affaires à Verdun. C’est une structure restreinte et dynamique qui

favorise le réseautage et la facilitation de la mise en place des projets de

développement et s’appuie sur des réseaux professionnels divers. Le

commissaire de développement local, instigateur de l'ODL et ancien

directeur de la presse locale, assure la médiatisation et la publicisation des

actions de développement local à Verdun. Il occupe également la fonction

du président du Conseil d’administration du CLD de Verdun.

Source : élaboration de l’auteure.

En plus de ces financements institutionnels, des structures ont été créées pour la

collecte de fonds ou des dons divers, telles que la fondation de développement local

et la fondation du Jardin du citoyen ainsi que des activités génératrices de revenus

organisées ou gérées par l'ODL (midi motivation, tournois, concours) et des services

offerts aux entreprises ou organismes du milieu par le Centre d’affaires Verdun

(location d’espaces, formations). Ceci fait sensiblement augmenter la part de

l’autofinancement dans le budget global de l'ODL et par la suite améliore sa marge de

manœuvre dans la gestion et la combinaison de différentes ressources. Il aurait été

intéressant de dresser un tableau sur l’évolution de ces finances de l'ODL depuis sa

création et de ressortir la part de l’autofinancement, mais ces éléments n’ont pas été

accessibles.

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Encadré 4.2 La fondation du développement local (FDL)

La FDL a été créée afin de promouvoir le développement économique

à Verdun et de consolider les rapports entre les acteurs du milieu d’affaires

et avec les acteurs institutionnels à Verdun. C’est un organisme sans but

lucratif, crée en 1994. Son conseil d’administration réunit les hommes

d’affaires et des représentants d’institutions économiques, telles que la

Caisse Desjardins de Verdun qui en assure la présidence du CA. Ainsi, le

président de l'ODL et le commissaire au développement local y siègent en

permanence. Les activités régulières de la fondation sont axées sur

l’animation du milieu des affaires à Verdun tels que les midi-motivations

qui se tiennent le dernier jeudi de chaque mois, les déjeuners d’affaires à

l’île-des-Sœurs, le projet du mentorat et des activités saisonnières tels que

les tournois de Golf ou le Homard des îles de la Madeleine. La FDL

organise aussi des levées de fonds et des activités diverses génératrices de

revenus qui assurent leurs financements et le soutien aux projets de l'ODL.

Avec un membership proche de 300 adhérents en 2010, souvent les

membres assimilent leur organisme à une chambre de commerce locale. La

plupart des activités génèrent des revenus qui assurent leurs financements et

le soutien aux projets de l'ODL. Les états financiers de l’an 2009 font état

d’un budget annuel (résultat de l’exercice) d’environ de $300 000.

Source : élaboration de l’auteure (voir www.fdlv.org)

À la fin des années 1990, ce sont les fonds de l’économie sociale provenant du

CLD de Verdun et les fonds de lutte à la pauvreté 2000-2002 accordés à la

municipalité de Verdun qui ont constitué les plus importantes subventions reçues par

l'ODL.

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Encadré 4.3 Le budget annuel de l'ODL

Le budget annuel approximatif de l'ODL, tiré de la consultation de ses

états financiers entre les années 1999-2009, fait état d’un chiffres d’affaires

(résultat de l’exercice) qui oscille autour de $500 000 à $600 000, à

l’exception des années 1999 et 2000 pour lesquelles les bilans annuels ont

enregistré respectivement des résultats des exercices de plus 2millions et de

1,5 millions de dollars en raison du fonds de lutte à la pauvreté. On peut

mentionner que les prêts de locaux de l’administration de l'ODL et ceux du

centre d’affaires ne sont pas inclus ainsi que les comptes financiers de la

Fondation du développement local dont les états financiers sont tenus

séparément de ceux de l'ODL.

…le CLD qui finance en partie plusieurs projets de l'ODL, des fois des projets de

la FDL et je vous dirai, je pense pouvoir parler pour certainement la majorité

sinon la totalité des membres du CA du CLD, on ne réussit pas à comprendre la

structure pourquoi à un moment donné une demande nous vient de l'ODL et une

autre demande vient à un autre moment donné de la fondation. On ne sait pas

[…]. Pourtant le Dr est venu à quelques reprises nous faire une explication, […],

mais après une heure, on ne comprend toujours pas (rire) et on n’est pas

avancé. (Entrevue avec un membre du CA du CLD, janvier 2010)

Dans les années 2000, l'ODL se positionne toujours comme un acteur influent en

ce qui concerne l’animation du milieu des affaires avec des activités de réseautage ou

encore des actions sociales et culturelles pour favoriser le renforcement du sentiment

d’appartenance chez les acteurs économiques et leur participation au développement

local. Il poursuit également son rôle dans le financement du développement local et

affirme sa capacité de mobiliser des ressources institutionnelles locales ou provenant

des programmes gouvernementaux. Toutefois, sa dépendance du pouvoir municipal

au regard de son rôle dans le financement du développement local et le type de

leadership qu’il met en place, qui freine l’établissement de partenariats élargis et

inclusifs avec l’ensemble des acteurs du milieu, ne le disposent par à jouer un rôle de

médiation ou d’intermédiation dans la gouvernance locale, mais favorisent plutôt une

ambiance d’animosité et de manque de confiance entre les acteurs du milieu.

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L'ODL, la FDL et le CLD ça couche ensemble, ils travaillent l’un pour l’autre. La

FDL organise des activités ou a fait des CA où la salle est paquetée d’avance, où

on prend des décisions pour redonner de l’argent à l'ODL. Y a-t-il conflit

d’intérêt entre l'ODL, FDL, CLD ? Je pense que oui. En tout cas les principes de

la gouvernance ne sont pas tous là. (Entrevue avec un ancien membre de l'ODL,

mars 2010)

4.4 L'ODL, un leadership de type élitiste

Le crédo mis de l’avant par les dirigeants de l'ODL dans le pilotage des projets

(Tableau 2) est celui de l’efficacité. En témoigne la quantité importante des rapports

de suivi et d’évaluation (indicateurs sociosanitaires) qui sont régulièrement produits

et la multiplicité des sondages d’opinion qui constituent le moyen privilégié par

l'ODL pour consulter la population locale.

4.4.1 L'ODL, une efficacité de gestion

Les projets pilotés par l'ODL s’inscrivent dans la mise en œuvre du programme

issu des états généraux adopté par la municipalité de Verdun et par la coalition de

l'ODL. La démarche adoptée pour la réalisation d’un projet commence par le contact

des partenaires identifiés et la précision de la nature de leur implication. Un comité

promoteur est constitué de personnes influentes dans le milieu avec le rôle d’appuyer

le projet et de le promouvoir auprès des instances de décision concernées. Ces

personnes sont informées du projet dès la phase de conception dans le cadre de

rapports formels ou informels. Ce comité se réunit au besoin pour formaliser les

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interventions de ces personnes. Le suivi de la réalisation du projet est assuré par un

comité aviseur qui regroupe les responsables des parties prenantes du projet et des

intervenants du milieu pour mobiliser la clientèle concernée. C’est un comité dont le

rôle est d’assurer la mobilisation des ressources technique, logistique, humaines ou

autres et de régler les problèmes techniques qui peuvent survenir. Ce comité se réunit

régulièrement et ses membres peuvent s’élargir en fonction des étapes du projet. Pour

assurer la coordination sur le terrain des différents moyens et le suivi des opérations

quotidiennes, l'ODL embauche un chargé de projet, salarié pour réaliser le projet.

Figure 4.2 L'ODL : schéma de montage de partenariat

Source : élaboration de l’auteure13

.

13 Une partie du fonctionnement du projet est tirée du mémoire de Mme Grenier (Grenier, 1998, p 126,

p 185.) et complétée par l’observation participante effectuée dans le cadre de la présente étude.

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Les dirigeants de l'ODL, soit le président-directeur général et le commissaire au

développement local, sont omniprésents dans toutes les étapes de réalisation de tous

les projets et assurent la communication et les relations entre les différents comités et

la résolution des différentes embûches et conflits qui surgissent en cours de route.

Cette démarche d’intervention non explicite et souvent informelle camoufle la nature

des conflits qui surgissent sur le terrain et offre une marge de manœuvre très large

aux dirigeants, au risque d’écourter les périodes d’apprentissage collectif, voire même

d’étouffer la créativité des intervenants dans le milieu.

… le CA (de l'ODL) décide majoritairement, mais les dossiers présentés sont

bien préparés d’avance. L’idée du projet, on peut parler des projets à venir, quand

on arrive à la réunion suivante un mois ou deux plus tard, le projet est déjà prêt.

D’abord on se pose la question qui a un intérêt dans le projet? Après ça on va voir

ces acteurs, êtes-vous intéressés par le projet? Voulez-vous vous impliquer en

finance, en temps, en énergie? Jusqu’à quel temps vous êtes prêt à embarquer

dans notre projet? On y croit déjà. C’est l’objectif qu’on s’est donné. On cherche

3 ou 4 ou 6 partenaires juste pour s’assurer du succès du projet. Le Dr développe

le concept et avant de nous l’amener, il a déjà pensé à tous les angles de la

question, puis il nous demande qu’est-ce que nous en pensons. Si le projet n’est

pas bien ficelé, il revient un ou trois jours plus tard, car nous autres on travaille

pas en compétition, on travaille pour Verdun, on veut juste le projet le plus

vendeur possible et j’essaye d’avoir la conviction que les gens vont embarquer

dans le projet. La complicité et la volonté politique sont là… (Entrevue avec un

dirigeant de l'ODL, décembre 2009).

Dans la pratique, les modalités du montage de ces partenariats sont décidées par

les dirigeants de l'ODL qui privilégient l’efficacité dans la réalisation des projets au

détriment d’un fonctionnement plus inclusif qui demanderait davantage de

consultations et de temps, et qui présenterait le risque de la perte de contrôle par les

dirigeants dans la conduite du projet. Dans le milieu, cette façon de procéder est

souvent contestée et laisse des frustrations chez les participants et les acteurs du milieu.

La plupart des critiques concerne l’absence de participation des parties prenantes à la

phase de conception des projets et la gestion non transparente des ressources

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financières qu’on leur accorde. Les organismes communautaires se voient interpellés

essentiellement pour mobiliser leur clientèle dans les projets initiés par l'ODL, sans

pour autant participer ni à leur conception ni à leur mise en œuvre. Pour d’autres

acteurs, les critiques concernent tout le processus, qu’ils jugent non transparent et basé

sur un rapport inégal proposé par les dirigeants de l'ODL en termes d’informations et

de moyens nécessaires pour la réalisation des projets.

L’exemple récent du conflit qui a éclaté autour du projet « Verdun, ville amie des

aînés » montre bien les critiques des acteurs du milieu communautaire à cette

démarche illustrée par le schéma de montage de projets présenté ci-avant. Malgré

l’importance du projet « Verdun, ville amie des aînés », celui-ci est rejeté par les

acteurs du milieu, notamment depuis la création du CDSV (ou la table de

concertation de Verdun qui regroupe les organismes communautaires).

L'ODL est allé chercher au palier du gouvernement du Québec une subvention

qui semblerait relativement importante « Verdun, ville amie des aînés ». Cette

démarche là et cette obtention de la subvention se sont faites à l’extérieur, mais

complètement à l’extérieur des joueurs. Il y a à Verdun une table des aînés. On

l’a appris après, par l’avenue d’une dame que l'ODL avait engagée, alors ça cause

des frustrations. L'ODL n’a pas reconnu la place de la table de concertation des

aînés, qui est là depuis plusieurs années. L'ODL travaille dans son bureau à

monter des projets et ils sont excellents à faire ça, à chercher des subventions. Ça

créé des frustrations et ça fait que ça n’encourage pas des

rapprochements. (Entrevue avec un responsable du CDSV, janvier 2010).

4.4.2 L'ODL, un processus de décision fortement centralisé

L'ODL compte plusieurs organisations administrées par un conseil

d’administration, à l’exception de la FDL qui dispose de son propre conseil

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d’administration, lequel inclut les dirigeants de l'ODL. Sur le plan organisationnel,

l'ODL emprunte dans son fonctionnement le modèle de gestion classique de

l’administration publique hiérarchique et centralisé, sans doute, en raison de la culture

professionnelle de ses dirigeants en la matière.

Figure 4.3 Organigramme administratif de l'ODL, 2010

Source : élaboration de l’auteure sur la base de l’assemblage de l’organigramme

de l'ODL et celui de CFJC.

La direction générale est composée du président-directeur général et d’une

assistance à la coordination qui s’occupe du suivi des projets de l'ODL pour leur

réalisation et leur financement et assure la communication avec le conseil

d’administration et avec les donneurs d’ordre. Cette direction est appuyée par un

personnel de soutien permanent (secrétaire, responsable administratif et différents

agents). Il y a lieu de noter ici un volet qui touche généralement les OBNL, lié à la

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complexité de la gestion des subventions, aux différentes procédures pour chaque

bailleur de fonds et aux multiples comptes rendus et leurs délais, et qui exigent une

structure administrative adéquate pour assurer la préparation des dossiers de

subventions, l’archivage et la communication constante avec les établissements

concernés. L'ODL disposant des compétences et des moyens logistiques nécessaires

arrive à assurer une stabilité dans ses rapports avec les différents acteurs stratégiques

qui interviennent dans le développement local.

Le conseil d’administration de l'ODL se tient régulièrement (mensuel). Les

dirigeants, qui y siègent depuis sa création, ont instauré une routine dans leur

fonctionnement marquée par une grande complicité entre ses dirigeants. Les tensions

qui peuvent surgir dans les réunions trouvent généralement des solutions à l’amiable

ou donnent lieu à des désistements. Cette stabilité dans la structure de l'ODL et la

nature de sa composition a l’avantage de faciliter la prise de décision. Ce mode de

fonctionnement confère tous les pouvoirs de décision aux dirigeants et leur permet

une grande marge de manœuvre dans la gestion des ressources et dans leurs

combinaisons. Dans la pratique, il s’installe un leadership qui se soucie peu de la

participation des acteurs concernés aux étapes stratégiques d’élaboration du projet et

encore moins de la transparence. Par ailleurs, l’affectation des finances et la gestion

des projets en général ne font pas l’objet de discussions approfondies au conseil

d’administration qui en est seulement informé.

Je pense que tout l’argent que l'ODL a utilisé n’est pas nécessairement utilisé

pour ce qu’il a été donné. On peut dire que l’argent c’est pour cette raison, mais il

est utilisé pour d’autres projets, cela va générer de l’argent et on va le remettre là.

C’est très entrepreneurial, je n’ai rien contre cela. Je n’ai pas de preuves pour ça.

La seule chose c’est que le CA n’est pas informé de cela. On nous rassemblait

pour signer des résolutions sur telle ou telles choses, comment faire pour aller

rencontrer telle personne oui, sauf que le but du CA est aussi [d’être] un gardien

des fonds publics. (Entrevue avec un membre du CA de l'ODL, mars 2010).

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Au terme de ce chapitre, nous pouvons conclure que les éléments du capital

humain (le niveau de formation, les compétences, l’expérience professionnelle) et du

capital social (le rapport à l’élite et au pouvoir local, la position sociale et

économique, le prestige, les réseaux professionnels et sociaux) mobilisés par les

leaders de l'ODL ont été déterminants dans l’orientation de son leadership et dans la

construction de la coalition de l’élite locale qui l’a soutenu. Nous avons présenté son

rôle comme organisme de financement du développement local pour la municipalité

de Verdun et ses implications sur la gouvernance locale à Verdun. Cette analyse fait

ressortir le style du leadership élitiste et autoritaire des leaders de l'ODL, en rapport

avec le type de partenariat élaboré et ses démarches dans la gestion des conflits et

dans la communication avec les différents intervenants. Ce type de partenariat est

caractérisé par le peu d’importance accordée aux processus démocratiques et au

partage de l’information par les acteurs concernés, ce qui a freiné l’élargissement de

la concertation et a bloqué les options de son renouvellement.

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CHAPITRE V

LE ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT LOCAL ET LA

CRISE D’UN LEADERSHIP ÉLITISTE

L’étude de cas du Organisme de développement local nous a permis de nous

pencher sur un aspect important du développement territorial, celui du leadership

(Klein et Champagne, 2011) et, partant, sur la nature de la coalition qui soutient ce

leadership. Comme cela ressort des résultats de l’étude de cas au chapitre précédent,

le leadership de l'ODL, soutenu par l’élite locale, a privilégié le renforcement

individuel, en opposition à la construction d’un leadership partagé. En effet, malgré la

capacité des leaders du ODL à mobiliser des ressources importantes, le type de

leadership, non partagé, construit par l'ODL a grandement limité sa capacité de mettre

en place une gouvernance inclusive et plurielle et à se renouveler (les leaders sont

restés les mêmes depuis le démarrage de l’initiative).

L’interprétation de ce résultat dans une perspective territoriale et à la lumière des

concepts opérationnels présentées dans le chapitre 2, nous permet de retracer le

processus de construction du leadership de l'ODL pour ressortir les éléments qui

rentrent dans sa légitimation et dans son institutionnalisation. Ces éléments sont

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importants dans l’analyse des effets structurants des initiatives locales de

développement eu égard aux enjeux du développement territorial dans le contexte

post- fordiste marqué par la dévitalisation des anciens quartiers industriels, par la

diversité des réalités territoriales et par la pluralité des acteurs qui interviennent dans

le développement de la collectivité locale.

Ce chapitre est organisé en quatre parties. Nous reviendrons, dans une première

partie, sur le contexte local d’émergence de l’intervention de l'ODL et sur le rôle des

sentiers institutionnels dans la formation de la coalition de l’élite locale qui a soutenu

le leadership construit par l'ODL. Dans la deuxième partie, nous nous intéresserons

au processus de légitimation du leadership de l'ODL et au rôle de l’action collective

dans son intervention. Dans la troisième partie, nous examinerons le processus

d’institutionnalisation du leadership de l'ODL à travers les options choisies dans

l’établissement des partenariats locaux. Et dans une quatrième partie, nous

dégagerons les limites de ce style de leadership et son incapacité à instaurer une

gouvernance locale inclusive.

5.1 L'ODL, présence des sentiers institutionnels et du leadership local

L'ODL est une initiative de développement territorial assez particulière si on la

place dans le contexte de son émergence à la fin des années 1980 et au début des

années 1990. Ce contexte est surtout caractérisé par le tournant vers une orientation

plus économique du mouvement communautaire, voire des mouvements sociaux, et

par la mise en place d’organismes de développement économique communautaire

dans la plupart des anciens quartiers industriels en déclin (Fontan, Klein et Tremblay,

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2005). C’est dans ce cadre que prend place l’expérience pionnière du Programme

économique de Pointe-Saint-Charles (PEP) (Fontan, 1992), dont a émergé plus tard le

Regroupement économique et social du Sud-ouest (RESO), sur le territoire de

l’arrondissement du Sud-Ouest, voisin de celui de Verdun. C’est le contexte de la

régénération du « modèle québécois » basée sur la participation de l’économie sociale

et de l’action communautaire dans le développement local (Klein et al. 2009). La

stratégie qui émerge de ce contexte en est une de « partenariat » public-

communautaire et de soutien au développement économique social et communautaire.

Or la gestation et l’évolution de l'ODL s’inscrivent dans une autre trajectoire, en

parallèle, voire en conflit avec ce mouvement plus large, avec lequel il partage

pourtant plusieurs objectifs. Comme on l’a vu, ceci est dû aux particularités

historiques et sociales de Verdun. Parce qu’elle était une ville autonome, elle avait

son propre système de pouvoir local institué, alors que les autres quartiers industriels

étaient des quartiers de la ville de Montréal. Or, le développement de l’action

communautaire dans les années 1970 et son tournant économique dans les années

1980 s’insèrent surtout dans la dynamique socioéconomique montréalaise.

De plus, dans les autres quartiers de la zone du Sud-Ouest, dont la base

économique était l’industrie manufacturière, le développement local est porté par une

coalition réunissant des organisations communautaires, fortement ancrées à cause des

luttes citoyennes importantes dans ces quartiers, des organisations syndicales, très

présentes parce que c’était des quartiers industriels caractérisés par la présence de

grosses entreprises, toutes syndiquées, et des mouvements politiques nationalistes,

lesquels étaient solidement ancrés dans le mouvement communautaire et recevaient

un appui des organisations syndicales. À Verdun par contre, parce que le territoire

était surtout résidentiel et commercial, la présence syndicale et communautaire était

faible, d’autant plus que la crise a touché surtout le milieu du commerce, peu

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syndiqué. Et comme c’était une ville autonome, le pouvoir était exercé par des

notables, proches des milieux opposés au nationalisme. Cette élite, ne se sentant pas

identifiée au discours dominant du développement économique communautaire, a

décidé de puiser ses fondements dans la vision socio-sanitaire de l’Organisation

mondiale de la santé, soit le projet « Villes et Villages en Santé », ce qui explique la

place prioritaire qu’y jouent les organisations de santé.

Les négociations avec les organisations communautaires pour qu’elles rejoignent

la table de concertation intersectorielle de l'ODL n’ont pas abouti, mais ne se sont

jamais traduites par un conflit ouvert sur la place publique, sûrement à cause de

l’appui social dont a bénéficié l'ODL pendant ses premières années, et fort

probablement aussi parce que la nature des problèmes traités par le secteur

communautaire à Verdun (lié au système de santé qui opérait son virage ambulatoire,

notamment) ne lui permettait pas de rejoindre le mouvement de l’économie sociale,

dont les propositions sont perçues comme une marchandisation des services

communautaires et présentent une menace pour la perte de ses ressources financières

traditionnelles. Il y avait donc une brèche entre le secteur communautaire de Verdun

et celui de l’ensemble de la ville de Montréal.

«Si je retourne vingt ans en arrière, le milieu communautaire était assez

traditionnel […] et je crois que le débat n’a jamais eu lieu au sein du milieu

communautaire à l’époque […]. On fait des tables de concertation mais on ne

remet pas en question les modes de développement, les façons de faire […] et je

pense que c’est ça ce qui s’est passé à Verdun. C’est ça le développement social

dans sa vision la plus traditionnelle, et on n’est pas contre ça, c’est juste qu’on dit

que ce n’est pas suffisant.» (Entrevue avec un responsable du Chantier de

l’économie sociale, avril 2010)

Le leadership de l'ODL s’est donc inscrit sur les traces institutionnelles

dominantes dans le territoire de Verdun, tout en poursuivant des objectifs

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opérationnels convergents avec ceux du développement économique communautaire.

Son action territoriale peut être résumée comme suit :

Sur le plan stratégique, il a misé sur le développement de l’entrepreneuriat

individuel, ce qui se traduit par la création d’un poste de commissaire au

développement local en 1993 par la municipalité de Verdun, par la mise en

place d’une fondation de développement local (des gens d’affaires qui

s’investissent dans le soutien de la micro et de la petite entreprise) et par la

création du Centre d’affaires de Verdun (pour favoriser l’entrepreneuriat).

Sur le plan de l’arrimage entre l’économique et le social, il a misé sur des

projets qui ne peuvent être pris en charge ni par le public ni par le privé, et ce

à travers de multiples partenariats autour de projets de création d’emplois,

d’augmentation de l’employabilité et d’insertion sociale pour les personnes à

vulnérabilité psychosociale, notamment.

Sur le plan organisationnel, il a joué un rôle d’intermédiation dans son milieu

entre le pouvoir local, le milieu institutionnel et le milieu des affaires, en se

différenciant cependant des CDEC dans les quartiers de Montréal, qui ont

aussi joué ce rôle, par sa mission orientée davantage vers le renforcement des

capacités individuelles de la population, plutôt que vers les initiatives de

nature collective..

Sur le plan social, l'ODL adopte une perspective plutôt thérapeutique, ce dont

témoigne la création du centre de formation du Jardin du Citoyen et la

structuration de plusieurs projets en organisations autonomes dans le milieu

comme les sociétés culturelles et socioéconomiques destinées aux personnes

démunies et/ou affectées par des problèmes de santé mentale.

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97

Depuis la réforme que le gouvernement du Québec a apportée à la gouvernance

du développement local en 1998, la concertation territoriale est assumée par les CLD

(Centres locaux de développement). En général, dans les arrondissements de

Montréal, et notamment dans le Sud-Ouest, la fonction de CLD est assurée par les

CDEC, telles celle du RESO, dans l’arrondissement voisin à Verdun, avec une

gouvernance qui donne une place à tous les acteurs, notamment aux acteurs

communautaires. Or le CLD de Verdun, a été créé par l'ODL, un peu à son image, qui

est d’ailleurs l’image de la ville traditionnelle, ce qui empêche son ouverture à

l’ensemble de la communauté. Ainsi, en témoigne le fait que la planification du

développement local réalisée par le CLD de Verdun, qui en théorie doit être le

résultat d’un exercice de consultation large, a misé plutôt sur l’efficacité dans

l’exécution des projets proposés par l'ODL et non sur le débat sur les orientations

stratégiques à adopter par l’ensemble des parties prenantes. Les deux plans locaux

d’action concertée pour l’économie et l’emploi (PLACÉE 2000-2004 et 2005-2009)

présentés par le CLD de Verdun ont été confiés à l'ODL, comme consultant, et celui

de 2010-2014 a été confié à une entreprise privée de communication et de ce fait, ces

plans de développement local ont été élaborés en dehors de toute concertation ou

mobilisation des acteurs du milieu autres que celles réalisées à l’intérieur de l'ODL.

Nous avons pu voir le rôle du territoire et de ses sentiers de dépendance qui

expliquent la nature des rapports sociaux inscrits dans les institutions traditionnelles

existantes à Verdun et leurs impacts sur la trajectoire de développement territorial

empruntée par les leaders de l'ODL. Dans cette perspective territoriale, nous allons

retracer, dans la partie suivante, les éléments qui rentrent dans le processus de

légitimation des leaders et de mettre en lumière le processus de construction du

leadership en lien avec la nature de la composition de la coalition qui le soutient.

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5.2 L'ODL, le processus de légitimation d’un leadership élitiste

Il est intéressant de rappeler le lancement de l’initiative de l'ODL pour retracer le

processus de légitimation et l’évolution de son leadership. Les caisses enregistreuses

des commerces à Verdun ont constitué l’élément déclencheur de la réaction des

dirigeants de l'ODL, celles-ci ne faisaient plus rentrer d’argent aux commerçants de la

ville de Verdun, une ville dont le commerce constituait la vocation économique

principale. La réaction des leaders de l'ODL, touchés par cette réalité, s’est aussitôt

transformée en action collective (voir les étapes du lancement de l’initiative de l'ODL

dans le chapitre 3) devant le besoin pressant de la collectivité de Verdun de changer

la situation de son territoire affecté par une détérioration du cadre de vie et par la

pauvreté et l’exclusion sociale.

Dans cette perspective de changement, les leaders de l'ODL ont surtout misé sur la

mobilisation des acteurs institutionnels dans leur intervention, qui sont identifiés

comme constituant les «forces vives» de la collectivité pour construire le projet de

revitalisation du territoire de Verdun et assurer sa mise en œuvre : Ce sont les hauts

responsables de l’administration locale, les personnalités influentes, les notables et les

hommes d’affaires. Ceux-ci ont constitué la base de la reconnaissance de l’action des

leaders de l'ODL et de leur leadership pour opérer la redynamisation de l’activité

économique et pour redorer l’image de la ville ternie par les effets de la crise

économique.

La reconnaissance des leaders par les acteurs du milieu concerné est un jalon

important dans le processus de légitimation, celui-ci passe par l’établissement des

liens de confiance que ces leaders entretiennent avec les acteurs dans le milieu

d’intervention. Ces relations se tissent sur la base de l’engagement des leaders et leur

implication dans le milieu (Lagroy, 2003) et qui sont favorisés par la proximité

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territoriale et par les interrelations qu’elle génère (Castells, 1998). L’action collective

constitue une étape cruciale dans la légitimation des leaders des mouvements sociaux

(Hamel, 1991 ; Joyal, 2002). Depuis le début des années 1980, l’action collective est

devenue un passage obligé dans l’intervention territoriale des acteurs locaux eu égard

au contexte post-fordiste, marqué, entre autres, par la remise en question de la

démarche institutionnelle dans la production de l’action publique et dans la

régénérescence des régimes urbains (Dormois, 2008).

L’action collective dans la démarche de l'ODL (les colloques organisés) s’inscrit dans

ce cadre et se distingue de celle des nouveaux mouvements sociaux à plus d’un titre ;

elle ne consiste pas à poser les enjeux du développement territorial sur la

place publique en termes de vision et de choix d’options, ce qui réduit sa

portée sociopolitique dans la définition du bien commun par la collectivité et

par conséquent sa capacité de penser ou de mettre en place le leadership

approprié,

elle ne vise pas l’ouverture sur la participation citoyenne de la population

locale. De ce fait, elle freine la mobilisation de nouvelles ressources de la

collectivité et écarte l’option d’un apprentissage collectif des acteurs locaux

dans la construction de compromis et dans la recherche de consensus larges et

forts.

Le rôle de l’action collective dans l’expérience de l'ODL a été réduit à la présentation

des résultats réalisés et à la valorisation des actions individuelles identifiées par les

dirigeants de l'ODL comme des exemples de réussite et qui rentrent dans sa mission

d’animation du milieu local.

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100

Deux éléments importants ont constitué les fondements de la reconnaissance des

leaders dans l’expérience de l'ODL : leur capacité à mobiliser les ressources pour la

mise en œuvre des projets de développement et l’efficacité des actions qui ont produit

des résultats tangibles et qui ont été accompagnés par une forte médiatisation. Dans

cette optique, les leaders de l'ODL ont montré une grande capacité de mobilisation

des ressources institutionnelles et une bonne gestion des projets ciblés. Cette capacité

est étroitement liée au capital socioterritorial mobilisé par les dirigeants de l'ODL, en

termes de capital humain et de capital social, notamment leurs expertises

professionnelles, la position hiérarchique dans leurs départements ou organisations,

leur position proche des lieux de pouvoir et de décision et l’ancrage territorial de

l’élite locale à laquelle ils appartiennent. Ces dispositions des dirigeants de l'ODL

leur permettent l’accès à l’information stratégique et une bonne connaissance des

rouages de la décision au niveau local, comme nous l’avons vu au chapitre précédent.

Il y a lieu de préciser que le processus de légitimation des leaders de l'ODL dans

l’intervention territoriale en termes de reconnaissance des leaders par les acteurs du

milieu et par la population locale ne présente pas de différence en soi avec les

processus en place dans les autres lieux, mais c’est au niveau de la démarche

institutionnelle et des options choisies par l'ODL dans la planification des partenariats,

qui stabilisent les restructurations opérées dans les rapports sociaux, que se distingue

le leadership proposé. Encore faut-il situer cette dynamique de construction du

leadership de l'ODL dans son contexte ce qui oriente dans une large mesure les

options choisies par les leaders de l'ODL pour se démarquer de la stratégie du

développement économique communautaire.

L’analyse des ressources mobilisées par les leaders de l'ODL va nous renseigner

sur le processus d’institutionnalisation du leadership construit à travers les options

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101

choisies dans l’établissement des types de partenariats et ses effets sur l’orientation de

leur leadership.

5.3 L'ODL, le processus d’institutionnalisation d’un leadership élitiste

L’expérience de l'ODL nous montre que la nature des ressources mobilisées par

l'ODL a plutôt renforcé le leadership individuel. Les ressources mobilisées par l'ODL

dans son intervention territoriale à Verdun proviennent essentiellement du milieu

institutionnel. À ce propos, les leaders de l'ODL ont néanmoins montré une grande

capacité de mobilisation des ressources publiques à différentes échelles. Ces

ressources sont diverses (matérielles, humaines et financières) et concernent

l’obtention :

de baux de location à des prix favorables consentis par la municipalité et par

différents organismes,

du matériel nécessaire à la logistique, fourni par le département de la Santé

publique et par la municipalité,

des ressources humaines apportées par des fonctionnaires et des agents

administratifs de la municipalité et du secteur de la santé publique et par des

représentants des différentes institutions partenaires de l'ODL,

les ressources financières obtenues auprès des différents paliers du

gouvernement (provincial et fédéral) et du secteur privé par le biais de

commandites des entreprises économiques locales et de contributions diverses.

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Il y a lieu de souligner le contexte des changements institutionnels qui s’opéraient

au niveau gouvernemental et au niveau local et qui favorisaient une ouverture du

système publique, notamment dans le secteur de la santé (diverses politiques

publiques et remaniements administratifs) et l’établissement des rapports horizontaux

entre les différents secteurs et entre les acteurs locaux de différents milieux. Ainsi, ce

sont réunies les conditions de mise en place de partenariats de type entrepreneurial

pour promouvoir le développement local. Le partenariat construit entre la

municipalité et le secteur de la santé a été la base de l’ensemble des projets lancés par

l'ODL. Ce partenariat a pris appui dans le programme « Villes et villages en santé »

(VVS)14

. L’adhésion de la municipalité de Verdun au Réseau québécois des villes et

villages en Santé (RQVVS) en 1990 a permis d’insérer l’action de l'ODL dans ce

cadre, ce qui lui a valu une large reconnaissance nationale et internationale,

notamment en ce qui concerne la lutte à la pauvreté.

Le concept VVS, adopté par le directeur du département de la santé, justifie la

mobilisation des ressources du système de la santé, ce qui permet de fournir des

moyens substantiels au soutien de l'ODL et qui l’a hissé au poste de président. Il faut

rappeler que, jusqu’en 1997, le département hébergeait dans ses bâtiments le siège de

l'ODL et lui procurait les ressources nécessaires pour son administration, y compris la

rémunération de deux postes de cadres administratifs permanents. Toutefois, le départ

du directeur de ce département de son poste a mis fin à cette entente, qui tenait

beaucoup plus de son action personnelle et de son réseau de relations que d’une

coalition durable ou d’une modification dans l’environnement institutionnel local.

14 Ce programme de l’Organisation mondiale de la santé promeut le développement durable de milieux

de vie sains et soutient le développement des collectivités présentant des indicateurs de vulnérabilité

élevés. Le concept VVS repose sur la capacité des individus d’agir sur leur environnement. Il est

destiné au soutien des municipalités qui s’engagent à réaliser des projets pour améliorer la qualité de

vie de leurs citoyens. Les municipalités doivent être capables de s'adapter aux besoins et aux

ressources spécifiques de leur milieu et d’instaurer des rapports horizontaux entre les différentes

institutions locales.

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103

Cette stratégie de mobilisation des ressources institutionnelles a été bloquée par

son incapacité de dépasser le capital social individuel des leaders et de favoriser

l’inclusion d’autres organisations représentatives de la société civile. Une stratégie

plus inclusive demanderait nécessairement des adaptations et donc du temps

additionnel pour la gestion des projets, mais permettrait l’ajout d’autres ressources

susceptibles d’être obtenues par la force des organisations communautaires en tant

que mouvement de pression ainsi que par une participation citoyenne plus large. Dans

le contexte spécifique de Verdun, soit d’une ville dirigée par une élite traditionnelle

qui entretient des rapports tutélaires avec le milieu communautaire, sa démarche

institutionnelle la place en opposition avec la perspective d’un leadership partagé.

Les options choisies par les leaders de l'ODL pour l’élaboration et la planification

des projets de développement qui sont déterminantes dans l’établissement de

partenariats ont plutôt favorisé un développement voué au renforcement individuel.

5.4 L'ODL : les limites d’un leadership élitiste

On doit constater l’échec du leadership construit par l'ODL dans la mise en place

d’une gouvernance partagée dans sa collectivité locale, notamment en ce qui

concerne l’intégration des organismes communautaires qui constituent un pan

stratégique dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à Verdun, et sa

difficulté d’atteindre le consensus nécessaire à la réalisation d’une concertation

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104

territoriale élargie et inclusive. L’incapacité des leaders de l'ODL de coaliser

l’ensemble des intervenants locaux dans l’action territoriale à Verdun, est liée au type

de leadership soutenu par la coalition de l’élite locale traditionnelle de Verdun.

Ce qui nous intéresse dans l’action territoriale de l'ODL à Verdun à ce niveau,

c’est le rôle structurant de la référence au territoire dans la formation de la coalition

d’acteurs qui a soutenu son leadership et qui a orienté ses interventions et les types de

partenariats établis. C’est dans cette perspective que nous présentons les limites de

l’intervention territoriale de l'ODL dans la construction d’un leadership partagé et qui

concernent son incapacité à mettre en place des instances locales de régulation

économique et sociale autonomes vis-à-vis du pouvoir local et ses démarches vouées

au développement individuel.

5.4.1 L'ODL, incapacité de créer des instances autonomes

Il faut rappeler que le territoire de Verdun a toujours été la base d’une élite locale

politiquement forte et très autonomiste, surtout par rapport à la Ville de Montréal. Le

statut de ville permettait à Verdun d’être le cadre d’arrangements institutionnels

spécifiques qui ont marqué la structuration des rapports sociaux formels et informels

entre les différents acteurs du territoire (path dependency). La coïncidence du

territoire de référence de la coalition de l'ODL et celui délimité administrativement

par l’ancienne Ville de Verdun traduit la superposition des stratégies politiques du

pouvoir politique en place aux projets de revitalisation issues de la concertation

intersectorielle, et par conséquent le lien entre le pouvoir politique et l'ODL. Cette

dimension politique très présente, mais informelle et tacite, explique l’impossibilité

de l'ODL de se développer comme une organisation distincte de l’appareil politique et

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105

pour mettre en place un CA indépendant. C’est ce qui explique la démission du

premier instigateur de l'ODL, une fois élu comme maire de la ville. L’enjeu dans cette

situation est la capacité des dirigeants de sauvegarder l’indépendance de

l’organisation de l'ODL et son autonomie vis-à-vis de l’appareil politique en place et

qui suscite la méfiance des acteurs du milieu local.

L’établissement de liens avec le milieu politique et la fluidité des rapports qui

permettent l’établissement de partenariats et stabilisent les rapports pour entreprendre

des projets de développement constituent des facteurs d’efficacité. Toutefois, la

question de l’autonomie dans les choix stratégiques qui représentent l’intérêt de la

collectivité locale et non pas juste celui d’un groupe ou d’une classe sociale, ne peut

être garantie en dehors de l’établissement de coalitions larges et ouvertes. Le défi du

leadership construit dans ce contexte est donc de mettre en place les conditions qui

renforcent les capacités des acteurs des différents secteurs locaux par la participation

et l’accès aux instances de prise de décision. À ce propos, nous pouvons postuler que

l’autonomie des instances locale de régulation économique et sociale mise en place

par les acteurs locaux constitue un critère décisif dans la construction d’un leadership

partagé.

5.4.2 L'ODL, un leadership voué au renforcement individuel

La réappropriation du territoire de Verdun par l’élite locale dans le cadre de

l’initiative de revitalisation lancée par l'ODL est passée par la promotion d’une

identité positive destinée à contrer les effets de l’image négative médiatisée sur le

territoire de la ville de Verdun.

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106

… la première chose que j’ai faite, j’ai appelé la compagnie de publicité et je lui

ai dit arrêter arrêtez de vous servir de Verdun, et parlez d’autres villes et qu’on a

juste arrêté de parler de nos faiblesses et commencé à parler de nos forces depuis

1991. (Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Dans cette option, la mobilisation de l’identité du territoire autour d’une image

positive ne vise pas la réappropriation du territoire par la population locale et le

renforcement du sentiment d’appartenance des acteurs locaux, mais elle vise surtout

l’adhésion des acteurs aux stratégies du développement local et la confirmation du

leadership proposé par l'ODL. Les projets pilotés par l'ODL viennent en complément

ou se greffent aux actions menées par la municipalité dans le cadre de la politique

urbanistique de la ville (plan d’urbanisme). Cette politique locale met de l’avant les

atouts physiques et économiques du territoire de la ville (l’amélioration des berges, la

promotion immobilière et l’accès à la copropriété, l’amélioration du parc de

logements) susceptibles d’attirer des investissements sur le territoire.

La mobilisation de l’identité du territoire autour de la promotion d’une image

positive dans le projet de revitalisation de Verdun a été également liée aux actions de

lutte contre la pauvreté menées par l'ODL dans le cadre de sa vision sociosanitaire du

développement et par la mise en place d’une charte à ce propos. Dans ce cadre, la

démarche adoptée par l'ODL dans la promotion des actions et des projets menés par

l'ODL cible la valorisation des projets individuels de citoyens ou d’entreprises dans

divers domaines d’activités et assure l’animation du milieu autour d’activités qui

favorisent une certaine participation de la population, telles que l’organisation de

concours divers dans le cadre du mois de développement local (les grands verdunois,

coups de chapeau) et la création d’un poste de commissaire au développement local

pour assurer l’animation du milieu. Ce type d’action qui mise surtout sur le

développement individuel, était vu par l'ODL comme une démarche participative vis-

à-vis de la population locale.

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107

Sur le plan politique, les interventions de l'ODL rentrent dans une logique de

renforcement du pouvoir local notabiliaire recomposé, notamment avec l’élection du

premier initiateur de l'ODL comme maire de Verdun en 1993. Ainsi, la coalition

formée par l'ODL se présente comme une alliance entre le pouvoir local et son

appareil politico administratif, le groupement de l’élite locale et le milieu des affaires.

5.4.3 L'ODL, incapacité intégrative de l’ensemble des acteurs locaux

La stratégie de développement local menée par l'ODL n’a pas négligé l’économie

sociale, mais celle-ci est vue comme un moyen pour attirer des subventions publiques

destinées à l’employabilité et à l’insertion sociale pour améliorer le cadre de vie de la

population sur le territoire de Verdun. Dans cette perspective, l’économie sociale et

les actions de lutte contre la pauvreté sont vues comme ayant un rôle supplétif dans

des stratégies conçues pour renforcer l’attractivité du territoire et pour produire la

croissance économique. Ceci ne diminue pas l’importance du rôle de l’économie

sociale dans le développement local et notamment dans la mobilisation de la

population locale autour des projets de développement. Toutefois, l’absence de

reconnaissance des acteurs communautaires et de véritables partenariats qui tiennent

compte des asymétries présentes entre les différents acteurs et groupes sociaux du

milieu ne permet pas d’intégrer l’ensemble des acteurs dans gouvernance locale ni la

construction d’une coalition de développement capable d’opérer les transformations

nécessaires pour répondre aux aspirations de la collectivité en matière de

développement.

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108

Le leadership de l'ODL ainsi construit a limité son ouverture sur l’ensemble des

acteurs du milieu et a créé une ambiance d’animosité entre les dirigeants de l'ODL et

les acteurs des groupes communautaires qui divise les acteurs locaux en termes de

vision de développement et mine la confiance entre les acteurs. Ainsi la capacité

institutionnelle des acteurs locaux se trouve amoindrie et limitée et laisse place aux

seuls outils traditionnels rattachés aux structures municipales du pouvoir local. La

concertation intersectorielle de l'ODL a consisté à assurer la coordination entre le

milieu des affaires, celui des instances institutionnelles locales et le pouvoir politique

en place. Ce processus d’institutionnalisation, mené par la coalition de l'ODL qui

exclut un pan stratégique dans le développement local, a eu pour conséquence la

reproduction du pouvoir de l’élite traditionnelle à Verdun.

En conclusion, nous pouvons constater que les résultats de notre recherche nous

ont permis de confirmer notre hypothèse par la négative, autrement dit qu’un

leadership non partagé ne permet pas de mettre en place une gouvernance locale ni un

processus de développement inclusif. L’analyse de notre étude de cas fait ressortir les

aspects qui limitent la construction d’un leadership partagé et les impacts que cela

engendre en termes d’effet limitatif sur l’exercice de la démocratie et de la

citoyenneté.

Notre analyse du type de leadership construit par l'ODL s’est intéressée à la

dynamique des acteurs à l’œuvre dans l’action territoriale à Verdun et a consisté à

observer son processus de construction dans ses divers aspects relationnel,

organisationnel, politique et institutionnel. En nous inspirant du modèle de

développement par l’initiative locale, des approches multidisciplinaires ont été

mobilisées afin de rendre compte de la complexité des éléments qui rentrent dans la

construction du leadership.

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109

Dans ce cadre, nous avons observé le rôle du territoire dans la composition de la

coalition qui a soutenu le leadership de l'ODL en lien avec la nature du capital

humain et du capital social mobilisés par ses leaders et le rôle de l’action collective et

de la mobilisation des ressources dans la reconnaissance de leur leadership ainsi que

la place déterminante du type de leadership construit dans l’institutionnalisation des

transformations sociales produites et dans l’orientation de la trajectoire du

développement territorial.

L’approche des coalitions a mis en évidence le rôle des coalitions d’acteurs dans

la restructuration des rapports sociaux au niveau local, notamment le rôle des

coalitions des élites locales traditionnelles dans la restructuration du pouvoir local et

la régénérescence du régime urbain. L’analyse de cette dynamique de changement du

contexte et de stabilisation des rapports sociaux dans la recomposition du territoire a

mis en évidence les sentiers institutionnels ancrés dans les rapports sociaux structurés

à différentes échelles et qui influencent la trajectoire du développement territorial

(path dependency).

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CONCLUSION

Au terme de cette recherche, nous pouvons conclure que l’étude de cas de l'ODL

à Montréal donne à voir des éléments d’explication de la crise d’un style de

leadership qui intervient dans la conduite du développement local, le leadership

individuel et élitiste. Plus généralement, notre recherche se questionne sur le type de

leadership proposé par la société civile dans le cadre des initiatives locales de

développement qui ont émergé suite à la crise économique des années 1980 dans les

pays occidentaux. Dans ce contexte, les enjeux du développement territorial

interpellent la capacité des leaders à mettre en place une gouvernance locale plurielle

et inclusive. Il s’agit, comme l’ont montré les recherches sur le développement par

l’initiative locale pour les leaders locaux (Klein et Champagne, 2011), de créer les

conditions qui renforcent les capacités de leurs collectivités locales pour promouvoir

un développement territorial intégré et d’assurer la connexion du territoire local aux

réseaux territoriaux de production de la richesse afin de lutter contre la pauvreté et

l’exclusion sociale.

Le leadership local qui a émergé dans le contexte post- fordiste est confronté à la

diversité des réalités territoriales et à la pluralité des acteurs qui interviennent dans

l’action territoriale, en l’occurrence dans les collectivités locales fragiles ou

fragilisées par les effets négatifs de la mondialisation. Ce contexte est marqué par le

changement institutionnel, avec le décentrement du rôle de l’État et l’émergence des

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111

initiatives locales de développement, et par le changement de paradigme, avec la

remise en question des valeurs de progrès et de croissance illimitée qui avaient été les

fondements des approches du développement dans les pays occidentaux. À cet effet,

les défis du leadership local se posent en termes de légitimité et d’institutionnalisation

pour construire une gouvernance locale.

Ce nouveau leadership local puise sa légitimité dans la mobilisation des

ressources essentiellement dans le capital socioterritorial (capital, humain, capital

social, culture organisationnelle et institutionnelle). Celle-ci est nécessaire pour son

intervention territoriale auprès de la population locale et pouvoir coaliser les acteurs

locaux afin d’établir les compromis durables pour reconstruire le territoire local, ainsi

qu’auprès de l’État qui demeure un acteur incontournable dans la mise en œuvre de

projets de revitalisation locale. Le capital socioterritorial mobilisé par les leaders

locaux, ancrés dans les rapports sociaux structurés à différentes échelles, influence

largement la trajectoire du développement territorial.

La construction de nouveaux sentiers de développement (path building) pour

opérer les transformations sociales nécessaires afin d’orienter le développement de la

collectivité locale exige un leadership capable de coaliser les acteurs locaux dans leur

pluralité et de créer de nouveaux cadres institutionnels qui permettent à l’action

collective locale d’être créative et d’atteindre ses objectifs. Dans ce cadre, si l’analyse

de notre étude de cas permet de confirmer la nécessité d’un leadership partagé, elle ne

permet pas d’illustrer par déduction le processus d’institutionnalisation d’un

leadership partagé. Toutefois, nous pouvons énumérer les éléments saillants que cette

expérience nous permet d’avancer et qui, à notre sens, ont été négligés ou défaillants.

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112

Dans une perspective territoriale, l’institutionnalisation du leadership partagé

passe par la promotion des options collectives dans l’élaboration et la planification

des projets de développement territorial. Il s’agit notamment :

de favoriser la participation citoyenne dans l’action collective pour la

mobilisation de nouvelles ressources et pour le renouvellement des leaders,

d’observer (ou diagnostiquer) les processus démocratiques en pratique et de

proposer de nouveaux mécanismes adaptés et s’assurer de l’accès à

l’information et son partage avec les acteurs concernés dans la construction du

projet territorial,

de mettre en place des mécanismes flexibles et ouverts à la participation dans

le processus de décision dans les instances et des organisations créées.

de créer les conditions pour assurer le ralliement des différentes parties pour

faire converger leurs intérêts et atteindre le consensus autour du projet de

développement de la collectivité locale,

de renforcer les solidarités locales sur la base d’une conscience territoriale

dans le montage des partenariats et de favoriser la formation des coalitions

larges et ouvertes.

La construction de sentiers de développement (path building) par les leaders

locaux exige d’apporter des changements dans l’ordre institutionnel établi et la

création d’un cadre autonome qui permette une ouverture sur la pluralité et la

diversité des acteurs locaux. C’est une dynamique qui suppose l’intégration de

l’ensemble des intervenants dans le développement territorial et l’instauration par les

leaders locaux de mécanismes démocratiques innovants et appropriés à la diversité

des réalités territoriales. La construction d’un leadership partagé s’avère nécessaire et

déterminante dans la réussite des initiatives locales de développement, d’où l’intérêt à

documenter les types de leadership pratiqués dans les initiatives locales de

développement et de théoriser les pratiques innovantes.

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ANNEXES

Annexe 1 : La grille des variables et des indicateurs d’analyse du leadership

Annexe 2 : Le guide du questionnaire

Annexe 3 : Le formulaire de consentement

Annexe 4 : La liste des activités de l’observation participante

Annexe 5 : Statistiques Verdun

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ANNEXE 1 :

La grille des variables et des indicateurs d’analyse du leadership

Variables Indicateurs

Conditions d’émergence des

leaders

Opportunités d’exercice du leadership

Occasions de mobilisations

Prises de parole ou de position

Contestation /Légitimation du leadership

Accès à la reconnaissance sociale

politique et économique

Appartenance à des réseaux

Enracinement local

Qualités personnelles

Capital humain

Histoire personnelle

Prestige

Rapport aux élites locales et régionales

Rapport aux institutions locales et régionales

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Accès des leaders à

l’information

Lien avec le politique

Réseaux informels

Lieux de rencontre « Club »

Type d’information recherchée

Liens faibles—liens forts

Reconnaissance des leaders

par les acteurs endogènes et

exogènes

Base de la reconnaissance du leadership

Reconnaissance d’une expertise

Rapport aux élites locales : notables, incontournables

Syndrome du « TLM »

Rapport aux institutions locales et régionales

Processus d’institutionnalisation : passage du

leadership individuel vers le leadership

organisationnel

Apprentissage

Densification institutionnelle

Importance des options

choisies dans la planification

des projets

Importance accordée aux processus démocratiques

Exercice de la démocratie = expressions concrètes :

forums, colloques, etc.

Sessions d’information et de formation

Élargissement de la concertation et du partenariat

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ANNEXE 2 : LE GUIDE DU QUESTIONNAIRE

Fiche signalétique de la personne interviewée :

Date :

Heure :

Endroit :

Nom de l’organisation :

Nom de la personne :

Fonctions actuelles et antérieures :

Introduction

Présentation des objectifs de la recherche et des aspects éthiques.

Questions d’éclaircissement ?

Signature du formulaire de consentement. Obligatoire.

Section 1 : Questions sur l’intervenant et l’organisation : rôles et implications A)

dans le milieu local ; B) dans le développement local à Verdun

1. Quelle est la mission de votre organisation ?

2. Quelle est la portée et la nature de son intervention ?

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3. Depuis combien de temps existe-t-elle dans le milieu ? Comment a-t-elle émergé ?

Aborder l’ancrage et l’appartenance locale de l’organisation.

4. Quels sont les réseaux (sectoriels, inter/multi sectoriels, formels, informels)

auxquels appartient votre organisation ? Vous-même ? Aborder le maillage avec

différentes organisations telles que le Chantier de l’économie sociale, la

Coalition nationale de lutte à la pauvreté, les réseaux de femmes, Solidarité

rurale, autres coalitions et réseaux formels et informels…

5. Depuis combien de temps êtes-vous impliqué au sein de votre organisation ? À

quel titre ?

6. Quelle est la nature ou le niveau de votre implication (personnelle et

organisationnelle) dans le projet de revitalisation de Verdun mené par l'ODL?

7. Depuis combien de temps ?

8. De quelles façons êtes-vous venu en contact avec l'ODL ? Par quels moyens

d’information ou par quels contacts ?

9. Pour quelles raisons êtes-vous (vous et votre organisation) impliqués dans ce

projet ?

Section 2 : Questions sur le projet étudié, son émergence et son évolution

10. Qui est l’initiateur du projet de revitalisation de Verdun mené par l'ODL

(personne ou organisation) ?

11. Quel est l’élément déclencheur (besoin, problème, etc.) qui a mené à ce projet ?

12. Qui sont les principaux intervenants qui ont participé à l’émergence et à la

réalisation du projet ? Déterminer le rôle et l’implication de chacun des

intervenants.

13. Pourquoi, selon vous, participent-ils à ce projet ?

14. Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre du projet ?

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15. Avez-vous dû faire des compromis entre les objectifs de votre organisation et

d’autres objectifs pour que le projet puisse être soutenu, financé ou, voir le jour ?

16. Comment ces difficultés ont-elles été surmontées ?

17. Avez-vous reçu des appuis particuliers pour la mise en œuvre de ce projet ?

Déterminer la nature et la motivation des différents appuis : c'est-à-dire, quel

type d’appui (politique, économique, social, etc.), quand, pourquoi, comment,

résultats obtenus, etc.

18. Y a-t-il eu des changements dans les relations avec les autres acteurs locaux à

cause de la mise en œuvre de ce projet (alliances ou conflits)?

Section 3 : Questions sur la mobilisation des ressources endogènes et exogènes

19. Quels sont les acteurs qui ont appuyé le projet à ses différentes étapes ? (acteurs

locaux et non locaux/ prives, sociaux et publics)

20. Le projet a-t-il profité d’opportunités spécifiques (programmes ou fonds publics

ou privés, interventions politiques, etc.) aux différents stades de son évolution?

21. Y-a-t-il d’autres acteurs impliqués dans le projet? Si oui, à quel titre et quel est

leur rôle?

22. Ces acteurs sont-ils « locaux » ou « extérieurs » à la collectivité ?

23. Quel a été le rôle des instances municipales ou gouvernementales dans la mise en

œuvre et l’évolution du projet ?

24. Qui assure la gestion du projet ?

25. Décrivez le processus décisionnel pour le développement et la conduite du projet ?

26. Quels sont les sources de financement du projet ? Déterminer la nature et

l’origine de toutes les sources ainsi que le montage financier.

27. Comment a-t-on été chercher cherché chacune de ces sources de financement ?

Déterminer le processus de mobilisation des ressources.

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28. Comment a-t-on convaincu les partenaires de participer au projet ? Déterminer

les contraintes et les difficultés surmontées.

29. Quels sont les programmes gouvernementaux utilisés ?

30. Quelles sont les autres ressources (informations, formation, ressources humaines,

expertise, réseaux, contacts) qui ont contribué à l’émergence, à la planification et

au développement du projet ? Déterminer la nature et l’importance accordée à

chacun des types de ressources.

Section 4 : Questions sur la construction du leadership local

31. Qui a eu l’idée de ce projet? Comment cette idée a-t-elle germée et comment a-t-

elle été acceptée?

32. Est-ce que les premiers instigateurs sont restés comme leaders du projet? Le sont

il encore?

33. Quelles sont les principales caractéristiques des personnes leaders du projet :

d’où viennent-ils? Quelle est ou a été leur fonction?

34. Par quels moyens se sont-ils imposés comme leaders (conflits, modes de

persuasion)?

35. Y-a-t-il eu des changements parmi les leaders au cours de l’évolution du projet?

(des nouveaux leaders ou des changements de position de leur part)?

36. L’idée de départ, a-t-elle été appliquée telle quelle? A-t-elle été modifiée au

cours de l’évolution du projet?

37. Est-ce que la mise en œuvre de ce projet a eu un effet sur l’importance de

l’organisation dans le milieu? Si oui, comment? Si non, pourquoi?

38. Est-ce que ce projet a permis aux organisations qui le mettent en œuvre d’avoir

plus d’influence sur les autres acteurs locaux?

39. Si oui, est-ce que cela est bon pour la collectivité locale? Pourquoi?

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Section 5 : Questions sur la gouvernance locale

40. Quels sont les liens entre les structures administratives locales et le projet ?

Déterminer le rôle de l'ODL, du CLD, des instances municipales, etc. et leurs

actions en faveur ou défaveur du projet.

41. Existe-t-il d’autres instances locales étant intervenues dans la mise en place du

projet (tables de concertation, coalitions, réseaux, de clubs, d’associations, etc.)

42. Quels sont les liens avec les instances administratives et les réseaux d’échelle

régionale et nationale ?

Section 6 : Questions sur l’impact du projet vis-à-vis la lutte à la pauvreté et à

l’exclusion sociale

43. Quel est l’effet du projet sur l’insertion sociale? A-t-il créé ou maintenu des

emplois ? Combien ? Aborder la question du type d’emploi et de leur durabilité,

la clientèle visée, etc.

44. Quel est l’effet du projet au niveau de la dynamique sociale? a-t-il créé une

nouvelle dynamique dans le milieu ? Aborder la question des apprentissages

collectifs et de la capacité d’agir collective (empowerment).

45. Le projet a-t-il créé de nouvelles organisations ? A-t-il permis le développement

(croissance) d’autres organisations.

46. Est-ce que ce projet a apporté des solutions à des populations pauvres en termes

de services (ou autres)? Si oui, comment

47. Est ce que ce projet a permis d’alléger la pauvreté ou l’exclusion de certaines

populations ciblées ? Si oui, lesquelles et comment?

48. Comment définissez-vous la pauvreté et l’exclusion sociale ? Est-ce que cette

définition correspond à celle des programmes ou des bailleurs de fonds auxquels

vous êtes associés ?

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49. Comment le projet permet-il de corriger ces problèmes ? (développement des

compétences, e réseaux, etc.)

Évaluation du projet

50. Travaillez- vous en collaboration et échangez des informations au sein du projet

avec d’autres organisations ayant des missions analogues ? Y a-t-il des transferts

d’expertises ?

51. Vous inspirez vous d’autres expériences ou d’autres projets, des initiatives

étrangères ou autres ?

Conclusion de l’entrevue

52. Ouverture sur différents sujets touchant de près ou de loin le projet de recherche.

53. Points non abordés ?

54. Autres dimensions ? Autres considérations ?

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ANNEXE 3 : LE FORMULAIRE DE CONSENTEMENT

Économie sociale et inclusion soioterritoriale : Cas de Montréal

Ce projet de recherche, mené par une équipe de chercheurs de l’Université du

Québec à Montréal, est financé par le CRSH. Cette recherche vise à étudier l’effet

structurant des initiatives locales qui utilisent les ressources de l’économie sociale

pour assurer une reconvention des espaces locaux et mettre en place des dynamiques

d’inclusion socioterritoriale. Plus concrètement, la recherche porte sur 3 cas

d’initiatives locales et prendra la forme d’une enquête par entrevues auprès de

répondants/répondantes ayant participé à ces initiatives à titre d’acteur ou de témoin.

Vous avez été sélectionné pour participer à l’enquête. Votre participation est

volontaire et ne comporte aucune rémunération. Il va de soi que vous pouvez accepter

ou refuser d’y participer, et que vous avez le droit de suspendre votre participation à

n’importe quel moment sans aucun préjudice pou vous ou pour votre organisation.

L’entrevue se fera à l’aide d’un guide d’entrevues (questionnaire) et aura une durée

d’environs une heure. Les questions qui vous seront posés porteront sur comment se

fait la mise en œuvre des actions collectives de revitalisation visant à renverser les

processus d’appauvrissement et d’exclusion sociale à partir d’initiatives innovatrices

locales ancrées dans l’économie sociale, sur comment se construit le leadership

collectif qui les rend efficaces et sur comment elles connectent le territoire local avec

des réseaux leur permettant de bénéficier de bassins de ressources vastes et variés.

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Afin de mettre en perspective les informations reçues, une fiche signalétique sera

remplie avec des informations au sujet de vos fonctions dans ou en regard de

l’organisme responsable de l’initiative étudiée (poste occupé, de quand à quand,

responsabilités, fonctions antérieures).

Les enregistrements ainsi que les informations qu’ils contiennent demeureront

confidentiels. Les informations vous concernant ou concernant votre organisation

seront conservés dans les archives du directeur du projet. Aucune personne autre que

les membres de l’équipe n’aura accès à ces informations. Toutes les informations

seront regroupées et traitées de façon à assurer la confidentialité des réponses et

l’anonymat des répondants.

Le projet a reçu l’approbation du Comité institutionnel d’éthique de la recherche

avec des êtres humains de l’UQAM (CIÉR). Si vous désirez obtenir des informations

sur les responsabilités de l’équipe de recherche au plan éthique ou formuler une

plainte, vous pouvez faire valoir votre situation auprès du Président du Comité,

Joseph Josy Lévy. Il peut être joint au numéro (514) 987 3000 poste 4483) ou par

courriel à l’adresse : [email protected]. Il peut également être joint au

numéro (514) 987-3000, poste 7753.

Pour l’équipe de recherche

Juan-Luis Klein, Professeur titulaire

Directeur du projet

J’accepte de participer de participer de rencontrer les représentants de l’équipe de

recherche et de répondre à leurs questions :

Nom et signature du répondant ou de la répondante

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ANNEXE 4 :

La liste des activités de l’observation participante

Le 28 septembre 2009 : prise de contact et entretien avec la direction de l'ODL :

présentation du projet de recherche, de mon CV et des objectifs de la démarche.

Conclusion d’une entente d’une durée indéterminée (un poste de bureau dans les

locaux de l'ODL, accéder à l’information sur les projets de l'ODL, assister aux

activités en cours).

Le 22 octobre 2009 : une entente verbale a été établie entre la direction de l'ODL,

représentée par le Président-Directeur Général et la coordonnatrice de l'ODL, et le

Directeur du projet de recherche (UQAM), réunion tenue le dans les locaux de l'ODL

à Verdun.

Durant la période de septembre 2009 à novembre 2010, ma mission a consisté à;

Assister aux réunions de suivi de l’ensemble des projets de l'ODL et des

organisations qui lui sont liées : les Conseils d’administration, les comités et

les activités, auxquelles j’ai été, régulièrement, conviée à y assister et je

recevais la documentation les concernant.

Organiser les contacts, nécessaires à notre étude, avec les acteurs locaux,

notamment pour les entrevues.

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Au total, nous avons assisté à une centaine de réunions (CA, comités, activités)

de septembre 2009 à novembre 2010 dans le cadre de l'Organisme de développement

local et du Centre de Formation du Jardin du Citoyen :

Le Comité exécutif de l'ODL se réunit à raison d’une fois par mois ou au

besoin, de 7h30 à 9h, au centre d’affaires de Verdun. Ce sont une dizaine de

réunions auxquelles j’ai assisté du 14 octobre 2009 au 30 novembre 2010.

Le conseil d’administration de la Fondation de développement local de

Verdun (FDLV) se réunit régulièrement une fois par mois au local du

restaurant McDonald’s, 4300, boul. Lasalle, Verdun. Ce sont une dizaine de

réunions auxquelles j’ai assisté du 15 octobre 2009 au 28 novembre 2010.

03 novembre 2009 : Tour de ville, une activité régulière à Verdun offertes aux

investisseurs nouveaux, elle est effectuée par le commissaire au

développement local.

Comité de croissance de Jardin de Lourde, (4 réunions) : un projet au profit

des personnes à vulnérabilité psychosociale (entretien de l’église et jardinage)

Participation à l’organisation du mois de développement local 2009 et 2010 :

plusieurs activités sont organisées (7 réunions) :

o Comité de sélection du concours coup de chapeaux 2009 et 2010,

organisé par la coordonnatrice de l'ODL : (préparation des critères de

sélection, proposition des candidatures (CIPEV, association des

artistes, les grands verdunois), contacts avec les commandites)

o Soirée du mois de développement local

o Soirée de reconnaissance coup de chapeaux

Le projet des aînés dans le cadre du programme « Verdun, ville amie des

aînés » lancé le 19 août 2009 :

Comité aviseur du projet « Les aînés de Verdun, on compte sur vous »,

tenue régulièrement au centre Marcel Giroux, au moins une fois par

mois. (12 réunions)

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Comité promoteur du projet « Les aînés de Verdun, on compte sur

vous » : 2 réunions

Réunion avec la STM sur la navette d’or à l’Île-Des-Sœurs. 1 réunion.

Réunions concernant la formation des comités locaux dans les centres

des aînés (les Verrières à l’île des Sœurs, l’Ambiance à l’île des

Sœurs). 5 réunions.

Les midi-motivation (5 réunions), une activité régulière qui se tient tous les

jeudis de fin du mois. C’est une activité de réseautage et d’informations aux

acteurs économiques locaux.

Le mentorat (5 réunions), une activité de soutien aux jeunes entrepreneurs.

dont les membres montors ont constitué leur premier conseil d’administration

en fin décembre 2010.

Le déjeuner d’affaires (3 réunions), un espace de réseautage pour les acteurs

économique et qui offre des activités de formation.

En plus nous avons assisté aux activités locales diverses; politiques (élections

provinciales et municipales) et communautaires (Forum citoyen de Verdun)

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ANNEXE 5 : STATISTIQUES VERDUN

Statistiques Verdun de 1971 à 1991

Quelques paramètres socioéconomiques à Verdun tirés du recensement 2006

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Statistiques Verdun de 1971 à 1991

Source : Statistiques Canada, dans Verdun Profil statistique, Ville de Verdun (juin 1994)

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Source : Statistiques Canada, dans Verdun Profil statistique, Ville de Verdun (juin 1994)

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Source : Statistiques Canada, dans Verdun Profil statistique, Ville de Verdun (juin 1994)

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Source : Statistiques Canada, dans Verdun Profil statistique, Ville de Verdun (juin 1994)

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