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Association des Médecins du Réseau Public en Santé au Travail du Québec LES MÉDECINS EN SANTÉ DU TRAVAIL: À LA CROISÉE DES CHEMINS rtH^ 21 cl 22 Novembre 1991 Le Méridien 4 Complexe Desjardins Montréal, Québec INSPO - Monlréal 3 5567 000

LES MÉDECINS EN SANTÉ DU TRAVAIL: À LA CROISÉE DES …

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Association des Médecins du Réseau Public en Santé au Travail du Québec

LES MÉDECINS EN SANTÉ DU TRAVAIL:

À LA CROISÉE DES CHEMINS

rtH^ 21 cl 22 Novembre 1991

Le Méridien 4 Complexe Desjardins

Montréal, Québec INSPO - Monlréal

3 5567 000

LISTE DES PARTICIPANTS

ABBA-STURQUI, Fatima ALIX, Roland ALLARD, Roi lande ARSENAULT, Maryse ARTEAU, Myre i l le BAILLARGEON, Martine BAZIN, Marc BEAUCAGE, Clément BÉLANGER, Marcel BÉLANGER, Paule BÉLANGER, Suzanne BELLIVEAU, Rose-Marie BERGERON, Nicole BERGERON, Pierre BHÉRER, Luc BLAIS, Yves BORDELEAU, Carole BOUCHER f Suzanne BROCHU, S te l la BROCK, Gordon BRUNET, Gi l les BUJOLD, Raynald CARON, Diane CARON, Maurice CARTIER, François CHARTRAND, André CLOUT1ER, Fernand CLOUTIER-CAMIRÉ, France COULOMBE, Francine CROTEAU, Agathe DAMPHOUSSE, L. DESAUTELS, Diane

DESAUTELS, Ginette DESGROSEILLIERS, J.- I rénée DORVAL, Ginette DROUIN, Guy DUPONT, Hélène DUPONT, Richard DUTIL, Chr is t ian FERLAND, Paul FONTAINE, Léonard FORTIER, Colette FORTIN, Benoît FORTIN, Mario FOURNIER, Réjean GAGNON, Maude GAGNON, Paul-A. GAGNON, Roger GAY, Gabriel GAUTHIER, Daniel GENEST, Roger GÉRIN, Michel GIRARD, Luc GODIN, Michel GOSSELIN, Cécile GOURDE, Nathalie GRENIER, G i l l es W. GUÉRIN, Michel HAIGH, Donald HALLÉ, Suzanne HILLER, S te l l a

HINSE, Michel JETTÉ, Claude

JOYAL, Claude INSTITUT NATTNAL DE SANTÉ PIJDUQUE DU QUÉBEC

C M f m m w < ï \ m MONTRÉAL

LABRÈCHE, France

LABRIE, Robert s

LALONDE, Chrlstiane

LAMARRE, Jean

LAMBERT, Nicole

LAMONTAGNE, Jacques

LAPLANTE, Lise

LAPOINTE, André

LAPRISE, Marcel

LAROSE, Gilles

LAVIGNE, Joanne

LAVOIE, Marcel

LECOURS, Serge

LEJEUNE, Dominique

LÉTOURNEAU, Gérald

LÉVESQUE, Christian

MALENFANT, Romaine

MARCOUX, Laurent

^ , MALO, Yvan

^ MASON, Joan

MATHIEU, Michel-P.

MÉNARD, Luc

LÉGER-MERCIER, Rita

MEUNIER, Louise

MORISSETTE, Lucie

MURRAY, John C.

OSTIGUY, Claude

PAQUIN, Johanne

PARENT, Maurice

PELLERIN, Jean

PERREAULT, Louis-Georges

PICHETTE, Léonard

POIRIER,. Céline

POULIOT, Marielle

PRIÉ, Véronique

' RIOUX, Céline

ROY, Christine

ROY, Michel

RACINE, Réal

RANGER, François

ROY, Roger

SIMARD, Robert

SAUVÉ, Jocelyne

ST-DENIS, Francine

TARDIF, Daniel

TARDIF, Jean-Marc

THOMPSON, Jean-Pierre

TREMBLAY, Luc

TREMBLAY, Martin

TROTTIER, Mylène

TRUCHON, Ginette

TURCOT, Alice

TURMEL, Serge

VAILLANCOURT, Claude

VALLÉE, Jacques

VÀSILIU, Mihaela

ZÉMENT, Brigitte

nk

LA LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL: ESPOIRS ET RÉALITÉS

POINT DE VUE D'UNE PIONNIERE

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

MADAME LISE LANGEVIN PRÉSIDENTE

ASSOCIATION POUR LA SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION OES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 novembre 199Î

t

LA LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL: DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL À LA SANTÉ PUBLIQUE

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR MICHEL VÉZINA

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITÉ LAVAL

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et U noveibre 1991

Résultat d'un choix de société, l'adoption en décembre 1979 de la loi sur la santé et la

sécurité du travail, a marqué un virage important vers la protection et la promotion de la

santé des travailleurs et des travailleuses au Québec. En raison des droits et obligations

accordées aux travailleurs et aux employeurs, de même que par la création de diverses

structures et mécanismes de prise en charge, cette loi est venue créer un contexte

favorable à la pratique de la santé publique, quon peut définir comme : "la science et

l'art de prévenir la maladie, de prolonger la vie et de promouvoir la santé par des efforts

organisés de la société". (1)

Ce contexte impliquait par ailleurs des modifications importantes aux règles du jeu de la

pratique de la médecine du travail, plus traditionnellement orientée vers une approche

clinique individuelle que vers une démarche de santé publique. Dans cette perspective,

la loi est venue mettre au défi la crédibilité des médecins du réseau publique en leur

confiant des responsabilités majeures en santé au travail. Malgré cette orientation

favorable de la réforme, on doit constater, plus de dix ans après l'adoption de la loi, que

le potentiel du réseau public en santé au travail n'est pas utilisé à sa pleine capacité.

Quelles sont les caractéristiques de la démarche de santé publique proposée par la loi?

Quelle crédibilité les médecins du réseau public ont-ils en santé au travail après plus de

dix ans d'application de la loi ? Enfin, dans quelle direction devons-nous travailler au

cours des prochaines années pour consolider la place du réseau public en santé au

travail ? Voilà les trois questions auxquelles j'aimerais répondre avec vous ce matin.

1

I - UNE DÉMARCHE DE SANTÉ PUBLIQUE

L'objectif premier de la réforme en santé et sécurité du travail au Québec est

l'élimination des risques à la source. Dans ce contexte, les caractéristiques de

l'intervention du médecin relèvent davantage de la démarche de la santé publique que

de celle de la clinique traditionnelle. Ainsi, alors que le clinicien intervient d'ordinaire sur

un seul individu, le médecin en santé au travail doit visiter et connaître les milieux de

travail pour juger de la nécessité d'une intervention auprès d'un ensemble d'individus.

Cette intervention cherche beaucoup plus à trouver des moyens techniques pour réduire

le problème d'un groupe exposé à un agresseur que de fournir un traitement à chaque

individu. (2) En d'autres termes, le médecin en santé au travail est soumis à des

obligations de résultats pour une population et non seulement à des obligations de

moyens pour des individus.

Il s'agit là d'une différence fondamentale par rapport au système traditionnel de

médecins d'entreprises, système dont on peut trouver un exemple chez nos collègues

français où l'organisation et le financement du système reposent avant tout sur l'obligation

de la visite médicale du salarié. Ce système incite les cliniques médicales interentreprises

à faire des examens médicaux de routine en abondance afin de rentabiliser leurs infra-

structures.

2

Une autre caractéristique de la démarche de santé publique proposée par la

réforme repose sur une approche doublement intégrée. En effet en plus d'être intégré

au programme de prévention, le programme de santé comprend, par définition, en plus

d'un volet médical lorsque pertinent, un volet environnemental afin de s'assurer que les

interventions sont réellement susceptibles de prévenir les altérations à la santé résultant

d'une exposition professionnelle spécifique. À la base de cette démarche intégrée, on

retrouve les principes qui ont traditionnellement guidés les intervenants de santé publique

qui voulaient protéger des populations exposées à un environnement malsain.

Contrairement au système traditionnel de médecins d'entreprises qui n'était

pratiquement accessible qu'aux grosses entreprises avant la réforme, la loi impose au

réseau public de santé, l'obligation, toujours dans une logique de santé publique, de

rejoindre l'ensemble de la population des travailleurs exposés à des environnements

pathogènes, sur un territoire donné. Cet élément de la réforme est d'autant plus

important au Québec que plus de 90% des entreprises sont des PME. (3)

Enfin, en plus d'une démarche de santé publique, c'est une démarche de santé

communautaire que la loi propose en santé au travail. En effet, l'ensemble des

mécanismes de participation que la loi met en place tant localement au niveau des

comités de santé et de sécurité des entreprises que provincialement au niveau de la

Commission de la santé et de la sécurité au travail permette en principe l'implication

active d'une communauté dans la définition de ses problèmes de santé prioritaires et

3

dans le choix des moyens pour améliorer son niveau de santé. (4) Cette démarche de

santé communautaire véhiculée par l'approche paritaire a souvent forcé des médecins

à faire un apprentissage rapide de l'art du compromis et de bien distinguer, dans leur

bagage de connaissances, celles qui avaient des assises scientifiques solides de celles

qui relevaient des jugements de valeur non vérifiés scientifiquement ou des croyances qui

ont la vie dure. Les médecins du travail ont ainsi été amenés à pratiquer réellement la

santé communautaire, alors que plusieurs de leurs collègues du réseau public devaient

se contenter d'en parler.

Il - DES MÉDECINS CRÉDIBLES EN SANTÉ AU TRAVAIL

Après plus de dix ans d'application de la loi en santé et sécurité du travail au

Québec, je crois qu'on peut affirmer que les médecins du réseau public ont acquis une

bonne crédibilité en santé au travail. Cette crédibilité repose sur plusieurs facteurs dont:

la neutralité et l'indépendance professionnelles, l'importance et la qualité des réalisations

des équipes de santé au travail, le rattachement à des institutions compétentes et qui

offrent des services complémentaires et finalement, l'implication dans un système reconnu

par des organismes internationaux.

4

1 - Neutralité et Indépendance professionnelles

Par son rattachement au réseau public, le médecin responsable peut jouir de

l'indépendance professionnelle requise pour bien exercer sa fonction auprès de

l'entreprise. En effet, que ce soit en raison de sa rémunération externe à l'entreprise, de

l'évaluation de ses compétences professionnelles par des institutions crédibles ou encore

en raison de la confidentialité qu'il garantit des dossiers médicaux, le médecin

responsable jouit d'une bonne crédibilité professionnelle de la part du milieu. De plus,

l'implication des travailleurs et des employeurs dans le choix du médecin responsable de

môme que dans l'acceptation du programme de santé ajoute un élément de neutralité

dans les interventions du médecin en santé au travail, principalement lorsqu'à titre de

conseiller des partenaires du milieu, "il doit signaler aux intéressés toute déficience qui

suscite une mesure de prévention ou informer le travailleur de toute situation l'exposant

à un danger ainsi que de toute altération à sa santé".

Cette indépendance professionnelle est cependant encadrée par les règles de

gestion des organismes publics et la disponibilité restreinte de ressources. Ces

contraintes administratives ne doivent cependant pas faire oublier au médecin

l'importance des pouvoirs que la loi lui a conféré et notamment son rôle de conseiller et

môme d'arbitre de plusieurs situations. Dans de telles circonstances, le médecin doit se

rappeler que la seule justification de sa présence est la protection de la santé des

travailleurs et qu'en conséquence, il n'a pas à se gêner ou faire preuve de timidité lorsque

5

d'autres intervenants-clés dans l'application de la réforme, tels les fonctionnaires de la r

CSST, ne donnent pas suite à ses recommandations, pour des raisons administratives.

La stagnation des interventions dans les groupes I et II a souvent donné l'occasion au

médecin responsable de constater les limites d'un programme de santé qui en vient, au

fil des années, à tourner à vide. Avant d'accepter, comme une fatalité, le caractère

immuable du programme de prévention, en raison des coûts directs et immédiats pour

l'entreprise, le médecin responsable doit se rappeler son devoir d'informer correctement

les premiers intéressés des conséquences de l'inaction à court terme.

2 - L'importance et la qualité des réalisations

De nombreux obstacles sont venus compliquer l'intervention du réseau public en

santé au travail et ont souvent constitué des facteurs importants de démobilisation.

Mentionnons, à titre d'exemples, la faiblesse des mécanismes de participation du milieu

(CSS, ASP, etc.), le manque d'articulation des programmes de santé avec les program-

mes de prévention, la bureaucratisation de la santé au travail par la CSST, les problèmes

organisationnels internes au réseau public ou encore les déficiences au niveau de la

formation et de l'expérience tant du personnel des équipes de santé au travail que des

planificateurs de la CSST. (5) Malgré ces difficultés la performance du réseau public a

été significative en santé au travail.

6

Même si nous ne pouvons encore compter sur un système d'information qui

permettrait de suivre et d'évaluer de façon systématique l'intervention du réseau public

en santé au travail, nous avons pu démontrer que les équipes de santé au travail du

réseau public ont réussi, conformément à l'esprit de la loi, à susciter des transformations

importantes de l'environnement de travail. Dans le bilan réalisé au 31 mars 1987, on

rapporte que des transformations ont été effectuées pour des fins de santé et de sécurité

dans 2500 établissements, soit 35% de l'ensemble des établissements. (6) Le nombre

de transformations est de 5244, dont plus de 70% impliquent une élimination du risque

à la source. Cependant, ces données représentent sans doute une sous-estimation de

la réalité, étant donné les biais de remémoration après quatre années d'intervention pour

certains établissements et le peu de temps passé dans l'établissement pour d'autres. Ce

bilan a également permis de savoir que les services de santé au travail du réseau public

possèdent les données nécessaires pour apprécier l'importance du nombre de travailleurs

exposés aux principaux facteurs de risque et d'identifier les établissements concernés

dans les secteurs d'activités des groupes prioritaires I et II.

D'autres interventions impliquant un regroupement de plusieurs établissements du

réseau public méritent également d'être mentionnées. En plus de la qualité de

l'intervention, ces opérations témoignent d'une capacité de mobilisation du milieu qui peut

caractériser le réseau public. Qu'il suffise de mentionner ici l'opération de surveillance

du niveau des plombémies des travailleurs oeuvrant dans des ateliers de radiateurs,

7

opération qui avait été enclenchée suite à la déclaration d'un cas d'intoxication relevé

grâce au système des maladies à déclaration obligatoire (MADO).

3 - Rattachement à des institutions compétentes et offrant des services

complémentaires

La réforme en santé et sécurité du travail au Québec n'a pas voulu, contrairement

à la France ou à la Suède, mettre sur pied un système de santé parallèle à celui qui

dessert l'ensemble de la population. Le rattachement des médecins du travail au réseau

public de santé, leur permet d'avoir accès plus facilement à un bassin d'expertises

complémentaires que l'on peut rencontrer en CH ou en CLSC. En effet, il est important

pour la santé au travail de maintenir et même d'accroître des liens de complémentarité

avec les autres composantes de la santé publique telles la santé environnementale et les

maladies infectieuses. En effet qu'il s'agisse de l'évaluation de contaminants chimiques

dans certains milieux (CO dans les arénas, plomb dans les salles de tir, etc.), d'agents

biologiques (infections dans les garderies, qualité de l'eau potable ou des aliments, etc.)

ou plus globalement de l'évaluation de la qualité de l'air intérieur de certains édifices, les

équipes de santé au travail ont été mises à contribution ou encore ont été aidées à

maintes reprises par des collègues du réseau public impliqués dans d'autres programmes

que la santé au travail. Ces échanges concourent à augmenter la qualité des

interventions du réseau en santé public et par voie de conséquence la crédibilité du

personnel qui y travaille.

8

4 - Un système reconnu par des organismes internationaux

En Juin 1985, l'organisation internationale du travail (OIT), dans sa convention 161

et sa recommandation 171, recommandait aux pays membres de la conférence

internationale du travail d'adopter des mesures concernant les services de santé au

travail. (7) Ces mesures reprennent pour l'essentiel les principaux éléments de la

réforme québécoise en santé et sécurité du travail. C'est ainsi que les pays membres

sont invités à mettre en place un système qui donne la primauté à la prévention primaire,

qui favorise une approche globale de la protection de la santé des travailleurs et qui

intègre des objectifs d'assainissement du milieu et de surveillance de la santé appropriée

aux risques des entreprises. L'OIT recommande également de favoriser une approche

de travail en équipes multidisciplinaires à l'intérieur desquelles le médecin du travail

apporte la contribution de la profession médicale à la santé au travail qui représente

davantage un appel et une ouverture à tous ceux qui peuvent contribuer à la protection

et à la promotion de la santé des travailleurs. Dans ces équipes, le médecin du travail

est appelé à jouer le rôle de conseiller auprès des employeurs, des travailleurs et de leurs

représentants de môme qu'à collaborer avec les autres services de l'entreprise et les

autorités sanitaires dans le cadre de programmes de santé publique.

Une condition essentielle au bon fonctionnement des services de santé au travail

réside dans leur nécessaire indépendance professionnelle afin de créer un climat de

confiance. Dans cette perspective, TOIT recommande que des dispositions soient prises

9

pour protéger la vie privée des travailleurs et faire en sorte que la surveillance de leur

santé ne soit pas utilisée à des fins discriminatoires ou de toute autre manière

préjudiciable à leurs intérêts.

Comme au Québec, TOIT recommande une participation active des intéressés à

l'organisation et au fonctionnement des services de santé de même qu'à la mise en

oeuvre de leurs programmes. Selon l'OIT, les services de santé au travail se doivent

d'assurer les fonctions énumérées au tableau I.

10

| •

TABLEAU I :

FONCTIONS DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL SELON L'OIT

a) Identifier et évaluer les risques d'atteinte à la santé sur les lieux de

b) Surveiller les facteurs du milieu et les pratiques de travail susceptibles d'affecter la santé des travailleurs;

c) Donner les conseils sur la planification et l'organisation du travail;

d) Participer à l'élaboration des programmes d'amélioration des pratiques de travail ainsi qu'aux essais et à l'évaluation des nouveaux équipements quant aux aspects de santé;

e) Donner des conseils dans les domaines de la santé, de la sécurité et de l'hygiène au travail, de l'ergonomie ainsi qu'en matière d'équipement de protection individuelle et collective;

f) Surveiller la santé des travailleurs en relation avec le travail;

g) Promouvoir l'adaptation du travail aux travailleurs;

h) Contribuer aux mesures de réadaptation professionnelle;

j) Collaborer à la diffusion de l'information, à la formation et à l'éducation dans les domaines de la santé et de l'hygiène au travail ainsi que de l'ergonomie;

j) Organiser les premiers secours et les soins d'urgence;

k) Participer à t'analyse des accidents du travail et des maladies profes-sionnelles;

I) " Contribuer à la recherche en participant à des études ou à des enquêtes conduites au niveau de l'entreprise ou au niveau de la branche d'activités, par exemple, en vue de recueillir des données à des fins épidémiologiques et orienter leurs activités.

11

L'OIT précise de plus que le personnel qui fournit des services en matière de santé

au travail ne doit pas être requis par les employeurs de vérifier le bien fondé des raisons

de l'absence du travail.

Enfin, il est intéressant de souligner les points de convergence entre l'approche

des soins de santé primaire de l'OMS et celle de l'amélioration des conditions et du milieu

de travail de l'OIT. (8) Dans un cas comme dans l'autre, on note que :

la protection est étendue à tous les intéressés visés par le programme,

des politiques et des stratégies doivent être définies,

une importance particulière est accordée à la prévention primaire y compris à l'information et à l'éducation sanitaire,

une place centrale est accordée à la participation des populations dans le œdre du développement communaux: taire pour les soins de santé primaire.

12

Ill - UN POTENTIEL SOUS-UT1LISÉ

Même si l'implication du réseau public en santé au travail a déjà porté certains

fruits, il ne faut pas claironner trop fort, car il reste un long chemin à parcourir. En

excluant les contraintes réglementaires et administratives qui nous empêchent pour

l'instant de couvrir l'ensemble de la population des travailleurs et des travailleuses du

Québec, j'aimerais attirer votre attention sur certaines orientations que nous devrions

privilégier au cours des prochaines années si nous voulons augmenter le potentiel du

réseau public en santé au travail. J'insisterai particulièrement sur les interventions qui

dépendent directement de la volonté d'agir des médecins du réseau public en santé au

travail plutôt que d'agents externes tels la CSST ou le Ministère de la santé. C'est ainsi,

qu'en plus des contraintes administratives et réglementaires de la CSST, j'exclurai de

mes propos les contraintes financières qui nous permettraient de nous donner les

moyens, par exemple, de suivre et d'évaluer nos interventions, même s'il s'agit là d'un

problème important qu'il faudra corriger dans les prochaines années. Espérons que le

système de surveillance médico-environnemental de la santé des travailleurs (SMEST)

qu'on nous promet depuis plusieurs années verra le jour sous peu et pourra être utilisé

pour le monitoring et l'évaluation de nos interventions.

La première orientation que je voudrais vous suggérer concerne une implication

plus grande des médecins responsables dans les activités cliniques à l'intérieur de

services de consultation spécialisés dans les centres hospitaliers. Le besoin croissant

13

tels services a d'ailleurs été récemment souligné aux États-Unis, dans le cadre de

l'évaluation des besoins en médecine du travail et environnementale. (9) L'objectif n'est

pas de médicaliser la santé au travail mais plutôt de faire en sorte que les équipes de

santé au travail puissent compter sur une réelle expertise en médecine du travail. Tout

en conservant son rôle de coordonnateur et d'animateur d'une équipe multidisciplinaire,

le médecin responsable se doit d'établir des contacts réguliers avec ses collègues

cliniciens afin de les sensibiliser à l'importance de l'origine professionnelle de certains

problèmes de santé et à la disponibilité de services spécialisés de soutien pour

l'évaluation de la qualité du milieu de travail par les équipes du réseau public. Compte

tenu de l'absence, pour encore plusieurs années, de programmes de santé dans bon

nombre d'entreprises à risque et en raison également du fait que plusieurs problèmes

individuels peuvent échapper à des programmes de surveillance préventive de la santé

des travailleurs, ces liens avec des médecins cliniciens du réseau de santé au Québec

m'apparaissent importants à développer.

L'identification et la surveillance de certaines pathologies tels le tunnel carpien et

l'asthme allergique pourraient être privilégiées dans un premier temps en raison de la

fréquence de leur origine professionnelle. Les futures équipes régionales de santé au

travail devraient éventuellement mettre sur pied un réseau de médecins-sentinelles qui,

à l'instar du système de maladies à déclaration obligatoire, permettrait de mieux assumer

nos responsabilités dans le domaine de la connaissance et de la surveillance de l'état de

14

santé des populations au travail et d'intervenir efficacement auprès d'un plus grand

nombre d'individus à risque.

La constitution de tels réseaux n'implique pas d'autorisation ni d'argent neuf de la

CSST mais relève davantage d'une responsabilité générale du système de santé

québécois. Par ailleurs, la constitution de réseaux-sentinelles peut servir de point de

départ à différents projets de recherche qui peuvent déborder le cadre régional. Ces

projets pourraient nous permettre de mieux connaître l'impact de la production industrielle

sur la santé de la population québécoise et mieux identifier ainsi les coûts sociaux qui

sont actuellement à la charge du système public (RAMQ, RRQ, etc.).

En plus d'accroître notre efficacité au niveau de la fonction connaissance-

surveillance, de telles collaborations avec les milieux cliniques pourraient nous permettre

d'augmenter l'intérêt des médecins pour la pratique de la santé au travail. De plus, les

collaborations interrégionales autour de projets précis permettraient d'augmenter la

solidarité et le soutien professionnel aux médecins du réseau public en santé au travail.

Une deuxième orientation qu'il convient à mon avis de privilégier au cours des

prochaines années concerne la prise de position publique face à certaines orientations

ou à l'absence d'orientations réglementaires de la CSST. Il faut se rappeler que les

médecins responsables des programmes de santé sont pratiquement les seuls véritables

chiens de garde du programme de prévention dans l'entreprise. En effet, en plus d'être

15

à l'extérieur de la pyramide de contrôle immédiat de la CSST, ces médecins ont souvent

l'occasion de constater certaines lacunes au niveau du suivi des programmes de

prévention par la CSST. De façon plus positive, le regroupement des médecins du

réseau public en santé au travail pourrait constituer également un véhicule intéressant

pour la diffusion de nos bons coups en santé au travail de façon à maintenir et môme

augmenter notre crédibilité en santé au travail. Cependant pour jouer pleinement ce rôle,

le médecin du travail devra pouvoir allier l'assurance et l'agressivité du clinicien à la

rigueur et à la prudence du scientifique.

Enfin, les médecins en santé au travail du réseau public devraient privilégier une

3lôme piste au cours des prochaines années, à savoir l'exploration de l'univers complexe

et difficile de la santé mentale au travail. L'environnement psychosocial comme

déterminant de l'état de santé des travailleurs devrait être l'objet d'une plus grande

attention de la part des intervenants du milieu. Ces derniers devraient recevoir une

formation spécifique pour les aider à identifier certains facteurs de risque et à travailler à

la mise en oeuvre de mesures de prévention en collaboration avec l'administration des

entreprises. Des projets de démonstration fort prometteurs sont actuellement en cours

de réalisation au niveau du réseau public de santé et pourraient représenter des avenues

intéressantes. Plutôt que de privilégier une approche individuelle du problème,

l'intervention du réseau public pourrait, dans l'esprit de la loi, favoriser une action au

niveau de l'organisation du travail tant par un enrichissement du contenu de certaines

tâches qu'au niveau de l'amélioration de la division humaine ou sociale du travail.

16

Des interventions à ce chapitre sont d'autant plus importantes que les problèmes

de santé mentale représentent la principale cause de morbidité dans la population

québécoise. En effet, les données de l'enquête Santé Québec nous révèle que les

troubles mentaux représentent après l'arthrite et le rhumatisme, la deuxième cause de

morbidité au Québec. Cependant si on ajoute à cette catégorie, les problèmes tels les

maux de tête, les malaises et la fatigue, de même qu'une partie des troubles fonctionnels,

c'est 20 à 25% de la population totale du Québec qui est touchée par des problèmes de

santé mentale. Quant à l'origine professionnelle de ces problèmes, certains auteurs

affirment que c'est 35 à 50% d'entre eux qui peuvent avoir un lien direct ou indirect avec

le travail. Certaines caractéristiques de l'organisation du travail comme les tâches qui

impliquent une forte demande de travail avec une faible autonomie décisionnelle sont

considérées comme particulièrement à risque. De même, certains secteurs d'activités

économiques présentent également un plus haut risque d'altération à la santé mentale.

Dans le groupe III, par exemple, ce sont le transport en commun urbain, l'administration

publique et les préposés aux services des aliments et boisson où l'on rencontre un risque

plus élevé de détresse psychologique. (12)

* * *

En conclusion il convient de rappeler que la réforme québécoise en santé et

sécurité du travail confie aux médecins responsables un rôle-clef en santé au travail.

Unique en Amérique du Nord, cette réforme s'inscrit dans l'évolution des rapports de

17

travail qui visent davantage de consensus social au sein des entreprises afin de concilier

droits sociaux avec maturité économique. Le résultat de cette évolution passe par

l'apprentissage de rapports fondés sur de nouvelles valeurs qui ont pour noms

collaboration, concertation, parité et consensus.

Le médecin qui s'intéresse à l'amélioration de la santé des travailleurs et des

travailleuses au Québec se voit ainsi convié à relever le défi d'intégrer ses compétences

cliniques en médecine du travail à la santé publique pour en arriver à un diagnostic

communautaire des problèmes et à une administration plus efficace et efficiente des

services de santé au travail. Grâce à la crédibilité qu'ils ont acquise au cours des dix

dernières années, les médecins du réseau public en santé au travail sont maintenant en

mesure de relever de nouveaux défis par des actions concertées autour d'enjeux

prioritaires.

18

BIBLIOGRAPHIE

(1) Acheson report. "Public Health in England" Department of Health. London: H M

Stationery office, 1988.

(2) Robert, J. : (1991) "Qu'est-ce que la santé publique ?" L'Actualité médicale, 9

octobre, p.34-35.

(3) Langlois, Simon. La Société québécoise en tendances, 1960-1990. Institut

québécois de recherche sur la culture, 1990, p.223.

(4) Rochon, J.: (1976) La santé communautaire dans le système régional des

services de santé et des services sociaux. Annuaire du Québec, Février.

(5) Jacques, L: (1986) "Bilan de l'intervention du secteur public en santé au travail".

Compte rendu du Colloque de l'Association des médecins du Québec portant sur

la médecine du travail et le secteur public : Paradoxes et perspectives, Montréal,

pp.3-21.

(6) Bilan des réalisations des services de santé, Opération bilan 1987, Comité

provincial des DSC en santé au travail.

(7) Coppée, G.H., (1989) "La contribution de la médecine du travail à la santé au

travail : l'approche de l'organisation internationale du travail". Revue française des

Affaires Sociales, no. 1, Janvier-Mars, pp.46-74.

(8) European office of the World Health Organization. Targets in support of Health for

all by the year 2000 in the european region. Copenhaguen: Who euro, 1985.

19

(9) Rosenstock, L. et coll. : (1991) "Occupational and environmental medicine : meeting the growing need for Clinical, services". New Engl. J. of Med. 325:924-927.

(10) Enquête Santé Québec : (1988) "Et la santé, ça va ?" Gouvernement du Québec,

Ministère de la santé et des services sociaux, p.97.

(10) Brook, Alexis (May 76). Psychiatric Disorders industry. British Journal of Hospital

Medicine, P.484-492.

(11) Vézina, M. et Coll. : (1992) "Pour donner un sens au travail : bilan et orientations

en santé mentale au travail au Québec". Â paraître aux éditions, Gaétan Morin.

20

LA LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL: L'ARTICLE 113 DU POINT DE VUE D'UN SPÉCIALISTE

EN SANTÉ COMMUNAUTAIRE

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR FERNAND TURCOTTE

DÉPARTEMENT DE MÉDECINE SOCIALE ET PRÉVENTIVE UNIVERSITÉ LAVAL

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 n o v e ^ r e 1991

L'article 113: le moven de mettre fin aux anachronismes

Présentation

Le thème général que vous avez choisi de donner à ce premier colloque de votre association de même que le problème que vous m'avez demandé de discuter m'ont semblé en situation de tension l'un par rapport à l'autre. D'une part vous annoncez une croisée des chemins qui appellerait un choix, ou bien une reconsidération du choix de la direction que vous avez adoptée et de l'autre, il me semble que vous m'invitiez à vous répéter, j'allais dire rabâcher, des notions que vous connaissez déjà très bien, comme si les problèmes que vous devinez se cacher au prochain détour, pouvaient remettre en cause la validité de vos connaisances sinon de vos actions en milieu de travail. On n'a pourtant jamais eu plus besoin de penser juste en matière de santé au travail, surtout en une période où le ralentissement de l'économie a bon dos pour justifier revirements, renoncements et autres lâchetés, dans un domaine où le respect le plus élémentaire de la conjoncture commanderait plutôt qu'on tienne encore mieux compte de l'état encore imparfait des connaissances et des risques liés aux excès de zèle avec lesquels on inflige toujours plus de surveillance à un nombre grandissant de travailleurs. Je vous invite donc à faire preuve de leadership et de prendre toutes les initiatives que votre connaissance du domaine vous fait percevoir comme prioritaires. Et je souhaite qu'en vous parlant de la pratique défectueuse de l'évaluation médicale pré-embauche que l'on impose aux personnes qui souhaitent pratiquer le métier de policier, je saurai vous insuffler la volonté farouche de collaborer que requiert la solution des problèmes que je vais dénoncer.

L'encadrement "santé au travail " des policiers du Québec

Pour l'essentiel le programme de santé au travail qu'un règlement adopté en vertu de la loi de police, impose aux policiers du Québec, se limite à un test d'aptitudes physiques et un examen médical qui doivent tous les deux être "réussis" pour s'en tenir à la savoureuse terminologie du règlement 14, par les personnes qui postulent un emploi dans l'un ou l'autre des corps de police de la province. Une fois qu'il aura été recruté, le policier n'aura plus jamais à se soumettre à ce type d'évaluation. C'est dire que cet examen médical imposé à l'embauche des policiers n'a vraiment rien à voir avec la pratique correcte de la médecine ou bien de la santé au travail. On ne saurait donc s'étonner que cet examen tente de ressembler à l'examen le plus complet que le plus zélé des médecins examinateurs puisse réaliser de ce côté-ci du paradis.

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Surveillance médicale

Alors que le test d'aptitudes physiques a été construit à partir d'une analyse des tâches habituelles des policiers et d'une définition objective des aptitudes psycho-motrices requises pour exécuter ces tâches avec compétence, le contenu de l'examen médical, dont la partie la plus discutable est définie par règlement, est déterminé d'une manière tout-à-fait abstraite, pour ne pas dire arbitraire, dans laquelle les états d'âme des directeurs de personnel semblent avoir infiniment plus de poids et d'influence que les connaissances les plus élémentaires en matière de prévention des maladies professionnelles. Mentionnons en passant, qu'au Québec, nous ne faisons pas pire que ce qui se fait dans toutes les grandes villes américaines ou bien dans tous les grands corps de police du continent. Il est même probable que c'est d'abord ce qui se fait là-bas qui explique le mieux ce que nous faisons ici, même si le Québec qui a déjà peut-être une génération d'avance sur le reste du continent en matière de santé au travail devrait plutôt donner l'exemple que d'imiter des pratiques discutables pour le simple motif qu'on les a adoptées ailleurs.

Objectifs poursuivis

On peut se demander quels objectifs peuvent être poursuivis, sinon atteints, par un programme de santé du travail, qui ne comprend qu'une évaluation médicale d'embauche dont le contenu n'évoque parfois rien d'autre qu'une liste de pratiques anachroniques ou dépassées quand elles ne sont pas carrément proscrites. Et comme pour ajouter l'injure à l'insulte, cette manière de faire se trouve coulée dans le béton d'un règlement, ce qui vient la doter d'une légitimité qu'on ne saurait trouver dans le domaine de la connaissance et lui conférer le caractère de nécessité qui achève de neutraliser les scrupules qu'éprouvent les médecins examinateurs qui, parce qu'ils connaissent le domaine, ne peuvent pas ne pas se poser des questions.

Pourtant, quand on revoit la littérature publiée dans ce domaine, on ne trouve vraiment que trois objectifs:

1. Protéger le public contre les problèmes de santé susceptibles de survenir lorsqu'un policier se trouve incapable de faire face aux responsabilités imparties à sa fonction.Par extension, ce souci de protection englobe les situations dans lesquelles des motifs d'ordre médical entraîneraient un policier à abuser de l'autorité liée à son travail.

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2. Protéger la santé des policiers contre les nuisances et autres effets néfastes liés à cette profession, avec une attention particulière aux maladies déjà présentes à l'embauche, dont l'évolution risque d'être exacerbée par les facteurs d'exposition inhérents à cette profession.

3. Protéger les employeurs de policiers contre les candidats qui:

a) en raison de maladies présentes à l'embauche, ou de conditions pré-morbides, deviendraient incapables d'assumer leurs obligations professionnelles, en totalité ou en partie, d'une manière prématurée, par rapport à la durée moyenne de la période pendant laquelle l'employeur s'estime en droit d'exiger une prestation de travail déterminée;

b) recourrent de manière abusive aux avantages des régimes de bénéfices maginaux liés à l'emploi. Par extension, les employeurs souhaitent que le règlement les protège à l'avenir contre un grand nombre de problèmes bien concrets qui affectent présentement les policiers qu'ils ont à leur service.

L'évaluation médicale d'embauche et la protection du public

Les exigences ergonomiques propres aux tâches policières ont été mesurées en 1985, dans le cadre d'une analyse des tâches menée auprès de policiers du Québec par Bard et coll. (1985) 1. C'est ce travail qui a servi à élaborer le test d'aptitudes physiques (TAP) qui fait partie du règlement sur les normes d'embauche depuis le mois de novembre 1986. Parce qu'il est fondé sur l'observation systématisée de l'ensemble des tâches policières, menée à l'aide de méthodes éprouvées, ce test définit correctement les qualités physiques requises par l'emploi. On peut dire de ce test qu'il constitue une démonstration aussi bien qu'une illustration de la manière qu'il convient de suivre pour évaluer correctement les aptitudes psycho-motrices que

1Bard C.,Fleury M.,Jobin J., Lagassé P., Roy B., Elaboration d e s normes physiques d'admission aux corps d 'agents de la paix. Université Laval. Québec. 1985.170 p.

Surveillance médicale requièrent les diverses activités d'une occupation. Je souhaite prendre quelques minutes pour vous projeter un film qui décrit ce test et vous permettra en conséquence, de vous faire un opinion personnelle à propos de la confiance avec laquelle il convient d'accueillir l'évaluation que fait ce test de l'aptitude des recrues qui l'ont réussi, pour faire face aux tâches du métier de policier.

Bien qu'il s'agisse d'une occupation essentiellement sédentaire, les policiers doivent être prêts en tout temps à faire face à des demandes de pointe qui sont près des limites de l'endurance humaine. Le travail est posté, sujet à des périodes de grande pression, souvent monotone,répétitif et routinier. Le policier est en relation continue avec le public dans des circonstances souvent désagréables, quand ce ne sont pas des situations de crise.

Parce qu'il vérifie la capacité des postulants à faire face aux demandes de pointe susceptibles de survenir dans l'exercice des fonctions policières, le test d'aptitudes physiques concourt à la protection du public. Dans la mesure où la protection du public requiert d'être assurée en tout temps, contre toute défaillance susceptible de survenir chez tout policier pendant toute la durée de sa carrière, l'application du TAP au seul moment de l'embauche n'est évidemment pas suffisante pour garantir par ailleurs au public la protection recherchée par le règlement. Une telle garantie exigerait que tous les policiers soient périodiquement requalifiés avec le TAP.

L'évaluation médicale d'embauche et la protection de la santé des policiers

Les conditions de travail, les nuisances ainsi que les expositions susceptibles d'affecter la santé des policiers pendant les activités de patrouillage ont été examinées soigneusement par un groupe de travail du département de santé communautaire de l'Hôpital St-Luc, à partir de l'observation de 49 policiers de la Communauté urbaine de Montréal (1989)2. Cette analyse des principaux postes de travail menée auprès de membres d'un grand service de police conclut que le métier de policier ne comporte aucune exposition qui appelle une surveillance médicale, qu'elle soit initiale ou continue.

Tout comme c'est le cas pour le reste de l'humanité, il arrive que les policiers soient malades et que, dans l'agrégat, le fardeau de la morbidité

2Tremblay M., Tougas G..Activité de patrouillerservice de police de la Communauté urbaine de Montréal: risques à la santé. Département de santé communautaire,Hôpital St-Luc,Montréal 1989, 283 p. et 5 annexes.

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puisse être considérable. Il est donc tout à fait légitime qu'on cherche à le réduire. Il n'y a pas de maladie qui soit propre aux policiers, ce qui eut rendu possible l'utilisation du concept de maladie professionnelle pour analyser le problème. Comme toute maladie professionnelle est prévenable, on saisit l'importance de cette distinction pour la protection de la santé des policiers.

Parce que les policiers, quand ils sont malades, ont les mêmes problèmes que la population générale, il n'existe pas de justification pour les assujettir à des limitations particulières, comme c'est le cas avec les normes présentement en vigueur, normes qu'on n'oserait par ailleurs pas appliquer à la population générale.

L'évaluation médicale d'embauche et la protection des employeurs

Notre examen de la situation des policiers nous porte à penser que c'est d'abord et avant tout la protection des employeurs contre les mauvais risques actuariels que cherche à assurer la surveillance médicale présentement imposée aux aspirants policiers . C'est en tout cas le principal, sinon le seul motif qu'ait invoqué la plus grande partie des interlocuteurs auprès de qui nous avons tenté de découvrir les finalités poursuivies par l'examen médical imposé par règlement.

Ce motif justifie à lui seul, que les départements de santé communautaire s'intéresse aux "programmes de santé au travail" que notre société a décidé d'imposer,par voie réglementaire, à certains groupes de citoyens puisque les visées préventives de ce règlement commandent qu'on examine avec la plus grande circonspection,les aspects qui concerne la validité de ces épreuves.

Paramètres de la validité des tests

Les questions de validité qui s'appliquent aux épreuves médicales quand on les utilise pour prévenir un problème de santé, relèvent de deux pôles. D'une part la validité du test proprement dit et d'autre part les caractéristiques de la maladie qu'on cherche à prévenir. La validité d'un test est définie par deux indices de validité intrinsèque et deux indices de valeur prédictive. Les indices qui mesurent la validité intrinsèque sont la sensibilité et la spécificité qu'on qualifie d'intrinsèques parce qu'elles sont stables et constantes pour un test donné. Il n'en est pas de même pour les indices de valeur prédictive qui varient eux, selon la fréquence de la maladie dans la population où le test est employé.

D'autre part, il faut avoir une connaissance au moins approximative de l'histoire naturelle de la maladie qu'on essaie de prévenir. On dit une connaissance au moins approximative, parce qu'il est assez rare qu'on dispose d'une connaissance qui soit complète. Et dans le domaine de la

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Surveillance médicale médecine du travail, il suffit que l'on connaisse trois éléments de l'histoire naturelle d'une maladie pour être capable de faire de la prévention convenable. Il faut d'abord connaître la prévalence de la maladie qu'on veut prévenir dans la population qui se trouve déjà exposée,composée dans ce cas-ci par l'ensemble des policiers du Québec.

Il faut deuxièmement connaître la prévalence du résultat positif au test dans la population d'où est tiré le contingent des aspirants au métier, ce qui revient à dire pour notre société, parmi les gars et les filles âgés de 17 à 34 ans.

Et troisièmement, bien sûr, connaître le degré d'association qui existe entre les résultats positifs au test qu'on obtient maintenant et la maladie qu'on veut prévenir parmi les nouveaux venus, pendant les 15 ou 20 prochaines années. Cette association est mesurée avec un indice épidémiologique, le risque relatif.

Pour qu'une épreuve soit intégrée de manière valide dans une évaluation médicale d'embauche, ces six indices-là( sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive, prévalence du test positif dans la population générale, prévalence de la maladie chez les exposés et risque relatif) devraient être connus. Et chaque fois qu'un de ces indices fait défaut, la prudence commanderait qu'on s'abstienne de l'imposer à des segments de la population.

J'ai préparé un tableau dans lequel on peut examiner à quel point certains des éléments qui font présentement partie de l'examen médical d'embauche imposé aux aspirants policiers du Québec, ne respectent pas les règles que je viens d'énoncer.

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Tableau 1: Sommaire des connaissances disponibles en relation avec certaines épreuves d'embauche, prévues au Règlement 14.

Sensibilité Spécificité VP ( 1 ) P ( 2 ) P m ( 3 ) RR

1. Glycémie

2. Analyse d'urine

3. Cholestérol

C 0 O 0

C(O) C(O) 0/C o o o

O/C O O 0

4. Hémogramme C O O

5. Radiographie pulmonaire C C C

6. Electrocardiogramme C O O 0

7. Radiographie de la colonne lombaire O O O O O O

8. Audiométrie 0 0 0 o

9. Vision des couleurs C/0 C/0 C/0 C 0 0

Notes: 1. VP = Validité prédictive

2.Pr =

3.P m =

Prévalence du résultat positif au test dans la population générale d'où viennent les candidats policiers

Prévalence de la maladie qu'on cherche à prévenir chez les policiers du Québec

4. RR = Risque relatif

^ T — v , 9

Surveillance médicale

Dans l'axe horizontal du tableau on retrouve la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive, la prévalence des tests positifs dans la population d'où viennent les aspirants, la prévalence du problème parmi les policiers ainsi que le degré de relation qui existe entre le test positif et la maladie mesuré par le risque relati . Dans l'axe vertical on trouve 9 tests qui font partie de l'examen que doivent subir les aspirants pour pouvoir être embauchés comme policiers.

La glycémie

Commençons avec la glycémie qui est ici la glycémie post-prendiale. C'est un test de validité intrinsèque et de valeur prédictive positive connues. La prévalence du résultat positif dans la population âgée de 17 à 35 ans n'est cependant pas connue ni la prévalence du problème du diabète chez les policiers. De toute façon le dépistage du diabète n'est pas recommandable dans le groupe d'âge de 17 à 35 ans. C'est une épreuve qui n'a pas sa place dans l'évaluation médicale d'embauche.

L'analyse d'urine

Regardons maintenant l'analyse d'urine. L'analyse d'urine est un terme générique qui désigne plusieurs sortes d'épreuves différentes et comme le règlement ne le précise pas, on peut penser que cet élément de la prescription peut comporter de 8 à 15 tests différents dépendant du laboratoire et du type d'équipement utilisés pour cet examen. C'est la raison pour laquelle on trouve simultanément un C pour connu et un 0 pour l'inconnu dans les colonnes de sensibilité, spécificité, puisque dans les faits, il y a certains tests d'urine pour lesquels la validité intrinsèque est connue et d'autres pour lesquels elle ne l'est pas. D en va de même pour la valeur prédictive positive. La prévalence du résultat positif chez les gars et les filles âgés de 17 à 34 ans n'est pas connue. La prévalence des problèmes urinaires chez les policiers n'est pas plus élevée que dans la population en général de sorte qu'on ne peut pas parler de maladie professionnelle. Il s'agit donc d'un deuxième exemple de procédure inutile.

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Le cholestérol

Regardons maintenant le cholestérol. Pour le dosage du cholestérol, alors que sa validité intrinsèque est connue, c'est la valeur prédictive positive qui ne l'est pas. On sait que le cholestérol joue un rôle dans l'évolution des maladies circulatoires dégénératives, mais on ne sait pas exactement quel rôle, de telle sorte que c'est par le moyen des conférences de consensus qu'on établit les règles d'utilisation de cet examen pour des fins de prévention. La dernière conférence de consensus qui s'est intéressée au cholestérol a siégé en 1988 et a publié ses recommandations en 1989 prenant le soin de préciser qu'il n'y a pas de justification à doser le cholestérol chez les hommes âgés de moins de 35 an à moins qu'ils ne présentent déjà au moins, un autre facteur de risque, tel que tabagisme, sédendarité, obésité ou bien encore hypercholestérolémie familiale . Il n'y a donc pas de justification pour cette procédure.

L'hémogramme

Pour l'hémogramme, on pourrait à toute fin pratique répéter les mêmes commentaires. C'est un nom générique qui peut désigner plusieurs types d'analyse mais, pour les fins de la discussion, posons l'hypothèse que la validité intrinsèque est connue ainsi que la valeur prédictive positive. La fréquence du résultat positif dans la population des éligibles ni la fréquence des maladies du sang chez les policiers ne sont connues. En conséquence, le risque de contracter une maladie du sang dans cette profession n'est pas connu et il n'y a aucune justification à imposer des hémogrammes aux recrues.

La radiographie pulmonaire.

La radiographie pulmonaire présente un intérêt particulier, puisque c'est la première épreuve pour laquelle il est possible de satisfaire aux six critères présentés dans le tableau. C'est un test de sensibilité et de spécificité connues, dont la valeur prédictive est connue. On connaît la prévalence du test positif dans la population et on connaît aussi la prévalence de la maladie. Et c'est précisément parce qu'on connaît toutes ces informations qu'on sait qu'il ne faut pas exiger la radiographie pulmonaire à l'embauche de policiers. Vous vous rappelerez que la radiographie pulmonaire est un instrument de dépistage dont la validité n'est établie que pour la seule reconnaissance des cas de tuberculose caverneuse non identifiés, cas qui sont inexistants dans la population des recrues policières.

L'électrocardiogramme.

L'électrocardiogramme quant à lui, présente les mêmes problèmes de validité que les autres tests du tableau. C'est un instrument dont les indices de validité intrinsèque sont bien connus en clinique. La fréquence des anomalies non spécifiques dans la population de référence n'est pas connue. On les estime entre 2 et 7% , ce qui veut dire qu'elles sont fréquentes, trop

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Surveillance médicale fréquentes parmi les personnes âgées de 17 à 35 ans pour servir à prévenir les maladies du myocarde. Il n'y a donc pas de justification à imposer cet examen dans une population de ce groupe d'âge.

La radiographie de la colonne vertébrale.

La radiographie de la colonne lombaire, elle, n'est pas explicitement mentionnée par le règlement sur les normes médicale d'embauche mais elle est imposée par tous les corps de police à tous les candidats comme nous avons pu le vérifier dans un échantillon de 40% des 3800 personnes qui ont postulé pour un emploi de policier en 19883. La radiographie de la colonne lombaire, elle présente un problème de validité qui devrait être d'une grande facilité à résoudre puisque comme vous le voyez sur le tableau, on ne connaît ni ses indices de validité intrinsèque ni ses indices de valeur prédictive ni, bien sûr, aucun des autres éléments de l'histoire naturelle des maladies de la colonne lombaire. Mais il y a encore plus intéressant. La radiographie de la colonne vertébrale comme activité de dépistage est une pratique qui est proscrite par les sociétés savantes depuis 19744. Comment expliquer qu'en 1991 on continue de l'imposer à des milliers de jeunes qui souhaitent faire carrière chez les policiers?

L'audiométrie.

L'audiométrie fait aussi partie de l'examen imposé aux aspirants policiers. C'est un instrument dont les indices de validité intrinsèque sont connus. La valeur prédictive ne l'est pas, ni non plus les éléments de l'histoire naturelle dans la population générale et dans celle des policiers qui sont requis pour savoir s'il y a lieu de pratiquer cet examen à l'embauche. Mais il y a plus piquant encore puisque pour cette épreuve-là le règlement définit aussi la "note de passage". Les valeurs du test qui servent à définir le seuil à partir duquel l'examen est passé "avec succès" par l'examiné sont intéressantes puisque coïncidant avec les mêmes valeurs qu'utilise la CSST pour définir les cas qui ont droit à une compensation pour de la surdité professionnelle. Cette bizarrerie devrait sufïïr pour attirer l'attention sur les objectifs qui peuvent être poursuivis par cet élément de l'examen médical.

La vision des couleurs

A première vue, le dépistage de la vision des couleurs semble avoir toutes les vertus tellement semblent universellement acquises son utilité et sa validité. Pourtant lorsqu'on le regarde de plus près, il y a plusieurs anomalies: il n'est d'abord pas possible de définir les indices de validité intrinsèque que sont sensibilité et spécificité puisqu'en matière de vision des couleurs, il n'est

3Gendron R.,Lagassé P.,Prud'homme D.t Turcotte F.( Les normes médicales applicables à l'embauche d e s agents de la Sûreté du Québec et des corps de police municipaux.Ministère de la Sécurité publique, Québec 1991, 92 p. et 6 annexes. 4 Presen t A.,Radiography of the lower back in pre-employment physical examinations: conclusions of the ACR-NIOSH conference J anua ry 11-14, 1973. R a d i o l o g y , 1 9 7 4 , 1 1 2 , 2 2 9 - 3 0 .

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pas possible de compter sur un étalon qui représenterait la vérité. Cet étalon est toujours nécessaire pour mesurer la validité intrinsèque. On n'hésite pourtant pas à tenir pour affectée d'un trouble de la perception des couleurs toute personne qui ne réussit pas à décoder correctement un certain nombre des plaques de Hishihara, plaques qui ont été mises au point, il ne faudrait pas l'oublier, pour faire des études de génétique de population et non pas, comme le suggère l'usage contemporain, pour faire le dépistage des déficits de la perception des couleurs. De toute façon, les anomalies qui affectent le test d'évaluation de la vision des couleurs sont suffisamment graves pour que les européens, ceux qui sont membres de la communauté européenne économique renoncent à l'évaluation de la vision des couleurs lors de l'émission au sein de la CEE des permis de conduite pour véhicules commerciaux.

Problèmes particuliers posés par le mode d'interprétation des résultats des examens de pré-embauche.

On estime à près de 30% la proportion des aspirants policiers du Québec qui "échouent" à l'examen médical imposé par le règlement 14. Puisqu'il faut d'abord avoir réussi le test d'aptitudes physiques pour subir l'examen médical et que le seuil de passage de cet examen est situé sur le 80 ième percentile des valeurs obtenues dans un échantillon de jeunes athlètes, on doit se demander comment il est possible d'obtenir un taux d'échec de 30% dans un groupe d'individus aussi vigoureux. Car il est pour le moins surprenant de ne pouvoir donner un certifical médical d'aptitude pour la marche à 30 % d'un groupe de personnes qui ont déjà prouvé qu'elles sont capables de courir un marathon.

Au-delà des problèmes de validité qui affectent la plus grande partie des tests médicaux qui sont décrits dans le règlement 14, il reste un problème, de nature statistique plutôt qu'épidémiologique, qu'il convient maintenant d'examiner. Ce problème, qu'on identifiera par commodité de l'expression fiabilité, est posé par le libellé de l'article 3 du règlement qui stipule que le candidat doit subir avec succès un examen médical administré par un médecin désigné, à l'intérieur de délais prédéterminés. Comme les critères qui définissent le "seuil" à partir duquel le succès est reconnaissable par l'examinateur ne sont pas énoncés explicitement, on peut penser que la responsabilité "de décréter la réussite de l'examen" est dévolue au médecin désigné. A partir des informations colligées auprès de plusieurs médecins désignés, y compris les directeurs des services médicaux des grands corps de police, il semble qu'en pratique, un candidat soit jugé apte à l'embauche quand tous les examens qu'il a subis, selon la prescription du règlement, donnent un résultat négatif.

Le terme examen est ici entendu au sens technique et précis que lui donne le médecin et peut comprendre aussi bien l'examen physique que les épreuves biologiques (cholestérol, glycémie, analyse d'urine) que fonctionnelles (vision, audiométrie, électrocardiogramme) et radiologiques (radiographies

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Surveillance médicale pulmonaire et de la colonne lombaire). Un résultat négatif est défini comme l'absence de résultat positif, tandis qu'un résultat positif est défini comme un résultat situé en dehors des valeurs que considère comme normales, le laboratoire qui procède aux analyses. Cette manière de faire s'applique bien sûr aux variables continues comme le cholestérol ou bien la glycémie. Pour les épreuves fonctionnelles et radiologiques, ce sont des critères établis pour d'autres fins (la compensation dans le cas de l'audiométrie), ou bien c'est l'opinion du consultant qui interprète le test qui prévaudra (électrocardiographie et radiologie). On comprendra que ce contexte signifie que tout résultat situé en dehors des limites assignées à la "normale" peut constituer, et constitue en fait, un motif d'échec à l'examen d'embauche. Ce qui revient à dire que toute anomalie décelée à l'examen est considérée d'une manière indépendante. Cette manière de faire impose qu'on examine la fiabilité des tests administrés en série, mais interprétés individuellement.

On trouvera au tableau 2 les probabilités de trouver, par pure erreur statistique, au moins un test qui donne un résultat anormal, ou bien un résultat positif, selon l'expression que l'on préfère pour des séries de tests, de taille différente. Pour construire ce tableau, on a choisi des tests qui sont théoriquement tous dotés d'une sensibilité et d'une spécificité élevées et estimé leur taux d'erreur, lorsqu'administrés à un groupe type composé de 100 individus. On voit que lorsqu'un test valide est appliqué correctement, on peut prévoir un taux d'erreur de 5%. Quand six tests sont appliqués dans le même groupe, 26% des membres du groupe présenteront au moins un résultat anormal. Si on utilise 10 tests, 2 personnes sur 5 (40%) auront une anomalie. La situation que décrit ce tableau est semblable à celle qui s'applique aux aspirants policiers soumis aux normes médicales d'embauche du Règlement 14 et pose le problème de la fiabilité, problème rappelons-le qui vient se surajouter aux autres problèmes de validité dont on a déjà parlé. Il importe de comprendre que le problème de fiabilité des tests en série continuerait de se poser, même avec des tests dotés de validité intrinsèque parfaite et même si tous les indices épidémiologiques nécessaires étaient disponibles.

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Tableau 2 Probabilité d'observer un résultat anormal (positif) dans une série detests interprétés indépendamment

Nombre de tests indépendants Fréquence relative (%) de résultats positifs

1 5

2 10

4 19

6 26

10 40

20 64

50 92

90 99

A titre d'exemple, considérons la situation qui est faite présentement aux conducteurs de véhicules qui doivent se prêter à une vérification de leur sobriété à un contrôle routier de la Sûreté du Québec. C'est un point précis de l'échelle d'interprétation de l'analyseur d'haleine qui détermine si les facultés sont affaiblies. On tient ce test pour fiable parce qu'il ne comporte qu'un risque d'erreur de 5%, c'est-à-dire que lorsqu'administré à 100 personnes sobres, il ne se trompe que cinq fois.

Imaginons maintenant une situation hypothétique dans laquelle la certification de la sobriété serait fondée sur 5 épreuves dont chacune est affectée d'un coefficient d'erreur égal à 5% et la certification requérant un résultat négatif pour chacune des épreuves. Dans un groupe de 100 chauffeurs sobres, on peut prévoir qu'environ 23 personnes échoueront au moins à l'une ou l'autre des cinq épreuves et seront en conséquence tenues pour avoir conduit avec des facultés affaiblies.

Comme la définition des critères de "succès" de l'examen d'embauche prescrit par le Règlement 14 exclut toute possibilité de résultat positif, l'évaluation médicale de l'aptitude à l'emploi de policier ignore complètement l'influence substantielle de l'erreur aléatoire propre aux tests administrés en série et qui sont interprétés d'une manière indépendante les uns des autres.

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Surveillance médicale

Selon la définition qu'on choisira de donner au terme test, le Règlement 14 en compte de six à huit auxquels il convient d'ajouter la radiographie de la colonne lombaire que plusieurs corps de police exigent. En se rapportant au tableau 2, on voit que le taux des résultats positifs devrait se situer entre 26% et 40%. D'après l'expérience des médecins examinateurs des principaux corps de police, le taux d'inaptitude qu'ils ont eux-mêmes observé chez les recrues qu'ils examinent tombe dans cette fourchette.

Comme l'examen pré-embauche a une durée de validité qui est elle aussi définie par le règlement, il arrive qu'une partie du contingent des recrues doive être ré-examinée. On nous a rapporté plusieurs exemples de cadets qui, bien qu'ayant déjà "réussi" un ou des examens médicaux réglementaires s'étaient, à un moment donné, retrouvés "recallés" lors d'un examen subséquent. Cette contradiction est fort probablement due au jeu de l'erreur aléatoire plutôt qu'à des différences de qualité entre des examens médicaux réalisés à des moments différents par des praticiens différents. On comprendra sans peine que ce phénomène, qui ne saurait manquer de se reproduire assez souvent, ne peut que stimuler la propension à loger des appels à l'encontre des diagnostics d'inaptitude qui sont rendus dans ces circonstances. Surtout qu'on a tendance à donner le moins souvent possible le bénéfice du doute au postulant en retenant toujours contre lui le moins favorable des résultats. Selon l'expérience hollandaise et celle d'au moins un grand corps de police du Canada, ce n'est pas à 30 % qu'il faut estimer la proportion des inaptes qui est plutôt sise entre 0,2 et 2,0%. Soulignons enfin que le TAP qui est composé de huit tests ne souffre pas de ce vice structurel, puisque son interprétation est intégrée de sorte que les tests qui le composent ne sont pas indépendants.

Pour qui d'autre la surveillance réglementée?

Puisque la société juge assez important de surveiller la santé de certaines catégories de travailleurs pour rendre obligatoire cette surveillance, il convient de prendre les moyens pour la réaliser correctement. Ce qui n'est pas le cas présentement pour un grand nombre d'activités. En plus des policiers, il se trouve un assez grand nombre d'occupations à qui le législateur impose des acivités de surveillance médicale à l'embauche et en cours d'emploi. Leur énumération ainsi que l'estimation des effectifs retouvés dans chaque corps d'emploi devraient suffir pour donner les dimensions approximatives des efforts, qui sont déjà investis et du travail de révision et de mise à jour qui reste à accomplir dans ce domaine:

1. Les enseignants occupant un emploi dans une école publique: N= 100,520.

2. Les moniteurs ou instructeurs des écoles de conduite.

3. Les chauffeurs d'autobus scolaires.

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4. Les employés travaillant dans un établissement régi par la loi des établissements industriels et commerciaux.

5. Les machinistes et ouvriers employés dans l'exploitation des mines; N=12030.

6. Les manipulateurs d'aliments et les personnes préposées aux soins aux malades ou à la garde d'enfants;N=15800.

7. Les manipulateurs d'aliments dans un camp forestier ou des installations spécifiques.

8. Les employés d'un détenteur de permis visé à l'article 7.001 des règlements adoptés en vertu de la loi sur la protection de la santé publique; N=675.

9. Les membres du personnel d'un laboratoire de prothèses et orthèses ou d'unlaboratoire de biologie médicale; N=9130.

10. Les membres du personnel d'un laboratoire de radiologie diagnostique; N=2520.

11. Le personnel d'un établissement au sens de la loi sur les services de santé et les services sociaux; N=119135.

12. Les chauffeurs de taxis; N=8205.

13. Les étudiants admis à un programme d'études en techniques de pilotage, techniques maritimes, techniques policières ou techniques du contrôle de la circulation aérienne.

En s'en tenant aux seules occupations à propos desquelles on retrouve une définition précise des effectifs éligibles qui ont été comptés dans le recensement de 1986, c'est 268,095 travailleurs qui sont concernés par l'obligation de se soumettre à un examen médical en raison de l'emploi qu'ils occupent. Si on postule que ces personnes ont eu au moins le même examen médical que celui que reçoivent les postulants à des emplois policiers on peut estimer l'ordre de grandeur des services professionnels qui ont été consommés pour satisfaire aux exigences de ces règlements. Pendant l'année 1988, la certification médicale de l'aptitude pour le travail policier de 3800 aspirants qui avaient déjà prouvé leurs capacités en se qualifiant au TAP, a requis l'équivalent de 8 médecins à temps plein dont 1,6 équivalents de radiologiste. En supposant que le nombre des éligibles ait été en 1988 égal à celui de 1985, c'est-à-dire 268,000 personnes, c'est à près de 565 médecins qu'il faut estimer le nombre des équivalents temps plein qui auront été occupés à faire ces examens. Tous ces services professionnels sont tenus pour des services assurés et sont donc remboursés par la RAMQ. C'est donc dire que les fonds sont .déjà disponibles et régulièrement utilisés. Les

15

Surveillance médicale composantes techniques de cette surveillance sont, disséminées un peu partout dans les budgets hospitaliers et peu commodes à estimer.

Conclusion

Le temps est venu de mettre fin à l'utilisation erronée des méthodes de surveillance propres au milieu de travail,surtout quand la surveillance est imposée à tort et à travers. Au delà des ressources rares et précieuses qui se trouvent ainsi gaspillées, c'est d'abord les inaptitudes non fondées,les pseudo-handicaps et autres restrictions arbitraires qui commandent que vous vous y intéressiez. C'est le défi qu'il vous appartient de relever quand vous serez rendus à la croisée des chemins. Je souhaite que vous, les médecins du réseau public en santé au travail, revendiquiez l'autorité qui vous revient sur le contenu de ces programmes. Déjà dans les hôpitaux où vous êtes intégrés, pourraient vous servir de terrain pour vous faire la main, tellement est grand le ménage qui doit y être fait.

Fernand Turcotte

Université Laval

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PROGRAMMES DE SANTÉ ET PRIORITÉS D'INTERVENTION

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR JEAN-PIERRE COURTEAU

C.L.S.C. DE LA RIVIÈRE DÉSERT

DR HENRI PRUD'HOMME ET M. RÉJEAN FILION

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITÉ DE LAVAL

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 novembre 1991

1. Introduction

La d é t e r m i n a t i o n d e s p r i o r i t é s d ' a c t i o n dans le d o m a i n e de la santé se fa i t en tenant compte des quatre facteurs suivants :

- l 'ampleur du problème; - la sévérité du problème; - l 'ef f icaci té des interventions existantes; - la faisabil ité de ces interventions.

I n t u i t i v e et u n i v e r s e l l e , c e t t e d é m a r c h e es t très u t i l e aux i n t e r v e n a n t s du r é s e a u p u b l i c en santé au t r a v a i l , p a r c e q u ' e l l e f a i t r é f é r e n c e à d e s réa l i t é s a u x q u e l l e s i l s sont confrontés quot idiennement: niveau d'expos i t ion , populat ion e x p o s é e , réduction à la source, pro tec t ion i n d i v i d u e l l e , c o l l a b o r a t i o n de l ' employeur , etc.

L 'appl icat ion de ce t te démarche universelle donne cependant des résultats très var iés à travers le Québec: c e r t a i n s D S C se sont retirés complètement des groupes prioritaires I et II, d'autres cont inuent d'y intervenir de façon exc lus ive . P l u s i e u r s D S C mettent l ' emphase sur d e s a c t i v i t é s d ' i d e n t i f i c a t i o n et de d i a g n o s t i c d e s m a l a d i e s p r o f e s s i o n n e l l e s , d ' a u t r e s r e f u s e n t d'y consacrer des ressources déjà l imitées .

P o u r q u o i c e s d i f f é r e n c e s ? Y a - t - i l au tant de "philosophies" d' intervention que de DSC? L'ampleur et 1 a s é v é r i t é d e s d i f f é r e n t s p r o b l è m e s e s t - e l l e s u f f i s a m m e n t c o n n u e ? L ' e f f i c a c i t é des i n t e r v e n t i o n s est-el le perçue partout de la même façon? La not ion de groupes pr ior i ta ires à l ' é c h e l l e de la p r o v i n c e devrait-e l le être abandonnée?

O n t r o u v e d e s é l é m e n t s de r é p o n s e s d a n s la d ivers i té des expér iences v é c u e s par les intervenants du réseau publ i c à travers la p r o v i n c e . A titre d'exemple,

n o u s p r é s e n t o n s de f a ç o n s u c c i n c t e une d é m a r c h e de d é t e r m i n a t i o n d e s p r i o r i t é s d ' a c t i o n d a n s u n e r é g i o n p é r i p h é r i q u e , où l ' é c o n o m i e est f o r t e m e n t tributaire de l 'exploi tat ion forest ière .

2. Ampleur des p r o b l è m e s

L ' a m p l e u r d e s d i f f é r e n t s p r o b l è m e s d e s a n t é a f f e c t a n t u n e p o p u l a t i o n de t r a v a i l l e u r s p e u t ê t r e a p p r é c i é e par un i n v e n t a i r e de la m a i n - d ' o e u v r e ac t ive par secteurs d'activités. La rég ion de la Haute -Gat ineau , q u i r e g r o u p e d e u x t e r r i t o i r e s de C L S C , c o m p r e n d e n v i r o n 6 2 5 é t a b l i s s e m e n t s et 5 0 0 0 t r a v a i l l e u r s . La répar t i t i on des t r a v a i l l e u r s par g r o u p e s prioritaires est présentée à la f igure 1.

F i g u r e 1 : r é p a r t i t i o n d e s t r a v a i l l e u r s par g r o u p e s prioritaires, territoire de la Haute-Gatineau, 1990.

Source : CSST Régionale de l'Outaouais

L e s t r a v a i l l e u r s d e s g r o u p e s p r i o r i t a i r e s I e t II c o m p t e n t d o n c pour p r è s de 50% de la ma in -d 'oeuvre a c t i v e , so i t env iron 2 2 0 0 travai l leurs . D e c e n o m b r e ,

e n v i r o n 1 6 0 0 a p p a r t i e n n e n t au s o u s - s e c t e u r "forêt et scieries", et 95% oeuvrent dans des é tab l i s sements de 20 t r a v a i l l e u r s et p l u s . Le secteur "bâtiments et travaux p u b l i c s " e m p l o i e e n v i r o n 2 0 0 t r a v a i l l e u r s d a n s 4 5 é t a b l i s s e m e n t s , la p l u p a r t de 5 travai l leurs et moins . Q u e l q u e s e n t r e p r i s e s d e t r a n s f o r m a t i o n d u b o i s (parquets , portes , c h a s s i s ) , une entreprise de fabrication de b é t o n , e t p l u s i e u r s p e t i t e s entreprises de fabrication de p r o d u i t s m é t a l l i q u e s et non-méta l l iques , complètent le bilan des groupes I et II ( f igure 2).

F i g u r e 2 : r é p a r t i t i o n d e s t r a v a i l l e u r s d e s g r o u p e s prioritaires I et II, territoire de la Haute-Gatineau, 1991.

Nombre de travailleurs

Exploitation forestière

Scieries Bâtiments & travaux

publics

Industries du bois

Ciment

Source: CSST Régionale de l'Outaouais

L e t y p e d ' a c t i v i t é s e t l e n i v e a u d e r i s q u e est généralement s i m i l a i r e d'un é t a b l i s s e m e n t à l 'autre au s e i n d e c h a q u e s o u s - s e c t e u r . L e s r i s q u e s s e r o n t présentés à la s e c t i o n su ivante , en intégrant les notions de sévér i té et de populat ion e x p o s é e .

4

3. Sévérité des problèmes et populat ion exposée

3.1 Sous-secteur "exploitation forestière" (n=1350)

Le sous-secteur "exploitat ion forestière" comprend, par o r d r e d é c r o i s s a n t d ' i m p o r t a n c e , l e s a c t i v i t é s suivantes : - coupe de bois; - transport du bois; - plantation; - lutte contre les incendies de forêt. - aménagement forest ier et épandage de pes t ic ides ;

L e s r i s q u e s à la santé dans ce s o u s - s e c t e u r sont, par ordre d é c r o i s s a n t de s é v é r i t é ( la propor t ion de la population exposée est indiquée entre parenthèses): - les lés ions traumatiques causées par la machinerie, les

chutes d'arbres, les acc idents de la route et le travail lourd et répétitif (>90 % des travailleurs exposés) ;

- les piqûres d'insectes (anaphylaxie) (100%); - l e s contraintes thermiques (100%); - les pesticides (<1%); - les vibrations (>90%); - le bruit (90 à 105 dB(A)) (>90%); - les infections d'origine alimentaire (>90%).

3.2 Sous-secteur "scieries" (n=250)

L e s r i s q u e s p r é s e n t s d a n s ce s o u s - s e c t e u r sont , par ordre décroissant de s é v é r i t é , tenant compte du niveau moyen d'exposit ion:

- les lésions traumatiques causées par le travail lourd et répétitif, la machinerie (>90%);

- les poussières de bois (>90%); - les métaux lourds, en particulier le plomb et le

cadmium (<5%); - les contraintes thermiques (100%); - le bruit (85 à 115 dB(A)) (>90%).

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3.3 Sous-secteur "parquets, portes et chassis" (n=200)

C o m p t e t e n u du n i v e a u moyen d ' expos i t i on , l e s r i sques dans ce sous-secteur sont, par ordre décroissant de sévérité: - les solvants (<5%); - les fumées de soudage (<1%); - les l é s ions traumatiques du membre supérieur (>90%); - le bruit (85 à 110 dB(A)) (>90%); - les huiles et graisses (<5%).

3 .4 Sous-secteur "ciment" (n=50)

Les risques présents sont:

- les l é s ions traumatiques causées par la machinerie, le travail lourd et répéti t i f , les accidents de la route (>50%);

- les fumées de soudage (<5%); - la poussière de si l ice (10-20%); - le bruit (90 à 110 dB(A)) (>50%).

4. L'ef f icaci té des interventions

L e s t y p e s d ' a c t i v i t é s re l evant du programme de santé spéci f ique sont les suivantes :

- survei l lance environnementale; - surveil lance médicale; - format ion / informat ion; - é laboration du programme de premiers so ins et

de premiers secours .

L e s a c t i v i t é s r e l e v a n t de d e m a n d e s ad h o c , de l 'appl icat ion du retrait prévent i f de la f emme ence inte , de p r o j e t s s p é c i a u x , a i n s i que l 'évaluation-référence pour maladies p r o f e s s i o n n e l l e s , peuvent é g a l e m e n t être c la s s i f i é e s sous une des rubriques précédentes .

L ' e f f i c a c i t é e s t d é f i n i e en t e r m e s d ' o b j e c t i f s de san té mesu rab l e s , v i san t g loba lemen t à la r éduc t ion de l ' i n c i d e n c e e t / o u de la s é v é r i t é d e s atteintes d'origine profess ionne l le . A i n s i , la s u r v e i l l a n c e m é d i c a l e , par e x e m p l e , n ' e s t c o n s i d é r é e comme e f f i c a c e q u e si e l l e r e n c o n t r e l e s c r i t è r e s c l a s s i q u e s r e q u i s d ' u n e m a n o e u v r e de d é p i s t a g e . S o n t e x c l u e s d ' e m b l é e les m a n o e u v r e s p e r m e t t a n t l ' i d e n t i f i c a t i o n des a t t e in tes à un s tade i r r é v e r s i b l e , et l es e x a m e n s m é d i c a u x en vue de l ' i n d e m n i s a t i o n / r é p a r a t i o n des t r a v a i l l e u r s atteints. Cer ta ines act iv i tés de survei l lance médicale sont utiles à d e s f i n s de r e c h e r c h e , et s e r o n t d é c r i t e s à la s ec t i on su ivante .

C o n s i d é r o n s le t a b l e a u s u i v a n t , où l e s interventions e f f i c a c e s ou p r é s u m é e s e f f i c a c e s son t i n v e n t o r i é e s en f o n c t i o n d e s r i s q u e s r e n c o n t r é s d a n s l e s sous-secteurs c ib lés par nos p rogrammes de santé spéc i f iques :

Risque Prévent ion p r i m a i r e

Prévent ion seconda i re

Lés ions t r aumat iques In fo rma t ion Premiers soins

Vibrat ions Hygiène ind. I n f o r m a t i o n

Bruit Hygiène ind. I n fo rma t ion

Fumées de soudage Hygiène ind. I n fo rma t ion

Risque Prévention pr imaire

Prévent ion secondai re

Métaux lourds Hygiène ind. I n fo rma t ion

Dépistage Pb

Silice Hygiène ind. I n f o r m a t i o n

Insectes (anaphylaxie) I n fo rma t ion

Infect ions d 'origine ali-m e n t a i r e

Hygiène ind. I n fo rma t ion

Poussières de bois Hygiène ind. I n fo rma t ion

Monoxyde de ca rbone Hygiène ind. I n f o r m a t i o n

Huiles et graisses Hygiène ind.-In fo rma t ion

Solvan ts Hygiène ind. I n fo rma t ion

Pest icides In fo rma t ion

5. La faisabi l i té des interventions 8

5.1 Contraintes généra les de ressources

L 'équipe du réseau publ ic en santé au travai l est composée :

- d 'un médecin 2 j ou r s / s ema ine , qui agit comme méde-cin responsable dans 100% des é tab l i ssements ciblés par les programmes de santé;

- de deux inf i rmières à plein temps;

- d 'un technicien à plein temps, sans fo rmat ion spéc i f i -que préalable en hygiène indus t r ie l le .

5.2 Cont ra in tes phys iques du te r r i to i re

Le t e r r i to i r e couvre une super f ic ie d 'envi ron 2500 k i l o m è t r e s c a r r é s , so i t env i ron 8 f o i s la d i m e n s i o n de l ' î le de Montréa l . La p lupa r t des camps f o r e s t i e r s sont s i tués en p é r i p h é r i e du t e r r i t o i r e , et ne sont accessibles q u e p a r d e s c h e m i n s f o r e s t i e r s p l u s ou m o i n s c a r r o s s a b l e s . L e s c a m p s f o r e s t i e r s s o n t en général c o n s t i t u é s de m a i s o n s m o b i l e s , e t s o n t déplacés c o n s t a m m e n t p o u r s u i v r e l e s a i r e s d e c o u p e . L a c o l l a b o r a t i o n d e s e m p l o y e u r s e s t e s s e n t i e l l e p o u r local iser et at teindre ces camps mobi les .

5.3 Contraintes l iées aux services de santé du terri-toire

Le t e r r i t o i r e e s t d e s s e r v i pa r un h ô p i t a l de soins s e c o n d a i r e s . I l o f f r e d e s c l i n i q u e s e x t e r n e s d a n s cer ta ines spéc ia l i t és médica les pe r t i nen t e s à la santé au t r a v a i l ( o r t h o p é d i e , p n e u m o l o g i e , m é d e c i n e interne, ORL) mais ne p o s s è d e pas l ' é q u i p e m e n t pour effectuer d e s e x a m e n s a u d i o m é t r i q u e s , des é t u d e s de f o n c t i o n

p u l m o n a i r e , d e s é t u d e s de c o n d u c t i o n n e r v e u s e , e t c . T o u s ces i n v e s t i g a t i o n s do iven t ê t r e e f f e c t u é e s à Hull-Ot tawa, qui se t rouve à une heure et demie de route . La région vit par a i l l eu rs la p rob lémat ique de la répart i t ion d e s e f f e c t i f s m é d i c a u x , e t se t r o u v e en p é n u r i e c h r o n i q u e d e m é d e c i n s , e t p a r t i c u l i è r e m e n t d ' o m n i p r a t i c i e n s en c a b i n e t p r i v é , s u s c e p t i b l e s de p r e n d r e en c h a r g e l e s t r ava i l l eu r s a t te in t s de lés ions profess ionnel les .

5.4 Absence de prise en charge par le milieu

Seulement 7 établ issements dans les g r o u p e s I et II on t d e s Comi tés de santé et de sécur i té pa r i t a i r e s . Six d e ces é t a b l i s s e m e n t s a p p a r t i e n n e n t à deux g r a n d e s ent repr ises ( trois chacune) . L 'équipe de santé au t ravai l n ' i n t e r v i e n t p a s d a n s t r o i s de c e s é t a b l i s s e m e n t s , j u g e a n t que le CSS impose un processus de sélect ion du médec in r e sponsab le qui est con t ra i re au sens de la Loi sur la Santé et la Sécuri té du Travai l .

5.5 Contraintes l iées à là "volati l i té" des établisse-ments et au roulement de la main-d 'oeuvre

A u c o u r s d e s d e r n i è r e s a n n é e s , le s e c t e u r de l ' i n d u s t r i e du b o i s en géné ra l es t devenu très instable: f a i l l i t e s , r e g r o u p e m e n t s d ' e n t r e p r i s e s , m i s e s à p i e d , changements de raison sociale, grèves, etc.

D a n s l e d o m a i n e de l ' e x p l o i t a t i o n f o r e s t i è r e en p a r t i c u l i e r , d e s d i z a i n e s d e p e t i t s e n t r e p r e n e u r s s ' é c h a n g e n t u n e m a i n - d ' o e u v r e t r è s m o b i l e , qu i est p r ê t e à qu i t t e r la r ég ion t empora i r emen t pour occuper des emp lo i s dans d ' a u t r e s régions fores t ières du Québec ou de l ' O n t a r i o . Pa r c o n s é q u e n t , la p o p u l a t i o n des travail leurs dans les camps fo r e s t i e r s , et même dans les sc ie r ies et les us ines de t r ans fo rma t ion du bois , change c o n s t a m m e n t .

1 0

6. Le résul ta t de la démarche : les act ivi tés pr ior i ta i res

6.1 Act iv i tés découlan t des programmes de santé spéci f iques

- 100% des é tab l i ssements de 20 t ravai l leurs et plus dans les groupes pr ior i ta i res I et II sont couver ts par des p rogrammes de santé spéc i f iques , à caractère con-t inu, axés sur des ac t iv i tés d ' in format ion .

- quelques pet i ts é tab l i s sements (1 à 5 t ravai l leurs) ont des p rogrammes de santé , à cause de la nature et de la sévéri té des r i sques présents : a tel iers d 'us inage, fonde-ries...

- deux é tab l i s sements de 20 t ravai l leurs et plus appar te-nant au groupe III font l 'obje t d 'une démarche d 'é labo-rat ion du programme de santé. Dans les deux cas, l ' in-t e rven t ion répond à une demande fo rme l l e du comi té de santé et de sécur i té par i ta i re .

- les ac t iv i tés d ' in fo rmat ion prévues dans les program-mes de santé prennent d iverses fo rmes selon les con-di t ions de l ' env i ronnement de t ravai l . El les peuvent avoir pour cible l ' employeur , le comité par i ta i re , ou un groupe de t rava i l leurs . El les portent en général sur les r i sques présen ts , sur les moyens d ' é l imina t ion à la source, sur les moyens de protec t ion ind iv idue l le et sur les a t te intes découlant de l 'exposi t ion aiguë ou prolongée . Le médecin responsable et les in f i rmières ont "pignon sur rue" et agissent comme fac i l i t a t eu r s dans les démarches de d iagnos t ic et d ' indemnisa t ion-réadaptat ion l iées à des maladies profess ionnel les . Le suivi de doss iers individuels de t ravai l leurs fa i san t des demandes d ' indemnisa t ion est assuré par les in f i r -mières , mais la pr ise en charge par le médecin t ra i tant du t ravai l leur est la règle.

11

6.2 Act ivi tés non re l iées aux programmes de santé

- Activi tés de survei l lance médicale à des fins de recher-che:

. survei l lance audiométr ique des t rava i l l eurs de l ' indus t r ie du bois en général (1600 examens en 1986);

. é tude de l ' inc idence de l ' as thme p ro fes s ionne l chez les t ravai l leurs exposés aux pouss iè res de cèdre blanc dans une usine de f ab r i ca t ion de bardeaux.

- Act ivi tés d ' i n fo rma t ion et de ré fé rence de p remière l igne sur tous les aspects touchant la santé au t ravai l , y compris des ac t iv i tés d ' éva lua t ion env i ronnemen ta l e dans tous les groupes prior i ta ires . Le CLSC fa i t même de la publ ici té sur ces services.

- Une chronique mensue l le rédigée par le médecin est publ iée dans une revue locale des t inée aux gens d 'af -fa i res . Cet te revue à fort t irage re jo int une grande major i té de la populat ion act ive. De façon généra le , la chronique por te sur:

. les droi ts et obl igat ions des d i f fé ren t s acteurs en santé au travail;

. les ressources disponibles dans le mil ieu;

. les r isques à la santé dans d i f fé ren t s secteurs d 'act ivi té;

. les moyens de prévenir les a t te in tes causées par d i f fé rents agents;

. le retrai t prévent i f de la t ravai l leuse encein te ou qui allaite;

. la démarche d ' indemnisa t ion- répara t ion et ses condi t ions d 'appl ica t ion .

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- Activités reliées au R.P.T.E.A.: étude des postes de tra-vail et in format ion- ré fé rence .

- Sessions de sensibi l isat ion à la santé au travail auprès des é tudiants f in i ssan ts du secteur p ro fess ionne l à l 'é-cole secondaire locale.

7. Conclusion

L e m a n d a t d ' i n t e r v e n i r d a n s l e s g r o u p e s p r i o r i t a i r e s I e t I I c o n v i e n t b i e n a u x régions p é r i p h é r i q u e s où l ' e x p l o i t a t i o n f o r e s t i è r e et l'industrie du b o i s en généra l cons t i tuen t l ' e s sen t i e l de l ' a c t iv i t é économique . Malgré les progrès accompl is au cours des d e r n i è r e s a n n é e s , les i n t e r v e n a n t s du r é seau pub l i c en r é g i o n s d o i v e n t m a i n t e n i r l e u r s e f f o r t s d a n s c e s s e c t e u r s d ' a c t i v i t é s , en r a i s o n de l ' a m p l e u r e t de la sévéri té des r i sques présents .

Dans le c o n t e x t e d ' i n s t a b i l i t é c h r o n i q u e q u e vit l ' i n d u s t r i e du bo i s , les programmes de santé spéc i f iques s o n t de p lus en p lus mou lés se lon une a p p r o c h e - t y p e d e s r i s q u e s p ré sen t s dans l ' i ndus t r i e , p lu tô t que selon une a p p r o c h e " d é m o c r a t i q u e " par é t a b l i s s e m e n t . Les p r o g r a m m e s c o n t i n u s et s t a n d a r d i s é s d e v i e n n e n t en q u e l q u e s o r t e l e f i l c o n d u c t e u r à t r a v e r s l e s m o u v e m e n t s de la m a i n - d ' o e u v r e . C o m p t e t e n u d e s r e s s o u r c e s d i s p o n i b l e s e t d e s c a r a c t é r i s t i q u e s du t e r r i t o i r e , l e s a c t i v i t é s de su rve i l l ance méd ica l e sont impra t i c ab l e s et coû teuses . Une approche de prévent ion p r i m a i r e , axée sur l 'hygiène du mil ieu et l ' i n fo rmat ion , o f f r e les m e i l l e u r e s perspect ives en termes d ' e f f i cac i t é et de faisabi l i té .

JPC 91-09-12

INTRODUCTION

L'application par la CSST du moratoire sur le remplacement des postes

vacants ainsi que le contexte général de limitation des ressources dans le réseau

de santé publique ont amené plusieurs Départements de santé communautaire à

procéder à une révision majeure de leur plan d'organisation des services de santé

au travail. Plus spécifiquement, cette réévaluation du mode d'organisation s'est

inscrite dans l'objectif proposé par la Direction de la santé publique à l'effet de

«maximiser l'utilisation des ressources disponibles».

Dans le cadre de ce colloque, nous croyons utile de soumettre à votre

réflexion les principaux éléments qui ont guidé la démarche de réorganisation que

nous avons réalisée en collaboration avec les CLSC de notre territoire. De plus,

nous présentons les principales orientations retenues en regard des pratiques

d'intervention associées à ce nouveau mode d'organisation.

1. LE PLAN D'ORGANISATION

A l'instar de plusieurs autres DSC, le plan d'organisation mis en place au début des années 1980 reposait sur une volonté d'assurer la présence d'un service de santé au travail dans chacun des CLSC du territoire. La quantité de ressources octroyées à chaque service de santé était déterminée par le nombre d'établissements et de travailleur-euse-s classé-e-s dans les groupes prioritaires I et II; des ressources supplémentai-res devaient «éventuellement» s'ajouter avec «l'arrivée» des autres groupes prioritaires.

Même si ce mode d'organisation pouvait correspondre à une volonté de décentraliser les services de santé, il est apparu nécessaire, après quelques années de fonctionnement, de procéder à une révision majeure de ce mode d'organisation et des pratiques d'intervention correspondantes.

Les principaux problèmes identifiés en rapport avec ce plan d'organisation étant:

• Répartition inéquitable des ressources en fonction des besoins de l'ensemble du territoire du DSC;

• Lourdeur excessive en regard de la gestion administrative du dossier; • Multiplication des instances de coordination, donc bureaucratisation des

activités;

• Absence d'une masse-critique d'intervevant-e-s suffisante dans chaque service de santé (entre de 2,5 et 4,9 postes par CLSC);

• Développement de pratiques «solo» et isolement relatif des membres

des services de santé.

3

C'est à la lumière de ces constatations que nous avons décidé de procéder, avec les CLSC concernés, à l'élaboration d'un nouveau plan d'organisation. Les objectifs visés par la réorganisation des services sont ceux énoncés par le Directeur de la santé publique, à savoir:

• «Maximiser l'utilisation des ressources disponibles; • Simplifier la gestion administrative du programme;

• Offrir des services de qualité; • Assurer une meilleure coordination de la réalisation des programmes de

santé».

La réalisation du nouveau plan d'organisation s'articule autour d'une coordination fonctionnelle unique par le DSC de tous-tes intervenant-e-s des services de santé au travail. Un comité conjoint, composé du Directeur et du coordonnateur en santé au travail du DSC ainsi que des Directeurs généraux des CLSC concernés supervisent l'élaboration et le suivi du plan d'action annuel.

Ce plan d'action doit permettre aux ressources des services de santé au travail d'assumer les responsabilités suivantes :

• Assurer la dispensation des services de santé au travail auprès des clientèles prévues aux ententes avec la CSST;

• Réaliser les autres mandats de services (retraits préventifs, enquête sur

l'exposition professionnelle, etc.) prévus aux ententes.

• Assurer un support efficace auprès des travailleurs et employeurs du

territoire;

• Gérer la qualité des services;

• Collaborer avec les autres ressources du territoire (ASP,....).

4

2. LES STRATÉGIES D'INTERVENTION

2.1 Les établissements des groupes I et II

Simultanément au déroulement du processus de réorganisa-tion des services de santé, nous avons procédé, avec l'ensemble des intervenant-e-s de l'équipe de santé au travail, à une révision des pratiques envers les établissements des groupes I et II à partir de critères spécifiques. Ceux-ci réfèrent à la présence, dans le milieu de travail, des conditions requises à la mobilisation des ressources des services de santé. Les principaux critères sont:

• Importance des problèmes de santé; • Pertinence de réaliser des activités de surveillance des travail-

leur-euse-s et du milieu de travail;

• Degré de collaboration des représentant-e-s de l'employeur et des travailleur-euse-s.

• Présence de mécanismes de prise en charge efficace dans le

milieu de travail.

Cette révision des pratiques d'intervention nous a permis de

constater que plusieurs établissements des groupes I et II, qui

mobilisent une proportion importante des ressources d'intervention,

ne rencontrent pas les conditions mentionnées. Quant aux autres

établissements qui répondent positivement aux critères énoncés

précédemment, la notion de «suivi continu» de leurs activités a été

remplacé par une approche fondée sur la détermination de :

priorités d'action en fonction d'objectifs précis partagés par les

représentants du milieu de travail et selon un échéancier déterminé.

5

Cette approche nous semble correspondre davantage à une meilleure utilisation des ressources disponibles en santé au travail.

Les demandes provenant des groupes non-prlorltalres

Nous considérons que notre insertion dans le réseau de santé publique nous crée une certaine «obligation» de service envers l'ensemble des milieux de travail de notre territoire. Il va de soi, cependant, que la disponibilité des ressources constitue un élément essentiel qui module la proportion d'énergie que nous pouvons consacrer aux travailleur-euse-s et employeurs des secteurs d'activités non prioritaires. A cet égard, nous avons pu observer l'existence de pratiques très différenciées selon les intervenant-e-s.

Notre travail de concertation avec les intervenant-e-s a permis de convenir d'une démarche commune visant à fournir des services de santé au travail aux établissements du territoire. La démarche retenue vise à assurer la réception, l'analyse, l'intervention et le suivi s'il y a lieu de l'ensemble des demandes de services qui nous sont adressées peu importe le secteur d'activités de provenan-ce. Les critères généraux qui guident notre intervention sont sensiblement les mêmes que ceux utilisés pour les demandes de service provenant des groupes I et II. Cependant, «l'intensité» des efforts déployés est étroitement reliée au caractère «urgent» de la demande d'intervention et à la disponibilité des ressources.

6

*

2.3 Les projets-pilotes d'Intervention

Le regroupement des ressources et la rationalisation des activités en regard des groupes I et II a aussi permis de procéder à la mise sur pied «d'équipes de projets» en vue de documenter et de proposer un plan d'action concernant certaines problématiques jugées prioritaires.

Deux (2) de ces projets-pilotes ont fait l'objet d'une extension au niveau régional. Ainsi, les ressources des trois (3) DSC de la région 03 participent activement à la réalisation de projets d'interven-tion concernant l'exposition des travailleurs au monoxyde de carbone dans les garages et aux isocyanates dans le secteur des ateliers de débosselage.

De plus, les trois (3) DSC procèdent actuellement à des travaux préliminaires en vue de dresser un portrait de chacun des secteurs d'activités du groupe III dans la région de Québec.

7

CONCLUSION

La révision de notre plan d'organisation et de nos pratiques en santé au travail a permis de mieux baliser l'utilisation des ressources des services de santé au travail.

L'implantation d'une coordination fonctionnelle unique de l'ensemble des ressources a constitué l'élément essentiel de notre démarche. Celle-ci a entraîné une réévaluation de nos pratiques d'intervention. Ultimement, la réorgantistion des services devrait contribuer à mieux réaliser notre mandat de santé publique auprès de l'ensemble des travailleur-euse-s de notre territoire.

8

RÉJEAN FILLION

Conseiller en recherche en santé au travail de 1980

à 1986.

Coordonnateur en santé au travail au DSC du CHUL

depuis 1987.

HENRI PRUD'HOMME

Médecin-conseil en santé au travail depuis 1982.

LES ARTICLES 113-3 ET 113-4

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR MAURICE CARON

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER DE VERDUN

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 nombre 1991

- 1 -

INTRODUCTION

Le présent exposé traite p r i n c i p a l e m e n t des aspects s é l e c t i f s de la s u r v e i l l a n c e m é d i c a l e et du caractère d i s c r i m i n a t o i r e des d é c i s i o n s a u x q u e l l e s se trouve confronté le médecin responsable dans le cadre de ses i n t e r v e n t i o n s , en p a r t i c u l i e r , lors de certai-nes c o n s u l t a t i o n s .

La Loi sur la Santé et la Sécurité du Travail (LSST) et la Loi sur les A c c i d e n t s du travail et les M a l a d i e s P r o f e s s i o n n e l l e s (LATMP) ont p r é v u , comme vous le savez, un rôle au m é d e c i n res-ponsable en matière de sélection m é d i c a l e . P l u s i e u r s r a i s o n s expli-quent que nous nous s o m m e s tenu loin de l ' a p p l i c a t i o n de ces arti-cles dont la p r i n c i p a l e est sans doute le caractère peu préventif de cette p r a t i q u e .

L ' E V A L U A T I O N DE LA C A P A C I T E DE TRAVAIL EN FONCTION DES EXIGENCES D'UN EMPLOI c ' e s t , en fait, l'expression même du proces-sus d é c i s i o n n e l à la base de toute activité de «sélection m é d i c a l e » . P l u s i e u r s articles et alinéas d ' a r t i c l e s de ces Lois prévoient que nous a p p l i q u i o n s une telle approche. Je porte à votre attention les points de lois suivants qui en certaines circons-tances p o u r r a i t d e m a n d e r à un médecin responsable de se p r o n o n c e r :

1- Les e x a m e n s de santé de p r é - e m b a u c h e (art.113-6e ) . 2- Les examens de santé en cours d'emploi (art.113-6e). 3- L ' é v a l u a t i o n des c a r a c t é r i s t i q u e s de santé nécessaire à

l ' e x é c u t i o n d'un travail (art.113-3e ) . 4- L ' i d e n t i f i c a t i o n des c a r a c t é r i s t i q u e s des t r a v a i l l e u r s pour

faciliter leur affectation à c e r t a i n e s tâches (art.113-4e). 5 - L'émission du certificat de retrait préventif du travail-

leur exposé à un contaminant (art.32).

6 - L'émission du certificat de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite (art.40 .et 46).

- 2 -

7- La consultation requise par le comité de santé et de sécu-rité paritaire (art.37) en cas de litige lors de l ' a s s i g n a -tion temporaire du t r a v a i l l e u r accidenté (LATMP art.179 ) .

Quant aux p r é a l a b l e s légaux, r é g l e m e n t a i r e s et p a r i t a i r e s qui s'y appliquent, ils relèvent du Contrat Type liant la Commis-sion aux différents D é p a r t e m e n t s de Santé C o m m u n a u t a i r e .

Ce Contrat prévoit la d i s p e n s a t i o n des e x a m e n s de santé p r é -e m b a u c h e et en c o u r s d ' e m p l o i p r é v u s par r è g l e m e n t .

En ce qui c o n c e r n e l ' é v a l u a t i o n des c a p a c i t é s de travail en fonction des e x i g e n c e s du poste cela devra être inclus dans le P r o g r a m m e de Santé à la demande du comité de santé et de sécurité l o r s q u ' u n Programme Cadre le p r é v o i r a .

En attendant un éventuel « Guide d ' i n t e r v e n t i o n du médecin responsable », voici comment je me guide pour r é p o n d r e au besoin et tenter d'aller de l'avant dans un d o m a i n e , qui je le souligne, ar-rive bon troisième après le Programme de P r é v e n t i o n ( dont l'objec-tif est 1*élimination à la source des dangers ) et après les A c t i v i t é s de Surveillance de la Qualité du M i l i e u de Travail.

Pour illustrer comment s'est appliqué dans notre pratique ce type de décision, j'ai regroupé nos i n t e r v e n t i o n s sous les quatre c a t é g o r i e s suivantes:

A- LA R E A D A P T A T I O N DU TRAVAILLEUR A C C I D E N T E . B- L'ASSIGNATION T E M P O R A I R E D'UN T R A V A I L L E U R ACCIDENTE A UN

TRAVAIL FAVORABLE A LA R E A D A P T A T I O N DU T R A V A I L L E U R . C- LE RETRAIT PREVENTIF D'UN TRAVAILLEUR E X P O S E A UN

CONTAMINANT.

D - LA S U R V E I L L A N C E MEDICALE A LA DEMANDE D'UN TRAVAILLEUR OU

D'UN EMPLOYEUR.

- 3 -

1- LA READAPTATION D'UN TRAVAILLEUR ACCIDENTE

« Bien étudier le poste ...avant de considérer les aptitudes du travailleur !!! »

Il s'agissait dans ce premier exemple de « faciliter l'affectation d'un travailleur à des tâches correspondant à ses apt itudes.» (art.113-4e)

PROBLEMATIQUE

Un travai11eur, acc identé du travail, se fait enlever un

disque au niveau lombaire. Il est affecté par son employeur à un

poste dfentretien-ménager, sans qu'un Agent de Rêadaptation de la

Commission ait statué sur le poste. Il s'oppose à cette affectation

pour pi usieurs raison: le travail y est aussi ex i gent, sinon plus

que son emploi régulier, ce travail ne l'occupe que 24 heures par

semaine et par surcroit, le soir et les fins de semaine. Il porte

alors plainte au comité de santé et de sécuri té par itaire donnant

1 ieu à une demande de consul talion au médecin responsable en

vertu de l'article 37 (LSST).

POSTE DE TRAVAIL

Le travailleur (1) est opérateur de chariot élévateur. Il a,

dans son travail, à soulever du sol aux épaules une quinzaine de sacs pesant 50 1 ivres. L'employeur ajoute qu'il doit manoeuvrer à l'occasion une soixantaine de barils pesant 500 livres ce que refute le travailleur. Le chariot élévateur utilisé transmet des vibrations: il roule sur des roues ceinturées de caoutchouc-plein, le siège est soudé au bSti du véhicule, l'opérateur circule dans des zones oCi l'on a installé des saillies au sol pour ralentir les déplacements.

- 4 -

Le travailleur doit aussi, en certaine circonstance, opérer le chariot de curieuses façons; ainsi, pour tasser de la poudre dans des contenants de 5,000 livres on lui demande, soit de descendre les fourchettes par secousses, de haut en bas, ce qui occasionne des soubresauts ou soit de laisser tomber la charge au sol de sa pleine hauteur... 1 es roues arrières du chariot quittent alors le sol pour immédiatement retomber avec un bruit caractéristique et un choc particulier. BREF, UN ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL « IDEAL » POUR UN TRAVAILLEUR DISCOIDECTOMISE !

RESTRICTIONS

Nous part ions donc p d'une part, avec un 1 it ige sur 1 a des-cription du poste de travai1 et d'autre part , des 1 imitât ions fonctionnelles émises par le médecin traitant contre indiquant le soulèvement de charge de plus de 35 livres, ce qui excluait le manoeuvrement des sacs de 50 livres et des barils de 500 livres. Les flexions amples et répétées du tronc étaient aussi à éviter. Le médecin traitant ne précisait pas d'incapacité vis-à-vis l'exposi-t ion aux vibrât ions.

Dans ce contexte déjà très limitatif, notre approche, c'est d'abord faite en étudiant la problématique du poste sans considérer d'emblé la question des aptitudes du travailleur.

(1) Etude de poste de travail: opérateur de chariot élévateur France Perron, DSC Verdun, Juin 1988

INTERVENTION

Le manoeuvrement des barils de 500 livres compromettait la sécurité des travai11eurs. Le registre des accidents révélait une fracture de Jambe, l'écrasement d'un pied et d'autres maux de dos. La section VIII sur la Manutention et le Transport du Matériel du règlement r. 9: Santé et sécurité du travail dans les établissements industriels et commerciaux (5) impose dans ces circonstances la nécessité d'user de dispositfs mécaniques pour déplacer ce maté-riel (art. 8.1.1). Il n'a suffit ici que d'un système de pinces, peu couteuses, ajoutées aux fourches du chariot ce qui a permi en plus d'augmenter la productivité.

Le tassement de la poudre n'a pas été réglé de façon aussi simple et éclatante. Cette manoeuvre est aussi interdite (art. 8.2.3), les appareils de levage ne doivent pas être soumis à des mouvements brusques. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on a du applanir les cahots installés au sol et taire l'achat d'une plate forme vibrante.

L'adaptation du poste de travail facilitant la réintégrât ion du travailleur à son emploi se restreignit donc à des modifications très acceptables, soit:

- l'usage de roues avec chambres à air - la modification du siège du chariot - un petit monte-charge pour le soulèvement des sacs de 50

livres qui n'avaient plus qu'à être glissés d'une zone à une autre.

Ce qu'il fallait discriminer ici c'était dans un premier temps les situations de travail hors-norme, c'est à dire les conditions de travail inacceptables même pour un travailleur « sain ». Cette approche, même si elle s'avère sélective, a permi de déboucher sur des REALISATIONS PREVENTIVES.

- 6 -

2 L'ASSIGNATION TEMPORAIRE DU TRAVAILLEUR ACCIDENTE ... A UN TRAVAIL FAVORABLE A LA READAPTATION DU TRAVAILLEUR

« Tout en portant la lunette des art ici es 113-3e et 113-4e, garder à l'esprit l'objectif de la Prévention à la Source. »

Dans ce deuxième exemple, la démarche qui nous fut demandée visait ni plus, ni moins « qu'à identifier et évaluer les carac-téristiques nécessaires à l'exécution d'un travail.» Cart. 113-3e)

PROBLEMATIQUE

Un comité de santé et de sécurité paritaire nous soumettait

certaines difficultés d'application touchant 1'assignat ion tempo-

raire des travailleurs accidentés de l'usine. Les travailleurs ac-

cidentés étaient plus ou moins systématiquement rappelés au lende-

main d'un arret de travail par accident et affecté à des travaux

dit légers. Le mécontentement touchait plusieurs points: retour au

travail avec béquilles, plâtre, obstruction occulaire et affection

à des travaux alléatoires, pas toujours productifs, certains don-

nant 1'impression d'une punit ion.

Le comité de santé et de sécurité paritaire comptait consulter

systématiquement le médecin responsable car les accidentés commen-

çaient à porter plainte eux aussi de façon systémat ique. Vu le

nombre d'accidents, nous avons Jugé plus sage et simple d'interve-

nir selon une approche collective et d'une façon planifiée plutôt

que d'avoir à trancher au cas à cas, dans le contexte d'un désac-

cord selon la procédure prévue à l'article 37 de la Loi (LSST). En

effet, comme ces désaccords s'inscrivaient dans le cas d'une poli-

tique d'assignation non établi formellement, médecin responsable,

infirmiére et technicien en hygiène risquaient ( 2 accidents /

- 7 -

semaine ) d'intervenir dans cette établissement bien au delà du

temps octroyé par la Commission.

POLITIQUE D'ASSIGNATION TEMPORAIRE

Avant m§me d'étud ier techn iquement 1 a banque des postes de travaux légers que proposait l'employeur nous avons présenté au comité de santé et de sécurité paritaire les règles proposées par la Direction de la Programmât ion Réadaptation Indemnisation de la CSST pour la mise sur pied d'une politique à tout le moins accep-table à cet égard (2). Il s'agit:

1- d'avoir une politique claire qui s'harmonise avec les dispositions de la convention collective,

2- de diffuser très largement cette politique à tous les travailleurs et à toutes les instances patronales et syndi-cales, expliquant la mesure de gestion, la réintégration du travai11eur et exc1uant 1'impression de pun it ion,

3- d'inventorier systématiquement les postes de travail avant la mise en vigueur de la politique d'assignation temporaire

4- de consulter obligatoirement le médecin qui prend charge du travai11eur,

5- de viser la satisfaction du travailleur concerné < travail productif dans lequel il se sent ë l'aise

(2) L'assignation temporaire:pour favoriser le retour au travail, Hélène Levesque et Lise Robichaud, Commission de la Santé et de la Sécurité du travail, Novembre 1988.

- 8 -

Bref, ces éléments qui doivent être considérées dans une dé-marche d'assignation temporaire s'ajoutent aux aspects que doit prendre en considérât ion 1 e médec in du travail 1eur ( qui prend charge ) tel que préciser à l'article 179 (LATMP).

LIMITES D'INTERVENTION

Quant à notre intervention, elle comportait des limites non négl igeabl es: en part iculier, le fait que nous ne pouvions pas reconnaître à l'avance la capacité ou non d'un travailleur acci-denté à effectuer un travail prescrit sans connaître ses limita-tions fonctionnelles. Par ailleurs, en utilisant les fiches des restrictions fonctionnelles réalisées par 1'IRSST (Colonne lombai-re, colonne cervicale, membres supérieurs et membres inférieurs) on parvenait à préciser les exigences des postes étudiés, ce qui accé-lérerait d'éventuelles interventions en cas de désaccord.

POSTES DE TRAVAIL

Les postes étudiés bien que pouvant convenir à des travail-leurs présentant certaines 1 imitât ions fonct ionnelles, comportaient aussi des risques d'accident et nécessitaient d'emblé des modifica-tions avant même d'y réaffecter des travailleurs accidentés: tels,

a) aide-soudeur sans protect ion respiratoire, ni visuel le, b) travail à bout de bras c) contenant profond obligeant des flexions amples du tronc, d) surfaces de plancher irregulières ou glissantes, e) barils de. 45 gallons servant de siège, f) journaux en guise de coussins, g) caisses de bois superposées servant d'appui-pieds, h) un bloc de ciment pour marche.

De plus des cours de formation et d'information en santé et sécurité du travail étaient uniquement donné aux travailleurs acci-dentés et le contenu non précisé è l'avance.

- 9 -

Ces informations transmises au comité de santé et de sécurité paritaire ont about i à la correc t ion des d i f férentes anomalies identifiées à ces postes ainsi qu'à d'autres endroits où les mêmes points étaient déclarés. Les travailleurs présentant une occlusion complète d'un oeil, une immobilisation plâtrée ou faisant usage de béquilles ne furent plus affectés sur les lieux de production.

3—LE RETRAIT PREVENTIF D'UN TRAVAILLEUR EXPOSE A UN CONTAMINANT ( Art. 32 LSST )

« Avant de proposer un tel retrait, bien considérer qu'il y ait altération à la santé, qu'il y ait exposition délétère à un contaminant et probablement sur-exposition < en attendant l'émission d'autres critères ). »

PROBLEMATIQUE

Un médecin traitant, sans consulter le médecin responsable,

émet à un travailleur un certificat recômmandant son retrait pré-

vent i f du bruit en raison dracouphen dans un contexte de surdité

professionnelle infra-barême. Lf employeur respecte le certifi cat

.... en congédiant le travai11eur,

CONTEXTE LEGAL

La 1oi sur 1 a Santé et la Séc ur i té du Travai1 prévo it à 1'ar-ticle 32 qu'un travailleur peut être affecté à des taches ne l'ex-posant pas à un contaminant jusqu'à ce que son état de santé lui permette de réintégrer ses fonct ions antérieures.

Cet article s'applique lorsque la santé du travailleur présen-te des signes d'altération, que le contaminant comporte des dangers pour sa santé et que les conditions de travail ne soient pas con-

- 10 -

formes aux normes établies.

L'émission d'un tel certificat peut être délivré directement par le médecin responsable ou par un médecin autre à la condition que ce dernier consulte le médecin responsable de l'établissement ou à défaut le chef du Département de Santé Communautaire.

LIMITES D'INTERVENTION

A noter que m?me si la Commission n'a pas, à ce jour iden-tifié de contaminants, ni déterminé des critères de retrait et ni établi de certificat comme dans le cas du retrait préventitif de la trava illeuse enceinte...ces art ic1 es ont force de loi . Des déc i-sions ont à cet égard été rendues par la Commission d'Appel en Matière de Lésion Professionnelle ( CALP ).

Les affections dont il est question ici ne concernent pas uni-quement 1 es mal ad ies d i tes professionnel 1 es. Il peut s'agir de maladies quaii fées de personnel le mais ce qu'il importe, â mon avis, de s'assurer c'est qu'il y a bel et bien altération à la santé et que l'exposition comporte des dangers d'aggravation de cet état.

De plus, si on se réfère à la définition très générale d'un contaminant < art. 1 LSST ) soit, « une matière solide, liquide ou gazeuse, un microorgan isme, un son, une v i brat i on, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation » que faudrait-il conclure d'un contaminant qui n'y figure pas ?

Ainsi 1'expos i t ion au froid chez un ang ineux permet-el 1e l'émission d'un certificat de retrait préventif ? Par ailleurs, si un gaz est reconnu comme un contaminant, quels critères définieraient l'exercice du retrait préventif considérant l'angine corronarienne et l'exposition au monoxyde de carbone ? Quels sont les critères d'altération à la santé et les critères d'exposition à ce gaz ?

- 11 -

Bref, le retrait prévent if concerne d' emblè .1'évaluat ion des capacités de travail en fonction des exigences d'un poste mais dont la notion de danger en milieu de travail se rattache à la notion de contaminant.

Il serait intéressant de savoir comment s'applique, dans les faits et actuellement, ces situations lorsqu'elles sont traitées par un con frère à la fois médec in responsabl e et médec in de l'employeur ? A la faveur de qui les décisions devraient-elles être prises ?

4- SURVEILLANCE MÉDICALE A LA DEMANDE D'UN TRAVAILLEUR OU D'UN EMPLOYEUR.

DEMANDE D'UN TRAVAILLEUR

Périodiquement, des travailleurs ou des employeurs nous con-sultent à propos de travailleurs, évoquant l'incapacité ou l'inap-titude à effectuer telles ou telles activités de travail avec sécu-rité ou d'emblé pour des motifs de rendement; le problème de santé évoqué n'est habituellement pas tributaire du travail mais plutôt relié à une condit ion personnel le.

Le cas des travailleurs initiant de telles démarches « ne po-sent pas de problème » puisqu'ils consultent sur une base volontai-re. C'est d'ailleurs un droit que la loi ( LSST ) confère au tra-vai 1 1 eur de bénéf ic ier « d ' in format ion et de consei 1 s en mat 1ère de santé et de sécurité du travail en relation avec son travail et son milieu de travail »...et « de bénéficier de services de santé pré-ventifs et curatifs en fonction des risques auxquels il peut être exposé » ( art. 10 ). Bien que « le travailleur ait droit à des con-ditions de travail qui respectent sa santé, sa- sécur lté et son intégrité physique » ( art. 9 ), les travailleurs sont bien cons-cients que cela ne constitue une obligation pour l'employeur de mo-

- 12 -

d i f i er 1eur poste de trava i1 en fone t i on de 1eur beso in... not am-ment s'il n'y a pas de mise en situation hors norme, auquel cas la problématique évoquée concernerait le RETRAIT PREVENTIF-".

DEMANDE DE L'EMPLOYEUR

Les demandes originant d'employeurs sont plus problématiques. La participation du travailleur n'est pas nécessairement perçu comme volontaire par l'employeur. Ce dernier, de plus, exprime souvent des attentes précises, eu égard, au maintien ou non du travailleur concerné dans son emploi. 11 est rarement question d'affectation à un autre poste qui serait adapté à la condition du travail leur.

INTERVENTION

En déf in it ive, 1orsqu'un travai11eur consul te le médecin responsable sur une base volontaire, il importe d'assurer 1 a confidentialité de sa démarche, d'aborder toute surveillance médicale en analysant de façon poussée des activités de travail.

Dans l'éventualité où la cessation du travail pour raison de santé soit l'unique solution, l'orientation du travailleur vers des programmes sociaux ( assurances collectives de l'employeur, assurances personnelles, Régie des Rentes etc. ) est essentielle.

- 13 -

CONCLUSION

L'évaluat ion des capac ités de travail en fonct ion des exigences du poste est une démarche préventive peu efficace par rapport à la mise en application du Programme de Prévention et à la Surveillance de la Qualité du Milieu de Travail

Le travailleur, l'employeur et le comité de santé et de sécurité peuvent légalement requérir la consultation du médecin responsable ou à défaut du chef du Département de Santé Communau-taire pour évaluer les capacités d'un travailleur en fonction des exigences d'un poste.

Se 1 imiter à déterminer les capaç ités d'un, travai11eur, en négligeant d'analyser de façon tout aussi serrée les exigences du poste, équivaut à une démarche sélect ive dont le poids repose uniquement sur les épaules, les oreilles, le dos, les poumons et même les résultats de laboratpire du travailleur examiné sans considérer que ses conditions de travail peuvent s'avérer inad-missibles pour un travail leur en santés .ic i-, trop bruyant; là, trop empoussiéré; tantôt, tirant des barils de 500, 600 et 700 livres; tantôt, opérant selon une méthode de travail défendue...1e tout dans un contexte de surexposition ou strictement hors-norme.

En discriminant à la fois,le travailleur et son travail, on peut aboutir de façon plus fréquente qu'on ne le pense à des solutions de nature préventives qui imposent des modifications au n iveau de 1'environnement de travai1.

Se prononcer sur les capacités, d'un travailleur en fonction des exigences d'un poste selon l'article 113-3e et 113-4e, c'est aussi :

- identifier des risques (art.ll3-le)

T

MALADIES k DÉCLARATION OBLIGATOIRE (INTOXICATIONS CHIMIQUES)

ET MALADIES PROFESSIONNELLES: Y A-T-IL UN LIEN?

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR LUC BHÉRER

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL DE L'OUTAOUAIS

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 noveibre 1991

ABRÉVIATIONS UTILISÉES

CPMQ : Corporation professionnelle des médecins du Québec

LATMP : Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnel les

LE REGLEMENT : Règlement d'application de la loi sur la protection de la santé publique

LPSP : Loi sur la protection de la santé publique

LSST : Loi sur la santé et la sécurité du travail

MADO : Maladie à déclaration obi igatoi re : intoxication chimique

PSS : Programme de santé spécifique

RADS : Reactive airways dysfunction syndrome

NOTE : Ce texte est rédigé à la forme neutre, soit le masculin

-2-

AVANT-PROPOS

L'expérience acquise au cours des 1d derniers mois alors que

je cumulais des responsabilités en santé du travail et en santé

publique dans le dossier des intoxications chimiques m'a amené à

faire une réflexion que j'aimerais partager avec vous.

En répondant aux deux (2) sous-questions déjà posées j'espère

être en mesure d'atteindre les objectifs suivants :

1. Étudier les liens qui existent entre la LPSP, son règlement et la LATMP.

2. Faire ressortir les éléments pouvant contribuer à améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles au Québec.

3. Démontrer les faiblesses du système québécois à cet égard.

4. Proposer quelques éléments de solution à ces faiblesses.

Cette démarche, au premier coup d'oeil théorique, est

susceptible j'en suis convaincu de potentialiser les interventions

du Réseau public dans les mi 1ieux de travai1 en associant la

démarche prospective de la santé au travail à la démarche rétros-

pective propre à l'intervention suite à la déclaration d'un cas de

MADO (enquête).

-3-

Avant de répondre aux questions soulevées, étudions d'abord

les objectifs poursuivis par la LATMP, la LPSP et le règlement afin

de déterminer les niveaux éventuels de complémentarité.

D'une part, la LATMP "a pour objet la réparation des lésions

professionnel les et des conséquences qu'elles entraînent..."

(article 1). Ceci veut donc dire que cette loi s'intéresse

particulièrement au traitement, à la réadaptation, aux indemnités

de remplacement de revenu et au calcul des atteintes à l'intégrité

physique et psychologique des travailleurs victimes d'une lésion

professionnel le.

D'autre part, la LPSP nous dit à l'article 2 que le Ministre

de la Santé et des Services sociaux a pour fonction "de participer

à l'élaboration de programme d'éducation populaire, de formation et

de recherche dans les domaines de la prévention, du dépistage et du

traitement des maladies, de la réadaptation et de la santé publique

en général".

Quant à lui, le règlement précise à l'article 38 la notion de

protection de la santé de la population et à l'article 30 la notion

de réseau d'alerte alors qu'il spécifie quand, comment et qui doit

déclarer.

- 4 -

D'emblée nous constatons qu'il n'y a pas contradiction entre

ces deux (2) lois et le règlement. Éventuellement, peut-être

serons-nous à même de constater qu'il y a complémentarité.

Abordons donc la première question : "Peut-on se servir des

maladies professionnelles énumérées à l'annexe 1 de la LATMP pour

déve lopper une stratégie d'intervent ion en santé publique?"

Autrement dit, le système qui s'occupe de l'indemnisation dfindivi-

dus malades peut-il servir à détecter des problèmes de santé qui

touchent une population à risque?

Les données des mal adies professionnel les éventuellement

disponibles à la CSST pourraient-elles être suffisantes, si elles

étaient étudiées, pour poser un "diagnostic populationnel" i.e.

capable de générer une connaissance ou un suivi de l'état de santé

de cette population à risque?

Pour répondre à cette question, il faut étudier les écueils à franchi r af i n que chaque cas d'une maladie professionnel le soit indemnisé par la CSST. Les étapes pour chaque cas sont :

- 5 -

1. le diagnostic;

2. la relation entre la maladie et le travail;

3. la notion de présomption; (article 29, LATMP)

4. les délais inhérents au diagnostic;

5. les délais administratifs et de contestation à la CSST;

6. la classification des diagnostics à la CSST

et de façon plus globale;

7. 19 absence d1 un registre général des maladies profession-

nel les à la CSST.

Si vous voulez bien, nous les considérerons une à une en

proposant un exemple à titre d'illustration.

1. Le diagnostic est-il fait?

Exemples : - encéphalopathie aux solvants organiques

- saturnisme

2. Si le diagnostic est fait, la relation entre la maladie et

le travail est-elle faite par le médecin traitant?

Exemple : le parkinsonisme et l'exposition profession-

nelle au manganèse (soudeur).

- 6 -

3. La notion de présomption : définie à 1 'article 29 de la

LATMP alors qu'un travailleur atteint par un contaminant

listé dans l'annexe 1 de cette loi "est présumé atteint

d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail

correspondant à cette maladie d'après l'annexe". Les

médecins connaissent-ils tous cette notion de présomption?

Exemple : un diabétique souffrant du phénomène de

Raynaud et ayant été opérateur de tronçon-

neuse .

Se peut-il que le médecin, en attribuant d'emblée l'at-

teinte au diabète, nie la présomption avant môme l'ouver-

ture d'un dossier de maladie professionnelle à la CSST?

4. Les délais de diagnostic : les délais pour consolider une

lésion professionnelle peuvent être tels qu'ils peuvent

empêcher parfois des interventions pertinentes en santé

publique.

Exemple : une épidémie d'atteinte pulmonaire par le chlore

et ses composés lors de la rénovation d'une papetière. La

consolidation ne pouvant pas se faire avant 18 à 24 mois...

- 7 -

i1 semble que ces délais puissent ne pas être compatibles

avec la notion de réseau d'alerte à laque1 le je faisais

mention plus tôt.

5. Les délais administratifs et de contestations inhérents à

la LATMP.

6. La classification des diagnostics à la CSST : une intoxica-

tion par les gaz irritants (ex.: chlore, soufre et com-

posés) peut être traitée comme un accident de travail ou

une maladie professionnel le car el le répond à chaque

définition selon la loi. La personne qui entre les données

à la CSST est-elle au fait de ces nuances? Quelle est sa

formation?

De plus, pour être, le cas échéant, traitée comme maladie

professionnelle, il faut encore pour le chlore, que le

médecin ait retenu ses notions de chimie : "intoxication

par les halogènes et leurs composés toxiques...".

Vous conviendrez que cela fait beaucoup de si et de mais.

-8-

7. Il n'y a pas de registre général des maladies profession-

nelles à la CSST. Par conséquent, il ne semble pas y avoir

d'analyse systématique qui permettrait des rapprochements

dans le temps, l'espace, les secteurs d'activité, les

périodes de temps...

Par conséquent, dans les conditions actuelles, les données de

la CSST ne sont pas utilisables en santé publique car lorsqu'elles

existent, c'est trop peu, trop tard.

Attaquons maintenant la deuxième question : "Le système des

maladies à déclaration obiigatoire (intoxication chimique) peut-il

contribuer à amél iorer la déclaration des maladies professionnel les

au Québec?"

Le règlement nous donne, à l'article 28, la 1 iste exhaustive

des intoxications par les agents chimiques qui sont des maladies à

déclaration obligatoire. Lorsque nous considérons en même temps

cet article et l'annexe 1 de la LATMP (Tableau 1), nous sommes à

même de constater qu'effectivement de nombreuses MADO sont aussi

des maladies professionnelles. De là à conclure que les MADO

soient susceptibles d'être un élément permettant d'améliorer la

reconnaissance de certaines maladies professionnelles il n'y a

qu'un pas à franchir.

-9-

Cependant, encore une fois, beaucoup de questions sont

soulevées. A cet égard, les données déclarées au LSPQ en 1990 par

26 DSC sont éloquentes (Tableau 2).

Si nous enlevons le 21% des cas qui provient de l'Outaouais et

qui est survenu pour l'essentiel lors de la rénovation d'une

papetière (intoxi cation par le chlore et ses composés que nous

avons nous-mêmes déclarés) i 1 reste pour toute 1 a province de

Québec que des MAD0 qui ont été mesurées dans les 1 i qu i des

biologiques.

Or, toutes 1 es MADO ne se mesurent pas dans les 1 i qui des

biologiques. Est-ce à di re que les intoxications par les gaz

irritants (chlore, soufre, phosphore et composés) ne surviennent

qu'en Outaouais?

S'il semblé que ce soit le cas en 1990, les données disponibles

pour les sept ( 7 ) premiers mois de 1991 démontrent que non. En

effet 11% des intoxications rapportées au LSPQ par les gaz

irritants ne proviennent pas de 1'Outaouais (Tableau 3).

- 1 0 -

Regardons les problèmes à solutionner pour améliorer la

déclaration des cas de MADO afin que celles-ci contribuent à

améliorer éventuellement la reconnaissance des maladies profession-

nelles au Québec. Notez que ces difficultés s'amplifient les unes

les autres mais nous les étudierons une à la fois afin de faciliter

l'analyse et de proposer quelques éléments de solution.

Le premier problème : 7a définition des cas. Prenons par

exemple une intoxication par le chlore. Qu'ést-ce qu'une intoxica-

tion : oedème pulmonaire ou légère irritation des muqueuses

oculai res et respi ratoi res? Notez que la même question se pose

pour chaque contaminant.

A cet égard, au DSC de l'Outaouais, jusqu'à ce qu'une meilleure

définition de cas ne soit proposée, nous retenons la définition du

dictionnaire "Petit Robert".

"Intoxication : action nocive.qu'exerce une substance toxique (poison) sur l'organisme; ensemble des troubles qui en résulte".

Cette définition, très large englobe toute atteinte d'un organe

cible par un contaminant donné. A ce titre, même la rougeur des

yeux peut être considérée comme une intoxication par le chlore et

constitue de ce fait une MADO.

- 1 1 -

Nous avons retenu cette définition dans la perspective de santé

publi que où toute i ntoxi cati on est consi dérée comme un "événement

sentinelle" démontrant qu'i 1 y a eu ou aurait pu y avoi r un

événement d'importance et que les mécanismes permettant de le

prévenir n'ont pas été efficaces (procédures de travail, procédure

de vérification préalable, port de moyens de protection individuel-

les adaptés pour la tâche, le contaminant et le travailleur...).

Deuxième problème : l'article 30 du règlement : la définition

de médecin traitant.

Plusieurs médecins ne se considèrent pas "médecins traitants"

bien que les travai1 leurs intoxiqués les consultent ou qu'i1s

reçoivent un traitement sous leurs supervisions.

A ce sujet, nous avons demandé son avis au docteur

Rémi H. Lair, syndic à la CPMQ et il nous a répondu : "Un médecin

traitant est tout médecin établissant un contrat de soins avec un

patient. Dans le cas d'un travailleur victime d'une intoxication

énumérée à l'article 28 du règlement d'application de la loi sur la

protection de la santé publique, le médecin traitant serait donc

- 1 2 -

celui qui, constatant ou diagnostiquant cette intoxication, fournit

des soins médicaux à ce travailleur". Et il ajoute un peu plus

loin pour préciser : "lorsque des soins, si bref soient-ils, sont

donnés par le médecin lui-môme ou encore sous sa responsabilité à

un intoxiqué".

Je crois que cette clarification, par sa diffusion, contribuera

à améliorer la déclaration des MADO notamment auprès des médecins

de l'employeur qui semblent un groupe à prioriser dans une

stratégie visant à améliorer la déclaration des MADO.

Ceux-ci connaissent en effet le milieu de travail et les

contaminants en présence et ils sont plus à même d'établir des

relations pertinentes entre le travail et l'atteinte. De plus, ces

médecins desservent une population à haut risque d'importance, ce

qui est susceptible de rendre notre intervention en santé publique

plus efficace. Nous pouvons même devenir des alliés stratégiques

dans l'objectif commun de prévenir les atteintes à la santé dans le

milieu de travail parce qu'il est parfois plus facile de générer

une pression par personne interposée.

- 1 3 -

Troisième problème : 1es travailleurs intoxiqués et les

médecins traitant ne savent pas que la MADO en question serait

éventuellement une maladie professionnel le.

Ainsi, afin de diffuser cette information aux intéressés, nous

proposons de prévoir des activités d'information au PSS. Celui-ci

nous apparaît le véhicule idéal pour l'information des travailleurs

potentiellement exposés tout en préservant notre philosophie visant

à promouvoir la prise en charge de leur problème par les travail-

leurs eux-mêmes.

En l'absence d'un PSS, le chef du DSC (ou son délégué) n'a-t-il

pas une certaine forme d'obligation de faire connaître aux malades

cette information? Nous croyons que oui. De plus l'information,

au médecin déclarant, sur l'événement et ses conséquences éventuel-

les en rédigeant un rapport de MADO, constitue une rétro-action

(feed back) au déclarant et suscite éventuellement les déclarations

futures.

D'autre part, il ne faut pas négliger d'autres avenues comme la

sensibilisation des syndicats ou de certains groupes de médecins

susceptibles de rencontrer un grand nombre de cas (ex. : les

pneumologues et le RADS secondaire à l'intoxication par les gaz

- 1 4 -

i rritants ). A cet égard, i 1 semble que 1 a façon d *écri re le

diagnostic sur les formulaires médicaux de la CSST prend une

importance particul ière si l'on veut que 1 1 atteinte-soi t considérée

maladie professionnelle.

Quatrième problème : les médecins, en général, connaissent mal

la réglementation et les lois. A cet égard, nous proposons :

1. que le centre anti-poison informe les médecins quand il

s'agit d'une intoxication chimique "MADO" lorsque ceux-ci

appellent pour obtenir de l'information sur les traitements

à donner à un intoxiqué;

2. d1informer les travai1 leurs par personnes interposées ou

non, selon différentes stratégies à développer dans chaque

contexte régional;

3. d'ajouter de la formation sur les lois et règlements lors

des études médicales.

- 1 5 -

A notre avis, les maladies à déclaration obligatoire peuvent

donc contribuer à améliorer la reconnaissance des maladies

professionnelles au Québec. Cependant, il y a plusieurs écueils à

franchir afin d'harmoniser le "règlement" permettant d'une part de

prévenir et d'enrayer. . . l'épidémie et protéger la santé de la

population et également, par un processus de diffusion de l'infor-

mation, permettre aux travailleurs victimes d'une intoxication, de

faire reconnaître leur droit comme victime d'une lésion profession-

nelle engendrant une maladie professionnelle quant il s'agit d'une

maladie énumérée dans 1 a LATMP dans 1 e cadre d'un travai 1 qui

implique l'utilisation ou l'exposition à un contaminant listé à

l'annexe I de la LATMP.

- 1 6 -

EN CONCLUSION

J'espère avoir démontrer les liens existants entre la LPSP et

la LATMP. Ai-je réussi à vous sensibiliser à la sous-déclaration

des maladies professionnelles et à vous présenter un moyen

permettant d'améliorer cette situation.

Il s'agit de relations subtiles qui, si elles sont exploitées,

peuvent contribuer à améliorer notre impact sur les milieux de

travail en faisant ressortir de nouvelles problématiques qui

autrement échappent totalement à notre intervention dans le cadre

de la LSST. De plus, dans notre expérience, l'intervention suite

à une déclaration de MADO, génère une pression positive importante

sur le milieu de travail car il ne s'agit pas d'un problème

appréhendé (ex. : surdité professionnelle) mais bien d'un événement

documenté (ex. : atteinte pulmonaire aiguë).

En faisant connaître toutes les informations pertinentes et les

moyens de préveni r la répétition d'un événement semblable aux

autorités compétentes, nous contribuons à la prévention primaire

auprès de notre population de travailleurs exposés.

- 1 7 -

Finalement, pour les victimes de lésions professionnelles, nous

contribuons à les informer sur le diagnostic, les traitements

éventuels et la réadaptation sociale et professionnel le auxquels

ils ont droit (prévention tertiaire).

J'aimerais terminer sur une note humoristique avec la question

suivante : s'agit-il là de la solution au problème du financement

du réseau de la santé!

- 1 8 -

BIBLIOGRAPHIE

1. Loi sur les Accidents de Travail et les Maladies Profession-nelles, LRQ, chap. A-3.001, dépôt légal 3e trimestre 1988, bibliothèque nationale du Québec, Éditeur officiel du Québec 1988.

2. Loi sur la protection de la santé publique, éditeur officiel du Québec, LRQ, chap. p. 35, 8 mars 1989.

3. Règlement d'appl i cation de la loi sur la protection de la santé publique, éditeur officiel du Québec, p. 35,. r.1, 11 juillet 1989.

Tableau 1

Tableau nettant en relation les MADO et les Maladies Professionnelles listées à

l'annexe de la LATMP

MALADIES PROFESSIONNELLES MADO •'•• |

Intoxication par les métaux et leurs composés toxiques, organiques ou inorganiques

Intoxication par le -Béryllium et ses composés -Cadmium et ses composés -Manganèse et ses composés -Mercure et ses composés -Plomb et ses composés -Chrome et ses composés -Cuivre et ses composés -Zinc et ses composés -Nickel et ses composés -Fluor et ses composés -Pesticide organo-phosphoré

-Thallium Intoxication par les halogènes et leurs composés toxiques, organiques ou inorganiques

Intoxication par le chlore et ses composés Pesticide organo-chloré

j Intoxication par l'arsenic Arsenic et ses composés Intoxication par le phosphore Intoxication par le

phosphore et ses composés | Intoxication par les composés de 1'azote

-Vapeur nitreuse (N0-N0x ) -Maladie des ouvriers de silo

-Oxyde nitreux (N^O) -Oxyde ni tri que (NO)

Intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques, aromatiques

-Benzène S -Hydrocarbures chlorés I

Dermite allergique ou irritative -Soufre et ses composés j -Certains solvants I -Nickel

N.B. : Cette liste ne prétend pas être exhaustive.

i

TABLEAU 8 MADO CONFIRMÉES: 1991 (Janvier-août

(N-368)

GAZ IRRITANTS 46

iCTAUX

50LVWT W

SOURCE: LABORATOIRE DE SANTE PUBLIQUE

LE RETRAIT PRÉVENTIF DES TRAVAILLEURS EXPOSÉS À DES CONTAMINANTS

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR PIERRE AUGER

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITÉ LAVAL ET

C.L.S.C. CENTRE-VILLE

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 noveibre 1991

EXTRAIT DE: LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

L.R.Q. C.S.2.1

INTERPRÉTATION

Dans la présente lo i et les règlements, à moins que le contexte n' indique un sens d i f f é r e n t , on entend par:

CONTAMINANT

Une matière sol ide, l iquide ou gazeuse, un micro-organisme, un son, une v ib ra t ion , un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiat ion ou toute combinaison de l ' un ou l ' au t re susceptible d 'a l té re r de quelque manière la santé ou la sécurité des t rava i l l eu rs .

RETRAIT PRÉVENTIF

Article 32

Travailleur exposé à un contaminant

Un t rava i l l eu r qui fourn i t à l'employeur un c e r t i f i c a t attestant que son exposit ion à un contaminant comporte pour lu i des dangers, en égard au f a i t que sa santé présente des signes d 'a l té ra t i on , peut demander d 'ê t re af fecté à des tâches ne comportant pas une t e l l e exposition et q u ' i l est raisonnablement en mesure d'accomplir, jusqu'à ce que son état de santé lu i permette de réintégrer ses fonctions antérieures et que les conditions de son t r a v a i l soient conformes aux normes établ ies par règlement pour ce contaminant.

A r t i c l e 33

Certificat du médecin responsable

Le c e r t i f i c a t visé dans l ' a r t i c l e 32 peut être dé l iv ré par le médecin responsable des services de santé de l 'établissement dans lequel t r a v a i l l e le t rava i l l eu r ou par un autre médecin.

Avis au médecin du travailleur

Si le c e r t i f i c a t est dél ivré par le médecin responsable, ce lu i - c i do i t , à la demande du t r ava i l l eu r , aviser le médecin q u ' i l désigne.

1

Consultation entre médecins

S ' i l est dé l iv ré par un autre médecin que le médecin responsable, ce médecin do i t consulter, avant de dé l i v re r le c e r t i f i c a t , le médecin responsable ou, à défaut, le chef du département de santé communautaire du t e r r i t o i r e dans lequel se trouve l 'établ issement ou le médecin que ce dernier désigne.

A r t i c l e 34

Règlement de la Commission

La Commission peut par règlement:

1- i d e n t i f i e r les contaminants à l 'égard desquels un t r a v a i l l e u r peut exercer le d ro i t que l u i reconnaît l ' a r t i c l e 32;

2- déterminer les c r i tè res d ' a l t é r a t i o n à la santé associés à chacun de ces contaminants et permettant l ' exerc ice de ce d r o i t ;

3- préciser les c r i tè res du r e t r a i t d'un t r ava i l l eu r de son poste de t r a v a i l et de sa ré in tégrat ion;

4- déterminer la forme et la teneur du c e r t i f i c a t visé dans l ' a r t i c l e 32.

A r t i c l e 35

Cessation de t r a v a i l

Si l ' a f f e c t a t i o n n 'est pas effectuée immédiatement, le t r a v a i l l e u r peut cesser de t r a v a i l l e r jusqu'à ce que l ' a f f e c t a t i o n so i t f a i t e ou que son état de santé et que les condit ions de son t r a v a i l l u i permettent de réintégrer ses fonct ions conformément à l ' a r t i c l e 32.

A r t i c l e 36

Le t r a v a i l l e u r a . d r o i t , pendant les cinq (5) premiers jours ouvrables de cessation de t r a v a i l , d ' ê t re rémunéré à son taux de sa la i re régu l ie r .

À la f i n de cette période, i l a d r o i t à l ' indemnité de remplacement du revenu à laquel le i l aura i t d r o i t en vertu de la Loi sur les accidents du t r a v a i l et la maladies professionnelles comme s ' i l devenait alors incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle au sens de cette l o i .

Pour disposer d'un t e l cas, la Commission applique la Loi sur les accidents du t r a v a i l et les maladies professionnelles dans la mesure où e l l e est compatible avec la présente l o i et sa décision peut f a i re l ' o b j e t d'une demande de révis ion et d'un appel conformément à cet te l o i .

Article 37

Demande au comité de santé et de sécurité

Si le t r ava i l l eu r c ro i t q u ' i l n 'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles i l est a f fecté par l'employeur, i l peut demander au comité de santé et de sécuri té, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultat ion avec le médecin responsable des services de santé et l 'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le chef du département de santé communautaire du t e r r i t o i r e où se trouve l 'établ issement.

S ' i l n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le t r ava i l l eu r peut adresser sa demande directement à la Commission.

La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a e f f e t immédiatement, malgré une demande de révision.

Article 37.1

Une personne qui se c ro i t lésée par une décision rendue en vertu de l ' a r t i c l e 37 peut, dans les 10 jours de sa no t i f i ca t i on , en demander la révis ion par un bureau de révis ion.

A r t i c l e 37.2

Le bureau de révision doi t procéder d'urgence sur une demande de révision f a i t e en vertu de l ' a r t i c l e 37.1.

La décision rendue par le bureau de révision sur cette demande a e f fe t immédiatement, malgré l 'appe l .

Article 37.3

Une personne qu se c ro i t lésée par une décision rendue par un bureau de révision à la sui te d'une demande f a i t e en vertu de l ' a r t i c l e 37.1 peut, dans les 10 jours de sa no t i f i ca t i on , en i n t e r j e t e r appel devant la Commission d'appel.

3

Article 38

Avantabes liés à l'emploi

Si le t r ava i l l eu r a été af fecté à d'autres tâches, i l conserve tous les avantages l i és à l 'emploi q u ' i l occupait avant cette a f fec ta t ion .

Réintégration

À la f i n de l ' a f f e c t a t i o n , l'employeur doi t réintégrer le t r a v a i l l e u r dans son emploi régul ier .

Avantages sociaux

Le t r ava i l l eu r continue de bénéficier des avantages sociaux reconnus à son l ieu de t r a v a i l , sous réserve du paiement des cot isat ions exigibles dont l'employeur assume sa part .

Article 39

Si le t r ava i l l eu r a cessé de t r a v a i l l e r , i l conserve tous les avantages l i és à l 'emploi q u ' i l occupait avant sa cessation de t r a v a i l , sous réserve des premier et deuxième aliénas de l ' a r t i c l e 36.

Disposition applicables

Les deuxième et troisième alinéas de l ' a r t i c l e 38 s'appl iquent, en les adaptant, au t r ava i l l eu r qui a cessé de t r a v a i l l e r .

Durée des avantages liés à l'emploi

Le t r ava i l l eu r ne conserve les avantages visés dans le présent a r t i c l e que pendant un an suivant la date de cessation de t r a v a i l , sauf dans le cas où les conditions de son t rava i l ne sont pas conformes aux normes établ ies par règlement pour ce contaminant.

4

LE RETRAIT PRÉVENTIF DES TRAVAILLEURS EXPOSÉS À DES CONTAMINANTS

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

HE FRANCE CORMIER, AVOCATE

CHARGÉ DE COURS UQUAM ET ÉCOLE POLYTECHNIQUE

21 e; 22 tiuveiibre 1991

542 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

[1987] C.A.L.P.

En ce qui concerne les cas de suicide, la Commis-sion d'appel retient les témoignages de madame Jas-min et de monsieur Hervicux à l'effet que, dans telles situations d'urgence, c'est le conducteur du train, soit l'operateur de la loge avant, qui intervient. À cela s'ajoute le fait que le personnel de la partie inté-ressée est de moins en moins appelé à intervenir, lais-sant une telle tâche à des organismes tel Urgences Santé. Il en est de même de la surveillance sur les quais, au départ et à l'arrivée des trains ; depuis Tim-position du locqueteau, l'agent d'accompagnement ne pouvant plus effectuer cette surveillance directe-ment, celle-ci peut sécuritairement être accomplie par l'opérateur à l'aide du miroir convexe sur la li-gne n° 5, où raffluence des passagers est limitée et le nombre de voitures réduit à trois.

L'ensemble de ces constatations et de ces change-ments convainc la Commission d'appel, comme l'a déclaré monsieur Donato dans son témoignage, qu'une nouvelle philosophie existe chez la partie in-téressée depuis 1974, à savoir que, depuis les inci-dents de 1971 et 1974, ce ne sont plus les opérations mais bien la sécurité qui prime. Les investissements à cet effet depuis cette période en témoignent.

Quant à la comparaison avec le système de métro français, la Commission d'appel est d'avis que le té-moignage de monsieur Lebœuf est beaucoup atténué par celui de monsieur A. Pascal, ingénieur au métro de Paris. Ainsi, le dispositif de veille automatique avec contrôle de maintien de l'appui ( V A C M A ) du métro de Paris se compare substantiellement à celui de l'homme-mort (H .M . ) du métro de Montréal. Quant à celui d'alarme vigilance, la Commission d'appel retient le témoignage de monsieur Pascal à l'effet que pour une petite « ligne » comme la ligne n° 5 du métro de Montréal, un tel dispositif n'est pas nécessaire ; d'autant plus que l'expérience parisienne démontre que ce dispositif provoque beaucoup de fausses alarmes.

La Commission d'appel retient également le té-moignage de monsieur A . Pascal à l'effet que, pour les stations dont les quais sont en ligne droite, comme ceux de la ligne n° 5 à Montréal, la présence des miroirs convexes est suffisante pour effectuer une surveillance adéquate des quais. La présence des ca-méras et d'agents signaleurs sur les quais de métro parisien s'explique par la configuration en courbe de

certaines stations et par l'affluence des passagers aux heures de pointe.

Du témoignage de monsieur G . Hafter concer-nant le métro londonien, dont l'évacuation est im-possible par l'extérieur des trains à cause de la confi-guration des tunnels « en tube», la Commission d'appel retient qu'actuellement 50 % du réseau dont la capacité journalière est d'un million de passagers fonctionne à un seul opérateur. Compte tenu de l'ex-périence de monsieur Hafter dans le domaine de la circulation ferroviaire, la Commission d'appel re-tient son opinion à l'effet que la ligne n° 5 du métro de Montréal constitue une « entité complète » qui a été conçue avec la technologie moderne et que, compte tenu de son affluence restreinte en passagers, il y a abondance de moyens sécuritaires pour la con-duite à un seul opérateur.

Ainsi la Commission d'appel est d'avis que le tra-vail d'opérateur sur la ligne n° 5 du métro de Mont-réal peut être effectué selon les règle de Part ; d'ail-leurs, les témoignages de plusieurs experts, dont deux de villes dont l'exploitation des réseaux de mé-tro se fait depuis longtemps et dont la capacité de transport est de beaucoup supérieure, sont à cet effet. En conclusion quant aux conditions de travail de l'opérateur unique sur la ligne n° 5 du métro de Montréal, telles qu'elles existaient le 16 juin 1986, la Commission d'appel est d'avis que l'ensemble de la preuve est à l'effet qu'elles ne constituent pas un dan-ger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physi-que, non plus que pour celles des passagers.

Pour ces motifs, la Commission d'appel en ma-tière de lésions professionnelles :

Rejette l'appel ;

Confirme la décision du Bureau de révision ren-due le 8 août 1986;

Déclare que les conditions de travail de monsieur Marcel Naud telles qu'elles existaient le 16 juin 1986 ne comportaient pas de danger justifiant de refuser d'exécuter son travail d'opérateur sur la ligne n°5 du métro de Montréal.

[1987] C.A.L.P. B1ZIER et RENFORT INC. (LE) 543

[1987] C.A.L.P. 543 à 554

P A U L E BIZIER, partie appelante, et LE RENFORT INC., partie intéressée, et COMMISSION DE L A SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ D U TRAVAIL , intervenante SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL — retrait

préventif— droit du travailleur — exposition à l'herpès — interprétation de Va r tic le 34 L.S.S.T. — droit de la C.S.S.T. de réclamer des sommes versées en trop.

Appel d'une décision du Bureau de révision refusant d'accepter la réclamation de rappelante concer-nant un retrait préventif en application de Parti-cle 32 L.S.S.T. L'appelante demande de déclarer qu'elle a droit à l'indemnité de remplacement de revenu à la suite de l'exercice de son droit au re-trait préventif en raison de l'exposition à un conta-minant. Appel accueilli en partie.

L'appelante exerce un emploi d'éducatrice auprès de handicapés physiques lourds. Le 3 septembre 1985, un examen révèle qu'une bénéficiaire de son unité est atteinte d'herpès. Le 5 septembre 1985, l'appelante consulte son médecin de famille, qui émet l'opinion que, celle-ci souffrant d'eczéma gé-néralisé, il est contre-indiqué qu'elle soit en con-tact avec la bénéficiaire souffrant d'herpès et re-commande un retrait préventif du travail L'appelante demande alors une réaffectation dans une autre unité ne comportant pas d'exposition à des bénéficiaires souffrant d herpès. Cette de-mande est refusée parce qu'elle s'avère impossible. Le 16 septembre l'appelante reprend le travail, la bénéficiaire étant guérie. Le 1er octobre 1985, la C.S.S. T. indemnise l'appelante pour la période du 5 septembre 1985 au 18 septembre 1985. Le 25 oc-tobre 1985, la C.S.S.T. rend une décision selon la-quelle l'appelante n'a pas droit aux prestations prévues à la loi et lui réclame la somme de

M. Alain Suicco, commissaire — C.A.L.P. Mont-réal 62-00015-8603, 1987-09-28 — M'Robert Gui-mondt pour la partie appelante — Me Yves Tardif pour l'intervenante.

87-15-6209

451,58 $. Le U mars 1986, le Bureau de révision refuse la réclamation de l'appelante au motif qu'elle ne peut exercer son droit au retrait préven-tif en raison de l'exposition à un contaminant tel que l'article 32 L.S.S. T. le prévoit, faute de règle-ment édicté en vertu de l'article 34 L.S.S.T.

Il s'agit en premier lieu de décider si le fait qu 'aucun règlement n'a été adopté en vertu de l'article 34 L.S.S. T peut rendre inopérant le droit de deman-der d'être affecté à des tâches ne comportant pas l'exposition à un contaminant, droit prévu à l'arti-cle 32 L.S.S.T. Selon une jurisprudence abon-dante, l'absence de réglementation ou de défini-tion ne rend pas les dispositions pertinentes inapplicables, dans la mesure où sont énoncés, dans la disposition législative, des critères relatifs à son application permettant de lui donner effet se-lon le contexte de la loi. Ainsi le droit de demander d'être affecté à des tâches sans exposition à un con-taminant prévu à l'article 32 L.S.S.T. s'applique, toutes les conditions permettant de mettre en œu-vre ce droit étant prévues à cet article. De plus, le pouvoir réglementaire prévu à l'article 34 L.S.S. T. est discrétionnaire. Cette interprétation est en tous points conforme aux principes d'interprétation dé-gagés de la Loi d'interprétation et de la Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agit main-tenant de décider si l'appelante a exercé un retrait préventif au sens de l'article 32 L.S.S. T. Il ne fait tout d'abord aucun doute que l'appelante a été ex-posée à un contaminant au sens de l'article 1 L.S.S.T. Toutefois, l'appelante n'a pas rempli les conditions nécessaires à l'exercice du droit au re-trait préventif En effet, les certificats médicaux n'indiquent pas que l'appelante présente des signes d'altération à sa santé reliés à l'exposition à l'her-pès ; ils indiquent uniquement un danger potentiel. De plus, le chef du département de santé commu-nautaire du territoire dans lequel se trouve l'éta-blissement n'a pas été consulté. L'appelante n'a pas non plus exercé un droit de refus au sens de l'article 12 L.S.S.T. Elle a seulement demandé d'être réaffectée dans le cadre d'un retrait préven-tif Finalement, la C.S.S.T. ne peut recouvrer les sommes versées en trop à l'appelante. En effet, elle a versé à l'appelante, avant de rendre une décision, une indemnité de remplacement du revenu parce que la demande de l'appelante lui apparaissait fondée à sa face même. La C.S.S.T. ayant rejeté

544 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

(I987J C.A.L.P.

ccttc demande par la suite, elle ne peut exiger le recouvrement des sommes versées.

Special War Revenue Act, 1915, (S.C. 1915, c. 8), art. 19B paragr. 1 d) — Accidents du travail et les ma-ladies professionnelles (Loi sur les)t (L.R.Q., c. A-3.001), art. 60, 129, 430 — Charte des droits et libertés de la personne, (L.R.Q., c. C-12), art. 46, 53 — Instruction publique (Loi sur ly)f (L.R.Q., c. I-I4), art. 480, 481 — Interprétation (Loi d')t

(L.R.Q., c. 1-16), art. 41 — S a n t é et la sécurité du travail (Loi sur la), (L.R.Q., c. S-2.1), art. 1, 2, 3f

9, 12 et sqq, 15 à 19, 32, 33, 34, 35, 36 — Social Services and Education Tax Act, (R.S.N.B. 1973, c. S-10), art. II o /

Jurisprudence citée

Abrahams c. P.G. du Canada, (1983) 1 R.C.S. 2 ; C.T.C. U.M. c. C.A.T. de Québec, [1978] C.S. 1 ; Carling Export Brewing and Malting Co. c. R., [1931] A.C. 435 ; Doré c. Commission scolaire de Drummondville, [1981] C.S. 160 et C.A. Mont-réal 500-09-000130-815, le 9 septembre 1982 (J.E. 82-896) ; Household Finance Corp. of Canada c. Jourdain, [1977] C.P. 426 ; Irving Oil Ltd. c. Provincial Secretary of New-Brunswick, (1980) 31 N.R. 291 (S.C.C.) ; McMillan c. Com-mission scolaire de Ste-Foyt [1981] C.S. 172.

TEXTE INTÉGRAL DE LA DÉCISION

Le 19 mars 1986, l'appelante, madame Paule Bi-zier, dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (ci-après la Commission d'appel) une déclaration d'appel, d 'une décision du Bureau de révision de la région de la Montérégie ren-due le 11 mars 1986.

Cette décision du Bureau de révision maintient une décision de la Commission de la santé et de la sé-curité du travail (ci-après la Commission) refusant d'accepter la réclamation de l'appelante concernant un retrait préventif en application de l'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail^.

La partie intéressée, Le Renfort Inc., ne s'est pas présentée à l'audience.

( I ) L.R.Q., c S-2.1.

La partie intervenante, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, était représentée à l'au-dience.

Objet de l'appel

L'appelante demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du Bureau de révision et de dé-clarer qu'elle a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à la loi à la suite de l'exercice de son droit au retrait préventif en raison de l'exposi-tion à un contaminant.

De façon subsidiaire, l'appelante demande à la Commission d'appel de déclarer qu'elle a exercé un droit de refus.

Les faits

L'appelante exerce un emploi d'éducatrice auprès de handicapés physiques lourds, depuis mai 1977, chez la partie intéressée.

Le 3 septembre 1985, une bénéficiaire de son unité est atteinte de l'herpès - type 1.

L'appelante est atteinte d'eczéma, ce qui, comme l'indique la preuve, la rend susceptible de contracter facilement l'herpès - type 1. Elle demande donc à la partie intéressée de déplacer la bénéficiaire concer-née dans une autre unité, ce qui lui est refusé.

Un certificat médical est complété par le D r J. Dandavino, le 4 septembre 1985, prescrivant un ar-rêt de travail du 4 septembre au 20 septembre 1985 au motif que l'appelante présente un eczéma impor-tant aux mains et qu'elle est en contact avec une per-sonne atteinte d'herpès.

Le 5 septembre 1985, l'appelante consulte son médecin de famille, le D r Brosseau, qui émet l'opi-nion que, celle-ci étant atteinte d'eczéma généralisé, il est contre-indiqué qu'elle soit en contact avec la bénéficiaire souffrant d'herpès et recommande un re-trait préventif du travail.

De plus, l'appelante se présente au département de santé communautaire du Haut-Richelieu pour s'informer d 'un recours possible permettant de faire isoler la bénéficiaire. Le médecin consulté lui fait part du danger à rester en contact avec la bénéfi-ciaire atteinte d'herpès et lui conseille d'exercer un retrait préventif.

[1987] C.A.L.P. B1ZIER et RENFORT INC. (LE) 545

L'appelante présente ces rapports médicaux à la partie intéressée et demande une réaffectation dans une autre unité ne comportant pas d'exposition à des bénéficiaires souffrant d'herpès. Cette demande est refusée parce qu'elle s'avère impossible.

La partie intéressée consulte la Commission pour connaître les démarches à suivre. On lui indique que l'appelante doit être réaffectée. Ceci s'avérant impos-sible, la partie intéressée retire l'appelante du travail pour éviter la possibilité d'une absence beaucoup plus prolongée compte tenu du risque de contamina-tion. Le 16 septembre 1985, la bénéficiaire étant gué-rie, l'appelante reprend le travail tel que prescrit par le D r Brosseau dans un certificat médical en date du 16 septembre 1985.

L'appelante, le 9 avril 1986, obtient du D r Michel Boissonneault, dermatologue qui la traite depuis oc-tobre 1983, un certificat médical référant à l'arrêt de travail prescrit par le D r Dandavino et qui précise que les patients souffrant d'eczéma atopique en con-tact avec l'herpès peuvent développer un eczéma herpéticum. De plus, le Docteur Boissonneault pré-cise que :

Cette condition représente une entité médicale sé-rieuse, car cette malade n'ayant jamais fait d'herpès simplex auparavant, n'est pas immunisé, et est de ce fait beaucoup plus vulnérable, [sic]

Le 1er octobre 1985, la Commission indemnise l'appelante pour la période du 5 septembre 1985 au 18 septembre 1985.

Le 25 octobre, la Commission rend une décision à l'effet que l'appelante n'avait pas droit aux presta-tions prévues à la loi.

Par la suite, la Commission réclame un montant de 451,58 $ versé en trop à l'appelante.

Le 11 mars 1986, le Bureau de révision rend une décision- refusant la réclamation de l'appelante au motif qu'elle ne peut exercer son droit au retrait pré-ventif en raison de l'exposition à un contaminant prévu à l'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, en l'absence de règlement édicté en vertu de l'article 34 de cette loi.

Argumentation des parties

L'appelante soumet qu'elle peut exercer le droit au retrait préventif en raison de l'exposition à un contaminant, prévu à /'article 32 de la Loi sur la

santé et la sécurité du travail, en l'absence de règle-ment édicté en vertu de l'article 34 de cette loi. En effet, la promulgation d'un règlement ne serait pas une condition pouvant restreindre ou à laquelle se-rait assujetti l'exercice du droit prévu à l'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail L'arti-cle 32 a été proclamé le 1er janvier 1981 et aucun rè-glement n'a été adopté par la Commission depuis cette date. Le législateur n'avait sûrement pas l'in-tention de donner à la Commission le pouvoir de neutraliser le droit au retrait préventif en lui permet-tant de ne pas adopter de règlement. A l'appui de ses prétentions, l'appelante soumet la décision rendue par la Cour supérieure dans l'affaire McMillan c. Commission scolaire Ste-FoyW et aussi Doré c. Com-mission scolaire de Dru mmond ville Elle fait va-loir que l'analyse de ces décisions démontre que l'ab-sence de réglementation ne peut stériliser un texte législatif.

L'appelante allègue également que le législateur, en utilisant le terme « peut » et non « doit » à l'arti-cle 34 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail a créé pour la Commission un simple pouvoir et non un devoir. En l'absence de règlement, on peut utili-ser la définition de « contaminant » de l'article 1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ; cette défi-nition est large et comprend un micro-organisme.

De plus, l'appelante soumet que son interpréta-tion de la loi est conforme à l'objet de la loi, prévu à l'article 2, d'éliminer à la source même les dangers pour la santé des travailleurs.

Pour l'appelante, la source du danger étant le contact avec la bénéficiaire atteinte d'herpès - type 1, il était préférable qu'elle soit retirée de son milieu de travail évitant ainsi la possibilité d'être atteinte d'une maladie professionnelle. L'objectif de la loi est la possibilité pour le travailleur de se retirer de façon rapide et efficace lorsque sa santé est affectée. L'ap-pelante réfère aussi aux articles 46 et 53 de la Charte des droits et libertés de la personne W qui assurent à tout travailleur des conditions qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. L'appe-

(2 ) [1981] C.S. 172.

(3 ) [1981] C.S. 160, décision confirmée par la Cour d'Appel : C .A . Montréal 500-09-000130-815. le 9 septembre 1982 </£. 82-896).

(4 ) L.R.Q., c. C-12.

S46 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

[1987J C.A.L.P.

faute allègue de plus qu'on doit, pour interpréter une loi statutaire, utiliser la Loi d'interprétation^ ; elle soumet à l'appui de sa prétention les jugements C. T. C. U. M. c. C.A. T: de Québec <6> et Household Fi-nance Corp. of Canada c. Jourdain qui soulignent que, en vertu de l'article 41 de la Loi d'interpré-tation, une loi :

doit recevoir une interprétation large, libérale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leur véritable sens, es-prit et fin.

Par Particle 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le législateur a voulu créer un droit s'exer-çant de façon rapide et qui soit efficace. La Commis-sion, par son interprétation, soumet l'application de la loi à de l'arbitraire. L'article 34 donne à la Com-mission la possibilité de préciser la nature des conta-minants mais cela ne peut rendre inopérant l'arti-cle 32.

L'appelante soumet, de façon subsidiaire, qu'un droit de refus a été exercé de consentement avec la partie intéressée. De plus, l'appelante conclut que la Commission ne peut exiger en se basant sur l'arti-cle 36 que les prestations versées lui soient rembour-sées, les article 32 et 34 de la loi étant inopérants.

La partie intervenante, pour sa part, soumet que l'article 32 confère le droit au retrait préventif s'il y a exposition à un contaminant. Cependant, la défini-tion de « contaminant » de l'article 1 étant très large, le législateur a voulu restreindre ce droit à certains contaminants devant être identifiés par règlement, tel que le prévoit le premier alinéa de l'article 34.

De plus, la partie intervenante soumet que le deuxième alinéa de l'article 34 apporte une autre res-triction en obligeant la détermination de critères d'altération à la santé associés à chacun des contami-nants identifiés.

La partie intervenante ajoute qu'une loi doit être lue dans son ensemble et que le droit conféré à l'arti-cle 32 est tempéré par les conditions prévues à l'arti-cle 34.

La partie intervenante soumet de plus que la Commission n'a pas voulu aller à l'encontre de l'in-

(5) L.R.Q., c. 1-16. (6) |1978] C.S. 1. (7 ) (1977) C P . 426.

tention du législateur en n'adoptant pas de règle-ment et que, en vertu de l'article 225 de la loi, le gou-vernement aurait pu adopter lui-même un règlement à défaut par la Commission de l'adopter dans un dé-lai qu'il juge raisonnable. Ce que l'appelante de-mande à la Commission d'appel, c'est d'utiliser ce pouvoir que le gouvernement a jugé bon de ne pas utiliser. La Commission d'appel ne possède pas ce pouvoir. La partie intervenante soumet que le prin-cipe établi dans l'affaire McMillan doit être écarté puisque, dans ce cas, une obligation était créée et im-posée à la commission scolaire d'offrir des services éducatifs spéciaux.

L'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail n'est pas contraignant, puisque le législateur n'a pas donné au travailleur le droit d'exercer un re-trait préventif mais la possibilité de ce faire.

La partie intervenante allègue également que, même si l'article 32 ne peut recevoir application, d'autres moyens tel le droit de refus existent dans la loi qui permettent de respecter les droits fondamen-taux déterminés à l'article 2 et de ne pas stériliser la loi.

Cependant, la partie intervenante soumet que la Commission d'appel ne peut faire droit à la requête subsidiaire de l'appelante à l'effet qu'un droit de re-fus a été exercé.

En effet, le droit de refus s'exerce de façon diffé-rente, selon une procédure prévue aux articles 12 et suivants de la loi. De plus, les principes à la base de l'exercice du droit de refus sont différents, les parties devant tenter de régler le problème avant d'avoir re-cours à la Commission et la décision initiale devant être prise par un inspecteur et non par un agent d'in-demnisation. La Commission d'appel n'a pas com-pétence pour se prononcer sur l'exercice d'un droit de refus puisque aucune décision n'a été rendue par les instances inférieures.

Motifs de la décision

Il s'agit pour la Commission d'appel de décider si l'appelante a droit aux indemnités de remplacement de revenu prévues à la loi à la suite de l'exercice du droit d'être affectée à des tâches ne comportant pas d'exposition à un contaminant, droit prévu à l'arti-cle 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail :

32. Un travailleur qui fournit à l'employeur un cer-tificat attestant que son exposition à un contami-

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nanl comporte pour lui des dangers, eu égard au fait que sa santé présente des signes d'altération» peut demander d'être affecté à des lâches ne comportant pas une telle exposition et qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir jusqu'à ce que son état de santé lui permette de réintégrer ses fonctions anté-rieures et que les conditions de son travail soient conformes aux normes établies par règlement pour le contaminant.

L'article 33 de la loi précise les formalités que le travailleur doit respecter pour obtenir le certificat médical qui doit être fourni à l'employeur :

33. Le certificat visé dans l'article 32 peut être déli-vré par le médecin responsable des services de santé de rétablissement dans lequel travaille le travailleur ou par un autre médecin. Si le certificat est délivré par le médecin responsa-ble, celui-ci doit, à la demande du travailleur, aviser le médecin qu'il désigne. S'il est délivré par un autre médecin que le médecin responsable, le médecin doit consulter, avant de délivrer le certificat, le médecin responsable ou à défaut le chef du département de santé communau-taire du territoire dans lequel se trouve rétablisse-ment, ou le médecin que ce dernier désigne.

Le travailleur qui a respecté les articles 32 et 33 de la loi peut se prévaloir de l'article 35 de la loi lors-que l'affectation demandée n'est pas effectuée immé-diatement :

35. Si l'affectation n'est pas effectuée immédiate-ment, le travailleur peui cesser de travailler jusqu'à ce que l'affectation soit faite ou que son état de santé et que les conditions de son travail lui permettent de réintégrer ses fonctions conformément à l'arti-cle 32.

La Commission d'appel doit tout d'abord déter-miner si l'absence de règlement adopté en vertu de l'article 34 rend inopérant le droit au retrait préven-tif prévu à l'article 32.

34. La Commission peut par règlement : I* identifier les contaminants à l'égard desquels un travailleur peut exercer le droit que lui reconnaît Particle 32 ; 2* déterminer les critères d'altération à la santé asso-ciés à chacun de ces contaminants et permettant l'exercice de ce droit ; 3* préciser les critères du retrait d'un travailleur de son poste de travail et de sa réintégration ; 4* déterminer la forme et la teneur du certificat visé dans l'article 32.

Pour ce faire, la Commission d'appel doit en pre-mier lieu s'en remettre aux objectifs que le législa-teur a fixés aux articles 2, 3 et 9 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail :

2. La présente loi a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

Elle établit les mécanismes de participation des tra-vailleurs et de leurs associations à la réalisation de cet objet.

3. La mise à la disposition des travailleurs de moyens et d'équipements de protection individuels ou collectifs lorsque cela s'avère nécessaire pour ré-pondre à leurs besoins particuliers, ne doit diminuer en rien les efforts requis pour éliminer à la source même les dangers pour leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique.

9. Le travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

Plusieurs moyens susceptibles de faciliter l'at-teinte de ces objectifs sont prévus à la loi. Les arti-cles 12 et suivants de la loi permettent à un travail-leur de refuser d'exécuter son travail s'il est exposé à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. Les articles 40 et suivants de la loi permet-tent à une travailleuse enceinte ou qui allaite de de-mander d'être affectée à des tâches qui ne compor-tent pas de danger pour elle ou son enfant si les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour elle-même, l'enfant à naître ou celui qu'elle allaite. Par ailleurs, l'article 51 de la loi énu-mère certaines obligations imposées à l'employeur pour protéger et assurer la sécurité et l'intégrité phy-sique des travailleurs.

De plus, ces objectifs s'inscrivent dans le cadre des droits conférés à l'article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne :

Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi à des conditions de travail justes et raisonna-bles et qui respectent sa santé, sa sécurité et son in-tégrité physique.

La Commission d'appel doit décider si le fait qu'aucun règlement n'a été adopté en vertu de l'arti-cle 34 de la loi peut rendre inopérant le droit de de-mander d'être affectée à des tâches ne comportant pas l'exposition à un contaminant, droit prévu à l'ar-ticle 32 de la loi.

548 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

(1987) C.A.L.P.

La Commission d'appel constate, à l'analyse de la jurisprudence, que le défaut de l'autorité compétente d'adopter un règlement, à première vue essentiel et prévu de façon spécifique à la loi, n'a pas toujours pour effet de rendre les dispositions pertinentes ino-pérantes.

La Commission d'appel se réfère d'abord à l'opi-nion émise par le juge Jean Moisan dans l'affaire McMillan c. Commission scolaire Ste-FoyW où on invoquait que la Commission scolaire n'avait pas à offrir de services éducatifs spéciaux aux enfants défi-cients, tel que le prévoit l'article 480 de la Loi sur l'instruction publique<9> en l'absence de réglementa-tion précisant la nature des services :

[...] l'absence de réglementation n'est pas un motif juridique autorisant la Commission à ne pas agir dans l'intervalle ; penser autrement équivaudrait à soutenir que le défaut d'adoption d'une réglementa-tion par le Gouvernement concernant la mise en vi-gueur d'une loi serait de nature à stériliser un texte législatif et contrecarrer pour un temps indéfini l'application des décisions du législateur.

Enfin, il m'apparaît qu'en l'absence de la réglemen-tation précisant la nature des services éducatifs spé-ciaux, la Commission doit interpréter le concept dans un sens large, en accord avec les intentions du législateur, et offrir en conséquence des services améliorés par rapport au passé <!°).

L'article 480 de la Loi sur l'instruction publique se lit comme suit :

480. Une commission scolaire doit offrir des servi-ces éducatifs spéciaux aux enfants incapables, en raison de déficience physique ou mentale, de profi-ter de l'enseignement donné dans les classes ou cours réguliers.

L'article 481 de la Loi sur l'instruction publique donne au gouvernement le pouvoir d'adopter un rè-glement pour préciser la nature des services éduca-tifs spéciaux prévus à l'article 480 de la loi.

481. Le gouvernement peut, par règlement, déter-miner la nature des services éducatifs spéciaux visés par l'article 480.

Un tel règlement entre en vigueur à la date de sa pu-blication à la Gazette officielle du Québec ou à toute autre date ultérieure qui y est indiquée.

Dans l'arrêt Carling Export Brewing and Malting Co. c. R.t lord Thankerton exprimait l'avis suivant au nom du Conseil privé :

As regards this tax the Supreme Court upheld the contention of the crown that no regulations had been made by the Minister under the proviso, and that in the absence of such regulations the proviso could have no operation. [...]

[...] their Lordships are unable to agree with the conclusions of the Supreme Court on this point, and are of opinion that the proviso merely empowers the Minister to make regulations if he deems it expedi-ent, but that the absence of such regulations does not render the statutory exemption nugatory. Fur-ther, this view seems to be more in harmony with the general scheme of the statute <n>.

La disposition législative que le conseil privé a eu à interpréter dans cet arrêt se lit comme suit :

(d) The Minister may require every manufacturer or producer to take out an annual licence for the purposes aforesaid, and may describe a fee there-fore, not exceeding two dollars, and the penalty to neglect or refusal shall be a sum not exceeding one thousand dollars. Provided that such excise tax shall not be payable when such goods are manufac-tured for export, under regulations prescribed by the Minister of Customs and Excise <l2>.

La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Irving Oil Ltd. c. Provincial Secretary of New Bruns-wick (|3), avait à déterminer si, en l'absence d'une dé-finition ministérielle prévue à la loi, une exonération fiscale s'appliquait à toutes les machines et à tous les appareils qui entraient dans une catégorie spécifiée à la loi. L'exonération fiscale était prévue au paragra-phe «o » de l'article 11 de Social Services and Educa-tion Tax ActW :

(o) Machinery and apparatus as defined by the Min-ister, and complete parts thereof, which in the opin-ion of the Minister are to be used directly in the pro-

( I I ) [1931] A.C. 435, 438-439. : (12) Special War Revenue Act. 1915. SC. 1915. c. 8, art. 19 mo-

(8) Voir supra, note 2. àïfiê par S.C. 1922, c. 47, art. 14.

(9) L.R.Q., c. 1-14. (13) (1980) 31 N.R. 291 (S.C.C.). (10) Voir supra, note 2. 175 176. (14) R.S.N.B. 1973. c. S10.

[1987] C.A.L.P. B1ZIER et RENFORT INC. (LE) 549

cess of manufacture or production of goods for sale or use ;

Le juge Pigeon a alors exprimé comme suit le ju-gement de la Cour suprême :

[...] No definition of the goods exempt under para, (o) was ever issued by the Minister since the Act was originally adopted in 19S0. [•••]

The question therefore is whether, in the absence of a ministerial definition, the exemption avails for all machinery and apparatus coming within the class specified in para. (o). It is obvious that this class of goods is sufficiently described to be ascertainable without a definition. It is not the kind of indefinite expression which requires a definition in order to make sense. The defining power is by no means in-dispensable for proper application. [...] It must also be considered that the power of issuing a definition is to be exercised in good faith and it would be usurpation of power for the Minister to suppress the exemption by issuing no definition. For those reasons, I must hold that the decision of the court of appeal cannot be supported (,5>.

Dans ces arrêts, on a jugé que l'absence de régle-mentation ou de définition ne rendait pas les disposi-tions pertinentes inapplicables, dans la mesure où sont énoncés dans la disposition législative des critè-res relatifs à son application permettant de lui don-ner effet selon le contexte dé la loi.

L'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail se lit comme suit :

Un travailleur qui fournit à l'employeur un certifi-cat attestant que son exposition à un contaminant comporte pour lui des dangers, eu égard au fait que sa santé présente des signes d'altération, peut de-mander d'être affecté à des tâches ne comportant pas une telle exposition et qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir, jusqu'à ce que son état de santé lui permette de réintégrer ses fonctions anté-rieures et que les conditions de son travail soient conformes aux normes établies par règlement pour ce contaminant.

En l'absence de règlement adopté en vertu de l'ar-ticle 34, le droit de demander d'être affecté à des tâ-ches ne comportant pas l'exposition à un contami-nant prévu à l'article 32 de la loi s'applique, toutes

les conditions permettant de mettre en œuvre ce droit sont prévues à cet article.

En effet, le travailleur exposé à un contaminant a l'obligation de fournir un certificat établissant un danger relié à des signes d'altération de sa santé.

Le terme « contaminant » est déjà défini à l'arti-cle 1 de la loi :

1. «contaminant » : une matière solide, liquide ou gazeuse, un micro-organisme, un son, une vibra-tion, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation ou toute combinaison de l'un ou de l'autre susceptible d'altérer de quelque manière la santé ou la sécurité des travailleurs.

Il est important de préciser que cette définition re-prend le critère d'altération de la santé qu'on re-trouve à l'article 32 de la loi. De plus, l'article 34 de la loi ne crée aucun droit, il ne fait que prévoir la possibilité de l'encadrer et non pas de le tempérer.

34. La Commission peut par règlement : 1" identifier les condaminants à l'égard desquels un travailleur peut exercer le droit que lui reconnaît l'article 32 ;

2" déterminer les critères d'altération à la santé asso-ciés à chacun de ces contaminants et permettant l'exercice de ce droit ; 3* préciser les critères du retrait d'un travailleur de son poste de travail et de sa réintégration ; 4° déterminer la forme et la teneur du certificat visé dans l'article 32. [Les italiques sont du soussigné.]

Le législateur ayant utilisé le terme » peut » à l'ar-ticle 34, la Commission d'appel considère que la dis-crétion conférée à la Commission, organe investi du pouvoir réglementaire d'adopter ou non le règle-ment en cause, est également un élément détermi-nant. Ce principe a été retenu par le juge Nichols dans la décision Doré c. Commission scolaire de Drummondville W . Cet arrêt réfère aux mêmes dis-positions législatives interprétées dans l'affaire McMillan c. Commission scolaire Ste-Foy précitée <17).

(15) Voir supra, note 13, pp. 297-299.

(16) Voir supra, noie 3. (17) Voir supra, note 2.

550 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

(1987) C.A.L.P.

L'honorable juge Marcel Nichols de la Cour su-périeure disposa ainsi du litige :

Disons tout de suite que le Gouvernement n'a pas encore adopté les règlements que l'article 481 l'au-torise à adopter pour déterminer la nature des servi-ces éducatifs spéciaux visés à l'article 480.

I ] Mais je dois dire que .l'adoption de ces nouvelles dis-positions de la Loi sur l'instruction publique n'a pas eu pour effet, tant et aussi longtemps que la nouvelle réglementation du Gouvernement n'aura pas été adoptée, de stériliser tous les programmes de servi-ces éducatifs spéciaux adoptés par les commissions scolaires, pourvu évidemment que ces programmes ne contreviennent pas à la loi. En l'absence de règlements adoptés par le Gouver-nement sous l'empire de l'article 481, il appartient à la Commission scolaire de choisir les services édu-catifs spéciaux qui répondront à l'obligation qui lui est faite à l'article 480. Si l'article 481 créait un de-voir au lieu d%un simple pouvoir, la liberté de la com-mission scolaire disparaîtrait. Mais tel n'est pas le cas<18>. [Les italiques sont du soussigné.)

Le législateur par l'article 34 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail n'a pas créé un devoir d'enca-drer l'exercice du droit prévu à l'article 32 de la loi.

D e plus, la Commission d'appel est d'opinion que la Loi sur la santé et la sécurité du travail étant une loi à portée sociale, elle doit s'interpréter de façon li-bérale. Cette conclusion s'appuie tout d'abord sur l'article 41 de la Loi d'interprétation qui se lit comme suit :

Toute disposition d'un statut, qu'elle soit impera-tive, prohibitive ou pénale, est réputée avoir pour objet de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage. Un tel statut reçoit une interprétation large, libé-rale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs vérita-bles sens, esprit et fin.

D e plus, les articles 46 et 53 de la Charte des

droits et libertés précisent que : 46. Toute personne qui travaille a droit, conformé-ment à la loi à des conditions de travail justes et rai-sonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

(18) Voir supra, noie 3. 169.

53. Si un doute surgit dans l'interprétation d'une disposition de la loi, il est tranché dans le sens indi-qué par la charte.

La jurisprudence confirme l'interprétation large et libérale qui doit être donnée aux lois à caractère social.

La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Abra-hams c. P. G. du Canada dans lequel elle devait interpréter des dispositions de la Loi de 1971 sur l'as-surance-chômage(20\ a opté pour une interprétation large :

Toutefois, il me semble que si c'était là l'intention du législateur, il lui aurait été très facile de décréter que le prestataire est inadmissible aux prestations aussi longtemps que son chômage découle d'un ar-rêt de travail. II ne l'a pas fait. Il a plutôt choisi la voie difficile de déterminer quelle sorte de nouvel emploi le prestataire doit avoir obtenu pour mettre fin à son inadmissibilité. Puisque le but général de la loi est de procurer des prestations aux chômeurs, je préfère opter pour une interprétation libérale des dispositions relatives à la réadmissibilité aux presta-tions. Je crois que tout doute découlant de l'ambi-guïté des textes doit se résoudre en faveur du presta-taire^»).

De tout ce qui précède, la Commission d'appel en arrive à la conclusion que devant cette carence dans l'exercice du pouvoir réglementaire prévu à l'arti-cle 34 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Commission n'a d'autre choix que d'appliquer le droit au retrait préventif suite à l'exposition à un contaminant prévu à l'article 32 de la loi. Le pouvoir réglementaire prévu à l'article 34 de la loi est discré-tionnaire ; l'article 32 tel que rédigé et la définition de « contaminant » de l'article 1 de la loi permettent de donner effet au droit au retrait préventif et ainsi de ne pas stériliser l'intention du législateur.

De plus, cette interprétation est en tous points conforme aux principes d'interprétation dégagés de la Loi d'interprétation et de la Charte des droits et li-bertés de la personne.

Il s'agit maintenant pour la Commission d'appel de décider si l'appelante a exercé un retrait préventif

(19) (1983) I R.C.S. 2. (20) S.C. 1970-71-72. c. 48. (21) Voir supra, noie 19, 10.

[1987] C.A.L.P. B1ZIER et RENFORT INC. (LE) 551

au sens de Particle 32 de la Loi sur la santé et la sécu-rité du travail :

32. Un travailleur qui fournit à l'employeur un cer-tificat attestant que son exposition à un contami-nant comporte pour lui des dangers, eu égard au fait que sa santé présente des signes d'altération, peut demander d'être afTecté à des tâches ne comportant pas une telle exposition et qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir jusqu'à ce que son état de santé lui permette de réintégrer ses fonctions anté-rieures et que les conditions de son travail soient conformes aux normes établies par règlement pour ce contaminant.

Le travaillant doit fournir à son employeur un certificat médical conforme à l'article 33 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail attestant qu'il a été exposé à un contaminant et que l'exposition à ce contaminant comporte pour lui des dangers. De plus, le certificat doit établir que la santé du travail-leur présente des signes d'altération reliés à l'exposi-tion à ce contaminant.

La Commission d'appel doit en premier lieu déci-der si l'appelante a été exposée à un contaminant.

L'herpès se définit comme suit dans Le petit Ro-bert 1, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française :

Affection cutanée caractérisée par une éruption de petites vésicules transparentes, groupées en nombre variable sur une tache congestive, provoquée par un virus.

Le terme « virus » se définit comme suit : Mod. (XXe) Micro-organisme infectieux, parasite absolu des cellules vivantes, possédant un seul type d'acide nucléique et se reproduisant à partir de son seul matériel génétique, à structure bien définie. [Les italiques sont du soussigné.]

L'appelante a été exposée à un contaminant, un micro-organisme étant un contaminant au sens de la définition de l'article 1 de la loi :

« contaminant » : une matière solide, liquide ou ga-zeuse, un micro-organisme, un son, une vibration, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radia-tion ou toute combinaison de l'un ou l'autre suscep-tible d'altérer de quelque manière la santé ou la sé-curité des travailleurs ; [Les italiques sont du soussigné.]

La preuve révèle que l'appelante a remis à la par-tie intéressée un certificat médical du D r Dandavino

en date du 4 septembre 1985 et un deuxième certifi-cat complété, le 5 septembre 1985, par le D r Rous-sin. Ces deux certificats faisaient état du fait que l'appelante ne devait pas être en contact avec une bé-néficiaire souffrant d'herpès - type 1 vu le haut ris-que de contracter cette maladie lorsqu'on est atteint d'eczéma généralisé.

Ces certificats médicaux n'indiquent pas, tel que le prévoit l'article 32 de la loi, que l'appelante pré-sente des signes d'altération à sa santé reliés à l'expo-sition à l'herpès ; ils indiquent uniquement un dan-ger potentiel pour l'appelante de contracter l'herpès-type I. La loi prévoit que l'appelante, pour avoir le droit de demander d'être affectée à des tâ-ches ne comportant d'exposition à l'herpès, doit pré-senter des signes d'altération au moment où le certi-ficat médical est complété, signes d'altération reliés à l'exposition à l'herpès.

De plus, rien dans la preuve n'indique que l'un ou l'autre des médecins ayant fourni un certificat médi-cal ait consulté le chef du département de santé com-munautaire du territoire dans lequel se trouve l'éta-blissement ou le médecin que ce dernier désigne avant de délivrer leur certificat conformément aux modalités prévues à l'article 33 de la loi.

Dans les circonstances, la Commission d'appel en arrive à la conclusion que l'appelante n'a pas rempli les conditions nécessaires à l'exercice du droit au re-trait préventif au sens de l'article 32 de la loi.

La Commission d'appel doit maintenant décider si l'appelante a exercé un droit de refus au sens de l'article 12 de la Loi sur la santé et la sécurité du tra-vail.

12. Un travailleur a le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable danger.

Le droit de refus et le retrait préventif sont deux recours de nature différente. Il n'y a pas d'analogie entre les principes à la base de ces recours et la pro-cédure utilisée pour les exercer.

2052 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL

EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES (1987) C.A.L.P.

Le travailleur exerçant un droit de refus doit don-ner avis de son refus à une personne indiquée à l'arti-cle 15 de la loi :

15. Lorsqu'un travailleur refuse d'exécuter un tra-vail. il doit aussitôt en aviser son supérieur immé-diat, l'employeur ou un représentant de ce dernier ; si aucune de ces personnes n'est présente au lieu de travail, le travailleur doit utiliser les moyens raison-nables pour que l'une d'entre elles soit avisée sans délai.

Ensuite, l'employeur et le travailleur doivent par un mécanisme de concertation tenter de régler le dif-férend conformément aux articles 16 et 17 de la loi :

16. Dès qu'il est avisé, le supérieur immédiat ou, le cas échéant, l'employeur ou son représentant, con-voque le représentant à la prévention pour procéder à l'examen de la situation et des corrections qu'il en-tend apporter.

S'il n'y a pas de représentant à la prévention ou s'il n'est pas disponible, le représentant à la prévention est remplacé par un représentant de l'association ac-créditée dont le travailleur est membre s'il y a en a une et s'il est disponible, ou, à défaut, par un autre travailleur désigné par celui qui refuse d'exécuter un travail. 17. Si le travailleur persiste dans son refus d'exécu-ter le travail alors que le supérieur immédiat ou, le cas échéant, l'employeur ou son représentant, et le représentant à la prévention ou la personne qui l'a remplacé sont d'avis qu'il n'existe pas de danger jus-tifiant ce refus ou que ce refus repose sur des motifs qui sont acceptables dans le cas particulier du tra-vailleur mais ne justifient pas un autre travailleur de refuser d'exécuter le travail, l'employeur peut, mal-gré l'article 14, faire exécuter le travail par un autre travailleur. Ce travailleur peut accepter de le faire après avoir été informé que le droit de refus a été exercé et des motifs pour lesquels il a été exercé.

Si le différend n'est pas réglé à la satisfaction de l'une ou l'autre des parties, l'intervention de l'ins-pecteur est requise pour déterminer s'il y a danger justifiant le travailleur à refuser d'exécuter son tra-vail.

18. Après l'examen de la situation, l'intervention de l'inspecteur peut être requise par :

1# le travailleur qui persiste dans son refus d'exécu-ter le travail ;

2* le représentant à la prévention ou la personne qui l'a remplacé s'il croit que l'exécution du travail ex-pose le travailleur à un danger pour sa santé, sa sé-

curité ou son intégrité physique ou a l'effet d'expo-ser une autre personne à un semblable danger ; ou

y l'employeur ou son représentant s'il croit que l'exécution du travail n'expose pas le travailleur à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou n'a pas l'effet d'exposer une autre per-sonne à un semblable danger ou que les corrections apportées ont fait disparaître le danger.

19. L'inspecteur détermine dans les plus brefs délais s'il existe ou non un danger justifiant le travailleur à refuser d'exécuter son travail. Il peut ordonner au travailleur de reprendre le travail. Il peut également prescrire des mesures temporaires et exiger que les corrections nécessaires soient apportées dans les dé-lais qu'il détermine.

Si, de l'avis de l'inspecteur, le refus de travailler re-pose sur des motifs, qui sont acceptables dans le cas particulier du travailleur mais ne justifient pas un autre travailleur de refuser d'exécuter le travail, l'employeur peut, malgré l'article 14, faire exécuter le travail par un autre travailleur qui peut accepter de le faire après avoir été informé du fait que le droit de refus a été exercé et des motifs pour lesquels il a été exercé.

La décision de l'inspecteur doit être motivée et con-firmée par écrit. Elle est transmise par courrier re-commandé ou certifié au travailleur, au représen-tant à la prévention ou à la personne qui l'a remplacé et à l'employeur ou à son représentant.

La preuve révèle que ce n'est pas ce recours qui a été exercé par l'appelante. En effet, cette dernière a clairement demandé, dès le début de ses démarches, d'être réaffectée à une autre unité de soins ne com-portant pas d'exposition à un contaminant. L'appe-lante a fourni à l'appui de sa demande deux certifi-cats médicaux. Lors de l'exercice d'un droit de refus, le travailleur ne demande pas d'être réaffecté à un autre poste de travail mais demande de ne pas tra-vailler à son poste de travail aussi longtemps qu'un danger existe pour sa santé, sa sécurité, son intégrité physique ou que l'exécution de son travail peut ex-poser une autre personne à un semblable danger.

La Commission d'appel conclut que l'appelante n'a pas exercé un droit de refus au sens de l'article 12 de la loi.

Finalement, la Commission d'appel doit décider si la Commission peut recouvrer les sommes que l'appelante a reçues à titre d'indemnité de remplace-ment du revenu.

[1987] C.A.L.P. B1ZIER et RENFORT INC. (LE) 553

L'appelante a été indemnisée en vertu de l'arti-cle 36 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail :

36. Le travailleur a droit, pendant les cinq premiers jours ouvrables de cessation de travail, d'être rému-néré à son taux de salaire régulier. À la fin de cette période, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il aurait droit en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les ma-ladies professionnelles comme s'il devenait alors in-capable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle au sens de cette loi. Pour disposer d'un tel cas, la Commission applique la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans la mesure où elle est compati-ble avec la présente loi et sa décision peut faire l'ob-jet d'une demande de révision et d'un appel confor-mément à cette loi.

II ressort de cet article que l'appelante a droit d'être rémunérée à son taux de salaire régulier pen-dant les cinq premiers jours ouvrables de cessation de travail. Après cette période, l'appelante a droit à l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle elle aurait droit en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles comme si elle devenait alors incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle.

Après les cinq premiers jours ouvrables, l'appe-lante a donc droit d'être indemnisée conformément à l'article 60 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles :

60. L'employeur au service duquel se trouve le tra-vailleur lorsqu'il est victime d'une lésion profession-nelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son sa-laire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eut été de son incapacité, pendant les 14 jours complets sui-vant le début de cette incapacité. L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'épo-que où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'arti-cle 199. Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'em-ployeur dans les 14 jours de la réception de la récla-mation de celui-ci à défaut de quoi elle lui paie des

(22) L.R.Q., c. A-3.001.

intérêts, déterminés conformément à l'article 323, à compter du premier jour de retard.

Si, par la suite, ta Commission décide que le travail-leur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop-perçu confor-mément à la section I du chapitre XIII.

L'appelante a reçu des indemnités pour la période du 5 au 18 septembre 1985.

Le dernier alinéa de l'article 36 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail édicté que la Commis-sion applique la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans la mesure où est elle compatible avec la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

L'article 430 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s'applique à l'appe-lante.

430. Sous réserve des articles 129 et 363, une per-sonne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Com-mission.

Deux exceptions sont prévues à cet article. L'arti-cle 129 de la loi se lit comme suit :

129. La Commission peut, si elle le croit à propos dans l'intérêt du bénéficiaire ou dans le cas d'un be-soin pressant du bénéficiaire, verser une indemnité de remplacement du revenu avant de rendre sa déci-sion sur le droit à cette indemnité si elle est d'avis que la demande apparaît fondée à sa face même.

Si par la suite la Commission rejette la demande ou l'accepte en partie, elle ne peut recouvrer les mon-tants versés en trop de la personne qui les a reçus, sauf si cette personne :

1° a obtenu ces montants par mauvaise foi ; ou

T a droit au bénéfice d'un autre régime public d'in-demnisation en raison de la blessure ou de la mala-die pour laquelle elle a reçu ces montants.

Dans le cas du paragraphe 2*, la Commission ne peut recouvrer les montants versés en trop que jusqu'à concurrence du montant auquel a droit cette personne en vertu d'un autre régime public d'indemnisation.

Dans le cas en l'espèce, la preuve révèle que la Commission, le 1er octobre 1985, a adressé à l'appe-lante un avis de paiement au montant de 451,48 S pour la période du 5 au 18 septembre 1985.

554 DÉCISIONS DE LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

[1987] C.A.L.P.

Le 25 octobre 1985, la Commission a rendu une décision refusant à l'appelante le droit à une indem-nité de remplacement du revenu.

Dans les circonstances, la Commission d'appel en arrive à la conclusion que la Commission ne peut re-couvrer les montants versés en trop à Pappelante. En effet, la Commission a versé à l'appelante, avant de rendre une décision, une indemnité de remplace-ment du revenu parce que la demande de Pappelante lui apparaissait fondée à sa face même. La Commis-sion ayant rejeté cette demande par la suite ne peut exiger le recouvrement des sommes versées.

Pour ces motifs, la Commission d'appel en ma-tière de lésions professionnelles :

Accueille en partie l'appel ;

Confirme la décision du Bureau de révision de la Montérégie rendue le 11 mars 1986 statuant que l'appelante n'a pas exercé de retrait préventif en rai-son de l'exposition à un contaminant ;

Infirme la décision du Bureau de révision de la Montérégie rendue le 11 mars 1986 relativement à la demande de recouvrement des sommes reçues à titre d'indemnité de remplacement du revenu ; et

Déclare que madame Paule Bizier n'a pas exercé de retrait préventif en raison de l'exposition à un contaminant ;

Déclare que madame Paule Bizier n'a pas exercé de droit de refus ;

Déclare que madame Paule Bizier n'a pas à rem-bourser à la Commission la somme de 451,48 $ reçue à titre d'indemnité de remplacement du revenu.

[1987] C.A.L.P. 554 à 559

JEAN-CLAUDE JACQUES, partie appelante, et SOCIÉTÉ D ' INGÉNIERIE COMBUSTION, partie intéressée LÉSION PROFESSIONNELLE — maladie profes-

sionnelle — révision pour cause — appel déguisé.

Requête en révision pour cause d'une décision de la C.A.L.P. déclarant que le travailleur n'a pas été victime d'une lésion professionnelle en raison d'une maladie professionnelle. Requête rejetée.

Le 25 mars 1987, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles rejette l'appel Elle ne met pas en doute les problèmes aux mains éprou-vés par le requérant. Cependant. aucun des cinq médecins qui ont examiné celui-ci de juin 1985 à mars 1986 n'a pu établir qu'il était atteint d'une maladie.

La procédure de révision pour cause ne doit pas cons-tituer un appel déguisé. Une partie ne peut deman-der la révision d'une décision uniquement parce qu'elle n'est pas d'accord avec l'interprétation du droit et des faits. Le premier motif de révision se rapporte au fait qu'un témoin n'a pas été men-tionné dans l'avis, selon l'article 417 L.A.T.M.P. Toutefois, ce témoignage n'est déterminant en au-cune façon. L'inobservance de la règle audi alte-ram partem ne peut constituer, dans ce cas, un motif de révision. De plus, le requérant fait valoir qu'il aurait été lésé par le fait qu'un médecin n'a pas été entendu malgré le fait que son témoignage avait été annoncé dans l'avis de l'employeur, selon l'article 417. La mention d'un témoin dans un avis, selon l'article 417, n'entraîne pas l'obligation de faire entendre ce témoin. Le requérant prétend que l'avis d'un médecin consulté aux fins de l'ap-pel n'a pas été contesté par l'employeur et que. en conséquence, la Commission aurait commis une erreur de droit en ne considérant pas qu'elle était

M. Bertrand Roy, commissaire — C.A .L .P . Montréal 05-00013-8605, 1987-09-16 — M' André Fournies pour la partie intéressée.

87-15-6215

[1987] C.A.L.P. JACQUES cr SOCIÉTÉ D'INGÉNIERIE COMBUSTION 555

liée par cet avis. L'erreur de droit doit être telle que la décision de la C.A.L.P. aurait été différente. L'employeur n'avait pas à contester cet avis qui ne provient pas du médecin qui en a charge, comme le spécifie l'article 212 L.A.T.M.P. Le requérant dit qu'il a établi que son travail a causé sa maladie. Même s'il y avait une erreur manifeste dans l'ap-préciation de ce fait, il demeure que la décision n'aurait certainement pas été différente. Enfin, le requérant a ajouté qu'il considère que la preuve médicale qu 'il a présentée n1a pas été correctement appréciée. Ce motif de révision ne peut être retenu puisque le requérant cherche à formuler un appel déguisé.

Accidents du travail et les maladies professionnelles (Loi sur les,h (L.R.Q., c. A-3.001), art. 212, 405, 406, 417 — Commission des affaires sociales (Loi sur lah (L.R.Q., c. C-34), art. 24.

Jurisprudence citée

Westbrook Construction Ltd. c. British Columbia Provincial Council of Carpenters (ReA (1980) 104 D.L .R. 414.

Doctrine citée

Drapeau, Murielle, Mailhot, Richard et Brière, Jules. Santé et sécurité au travail — Québec. Farnham : C.C.H./FM, mis-à-jour. 2 volumes. Pépin, Gilles et Ouellette, Yves. Principes de con-tentieux administratif 2e éd. Cowansville : Y. Biais, 1982. 666 p.

T E X T E I N T É G R A L D E L A D É C I S I O N

Le 20 mai 1987, le. travailleur, M. Jean-Claude Jacques, dépose une demande de révision d'une déci-sion de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (ci-après la Commission d'appel), rendue le 25 mars 1987. Cette décision est à l'effet de rejeter l'appel du 22 mai 1986 du travailleur d'une décision du 7 avril 1986 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la Commis-sion).

La Commission d'appel avait confirmé cette der-nière décision et avait déclaré que le travailleur n'avait pas été victime d'une lésion professionnelle,

en raison d'une maladie professionnelle, le ^ n o -vembre 1985.

L'employeur est la Société d'ingénierie Combus-tion.

Objet de rappel

Le travailleur demande à la Commission d'appel de réviser sa décision du 25 mars 1987 et de déclarer qu'il a été victime d'une maladie professionnelle, le 19 novembre 1985.

Les faits

Le 25 mars 1987, la Commission d'appel décide de rejeter l'appel du 22 mai 1986 du travailleur :

La Commission d'appel ne met pas en doute les pro-blèmes aux mains éprouvés par l'appelant. Cepen-dant, aucun des cinq médecins qui ont examiné l'ap-pelant de juin 1985 à mars 1986 n'a pu établir qu'il était atteint d'une maladie donnée. Par ailleurs, la Commission d'appel ne retient pas le diagnostic de tendinite posé par le docteur Dupuis car ce diagnostic paraît difficilement conciliable avec les conclusions auxquelles en sont arrivés les cinq médecins qui ont examiné l'appelant de juin 1985 à mars 1986.

L'appelant n'a donc pas fait la preuve qu'il a été at-teint d'une maladie aux mains. Il n'est donc pas possible, dans ce contexte, de con-clure qu'il a démontré qu'il a été atteint d'une mala-die caractéristique du travail qu'il a exercé ou d'une maladie reliée directement aux risques particuliers du travail qu'il a exercé. La Commission d'appel conclut donc, qu'en l'ins-tance, l'appelant n'a pas été victime d'une maladie professionnelle.

Le 20 mai 1987, la Commission d'appel est saisie d'une demande de révision de sa décision du 25 mars 1987, fondée sur l'article 406 de la Loi sur les acci-dents du travail et les maladies professionnelles W.

Les motifs de révision suivants sont invoqués : 1 - L'employeur aurait fait témoigner un témoin, M. C. Corriveau, qui n'avait pas été mentionné dans l'avis transmis par l'employeur en conformité de l'article 417. De plus, l'employeur aurait négligé de faire témoigner le docteur Marius Bérubé qui avait été annoncé dans l'avis selon l'article 417;

( I ) L.R.Q., c. A-3.001.

LE RETRAIT PRÉVENTIF DE LA TRAVAILLEUSE ENCEINTE

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR ROBERT PLANTE

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITÉ LAVAL

DR PIERRE ROBILLARD

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER SACRÉ-COEUR

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 noveibre 1991

LE RETRAIT PRÉVENTIF DE LA TRAVAILLEUSE ENCEINTE

Si la grossesse n'est pas une maladie, elle n'en demeure pas moins une expérience significative oîi les nombreux changements physiologiques qui surviennent chez la femme enceinte sont physiquement exigeants; la vie foetale pour sa part représente une phase particulièrement vulnérable de l'existence humaine.

Malgré que nos connaissances des mécanismes de la conception et du développement foetal aient beaucoup progressé, nous sommes encore loin de pouvoir contrôler l'évolution de la grossesse. Nous savons que la mère doit fournir au foetus les aliments et l'air, régler la température du corps et métaboliser et éliminer les produits du foetus en développement. Nous savons que certaines agressions subies au cours de la vie foetale peuvent mettre abruptement fin à la grossesse, hâter l'accouchement ou compromettre le développement normal du foetus; par contre, leurs effets peuvent se manifester aussi tard qu'à l'adolescence voire même à l'âge adulte. On ne fait que commencer à étudier les problèmes de santé reliés au travail qui peuvent affecter les femmes elles-mêmes au cours de la grossesse mais nous savons qu'il en existe et qu'ils peuvent aussi influencer le développement du foetus; on ignore encore à peu près tout du lien qui existe entre certaines complications de l'accouchement et les contraintes du travail.

Il n'est plus besoin de démontrer que le développement du foetus est influencé de manière significative par l'état de santé et la condition générale de la mère; c'est pourquoi une attention particulière et prudente est portée à ces dimensions au cours de la grossesse:

l'état de santé physique (maladies chroniques, infections, hypertension...) - les habitudes de vie (tabagisme, alimentation, consommation d'alcool ou de drogues,

exercice modéré et repos...) - la médication (utilisée seulement lorsqu'elle est indispensable et que les bénéfices sont de

toute évidence supérieurs aux dangers susceptibles de résulter de leur utilisation)

Ces facteurs ne sont pas les seuls à influencer le déroulement de la grossesse et le développement du foetus mais ce sont ceux qui se prêtent à modifications. Nous connaissons tous l'impact que peut avoir le travail sur la santé physique et mentale mais des études de plus en plus nombreuses nous rappellent que les conditions de travail ont aussi des effets significatifs sur le déroulement de la grossesse et le développement du foetus. Heureusement, depuis 10 ans maintenant, le retrait préventif de la travailleuse enceinte nous permet, au Québec, d'agir aussi sur ces facteurs pour protéger la santé de la travailleuse enceinte et du foetus.

UNE MESURE DE SANTÉ AU TRAVAIL...

De 28,8% qu'il était en 1976v le taux d'activité des femmes ayant de très jeunes enfants (moins de 3 ans) a grimpé à 60 % en 1989; la hausse de l'utilisation du retrait préventif et des coûts s'explique d'ailleurs en bonne partie par cet accroissement puisque depuis 1985, bon an mal an, 65 à 70% des femmes enceintes qui travaillent ne se prévalent pas du retrait préventif! Il devient essentiel de considérer sérieusement l'influence du travail sur la grossesse parce que

2

la proportion de femmes en âge de procréer occupant un emploi rémunéré croît encore et que ces femmes continuent de travailler tout en ayant des enfants.

Les conditions de travail des femmes, souvent exigeantes aux plans physique et mental, sont loin d'être "sans danger" mais nous évaluons encore très mal leur pénibilité:

"La plupart des femmes travaillent dans des postures contraignantes, assises ou debout sans se déplacer. Elles travaillent souvent à une cadence rapide, sans possibilité de se reposer. Quelles soient infirmières, enseignantes, réceptionnistes ou serveuses, leurs tâches exigent souvent qu'elles répondent aux besoins des autres."1

"La forme physique et, par ricochet, la capacité de résister aux agents agresseurs propres au milieu de travail peuvent être influencées par l'ajout de responsabilités familiales à la journée de travail rémunérée."2 [La grossesse ne constitue-t-elle pas à toute fin pratique une troisième tâche?]

Le retrait préventif est appelé à prendre une place de pins en plus importante eo santé au travail. D'autant plus que l'évolution des indicateurs de périnatalité dont nous disposons, révèlent une stagnation, voire même une détérioration de la situation; les données concernant la prématurité et l'insuffisance de poids sont particulièrement dérangeantes:

- malgré toutes les améliorations apportées à l'organisation des soins, les taux de prématurité et d'insuffisance de poids à la naissance ne s'abaissent plus depuis 11 à 12 ans. Depuis 1981, on semble même assister à une légère hausse du taux de prématurité: Sr6% en 81-82. 6t0% en 84-85, 6r7tt en 87-88 et 7.2* en 88 89s

- En 1982, la proportion des naissances de poids inférieur à 2500g était de 3.7% en Finlande et en Irlande alors qu'en 1983, il était de 6r4 au Québec.4

Le retrait préventif aura une plus ou moins grande efficacité comme mesure de santé publique selon l'application que nous en ferons.

^ "La santé et la sécurité des travailleuses canadiennes." Un document de référence préparé par Karen Messing pour le bureau de la main d'oeuvre de la main d'oeuvre féminine. Travail Canada 1991, p.10

a. Idem p.12 3. "Rapport 1988—1989." Comité d'enquête sur la mortalité et

la morbidité périnatales. c.P.M.Q.. p.11 4. "La périnatalité au Québec. " ( 4 ) La mortalité et la

morbidité périnatales et infantiles. MSSS 1989r p.17

3

QUI REJOINT LA BONNE CIBLE... Qu'est-ce qui caractérise les travailleuses (30%) qui utilisent le retrait préventif? A date, une seule étude5 a cherché à connaître qui étaient les utilisatrices du retrait préventif et par elle nous avons appris que la catégorie professionnelle et les contraintes du travail ont une influence majeure sur l'utilisation du retrait: en effet, plus les tâches sont dangereuses ou susceptibles de l'être, plus importante est la proportion des travailleuses qui font une demande de retrait préventif.

- "Ces données tendraient à indiquer que la demande est surtout venue des catégories socio-professionnelles qui en avaient le plus besoin, celles qui cumulent les conditions de travail les plus pénibles, que l'on sait par ailleurs associées à un taux plus élevé de fausses couches, de prématurité et de mortinatalité. "

- 60% de ces travailleuses présentaient aussi des complications de la grossesse dont un très fort pourcentage (70%) sont susceptibles d'être aggravées par le travail.

- "Je n'étais plus capable de me tenir debout à cause de mes varices. Plusieurs fois j'ai demandé un tabouret à mon patron. Q me disait que c'était bien difficile de faire de la gradation assise. " (ouvrière du vêtement)

PARFOIS TARDIVEMENT-

RÔLES DES DSC

"La santé communautaire est l'art et la science d'améliorer l'état de santé de la population, de prévenir la maladie et de promouvoir l'efficacité des services de santé par la coordination des efforts communautaires. "6 Nos organisations (DSC et CLSC) sont et doivent demeurer un des bastions de cet art et de cette science.

Pour une rare fois les DSC occupent une place privilégiée dans l'application d'une mesure de prévention à titre d'acteurs "incontournables" et leur participation devrait faire la différence. Nous avons l'occasion de nous assurer que la notion de santé sur laquelle repose le retrait préventif ne soit pas réduite au point où ne seront considérés comme des dangers pour la mère que les affections mortelles ou les maladies retenues dans les classifications internationales...

"La maternité en milieu de travail ou pourquoi les Québé-coises sont-elles si nombreuses à demander un retrait préventif?" Bouchard P. et Turcotte G., Sociologie et Sociétés, vol. XV111, #2, octobre 1986, p, 113-128

6.nLa santé communautaire dans le système régional des services de santé et des services sociaux." Rochon Jean, Annuaire du Québec 1975-76, ed. officiel du Québec, 1977, p. 470

4

Par exemple, les douleurs lombaires et la fatigue rapportées par la plupart des couturières enceintes sont souvent si intenses qu'elles les empêchent à toutes fins pratiques de poursuivre une activité sociale ou familiale normale. Ces manifestations traduisent une incapacité fonctionnelle qui représente, dans une société développée, un danger pour la santé. Nous pouvons faire en sorte que ces problèmes ne soient pas relégués au rang du simple inconfort, surtout au cours de la grossesse; au delà d'un certain niveau, c'est en effet un euphémisme de parler d'inconfort!

ATTITUDE PRÉVENTIVE

Notre expérience dans le développement et l'application des programmes de prévention devrait aussi nous garder du "minimalisme* Hans l'application du retrait préventif. Par exemple, il est évident que pour combattre le tabagisme nous ne préconiserons jamais de concentrer les efforts sur la détection des seules personnes qui développeront réellement un cancer, nous ne recomman-derons jamais de fumer une dizaine d'années parce que la phase de latence dépasse habituelle-ment largement cette période ni de fumer une dizaine de cigarettes par jour parce que le risque deviendrait ainsi acceptable. Pour l'application du retrait préventif de la travailleuse enceinte nous apprenons progressivement à transposer ces habiletés (art et science) et cette attitude "préventive"7. Il faut prendre garde, entre autres, de ne pas se laisser prendre au piège qui consiste à rechercher le seuil de tolérance des travailleuses enceintes ou à définir un risque acceptable en fonction du seuil de tolérance de la CSST ou des employeurs pour l'augmentation des coûts. Nous avons, au contraire, toutes les raisons de préconiser l'affectation des travailleu-ses enceintes dès le début de leur grossesse à des tâches d'où sont absents tous les agresseurs connus.

Le seul intérêt qui nous guide étant celui du foetus et de la santé de la travailleuse enceinte, nous sommes sans doute sur le point de nous entendre pour affirmer sans équivoque qu'il n'y a aucun avantage à attendre le plus tard possible pour éliminer des milieux de travail les contraintes dont on sait "raisonnablement" qu'elles constituent un danger. Si nous souhaitons réellement améliorer les issues de grossesse et prévenir des problèmes de santé chez la mère, nous devrons en arriver à énoncer ce message clair, dénué d'ambiguïté et positif:

7. LA POLLUTION EN MILIEU DE TRAVAIL. La réforme du droit du Canada, 1986, pp. 22-23

Commission de

5

au cours de leur grossesse, les femmes ont le droit de bénéficier de conditions de travail qui ne comportent pas de danger c'est-à-dire qu'elles ont le droit de ne pas être exposées à des agresseurs chimiques ou biologiques, soumises à des contraintes posturales, contraintes de soulever des charges ou de fournir d'autres efforts physiques importants et cela, dans un environnement non bruyant dont la température est confortable.

Elles doivent pouvoir contrôler la cadence, le rythme et la charge de leur travail tout en étant assez familière avec les tâches qu'on leur confie pour ne pas être soumise à un stress préjudiciable à leur santé. Et il ne serait peut-être pas abusif de prétendre que cela devrait se faire dans un climat respectueux où elles ne sont pas méprisées parce qu'elles se prévalent de leur droit et qu'elles cherchent à protéger leur grossesse.

POUR UNE RÉAFFECTATION ADÉQUATE

La réaffectation est un exercice qui peut facilement se transformer en recherche du seuil de résistance des travailleuses et qui peut faire fi de toutes les caractéristiques individuelles qui doivent être considérées. Paradoxalement, plus, au nom d'une approche scientifique, on modifie les conditions de travail autrement qu'en visant un certain idéal, plus on s'éloigne d'une démarche scientifique adéquate. Par exemple, lorsqu'un travail doit être effectué en station debout prolongée, rien ne peut laisser supposer qu'il est adéquat de réduire cette contrainte en introduisant des arrêts de 10 minutes aux heures! Cependant, il est certain que nous venons de créer des conditions qui n'ont pas été évaluées par des études épidémiologiques et que nous favorisons ainsi de très longs et inutiles débats. Lorsqu'on réduit l'exposition à des produits chimiques en dessous du 1/3 de la norme (lorsqu'il en existe une) a-t-on vraiment minimisé suffisamment le danger? Devrait-on plutôt viser l/5ième? Cela risque-t-il de présente quelque avantage pour l'enfant à naître? Et pourquoi ne devrait-on pas éliminer complètement le danger comme nous y invite la loi?

LE RISQUE ATTRIBUABLE!

Notre préoccupation d'intervenants en santé au travail, ce n'est pas le risque relatif; c'est l'élimination (et non la diminution) du risque attribuable aux contraintes du travail. Au plan de la santé publique, il est difficile de défendre qu'il vaut mieux conserver un risque sous prétexte qu'il est petit que de l'éliminer... surtout quand une loi nous permet et nous demande de le faire. Et si vraiment c'est mieux, pour qui?

6

UNE APPROCHE INDIVIDUELLE

La loi actuelle prévoit une évaluation individualisée de chaque situation et des recommandations spécifiques à chacune des demandes. Son application fait donc indéniablement appel à une approche individuelle caractérisée par:

- la réception et le traitement individualisé des demandes (accessibilité...) - une réponse adaptée et individualisée - une organisation des services fonctionnelle et efficace

- une obligation de moyens en vue de protéger la travailleuse, sa grossesse et le foetus.

ET DE POPULATION

En plus d'être directement impliqués fans le traitement individuel de chaque demande, les DSC sont bien placés pour exercer leur responsabilité de santé publique en utilisant l'approche de population qui caractérise nos interventions dans les autres programmes ou champs d'action. Nous pouvons alors utiliser les outils habituels de connaissance, surveillance, promotion, protection et d'évaluation.

A cette fin,

- l'épidémiologie nous permet d'améliorer notre connaissance des groupes "à risque", - la surveillance nous permet de vérifier si nous rejoignons le mieux possible les travailleuses

et de suivre dans le temps l'évolution des indicateurs de santé des travailleuses, du déroulement des grossesses de même que les indicateurs des issues de grossesse et de santé des nouveaux-nés,

- la communication (promotion), est un outil privilégié pour mieux informer et sensibiliser les travailleuses qui sont encore mal rejointes ou les médecins traitants. Elle peut aussi être utilisée comme outil pour collaborer à la formation des médecins traitants.

- la protection de la santé de la travailleuse enceinte et du foetus exige une approche globale incompatible avec une définition étroite de la santé. Elle requiert l'élimination des dangers connus ou suspectés au lieu des réaménagements arbitraires à l'efficacité douteuse et non évaluée.

- l'évaluation devrait nous permettre de vérifier si nous appliquons de façon efficace le retrait préventif: réussit-on à réduire la fréquence ou l'importance de problèmes de santé chez les travailleuses? Parvient-on à améliorer certains indicateurs de périnatalité et surtout, appli-quons-nous le retrait d'une façon qui maximise nos chances d'y parvenir?

7

CONCLUSION

Le retrait préventif de la travailleuse enceinte fait maintenant partie des moeurs; selon toute vraisemblance, les mécanismes prévus par la loi pour éviter les excès sont très efficaces: demandes effectuées par les médecins traitants, consultation au médecin désigné, réponse par la CSST, recours à trois palliers pour l'employeur... Ne nous laissons pas impressionner par le discours alarmiste qui dénonce un abus sans jamais le démontrer.

Progressivement, nos connaissances s'améliorent et nos pratiques s'harmonisent. Il est bien évident que tant que l'application de cette loi fera appel aux opinions professionnelles des médecins traitants et des médecins désignés, les recommandations ne seront pas complètement uniformes; cependant, l'efficacité de cette mesure de prévention requiert le maintien de nos efforts en vue de minimiser les "différences".

1

REFLEXIONS SUR LE RETRAIT

PREVENTIF DE LA TRAVAILLEUSE

FqrFINTE OU QUI ALLAITE

INTRODUCTION

Il est difficille d'aborder la notion de risque de façon isolée, c'est

pourquoi je présenterai la discussion suivante en la greffant à un cadre

d'analyse, celui de la santé publique. Il est également difficile dans ce cadre

de discuter de risque sans aborder le rôle attribué au médecin désigné ou

responsable à l'intérieur du programme de retrait préventif de la travailleuse

enciente ou qui allaite.

La première question à se poser concerne les objectifs poursuivis par

le législateur lorsqu'il a introduit l'article 40 dans la Loi sur la santé et la

sécurité du travail. Il serait facile de conclure qu'il n'en avait pas à la lecture

d'un texte aussi vague que cet article de loi, au fait qu'il laisse reposer sur

le dos de la travailleuse la responsabilité d'identifier à prime abord le danger

pour sa grossesse relié à ses conditions de travail. Après en avoir discuté

avec les responsables de la première heure il semble que le but premier de

cette mesure était la prévention des anomalies congénitales reliées à

l'exposition aux produits chimiques. Il n'est pas étonnant de constater la

2 surprise de ceux qui avaient tenté d'estimer le nombre et le coût des

demandes de retrait préventif. En effet, l'élargissement des connaissances

concernant les facteurs de risque et les interprétations légalistes de la notion

de danger ont fait en sorte que ces prédictions devinrent rapidement

désuètes pour autant qu'elles aient été utiles au départ:

Concernant les autres objectifs, nous nous devons de faire des

suppositions. D'un point de vue de santé publique, la réduction des issues

défavorables de grossesse comme les avortements spontanés, la naissance

d'enfants mort-nés, celle d'enfants de faible poids, la prématurité, la

naissance d'enfants malformés, représente des objectifs à attteindre. La

réduction des pathologies de grossesse est également un objectif à

atteindre. Or en général, avant d'instaurer un programme universel de santé

publique, il est important de connaître l'étendue du problème visé par le

programme et, au minimum, les facteurs sur lesquels le programme peut et

doit intervenir afin de réduire ce problème.

Si pour les issues de grossesse certaines relations avec les conditions

de travail étaient connues, ces relations ne l'étaient pas pour la majorité des

conditions de travail et l'évolution de nos connaissances en ce domaine,

bien que réelle, est lente depuis la dernière décennie laissant encore

beaucoup plus de place à l'inconnu qu'au connu. Pour ce qui est des effets

du travail sur les pathologies de la grossesse il est aisé de dire que nous

sommes toujours dans une profonde obscurité. Alors que faire? Nous

pourrions attendre d'en savoir plus et ne rien faire pendant la période

3 d'attente. Ce n'est manifestement pas la voie choisie par le législateur et

sûrement pas celle à privilégier. A l'autre extrême, devant l'inconnu nous

pouvons décider de considérer toutes les conditions de travail comme

possiblement néfastes et empêcher les femmes enceintes de travailler

pendant leur grossesse. Encore une fois ce n'est pas la voie choisie par le

législateur puisqu'il a prévu un mécanisme complexe afin de statuer sur la

dangerosité d'une condition de travail pour la grossesse. Ici encore ce

n'était sûrement pas la voie à privilégier étant donné toutes les

conséquences néfastes pour l'emploi des femmes qu'une telle mesure aurait

pu avoir.

C'est quelque part entre ces deux extrêmes que devrait se situer une

saine mesure de prévention destinée à réduire des issues défavorables de

grossesse chez les travailleuses. Toutefois, cette zone est d'une telle

ampleur que toutes les attitudes peuvent être présentes et justifiées. C'est

ici que la question du rôle des différentes personnes impliquées dans le

processus du retrait préventif de la travailleuse enceinte prend tout son sens.

LES ROLES

La travailleuse

D'abord la travailleuse; tout le poids d'initiation de la démarche repose

sur ses épaules. On lui demande de juger en tout premier lieu si les

4 conditions de son travail présentent un danger pour sa grossesse. C'est une

responsabilité que même peu de professionnels de la santé sont prêts à

prendre. C'est à mon avis un des principaux défauts de cet article loi

puisque plusieurs facteurs extérieurs aux dangers des conditions de travail

peuvent amener une femme à se prévaloir de ce droit ou à ne pas le faire.

Des mauvaises relations de travail, des antécédents défavorables de

grossesse, une crainte d'un employeur ou de collègues de travail

incompréhensifs sont autant de facteurs qui peuvent influencer dans un sens

ou l'autre la décision de la travailleuse de présenter ou non une demande

de retrait préventif.

Le médecin traitant

Puis le médecin traitant; son rôle est de tout faire en son povouir pour

qu'une grossesse désirée par la patiente qu'il suit se déroule le mieux

possible, que l'accouchement se fasse dans les meilleures conditions

possibles et que l'enfant soit dans le meilleur état possible. Il a une

responsabilité face à sa patiente et ses considérations et décisions vont

toujours aller en ce sens. Son approche est individuelle; il veut conserver

la meilleure relation possible avec sa patiente et pratique dans un contexte

où il doit se protéger face à d'éventuelles poursuites judiciaires pour faute

professionnelle. Il est placé dans une situation extrêmement délicate lorsque

vient le temps de décider de la pertinence de signer un certificat de retrait

préventif et il n'a pas toujours toute l'objectivité nécessaire à une prise de

décision rationnelle dans ce cas.

5

Le médecin du département de santé communautaire

Et le médecin du département de santé communautaire? Pourquoi le

législateur a-t-il confié à un médecin du réseau de santé publique le soin de

conseiller le médecin traitant? La réponse que je donne personnellement à

cette question est parce qu'il désirait qu'une approche de santé publique soit

utilisée au moins à une des étapes du processus. Or, approche de santé

publique signifie en premier lieu approche populationnelle. C'est à mon avis

la seule façon d'éviter que les situations extrêmes décrites précédemment

ou que des situations proches de ces situations extrêmes ne surviennent.

Est-ce qu'un médecin de D.S.C. quand il doit se prononcer sur la

dangerosité d'une situation de travail pour une travailleuse enceinte rend une

recommandation pour cette seule et unique travailleuse ou même est-ce qu'il

doit le faire? La réponse à cette question est non. Lorsqu'il affirme que le

soulèvement de lourdes charges est dangereux pour une caissière d'une

succursale de Steinberg, du même coup il affirme que c'est dangereux pour

toutes les caissières enceintes de cette succursale qui occupent un poste

à une caisse semblable et par extension à toutes les autres succursales de

Steinberg, de Provigo, Métro etc. Il est faux de prétendre que chaque cas

est jugé à la pièce. C'est peut-être vrai du côté de la travailleuse et du

médecin traitant mais pas de celui du D.S.C. Les implications d'une

recommandation en provenance du médecin du D.S.C. ont un impact qui

dépasse largement le cas à cas puisqu'il se prononce sur la dangerosité

d'une condition de travail pour la grossesse, qu'il porte un jugement sur le

poste de travail et non pas en général sur la personne qui l'occupe. Il joue

son rôle de consultant à l'égard des conditions de travail et du danger que

celles-ci représentent auprès d'un médecin qui aura à faire l'adéquation avec

une personne qu'il connaît, sa patiente. Le médecin du D.S.C. utilisera les

connaissances qu'il a du poste de travail et de la littérature scientifique

pertinente qu'il se doit de connaître pour rendre sa recommandation. C'est

à cette étape-ci que la notion de risque se doit d'être abordée.

LE RISQUE

Le débat entre les notions de risque zéro et de risque acceptable

m'apparaît futile. Une fois que nous avons dit que le risque zéro n'existe

pas nous ne sommes pas plus avancés qu'avant. C'est en ramenant le

débat dans un contexte de santé publique que la notion de risque prend tout

son sens.

Le risque ne représente pas autre chose qu'une probabilté de survenue

d'un événement quelconque. Il faut noter que nous parlons ici de probabilité

et non de possibilité. Loin de moi l'idée de vouloir faire ici un débat

sémantique, mais j'aimerais rappeler que la possibilité est ce qui peut être.

A l'inverse, l'impossibilité est ce qui ne peut pas être et bien malin celui qui

pourra affirmer qu'une quelconque issue de grossesse ne pourra pas être

et ce, peu importe les conditions de travail de la femme. Si notre réflexion

EXAMENS M É D I C A U X D E S T R A V A I L L E U R S

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR DENIS LALIBERTÉ

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER SAINT-SACREMENT

—1

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 noveifare 199T

INTRODUCTION

L'importance des examens médicaux non sollicités par le patient lui-même est toujours

étonnante. Quiconque a fait de la pratique générale a vu des parents consulter pour un

examen médical de leurs jeunes enfants, condition essentielle pour être admis au camp

de vacances ou dans les cadets. On voit régulièrement des adultes en faire autant pour

avoir une assurance.

En santé au travail, nous sommes, à titre de médecins responsables ou conseil,

fréquemment dans la situation de décider de la nécessité d'avoir recours ou non à des

examens médicaux non sollicités par les travailleurs-euses. Cette activité, il est important

de la rappeler, fait partie d'un "continuum de la prévention" en santé au travail tel que

suggéré par William Halperin1. Elle ne devrait en aucun cas être l'activité de prévention

par excellence.

Cette croisée des chemins que nous vivons et qui est le thème du congrès me semble

une occasion unique de relancer le débat, je serais plus tenté de dire un échange sur les

examens médicaux non-sollicités en milieu de travail. Ceci pourra sembler du "déjà

entendu" pour certains, mais devrait dans un futur prochain, permettre à la communauté

des médecins du réseau public de partager des vues communes et d'être maillée (c'est

à dire en lien) sur la base, je l'espère, d'un concept partagé.

1 Halperin W.E., Frazier T.M. Surveillance for the effects of workplace exposure. Ann Rev Public Health 1985:6:419432.

2

Le fait d'être à la croisée des chemins, devrait donc nous inciter à nous questionner sur

notre implication face aux examens non-sollicités. Fernand Turcotte nous a déjà montré

un défi à affronter. J'ajouterai ma voix à la sienne mais pour illustrer l'originalité de

l'apport du médecin du réseau public dans ce débat. L'objectif de cette présentation est

que nous en venions à bien reconnaître la chaise que nous occupons comme médecin

responsable ou conseil dans le réseau public et à être confortable sur celle-ci.

Cette oeuvre, croquée au musée "George Pompidou" à Paris, représente une chaise en

nature, en photo et en définition. J'espère qu'elle nous rappellera constamment la

question suivante: "Quelle chaise est-ce que j'occupe à titre de médecin du réseau

public?" La réponse apportée à cette question dictera souvent les attitudes que nous

devons nécessairement avoir face aux examens non-sollicités en milieu de travail.

Ainsi avant d'entrer dans le vif du sujet, il est bon de se rappeler une lapalissade écrite

par le National Institute of Occupationnal Safety and Health (NIOSH) en 1989 qui place

ces examens dans son contexte réel2.

"Les mesures les plus efficaces pour protéger les travailleurs des effets

néfastes des risques professionnels sont celles qui préviennent une

exposition des travailleurs aux facteurs de risque

Traduction de l'auteur

2 Cité dans: Matte O.T., Fine L, Meinhardt T., Baker E.L. Guidelines for medical screening in the workplace. Medecine: State of the art reviews. 1990;5(3):439-456.

Occupational

OBJECTIFS DES EXAMENS NONSOLLICITÊS

Pour que les médecins du réseau public partage un concept commun à propos des

examens non-sollicités, il m'est apparu important de partir des motivations ou objectifs

sous-jacents à l'administration par les médecins de tests non-sollicités. Par ailleurs, un

postulat est sous-jacent soit le fait que le médecin du réseau public adhère à des objectifs

de santé publique et laisse à d'autres intervenants des objectifs d'un autre ordre. Quels

sont donc les objectifs cachés ou réels de celui ou celle qui administre dés examens non-

sollicités à un travailleur-euse en milieu de travail? Sans faire une liste exhaustive de tous

les objectifs en voici les principaux:

1. Prévenir l'apparition et/ou le développement d'une maladie professionnelle.

Je crois que personne ne contestera qu'un tel objectif devrait être un de ceux

adopté par le réseau public et ses intervenants (bien qu'il ne soit pas

exclusivement le sien, est-il besoin de le souligner?). Dans ce cas particulier qui

m'apparait être la chaise principale de l'intervenant de santé publique, l'idée très

légitime consiste à dépister un problème de santé pour en changer le cours chez

un individu. À la différence du contexte de consultation médicale, où un patient

consulte pour un problème de santé et où le médecin consulté a l'obligation

morale de déployer tous les moyens pour arriver au diagnostic, le médecin du

réseau public, compte tenu que son intervention n'a pas été sollicitée, a une

obligation de résultat. C'est dire qu'il doit faire plus que déployer le moyen (ceci

4

permettrait de remplir l'obligation de moyen), mais que ce moyen doit pouvoir faire

ce que le médecin du réseau public prétend qu'il peut faire, soit altérer l'évolution

du problème de santé au bénéfice de l'individu dépisté (soit obtenir un résultat).

Ceci ne devrait pas être considéré comme un élément souhaitable, mais comme

un élément nécessaire. Dans cette perspective, des groupes ont déjà tracé la voie

qu'il faut suivre en posant un regard évaluatif sur des interventions de dépistage.

C'est le cas du ***** qui aborde l'utilité de différente pratique de dépistage en

cabinet en se basant sur des critères scientifiques et sur les connaissances

disponibles.

Mais qu'avons-nous besoin pour arriver à prévenir l'apparition ou le

développement d'une maladie professionnelle par l'administration de tests

médicaux et pour que cette bonne intention puisse se traduire par des faits?

Problème de santé

Il nous faut d'abord un problème de santé (maladie) spécifique qui découle d'une

exposition professionnelle identifiable. Ce problème de santé doit avoir une

histoire naturelle tel qu'il soit reconnaissable par nos activités de dépistage avant

qu'il ne soit cliniquement reconnaissable par le travailleur lui-même et que celui-ci

consulte un médecin pour ce problème. En d'autres mots, ce problème de santé

doit avoir une phase pré-clinique. Cet élément est important car dire à un individu

ce qu'il sait déjà ou ce pourquoi il a déjà consulté est l'équivalent de demander à

quelqu'un sa montre pour lui dire l'heure qu'il est. Dans le cas du travailleur, la

phase pré-clinique peut s'étendre plus qu'à la phase asymptomatique car il est

bien connu que les travailleurs consulteront tardivement pour des problèmes de

santé qui apparaissent graduellement. Une fois cette première condition remplie

et après avoir obtenu l'information que le travailleur a une altération précoce de sa

santé, d'autres conditions doivent être remplies pour pouvoir changer le cours du

développement de la maladie professionnelle.

Le type de test utilisé

Deuxièmement, il nous faut un instrument (un moyen de dépistage) qui ait les

qualités d'identifier avec précision les personnes qui ont déjà la maladie sans le

savoir. Ce moyen doit donc prédire adéquatement si une personne présente un

problème et ne pas produire trop de faux "positifs" ou "négatifs" qui sont les effets

secondaires d'un processus de classification en malades et non-malades. Il faut

de surcroît que l'on sache avec précision que le test est associé avec la maladie;

par exemple est-ce que le questionnaire du BMRC est associé ou relié avec le

développement de la bronchite dans sa forme obstructive. Par ailleurs, d'autres

caractéristiques du test utilisé doivent être bien connues telles, l'innocuité du test,

son coût, etc..

X

6

-*• Le volet administratif

Troisièment, je dirais que pour atteindre l'objectif premier d'altérer le cours de la

maladie professionnelle, certains aspects dits administratifs qui permettent

d'éliminer les problèmes éthiques souvent masqués par de bonnes intentions,

doivent encadrer le programme de dépistage implanté. Ces aspects doivent

toucher:

a. le fait que l'administration de ces tests fasse partie d'un programme

global dans le milieu de travail avec les éléments qui seront décrits

en b., c. et d. car l'administration de tests médicaux isolés, sans lien

avec une programmation visant la préservation de la santé des

travailleurs est injustifiable;

b. l'engagement de l'employeur à respecter les balises définies pour

l'application du programme: ces balises touchent en particulier la

réaffectation du travailleur porteur du problème, le maintien des

avantages déjà acquis par le travailleur, par exemple l'ancienneté, et

le salaire;

c. les résultats du test qui constituent un résultat anormal et donc

déolanoheront des mesures correctrices touchant le milieu de travail

et l'exposition du travailleur proprement dit;

r" \

7

d. l'accord écrit du travailleur à participer au programme après qu'il ait

pris connaissance par écrit:

o des objectifs poursuivis par les tests pour la

protection de sa santé;

o des personnes qui ont accès aux résultats des tests

o de la façon dont les résultats de ces tests seront

utilisés, entre autres les valeurs limites jugées

normales;

o des actions qui seront prises en face de résultats

anormaux;

o des actions qui seront prises lorsque des problèmes

de santé non-reliés au travail seront identifiés par le

programme de dépistage.

Une fois ces différents volets établis, nous pouvons parler de modalités d'administration

d'examens non-sollicités qui rencontrent les objectifs d'intervenants assis dans la chaise

de l'intervention de santé publique. Les critères pour implanter un programme de

dépistage sont présentés en annexe 1.

8

2. Connaître l'étendue d'un problème de santé dans un milieu de travail.

Cette raison est fréquemment présentée pour expliquer l'intérêt à administrer des

examens non-sollicités dans un milieu de travail. Ceci m'apparaît une raison

légitime ou une chaise que peuvent utiliser les intervenants du secteur public.

Mais attention, cette chaise est un peu particulière en ce sens qu'elle n'est pas,

au premier chef, une chaise d'intervention préventive en santé au travail, comme

nous avons vu en 1. En effet, l'objectif en est une de recherche. Certains diront

"Quelle différence cela fait-il?". Je crois que cela fait toute une différence. Les

activités de recherche ont des objectifs et des méthodes propres qui doivent

recevoir toute l'attention nécessaire. Les méthodes de recherche épidémiologique

nous enseignent par ailleurs que nous pouvons faire beaucoup et à bien meilleur

coût en utilisant des échantillons pour connaître l'étendue d'un problème plutôt

que d'administrer un test à tous les travailleurs d'une entreprise et même à tous

les travailleurs exposés. De plus, il peut être jugé pertinent de connaître l'étendue

d'un problème à divers moment dans le temps, par exemple pour évaluer l'atteinte

d'objectifs de santé dans une entreprise; ceci supposerait alors la reprise dans le

temps d'une enquête épidémiologique de terrain. Toutefois, ceci ne constitue pas

à mes yeux une justification pour maintenir en permanence dans un milieu de

travail des examens médicaux non-sollicités. Dans ce cas, il s'agira d'établir les

objectifs de la recherche et de déterminer la méthodologie, incluant

l'échantillonnage des travailleurs qui seront sollicités dans les formes pour leur

participation. Cette préoccupation de distinguer des objectifs de recherche et

9

d'intervention (prévention secondaire) a le mérite de forcer les intervenants du

réseau public à énoncer clairement leurs intentions aux travailleurs. Trop souvent

a-t-on justifié le maintien de programme d'administration d'examens non-sollicités

par d'éventuelles retombées de recherche. Notons également que les résultats

individuels conduisant à l'altération de la progression d'un problème de santé ne

sont pas ce qui est recherché, mais bien des moyennes de groupes. Je crois

donc que nous avons intérêt à scinder les activités de recherche et activités

d'administration de tests médicaux non-sollicités à visée préventive pour en

évaluer, au mérite, la pertinence.

3. Recueillir une donnée de base pour confrontation ultérieure.

Cet objectif est également fréquemment cité par les médecins qui administrent des

examens non-sollicités. Il consiste à faire passer un test avant l'exposition pour

avoir ultérieurement une mesure de comparaison pour quantifier la détérioration

de la santé de l'individu. Je crois que cëtte activité est douteuse pour un

intervenant assis sur une chaise de santé publique pour deux raisons. D'abord,

une donnée de base dans le milieu de travail est certainement utile, mais rarement

pour des objectifs de santé publique. En effet, il m'est arrivé assez fréquemment

de discuter avec des collègues hygiénistes industriels avant de comprendre

qu'eux, régulièrement confrontés avec des demandes d'indemnisation, trouvaient

intéressants le fait d'avoir à leur disposition les résultats d'examens non-sollicités,

en particulier au début de l'emploi. Ces examens, à mon avis, sont très utiles pour

10

la compagnie d'assurance qu'est la CSST, car elle peut ainsi attribuer plus

facilement la responsabilité de différents employeùrs face à une perte de santé

pour un travailleur. À ce titre on peut également comprendre, sans les partager,

les objectifs d'un employeur face aux examens non-sollicités. Deuxièmement, tel

que soulevé par Sackett3 dans son livre sur l'épidémiologie clinique, il n'existe pas

de démonstration un tant soit peu convaincante que cette pratique d'établir une

ligne de base soit utile pour la prévention des atteintes à la santé. Sans l'avoir

vérifié de façon exhaustive, il est plausible de penser que les problèmes de santé

d'origine professionnelle se comportent probablement de la même façon. Par

ailleurs, cet examen pour recueillir une donnée de base pose de façon aiguë le

problème de la variabilité personnelle des résultats des tests.

4. Identifier une condition de santé qui peut représenter un risque pour la santé ou

la sécurité des collègues de travail.

Cet objectif constitue certes une raison fort judicieuse pour administrer des

examens non-sollicités. Toutefois les mêmes contraintes que celles vues dans

l'objectif 1, s'appliquent quant au moyen (test) utilisé pour identifier le problème de

santé. De plus, si une condition représente un risque pour la santé et la sécurité

des collègues de travail lors de l'embauche, cette condition doit être revérifiée

dans le temps en raison de cette importance. C'est dire qu'il faut introduire une

répétitivité dans l'administration des tests. Je crois que Fernând Turcotte a

3 Sackett D.L, Haynes R.B, Tugwell P. Clinical Epidemiology: a basic science for clinical medecine. Little, Brown and Company, 1985, 370 pp

11

adéquatement démontré ce fait et qu'il est très rare d'identifier des conditions

spécifiques qui représentent des risques pour les collègues de travail et qui

justifieraient la mise sur pied d'examens non-sollicités pour les reconnaître.

5. Prévenir l'aggravation d'un problème personnel préexistant qui peut être aggravé

par une exposition professionnelle.

Plusieurs médecins souhaitent des tests pour identifier chez les travailleurs des

problèmes de santé qui pourraient être aggravés par une exposition

professionnelle. Cette activité me semble difficilement justifiable dans une

perspective de santé publique sauf si nous disposons:

a. d'un problème de santé clairement identifié comme pouvant être

aggravé par une exposition professionnelle spécifique.

b. d'un instrument capable d'identifier un problème de santé avec

beaucoup de performance. Nous parlons d'un test avec une valeur

prédictive positive très élevée, ce qui est rare pour un test même très

sensible et spécifique lorsque le problème est peu fréquent, tel

qu'illustré dans le tableau 2 suivant.

Concluons ce point en mentionnant que d'autres moyens tels l'information sur les

facteurs de risque importants dans le milieu de travail et les risques d'atteintes à

la santé sont judicieux pour le travailleur pour reconnaître des aggravations liées

à la fréquentation du milieu de travail.

12

Rechercher des cas indemnisables dans une population de travailleurs.

Dans ce cas les examens non-sollicités ont été justifiés en raison du fait que nous

pouvons concourir à identifier des cas de maladies professionnelles indemnisables.

Ceci est un objectif qui interpelle les médecins du réseau public, sensibles aux

ravages des maladies professionnelles dont un grand nombre sont encore peu

reconnues. Bien sûr, dans cette situation, nous ne parlons pas de dépistage...car

les problèmes sont déjà existants et le plus souvent solidement implantés. Par

expérience personnelle, je m'en confesse, l'administration de tests systématiques

par un intervenant assis sur sa chaise d'intervenant du réseau public, présente une

faible justification en raison de la fréquence peu élevée de cas indemnisables

(même en incluant les non-déclarés). Par ailleurs, des moyens alternatifs existent

pour remplir le même objectif; ainsi une information adéquate donnée au

travailleur pourrait lui permettre d'initier lui-même une démarche de reconnaissance

de maladie professionnelle. Je conviens qu'il faut que le niveau de sensibilité des

médecins praticiens augmentent pour diagnostiquer une maladie professionnelle,

mais rétablissement de clinique de maladies professionnelles et le rayonnement

que nous pouvons avoir peuvent permettre d'atteindre ces objectifs.

13

7. Utiliser un examen qui permettra de diminuer dans le temps la facture des

problèmes de santé future.

Objectif fréquemment inavoué d'un employeur pour faire des examens pré-emploi,

cela n'est clairement pas la chaise du réseau de la santé, car ceci ne concourt pas

à prévenir la maladie. Qu'il me soit toutefois permis de mentionner que l'utilisation

de tests médicaux non-sollicités dans cette circonstance devrait répondre à des

évaluations tout aussi serrées (ce qui est rarement le cas). Des sommes

considérables pourraient ainsi être récupérées et produire plus de résultats en

santé et sécurité que ce qui est le cas actuellement. Non seulement le test doit

être capable d'identifier un individu malade au moment de l'administration, (validité

concomitante) mais encore doit-il avoir la capacité de prédire, dans le temps,

qu'une personne aura des problèmes si elle présente un test positif (validité

prédictive). Dans la mesure où la précision du test peut laisser à désirer, des

graves problèmes éthiques sont présents puisque le droit pour un travailleur d'être

évalué avec des instruments adéquats n'a pas été rempli.

8. Utiliser le résultat obtenu par le travailleur pour le motiver à adopter une approche

préventive personnelle (ex.: port d'équipement de protection personnelle) ou

collective (représentation au sein du CSS).

Les intervenants sur le terrain mentionnent fréquemment cet effet bénéfique des

examens non-sollicités. Quiconque a fait de la clinique ou encore a rencontré des

travailleurs avec des résultats personnels d'examens sait qu'il est plus simple de

14

déterminer le contenu d'une telle rencontre avec un résultat à transmettre au

travailleur. Toutefois, si ce concept n'est pas illogique et ne manque pas d'intérêt,

je crois qu'il faut démontrer que, dans le fait, nous observons une meilleure

pénétration du message préventif à l'aide d'un examen médical que sans un tel

instrument. Le confort que nous ressentons à avoir en main un résultat de test de

dépistage ne doit pas masquer un manque d'évaluation de l'efficacité d'une telle

mesure. Seulement à ce moment pourrons-nous utiliser cet argument de façon

plus sérieuse. Des recherches sont à développer sur ce sujet.

15

CONCLUSION

"Primo non nocere", cette maxime que nous avons souvent entendue en médecine doit

s'appliquer dans notre travail de médecin du réseau public. Ceci ne veut pas dire "de ne

rien faire", bien au contraire. Ceci veut dire de considérer toutes les avenues

d'interventions pour arriver à nos fins de prévention de maladies professionnelles et de

faire preuve d'imagination pour y arriver. Ceci veut également dire que nous pouvons

avoir de grands objectifs en tête, mais que nous devons avoir les moyens de les remplir.

Je l'avoue, je suis en faveur de la surveillance médicale... mais seulement lorsqu'elle

permet de remplir des objectifs de santé publique. Il faut toujours avoir le souci d'éviter

de tomber sur le réflexe qui nous a été enseigné en clinique, soit celui d'administrer des

examens pour arriver au diagnostic. Il faut explorer attentivement et scientifiquement les

tests (les outils) pour atteindre nos objectifs sans causer de nuisances (sélection,

congédiement, stress des faux positifs, perte de salaire...).

J'espère que cette présentation qui se veut sans prétention permettra de susciter des

échanges d'opinions dans notre réseau, en mettant vraiment l'accent sur la chaise que

nous occupons comme intervenant du réseau public et la rigueur scientifique que nous

devons mettre à la justification de toutes nos interventions mais en particulier celle

touchant les examens non-sollicités par les travailleurs.

16

Je rêve du jour où collectivement nous pourrons atteindre deux objectifs:

a. appliquer la même rigueur scientifique pour analyser la pertinence

d'administrer des examens non-sollicités spécifiques que celle mise de

l'avant pour évaluer la pertinence d'utiliser les anti-HIV en milieu de travail;

b. appliquer un même cadre de référence pour être en mesure en tout temps

de répondre à des suggestions de faire tel ou tel test de dépistage. Nous

avons une approche à proposer pour analyser la pertinence des examens

non-sollicités, allons de l'avant pour la faire connaître.

17

ANNEXE 1

CRITÈRES POUR LES PROGRAMMES DE SURVEILLANCE

! MÉDICALE EN MILIEU DE TRAVAIL

(Tiré de:

Cité dans: Matte D.T., Fine L., Meinhardt T.,

Baker E.L. Guidelines for medica! screening in

the workplace. Occupational Medecine: State of

the art reviews. 1990;5(3):439-456.)

4 2 6 KALPERIN & FRAZIER

Table 1 Prccepts for screening programs

In the community*

The disease should be treatable.

Treatment should be available if asymptomatic disease is detected.

Conditions sought must have a recognizable latent, asymptomatic stage.

The screening test should be inexpensive and easily administered.

None

None

The timing of the test should be consistent with the natural history of the disease.

The effectiveness of screening in terms of sen-sitivity, specificity, and predictive value should be considered when choosing screen-ing tests.

None

None

The screening test should be acceptable to the population.

None

None

In thé workplace for the effects of occupational exposure6

The disease sought should be treatable or useful to the primary prevention of others similarly exposed.

Counseling and other support should be avail-able for those with unfcrcaUble disease, as well as treatment if effective.

No change

The screening test need not be inexpensive or easily administered.

The professionals responsible tor screening must be skilled in conducting and interpret-ing screening tests for occupational disease.

Occupational screening tests should be targeted to the specific risks consistent with the expo-sure or occupation and reassessed periodical-ly to ensure consistency with evolving knowledge.

Same

Same

Neither the normal values for the screening test results nor the predictive value of the test should be assumed to be equivalent to those of the same test used to the community.

A priori decisions should be made about the level of abnormal test resusts that will trigger action, and the action appropriate for each level of abnormality.

Same

Screening should not be used to limit disease incidence by dismissing workers with abnor-mal findings from employment.

The goals of a screening program, whether the identification of individuals for treatment, an evaluation of primary prevention, or re-search, should be specified.

•Refs. (3. 4, 28). nut (30).

ANNEXE 2

VALEUR PRÉDICTIVE D'UN TEST EN FONCTION DE LA

PRÉVALENCE POUR DES SENSIBILITÉS ET SPÉCIFICITÉS

ÉLEVÉES

(Source:

Galen R.S., Gambino S.R., Beyand Normality:

The predictive value and efficiency of medical

diagnases, p. 16)

VALEUR PRÉDICTIVE D'UN TEST EN FONCTION DE LA PRÉVALENCE DE LA

SENSIBILITÉ ET DE LA SPÉCIFICITÉ (ENTRE PARENTHÈSE: FAUX POSITIFS)

-PRÉVALENCE DU PROBLÈME DE SANTÉ (%)

0.1 1 2 5 50

Sensibilité et spécificité du 1.9 16.1 27.9 50 95

test: 95% (98.1) (83.9) (72.1) (50) (5)

Sensibilité et spécificité du 9 50 66.9 83.9 99

test: 99% (91) (50) (33.1) (16.1) 0)

20

L E S S E R V I C E S C L I N I Q U E S DE M É D E C I N E DU T R A V A I L I D A N S L E S D É P A R T E M E N T S DE S A N T É C O M M U N A U T A I R E |

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR MARCEL LAV0IE

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER MAISONNEUVE-ROSEMONT

DR JEAN-CLAUDE TREMBLAY

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER HÔTEL-DIEU DE ROBERVAL

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 ft 22 novsiijre 1991

INTRODUCTION

Comme vous avez pu le constater à la lecture du programme de ce matin, nous

sommes deux conférenciers à t r a i t e r du même su je t , ce qui constitue un déf i

comparable à celui de la réussite d'un mariage p a r f a i t . Aussi, pour les besoins

de la cause, nous avons dû f a i r e des concessions mutuelles. N'est-ce pas la

recette du mariage par fa i t? C'est pourquoi 11 y a certa ins aspects du sujet que

je n'aborderai pas, la issant à mon confrère le soin de le f a i r e alors que je

développerai davantage d'autres points de vue touchant les services c l in iques de

médecine du t r a v a i l .

J 'aimerais débuter en vous traçant un h is tor ique de ce que fu t la créat ion des

services c l in iques de médecine du t r a v a i l . Mais pour ce f a i r e , i l faut remonter

à la créat ion des départements de santé communautaire, pu isqu ' i l s en sont la

résultante.

3

1- POSITION DU PROBLÈME - Historique

De 1972-1975 le DSC est un département c l in ique au sens de la Loi sur les

services de santé et les services sociaux. Le règlement en question

détermine même le nom des centres hospi ta l iers qui doivent prévoir la mise

sur pied d'un DSC. Après bien des bata i l les pol i t iques et sociales, on a

déterminé trente-deux centres hospi ta l iers devant appliquer ce pr incipe.

En 1979-1981, avec l ' a r r i vée de la Loi sur la santé et la sécuri té du

t rava i l le DSC est un département c l in ique. En e f f e t , cette l o i , selon

l ' a r t i c l e 325, modifie la Loi sur les services de santé et les services

sociaux par l ' add i t i on à la f i n de l ' a r t i c l e 70, de l ' a l i néa suivant :

"De plus, le plan d'organisation

d'un centre hospita 1ier dés igné

par le gouvernement doit pourvoir

à l'organisation d'un DSC."

Entre 1981 et 1984, le DSC devient de nature hybride -

clinique et administratif - en vertu de l'article 57. Cet

article est par la suite modifié, et prévoit la formation de

département clinique et de services cliniques à l'intérieur de

ces départements, en-excluant cependant les DSC. C'est alors

que débutent les interrogations. Le DSC est-il un département

clinique ou administratif?

4

La réalité juridique a répondu à toutes ces questions par le

décret 1320-84 qui dit :

"Le DSC devient un département

administratif au sens du règlement

sur 1 'organisation et l'adminis-

tration des établissements."

En conséquence, tous les droits, pouvoirs et responsabilités du

chef du DSC ne sont plus de nature clinique, mais de nature

administrative.

Comment peut-on alors octroyer à un médecin des privilèges

cl iniques, s'il oeuvre dans un département administratif?

Il faut donc définir pour le DSC un statut clinique. À cette

fin, deux principes restent valables :

a) Un médecin ne peut exercer sa profession dans un centre

hospitalier que s'il détient un statut et des privilèges.

L'article 129 de la Loi sur les services de santé et les

services sociaux est très explici te sur les statuts qui

sont accordés à un médeci n par le CMDP et 1 ' article 86

encadre l'octroi des privilèges en fonction de l'organisa-

tion du centre hospitalier et encadre également le champ

des activités médicales qu'un médecin peut exercer dans un

département.

5

b) Il nous faut maintenant déterminer dans quels départements

peut-on octroyer des privilèges à un médecin. Selon

l'article 86, nous pourrions croi re a priori que des

privilèges peuvent être accordés à un médecin, qu'il exerce

sa profession dans un département clinique ou administra-

tif, puisque le mot département n'est pas qualifié. Mais

il nous faut, dans ce processus, considérer aussi le plan

des effectifs médicaux approuvé par le CRSSS. Ce plan

réfère uniquement au nombre de médecins qui exercent leur

professi on dans un département cli ni que et un servi ce

clinique. Donc, ceci ne nous permet pas d'accorder des

privilèges à un médecin oeuvrant dans un département

administratif.

Cependant, le CMDP, en vertu de l'article 111 de la Loi sur les

services de santé et les services sociaux est le seul responsa-

ble envers le conseil d'administration, à la fois :

du contrôle et de l'appréciation des actes médicaux posés

dans 1'établi ssement;

ainsi que,

du maintien de la compétence des médecins qui exercent dans

1'établissement.

6

Donc, un chef de département cl i n i que, dans 11 exerc i ce des

fonctions qui lui sont confiées de par la loi, relève du CMDP.

Mai s aucune de ces f onct i ons ne s ' appl i quent à un chef de

département administratif. Cela signifie qu'on peut inclure

les ressources médicales en santé communautaire au sein d'un

département clinique, même si un département administratif en

santé communautaire est obligatoire.

De plus, eu égard à la Loi sur la santé et la sécurité du

travail, il est recommandé de prévoir un service clinique de

médecine du travail à l'intérieur du dit département.

On pourrait discourir pendant des heures sur ces articles de

loi. Cependant, nous constatons qu'en pratique, afin de fonc-

tionner adéquatement et d'éviter des frictions, il faut faire

cumuler, par une même personne, les postes de chef du départe-

ment clinique de santé communautaire et de chef du département

admi ni stratif de santé communautai re. En tant que chef de

département clinique, il relève du DSP et en tant que chef de

département administratif, il relève de l'autorité déterminée

par le plan d'organisation du centre hospitalier. Il peut ainsi

déléguer certains pouvoirs et fonctions à d'autres médecins qui

deviennent chef d'un service clinique du département clinique

de santé communautaire.

7

2- CRÉATION DU SERVICE

Le service clinique de médecine du travail devient une compo-

sante du département clinique de santé communautaire. Cette

modalité organisationnelle paraît conforme à la mission et aux

objectifs que doit poursuivre le chef du DSC en fonction de la

Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le service

clinique de médecine du travail permet de réunir les ressources

médicales nécessaires à l'application de cette loi et s'insère

également de façon cohérente au pl an d'organi sati on des

départements et servi ces cli ni ques d ' un centre hospi talier.

Ainsi élaboré, il devient soumis à des règlements et à une

organisation qui doivent respecter les normes des services

cl iniques et sont soumis également à l'adoption du consei1

d'administration de l'établissement par le directeur général.

2.1 MISSION ET OBJECTIFS

2.1.1 Aspect légal

Le service clinique de médecine du travail assure les services

de santé au travail en participant à la réalisation des mandats

dévolus au chef du département de santé communautaire. Pour ce

fai re, il doit comporter une organisation bien définie, des

structures et composantes ayant déjà fait l'objet d'acceptation

auprès du CMDP, une énumération des postes et fonctions qui le

8

composent et enfin des modalités de fonctionnement qui répon-

dent aux aspirations de ses membres. Je ne m'attarderai pas

davantage sur l'aspect légal de la mission du service, puisque

celui-ci est assujetti aux mêmes règles de fonctionnement que

tout service clinique, lesquelles, vous connaissez très bien.

2.1.2 Aspect pratique

A l'époque de leur fondation, qu'est-ce qu'on visait exactement

en voulant créer des services cliniques en médecine du travail?

On voulait d'abord créer, pour le médecin en santé au travail,

une forme de rattachement légal à l'hôpital, un peu comme une

normalisation du statut du médecin avec les autres médecins de

l'hôpital. Le fait de regrouper ces médecins dans un service

c 1 i n i que avec un chef de serv i ce qu i a des pouvoi rs connus,

tout ceci à l'intérieur de la réglementation globale du CMDP,

venait de créer un encadrement pour ces médecins, ce qui a des

côtés positifs. Mais on peut y retrouver des côtés négatifs,

lorsqu'un médecin ne progresse pas à l'intérieur des fonctions

qui sont les siennes, des mandats qui lui sont donnés et des

règles et procédures qui sont développées dans le fonctionne-

ment du service. Par l'évaluation de l'acte médical confié au

chef de service, on pouvait pallier à ces lacunes.

9

Mais ce n'est pas là l'élément essentiel qu'on visait. D'abord,

on voulait favoriser une mise en commun et un cheminement

harmonieux, à la fois de l'équipe de base et de l'équipe de

médecine, qui étaient deux entités différentes et qui ris-

quaient de créer des niveaux d'intervention différents. On

voulait regrouper tous ces gens et les amener vers un objectif

commun à travers certaines règles qui les régissaient et qui

pouvaient permettre, tant au chef de service qu'au chef du DSC,

d'interagir avec tout ce groupe avec un certain pouvoir vis-à-

vis du produit fini qui est le PSSE, afin d'éviter que ces

intervenants travaillent dans des directions non convergentes.

Une des composantes les plus importantes de la mission d'un DSC

de centre hospitalier universitai re, consiste dans l'ensei-

gnement. Cet enseignement s'adresse tant aux étudiants en

médecine qu'aux résidents en santé communautaire. Pour dis-

penser un enseignement qui soit conforme aux normes de l'uni-

versité, il faut une intervention coordonnée de toute l'équipe

de santé au travai1. En regroupant ainsi tous ces interve-

nants, on pouvai t assoc ier à cette acti v i té i nhérente au

service la collaboration tant de l'équipe de base, des équipes

programmes et de l'équipe de médecine.

En plus d'assurer une continuité au DSC, le chef du service

pouvait planifier des objectifs, organiser des activités

communes répondant au besoin de toute l'équipe, coordonner ces

activités, évaluer le produit fini, tout ceci avec des éléments

10

de cohérence qui permettent de tirer le maximum du modèle ainsi

créé.

Enfin, tout en créant un rattachement des médecins, on recher-

chait surtout 1'uniformisation dans les pratiques afin d'éviter

d'avoi r 25 médeci ns dans un terri toi re avec 25 approches

différentes. Cette uniformisation s'est traduite par le

développement d'outils standardisés, que ce soit un programme

de santé cadre, un protocole d'investigation et de dépistage

uniforme pour tous, l'encouragement à la formation médicale

continue et à la participation à des sessions de formation,

tout ceci dans le but de faire travailler les gens ensemble et

avec cohérence.

3- COMPÉTENCE REQUISE

Lors de la création des services de médecine du travail, pour

assumer les fonctions de chef de service, on recherchait la

personne la mieux formée pour gérer ce genre de service. Et

quand on parle d'un DSC universitaire, on visait idéalement un

spécialiste en santé communautaire. Quelques DSC on pu réali-

ser ce grand rêve, mais pour d'autres, à tout le moins, on

orientait nos choix vers un médecin qui avait fait davantage

que la moyenne de ses collègues pour se former en médecine du

travail et qui possédait des expériences dans ce domaine de la

médecine pouvant correspondre à certaines équivalences.

11

Pour les membres du service, alors qu'il n'y avait pas ou peu

d'école de formation en santé au travail, il était difficile de

s'arrêter sur des exigences trop précises. On favorisait alors

les médecins possédant une certaine expérience en santé au

travail ou une amorce de formation. On a même souvent recruté

des médecins qui manifestaient un goût particulier et une

préoccupation pour la santé au travail, on les a formés et ils

sont maintenant des piliers du système.

4- AVENIR DES SERVICES CLINIQUES

La santé au travail traverse actuellement une période de

transition où le mot "réforme" est devenu très à la mode.

Cette réforme dont on ignore encore le résultat final, on la

vit tant de la part du MSSS que de la CSST. A travers tous ces

remaniements organisationnels, on se questionne sur la perti-

nence future des services cliniques de médecine du travail.

Il n'existe aucun doute que ces services doivent persister. J'ajouterais même que leur rôle doit être encore mieux défini et qu'ils doivent encadrer davantage leurs membres.

Sel on 1 es plans d'organ i sati on de chaque régi on du Québec,

plusieurs scénarios peuvent être envisagés quant à leur mode de

fonctionnement; i 1 est évident que la grandeur du terri toi re

inf 1 uence pour beaucoup le mode de fonctionnement si nous

aspirons tous aux meilleurs résultats.

12

Dans une région comme Montréal, la création d'un seul service

clinique de médecine du travail relevant directement du chef

répondant et rattaché à l'équipe régionale m'apparaît une

solution fort séduisante. Pour ne citer que quelques avanta-

ges, ce mode organisationnel nous permettrait de standardiser

nos interventions, d'uniformiser nos outils de travail à un

niveau régional avec un seul chef qui pourrait planifier des

activités et encadrer tous les membres dans un seul comité de

gestion. Mais cette solution serait-elle applicable au DSC de

Roberval? Je laisse à mon confrère Jean-Claude le soin d'y

répondre.

RECRUTEMENT

Recrutement, voilà un mot qui a provoqué des cauchemars à bien

des chefs de service. On a souvent tenté d'expliquer cette

lacune en invoquant le facteur monétaire, allant même jusqu'à

dire que la "santé au travail ne doit pas être l'enfant pauvre

de la médecine". C'est sûrement un facteur qui a joué un rôle

important, mais je ne crois pas qu'il soit primordial. Je

m'appuie sur les prémisses suivantes : le jeune médecin qui

débute sa pratique, s'il veut oeuvrer à Montréal, est pénalisé

de 30% sur son salaire. Par contre, s'il oeuvre en région, on

lui offre une majoration de 15% ce qui fait une différence de

45% sur sa rémunération. Est-ce que cette mesure a attiré plus

de médecins dans les régions éloignées? Mon confrère pourra

vous en parler dans quelques minutes.

13

Pour résoudre le problème du recrutement, il faut s'attaquer à

des facteurs pl us importants. Je mentionnerais d'abord 1 a

formation en santé au travail qui est encore très inadéquate

chez les étudiants en médecine et qui ne les stimule en rien à

orienter leur carrière vers ce genre de pratique.

Je crois que le point crucial réside dans la valorisation du

rôle de médecin en santé au travail. La loi lui demande

d'élaborer un programme de santé spécifique à un établissement,

de faire inscrire ce programme dans le programme de prévention

selon la phi losophie de 1 'entreprise et de le mettre en

application selon le bon vouloir du patron. Mais pour réaliser

toutes ces activités, les embûches auxquelles le médecin doit

faire face sont souvent comparables à l'Himalaya.

Les stratégies qu'on doit mettre au point pour réussir à

s'infiltrer dans les établissements sont dignes de celles de la

guerre du Golfe. Comment peut-on en vouloir à tous ces

médecins qui nous ont quitté pour de meilleurs cieux après

avoir essuyé tant de défaites et de frustrations? La solution

réside dans la loi elle-même. Qu'on donne au médecin tout le

pouvoir dont il a besoin pour l'exercice des mandats qu'on lui

confie. Qu'on ne le présente pas comme un inquisiteur, mais

comme un professionnel de la santé, au même titre que ses

confrères cliniciens, qui met au service des travailleurs

14

toutes les connaissances qu'il a acquises en cours de formation

universitaire et post-universitaire et ceci dans un seul but,

la sauvegarde de la santé d'une population.

Merci de votre attention.

2

LES SERVICES CUNIQUES DE MÉDECINE DU TRAVAIL DANS LE D.S.C.

Introduction

Lorsqu'on m'a demandé d'émettre le point de vue du médecin de la périphérie sur le sujet en titre, j'avoue que toutes les ques-tions tournant autour de cette problématique semblaient loin de mes préoccupations. Or, je devais y accrocher des réponsesI ... !

Mais en y réfléchissant à deux fois, on se rend vite compte que, même si on est isolé (et parfois à plus forte raison parce qu'on est isolé), on a un besoin presqu'instinctif de se structurer, de se regrouper pour répondre à certaines lacunes que la proximité, inhérente aux centres urbains, comblent par la présence de ses nombreux spécialistes, ces universités, par la densité au km2 des médecins en santé au travail.

Avant de tomber dans le vif du sujet, vous m'excuserez de répéter certains propos que mon confrère qui m'a précédé a pu traité. C'est un des inconvénients d'être en périphérie... on on est par-fois servi en deuxième lieu.

3

Définition du service clinique de médecine du travail

Cette définition m'était d'abord apparue relativement simple. Toutefois, à la lecture du "Guide relatif au plan d'organisation du service clinique de médecine du travail", préparé par l'A.H.Q., division de la santé communautaire août 1986, on s'aperçoit des nombreuses difficultés à tenter une définition. En passant par quelques détours pour trouver des objectifs à ce service clinique, en passant également par le débat sur le statut du département de santé communautaire, on finit par une défini-tion relativement simple.

Tout d'abord, l'objectif principal du service clinique de méde-cine du travail est de prévoir le mode d'encadrement profession-nel et administratif des médecins oeuvrant en santé au travail dans le réseau public. Par contre, le document cité plus haut s'est évertué à débattre le statut du département de santé commu-nautaire, afin de savoir si ce dernier est un département admi-nistratif ou clinique selon la Loi sur les services de santé et les services sociaux, avant de conférer, aux médecins qui y oeuvrent, un statut et des privilèges. Et comme toute bonne chose ne vient jamais seule, le département de santé communau-taire se retrouve donc, selon ces auteurs, avec deux statuts : l'un administratif, tel que la Loi le définit, et l'autre clini-que vu que la Loi ne l'a pas interdit, ce qui permettra aux méde-cins d'y exercer avec un statut et des privilèges correspondants et équivalents aux autres confrères oeuvrant dans un centre hos-pitalier. On peut donc définir le service clinique comme une composante du département de santé communautaire qui permet de réunir les ressources médicales nécessaires à l'application de la

4

Les ressources médicales qu'elles sont-elles?

Certains pensent que ces ressources médicales sont uniquement celles à qui on donne le titre de médecin-conseil ou de médecin responsable. Par contre, la lecture du document nous permet de croire que d'autres types de ressources peuvent s'y rattacher. On aura donc les médecins experts en santé au travail, les méde-cins responsables et les médecins ou dentistes en santé au tra-vail , ces derniers fournissant une expertise spécifique dans une spécialité donnée ou qui ont une compétence particulière dans un secteur précis d'activité dans le domaine de la santé au travail.

Le rôle du service clinique de médecine du travail

Ce chapitre a été suffisamment bien traité par mon prédécesseur, de sorte que je ne reviendrai que sur un aspect qu'il m'apparaît important de souligner.

Initialement, le rôle du service clinique était d'autant plus important qu'il était facile de retomber dans le modèle tradi-tionnelle des médecins d'entreprises (il n'est pas de mon inten-tion de dénigrer leur travail connaissant les conditions et con-traintes dans lesquelles ils doivent exercer). Ces médecins dont les activités étaient plutôt axées sur une approche individuelle de recherche de symptômes ou signes chez tous les travailleurs plutôt que de s'enquérir des risques auxquels sont exposés ces derniers et, par la suite, de tenter de dépister les premiers indices d'une atteinte précoce chez une personne à risque.

La notion de validité d'un examen était constamment ramenée sur le tapis afin de replacer le débat dans la direction de la pré-vention .

5

Pertinence du service clinique

La réponse peut être que oui, peu importe le nombre de médecins, parce que c'est un besoin naturel, comme je le mentionnais dans mon introduction. Par contre, on ne peut passer sous silence les difficultés reliées à la grandeur du territoire (près de 1 000 fois la superficie du territoire du D.S.C. de Maisonneuve-Rosemont) aux distances qui sont parfois de l'ordre de 300 km pour assister à une réunion d'une demi-journée. Sans compter sur les intempéries blanches et glissantes de nos hivers.

Le vécu

A ce chapitre, je relaterai quelques faits qui ont entouré l'évo-lution cahotique de la santé au travail sur le territoire du D.S.C. de Roberval. La Loi sur la santé et sécurité du travail donne, au chapitre du programme de santé, une grande responsabi-lité aux médecins. Or, le département de santé communautaire de Roberval faisait face, avant mon arrivée, à un problème de tail-le, si le fait de ne pas. avoir de médecin-conseil était un pro-blème. Je demanderai donc aux septiques de croire que, pour les fins de mon discours, l'absence d'un médecin-conseil constituait une lacune importante. Dans quelques D.S.C., à l'époque, c'était le chef qui tenait lieu de médecin-conseil.

Bref, le médecin-conseil recruté devenait recruteur. Et ce ne fut pas nécessairement chose facile de trouver des héros qui vou-draient se risquer dans cette galère. Parce que, si le recruté ne se faisait pas recruteur, il se tapait tout le travail, ce qui paraissait un aspect intéressant, étant donnée qu'avec cette for-

6

mule, on est jamais remis en question. Cette situation, par con-tre, présente le danger de sombrer dans 1'absence d'originalité ou dans la toxicomanie, volontaire ou non, du travail, ce qui, en soi, peut être considérée comme un problème de santé au travail. Sans vous raconter tous les périples des dernières neuf années, je pourrais quand même souligner certains événements plus mar-quants qui vous permettront de comprendre pourquoi toutes ces questions entourant le service clinique de médecine du travail pouvaient, comme je vous 1 ' ai dit au départ, être loin de mes préoccupations.

Point n'est besoin de vous décrire la vaste étendue de notre ter-ritoire, partant de Chibougamau à Aima en passant par Dolbeau ou St-Félicien. Dans les premiers mois qui suivirent la signature des contrats de services avec les C.L.S.C., le poste de médecin à demi-temps fut comblé dans un des quatre (4) C.L.S.C. Par la suite, quelques médecins sont venus se joindre à l'équipe médica-le, les uns de façon définitive, d'autres de façon temporaire pour une durée variant de 1 an à 2 ou 3 ans. Mon confrère Marcel, qui m'a précédé, a même été 1 ' un de ceux-là et est l'exemple vivant de problème de retention qu'on peut avoir en périphérie. Je dois dire également qu'il fut une période où il y eut jusqu'à six médecins, à temps partiel évidemment, qui fai-saient partie du service clinique de médecine du travail. Ac-tuellement, il y a trois médecins responsables dans les C.L.S.C., dont deux sont dans le même C.L.S.C. Tous sont à temps partiel. Il reste donc deux C.L.S.C. sans médecin responsable. C'est le médecin-conseil qui supplée pour ces lacunes et il se trouve, comme par hasard, que ce médecin-conseil est également le chef actuel du D.S.C., ce qui ne fait qu'amplifier le problème. Je connais quelques pince-sans-rire qui vont dire qu'il y a certains avantages à être à la fois chef, médecin-conseil et médecin res-ponsable dans deux C.L.S.C., surtout lors de réunions de médecine clinique du travail où un vote doit être pris...

7

Je dois avouer que je préfère encore obtenir un consensus autour d'une idée sans prétention qui sera mise en application par tous les membres du groupes à une idée géniale, pas nécessairement partagée par tous, qui avortera sur le seuil de la porte de la salle de réunion.

Quoiqu'il en soit, le D.S.C. de Roberval s'est doté, depuis déjà quelques années, d'un service clinique de médecine du travail qui fonctionne relativement bien malgré les difficultés de recrute-ment. La plupart des protocoles ou guides relatifs à la surveil-lance médicale ont été élaborés et discutés lors de ces rencon-tres. De nombreux échanges, autant sur les belles expériences que sur les difficultés rencontrées dans nos relations avec les établissements du territoire, ont permis de solutionner des pro-blèmes dans certains cas.

Les problèmes de recrutement

Comme pour bien d'autres problèmes, je ne crois pas qu'il y ait une solution unique pour régler cette lacune. Un peu comme les accidents du travail, il faudrait faire l'analyse des facteurs rattachés aux difficultés de recrutement et de retention de nos médecins en santé au travail. Je me risquerai pour quelques réflexions sur le sujet. D'une part, il y a probablement le modèle de la formation médicale axée beaucoup sur l'intervention curative individuelle et encore centrée sur le milieu hospita-lier; quoique, de plus en plus, des stages en C.L.S.C. sont pla-nifiés pour les étudiants en médecine. Cette approche curative est, jusqu'à un certain point, normale et compréhensible due au fait qu'elle répond à une demande fondée sur les besoins de la population.

8

D'autre part, à moins qu'il y ait eu des modifications récentes, la portion consacrée à la santé communautaire ou à la santé au travail, dans le cadre de la formation universitaire, est très faible, de quelques jours seulement. L'intérêt des étudiants ne peut qu'être que proportionnel à l'importance qu'on accorde à cet aspect de la médecine. 11 faut mentionner également la crainte de certains médecins d'arriver dans un domaine qu'ils connaissent peu quand ce n'est pas du tout. Ces médecins vont devoir être "responsable" d'une équipe qui souvent en connait beaucoup plus qu'eux, à tout le moins sur le fonctionnement du service et sur les risques en milieu de travail.

A ce chapitre, il est important d'offrir à ces médecins une for-mation spécifique préalable qui, encore une fois en périphérie, n'est pas aussi accessible qu'en milieux urbains. Un 4e écueil, de taille celui-là, est justement la "taille" du salaire qu'on peut leur offrir comparativement au revenu obtenu en pratique privée. Le moratoire qui a été maintenu pendant plusieurs années, n'est pas étranger au problème de recrutement, surtout quand on vous interroge sur l'avenir en santé au travail. Offrir un statu quo ne constitue pas un très bel avenir. Comme dépis-teur, on finit par trouver des trucs; on recherche un médecin un peu fatigué de la pratique, qui veut modifier son approche, ou qui a tendance à vouloir délaisser la clinique, soit encore qu'il veut ajouter à "sa clinique" le volet santé au travail.

9

Conclusion

Malgré tout celà, nous de la campagne sommes quand même parvenu à faire les programmes de santé spécifiques de toutes nos entrepri-ses ou presque, à visiter la plupart de nos industries, à rencon-trer leur comité de santé sécurité lorsqu'ils existaient, à un rythme et à une fréquence peut-être un peu plus espacée que la Loi le prévoit, en mettant souvent les bouchées doubles, en évitant les pièges à rat, en espérant que les nouveaux contrats nous permettent de continuer à travailler avec harmonie auprès des travailleurs de notre région.

JCT/11 1991.10.31

Y A - T - I L UNE PLACE POUR LE D I A G N O S T I C , LE TRAITEMENT ET LA RÉADAPTATION

DANS LE RÉSEAU PUBLIC?

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR MONIQUE ISLER

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER DE VERDUN

DR PIERRE GOURDEAU

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITÉ LAVAL

DR PIERRE SÉGUIN

DÉPARTEMENT DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE CENTRE HOSPITALIER SACRÉ-COEUR

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 22 noveibre 1391

Avant de vous entretenir de notre expérience au DSC Verdun dans le domaine du

diagnostic-traitement-réadaptation, je voudrais situer la discussion en répondant à la

question suivante, qui est légèrement changée par rapport à l'énoncé: quelle est la place

du diagnostic, du traitement et de la réadaptation dans le rôle de la santé publique face

aux maladies professionnelle et aux accidents de travail?

En 1990, les coûts des lésions professionnelles à la CSST étaient de un milliard cinq cent

millions de dollars. Au Québec, en 1989, la CSST a reconnu 224,000 lésions

professionnelles qui ont occasionné des coûts de $ 973 millions, et 27.6% des lésions ont

été attribuées aux maux de dos (1). Le pourcentage des coûts attribuables aux maux de

dos est un peu plus élevé, puisque le coût d'indemnisation moyen pour les maux de dos

et les gestes répétitifs est plus élevé que le coût d'indemnisation moyen pour l'ensemble

des lésions. La CSST a fait de la prévention des maux de dos et des lésions attribuables

aux gestes répétitifs la priorité pour la semaine de la santé sécurité cette année. Et

comme on le sait, les coûts révélés par ces statistiques ne sont que les coûts les plus

visibles. Les coûts cachés économiques, sociaux et humains dépassent largement les

coûts visibles.

Quant aux maladies professionnelles, on s'accorde pour dire, malgré le manque de

statistiques fiables, qu'elles constituent un problème sérieux, mais insuffisamment

reconnu (2, 3). Elles sont sous-diagnostiquées et sous-déclarées (qu'on pense aux

maladies à déclaration obligatoire (MADOS) - intoxications chimiques), sans compter

qu'une partie des maladies déclarées à la CSST ne seront pas reconnues comme

maladies professionnelles lorsque la preuve (pas toujours facile à documenter lorsqu'il

s'agit d'expositions antérieures) ne satisfait pas aux exigences légales. Par exemple, en

1986, basé sur des estimés conservateurs de Doll et Peto, on estimait qu'on devrait

retrouver au Canada 1600 décès par année, attribuables à un cancer professionnel (3).

On pourrait extrapoler pour le Québec, qu'on devrait retrouver environ 20%, soit 320

décès. Selon les statistiques de la CSST, au Québec, en 1989, il y a eu 243 décès pour

toute cause de lésion professionnelle, dont 54 décès secondaires à une maladie professionnelle.

3000%

Mais je crois que je n'ai pas besoin de vous convaincre de l'importance de la problémati-

que des accidents de travail et des maladies professionnelles.

Depuis la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l'intervention de la santé publique, à

travers les départements de santé communautaire, s'est située surtout au niveau de

l'application de cette loi pour les groupes prioritaires I et II. De plus, les équipes de santé

au travail ont assumé le mandat de la Loi sur la protection de la santé publique quant aux

maladies à déclarations obligatoires - intoxications chimiques en faisant enquête lorsque

possible et en transmettant les déclarations au ministère. Ces interventions se situent

au niveau de la prévention primaire (identification des risques, information du milieu,

promotion des solutions ou des moyens pour y arriver) et au niveau de la prévention

secondaire. Au niveau de la prévention des maladies professionnelles, les groupes I et

Il représentent une fraction de la population (12.8% au niveau du territoire du DSC

Verdun en 1989). De plus, la problématique de la sécurité au travail et de la prévention

des accidents a surtout été du ressort de l'inspection-prévention de la CSST, même si

les DSC se sont intéressés à quelques aspects, telle que la prévention des maux de dos,

plus récemment.

Les services offerts sont donc partiels et ne touchent qu'une partie de la population des

travailleurs exposés à des risques de maladies professionnelles ou d'accidents de travail.

Une des fonctions de la santé publique étant de suivre l'état de santé de la population

afin de pouvoir orienter les interventions futures, et puisqu'on ne peut se fier sur les

informations recueillies lors des interventions dans les groupes prioritaires I et II pour

représenter la situation pour l'ensemble des travailleurs, alors la présence de cliniques

où des médecins peuvent référer des patients pour investigation d'une pathologie

d'origine professionnelle, documenter l'exposition est une façon de recueillir des indices

supplémentaires sur l'état de santé de l'ensemble de la population de travailleurs. Ces

références peuvent parfois constituer le point de départ pour une intervention dans le

milieu aboutissant à une intervention de prévention primaire et/ou secondaire.

3000%

Alors que le règlement sur les MADOS, qui fait partie des fonctions de connaissance de

l'état de santé de la population, est si peu connu et si peu respecté par les médecins

traitants, ne pourrait-il pas devenir mieux appliqué si une MADO pouvait être associée

à ou même précédée par une consultation clinique médico-environnementale pour en

vérifier le diagnostic?

Quant aux accidents de travail les statistiques en démontrent l'importance, en particulier

en ce qui concerne les maux de dos et les atteintes résultant de gestes répétitifs, qui bien

que pouvant également être des maladies, sont souvent classifiés comme accidents.

L'évaluation des approches thérapeutiques et l'innovation de nouvelles approches se

situent au niveau de la prévention tertiaire pour cette population "d'accidentés du travail".

Entre autre, on cherchera les interventions qui contribueraient à diminuer les risques de

chronicisation. Au niveau de la réadaptation également, une intervention qui favorise une

réintégration à un travail adapté, est une intervention de prévention tertiaire. Ce qui est

difficile, cependant, est l'évaluation de l'impact, à cause de la multiplicité des facteurs qui

affectent l'issue.

En somme, nous considérons que le diagnostic, le traitement, et la réadaptation ont une

place dans une intervention de santé publique auprès des populations-cibles qui sont les

travailleurs victimes de lésions professionnelles (maladies et accidents) et certains

travailleurs potentiellement victimes de maladies professionnelles qui ne font pas partie

des groupes prioritaires.

3000%

UN PROJET D'INTERVENTION POUR LES ACCIDENTS DE TRAVAIL ET DES

MALADIES PROFESSIONNELLES

La Clinique des accidents de travail et des maladies professionnelles du DSC Verdun

La Clinique des accidents de travail et des maladies professionnelles du DSC Verdun est

un projet conjoint du DSC Verdun et de l'Hôpital Champlain de Verdun. Elle est située

à l'unité de travail d'ergothérapie de l'Hôpital Champlain et existe depuis maintenant trois

ans.

La clinique faisait partie d'un projet plus large qui a été mis sur pied suite à une enquête

de besoins (4). Avec la volonté de définir le rôle et la contribution du réseau public dans

la problématique des lésions professionnelles et dans une optique de complémentarité

avec les ressources déjà existantes, nous avons défini un projet dont l'objectif principal

était de créer un modèle d'intervention pour le réseau public. Ce modèle d'intervention

avait trois grands objectifs:

favoriser la prise en charge éclairée par les médecins traitants,

répondre aux besoins de services médicaux spécialisés pour des personnes

atteintes de lésions professionnelles,

améliorer le processus de déclaration des maladies professionnelles.

Le projet devait voir quatre volets: (tableau 1)

1) des activités de formation et d'information auprès des médecins du territoire sur

certains aspects de la problématique des accidents de travail et des maladies

professionnelles;

2) un service de consultation téléphonique pour les médecins du territoire qui pourrait

conseiller le médecin, lui indiquer des ressources pertinentes pour son patient, ou

lui fournir de la documentation;

3000%

3) l'implantation d'une clinique de maladies professionnelles et accidents de travail:

les principes et les orientations de départ ainsi que la description des services

fournis étaient exposés, en septembre 1988, dans un document synthèse (5) dont

les points principaux étaient les suivants:

- deuxième ligne: - complémentarité avec les services médicaux du territoire - référence par un médecin pour consultation ou prise en

charge, sauf pour évaluation des séquelles permanentes.

- services: diagnostic traitement évaluations de séquelles permanentes réadaptation et réinsertion au travail

- approche paritaire lors d'une intervention en milieu de travail

4) un service pouvant fournir aux médecins des informations sur les milieux de travail

qui leur seraient utiles dans l'investigation (par exemple d'un problème de santé

possiblement d'étiologie professionnelle) ou dans le traitement (par exemple

l'évaluation du milieu en fonction d'un retour au travail projeté) de leurs patients.

CRITIQUE DE L'INTERVENTION

L'implantation d'une clinique de maladies professionnelles et d'accidents du travail

Nous avons fait une évaluation descriptive des services couvrant la période de juin 1988

à décembre1989 (6). A ce moment, les résultats indiquaient que:

78.3% des patients ont consulté pour un accident de travail, 20.6% pour une

maladie professionnelle, et 1.1% pour les deux;

43.3% des patients ont été référés par un médecin généraliste, 35.7% par un

spécialiste et 17.0% n'ont pas été référés ou ont été référés par une autre source

qu'un médecin;

3000%

alors que le nombre de médecins référants du territoire du DSC Verdun était

sensiblement le même que hors territoire (ratio= 0.95/1), le nombre de patients

référés par les médecins du territoire était deux fois plus élevé que par les

médecins hors territoire (ratio= 2.4/1);

64.6% des patients travaillaient et/ou résidaient sur le territoire du DSC Verdun;

74% des patients étaient de sexe masculin;

l'âge moyen était de 41 ans;

87.7% des patients étaient de langue maternelle française;

l'ancienneté moyenne à l'emploi actuel était de 10 ans;

la vaste majorité des patients (79.5%) a consulté pour une atteinte du système

musculo-squelettique;

le siège le plus fréquent des lésions était le tronc, dans 55.6% des cas;

une forte proportion de la clientèle était composée de cas complexes ou lourds sur

le plan médical et/ou administratif. En effet, 1. l'intervalle de temps entre la date

de la lésion professionnelle et la première consultation à la Clinique était long, soit

en moyenne de 19 mois pour les accidents de travail et de 14 mois pour les

maladies professionnelles; 2. le statut médico-administratif du dossier à la

première visite était souvent chargé; 3. une forte proportion des cas a reçu une

évaluation des séquelles permanentes; 4. les services rendus par patient ont été

nombreux et fréquents; 5. le temps moyen du médecin par patient vu à la

clinique durant cette période a été de 2 heures et trois quarts (incluant le temps

clinique et le travail du médecin en dehors des visites cliniques), ce qui correspond

aux expériences décrites ailleurs (7).

Actuellement, nos patients sont référés majoritairement pour des pathologies musculo-

squelettiques. Il y a une forte demande pour des évaluations de séquelles permanentes,

demande à laquelle nous ne suffisons pas et que nous avons limitée afin de continuer

à recevoir des consultations autres. Une constante: les patients nous arrivent

tardivement dans le processus. Cela correspond toutefois à la publicité faite auprès des

médecins: nous référer les "cas" complexes.

3000%

Les maladies professionnelles autres que les atteintes secondaires aux gestes répétitifs,

constituent une minorité des cas. Parmi les pathologies, on retrouve: intoxications aux

solvants, intoxications aux métaux (manganèse, plomb, chrome, cobalt, fer), dermites,

irritations naso-pharyngées, RADS, mésothéliome, cancer bronchique, une sclérodermie

associée à une silicose, syndromes vibratoires,...

Jusqu'à récemment,nous étions quatre médecins totalisant en temps environ l'équivalent

d'un médecin à temps plein.

L'Hôpital Champlain possède des services de physiothérapie, ergothérapie, et physiatrie.

L'ergothérapie comprend une unité de travail offrant des services au niveau du traitement

(dévelopement de l'endurance, réentraînement au travail, etc) ainsi que des évaluations

de limitations fonctionnelles et des évaluations de capacités de travail en fonction d'un

poste de travail. La proximité de ces services favorise les échanges lorsque nécessaire.

La secrétaire réceptionniste est partagée avec l'unité de travail. L'accès aux services de

laboratoires, radiologie, médecine nucléaire, etc se fait surtout par l'Hôpital de Verdun.

Certaines ressources envisagées lors de l'élaboration du projet (travailleur social ou

psychologue, agent de liaison) n'ont pu à date se matérialiser.

Parce qu'une étude d'impact est complexe et onéreuse à réaliser, nous n'avons pas de

mesure précise de l'effet de notre intervention. Cependant, nos observations collectives

nous amènent aux réflexions suivantes.

3000%

Parce que notre clientèle à date a été composée majoritairement de cas lourds de

pathologies musculo-squelettiques déjà chronicisés ou en voie de chronicisation, on ne

peut pas s'attendre à un haut taux de succès selon les critères traditionnels (durée de

l'arrêt de travail raccourci, retour au travail rapide, peu de rechutes). Il faudrait utiliser

d'autres critères (améliorer les taux de retour à un travail adapté ou convenable" chez le

même employeur, améliorer la prise en charge du patient par lui-même dans le processus

de traitement et de réadaptation, améliorer le contrôle de la douleur, améliorer le niveau

de fonctionnement du patient), pour juger de l'efficacité de l'intervention. Il faut

reconnaître au départ que ce sont des patients qui coûtent cher à la CSST, à l'employeur,

à la société, et surtout pour eux-mêmes. Des interventions qui seraient axées

principalement sur la réduction de coûts à court terme auraient probablement comme

effet de transférer et non de réduire les coûts. Par exemple transférer les coûts de la

CSST à la société et au travailleur lui-même. C'est pourquoi chez ces patients, il est

préférable de formuler des objectifs pour permettre le fonctionnement optimal de la

personne dans la société. Secondairement, on s'attendrait à une diminution des coûts à

long terme pour toutes les parties.

Actuellement, notre force, pour ces patients, est de faire fonctionner "le système" pour

eux. En plus des activités cliniques usuelles, la rémunération à vacation nous permet de

consacrer le temps nécessaire pour informer les patients et faire des psychothérapies de

ventilation lorsque nécessaire, ainsi que pour traiter les aspects médico-administratifs des

dossiers.

Pour atteindre l'objectif que chaque patient retrouve le niveau de fonctionnement optimal

pour lui dans la société, nous pensons que le maillon clé est d'aider le patient à se

prendre en charge. On remarque actuellement une certaine dépendance des patients

envers nous. Cela tend à perpétuer le role de victime, duquel le patient doit absolument

se détacher pour reprendre sa vie en main. Une intervention d'équipe multidisciplinaire

coordonnée, incluant une psychothérapie dans la majorité des cas, pourrait favoriser

l'atteinte de ces objectifs.

3000%

Pour ce qui est des maladies professionnelles autres que musculo-squelettiques, notre

impact actuellement est faible à cause de l'utilisation restreinte du service.

Les autres volets du projet

Nous avons réalisé une session de formation locale pour médecins traitants sur la

LATMP, contribué un article à un numéro de la revue "Médecin du Québec" portant sur

les accidents et maladies du travail. Un médecin a participé à l'organisation d'un colloque

de la FMOQ "Le clinicien et l'homme au travail". Nous avons également reçu à quelques

reprises des résidents en médecine familiale et l'Hôpital de Verdun et de l'Hôpital Général

Juif.

Nous avons constaté que les activités de formation continue pour les médecins traitants

étaient plus efficaces lorsqu'elles se font par les canaux déjà reconnus et utilisés par eux

(colloques, revues).

Malgré l'absence d'un service de documentation, nous avons néanmoins contribué à des

recherches bibliographiques à quelques reprises pour des médecins de l'Hôpital de

Verdun. Nous n'avons pas développé les autres activités prévues faute de ressources.

Par ailleurs, nous recevons régulièrement des appels de médecins ou de résidents en

médecine familiale pour des conseils, souvent d'ordre médico-administratifs.

Nous n'avons pas publicisé l'offre de fournir de l'information aux médecins sur les milieux

de travail de leur patients. Le manque de ressources ainsi que l'ambiguité du cadre légal

pour les interventions dans les entreprises en dehors des groupes prioritaires lorsqu'il ne

s'agissait pas d'une MADO, étaient en cause.

Cependant, les services qui auraient pu être fournis aux médecins dans le cadre des

deux items précédents ont parfois été fournis par le biais de consultations à la clinique,

par exemple pour évaluer la capacité de retourner au travail ou de continuer le travail

compte tenu d'une pathologie, ou pour le diagnostic d'une maladie professionnelle

possible.

L'objectif de départ était de créer un modèle d'intervention dans le domaine des accidents

du travail et des maladies professionnelles pour le réseau public. Notre projet était

ambitieux et nous n'avons pu le réaliser que partiellement selon le modèle que nous

avions conçu.

Le but des interventions était de fournir un support aux médecins traitants. Il nous est

apparu que le mode de référence des médecins ainsi que leurs contraintes de temps

favorisent l'utilisation de consultations cliniques pour fournir un support conseil en

médecine du travail, plutôt que la consultation de nos services de documentation. En effet

le support que devait offrir les trois volets supplémentaires, soit 1) l'information sur les

accidents de travail et les maladies professionnelles, 2) un service de documentation et

de consultation téléphonique et 3) des informations relatives au milieu de travail, peut se

donner par le biais d'une consultation clinique pour le "cas problème". Ce modèle

"médical" répondrait probablement mieux aux besoins des médecins traitants.

Par ailleurs, même si nous pensons que de tels services devraient exister dans toutes les régions du Québec, nous constatons que la faisabilité dépend d'un grand nombre de facteurs, et non la moindre, de la volonté politique du milieu.

3000%

PERSPECTIVES D'AVENIR

Après trois ans de fonctionnement, nous ressentons le besoin de ré-évaluer certaines

avenues du projet:

augmenter l'accessibilité (maladies professionnelles et lésions musculo-squeletti-

ques);

encourager des références plus tôt dans le processus de traitement, avec prise en

charge si désiré par le médecin référant;

développer une approche multidisciplinaire intégrée pour le traitement des maux

de dos;

réunir les volets information, consultation, documentation dans le cadre des

activités cliniques; s'orienter sur un modèle médical pour fournir un support conseil

aux médecins traitants;

ajuster les ressources en fonction des développements.

3000%

CONCLUSION

Comme le démontre cet exposé, nous sommes convaincus de la pertinence d'intervenir

dans le diagnostic, le traitement, et la réadaptation des maladies professionnelles et des

accidents de travail dans le contexte de la santé communautaire. Cependant, le défi de

l'évaluation de l'intervention, composante importante dans le cadre d'une intervention de

santé publique, n'est pas facile à relever, et ne doit pas être oublié.

3000%

BIBLIOGRAPHIE

1. Communication. Service des statistiques de la CSST . Automne 1991.

2. Occupational and Environmental medicine: meeting the growing need for clinical services. Rosenstock L, & al. N. Eng J. of Med, Vol. 325 No. 13: 924-9927 (September 1991).

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7. Emergence of Occupational Medical Services outside the workplace. Rosenstock L., Heyer N. Am.J. Indust. Med 3: 217 - 223 (1982).

- 2 -

INTRODUCTION

Les lésions professionnelles chroniques, quelles soient d'ordre musculo-squeletti-que, ostéo-articulaire, pulmonaire ou neurologique, sont souvent multifactorielles, leurs manifestations ne sont habituellement pas spécifiques et il s'écoule parfois beaucoup de temps entre le début de l'exposition et la manifestation clinique

franche des lésions.

La sous-déclaration des problèmes de santé est reconnue par la plupart des intervenants en santé au travail. Toutefois, ceci ne touche pas tous les problèmes de la même façon. Pour les problèmes aigus, il est plus facile d'établir une relation de cause à effet entre l'exposition et le problème de santé, tels les intoxications ou

les accidents du travail.

Par contre, les effets du travail sur la santé ne s'arrêtent pas là et pour bon

nombre de ces effets, la relation de causalité avec le travail est peu évidente et

parfois même cachée. Ceci est le cas notamment pour :

1) Les maladies chroniques car la période de latence est longue et les effets

dus à l'exposition sont donc décalés dans le temps. La relation de causalité

ne s'impose pas d'elle même et doit être recherchée activement pour être

trouvée.

Les maladies ou syndromes à caractère non spécifique car la présentation

clinique ne permet pas de discriminer l'origine professionnelle et cette

- 3 -

origine si elle est même considérée, elle est souvent envisagée après avoir

exclu toutes les autres causes.

3 ) i es problèmes rie santé nouvellement associés au milieu de travail Même

en présence de fortes suspicions de la relation de causalité, la reconnais-

sance, par les cliniciens, peut ne s'installer que graduellement

Les médecins ont souvent été formés à rechercher plus activement les facteurs à

incriminer hors du milieu de travail, mais il faut reconnaître que l'absence de

connaissance concrète et précise de la nature des tâches que doivent exécuter

leurs patients est une lacune souvent difficile à surmonter. Rares sont lesmédecins

traitants qui disposent du temps et des connaissances requises pour procéder à

l'analyse des postes de travail. Et pourtant, les informations ainsi obtenues sont

essentielles à l'identification de l'origine professionnelle des maladies. De plus en

plus, cependant, des médecins mieux informés et des patients mieux avertis

soupçonnent ce lien.

Parallèlement à cette préoccupation croissante, se sont développées dans notre

réseau publique quelques ressources dont l'expertise et l'expérience est centrée

sur la connaissance des milieux de travail et des conditions inhérentes à diverses

tâches.

Le service de médecine du travail du CHUL est fonctionnel depuis déjà 2 ans et

il offre une multitude de services aux travailleur-euse-s et médecins traitants. Cet

exposé permettra de voir la pertinence d'un tel service, ses objectifs, son

organisation et ses activités et de faire ressortir les prémices à un service

fonctionnel et durable.

- 4 -

PERTINENCE DU SERVICE DE MÉDECINE DU TRAVAIL

• COMBLER une lacune au niveau du diagnostic, du suivi et de la réinsertion au travail

• DÉCLARATION des maladies professionnelles • REGROUPER les services offerts aux travailleur-euse-s • IDENTIFIER les intervenants spécialisés • SERVICE «Sentinelle» . MÉDECIN DE FAMILLE <-—> MÉDECIN de santé au travail • PROMOUVOIR la recherche clinique

- 5 -

OBJECTIFS DU SERVICE DE MÉDECINE DU TRAVAIL

• OFFRIR une expertise médicale aux travailleur-euse-s et aux

médecins traitants • FOURNIR une expertise médico-environnementale • OFFRIR une expertise médico-administrative • ÉTABLIR un réseau de collaboration entre professionnel-le-s • PROMOUVOIR le développement de la formation clinique • PROMOUVOIR le développement de la recherche clinique

ORGANISATION DU SERVICE DE

MÉDECINE DU TRAVAIL

5 médecins cliniciens 6 périodes de consultations par semaine

Service de deuxième ligne

- 7 -

ACTIVITÉS DU SERVICE DE MÉDECINE DU TRAVAIL

• Diagnostic et étiologie d'un problème de santé

• Constitution de dossiers d'expertise

• Évaluation de l'APIPP • Consultant pour le médecin qui a charge

support médico-administratif support médico-environnemental

- collaboration à l'assignation temporaire - collaboration à la réinsertion au travail

• Encadrement de stage en médecine familiale • Participation à des activités de recherche clinique

Consultations en médecine du travail CHUL

(1er avril 1 9 9 0 au 31 m a r s 1991)

5 0 %

4 0 % -

%

Employeur Médecin Travailleurs Syndicats Autres

( M o y e n n e annuelle : 6 2 9 c o n s u l t a t i o n s )

i 00 1

Consultations en médecine du travail CHUL

(1er avril 1 9 9 0 au 31 m a r s 1991)

%

i NO I

3 . 8 % m m 2 . 6 % 2 . 8 % n fi<i 2 . 6 % t 6 %

"J 1 T 1 1 I I I ï

Mus.eque Derma Pulmo Toxlco Vas cul Envlro Psy-soc ORL Autres

( M o y e n n e annuelle: 6 2 9 c o n s u l t a t i o n s )

- 10 -

CONSULTATIONS EN MÉDECINE DU TRAVAIL

CHUL

(1er janvier 1991 au 31 mars 1991)

1è,e visite

Contrôle

96 (66,6%)

48 (33,4%)

TOTAL 144 100%)

- 11 -

CONSULTATIONS EN MÉDECINE DU TRAVAIL

CHUL

(1er janvier 1991 au 31 mars 1991)

Répartition des 1ères visites selon la région atteinte du système musculo-squelettique

Colonne dorso-lombaire 29 (46,8%)

Colonne cervicale 8 (12,9%)

Membre supérieur 18 (29,0%)

Membre inférieur 7 (11,3%)

TOTAL 62 100%)

- 12 -

C O N C L U S I O N

- 13 -

CONSULTATIONS EN MÉDECINE DU TRAVAIL

CHUL

(1er janvier 1991 au 31 mars 1991)

Répartition des consultations de lésions professionnelles

Maladies professionnelles

Accident de travail

Non relié au travail

36 (44,4%)

40 (49,3%)

5 (6,3%)

TOTAL 81 100%)

- 2 -

Y A-T-IL UNE PLACE POUR LE DIAGNOSTIC, LE TRAITEMENT, ET LA READAPTATION DANS LE RESEAU PUBLIC: LE CAS DES LOMBALGIES?

La réponse à la question posée en titre réside en grande partie dans l'épidémiologie des lombalgies

Nous savons tous que la lombalgie est une affection très répandue dans la population générale. En effet, environ 50 à 70% des individus présentent à un moment ou l'autre de leur vie un épisode de lombalgie. Ces chiffres qui pourraient laisser croire à l'existence d'une véritable épidémie de lombalgie ne nous renseigne pas cependant sur l'impact réel de cette maladie sur les individus et la société.

Le National Health and Nutrition Examination Survey réalisé aux Etats-Unis a révélé que seulement 13.8% des 10404 sujets questionnés dans le cadre de cette enquête ont rapporté un épisode de lombalgie d'une durée de plus de deux semaines. Chez la grande majorité des individus, l'incapacité associée aux lombalgies est donc de courte durée.

Les études épidémiologiques révèlent par ailleurs que l'incidence annuelle des lombalgies se situe en moyenne autour de 5%. La variabilité par contre est importante, allant de un à 20% dans différentes populations industrielles. Quand aux taux de récidive, il se situe entre 60 et 85% et les récidives sont en général plus sévères que les premiers épisodes. Avec un tel taux de récidive, il n'est pas surprenant que l'histoire d'un épisode de lombalgie soit le meilleur prédicteur d'un risque accru de lombalgie dans le futur. Les données les plus impressionnantes par contre, sont celles concernant le taux d'incapacité permanente associée aux lomblagies. Aux Etats-Unis, cette condition est la cause la plus fréquente d'incapacité chez les travailleurs de moins de 45 ans et la troisième cause chez ceux âgés de 45 à 65 ans. Et ce qui est encore plus inquiétant, c'est le taux d'augmentation de l'incapacité permanente due aux maux de dos. Aux Etats-Unis entre 1957 et 1976, le taux d'augmentation a été 14 fois supérieur à celui de la population du pays (schéma 1). Cette situation est la même dans d'autres pays industrialisés. En Suède par exemple, le nombre d'individus avec une incapacité permanente due à une lombalgie a augmenté de 3 800% entre 1952 et 1982 comparativement à 170 pourcent pour l'arthrite en général (tableau 1).

L'histoire naturelle des lombalgies révèle comme nous l'avons vu ci-haut que la majorité des épisodes de lombalgie sont de courte durée. Sur le schéma 2 qui provient d'études de la population suédoise, on constate qu'à trois mois du début de l'épisode de lombalgie, seulement 5% des sujets continuent à présenter des svmptômes. Ces données sont semblables à celles rapportées dans le rapport Spitzer ® pour ce qui est du nombre de travailleurs encore absent du travail 3 mois et un an après leur "blessure" au dos. En effet, ce chiffre se situe à 9.4% à trois mois et à 4.9% à 12 mois (schéma 3). L'évolution des sujets qui s'absentent du travail pour plus de 6 mois est très défavorable comme on peut le constater sur le schéma 4. La probabilité de retourner au travail après

- 3 -

six mois d'absence est d'environ 50% alors qu'elle est nulle après deux ans. Il est par ailleurs bien connu maintenant, que ce sont les travailleurs qui présentent des lombalgies chroniques incapacitantes qui génèrent la majorité des coûts d'indemnisation pour les maux de dos. La révélation la plus frappante du Rapport Spitzer, du moins pour l'agent payeur, a sans doute été que les 7.4% des travailleurs qui s'absentent plus de 6 mois engendrent 75% de tous les coûts d'indemnisation (schéma 5).

L'épidémiologie des lombalgies révèle donc qu'il s'agit d'un problème de santé très fréquent (70%), que la persistance des symptômes pour plus de 2 semaines est beaucoup moins fréquente (13 à 22%), qu'un nombre relativement restreint mais probablement grandissant d'individus présentant une incapacité prolongée (7%) et que ceux-ci génèrent la majorité des coûts d'indemnisation.

Sur le plan de l'intervention en santé publique, ces données nous indiquent que le problème des lombalgies est suffisamment important en terme de prévalence et d'impact sur la qualité de vie des individus et sur les ressources financières de notre société pour nécessiter des mesures préventives. L'histoire naturelle de la maladie nous enseigne cependant que les interventions de prévention primaire s'adressant à la population générale et même à des populations industrielles sont probablement peu efficientes. En effet, la majorité des individus qui présentent une lombalgie deviennent asymptomatiques indépendamment du traitement reçu en dedans de quelques semaines. Des mesures de prévention primaire qui s'adresseraient à cette majorité d'individus (80 à 90%) seraient de toute évidence peu rentables même si elles s'avéraient efficaces, ce qui n'est pas certain.

La prévention primaire des maux de dos en industrie par des interventions sur l'environnement de travail (i.e. ergonomie) est certes attrayante. Certaines études suggèrent qu'il est possible de prévenir les maux de dos reliés au travail en agissant sur l'environnement bien qu'il soit souvent difficile dans de telles études de déterminer l'effet réel de l'intervention Par contre, avant d'entreprendre de telles interventions sur une large échelle nous devons nous interroger non seulement sur leur faisabilité mais également sur leur rentabilité. Un exemple servira à illustrer l'importance de cette question. Nous savons tous que la manutention de charges lourdes est l'un des facteurs de risque des lombalgies en industrie. Le Dr. Snook qui est un chercheur américain bien connu dans le domaine des lombalgies estime qu'une intervention visant à modifier les tâches de manutention pour les adapter à la capacité physique d'au moins 75% de la population préviendrait environ 33% des maux de dos reliés au travail. Si l'on considère par contre que 90% des épisodes de maux de dos prévenus par une telle intervention auraient régressé spontanément en dedans de trois mois, force est de constater que cette approche préviendrait effectivement un nombre relativement minime de cas susceptibles de présenter une morbidité prolongée (Le. 10% des cas prévenus, soit 3.3% de tous les maux de dos reliés au travail). Le coût des ressources nécessaires pour prévenir cette faible proportion de cas évoluant vers la chronicité serait peut-être jugé excessif.

De ce qui précède, il semble évident que si nous voulons avoir un impact significatif sur la morbidité associée aux maux de dos en industrie, la population qui doit être visée est

- 4 -

celle des travailleurs qui sont à risque de s'absenter plus de 6 mois. Les facteurs de risque de développer une incapacité prolongée suite à un épisode de lombalgie sont encore peu connus. Dans une étude récente qui visait à valider un modèle prédictif de l'incapacité prolongée (i.e. plus de 6 mois d'absence du travail) reliée aux maux de dos, les facteurs les plus importants étaient les caractéristiques du travail, la perception de faute, l'admissibilité à la compensation, les hospitalisations passées et le niveau d'éducation de l'indivu®. D'autres études suggèrent qu'une évaluation défavorable par un supérieur immédiat dans les 6 mois précédents un accident de travail est prédictif de l'incapacité prolongée et que ce facteur ainsi que l'insatisfaction au travail et le niveau de détresse personnelle évaluée avec des outils comme le MMPI sont prédictifs de la survenue d'une blessure aiguë au dos(6). Quoi qu'il en soit, les recherches dans ce domaine sont encore trop peu avancées pour nous suggérer des moyens efficaces et acceptables de dépister les individus à risque (prévention secondaire).

Heureusement, des études effectuées au cours des dernières années suggèrent que certaines interventions de réadaptation (prévention tertiaire) sont efficaces chez ce groupe à risque.

Le Dr. Catchlove ^ de l'Hôpital Royal Victoria à Montréal a été l'un des premiers chercheurs à reconnaître l'importance de l'approche multidisciplinaire orientée vers le retour au travail dans la réadaptation des individus souffrant de lombalgie chronique. Il a comparé deux groupes de sujets traités dans une clinique de douleur pour diverses lésions musculo-squelettiques chroniques. Environ 50% des patients dans les deux groupes présentaient des lombalgies chroniques. Les deux groupes ont été soumis au même traitement à l'exception des directives qu'ils ont reçues au sujet du retour au travail. A l'un des groupes, le retour au travail dans un délai de un à deux mois a été présenté comme un élément faisant partie du plan de traitement. Les résultats ont révélé que 60% des sujets de ce groupe sont effectivement retournés au travail pendant la période de traitement comparativement à 25% des sujets du groupe témoin. De plus, après une période moyenne de suivi de 9.6 mois, il s'est avéré que les sujets ayant reçu la directive de retour au travail avaient reçu moins de traitement additionnel et avaient réclamé moins d'indemnité d'incapacité que les témoins.

Au début des années 80, le Dr. Mayer(8) du Productive Rehabilitation Institute of Dallas for Ergonomics a développé un programme de récupération fonctionnelle pour des patients présentant des maux de dos chroniques. Ce programme est basé sur une évaluation la plus objective possible de la capacité fonctionnelle (physique et psychologique) des sujets et comprend les éléments suivants: un programme d'exercise physique visant à augmenter la souplesse, la force et l'endurance physique, des classes de dos intégrés au traitement, un programme de simulation du travail et de "work hardening" et finalement un programme d'intervention psychologique. Il s'agit d'un programme intensif de 57 heures de.traitement par semaine pour une période de trois semaines. A date, ce modèle a été appliqué uniquement à des sujets souffrant de maux de dos chroniques (i.e. 4 mois ou plus après la blessure). Mayer a rapporté en 1987 les résultats de l'application de ce programme à 116 patients. Comme groupes témoins, il a utilisé 72 patients qui avaient été référés pour traitement mais dont la compagnie

- 5 -

d'assurance a refusé d'assumer les coûts du programme ($5 000 à $9 000) et onze patients qui avaient abandonné le programme. Après 2 ans de suivi, 87% des sujets ayant suivi le programme de récupération fonctionnelle étaient retournés au travail comparativement à 41% des sujets qui ne l'avaient pas suivi et 25% de ceux qui l'avaient abandonné. Les résultats ont également révélé que les sujets n'ayant pas participé au programme ont eu recours à une chirurgie deux fois plus souvent (20% vs 9%), qu'ils ont utilisé des services médicaux environ 5 fois plus souvent (16 visites/sujet vs 3.6 visites/suiet) et que leur taux de rechute étaient deux fois plus élevé (12% vs 6%). Le Dr. Hazard du New England Back Center a obtenu sensiblement les mômes résultats que Mayer dans une étude semblable chez 59 patients.

Le Dr. Lindstrom de l'Université de Gotenburg en Suède a rapporté les résultats d'une étude randomisée d'évaluation d'un programme d'intervention auprès de travailleurs cols bleus souffrant de lombalgie et absents du travail depuis au moins huit semaines. L'intervention qui était axée sur le retour au travail et la récupération fonctionnelle comprenait une évaluation de la capacité physique et de l'état douloureux, une visite du milieu de travail avec le travailleur et l'employeur, des classes de dos et un programme d'exercise d'intensité progressive. Cent trois patients examinés par un orthopédiste ont été répartis de façon alléatoire dans un groupe d'intervention (52) et dans un groupe témoins (51). Les résultats ont révélé que les sujets du groupe d'intervention sont retournés au travail en moyenne sept semaines avant les témoins. De plus, au cours des deux premières années de suivi après la randomisation, les témoins avaient accumulé 19 semaines d'absentéisme de plus que les sujets ayant participé au programme d'intervention. Ces résultats étaient significatifs sur le plan statistique.

Quelles sont les leçons à tirer de ces études:

1. Le traitement des lombalgies chroniques exigent une approche multidisciplinaire qui tient compte des aspects physiques et psycho-sociaux du problème.

2. Le traitement des lombalgies chroniques doit viser la récupération des capacités physiques et des fonctions sociales (familiales et professionnelles) des individus.

3. Le retour au travail adapté le plus tôt possible après un épisode de lombalgie non compliquée est probablement un moyen efficace de prévenir l'évolution vers la chronicité.

' Ce n'est certainement pas le rôle du réseau public de santé au travail d'offrir des services complets de réadaptation aux travailleurs souffrant de maux de dos chronique. Par contre, la capacité du réseau d'intervenir directement dans les milieux de travail est un atout qui pourrait être utilisé pour promouvoir l'assignation temporaire comme moyen de prévention des lombalgies chroniques. Plusieurs grosses entreprises qui disposent d'un service de santé ont recours de façon presque systématique aux mesures d'assignation temporaire prévues à la loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles

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(L.A.T.M.P.). Par contre, il est probable que les petites et moyennes entreprises sans service de santé utilisent très peu cette mesure. Sans avoir étudié les raisons de cette situation, nous pouvons émettre certaines hypothèses:

1. Les médecins traitants n'ont pas le temps ou l'intérêt pour initier ou supporter la démarche.

2. Le système d'indemnisation n'incite pas les travailleurs à initier la démarche.

3. Les employeurs ne croient pas que cette mesure soit efficace ou rentable ou ils ignorent comment l'appliquer efficacement.

4. Les syndicats sont méfiants quand aux intentions véritables de ceux qui proposent cette mesure.

Une enquête que nous avons réalisé au DSC Sacré-Coeur auprès d'un échantillon limité de médecins omnipraticiens de la région de Montréal a révélé des faits intéressants quant à l'utilisation de l'assignation temporaire par les médecins qui traitent les travailleurs accidentés au dos. Nous avons constaté que 70% des médecins interrogés avaient déjà eu recours à l'assignation temporaire dans le traitement de leur patient souffrant de maux de dos. Par contre, plus de 70% des répondants ont rapporté avoir connu plusieurs problèmes en relation avec la prescription de restriction temporaire ou d'une assignation temporaire au sens de la L.A.T.M.P.. Plus spécifiquement, 70% des répondants ont déjà eu des problèmes de communication avec l'employeur, 73.3% ont déjà eu de la difficulté à obtenir une bonne description des tâches du travailleur, 93% ont dû à un moment ou l'autre faire face à la non disponibilité d'un travail adapté aux limitations fonctionnelles de leurs patients, 86% ont déjà éprouvé des difficultés soit à préciser les limitations fonctionnelles des accidentés du dos, soit à déterminer si les tâches du travailleur respectaient ses limitations (tableau 2). L'application de l'assignation temporaire n'est donc pas chose facile et l'enquête que nous avons menée suggère que les médecins pourraient bénéficier d'assistance à cet égard.

Le réseau public a donc un premier rôle à jouer, soit d'informer les employeurs et les travailleurs des avantages et des modalités d'application de l'assignation temporaire. Dans un deuxième temps, le réseau pourraient assister les employeurs et les travailleurs à mettre en oeuvre cette mesure lorsque les deux parties le souhaitent d'un commun accord. Le médecin responsable pourrait, dans ce contexte, jouer un rôle important. Sans se substituer au médecin traitant, il pourrait servir d'intermédiaire entre ce dernier et l'employeur pour préciser dans des cas spécifiques les modalités de l'assignation temporaire. Il pourrait d'une part assister le médecin traitant à préciser les limitations fonctionnelles de son patient et d'autre part aider l'employeur à adapter un poste de travail qui respecte ces limitations en ayant recours au besoin aux ressources spécialisées requises (i.e. ergothérapeute, technicien en ergonomie).

Compte tenu des connaissances acquises concernant le problème des maux de dos en industrie, le réseau public de santé au travail doit dorénavant concentrer ses efforts sur

- 7 -

la prévention de l'incapacité prolongée plutôt que tenter de prévenir les maux de dos avec des moyens dont l'efficacité est douteuse*1". L'approche proposée ci-haut pourrait permettre au réseau de jouer un rôle important dans l'effort collectif pour réduire l'impact social des maux de dos. Sa faisabilité mérite à tout le moins d'être évaluée dans le cadre d'une étude contrôlée.

SSDI AWARDS BY DIAGNOSIS: % INCREASE: •57-76

% INCREASE 3000%

1900%

2000%

1000%

900% I I I

US POP 1

(taeo-eo) |

Schéma 1:

AU CAUSES

HEAAT SOW DIAGNOSES

BACK PAM

Augmentation de l'incapacité reliée au maux de dos comparativement à d'autres maladies chroniques et à l'augmentation de la population aux Etats-Unis.

% Change 1952 1982 Working Pop

Rheumatoid Arthritis 9,300 10,300 0

Arthritis 10,100 30,000 170

Low Bad Pain 850 37,100 3,800

Tableau 1: Nombre de sujets avec une incapacité permanente en Suède (population: 8.3 millions).

Day*

Schéma 2: Distribution des lombalgies selon la durée des symptômes (Suède).

Schéma 3: Distribution des affections vertébrales indemnisées selon l'absence du travail (Québec 1981).

- 10 -

PROBABILITY OF RETURNING TO WORK

Schéma 4: Probabilité de retourner au travail selon la durée de l'absence du travail après un épisode de lombalgie.

Schéma 5: Distribution des coûts d'indemnisation selon la durée de l'absence (Québec 1981).

- 11 -

TABLEAU X

PROBLEMES PERÇUS FACE A L'ASSIGNATION TEMPORAIRE ET

DES RESTRICTIONS DE TRAVAIL TEMPORAIRES ( N» 30)

OUI NON AUCUNE REPONSE

Communication avec l'employeur 21 (70,0%)

7 (23,3%)

2 (6,7%)

Obtenir une bonne description des tâches que le travailleur devra effectuer

22 (73,3%)

6 (20,0%)

2 (6,7%)

L'employeur n ' a pas de travail qui respecte les restrictions temporaires

28 (93,3%)

• 2 (6,7%)

Des difficultés pour déterminer si les tâches du travailleur respectent ses limitations

26 (86,7%)

2 («,7%)

2 (6,7%)

Difficultés pour déterminer les limitations fonctionnelles du travailleur

26 (86,7%)

2 (6,7%)

2 (6,7%)

BIBLIOGRAPHIE

1. Andersson G., Epidemiology of Spinal Disorders, dans Contemporary Conservative Care of Spinal Disorders, Ed.: Mayer T., Mooney V. et Gatchel R., Lea & Febiger, 1991.

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PERSPECTIVE D'AVENIR: "DÉPASSER LES RUMEURS" 1

CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR :

DR MARC DIONNE

DIRECTEUR DE LA SANTÉ PUBLIQUE MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

21 et 2? nombre 1391

| ALLOCUTION DE CLÔTURE

PRÉSENTÉE PAR :

OR LUC BHÉRER

PRÉSIDENT INTÉRIMAIRE ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC

EN SANTÉ AU TRAVAIL

COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION DES MÉDECINS DU RÉSEAU PUBLIC EN SANTÉ AU TRAVAIL DU QUÉBEC

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