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Monsieur Gabriel Vangrevelinghe Les niveaux de vie en France, 1956 et 1965 In: Economie et statistique, N°1, Mai 1969. pp. 7-21. Citer ce document / Cite this document : Vangrevelinghe Gabriel. Les niveaux de vie en France, 1956 et 1965. In: Economie et statistique, N°1, Mai 1969. pp. 7-21. doi : 10.3406/estat.1969.2173 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1969_num_1_1_2173

Les niveaux de vie en France, 1956 et 1965...Monsieur Gabriel Vangrevelinghe Les niveaux de vie en France, 1956 et 1965 In: Economie et statistique, N 1, Mai 1969. pp. 7-21. Citer

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Monsieur GabrielVangrevelinghe

Les niveaux de vie en France, 1956 et 1965In: Economie et statistique, N°1, Mai 1969. pp. 7-21.

Citer ce document / Cite this document :

Vangrevelinghe Gabriel. Les niveaux de vie en France, 1956 et 1965. In: Economie et statistique, N°1, Mai 1969. pp. 7-21.

doi : 10.3406/estat.1969.2173

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1969_num_1_1_2173

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RésuméL'étude procède à une comparaison par catégorie socio-professionnelle des résultats de deux grandesenquêtes de consommation en 1956 et 1965.Tout d'abord au niveau global, l'auteur constate que la dispersion des revenus à l'intérieur de chaquecatégorie est restée très stable. Puis il examine les divergences de l'évolution de la consommationtotale, correction faite de mouvements globaux de prix distincts pour chaque catégorie. Il constate quela consommation des cadres supérieurs, celle des exploitants agricoles et celle des artisans etcommerçants ont moins augmenté que la moyenne, que celle des ménages dont le chef est inactif a aucontraire rattrapé une partie de son retard. En revanche, la consommation des salariés les plusmodestes s'est éloignée de la moyenne entre 1956 et 1965.La deuxième partie est consacrée à un examen de la consommation par fonction. Les résultats les plusmarquants sont la saturation progressive de la demande alimentaire, l'influence de la catégorie socialesur les dépenses d'habillement et de santé, les distorsions causées en matière de logement parl'hétérogénéité du marché, (a diffusion de l'automobile et de la télévision, l'inégalité des taux de départen vacances. Dans de nombreux! cas des graphiques montrent l'élasticité de la consommation partielleconsidérée, par rapport à la consommation totale.

AbstractThis study makes a comparison by social status category, of the results of the two major consumptionsurveys of 1956 and 1965.First of all, at the overall level, the author finds that the dispersion of incomes within each category hasremained very stable. He then examines the divergences in the trend of aggregate consumption,corrected for overall price movements specific to each category. He finds that the consumption ofmanagers, as well as that of the self employed, have increased less than the average, while that ofhouseholds whose head is not employed has, on the contrary, caught up part of its lag. On the otherhand, the consumption of the lowest paid wage-earners has moved further from theaverage between1956 and 1965.The second part is devoted to an examination of consumption by purpose — the salient points are theprogressive saturation of the demand for food, the influence of social category on expenditure onclothing and health, the distorsions caused in the matter of housing by the lack of unifromity of themarket, the diffusion of motor cars and television, the uneven proportion of people who go on haliday. Inmany cases, graphs show the elasticity of the partial consumption under review in comparison withaggregate consumption.

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Les niveaux de vie en France

1956 et 1965

par Gabriel VANGREVELINGHE

L'ouverture de l'éventail des revenus est très peu différente en 1965 de ce qu'elle était en 1956. Certes les positions relatives du niveau de vie moyen des différentes catégories socio-professionnelles ont pu varier. Mais, par le jeu des changements dans leur importance numérique, la dispersion d'ensemble s'est maintenue. Les types de consommation adoptés par chaque catégorie lorsqu'elle accède à des niveaux de revenus déjà atteints par d'autres sont, malgré quelques variantes, très homogènes. Ce sont là, du moins, les principaux enseignements de la comparaison de deux grandes enquêtes de consommation. L'une a été effectuée par l'I.N.S.E.E. et le C.R.E.D.O.C. en 1956. L'autre en 1965 a marqué, à l'I.N.S.E.E., le départ de la nouvelle enquête permanente sur la consommation des ménages. Elles ont l'une et l'autre déjà donné lieu à publications, qui analysaient à une date donnée la structure de la consommation dans chaque catégorie socio-professionnelle ou l'évolution de la consommation totale selon les différentes fonctions. Mais jamais il n'avait été tenté de faire ces deux analyses, à travers le temps et les catégories, à la fois. C'est ce que va nous permettre une comparaison rendue plus systématique de ces deux enquêtes. L'objet principal de cette étude est d'examiner poste par poste comment la consommation de chaque catégorie s'est transformée entre 1956 à 1975, et d'apporter ainsi une utile contribution à la connaissance du genre de vie et du niveau de vie des Français.

Auparavant, on s'intéressera à l'évolution de la valeur totale de la consommation par catégorie. Encore faudra-t-il s'assurer que la notion de consommation moyenne est significative, et pour cela vérifier si la dispersion à l'intérieur de chaque catégorie ne s'est pas complètement transformée. D'un grand intérêt en elle-même, cette vérification constitue d'ailleurs pour notre étude un préalable indispensable.

Elle se fera sur le niveau du revenu déclaré à l'enquête. Celui-ci se prête, mieux que la consommation totale, à une analyse au niveau individuel. Le niveau de revenu ainsi saisi reste, il est vrai, assez incertain. Mais son évolution en revanche se recoupe avec des données connues à d'autres sources. Aussi l'évolution de sa dispersion est-elle, a fortiori, suffisamment sûre pour que soit fondée la comparaison des niveaux de vie moyens, première partie de cet article.

I. La consommation totale

en I956 et I965

Nominalement, entre 1956 et 1965, la valeur de la consommation moyenne par ménage est passée de 7 608 à 15 741 F par an1. Ce doublement nominal correspond à

une croissance moyenne de 8,4 % par an. Comme la hausse des prix a été en moyenne de 4,4 % par an 2 (plus rapide de 1956 à 1959, moins rapide ensuite), l'accroissement moyen du «volume» de la consommation ressort à 3,9% par ménage et par an. Soit 40,5 % en neuf ans.

Cette croissance rapide et soutenue des niveaux de vie s'est accompagnée de modifications profondes de la structure de la consommation et, plus généralement, d'un changement considérable des modes de vie : diminution sensible de la part de la consommation alimentaire dans le budget, accroissement rapide des dépenses relatives au logement et à son équipement, aux transports, à la santé, au loisir. D'autres modifications profondes, non directement perceptibles dans les budgets, se sont produites : trois millions de logements neufs ont été construits, les biens durables d'équipement du foyer se sont largement diffusés dans l'ensemble de la population. Ainsi la télévision, pratiquement inexistante en 1956, touche au début de 1969 les deux tiers des foyers.

1. Ce chiffre de 15 741 F multiplié par le nombre de ménages en 1965 figurant dans le tableau 1, soit 15 35OOOO, donne une valeur totale de la consommation «au sens des enquêtes» de 241,6 milliards de F en 1965. Il diffère notablement du chiffre retenu dans les Comptes de la Nation (285,2 milliards) en raison d'importantes différences de définition : celle retenue dans les enquêtes est proche du concept courant; dans les Comptes, on comptabilise aussi la consommation des « ménages collectifs » (internats, hôpitaux, par ex.) les dépenses de santé passibles du « tiers payant », les dépenses des étrangers en France (mais non celles des Français à l'étranger); on défalque une partie des dépenses d'automobile des entrepreneurs individuels; etc. 2. Cette hausse est celle des prix correspondant au champ de la consommation dans l'enquête. Cet indice n'est pas identifiable à celui des 259 articles, ni à l'indice des comptes.

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Des moyennes à préciser

Souvent faites, ces constatations présentent un grand intérêt, mais ne sont que des moyennes. Elles ne renseignent pas sur la position relative des différentes catégories sociales, et, à l'intérieur de chacune d'elles sur la dispersion des niveaux de consommation. Elles ne permettent pas non plus de vérifier l'idée souvent exprimée de l'homogénéisation progressive des niveaux et modes de vie, ni celle, voisine, de la diffusion des habitudes à partir des groupes sociaux les plus favorisés vers les autres.

Pour le statisticien, ces interrogations peuvent se ramener à une question du type suivant : « Le revenu est-il la variable essentielle dont la répartition suffit à expliquer, à un instant donné, les différences d'attitude des consommateurs? ou bien d'autres variables, comme l'appartenance à tel groupe social, à tel type d'habitat, à telle région doivent- elles être prises en compte? »

C'est pour éclairer ces questions que nous allons maintenant utiliser les résultats des enquêtes de 1956 et 1965 non plus globalement, mais en distinguant le cas de chaque catégorie socio-professionnelle.

La variation des structures sociologiques Le découpage utilisé est le plus fin possible pour rendre

les deux enquêtes comparables et conserver aux chiffres par catégorie une valeur statistique convenable. Il distingue quinze catégories. Le tableau 1 les présente. Il donne en même temps le nombre de ménages de chaque catégorie. On y lit l'importance primordiale de quatre d'entre elles : ouvriers aussi bien qu'inactifs représentent dès 1956 plus

TABLEAU 1 . Nombre de ménages dans chaque catégorie socio-professionnelle, (mesurée d'après les déclarations faites aux enquêtes).

0 Agriculteurs exploitants 1 Salariés agricoles 21 Industriels, gros commerçants 22 Artisans 27 Petits commerçants 3 Cadres supérieurs

et professions libérales 4 Cadres moyens. 5 Employés 60 Contremaîtres 61 Ouvriers 68 Manœuvres 70 Gens de maison 72 Autres personnels de service 1 8 Autres actifs 2 9 Inactifs

Ensemble

1956

1 790 000 460 000 150 000- 570 000 710 000

440 000 740 000

1 010 000 190 000

3 050 000 480 000 180 000 190 000 260 000

3 390 000

13 610 000

1965

1 420 000 280 000 130 000 570 000 580 000

680 000 1 090 000 1 040 000

370 000 3 580 000

510 000 150 000 250 000 410 000

4 290 000

15 350 000

1 . En particulier : employés d'hôtels et de restaurant, garçons coiffeurs, gardiens, chauffeurs de taxi... 2. Artistes, clergé, cadres subalternes de l'armée, de la police, pompiers...

de trois millions de ménages; agriculteurs, exploitants et employés en représentent plus d'un million. Mais on y lit surtout les modifications sensibles survenues en neuf ans dans la structure sociologique de la France : • très sensible croissance des cadres moyens qui sont 740 000 ménages en 1956 et dépassent un million en 1965; • accroissement considérable du nombre de ménages d'inactifs (vieillissement de la population); • montée aussi bien des ouvriers que des cadres supérieurs et professions libérales; • nette diminution, au contraire, du nombre de ménages d'agriculteurs et de petits commerçants.

Ces mouvements — dont le commentaire fournirait de multiples thèmes d'études et que le dépouillement du recensement de 1968 permettra de présenter de façon plus sy

stématique — doivent rester présents à l'esprit dans la suite de cette analyse. En effet ils ne sont certainement pas indépendants de l'évolution du niveau de consommation de chaque catégorie : le renouvellement de celles où le niveau de vie s'accroît moins est moindre que celui des autres; et i

nversement l'arrivée de nouvelles couches dans telle catégorie a des effets certains sur le niveau du revenu moyen de la catégorie, le rapprochant en général de la moyenne d'ensemble.

La dispersion des revenus déclarés : une stabilité d'ensemble

Pour pouvoir comparer valablement des niveaux de vie moyens par catégorie, il est utile de s'assurer d'abord que la dispersion à l'intérieur de chaque catégorie n'a pas trop varié entre 1956 et 1965.

Le tableau 2 permet cette comparaison. L'indicateur choisi est le suivant : on classe les ménages par niveau de revenu croissant. On laisse de côté 20% des ménages situés aux deux extrémités de la distribution et on mesure le rapport entre le revenu le plus élevé et le revenu le moins élevé des 80% restants. Il y a plusieurs façons de répartir ces 20% entre l'extrémité haute et l'extrémité basse : par exemple 10% pris dans les plus bas revenus et 10% dans les plus hauts, ou 20 % dans les plus bas et aucun dans les plus hauts, ou l'inverse, ou tout autre répartition intermédiaire. On convient de retenir celle de ces répartitions qui conduit au plus petit rapport. On parlera alors « du plus petit rapport comprenant 80 % des ménages ».

Que montre cet indicateur? Tout d'abord, une remarquable stabilité de la dispersion des revenus pour l'ensemble de la population : en 1956 comme en 1965 un rapport de 1 à 7 1/2 est nécessaire pour couvrir 80% des ménages. Mais cette stabilité n'est pas seulement vraie pour l'ensemble. Elle se retrouve aussi en gros pour chacune des catégories socio-professionnelles, et notamment pour les catégories les plus importantes en nombre.

Cette stabilité, enseignement essentiel des enquêtes sur les conditions de vie des ménages, qu'on recoupe d'ailleurs par d'autres travaux, s'inscrit en faux contre les affirmations contradictoires souvent avancées sur ce sujet.

Trois grands groupes

Allant dans le détail, on peut pour l'essentiel analyser la population en trois principaux groupes auxquels corres-

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pondent trois types de distribution de revenus. Ces groupes, distingués dans le tableau 2, sont :

1. Les salariés autres que les cadres supérieurs (42% des ménages en 1966, 46 % en 1965);

2. Les travailleurs indépendants (24% des ménages en 1956, 18% en 1965);

3. Les inactifs (25% des ménages en 1956, 28% en 1965); Pour chacune des catégories de salariés, un écart de reve

nus dans un rapport de 1 à 3 suffit à recouvrir 80% des ménages. Pour les indépendants, un rapport de Là 5 ou 6 est nécessaire. Pour les inactifs enfin, c'est un rapport de 1 à 10 qui parvient à regrouper 80 % des ménages.

Restent à part les «cadres supérieurs et professions libérales » intermédiaires entre les deux premiers groupes, et le « personnel de service ».

Allant au-delà de la constatation de la remarquable stabilité de la dispersion des revenus, on peut cependant noter entre 1956 et 1965 :

• un certain tassement de la distribution des revenus pour les ménages d'inactifs, dont nous verrons qu'il va de pair avec une croissance moyenne des revenus plus rapide que la moyenne générale et correspondant à un certain « rattrapage »;

TABLEAU 2. Dispersion des revenus par catégorie socioprofessionnelle tels qu'ils ont été déclarés aux enquêtes sur la consommation des ménages en 1956 et 1965.

Catégorie

9 Inactifs Travailleurs indépendants :

0 Agriculteurs exploitants 21 Industriels, gros commerçants 22 Artisans 27 Petits commerçants

Cas particuliers : 3 Cadres supérieurs

et professions libérales 70 Gens de maison 72 Autres personnels de service

Autres salariés : 4 Cadres moyens

60 Contremaîtres 61 Ouvriers 68 Manœuvres 8 Autres actifs

Ensemble

' Plus petit rapport comprenant 80 %

des ménages 1956

11

5,5 5,4 5 5

4 5 5

3 3 2.8 3 3 3,3 7,5

1965

9

5,6 4,6 5,7 5,5

4 5,7 5,9

3.5 3 2,5 2,9 3.5 3,1 7,4

Ce tableau se lit ainsi : en 1965, il fallait ouvrir l'éventail des revenus dans un rapport de 1 à 3 pour couvrir 80 % des ménages dont le chef était employé; Un tableau montrant d'autres caractéristiques des mêmes distributions est donné en annexe. La catégorie 1 « Salariés agricoles » est omise dans ce tableau. On ne dispose pas des résultats la concernant pour 1956.

• une augmentation de la dispersion pour les indépendants; • une très légère diminution de la dispersion pour les ouvriers.

Cette stabilité générale de la dispersion des revenus, outre son intérêt propre, nous permet maintenant de nous intéresser, sans scrupules exagérés, à la consommation moyenne de chaque catégorie.

2. Comment a évolué la

consommation de chaque

catégorie

Quand on calcule, sur des bases comparables, le montant de la consommation totale par ménage (valeur de l'auto- consommation comprise) tel qu'il a été observé dans les deux enquêtes de 1956 et 1965, on obtient les résultats donnés au tableau 3. On constate que les disparités de niveaux moyens mais aussi d'évolution sont notables. Mais il convient pour les interpréter d'avoir présent à l'esprit les évolutions de deux composantes de ces valeurs totales : celle des prix d'une part, de l'autoconsommation d'autre part.

L'évolution des prix pour chaque : catégorie paraît modérément divergente

La consommation totale, objet du tableau 3, est une consommation en valeur nominale, et non en termes « réels » abstraction faite de l'évolution des prix. Pour obtenir cette mesure en termes réels, il ne serait pas légitime de retenir uniformément l'indice général des prix à la consommation des ménages, en particulier parce que la pondération de cet indice ne s'applique pas séparément à chaque catégorie, dont les « paniers de provision » sont différents.

On a tenté ici de tenir compte de cette hétérogénéité. Dans chaque catégorie socio-professionnelle, on a analysé la consommation dans un détail d'environ 80 lignes. Pour chaque ligne, on a mesuré le « volume » de la consommation en utilisant l'indice partiel des prix à la consommation des ménages relatif à la ligne, tiré des Comptes de la nation.

La consommation totale de 1965 aux prix de 1956 est ainsi obtenue comme somme de consommations partielles mesurées séparément aux prix de 1956. On peut ainsi mettre en évidence un coefficient global entre la valeur et le volume de la consommation propre à chaque catégorie. Ce coefficient apparaît comme un indice de prix, établi suivant la «formule de Paasche ». Mais il faut bien comprendre que les différences entre les valeurs que prend ce coefficient pour chaque catégorie résultent uniquement de l'inégalité des pondérations des postes de consommation, de la structure différente de la consommation entre catégories. Un véritable indice de prix par catégorie socio-professionnelle tiendrait aussi compte de facteurs d'hétérogénéité propres à chaque ligne : choix des articles distincts d'une catégorie à l'autre, part différente des vêtements sur mesure par exemple ou inégale fréquentation de divers types de point de vente. Les résultats qui apparaissent dans la partie gauche du tableau 4 sont donc d'une signification limitée. On les donne à titre d'indication, parce qu'ils sont plus facilement accessibles.

NIVEAUX DE VIE 9

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On peut remarquer que : • les différences sont faibles d'une catégorie à l'autre, surtout si l'on considère que la période couverte est de neuf ans, au cours de laquelle la valeur de la consommation a doublé. Exprimés en variation annuelle les taux vont de 4,2 à 4,8%; • les différences jouent au détriment des catégories les plus aisées : — la part du budget consacrée à l'alimentation diminue quand le revenu croît. Or les prix des produits alimentaires ont augmenté au cours de la période moins que la moyenne (34% contre 47%). Cette hausse moins forte a donc profité davantage aux catégories modestes, — les prix des services ont fortement augmenté. Or ceux- ci, qu'il s'agisse de loyers, dépenses de santé, de vacances, de personnel domestique, sont le plus consommés par les catégories aisées, — l'augmentation moins forte des prix des produits industriels, plus consommés également par les catégories aisées ne compense pas l'effet précédent.

Ceci étant de l'évolution globalement divergente des prix, il est maintenant possible de passer à la consommation totale exprimée en valeur réelle, c'est-à-dire la hausse des prix étant défalquée. Celle-ci est présentée dans la partie droite du tableau 4. Mais il faut encore tenir compte d'un phénomène qui trouble la comparaison : la diminution de l'autoconsommation.

Diminution de l'autoconsommation des exploitants agricoles

Pour la plupart des catégories, l'autoconsommation est un phénomène négligeable. Elle n'est un phénomène important que pour la catégorie des exploitants agricoles. Mais même dans ce cas elle est en recul : en 1956 elle représentait 50% de la consommation alimentaire de ces ménages, en 1965 elle n'en représentait plus que 38%.

Consommation totale

dont autoconsommation alimentaire. Dépenses de consommation

1956 millions

8111 2 385 5 726

1965 de francs

14919 2 664

12 255

La croissance de la consommation totale des ménages d'exploitants agricoles apparaît avoir été plus lente que celle des autres ménages: 7,0% contre 8,4% en valeur (tableau 3), 2,6% contre 3,8% en volume (tableau 4). Mais si on s'en tient aux seules « dépenses » de consommation, mesurées en termes réels, elles ont crû au taux annuel moyen de 4,4 % par an. On peut rapprocher ce résultat de la croissance du revenu médian déclaré par les ménages d'exploitants agricoles qui par rapport à 1956 est en 1965 à l'indice 224, identique à celui obtenu pour l'ensemble des ménages (222). On peut donc avancer qu'à croissance de revenu équivalente, la croissance de la consommation des exploitants agricoles est diminuée par la part affectée à compenser le recul de l'autoconsommation.

Pour être complet, il faut également signaler qu'à la différence des autres catégories, le nombre moyen de personnes par ménages a diminué chez les exploitants agricoles, passant de 3,97 à 3,82, alors que pour l'ensemble de la population

on observe entre les deux enquêtes une légère croissance de 3,08 à 3,12. Ce phénomène correspond au vieillissement moyen de la catégorie. Mais mesurée par personne, il reste que la croissance de la consommation totale, y compris l'autoconsommation, est plus faible pour les exploitants agricoles (3,1 % par personne et par an) que pour l'ensemble de la population (3,8%).

Consommation totale : rattrapage pour les inactifs

Les exploitants agricoles ne sont pas les seuls dont la consommation totale a crû moins que la moyenne. Les artisans et petits commerçants sont également dans ce cas (cf. tableau 4). Sans que l'on puisse avancer des résultats tout à fait significatifs, il semble qu'à l'intérieur de ce groupe, un décalage se soit fait en faveur des artisans, dont le niveau de consommation évolue plus favorablement que celui des petits commerçants.

On rapprochera ces résultats du tableau 1, où il apparaissait que le nombre des petits commerçants a diminué de 27 % de 1956 à 1965, de même que celui des exploitants agricoles a diminué de 20 %. Il est sans doute significatif que cette diminution de la population touche deux catégories pour lesquelles la croissance de la consommation totale a été inférieure à la moyenne.

Parmi les salariés, le résultat le plus marquant concerne la croissance moins rapide de la consommation des catégories aux revenus moyens extrêmes : cadres supérieurs d'une part, manœuvres d'autre part.

Il est possible que la moindre croissance de la consommation totale de la moyenne des cadres supérieurs soit imputable, mais pour partie seulement, à un élargissement de cette catégorie, dont l'effectif a crû considérablement, de 441 000 ménages en 1956 à 680 000 ménages en 1965. Il y a là un effet quasi mécanique, quand s'élargit une catégorie extrême.

Enfin, un dernier résultat important est la croissance plus rapide que la moyenne pour les ménages dont le chef est inactif (4,9 % en termes réels par ménage et par an, contre 3,8 % pour l'ensemble). Il faut expliquer ce résultat par la croissance du pourcentage des bénéficiaires des diverses lois sociales en matière de retraite et pensions. En même temps le nombre de ces ménages a beaucoup crû de 1956 à 1965 (+26 %).

Il s'agit en fait d'un rattrapage : le niveau moyen de consommation par unité de consommation était en 1956 inférieur de 19 % à la moyenne France entière. En termes réels comparables, le décalage n'était plus que de 12 % en 1965, mais avec une structure de dépenses dont nous verrons plus loin qu'elle est sensiblement différente. Ceci n'est pas pour étonner, car les ménages inactifs, composés pour le plus grand nombre de personnes âgées, ont des besoins différents de ceux du reste de la population.

Ces deux phénomènes, moindre croissance pour les cadres supérieurs, rattrapage pour les inactifs, vont dans le sens d'une fermeture de l'éventail des revenus. Il convient de noter qu'au contraire deux catégories, il est vrai relativement peu nombreuses, déjà défavorisées en 1956 se sont encore davantage éloignées de la moyenne : les manœuvres et les gens de maison. Ceci ne surprend qu'à moitié, si on se rappelle que de 1956 à 1965 les bas salaires, et singulièrement le S.M.I. G., ont moins augmenté que le salaire moyen. Les accords consécutifs aux négociations de Grenelle ont en 1968 corrigé dans une certaine mesure cet effet.

10

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TABLEAU 3. Valeur de la consommation totale observée (en NF par ménage et par an)

Catégories 1956 1965 1965/1956 (1956 = 100)

Taux moyen annuel

0/ /o

Exploitants agricoles Salariés agricoles Industriels, gros commerçants Artisans et petits commerçants Cadres supérieurs et professions libérales. Cadres moyens Employés Contremaîtres Ouvriers Manœuvres Gens de maison Autre personnel de service Autres actifs Inactifs

8111 5 484

1 3 823* 9122

17 254' 11 487 8 261

10 234 8 009 6 843 3 637 6 363 9 440 4 396

14 919 11 384 22 260* 17 534 32 593 23 876 17 718 22 028 16135 12917 7 326

12383 20 530 9 919

184 208 161* 192 189 208 214 215 202 189 201 195 218 226

7,0 8,5 5,4* 7,5 7,3 8,5 8,8 8,9 8,1 7.3 8.1 7,7 9,1 9,5

Ensemble 7 608 15 741 207 8,4

* non statistiquement significatif. Note. — Les résultats présentés ici diffèrent légèrement de ceux publiés lors des comptes rendus qui ont été faits de chacune de ces enquêtes; ceci résulte de la nécessité qui s'imposait de rendre les deux mesures faites en 1956 et 1965 rigoureusement comparables quant à leur contenu.

TABLEAU 4. Évolution globale des prix par catégorie (1956-1965) et consommation totale, à prix constants (1956), par catégorie

Catégories

Coefficient de correction des prix

1965/1956 (1956 = 100)

Croissance annuelle moyenne

0/ /o

Consommation totale en valeur réelle par ménage

1965/1956 (1956 = 100)

Croissance annuelle moyenne

Exploitants agricoles Salariés agricoles Industriels et gros commerçants Artisans et petits commerçants 2 Cadres supérieurs et professions libérales Cadres moyens Employés Contremaîtres Ouvriers Manœuvres Gens de maison Autre personnel de service Autres actifs Inactifs

Ensemble

146,3 144,7 ns1

147.5 152,0 149,0 148,2 145,7 146,3- 146,2 148,5 148,4 146,1 146,7

146,9

4,3 4,2 n s 4.4 4,8 4,5 4,5 4,3 4,3 4,3 4,5 4,5 4,3 4,4

4,4

125,7 143,5

n s 130,3 124,3 139,0 144,3 147,3 137,4 128,9 135,3 131,0 148,8 153,5

140,5

2,6 4,1 n s 3,0 2,5 3,7 4,2 4.4 3,6 2,9 3,4 3,1 4,5 4,9

3,8

1. n.s. : non significatif. 2. Par rapport au tableau 1, ces deux catégories ont été confondues.

NIVEAUX DE VIE 11

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Ces observations sur l'ouverture ou la fermeture de l'éventail des revenus, quand on considère séparément chaque catégorie, ne doivent pas faire oublier le résultat d'ensemble noté plus haut, qui est la stabilité de la dispersion d'ensemble. Les modifications de l'importance numérique des catégories affectent les revenus moyens autant que les mouvements de revenus eux-mêmes.

3. Les catégories sociales

devant les différents postes

de la consommation

Une analyse de l'évolution des niveaux de vie ne saurait se borner à la seule considération des disparités entre les rythmes d'évolution de la consommation totale, fussent-ils exprimés en termes réels, des différentes catégories socio

professionnelles. Il convient d'entrer dans le détail d'une analyse par

fonctions. On pourra mettre en évidence des différences de comportements des diverses catégories socio-professionnelles dans ■ la - satisfaction relative de leurs principaux besoins : alimentation, habillement, santé, logement, culture, loisirs, distractions... Ainsi pourra-t-on constater par l'exemple des différences dans l'évolution des modes de vie, des conditions de vie.

L'analyse présentée ici est, bien entendu, partielle car elle repose sur la seule comparaison des résultats des enquêtes de consommation de 1956 et 1965. On- pourra cependant, en plusieurs occasions, dépasser le strict cadre de la consommation.

Enfin, dans ce qui constitue une première étude, l'analyse ne sera menée qu'en termes de fonctions traditionnelles : alimentation, habillement, santé, logement..., encore que le développement des enquêtes récentes sur les loisirs, sur les budgets-temps, ouvre la voie pour le futur à de nouvelles analyses.

Saturation progressive de la demande alimentaire

L'alimentation représente encore le poste de loin le plus important du budget des ménages. Mais on constate dans le tableau 5 que l'importance des dépenses alimentaires, du moins lorsqu'on les exprime par unité de consommation 3, varie relativement peu d'une catégorie socioprofessionnelle à l'autre. Le fait que les coefficients budgétaires varient encore beaucoup d'une catégorie à l'autre est donc pour l'essentiel imputable aux différences importantes dans le montant des dépenses non-alimentaires.

De 1956 à 1965, dans toutes les catégories socio-professionnelles, le coefficient budgétaire de l'alimentation (dépenses et autoconsommation) a décru sensiblement, c'est-à-dire que la croissance de l'alimentation a été sensiblement moins rapide que celle des autres postes de la consommation totale.

Cette constatation correspond à une saturation progressive de la demande alimentaire à mesure que le niveau de vie s'élève. L'élasticité de la demande est progressivement décroissante, et sa valeur en 1965 était de l'ordre de 0,4.

On peut observer sur le graphique I que l'ensemble des évolutions de comportement des différentes catégories socio-professionnelles s'inscrit bien dans le cadre de ce « modèle » unique de consommation, les différences constatées pouvant résulter simplement de la relative imprécision de la mesure de l'évolution à travers la comparaison des résultats de deux enquêtes par sondage.

Le seul écart véritablement significatif est celui observé pour les exploitants agricoles, avec un niveau de consommation nettement supérieur, et une croissance au cours du temps à un rythme moins élevé. De la même manière, et

L'ELASTICITE L'analyse des différentes fonctions de la consommation est ici menée en utilisant la notion courante d' « élasticité » ou plus exactement d'élasticité par rapport à la consommation totale 1. On appelle ainsi le rapport entre l'accroissement relatif de la consommation totale et celui de la consommation considérée. Pour l'alimentation l'élasticité est inférieure à 1 et voisine de 0,4 : à une croissance de 1 % de la consommation totale correspond une croissance de 0,4 % seulement de la consommation alimentaire. Au contraire, pour les biens d'équipement du foyer, elle est supérieure à 1, de l'ordre de 3 : à une croissance de 1 % de la consommation totale correspond une croissance triple, de 3 %, de la consommation de biens d'équipements. L'élasticité se mesure de deux façons. Ou bien, dans une enquête donnée, on étudie comment varie la consommation de tel bien quand on passe d'une catégorie de revenus à celle immédiatement supérieure; on parle alors d'élasticité statique. — Ou bien, d'une enquête à l'autre, on étudie comment a varié la consommation de ce bien pour une catégorie donnée de la population; - on parle alors d'élasticité dynamique (ou temporelle). // est quelquefois nécessaire d'introduire d'autres variables explicatives que la consommation totale, notamment la variation des prix relatifs. Mais ce calcul de l'élasticité par rapport à la consommation totale reste toujours formellement possible. On parlera alors d'élasticité apparente.

1. On pourrait utiliser aussi l'élasticité par rapport au revenu.

LECTURE DES GRAPHIQUES I, II, III, V, VI Sur ces graphiques, chaque segment est relatif à une catégorie socio-professionnelle repérée par son numéro de code. L'extrémité de gauche du segment représente la situation de 1956, celle de droite la situation de 1965. En abcisses on porte la consommation totale (par unité de consommation), en ordonnées la consommation partielle considérée. Les échelles étant logarithmiques, la pente du segment représente l'élasticité de la consommation partielle par rapport à la consommation totale (voir l'encadré ci-dessus).

Exploitants agricoles 0 Salariés agricoles 1

Industriels, gros commerçants 20 Artisans 26

Petits commerçants 27 Cadres supérieurs (et professions libérales) 3

Cadres moyens 4 Employés 5

Contremaîtres 60 Ouvriers qualifiés 61

Manœuvres 68 Gens de maison 70

Autres personnels de service 72 Autres actifs 8

Non-actifs 9

3. L'ampleur des besoins alimentaires d'un ménage dépend évidemment du nombre et de l'âge des personnes qui le composent; aussi convient-on, pour comparer les budgets alimentaires de ménages de composition différente, d'utiliser une échelle d'équivalence; la plus fréquente convient de compter le premier adulte du ménage pour 1, les autres adultes pour 0,7 et les enfants de moins d 14 ans pour 0,5.

12

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TABLEAU 5. Consommation alimentaire totale (Achats + Autoconsommation)

Montant 1

1956 1965

Coefficient budgétaire

1956 1965

Exploitants agricoles Salariés agricoles Industriels et gros commerçants. Artisans Petits commerçants Cadres et professions libérales.., Cadres moyens Employés Contremaîtres Ouvriers Manœuvres Gens de maison Autres personnels de service... Autres actifs Inactifs

1 615 1224 1 756 1 472' 1 682 1 837 1 687 1 553 1736 1 510 1 352 1 204 1 471 1 508 1 335

2 404 1 897 2 674 2 552 2 502 2 951 2 552 2 541 2 660 2 384 2177 1 969 2195 2 370 2 369

60,0 59,5 35,4 46,7 40,4 28,5 36,7 44,4 44,6 50,3 53,6 48,2 47,1 41,2 51,9

46,7 47,8 33,6 38,6 36,8 24,6 27,6 33,9 33,9 40,6 46,0 41,9 37,8 31,7 42,0

Ensemble 1500 2 430 47,3 37,3

1. En NF courants par unité de consommation et par an. 2. En % du budget total de consommation observé à l'enquête.

GRAPHIQUE !. Évolution du volume des dépenses de consommation alimentaire (achat et autoconsommation) en fonction de la consommation totale dans chaque C.S.P.

5 6 7 8 Consommation annuelle totale (en F 1956 par U.C.)

NIVEAUX DE VIE 13

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sans doute en raison des exigences d'un travail physique, le niveau de consommation alimentaire des ouvriers et contremaîtres reste supérieur à celui des employés et cadres moyens.

Les dépenses d'habillement dépendent largement de la catégorie sociale

Les dépenses d'habillement sont à l'évidence un domaine où le comportement est fortement influencé par la situation sociale et non seulement par le simple besoin de se vêtir.

De fait des différences significatives peuvent être observées dans les évolutions des dépenses d'habillement des différentes catégories socio-professionnelles (graphique II) :

• croissance très rapide pour les catégories où le niveau de dépenses était le plus faible en 1956 : agriculteurs exploitants, salariés agricoles, personnel de service. L'élasticité apparente4 est supérieure à 1,7, ce qui correspond à un rattrapage; • chez les inactifs, le niveau de la dépense reste relativement bas (sans doute moindres besoins de renouvellement de la garde-robe chez les personnes âgées) mais le rythme de croissance est parallèle à celui de l'ensemble de la population : l'élasticité apparente4 est de 1,2; • chez les salariés, on constate une hiérarchie des élasticités qui est la suivante : — cadres supérieurs, de l'ordre de 1,4; — employés, de l'ordre de 1,1 ; — cadres moyens, de l'ordre de 1,0; — ouvriers, légèrement inférieure à 1.

On rencontre donc, indépendamment de l'influence spécifique des différences de pouvoir d'achat, des différences de comportement qui correspondent à des motivations sociales différentes.

La dépense consacrée au logement est faussée par le manque d'unité du marché

Sur le plan économique, le logement et la valeur des biens d'équipement du foyer représentent, semble-t-il, près des deux tiers du patrimoine détenu par l'ensemble des ménages, le reste comprenant pour l'essentiel les placements monétaires et financiers 5. Actuellement, l'épargne que les ménages investissent dans l'acquisition de logements neufs représente un peu plus de la moitié de leur épargne totale. Entre 1 956 et 1 965, l'accession à la propriété s'est considérablement développée. En 1965, 11,5% des ménages accédaient à la propriété de leur logement, contre 2% environ en 1956.

Sur le plan des dépenses, l'hétérogénéité du marché du logement en France impose à des ménages disposant de ressources égales des efforts très différents pour des logements comparables et modifie ainsi leur revenu disponible pour les autres dépenses. La structure de leur budget en est notablement affectée.

1. Le logement et son équipement.

A mesure que les années passent, les ménages propriétaires de leur logement deviennent de plus en plus

breux dans toutes les catégories socio-professionnelles (tableau 6).

C'est chez les salariés que l'évolution vers la propriété du logement est la plus accentuée et ce à tous les niveaux de revenus; chez les indépendants non agricoles, elle est également répandue. A l'inverse la croissance de la proportion de propriétaires est faible parmi les exploitants agricoles et les inactifs, mais il est vrai que cette proportion était déjà importante dès 1956.

L'étude des conditions de logement des Français a fait l'objet, à travers les enquêtes spécialisées sur le logement, de nombreuses études qui permettent de retracer l'évolution dans le temps de la répartition des logements entre les différentes catégories socio-professionnelles selon leur taille, leur confort et leur degré de peuplement.

Les enquêtes sur les conditions de vie des ménages permettent de mettre de surcroît en évidence la diffusion très rapide dans toutes les catégories socio-professionnelles des biens d'équipement du foyer; celle-ci est surtout marquée pour les biens durables ménagers et électroménagers et l'équipement du logement. On note cependant dans ce domaine une différence sensible entre le chauffage central et le téléphone d'une part encore très inégalement répartis, et les appareils électroménagers (réfrigérateurs, machine à laver, aspirateurs) d'autre part très largement diffusés dans l'ensemble des catégories.

2. Les loyers et charges payés par les locataires.

Dans chaque catégorie socio-professionnelle, la dépense moyenne de loyers et charges des locataires a été rapportée aux seuls ménages locataires.

Pour l'ensemble des ménages locataires et sous-locataires, la dépense annuelle de loyers et charges (non compris le chauffage collectif) s'élevait en 1965 à 1 393 francs, alors qu'elle ne s'élevait en 1956 qu'à 392 francs (soit 116 francs par mois, à comparer à 33 francs en 1956). Alors que la dépense totale de consommation par ménage a été multipliée par 2, la valeur unitaire des loyers a été multipliée par 3,5.

Les différences de loyers enregistrées dans le tableau 7 traduisent les disparités dans les conditions de logement des ménages des différentes catégories. Il convient de mettre à part les agriculteurs exploitants, pour lesquels il est souvent difficile de séparer le loyer de l'habitation de celui de l'exploitation.

Si l'on prend en considération le manque évident d'unité du marché du logement, les disparités que l'on peut constater dans l'évolution des loyers moyens payés par les différentes catégories paraîtront relativement peu importantes en regard des très grandes disparités de loyers suivant le secteur de location et la localisation.

4. On parle ici d'élasticité apparente, parce que le niveau de la consommation totale n'est pas la seule variable expliquant ce phénomène; il faudrait faire aussi intervenir le mouvement des prix relatifs. 5. Les enquêtes sur les budgets de famille fournissent de nombreuses indications sur les conditions de logement des Français : confort, statut d'occupation, ainsi que sur les loyers et charges des locataires. Par contre, les achats de logements, les versements des accédants à la propriété et leur endettement sont considérés comme opérations de capital et non comme dépenses de consommation; il n'a pas été possible de les étudier ici. On n'a pas procédé non plus à une évaluation des loyers fictifs et représentatifs de la valeur du service rendu aux ménages propriétaires par le logement qu'ils occupent. En l'absence d'un marché du logement, les différents secteurs de l'habitat — logement ancien, logement social, logement neuf du secteur libre — étant séparés une telle évaluation est très difficile, car même dans le secteur locatif les valeurs relatives des loyers payés ne sont pas représentatives des valeurs effectives des services rendus par les logements. 14

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TABLEAU 6. Répartition des statuts d'occupation en 1956 et 1965 (Le total horizontal des trois pourcentages relatifs à chaque date est 100)

Catégories Locataires

1956 1965

Propriétaires et accédants

à la propriété

1956 1965

Logés gratuitement et divers

1956 1965

Agriculteurs exploitants Salariés agricoles Industriels, gros commerçants Artisans Petits commerçants Cadres supérieurs et professions libérales. . . . Cadres moyens Employés Contremaîtres Ouvriers Manœuvres Gens de maison Autre personne! de service Autres actifs Inactifs

24,7 39,6 45,3 45,9 55,2 58,2 59,6 67,4 61,3 63,1 67,2 74,9 59,7 56,6 38,5

24,3 28,0 29,1 34,5 39,3 39,7 48,3 54,8 46,0 54,9 55,3 74,0 53,5 50,2 35,4

65,6 28,4 48,6 47,7 38,2 29.3 18,0 21,6 27,0 23,1 21,2 13,1 10,7 15,0 47,7

70,2 37.4 65,2 60,5 56,0 49,0 36,4 31,4 43,2 31,8 35,1 21,0 25,9 22,4 51,9

9,7 32,0 6,1 6,4 6,6

12,5 22,4 11,0 11,7 13,8 11,6 12,0 29,6 28,4 13,8

5,5 34,6 5,7 5,0 4,7

11,3 15,3 13,8 10,8 13,3 9,6 5,0

20,6 27,4 12,7

Ensemble 49,9 43,3 36,4 44,31 13,7 12,4

1. Ces 44,3 % en 1965 se divisent en 33 % propriétaires et 11,3 % accédants à la propriété.

TABLEAU 7. Loyer annuel par locataire (en francs courants).

Exploitants agricoles Salariés agricoles Industriels, gros commerçants Artisans Petits commerçants Cadres supérieurs

et professions libérales. . . . Cadres moyens Employés Contremaîtres Ouvriers Manoeuvres Gens de maison Autre personnel de service.. Autres actifs Inactifs

Ensemble

1956

1 144 195 800 417 625

705 441 351 306 273 262 196 303' 456 258 392

1965

2 669 603

2101 1 396 2168

2 945 1 894 1 398 1 439 1135

825 645

1583 2 026

975 1393

1965/1956

2,34 3,09 2,62 3,34 3,47

4,17 4,28 3,98 4.70 4,16 3,15 3,29 5,24 4,44 3.78 3,55

3. Autres dépenses d'habitation. L'évolution entre 1956 et 1965 des autres dépenses d'habi

tation (équipement du foyer, consommation d'énergie, produits d'entretien) apparaît avoir été dans chaque catégorie socio-professionnelle commandée essentiellement par la progression du budget total de consommation, suivant un modèle de consommation commun, avec une élasticité par

rapport au budget total qui est constante : de l'ordre de 3 pour les achats de biens d'équipement du foyer (graphique III) de l'ordre de 1,1 pour l'ensemble des dépenses d'habitation autres que les loyers.

Les disparités entre catégories socio-professionnelles ne se sont donc modifiées que dans la mesure où la croissance du pouvoir d'achat global a été différente.

Abstraction faite de l'influence des différences de revenus, on observe que le niveau des dépenses courantes d'habitation reste, pour la population agricole, inférieur à ce qu'il est pour les autres catégories socio-professionnelles, un léger rattrapage semblant toutefois s'effectuer pour les agriculteurs exploitants.

Dépenses de santé : la catégorie socio-professionnelle influe plus que le revenu

Les dépenses de santé (honoraires de médecins, dentistes, produits pharmaceutiques, lunetterie, orthopédie), d'un montant moyen en 1965 de 820 francs par ménage, représentaient alors environ 5 % de la consommation totale. Ce chiffre ne prend pas en compte les dépenses dans les hôpitaux ou cliniques, non plus que celles passibles du «tiers payant » et les remboursements de Sécurité sociale n'étant pas déduits.

Les disparités entre catégories socio-professionnelles restent importantes, et le revenu semble exercer moins d'influence sur le montant des dépenses que la catégorie socio-professionnelle ce qui traduirait donc l'action prépondérante de facteurs culturels.

NIVEAUX DE VIE 15

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GRAPHIQUE II. Évolution du volume des dépenses d'habiHcment en fonction de la consommation totale dans chaque C.S.P.

5 6 7 Consommation totale par U.C. (en F 19S6 )

LECTURE DES GRAPHIQUES I, II, III, V, VI Sur ces graphiques, chaque segment est relatif à une catégorie socio-professionnelle repérée par son numéro de code. L'extrémité de gauche du segment représente la situation de 1956, celle de droite la situation de 1965. En abcisses on porte la consommation totale (par unité de consommation), en ordonnées la consommation partielle considérée. Les échelles étant logarithmiques, la pente du segment représente l'élasticité de la consommation partielle par rapport à la consommation totale (voir l'encadré p. 12).

Exploitants agricoles. Salariés agricoles.

0 Industriels, gros commerçants. 6 Artisans. . 7 Petits commerçants.

Cadres supérieurs (et professions libérales). Cadres moyens. Employés.

60 Contremaîtres. 61 Ouvriers qualifiés. 68 Manœuvres. 70 Gens de maison. 72 Autres personnels de service. 8 Autres actifs. 9 Non-actifs.

16

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1965 : Dépense de santé par personne suivant la catégorie sociale du chef de ménage (en F par personne) :

Agriculteurs exploitants 152 Salariés agricoles 1 64 Professions indépendantes 250 Cadres supérieurs 433 Cadres moyens 327 Employés 279 Ouvriers 198 Inactifs 373 Ensemble 263

C'est pour les inactifs — qui sont souvent des personnes âgées — que la part de ces dépenses dans le budget familial est la plus élevée. Elle est la plus faible pour les agriculteurs exploitants, dont l'accession à la Sécurité sociale est récente.

Malheureusement, la difficulté de la mesure précise des dépenses de santé dans les enquêtes générales sur les budgets de famille, l'hétérogénéité des méthodes de collecte

GRAPHIQUE III Évolution du volume des dépenses d'équipement du logement en fonction de la consommation totale dans chaque C.S.P.

10

1 6 1 4

1 2

1 0,9 0,8 0,7

0,6

0.5

70. Il ! I

il

H II

/ 60// /

II 6i/ jrv/K

tuw m

7

Ai / i /

i

I

! 1

i

/

-

4 5 6 7 8 9 10 Consommation totale par U.C. en FJ955

9 671057 5

des données en 1956 et 1965 rend impossible une appréciation correcte des disparités d'évolution entre catégories socio-professionnelles. Une comparaison avec les enquêtes spécialisées sur les dépenses de santé de 1960 et 1966 semble mettre en évidence les résultats qualitatifs suivants x — croissance très rapide chez les agriculteurs; — croissance rapide chez les inactifs (personnes âgées), les indépendants et les cadres supérieurs; — croissance un peu moins rapide chez la majorité des salariés (cadres moyens, employés, ouvriers et personnel de service).

Dans quelle mesure faut-il voir dans ces disparités l'influence d'une prise en compte, à une date différente, des dépenses médicales par la Sécurité sociale, ou l'influence d'une prise de conscience par de nouvelles couches de la société d'exigences croissantes en matière de santé? La question reste ouverte.

La diffusion généralisée de l'automobile

Dans le domaine des transports, la caractéristique essentielle de l'évolution survenue depuis 1956 est la diffusion de l'automobile : en 1956, 19,5% des ménages possédaient une voiture, en 1965 la proportion était de 45 % et à la fin de 1968 elle atteint 54%. Les dépenses liées à l'automobile (achat et utilisation) représentent maintenant près de 85 % des dépenses de transport et communications des ménages.

Dans toutes les catégories socio-professionnelles, le rythme de la diffusion de l'automobile a été rapide et on sait qu'il ne peut s'expliquer que partiellement par la seule croissance du pouvoir «Rachat.

Il est nécessaire, pour proc^er à la comparaison entre catégories socio professionnelle *. de tenir compte de ce que le rythme relatif de diffusion de l'automobile est fonction de la proportion des ménages qui restent à équiper, et donc du niveau d'équipement déjà atteint. Le niveau d'équipement des cadres supérieurs, qui est à présent de 88%, ne peut plus guère croître, alors que celui des salariés agricoles, qui n'atteint pas encore 50%, croît encore rapidement (il n'était que de 7 % en 1956).

Le graphique IV, construit sur une échelle logistique (voir l'encadré ci-après) met en évidence les différences constatées, tant en niveau qu'en rythme d'équipement des différentes catégories socio-professionnelles. Parmi les salariés la pente est d'autant plus forte, c'est-à-dire le processus logistique est d'autant plus rapide, que le niveau absolu est bas. Mais les « autres actifs » ont une vitesse d'équipement plus rapide que ne le laisserait prévoir leur taux de départ, les inactifs au contraire s'équipent plus lentement. Dans cette analyse, le niveau de revenu ne joue qu'un rôle indirect, les catégories les moins favorisées paraissant lancées dans une poursuite des plus favorisées.

Ce phénomène de rattrapage apparaît également dans la confrontation de l'évolution des dépenses globales de transport avec celle de la consommation totale (graphique V). L'élasticité temporelle de la demande est de l'ordre de 4 pour les catégories dont le niveau de consommation totale est le plus faible; elle diminue progressivement lorsqu'on s'élève dans la hiérarchie des revenus pour n'être que de l'ordre de 2 pour les cadres supérieurs.

NIVEAUX DE VIE 1 2

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LA LOI LOGISTIQUE Lorsqu'on analyse la diffusion d'un bien dans la population, on constate que la proportion de ménages qui s'équipent de ce bien croit de 0 % jusqu'à un niveau dit « de saturation », qui peut être de 100 % ou inférieur à 100 %. Le rythme de diffusion est généralement lent au début, puis s'accélère. Il se ralentira à mesure que l'on se rapprochera de la limite de saturations Si l'on veut comparer des rythmes de diffusion d'équipement, il faut donc se situer sur le processus de diffusion et, avant tout, caractériser le processus lui-même. L'expérience montre que, dans la plupart des cas, il est du type simple suivant (qui a reçu le nom de « processus logistique ») : le rythme de croissance de la proportion des ménages équipés est fonction à la fois de cette proportion et de ce//e des ménages restant à équiper. Ce que l'on traduit mathématiquement ainsi :

k caractérise le rythme de diffusion, a le niveau de saturation (souvent 100 %) et P la proportion des ménages équipés. La courbe logistique présente l'aspect en S ci-contre où apparaissent les trois phases de décollage, développement, saturation.

Taux d'équipement 100 %

75%

50%

25 %

Années > Les courbes obtenues pour des valeurs différentes de k correspondent à des processus plus ou moins rapides. Les graphiques IV et Vil sont présentés sur une « échelle » logistique construite de telle façon que le développement logistique se traduise par une droite. Dans de tels graphiques les segments parallèles correspondent à des phases plus ou moins avancées d'un processus logistique de même rapidité. La pente augmente quand cette rapidité du processus augmente.

GRAPHIQUE IV. Proportion en % de ménages équipés d'une automobile

95 r-

90

80

70

60 •5" •52 Si o -Si chel

50

40

30

/ 2 8 0

20

10

3 .Cadres supérieurs

U _ Cadres moyens 8- Autres actifs 2 -Indépendants

0 .Agriculteurs 5. Employés

/ 6. Ouvriers ENSEMBLE

1 - Salariés agricoles

7 -Personnel de service

9 _ Inactifr

I I f I 11 I I I I 1956.1957 1958 1959 ',1960 1961 '1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968

18

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GRAPHIQUE V Évolution du volume des dépenses de transport en fonction de la consommation totale dans chaque C.S.P.

10 9

2 4

: 2 1 1.8

■a> Q 1,6

1.4

1.0 0,9 0,8 0,7

0,6

0.5

/1

/ /

22

/nJ

il If*

/ /4/ / m \ n \ il \ I / / / / /

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1

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> / s

4 5 6 7 8 9 10 Consommation totale par U C en F 1956

LECTURE DES GRAPHIQUES I, II, III, V, VI Sur ces graphiques, chaque segment est relatif à une catégorie socio-professionnelle repérée par son numéro de code. L'extrémité de gauche du segment représente la situation de 1956, celle de droite la situation de 1965. En abcisses on porte la consommation totale (par unité de consommation), en ordonnées la consommation partielle considérée. Les échelles étant logarithmiques, la pente du segment représente l'élasticité de la consommation partielle par rapport à la consommation totale (voir l'encadré p. 12). 0 Exploitants agricoles. 1 Salariés agricoles. 20 Industriels, gros commerçants. 26 Artisans. 27 Petits commerçants. 3 Cadres supérieurs (et professions libérales). 4 Cadres moyens. 5 Employés. 60 Contremaîtres. 61 Ouvriers qualifiés. 68 Manœuvres. 70 Gens de maison. 72 Autres personnels de service. 8 Autres actifs. 9 Non-actifs.

Un point important doit être souligné : le kilométrage moyen parcouru par une automobile n'a pratiquement pas varié, bien que le nombre des automobiles dont disposent les ménages ait été multiplié par 3 depuis 1956. Il était de 10 400 kilomètres par an en 1955-1956, il était descendu à 9 300 kilomètres en 1959; depuis il croît d'environ 1 % par voiture et par an, pour atteindre 10150 en 1965.

On ne peut mettre en évidence de différence significative dans l'évolution du kilométrage parcouru par voiture dans chaque catégorie socio-professionnelle.

La télévision bouleverse l'emploi du temps

Le même effort de rattrapage peut être observé pour ce qui est des dépenses de culture, loisirs et distractions : croissance très rapide des dépenses parmi les catégories sociales les moins favorisées, croissance à un rythme de moins en moins rapide à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie des revenus l'élasticité par rapport à la consommation totale décroît de 3 à 1,5 (graphique VI).

GRAPHIQUE VI Évolution des dépenses de culture, loisirs, distractions en fonction de la consommation totale dans chaque C.5.P.

2 1,8 1,6

1,2

1, 0,9 0,8 0,7

04

0,3

0.2

0,1

6b/

/ /

f (

t

// 7 //60 / // fA f

K V

v

5 6 7 8 9 10 Consommation totale por UC.enF 195S

NIVEAUX DE HE 19 2.

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Cependant l'analyse de cette importante et complexe question des comportements de loisirs ne peut être abordée que de manière très imparfaite à travers l'observation des dépenses qu'ils entraînent. Au. cours de ces dernières années, l'I.N.S.E.E. a lancé des enquêtes de portée plus générale sur les « budgets-temps », les loisirs, mais ces enquêtes- trop récentes ne permettent pas de tracer de rétrospective.

On peut cependant souligner deux évolutions importantes qui concernent la télévision et les départs en vacances. La télévision s'est diffusée massivement : fin 1954, 1 % des ménages était équipé, aujourd'hui ce sont pratiquement les 2/3 de la population.

Si l'on met à part la population agricole, les inactifs et fe personnel de service, toutes les autres catégories de la population - sont actuellement équipées à environ 70% avec de très faibles différences dans les niveaux d'équipement des. différentes catégories- socio-professionnelles.

Les premières enquêtes sur les budgets-temps semblent montrer qu'en moyenne le téléspectateur passe chaque semaine près de dix-neuf heures devant son récepteur de télévision, dont douze heures d'« écoute intensive ».

Dans l'utilisation du temps libre quotidien, il s'agit donc d'un véritable bouleversement.

Les durées d'écoute sont, semble-t-il, plus importantes chez les ouvriers et les employés que chez les cadres moyens et surtout les cadres supérieurs.

Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'on observe, de manière quasiment uniforme dans toutes les catégories socio-professionnelles, une stagnation du volume des achats de journaux, revues, livres. La croissance observée pour l'ensemble de la population est pour l'essentiel imputable à une modification de la répartition de la population entre des catégories dont les niveaux de dépenses sont très différents : le volume des achats des cadres est plus du triple du volume moyen.

De la même manière, et sans doute pour les mêmes raisons, on observe un recul uniforme de la fréquentation des spectacles.

TABLEAU 8. Les vacances des Français. — Taux de départ annuel des adultes (et nombre de jours pris).

Agriculteurs Salariés agricoles Indépendants Cadres supérieurs

et professions libérales Cadres moyens Employés Ouvriers Personnel de service Autres actifs Inactifs

Ensemble

1958

% 0) 7 (11)

10 (12) 39 (21)

82 (32) 67 (26) 51 (22) 31 (21) 25 (21) 43 (31) 20 (30) 31 (24)

1961

% 0) 8 (12) 8 (16)

42 (22)

87 (36) 71 (28) 56 (24) 38 (22) 46 (22) 60 (26) 25 (31) 37,5 (25)

1964

% G) 9 (15)

15 (19) 46 (23)

84 (37) 73 (31) 62 (25) 43 (23) 46 (24) 66 (26) 31 (34) 41,5(27,5)

Le sondage dont est extrait ce tableau moins étendu que les enquêtes sur la consommation, utilise une nomenclature en dix catégories un peu moins fine que celles utilisées dans les premiers tableaux.

Taux de départ en vacances encore très différencié

Enfin les enquêtes disponibles permettent de suivre l'évolution des départs en vacances depuis dix ans.

Actuellement, moins de la moitié de la population part en vacances, et la croissance du taux de départ en vacances reste lente.

De fait, les taux de départ en vacances restent très différenciés d'une catégorie socio-professionnelle à l'autre (tableau 8) : 9 cadres supérieurs sur 10, 1 ouvrier sur 2, 1 inactif sur 3 et 1 exploitant agricole sur 10 6.

La croissance des taux de départ en vacances s'effectue suivant un processus pratiquement identique dans toutes les catégories de salariés (graphique VII); le rythme de croissance des départs est moins rapide parmi les indépendants et dans la population agricole, il est plus rapide parmi les inactifs.

6. Ces rapports s'entendent pour les adultes de plus de 14 ans. L'appartenance à une catégorie socio-professionnelle est définie par celle du chef de ménage.

GRAPHIQUE VII Taux de départ en vacances (adultes seulement)

% 95i-

90

70 60 50 40 30

20

10

Cadres supérieurs

Cadres moyens

Indépendants Ouvriers ENSEMBLE

Salariés agricoles Exploitants agricoles

1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966-

• CONCLUSION On aura pu regretter tout au long de cet article que la

comparaison soit faite entre 1956 et une année déjà éloignée, 1965. L'important toutefois est qu'elle ait pu être faite. Avec l'enquête permanente sur les budgets de famille, l'instrument est désormais en place pour la prolonger dans le temps.

C'est en effet depuis quelques années seulement que l'investigation statistique dans le domaine des conditions de vie des Français a pu se développer.

20

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L'étude qui vient d'être présentée retrace, pour la première fois, comment ont évolué en une dizaine d'années la consommation et le comportement des différentes catégories de consommateurs.

L'impression qui se dégage de l'ensemble des résultats des analyses qui ont été faites est plutôt, en dépit de différences substantielles observées ici et là (habillement, santé), celle d'une grande homogénéité dans les évolutions des comportements des différentes catégories socio-professionnelles.

Ce phénomène et la relative stabilité dans les dispersions des niveaux de vie sont un enseignement essentiel des enquêtes sur les conditions de vie, que recoupent d'ailleurs souvent les autres travaux de N.N.S.E.E. Cette stabilité devrait permettre, comme le montrera un prochain article, de définir un modèle de consommation faisant essentiellement intervenir le pouvoir d'achat du revenu disponible et les structures des prix relatifs.

Cette homogénéité est d'autant plus remarquable qu'elle se situe dans une société en évolution rapide qui connaît une progression vive et soutenue des niveaux de vie depuis maintenant près de vingt ans. Peut-être la stabilité des attitudes psychologiques et des cadres institutionnels rend-elle difficile le choix d'orientations très différentes pour les modes de vie. L'auteur, G. VANCREVEUNCHE, est le chef de la division de l'I.N.S.E.E. : « Enquêtes de Consommation. Comptes des ménages •» (Département « Population et Ménages »). Les données chiffrées ont été préparées par M. ROUET, stagiaire à l'I.N.S.E.E.

BIBLIOGRAPHIE

Les informations disponibles sur les conditions de vie, les revenus, les dépenses et l'épargne des ménages font l'objet dans ce numéro d'une chronique spéciale, page 83.

En ce qui concerne l'enquête I.N.S.E.E.-C.R.E.D.O.C. de 1956-57, on se reportera aux articles suivants de la revue Consommation (Dunod, éditeur).

juillet-septembre 1959 : Niveau de vie et consommation de la population non agricole (G. ROTTIER).

Octobre-décembre 1959 : Niveau de We et consommation de la population agricole (G. ROUIE R).

Avril-juin et juillet-août 1960 : Budgets des Français en 1956. Avril-juin 1961 : Consommation et niveaux de vie de quelques groupes

sociaux (N. TABARD). Octobre-décembre 1964 : Dépenses et revenus des ménages d'après

l'enquête 1956 (J. CRANER). La diffusion des dépenses et le revenu des

ménages (M. GUILLOT). On trouvera une bibliographie commentée dans l'introduction au

volume de l'Office statistique des Communautés Européennes: Statistiques sociales n° 6. Série spéciale «Budgets familiaux 1963-1964.

ANNEXE. — Revenus par catégories sociales, tels qu'ils ont été déclarés aux enquêtes sur la consommation des ménages en 1956 et 1965

Unité : Francs par an

Médiane

1956 1965

Écart interquartile Médiane

1956 1965

Revenus inférieurs à

< 3 000 en 1956

< 6 000 en 1965

Revenus supérieurs à

> 10 000 en 1956

> 20 000 en 1965

Inactifs , Travailleurs indépendants :

Industriels, gros commerçants Petits commerçants Artisans Exploitants agricoles ,

Cas particuliers : Professions libérales et cadres supérieurs. Autre personnel de service Gens de maison

Autres travailleurs salariés : Cadres moyens Contremaîtres Autres (armée, police, clergé) Employés Ouvriers Manœuvres

Ensemble

2 500

13 800 7 400 6 500 5 099

14 800 4 500 2 600

9 000 8 300 6 900 6 400 6 000 5100

5 800

25 000 15 000 15 500 11 200

32 500 9 700 4 500

20 500 17 500 14 000 14 000 13 000 10 400

5 400 12 000

1.28

0,87 0,80 0,81 0,85

0,63 0,82 0.92

0,56 0.55 0,64 0.63 0,60 0,64

1,32

0,96 0,77 0,87 0.98

0,74 1,10 1,18

0,61 0,49 0,61 0,61 0,58 0,67

58

4,5 9

11 21

0,8 25 61

2.5 1 7 3,7 6

13.2

51,9

1.4 11.5 10,8 19.5

0,2 26 66

1.1 1.2 7.6 3.3 43

14

0,94 0.97 23 20,6

69 28 23 13

77 9 3

38 34 18 14 10

5

16

60 29 32 19

80 14

5

52 40 28 18 12

7

20,5

NIVEAUX DE VIE 21