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Numéro 4 Bulletin de Colori d’Italia Avril 2008 A imé Césaire, né le 26 juin 1913 à Basse Pointe en Martinique, député de l’île de 1945 à 1993, pro- che de De Gaulle et de Mitterand, maire de Fort de France de 1945 à 2001, conseiller général à deux reprises de 45 à 49 et de 55 à 70, et compagnon de Léopold Sédar Sengor, a été le grand poète de la « négritude ». Il a été la parole de ces êtres complètement dénués et déper- sonnalisés. Il disait « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, et ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Dénué et désespéré l’avait été aussi Ungaretti qui était né en 1888 en Egypte dans une famille italienne de Lucques. Orphelin de sa patrie et frappé par le malheur lors de la mort de son fils il a atteint le fond du dénuement moral, social et même spirituel malgré sa conversion au catholicisme. A-t-il jamais atteint la plénitude et retrouvé son identité ? En nous réclamant de lui nous adres- sons a Aimé Césaire ce poème d’Ungaretti Suite en page 3 EDITORIAL L ’art par définition est sub- versif. L’œuvre artistique, en effet, qui est l’incarnation ou plus exactement la matéria- lisation de l’esprit créateur, bouscule, dérange et conteste l’ordre ou le désordre établis. Actuellement le Palais Garnier à Paris affiche Il Prigioniero, un opéra du compositeur contemporain italien Luigi Dallapiccola. Ecrit entre 1944 et 1948, Le Prisonnier s’inscrit dans une démarche de résis- tance aux totalitarismes. Le récit de la dernière nuit d’un condamné à mort constitue une puissante dénonciation du mensonge et de la manipula- tion idéologique. Comme l’œuvre, au plan musi- cal, se situe dans la mouvance dodécaphonique d’Arnold Schöenberg, il y a en introduc- tion al Prigioniero, l’Ode à Napoléon de Schöenberg, qui fut conçue alors que le compo- siteur était chassé par les nazis. D’où la même énergie chez le compositeur viennois à lutter contre la tyrannie. Et comme un bonheur artistique n’arrive jamais seul, il faut remarquer que la mise en scène est de Lluis Pasqual qui a grandi dans l’Espagne fran- quiste et qui fonde en 1976 le théâtre nommé Liberté à Barcelone ; plus encore : les décors sont d’un autre Espagnol tourmenté par le franquisme, Paco Azorin. Qu’en est-il à Pékin de l’opéra engagé et de l’art en général, en dehors de l’art officiel, l’art socialiste ou de ce qu’on appe- lait à l’époque le réalisme socialiste ? Le Président de Colori d’Italia F .Cipollone. U n soir de Noël 1915, en Italie du Nord, un jeune homme de 27 ans écrit à la lueur d’une lampe à huile. Il n’a ni feuille, ni cahier mais se sert des marges de vieux jour- naux, de cartes postales ou de lettres reçues, pour griffonner les premiers poè- mes d’un recueil. Autour, la pluie, la boue, et la mort. Ce jeune soldat du 19 ème régiment d’infanterie qui va vivre dans les tranchées pendant un an, avec ses poèmes en guise d’oreiller ou cachés dans sa musette, s’appelle Giuseppe Ungaretti. Il va devenir le plus grand poète italien du XXème siècle. L’Italie pour laquelle il vient de s’engager, il la connaît bien mal : «Non sapevo dell’Italia se non cio che leggevo nei libri». Fils d’émi- grants, natif d’Alexandrie, c’est en Egypte qu’il a passé ses vingt pre- mières années. Suite page 3 Les Nouvelles de Colori d’Italia Association culturelle Franco-Italienne HOMMAGE A AIME CESAIRE GIUSEPPE UNGARETTI POETE DE L’EXIL

Les Nouvelles de Colori d’Italia · contemporain italien Luigi Dallapiccola. Ecrit entre 1944 et 1948, Le Prisonnier s’inscrit dans une démarche de résis-tance aux totalitarismes

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Page 1: Les Nouvelles de Colori d’Italia · contemporain italien Luigi Dallapiccola. Ecrit entre 1944 et 1948, Le Prisonnier s’inscrit dans une démarche de résis-tance aux totalitarismes

Numéro 4 Bulletin de Colori d’Italia Avril 2008

Aimé Césaire, né le 26 juin 1913à Basse Pointe en Martinique,

député de l’île de 1945 à 1993, pro-che de De Gaulle et de Mitterand,maire de Fort de France de 1945 à2001, conseiller général à deuxreprises de 45 à 49 et de 55 à 70, etcompagnon de Léopold SédarSengor, a été le grand poète de la «négritude ». Il a été la parole de cesêtres complètement dénués et déper-sonnalisés. Il disait « ma bouchesera la bouche des malheurs quin’ont point de bouche, et ma voix, laliberté de celles qui s’affaissent aucachot du désespoir ».

Dénué et désespéré l’avait été aussiUngaretti qui était né en 1888 enEgypte dans une famille italienne deLucques. Orphelin de sa patrie etfrappé par le malheur lors de la mortde son fils il a atteint le fond dudénuement moral, social et mêmespirituel malgré sa conversion aucatholicisme. A-t-il jamais atteint laplénitude et retrouvé son identité ?En nous réclamant de lui nous adres-sons a Aimé Césaire ce poèmed’Ungaretti

Suite en page 3

EDITORIAL

L’art par définition est sub-versif. L’œuvre artistique,

en effet, qui est l’incarnationou plus exactement la matéria-lisation de l’esprit créateur,bouscule, dérange et contestel’ordre ou le désordre établis.Actuellement le Palais Garnierà Paris affiche Il Prigioniero,un opéra du compositeurcontemporain italien LuigiDallapiccola. Ecrit entre 1944et 1948, Le Prisonnier s’inscritdans une démarche de résis-tance aux totalitarismes. Lerécit de la dernière nuit d’uncondamné à mort constitue unepuissante dénonciation dumensonge et de la manipula-tion idéologique.Comme l’œuvre, au plan musi-cal, se situe dans la mouvancedodécaphonique d’ArnoldSchöenberg, il y a en introduc-tion al Prigioniero, l’Ode àNapoléon de Schöenberg, quifut conçue alors que le compo-siteur était chassé par lesnazis. D’où la même énergiechez le compositeur viennois àlutter contre la tyrannie. Etcomme un bonheur artistiquen’arrive jamais seul, il fautremarquer que la mise en scèneest de Lluis Pasqual qui agrandi dans l’Espagne fran-quiste et qui fonde en 1976 lethéâtre nommé Liberté àBarcelone ; plus encore : lesdécors sont d’un autreEspagnol tourmenté par lefranquisme, Paco Azorin.Qu’en est-il à Pékin de l’opéraengagé et de l’art en général,en dehors de l’art officiel, l’artsocialiste ou de ce qu’on appe-lait à l’époque le réalismesocialiste ?

Le Président de Colori d’ItaliaF .Cipollone.

Un soir de Noël 1915, en Italie duNord, un jeune homme de 27

ans écrit à lalueur d’unelampe à huile. Iln’a ni feuille, nicahier mais sesert des margesde vieux jour-naux, de cartespostales ou delettres reçues,pour griffonnerles premiers poè-mes d’un recueil. Autour, la pluie, laboue, et la mort.

Ce jeune soldat du 19ème régimentd’infanterie qui va vivre dans lestranchées pendant un an, avec ses

poèmes en guise d’oreiller ou cachésdans sa musette, s’appelle Giuseppe

Ungaretti. Il vadevenir le plusgrand poète italiendu XXème siècle.

L’Italie pourlaquelle il vient des’engager, il laconnaît bien mal : «Non sapevodell’Italia se noncio che leggevo neilibri». Fils d’émi-

grants, natif d’Alexandrie, c’est enEgypte qu’il a passé ses vingt pre-mières années.

Suite page 3

Les Nouvellesde Colori d’Italia

AAssssoocciiaattiioonn ccuullttuurreellllee FFrraannccoo--IIttaalliieennnnee

HOMMAGE A AIME CESAIRE

GIUSEPPE UNGARETTI POETE DE L’EXIL

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Les Nouvelles de Colori d’Italia — 2

Haricots et scaroleIngredients pour 6 personnes:1⁄2 kg de haricots secs ,Scaroles (1kg),2 gousses d’ail,100 g de pancetta,3 tomates (roma)1 branche de céleri,1 verre d’ huile d’olive,sel et poivre.

Préparation:

Faire tremper les haricotsune nuit entière dans del’eau tiède. Le matin,laver les haricots et lesmettre dans une casse-role. Les recouvrir d’eau.Mettre une gousse d’ ailet une branche de céleri.Faire bouillir à feu douxpendant 2 heures (ne passaler). Laver la scarole etla faire blanchir pendant2 minutes. Elle doit être“al dente”. L’égoutterdélicatement et la réserv-er. Faire revenir dans unecasserole les tomates, l’huile, l’ail et la“pancetta” (7 ou 8 min-

utes). Réunir dans uneterrine: les haricots avecleur jus, la scarole et lasauce tomate. Saler etpoivrer. Servir chaud.

Preparazione

Mettete a bagno la seraprima i fagioli in acquatiepida. Scolateli e lessa-teli a fuoco lento per unpaio d'ore in abbondanteacqua con uno spicchiod’aglio ed il sedano senzasale. Lavare e fare sbian-care la scarola durante 2minuti e riservarla. In unacasseruola soffriggete lapancetta e l’altro spicchiod’aglio, unite i pomodorie lasciate cuocere percirca 7 o 8 minuti. Versatei fagioli, la scarola e ipomodori in una terrina.Regolate di sale e pepe ecuocete ancora per quin-dici minuti. Servite caldo

La Nonna di Campania

HISTOIRE DUMOT

PIZZAL’étymologie exacte du motest difficile à déterminer. Pizzaviendrait du Lombard (bizzo-pizzo), du latin, ou du motpita. Pizza apparaît en 997 enlatin médiévial. Il signifiealors « fouace », « galette ».En 1565, la pizza prend placedans les traditions culinairesde Naples et devient le sym-bole de cette ville.La pizza servait avant tout àvérifier la bonne températuredu four avant qu’on y déposele pain.La pizza a été pendantlongtemps d’une seule sorte :la « bianca » qui était enduite

de crème ou de saindoux. Apartir du XVIIIe siècle, appa-raît la « rossa » agrémentéed’une sauce à la tomate.

En juin 1889, la ReineMargherita de Savoie décou-vre qu’une majorité depaysans mange un grand painplat. Intriguée, elle le goutte etl’apprécie. De retour au PalaisRoyal, elle fait appel au chefRaffaele Esposito afin qu’il luiconfectionne des pizzas. Pourhonorer sa Reine, il en créeune aux couleurs du drapeauitalien : rouge (tomate), blanc(mozzarella), vert (basilic).Nous assistons dès lors à lanaissance de la pizza «Margherita »

A queste parole Bertoldo,scostatosi alquanto dal Re eritiratosi nella corte, si calòle brache, mostrando divoler fare un suo servigiocorporale; laonde, veduto ilRe tal atto, gridando, disse:Re. Che cosa vuoi tu faremanigoldo?Bertoldo. Non dici tu ch’iomi serva della tua corte inogni mia occorrenza?Re. Sì, ho detto; ma cheatto è questo?Bertoldo. Io me ne voglioservire adunque a scaricareil peso della natura, il qualetanto m’aggrava ch’io nonposso più tenerlo.Allora uno di quelli della

guardia del Re, alzato unbastone, volse percuoterlo,dicendogli: “Bruttopoltrone, va’ alla stalla dovevanno gli asini pari tuoi, enon fare queste indignitàinnanzi al Re, se non vuoich’io t’assaggi le coste conquesto legno”. A cuiBertoldo rivolto, disse:Bertoldo. Va’ destro, fratel-lo, né voler tu fare il soffi-ciente, perché le moscheche volano sulla testa ai tig-nosi vanno sulla mensaregale ancora e cacano nella

propria scodella del Re epure esso mangia quellaminestra; e io dunque nonpotrò fare i miei servigi interra, che è cosa necessaria?E tanto più che il Re hadetto ch’io mi serva dellasua corte in ogni mio bisog-no? E qual maggior bisognoper servirmene potevavenirmi che in questo fatto?Intese il Re la metafora di

Bertoldo e si cavò di deto unricco e precioso anello e,volto a lui, disse:Re. Piglia questo anello,ch’io te lo dono; e tu,tesoriero, va’, porta quimille scudi ch’io glienevoglio far un presente orora.Bertoldo. Io non voglio chetu m’interrompa il sonno.Re. Perché interrompere ilsonno?Bertoldo. Perché quand’ioavessi quell’anello e tantidanari io non poserei mai,ma mi andarei lambiccandoil cervello di continuo, némai più potrei trovar pacené quiete. E poi si suol dire:chi l’altrui prende, se stessovende. Natura mi fecelibero, e libero voglio con-servarmi.

D’ITALIEBERTOLDO (SUITE DU N° 3)RICETTA DELLA NONNA

LE SOLUZIONI DEI GIOCHI DEL N° 3Gli accoppiamenti sono : 1-A ; 2-N ; 3-L; 4-I; 5-M; 6-F; 7-G; 8-D; 9-E; 10H; 11-B; 12-C

Ecco 22 parole possibili. Può essere che ne avete trovato altrearmadio autobus bicicletta soggiorno spaghetti palazzo asciugareaffatto maglietta sciarpa albicocca parcheggio cattivo vecchiospingere scimmia marciapiede pallacanestro tacchino specchiosacco cocca

LO SPAZIO DELL’ENIGMISTICATracciare soltanto due rete sulquadrante per dividerlo in modoche la somma delle cifre di ognisettore ottenuto sia la stessa.

Tracer seulement deux traits surle cadran pour le diviser de tellesorte que la somme des chiffresde chacun des secteurs obtenussoit la même.

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Les Nouvelles de Colori d’Italia — 3

On ne va pas à Florence : ony retourne. C’est ainsi. A

chaque voyage jeconnais la mêmeangoisse heureuse, cetespèce de vertige, devide intérieur qui voushabite avant un rendez-vous amoureux : l’at-tente et l’incertituded’un désir qui se voudrait par-tagé

Pourquoi vouloir absoluments’enraciner là où le hasard vous afait naître ? Seule importe lapatrie mentale, celle que l’on afait sienne. C’est ici que je meréconcilie avec moi-même, icique je retrouve la matrice que jeme suis choisie. Ici s’est tissé leberceau de notre gazelle blessée,

ici j’accepte, enfin, l’ombre dece qu’elle a été. Ici est notre ail-

leurs retrouvé.Pourquoi évoquer les palais, les

églises, les statues, les tableaux,la tendresse des collines ou lasubtilité des cieux ? L’importantc’est la porosité mystérieusequ’ils éveillent en nous, cettedisponibilité ouverte aux quatrevents. Je n’ai pas rapporté de nosvoyages de photos de monu-ments, seulement quelques ins-

tantanés volés dans les rues oules musées : un visage, une

silhouette, uneombre sur unevitre…et surtout lesouvenir de rencon-tres : des inconnusavec qui s’établis-sait un contactintime, très fort,

juste un accord profond, révéla-tion de l’être, superbement dés-intéressé.

Nous étions simplement là,venus d’ailleurs, sans attaches,attentifs et heureux : ils avaientsimplement envie de partagerl’instant avec nous.

1956-2008 Arlette Croste

En nous réclamant de luinous adressons à AiméCésaire ce poèmed’Ungaretti :

IN MEMORIA.

Si chiamavaMoammed Sceab

Discendentedi emiri di nomadi

suicidaperché non aveva più

PatriaAmò la Francia

e mutò nome

Fu Marcelma non era Francese

e non sapeva piùvivere

nella tenda dei suoidove si ascolta la cantilena

del Coranogustando un caffè

E non sapevasciogliereil canto

del suo abbandono

L’ho accompagnatoinsieme alla padrona del-

l’albergodove abitavamo

a Parigidal numero 5 della rue des

Carmesappassito vicolo in discesa.

Riposanel camposanto d’Ivry

sobborgo che paresempre

in una giornatadi una

decomposta fiera

E forse io soloso ancora

che visse

François Cipollone

Mais il est relié à laterre de ses ancêtres parun lien profond:«Parlavo italiano…Lalingua m’era un legameche mi portava fino allaculla dei miei nella lon-tananza dei tempi».

Entre l’Egypte de sonenfance et l’Italie de sesancêtres, il oscilleratoujours, sans parvenirà s’enraciner véritable-ment. Lors de son der-nier voyage en Egypte,il se serait écrié aumoment où l’avion seposait sur la piste : «Patria mia !.. ».Cettedualité douloureuse,encore aggravée par desorigines hongroises

lointaines, est sansdoute à l’origine dusentiment d’errance quine le quittera jamaisplus.

Confronté à l’exil, il vafaire de ce merveilleuxmalheur la source pre-mière de son inspira-tion.

( Suite dans le N° 5)

Serdan Eliane

RENCONTRES TOSCANES

HOMMAGE A AIME CESAIRE (suite) UNGARETTI POETE DE L’EXIL (suite)

«Dans nullep a r t i ede la terreje ne peuxm’établir »

«In nessunap a r t edi terrami possoaccasare»

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Les Nouvelles de Colori d’Italia — 4

q

CONFÉRENCE À LAVAURLundi 5 mai - 20h30 (SalleCommunale - Le Grès81500 AMBRES

L’Immigration italiennedans le Sud-Ouest. Par F.Cipollone

q

COURS D’ITALIEN À LAVAUR

Le mardi de 14h à 16h pourles débutants et de 16h à 18hpour les moyens.

q

PROJETS POUR LA REN-TRÉE:

- 8 à 10 séquences

d’HISTOIRE DE L’ART,gratuité pour les membresde l’Association.

- 10 séquences d’HIS-TOIRE-GÉOGRAPHIE ETGÉOPOLITIQUE, pour toutpublic et gratuité pour les

membres de l’association.Thème: La Méditerranée

de l’Antiquité à nos jours.(De la Méditerranée cen-tre du monde à l’unionméditerranéenne évoquéeaujourd’hui).

Le regard de l’association

Réalisé et diffusé par le Bureau de Colori d’Italia - 62 l’Hermitage de Bissèles 81100 Castres - Site web : http://coloriditalia.fr

Le Rivage intérieurCap sur Smyrne (ou plutôt Izmir,

Turquie).

Le roman d’Eliane Serdan, fortréussi, est une redécouverte despetites communautés – autrefoisflorissantes – qui s’étaient consti-tuées au long des siècles sur lescôtes égéennes turques. La villemoderne d’Izmir a recouvert, aprèsles drames de 1922 (l’expulsion dela plus grande part de ces commu-nautés : juives, latines, grecques…), le corpus d’expériences, derites, de langues, de traditions, quicélébrait le Multiple, la diversité,dans cet espace où la notion decivilité a gardé longtemps ses let-tres de noblesse.

Une jeune femme, porteuse deplusieurs mémoires, ou d’unemémoire multiple, tente de retrou-ver les traces d’un passé familial, àpartir de quelques indices. Sa quêtela conduit à Smyrne, aujourd’huiIzmir. Les Turcs apprécient qu’unhomme (ou une femme) d’esprit, enquête d’une sagesse véritable, par-courre leur ville. Munie dequelques indices : les noms d’uneéglise, d’un cimetière, la voyageusevoit très vite s’agrandir le réseau deses recherches et de ses apparte-nances. Une aide efficace estapportée par un certain Silvio,représentant nostalgique del’époque où les communautéslatine, arménienne, grecque …vivaient en harmonie. Il se trouveque ce Silvio a été mêlé de près au

passé de la famille de la jeune nar-ratrice.

Mais ne racontons pas l’histoire …

L’impatience de la narratrice, cetteenquête menée avec fièvre, alterneavec des heures de pause, desespaces de léthargie et de rêve, aucœur desquels la jeune femme selaisse absorber par la chaleur, l’at-mosphère, les couleurs, la lumièred’un jardin ou l’inflexion d’unevoix ... Une histoire d’amour nousfait passer de Smyrne (la villerêvée), à Chios (l’île d’ « en face»), puis dans les méandres de laVille.

Le voyage à Chios favorise le pas-sage à l’apaisement. La respirations’accorde à la pulsation de la merendormie. « Et j’éprouve, alors queje ne m’y attendais plus, le senti-ment paisible d’être accordée à cequi m’entoure, sans la moindre dis-sonance » (p. 109). « Je » devientun autre, rejoint ce qu’au fond ilétait. « Parfois, le sommeil prend àla terre sa solidité rassurante pour ymêler la fluidité de la mer. Ledormeur peut y enfouir des racinesprofondes et s’étonne au réveil decette sensation d’étrange remontée,comme après un long voyage, dansl’espace ou dans le temps … » (p.117). Enthousiasmes et renoncia-tions s’abolissent dans l’accord descorps et des visages. L’amour, lerêve, le voyage, sont alors la mêmepart d’un moment qui touche à l’é-ternité. Oiseleuse du temps, la

romancière se plaît à resserrer l’ac-tion, en ces moments privilégiés oùd’autres temps viennent confluer.

Il y a cependant, jusque dans la par-tie « heureuse » du roman, l’idéetrès présente d’une peur tenaillante,d’un exil qui affole la boussole : «Cette sorte de douleur qui vous rendperméable au moindre souffle » (p.124). Mais au fond, l’enquête surles origines une fois achevée, laprotagoniste s’affranchit presquetotalement de toute crainte. Dansune page finale, la narratrice (oul’auteur) fait de la littérature lesynonyme même de l’amour accep-té, de la rêverie et du voyage. Onpourrait évoquer, si l’on voulaittrouver des échos à ce livre, lesplendide Tu, mio, d’Erri De Luca,ou encore Avec vue sur la mer deDavid Vogel (1).

Le lecteur interprétera la fin duroman (la « découverte finale »)comme il veut. Peut-on redouterque la riche dialectique de l’Un etdu Multiple qui animait le roman,soit réduite et simplifiée par lechoix qu’effectue la narratrice ?

Mais chacun peut imaginer unesuite …En résumé un livre bien documenté,et dont l’histoire entraîne et accom-pagne le lecteur.

François MagneLe Rivage intérieur, par ElianeSerdan, Editions du Rocher, 146p,15€

(1) Ed. « Rivages » et « Actes Sud ».