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Alain Schnapp a quitté le 1 er octobre les fonctions de directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art qu’il occupait depuis sept ans. Dire qu’il les occupait est peu dire : il les a assumées, vécues ; il a donné un sens à ce titre qu’il était le premier à porter, en lui donnant une dimension que ses successeurs devront probablement méditer et dont ils devront tirer exemple. Chacun sait le rôle qu’il a joué, l’abnégation qui a été la sienne, chacun sait qu’il a été pugnace et souriant, qu’il a été un capitaine courageux sur une mer pas toujours facile. Comment ne pas dire que le départ d’Alain Schnapp laisse un vide, et que nous essaie- rons tous d’être fidèles à sa leçon ? « Administrateur provisoire » pour quelques semaines, je crois pouvoir être l’interprète de tous ceux qui, de près ou de loin, ont travaillé avec lui pour l’INHA, et souhaitent continuer de le faire, pour lui dire amitié et reconnaissance. La nomination du nouveau directeur est en cours ; l’avis de vacance, publié au Journal Officiel du 14 septembre, a suscité six candidatures éma- nant de France et de l’étranger. Durant les années qui viennent de s’écouler et avec le soutien affirmé des pouvoirs publics, l’INHA a pu lancer le projet de développement de la bibliothèque et soute- nir divers programmes scientifiques et documentaires en collaboration avec le monde universitaire et les institutions patrimoniales. À ces programmes travaillent, à des titres divers, presque une centaine de jeunes chercheurs, moniteurs, chargés d’étude, pensionnaires et boursiers. Le regroupement en un même lieu de sept universités parisiennes et de nombreux centres de recherches, la présence dans la Galerie Colbert de l’Institut national du patrimoine sont gage de rencontres fructueuses entre chercheurs en provenance des musées, des universités parisiennes et régionales, comme des visiteurs étrangers. Il faudra dans les quatre années à venir ren- forcer ces premiers résultats en poursuivant l’aménagement des locaux et le renforcement des équipes. C’est pourquoi la conclusion d’un plan quadriennal de formation et de recherche est l’une des échéances les plus importantes des prochains mois. Cet objectif prioritaire est bien entendu lié au lancement de la rénovation du site Richelieu. La programmation est prête, une étude de phasage a été réalisée qui prévoit six ans de travaux après deux années d’études préliminaires. La BnF et l’INHA espèrent proche le lancement du concours d’architecture. En attendant, nous nous efforçons, avec le soutien de la BnF, d’améliorer les services offerts au public en salle Ovale. Après la mise en service du catalogue commun, les premiers éléments d’une bibliothèque numérique des « classi- ques de l’histoire de l’art » seront peu à peu disponibles. Ainsi l’INHA va-t-il de l’avant tout en restant fidèle au rêve de Jacques Doucet qui voyait dans sa bibliothèque un outil au service de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’art et de l’archéologie. Une période s’achève, une autre commence. Jean-Pierre Cuzin Nouvelles Les Nouvelles de l’INHA / Novembre 2005 Trimestriel 23 1 Éditorial 2 Le point sur un outil, un fonds, une recherche Une bibliothèque d’Antiquité : Gernet-Glotz Archives audiovisuelles du capcMusée Les papiers Brière 11 Grands instituts d’histoire de l’art L’Institut de Prague 14 Comptes rendus. Actualités L’architecture religieuse au temps des réformes Lumière et vision dans les sciences et dans les arts Jacob Burckhardt Le patrimoine architectural des empires coloniaux 20 Annonces Professeurs invités Colloques Exposition Publications Nouveaux collaborateurs Départs Éditorial Isaac portant le bois de son sacrifice verrière de la Chapelle-Janson (Ille-et-Villaine), v. 1550 photo du Service régional de l’Inventaire de Bretagne

Les Nouvelles de l'INHA n°23...l’université de Montpellier), de Louis Robert (1904-1985, professeur d’épigraphie et antiquités grecques au Collège de France) et de sa femme

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  • Alain Schnapp a quitté le 1er octobre lesfonctions de directeur général de l’Institutnational d’histoire de l’art qu’il occupaitdepuis sept ans. Dire qu’il les occupait estpeu dire : il les a assumées, vécues ; il adonné un sens à ce titre qu’il était le premierà porter, en lui donnant une dimensionque ses successeurs devront probablementméditer et dont ils devront tirer exemple.Chacun sait le rôle qu’il a joué, l’abnégationqui a été la sienne, chacun sait qu’il a étépugnace et souriant, qu’il a été un capitainecourageux sur une mer pas toujours facile.Comment ne pas dire que le départ d’AlainSchnapp laisse un vide, et que nous essaie-rons tous d’être fidèles à sa leçon ? « Administrateur provisoire » pour quelquessemaines, je crois pouvoir être l’interprètede tous ceux qui, de près ou de loin, onttravaillé avec lui pour l’INHA, et souhaitentcontinuer de le faire, pour lui dire amitié et reconnaissance. La nomination du nouveau directeur est en cours ; l’avis devacance, publié au Journal Officiel du 14septembre, a suscité six candidatures éma-nant de France et de l’étranger.

    Durant les années qui viennent de s’écouleret avec le soutien affirmé des pouvoirspublics, l’INHA a pu lancer le projet dedéveloppement de la bibliothèque et soute-nir divers programmes scientifiques et documentaires en collaboration avec le monde universitaire et les institutionspatrimoniales. À ces programmes travaillent,à des titres divers, presque une centainede jeunes chercheurs, moniteurs, chargésd’étude, pensionnaires et boursiers. Le regroupement en un même lieu de septuniversités parisiennes et de nombreuxcentres de recherches, la présence dans la Galerie Colbert de l’Institut national du patrimoine sont gage de rencontresfructueuses entre chercheurs en provenancedes musées, des universités parisiennes et régionales, comme des visiteurs étrangers.Il faudra dans les quatre années à venir ren-forcer ces premiers résultats en poursuivantl’aménagement des locaux et le renforcementdes équipes. C’est pourquoi la conclusiond’un plan quadriennal de formation et de recherche est l’une des échéances les plusimportantes des prochains mois.

    Cet objectif prioritaire est bien entendu liéau lancement de la rénovation du siteRichelieu. La programmation est prête,une étude de phasage a été réalisée qui prévoit six ans de travaux après deux annéesd’études préliminaires. La BnF et l’INHAespèrent proche le lancement du concoursd’architecture. En attendant, nous nousefforçons, avec le soutien de la BnF, d’améliorer les services offerts au public ensalle Ovale. Après la mise en service ducatalogue commun, les premiers élémentsd’une bibliothèque numérique des « classi-ques de l’histoire de l’art » seront peu à peudisponibles.

    Ainsi l’INHA va-t-il de l’avant tout en restant fidèle au rêve de Jacques Doucet quivoyait dans sa bibliothèque un outil au service de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’art et de l’archéologie. Une période s’achève, une autre commence.

    Jean-Pierre Cuzin

    Nouvelles Les Nouvelles de l’INHA / Novembre 2005

    Trimestriel

    23

    1

    Éditorial

    2

    Le point sur un outil,un fonds, une recherche

    Une bibliothèqued’Antiquité :Gernet-Glotz

    Archives audiovisuellesdu capcMusée

    Les papiers Brière

    11

    Grands instituts d’histoire de l’art

    L’Institut de Prague

    14

    Comptes rendus.Actualités

    L’architecture religieuseau temps des réformes

    Lumière et vision dans les sciences et dans les arts

    Jacob Burckhardt

    Le patrimoine architecturaldes empires coloniaux

    20

    Annonces

    Professeurs invités

    Colloques

    Exposition

    Publications

    Nouveaux collaborateurs

    Départs

    Éditorial

    Isaac portant le bois de son sacrificeverrière de la Chapelle-Janson (Ille-et-Villaine), v. 1550photo du Service régional de l’Inventaire de Bretagne

  • 2 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    Je déballe ma bibliothèque. Voilà. Elle n’est donc pas encore dressée surles étagères, le léger ennui du clas-sement ne l’a pas encore enveloppéeWalter Benjamin, 1931

    L’ouverture au public de la bibliothèqueGernet-Glotz, le 3 octobre 2004, a marquéune étape importante tant dans l’histoiredes deux équipes qui ont porté ce projetque dans celle de la Galerie Colbert.Dès les années 1980, Claude Nicolet avaitproposé dans un rapport présenté auMinistère de la Recherche, de regrouper en un seul lieu les bibliothèques spécialiséesen histoire ancienne, dispersées dans Paris,mais le problème des locaux était alorsresté sans solution.En accueillant cet outil de recherche dansles espaces dont il a la charge, l’INHAa permis de concrétiser enfin, au moins en partie, ce projet ambitieux tout en tirantle meilleur parti possible des locaux de l’ancien dépôt légal de la BnF, car seule unebibliothèque de taille moyenne pouvaitêtre déployée dans ces volumes peu propices à un aménagement en bureaux.

    Telle qu’elle est aujourd’hui, la bibliothèqueGernet-Glotz est le résultat de la fusion de deux bibliothèques remarquablementcomplémentaires.

    La plus ancienne des deux, la bibliothèqueGlotz, a été fondée en 1961. Elle était alorsla bibliothèque d’histoire ancienne de l’an-cienne Sorbonne encore unifiée, et héritadès sa fondation d’une partie des livreslégués à l’université de Paris par GustaveGlotz (1862-1935, professeur d’histoire grec-que à la Sorbonne) et Théodore Reinach(1860-1928, professeur de numismatique au Collège de France). Elle fut bientôtenrichie par l’acquisition de l’importantebibliothèque de Charles Picard (1883-1965,professeur d’histoire grecque puis d’archéo-logie à la Sorbonne), et après la division de l’ancienne Faculté des Lettres resta unebibliothèque commune aux universités deParis I et de Paris IV.

    Les fonds furent accrus grâce aux créditsuniversitaires, mais aussi, de plus en plus,grâce à une unité de recherche CNRS –Paris I sur les mondes romain et hellénisti-que, qui fut créée en 1978 par Claude Nicoletet qui est devenue l’UMR 8585 « CentreGustave Glotz », en multipartenariat CNRS

    – Paris I – Paris IV – EPHE. Outre lesacquisitions régulières, la bibliothèque a bénéficié de legs importants, provenantdes bibliothèques de William Seston(1900-1983, professeur d’histoire romaine à la Sorbonne), d’Émilienne Demougeot(1911-1994, professeur d’histoire romaine àl’université de Montpellier), de Louis Robert(1904-1985, professeur d’épigraphie et antiquités grecques au Collège de France)et de sa femme Jeanne Robert (1910-2002).

    La bibliothèque du centre Louis Gernet est plus récente. Créée à l’initiative de Jean-Pierre Vernant en 1975, avec l’aide duMinistère de la Recherche et de la Maisondes Sciences de l’Homme, elle s’est développée à l’origine comme un outil derecherche destiné à pallier certaines lacunesdu dispositif parisien, en particulier dans ledomaine de l’archéologie figurée et del’imagerie grecque. Elle est très vite entréedans le réseau Frantiq, et a participé avecses chercheurs à l’élaboration d’une indexa-tion fine des volumes, mettant en place unfichier informatisé (Texto).Conçue comme l’équipement lourd dulaboratoire, fruit de la collaboration activedes membres du Centre et de bibliothécairesprofessionnelles, la bibliothèque a fait l’objet d’investissements prioritaires depuissa création. Elle a tiré ses ressources de ladotation propre CNRS et EHESS, ainsi que d’aides ponctuelles de l’EPHE-Vesection et de Paris VII. Elle comprenaitenviron 15 000 volumes au moment de lamise en route du projet de fusion. À côté d’achats réguliers, la bibliothèquedu Centre Gernet a également bénéficié de la générosité d’importants donateurs, enparticulier Victor Goldschmitt (philosophieantique et philosophie politique), Henri-Irénée Marrou (historiographie), Jean-PierreVernant et Pierre Vidal-Naquet, ainsi quetout récemment Patrice Loraux.

    La fusion des deux bibliothèques a étédécidée d’un commun accord, par les deuxéquipes, au printemps 2003, ainsi quel’adoption de la classification choisie parl’INHA, celui de la bibliothèque duCongrès de Washington (LCC). Les opéra-tions de recotation ont été effectuées parles bibliothécaires et certains chercheursspécialistes des domaines concernés tout aulong de l’hiver 2003 et du printemps 2004,après une formation à la LCC organiséepar l’INHA à l’automne 2003. La fusion

    des fichiers, leur informatisation et leurmise en ligne dans le SUDOC ont égale-ment été décidées à ce moment. La mise enœuvre d’une telle opération s’est avéréeplus complexe que prévu, mais est mainte-nant bien avancée, grâce à l’aide conjointe– financière et technique – de la bibliothèquede l’INHA, du SCD de Paris I et de la sous-direction des bibliothèques au Ministère del’Éducation nationale. Cette étape, essentiellepour le confort des lecteurs, permettra aussid’assurer les inévitables corrections dans la recotation, et de gérer la question desdoubles (le taux de recouvrement des deuxensembles est de l’ordre de 10%). Le catalogage des nouvelles acquisitions sefait désormais directement dans le SUDOC,et une localisation spécifique de la biblio-thèque Gernet-Glotz dans le catalogue dela bibliothèque de l’INHA sera bientôt miseen place. Les notices seront versées dans le catalogue commun de la bibliothèque de l’INHA et dans le catalogue des biblio-thèques de l’UFR d’Histoire de Paris I.

    Ainsi est né un nouvel outil documentaire,riche de 46 000 ouvrages et de 82 périodi-ques vivants (principalement en languesfrançaise, anglaise, allemande, italienne),qui a pour tutelles (et ressources financières)l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I),l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV),l’EPHE, l’EHESS, et – last but not least -le CNRS. Le coût global de l’opérations’est élevé à 200 000 euros. L’aménagementintérieur et le choix du mobilier ont été élaborés par les responsables des deux équipes, avec l’aide des services techniquesde l’EHESS (Dominique Thoreau) et del’architecte Dominique Pinon (AgenceAKPA). La salle de lecture est équipée d’unmobilier Borgeaud, légèrement redessiné,les magasins d’un mobilier Tixit. Elle comporte 60 places, dont 20 dans un secteurtransformable en salle de séminaire.

    Les magasins (environ 300 m2) sont répartis sur quatre niveaux ; le niveau infé-rieur, fermé, sert de réserve ; les trois autressont en accès libre et le classement LCCpermet de trouver, à côté du livre recherché,les « bons voisins » sur le même sujet. Il permet aussi de se faire rapidement uneidée des principales thématiques du fonds.Sur un niveau sont regroupés les ouvragesconsacrés à l’histoire du monde gréco-romain, du monde grec, du monde romain,à la numismatique, à l’historiographie,

    Le point sur un outil, un fonds, une rechercheUne nouvelle bibliothèque d’Antiquité : Gernet-Glotz

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    à l’histoire de l’économie, des institutionset théories politiques, du droit, de lafamille, les Mélanges.

    Sur un autre on trouvera les études concer-nant la philologie et la littérature grecqueet romaine, les papyri, les éditions de fragments, les éditions de textes. Dans lamesure du possible ont été regroupés pourchaque auteur les éditions de textes, lestraductions, les commentaires, les scholies,les concordances, les index, les études critiques. Ont été réunis également à cetétage les périodiques, rangés par ordrealphabétique de titre. On notera ceux quisont édités par les deux centres : Les Cahiers du Centre Gustave Glotz (diff. : De Boccard) ; METIS, Anthropologie des Mondes Anciens (Paris, éditions del’EHESS, Athènes, éditions Dædalus).

    Enfin dans un troisième espace se trouventles collections d’art et d’archéologie : cata-logues de musées, de collections, histoire de l’art grec et romain, iconographie, archi-tecture, sculpture, peinture, arts décoratifs(céramique), catalogues de ventes (Sotheby’s,

    Topographicum Urbis Romae) ;– Les grandes séries historiques :( Cambridge Ancient History – Aufstieg undNiedergang der Römischen Welt / ANRW ) ;– Les outils du domaines des arts plastiques (Enciclopedia dell’arte antica classica eorientale / EAA – Pompei : pitture e mosaici,Red. Ida Baldassarre – Künstlerlexikon derAntike – la collection complète du CorpusVasorum Antiquorum / CVA ) ;– Les instruments du domaine de la mytho-logie et de l’histoire des religions (LexiconIconographicum Mythologiae Classicae /LIMC – Oxford guide to Classical Mythologyin the Arts – Roscher, Ausfürliches Lexikonder griechische und römische Mythologie– les volumes parus du Thesaurus Cultus etrituum antiquorum / ThesCRA ) ;Trois collections d’éditions de textes latinset grecs, soit en texte seul (BibliothecaScriptorum Graecorum et RomanorumTeubneriana), soit en bilingue français(Collection des Universités de France) ouanglais (Lœb Classical Library ) ;

    Enfin les principaux corpus d’épigraphie :(Corpus Inscriptionum Graecarum / CIG –

    Salle de lecture de la bibliothèque Gernet-GlotzArchitecture : agence AKPA

    Christies, Cahn). C’est ici également qu’onpourra consulter les ouvrages consacrés à l’histoire des religions, à la philosophieantique et à l’épigraphie.

    La proximité de la salle de lecture avec lesdeux centres de recherche Gernet et Glotz,ainsi qu’avec l’équipe Phéacie, facilite la rencontre entre étudiants, enseignants et chercheurs des équipes.Un grand nombre d’usuels y sont mis àdisposition des lecteurs. On notera particu-lièrement : – Les outils bibliographiques (L’AnnéePhilologique). – Les dictionnaires de langue, modernes et anciennes (Thesaurus Linguae Graecae –Thesaurus Linguae Latinae – Oxford LatinDictionary, Liddle-Scott).– Les ouvrages de référence pour le mondeantique (Pauly-Wissova, Real-Encyclopädieder klassischen Altertumswissenschaft – DerNeue Pauly – Reallexikon für Antike undChristentum – Dictionnaire des antiquitésgrecques et romaines / Daremberg, Saglio,Pottier –Handbuch der Altertumwissenschaft– Atlas of the Ancient World – Lexicum

  • 4 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    elle devient de plus en plus un instrumentde formation pour les étudiants de troisième cycle (master, doctorat) ; la partie séminaire de la salle de lecture estprécisément destinée à permettre l’enseignement de la recherche à partir desinstruments disponibles. Elle est enfin un outil de référence pour la communautédes historiens de l’art de l’INHA qui, dans un esprit warburgien, auraient à vérifier tel texte antique ou telle donnéede l’histoire culturelle.

    À tous nous souhaitons la bienvenue et defructueuses recherches.

    Rosine Adda bibliothécaire Gernet

    Karine Farenc conservateur, bibliothèque Glotz

    Jean-Louis Ferrary directeur du Centre Glotz

    François Lissarrague directeur du Centre Gernet

    Planche extraite de Eduard Gerhard :Auserlesene Griechische Vasenbilder,Berlin, G.Reimer,1840

    Inscriptiones Graecae / IG – CorpusInscriptionum Latinarum / CIL – L’Annéeépigraphique, Supplementum EpigraphicumGraecum / SEG – la collection desInschriften Griechischen Städte ausKleinasien / IK) et les ouvrages de référencedans la discipline.

    Actuellement quatre postes informatiquessont à disposition et permettent la consul-tation de bases de données (sur CD Rom :Bibliotheca Teubneriana Latina ; ThesaurusLinguae Graecae ; Phi, Greek documentarytexts ; Phi, Thesaurus Linguae Latinae.Phi, Latin Texts, Bible versions. En ligne :Dyabola, Année Philologique ; l’achat de laPatrologie de Migne est en cours).Un photocopieur permet la reproductionde documents, dans les limites établies parla législation en vigueur.

    Comment, après une telle transformation,dont on peut dire qu’elle est le résultat d’uneffort collectif considérable, peut-on envi-sager l’avenir ? Au bout d’un an la bonnefréquentation de la bibliothèque montreque l’outil fonctionne et que la décision defusionner était juste ; les prédictions les pluspessimistes ne se sont – heureusement – pasréalisées. Il reste encore à mener à terme les opérations d’informatisation du catalo-gue et d’entrée dans le SUDOC, avec l’aidede l’INHA et du SCD de Paris I.

    Dans ses nouveaux locaux, cette bibliothè-que a une triple fonction. C’est, commeauparavant, un outil de recherche lié auxprogrammes des équipes qui l’ont bâtie ;elle reste très spécialisée dans les domainesde pointe (épigraphie, iconographie grecque,histoire des religions). En s’agrandissant,

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    Les programmes mis en place par l’axe derecherche « Archives de l’art de la périodecontemporaine » ont pour objectif de répondre à une demande formulée par la communauté scientifique de l’histoire de l’art. Ces programmes s’articulent autourde trois types d’actions : le repérage desarchives dispersées ou encore en mains privées, le traitement de fonds d’archives(inventaires, descriptions) qui vient pallierl’absence ou l’insuffisance de signalementet, le cas échéant, une valorisation de ces archives sous la forme d’expositions, de colloques, de publications. Ce travails’accompagne, à chacune de ces étapes,d’une réflexion à la fois théorique et histo-rique sur le rôle des archives dans l’histoire de l’art contemporain à laquelle est associél’ensemble des partenaires.Dans cette perspective a été initié en 2003un programme portant sur les archivesaudiovisuelles du capcMusée d’art contem-porain de Bordeaux. Ce programme, qui a été l’objet d’uneconvention entre l’université de Bordeaux,le capcMusée et l’INHA, consiste en l’inven-taire du fonds des archives vidéographiques.

    Le fondsLe fonds contient les vidéos réalisées à partirde 1980 au Centre d’arts plastiquescontemporains puis au musée – à partir de1984, date où le CAPC est devenu« capcMusée ». Le fonds se compose d’unepart de vidéos montées par les services

    pédagogiques du musée, dont certaines ontété commercialisées, et d’autre part de rushesnon montés. Il s’agit essentiellement devues des expositions (et de leur mise enplace) et des vernissages, d’entretiens et de portraits d’artistes, de conférences etd’activités pédagogiques.

    Le fonds concerne des artistes faisant partiedu « socle » de la collection du capcMusée :le renouveau critique de la peinture fran-çaise dans les années 70, les tendancesinternationales de la même décennie (LandArt anglais, Art conceptuel américain, Arte Povera italien), le retour à la peinture des années 80 (Figuration Libre,Transavangarde). Parmi les plus présentsdans le fonds vidéo, on note : JohnBaldessari, Richard Baquié, Jean-CharlesBlais, François Boisrond, Clegg &Guttmann, Robert Combas, GérardGarouste, Gilbert & George, AnishKapoor, Wolfgang Laib, Bernard Piffaretti,Jean-Pierre Raynaud, Richard Serra,Lawrence Wiener. Certains artistes ont col-laboré sous diverses formes avec le muséeet ces activités ont été presque systémati-quement enregistrées. C’est le cas parexemple de Keith Haring et de DanielBuren, dont les ateliers d’enfants, œuvresin situ, conférences de presse et interviewssont très documentés. Enfin le fonds vidéoreflète également la place accordée auxdiverses disciplines artistiques avec desconcerts (Pascal Dusapin, Laurie

    Anderson), des conférences d’architectes et de designers (Philippe Starck) ou des défilés de mode (Azzedine Alaia).

    État des lieux La fragilité du support u-matic ou VHS et une conservation inadaptée rendaientnécessaire avant tout signalement la sauve-garde des vidéos, pour éviter leur disparitionprévisible à court terme. Un grand nombreont déjà perdu leur couleur ; d’autres,notamment les vernissages, sont inaudibles ;quelques-unes enfin se réduisent à peu dechose, voire à plus rien – nous ne disposonsdans ce dernier cas que de la trace bienmaigre que constitue l’intitulé porté sur lacassette (par exemple « Regarder ailleurs,Jean Otth, Gina Pane, Gérard Titus-Carmel,Claude Viallat »). Le projet a donc d’abordporté sur la numérisation des vidéos sursupport Betacam numérique ; cette sauve-garde, prise en charge par le musée, condi-tion sine qua non du visionnage – sauf àachever de détruire, dans certains cas, les supports originaux – sera terminée avantla fin 2005. Cette numérisation a permis la création de nouveaux masters numériquesqui seront conservés dans des conditionsadéquates et à partir desquels il sera possiblede créer, en fonction des besoins, des supports de visionnage ou de diffusion auformat VHS ou numérique (Mpeg).

    Au fur et à mesure de la campagne de numé-risation, l’inventaire a pu avancer, réalisé

    Les archives audiovisuelles du capcMusée d’art contemporain de Bordeaux

    Le capcMusée d’art contemporain de Bordeaux,photo Christian Désile, 1999

  • 6 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    par Élodie Lacroix Di Méo, doctorante enhistoire de l’art à l’université de Bordeaux.Cet inventaire, conforme à la norme de description archivistique internationaleISAD(G) (General International StandardArchival Description), est réalisé selon troisniveaux de description : – Fonds (fonds vidéo du capcMusée) ;–Séries (Interviews, vernissages, conférences,ateliers d’enfants, etc.) ;– Dossiers (Mario Merz, Starck, DanielBuren …).La description s’est adaptée à un matériauparfois hétérogène, notamment du fait de la non coïncidence possible entre le support (la cassette) et son contenu : à unecassette ne correspond pas systématique-ment une « pièce » au sens où l’entend la norme (la plus petite unité intellectuelled’archive). Ainsi, sur une même vidéo, peu-vent se trouver conservées plusieurs unitésde contenu (rushes d’une conférence depresse et d’un atelier pédagogique), tandisqu’une unité de contenu (par exemple uneconférence de Philippe Stark) peut êtrerépartie sur plusieurs cassettes. Le niveau de description de contenu le plus

    bas est donc celui du « dossier ».

    Les séries Le travail a permis de constituer cinqséries, en fonction, là encore, des contenus : – Expositions : mises en place (JannisKounellis 9 et 11 juin 1990), accrochages(Exposition Art Conceptuel), commentairesd’exposition, séances de peinture / instal-lation par les artistes au musée (KeithHaring), vernissages (Salomé, Castelli & Fetting).– Espaces du musée et communication :chantiers de rénovation du musée, restau-rant, entrée, façade. Cette série comprendégalement les vidéos présentant l’historiquedu bâtiment, les reportages sur le musée oules vidéos montées destinées à la publicité dumusée, par exemple les «vidéoprogrammes».– Interviews/ateliers d’artistes : interviews,conférences de presse, entretiens d’artistesdans leurs ateliers (Noel Cuin « Équinoxe »),séances de peinture filmées dans les ateliers,lectures d’œuvres, rencontres entre artistes(Clegg&Guttmann et John Baldessari :entretien du 9 mars 1989 au capcMusée).– Evénementiel / Manifestations : conférences

    (Philippe Stark), concerts (Pascal Dusapin :conférence et concert de musique contem-poraine), ballets, défilés de mode.– Ateliers pédagogiques : activités réaliséesavec ou pour les enfants (Sol LeWitt, ate-lier), ainsi que les séances de questionsposées aux artistes par les enfants (Gilbert& Georges, vernissage enfants).

    Intérêt du fonds

    Histoire du muséeLe fonds constitue une source originale, du fait de sa nature audiovisuelle, pourretracer l’histoire du musée entre 1980et 2000. Chacun des types d’activités, ainsique les phases de travaux et la mise enplace des expositions, ont en effet été enre-gistrés. Beaucoup d’artistes dont le muséepossède des œuvres ont été filmés. Celadit, le fonds ne permet pas une approchesystématique de cette histoire, du fait de son hétérogénéité : tous les vernissagesn’ont pas été filmés ; les artistes ayant réalisé des œuvres in situ n’ont pas touscommenté ces installations ; certains n’ont

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    été interviewés que dans le cadre d’activitéspédagogiques, d’autres ont préféré être filmés dans leur cadre de travail, sans évoquerspécifiquement leurs œuvres au musée, etc. D’une manière plus générale, le fondsinforme également sur la volonté de rensei-gner par l’image et sur les modalités de cettepratique, ici encore à l’état expérimental.Les lacunes du fonds et les possibles effetsde redondance avec les autres formes d’en-registrement de l’information utilisées parle musée méritent d’être observés et infor-ment eux aussi sur la façon dont s’estconstruite l’image du capc.

    Perspectives monographique ou thématiquePour de rares artistes, la documentation estparticulièrement abondante. C’est le cas deKeith Haring par exemple, dont la richecollaboration avec le musée a été presqueintégralement enregistrée lors de son expo-sition (Keith Haring peintures, sculptureset dessins, 13 décembre 1985-23 février1986) : vues de l’exposition, réalisations in situ, réalisation des grands dessinsmuraux « interrompus », visite et interview

    de l’artiste par les enfants, conférence depresse, atelier pédagogique, soit un totalde dix cassettes représentant plus de deuxheures et demi d’enregistrement.Il est aussi possible – et sans doute fruc-tueux – de procéder à des regroupementsthématiques : œuvres in situ, figurationlibre… Dans ce cas, les nombreuses photo-graphies prises au musée, ainsi que le fondsd’enregistrements sonores, pourraient fournir des documents complémentaires.

    Les archives sonoresLes archives audiovisuelles comprennenten effet un fonds d’enregistrements sonoresde conférences, d’entretiens ou de séminaires.Ces enregistrements constituent un fondsremarquable dont l’exploitation, notammentéditoriale, est à l’étude.

    ConsultationConformément au principe fondamentaldes partenariats mis en place par l’INHAdans le cadre du traitement d’archives, le capcMusée s’engage à mettre à dispositiondes chercheurs ce fonds qui, jusque là, neleur était pas accessible. Au terme du projet,

    les vidéos seront donc visibles sur des postesdédiés au centre de documentation du capc,sur rendez-vous. Pour l’instant les anciensmasters feront office, en l’état, de copiesconsultables et seront progressivementremplacés par de nouvelles copies réaliséesà partir des masters numériques. Selon le format retenu (VHS PAL ou Mpeg), onpourra également prévoir une mise en lignedepuis une base de données, selon desconditions notamment légales qui restent à étudier au cas par cas.

    Une présentation du fonds aura lieu dansle cadre des « Rencontres de l’INHA »le 14 décembre prochain, Galerie Colbert,Salle Vasari à 18h.

    Richard Leeman Conseiller scientifique, INHA

    Élodie Lacroix Di Méo Doctorante en histoire de

    l’art, université Michel de Montaigne - Bordeaux3

    Exposition Claude Viallat au capcMusée d’art contemporain,1980, photo J.M. Blanc

    Exposition Richard Long au capcMusée d’art contemporain, 1981-1982, photo ISO

  • 8 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    Le nom des Brière est bien connu desconservateurs de la Bibliothèque del’Institut national d’histoire de l’art (INHA),puisque celle-ci est constituée en partie des fonds de l’ancienne Bibliothèque d’artet d’archéologie Jacques Doucet oùClotilde Brière-Misme, épouse de GastonBrière, travailla à partir de 1918 au service de la photothèque et du cabinet des estam-pes, et à laquelle elle légua un patrimoinetrès important. Ce legs, concédé dans lesannées 1960, comportait à la fois des biensimmobiliers, mais également bon nombred’ouvragesi, et un fonds d’archives d’unegrande richesse. C’est ce fonds, constituéen majorité des papiers de travail de sonépoux, dont il a été réalisé un reclassement.

    Diplômé d’études supérieures d’histoire etde géographie (Université de Paris),Gaston Brière (1871-1962) fut élève àl’École des hautes études en sciences socialespuis à l’École du Louvre, dans lesquelles il poursuivit une carrière d’enseignant,de 1911 à 1938. Au sein de celles-ci, il formade brillants élèves, parmi lesquels GermainBazin ou encore Jacques Wilhem. Son goût

    pour l’enseignement l’amena également àfaire partager son savoir à un auditoire plus large, dans les multiples Universitéspopulaires, à Paris et en province. Attachéau Musée de Versailles de 1903 à 1918, il futconservateur adjoint au Département des peintures du Musée du Louvre de 1918à 1920. À partir de cette date, il retourna à Versailles, travaillant tout d’abord en tantque conservateur adjoint, de 1920 à 1933,puis comme conservateur, de mars 1933à juillet 1938, succédant brillamment à Pierrede Nolhac et André Pératé. Parti à la retraiteen 1938, il est cependant nommé chef dudépôt des Musées nationaux aménagé dansle château de Brissac durant la SecondeGuerre mondiale, de septembre 1939 à mai1946. Sa carrière versaillaise le conduisit àse spécialiser dans l’étude de la peinturefrançaise de la période classique, s’intéres-sant tout particulièrement aux peinturesdécoratives. Il est avec André Pératé à l’ori-gine de la présentation des salles du XVIIesiècle, mais surtout de la remise en place de nombreux dessus-de-porte du domaine,au château comme au Grand Trianon.Personnage d’une très vaste érudition, il

    inspirait le plus grand respect à ses confrères,élèves, et différents amis. L’allocution de Paul Léon à l’occasion de son élévation à la dignité de Commandeur de la Légiond’honneur2 en 1957 et les multiples lettresprésentes dans le fonds adressées au« Maître » témoignent parfaitement decette reconnaissance générale.

    Elève de Salomon Reinach, d’André Michelet de Gaston Brière à l’École du Louvre(1911-1913), Clotilde Brière Misme (1889-1970) fit ses premiers débuts dans la critiqued’art en 1910 (Gazette des Beaux-Arts,Chronique des Arts). Au cours de ces années,elle entama sous la direction de GastonBrière une thèse sur la peinture hollandaise.Le professeur et son élève nouèrent peu àpeu des liens d’estime et d’admiration réci-proques, et se marièrent en 1925. Chargéede conférences au musée du Louvre de1920 à 1940, elle donna de nombreuses« conférences-promenades » sur la peinturehollandaise, et publia également plusieursouvrages et articles à ce sujet. Elle travaillade 1918 à 1928 comme bibliothécaire à la Bibliothèque d’art et d’archéologie de

    Un fonds d’archives inconnu à la bibliothèque de l’INHA : les papiers de Clotilde et Gaston Brière

    Gaston et Clotilde Brièreau Congrès Internationald’Amsterdam, 1952Collection particulière

    Salle des Académiciens,Château de Versailles, 1935,Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet

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    Le fonds légué par Clotilde Brière, répartien treize cartons, contient majoritairementles papiers de travail de son époux, classésdans de multiples pochettes. Selon unehabitude propre aux débuts du siècle dernier,Gaston Brière utilisait toutes sortes depapiers de récupération, qu’il insérait par la suite dans des pochettes regroupées dansdes sous-dossiers. Les archives entretiennent un rapportétroit avec la carrière de conservateur de Gaston Brière, longtemps en poste àVersailles. Elles sont composées de nom-breux papiers de travail, d’études, maisaussi d’une riche correspondance avec sescollègues conservateurs, prédécesseurs(Pierre de Nolhac, André Pératé) et succes-seurs (Pierre Ladoué, Gérald Van derKemp), mais également architectes (AndréJapy, Marc Saltet) et historiens de l’art. Les lettres échangées durant la SecondeGuerre mondiale et la période d’après-guerre présentent un grand intérêt pour la connaissance du domaine « royal » et de ses collections lors de ces années troubles.Le fonds contient par ailleurs plusieursphotographies du château de Versailles desannées 1930, en particulier des intérieurs.Ces images conservent le souvenir de

    certaines salles aujourd’hui disparues,comme la salle des Académiciens, détruiteen 1936. Sa correspondance, ses nombreuxpapiers de travail, mais également deux carnets des séances du Comité consultatifet du Conseil des Musées (1927-1939), sanscompter les photographies, constituent une« manne » pour la connaissance de Versailles,tout particulièrement en ce qui concerne le domaine de la conservation. Après saretraite, il entretint néanmoins des lienstrès étroits avec le personnel, notammentMauricheau-Beaupré, Marguerite Jallut ou encore Gérald Van der Kemp, qui l’in-formaient des divers changements survenusdepuis son départ et les multiples difficultésliées à l’entretien, la conservation et la valorisation du domaine. Il s’intéressa également à des sujets très disparates dans le domaine de l’histoire de l’art, documentant chacun d’eux par de très nombreuses recherches. D’après lui,« le souci de chercher rigoureusement la vérité, et de la chercher par le moyen des textes, des papiers du passé, n’étouffepas en nous le sentiment et l’émotiondevant l’œuvre d’art3 ». En effet, combiende papiers, combien de recherches ! Il mani-festa notamment un goût très prononcépour l’étude du portrait. La présence dansle fonds d’une ébauche de catalogue des portraits constitué par Gaston Brière et un de ses collègues témoigne parfaitementde cet intérêt. Le fonds regorge par ailleurs de multiplespetites fiches manuscrites, de coupures de journaux, et bon nombre de cartonsd’invitation, avis de décès, et autres : toutune riche documentation conservée scru-puleusement par Gaston Brière. Il contient également de nombreux papierspersonnels, comme ses carnets intimes dejeunesse, dont les premiers écrits font déjàpressentir une personnalité peu commune.Il y révèle ses doutes concernant l’avenir,ses angoisses, ses souvenirs de famille, de 1888 à 1939. Sa bibliographie, composée de cent quatre-vingt-sept mentions (ouvrages et articles)et publiée dans Les Archives de l’ArtFrançais 4 est le reflet d’une très grande activité en tant qu’historien de l’art.

    L’inventaire détaillé du fonds a permis demettre en lumière le travail et les personna-lités tout à fait attachantes du couple Brière.À la mort de son époux en 1962, ClotildeBrière poursuivit les travaux de celui-ci,

    l’Université de Paris – Jacques Doucet. À partir de 1928, elle fut chargée de laconservation des estampes et photographiesde l’établissement. Elle apparaît aujourd’huiaux yeux de beaucoup, en raison de ses acti-vités et de ses nombreux dons, comme unefigure à la fois modèle et bienfaitrice. Bien que le fonds ait trait en grande partieau travail de son époux, quatre cartonssont en lien direct avec les travaux deClotilde Brière-Misme. Ses archives secomposent également de nombreuxpapiers de travail se rapportant en largemajorité à la peinture hollandaise.Plusieurs dossiers concernent l’étude dupeintre Ludolf de Jongh, auquel elle sem-ble avoir consacré de nombreuses recher-ches. Le fonds contient également le textemanuscrit de ses conférences au Louvre,ses articles (compilés dès ses débuts par ses soins dans un livre), mais également la correspondance qu’elle entretenait avecle milieu de l’histoire de l’art français(Jacques Doucet, Louis Dimier, HenriFocillon) et outre-Atlantique (correspon-dance avec Miss Helen Frick). Atteinte par une grave cécité à la fin de sa vie, elle possédait plusieurs ouvrages en braille,également présents dans le legs.

  • 10 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    contribuant notamment à la restitution au château d’Anet du tombeau de Diane de Poitiers, dont il avait été le promoteur5.Elle s’attacha également à l’étude du châteaude Versailles, se penchant sur la résurrectionde la salle à manger de Louis XV au PetitTrianon et conservant des liens d’amitiéavec le conservateur Gérald Van der Kemp. Sans descendance directe, ils léguèrent leurcollection à diverses institutions : desœuvres au Musée des Arts décoratifs (sixfauteuils estampillés L. Lefèvre, et des dessins de Constantin Guys) et au Muséedu Louvre (Statuette de Jovard représentantVallet de Viriville et deux portraits au pastelpar Bornet). Ils partagèrent leur bibliothèqueentre celles du Musée et de la ville deVersailles, l’École du Louvre, et la Biblio-thèque d’art et d’archéologie-Jacques Doucet.Par ailleurs, cette dernière n’est à l’heureactuelle pas la seule à conserver des archivesissues des Brière : la Bibliothèque centraledes Musées nationaux, la Bibliothèquemunicipale de Versailles mais également leService des Archives de l’établissement publicdu musée et du domaine de Versailles possèdent une riche correspondance.

    Leur demeure familiale, située à Fontenay-en-Parisis, fut léguée quant à elle en 1957à la MGEN (Mutuelle générale de l’Éducation Nationale), qui en fit une mai-son de retraite.

    Demeuré en l’état depuis son arrivée dansles collections de la Bibliothèque d’art etd’archéologie, le fonds Brière nécessitait un reclassement en raison de son manquede cohérence. Malgré tout, l’esprit du fonds,constitué de multiples pochettes éparses etsous-dossiers a été scrupuleusement conservé,aucun de ces éléments n’ayant été déplacé.

    À l’occasion de ce reclassement, des contactsont été renoués avec une ancienne assistantede Clotilde Brière-Misme, Mme ChristianeReynie-Ruffier qui, par l’évocation de sesprécieux souvenirs, a contribué à une meil-leure compréhension de ce fonds. Elle aégalement participé à son enrichissement,en concédant à la bibliothèque de l’INHAde nombreuses lettres provenant des Brière6qui, depuis de longues années, étaientdemeurées en sa possession. Aujourd’hui,après achèvement de ce reclassement, le

    Lettre manuscrite de Pierre de Nolhac à G. Brière, 13 décembre 1906, Bibliothèque de l’INHA,collections Jacques Doucet

    travail concernant ces archives est poursuivipar l’auteur, afin de mieux connaître etfaire connaître à la fois le travail de GastonBrière, mais également d’accroître nosconnaissances concernant l’histoire duChâteau et sa conservation durant les annéestroublées par la Seconde Guerre mondiale.

    Claire Bonnotte Chargée d’études et de recherche

    à l’INHA

    Bibliographie :

    – A. Héron, M-J. Hérouart-Ricard, Biographie de

    Gaston Brière 1871-1962, École du Louvre, Mémoire

    de Muséologie, 1991-1992.

    – Bibliographie de Gaston Brière, Archives de l’Art

    Français, 1959, t. XXII, p. 9-27.

    1. Le fonds contient une liste dactylographiée de ces ouvrages établie par S. Damiron en 1963, faisant mention de plus de deuxcents ouvrages.2. Musées et Collections publiques de France, nº62, janvier-mars 1958, 9-16. 3. A. Héron, M-J. Hérouart-Ricard, Biographie de Gaston Brière1871-1962, École du Louvre, Mémoire de Muséologie, 1991-1992, (préface).4. Archives de l’Art Français, 1959, t. XXII, 9-27.5. Clotilde Brière Misme, « Le tombeau de Diane de Poitiers et sa restitution au château d’Anet », séance du 5 novembre 1966,Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, Paris, 1966.6. Boîte d’archives n°14.

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    La création de l’Institut d’histoire del’art est directement liée à la fondationde l’Académie des Sciences tchécoslo-vaque, en 1952. L’Académie regroupaitalors, à côté de quelques grands insti-tuts, certains établissements nouvelle-ment créés dans le domaine des scien-ces humaines auxquels vint s’adjoindre,dès le 1er janvier 1953, le Centre dethéorie et d’histoire de l’art. La créationde ce Centre doit beaucoup à ZdenekWirth, historien de l’art tchèque derenom, qui présidait alors la sectionphilosophie et histoire de l’Académie.Peu de temps après sa fondation, leCentre accueillit l’Institut archéologiqueN.P. Kondakov et s’installa dans les

    Histoire des arts plastiques tchèques, dontl’édition se poursuit de nos jours. En 1966, fut créé le département de l’infor-mation scientifique, donnant progressive-ment à l’Institut la possibilité de répondreà l’exigence d’une centralisation de la docu-mentation liée à la discipline, ainsi que de regrouper l’information scientifique ausein de l’institution. Dans l’atmosphèredes années soixante, l’Institut gagna enprestige et en reconnaissance, tant auniveau local qu’international. Après 1970,la « normalisation » politique se fit égale-ment sentir au sein de l’Institut à traversdes modifications de structure et de fonc-tionnement mais surtout par un renouvel-lement du personnel et un ralentissement dela recherche. La reprise eut lieu après 1980,lorsque de nouveaux projets de recherchefurent initiés, notamment sur l’art dutemps de Rodolphe II (fin du XVIe siècle),ainsi que sur l’art du XIXe siècle, rechercheinterdisciplinaire à laquelle l’Institut participa, à partir de 1981, en organisantplusieurs symposiums thématiques à Plzen et en publiant leurs actes. Après 1989, la modification de structure de l’Académiedes Sciences a entraîné une transformationde l’Institut. Au plan international, lescontacts avec des institutions scientifiquesont alors été rétablis, favorisant notammentl’organisation de conférences et de sympo-siums internationaux et l’échange d’infor-mations scientifiques. Depuis 1998, les locaux de l’Institut d’histoire de l’artaccueillent le cycle de conférencesCollegium historiae artium qui rassemble

    des participants de différents pays. En1998, l’Institut d’histoire de l’art a été l’undes membres fondateurs de l’associationRIHA (Research Institutes in the Historyof Art) dont le but est d’encourager larecherche, l’enseignement et la coopérationinternationale dans le domaine de l’histoirede l’art. L’Institut accueille également en son sein la Société d’histoire de l’artdans les pays tchèques (UHS, créée en 1991).

    Structure de l’Institut et principaux projets actuelsTout au long de son existence, la structurede l’Institut a subi plusieurs transformations,le plus souvent motivées par des exigencesidéologiques, même si, pour l’essentiel, sonorganisation de base est restée inchangée.En 1958, l’Institut a mis en place troisdépartements (art ancien, art moderne et histoire de l’architecture). Une réorgani-sation est intervenue en 1962, afin de permettre à chacun de ces départementsd’élargir son champ d’activité (à l’histoirede l’architecture sont venus s’ajouter les arts appliqués, et le département d’artmoderne a englobé la théorie). Les plusgrands changements de structure sont sur-venus en 1972, lors de la réorganisation quifit suite à la « normalisation ». C’est à cettedate que l’Institut de musicologie a été rattaché à l’Institut (et a continué à en fairepartie jusqu’en 1990), entraînant une nou-velle répartition au sein de l’Institut entreles trois sections suivantes : théorie et histoire des arts plastiques, musicologie,théorie générale de l’art.

    Grands instituts d’histoire de l’artL’Institut d’Histoire de l’art de l’Académie des Sciences de la République tchèque

    locaux de ce dernier où il demeurajusqu’en 1993, date à laquelle ilemménagea à son adresse actuelle.

    En 1957, le Centre fut rebaptiséInstitut pour la théorie et l’histoire del’art. Le terme « théorie » fut temporai-rement supprimé entre 1964 et 1971,puis de nouveau après 1993. Au cours de ses cinquante ans d’exis-tence, sept directeurs se sont succédéà sa tête : Vladimír Novotny (1953-1960), Jaromír Neumann (1960-1970),Sáva Sabouk (1970-1980), Jirí Dvorsky(1980-1990), Tomás Vlcek (1990-1993),Vojtech Lahoda (1993-2001) et LubomírKonecny (2001-).

    Histoire de l’InstitutL’objectif était de constituer, au niveaunational, une institution officielle quiprenne en charge les différents domainesde l’histoire de l’art pour l’ensemble dupays. Au début de son existence, ses princi-pales missions étaient de répertorier le patrimoine artistique de la Bohême etd’étudier aussi bien les monuments situésdans l’enceinte du Château de Prague que le dessin et l’art tchèque du XIXe siècle.Dès 1953, l’Institut fit paraître la revueUmeni [Art] dont l’ambition était derenouer avec la revue publiée avant-guerresous ce même titre. Une bibliothèque, une photothèque, un atelier photographiqueet des archives furent créés et l’on commençaà établir une bibliographie de l’histoire de l’art. Parmi les missions mentionnées ci-dessus, les deux premières devinrent, par la suite, les principaux axes de l’activitéde l’Institut : le département de l’inventaireartistique continue aujourd’hui encore à recenser les monuments artistiques deBohême et de Moravie ; les études menéessur le Château de Prague (où se trouvait,jusqu’en 1980, une annexe de l’Institut) sesont principalement traduites par desrecherches sur la Pinacothèque du Château(de 1961 à 1965) ou par des travaux portantsur la cathédrale Saint-Guy. De façon notable, ces deux axes ont encouragé les membres de l’Institut à se pencher surles aspects théoriques et pratiques de la protection des monuments. À partir de 1959, une autre tâche importanteconsista à préparer la publication d’une

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    Entre 1968 et 1971, un Centre de théorie de l’architecture et d’aménagement urbaina fonctionné au sein de l’Institut d’histoirede l’art (un département d’architecture et d’urbanisme a de nouveau été créé, avecquelques changements, après 1986). À partir de 1990, des groupes de travail ontété mis sur pied, préfigurant l’organi-gramme actuel de l’Institut qui est constituécomme suit : 1. Art médiéval, 2. Art des temps modernes, 3. Art des XIXe, XXe et XXIe siècles, théorie de l’art et esthétique, 4. Topographies historiques et artistiques,5. Bibliothèques et bibliographies, 6. Photothèque et atelier photographique,7. Département de la documentation.

    Les principaux projets à long terme déve-loppés par l’Institut après 1990 concernentla poursuite de la publication de l’Histoiredes arts plastiques tchèques (notammentles volumes consacrés à l’art tchèque duXIXe siècle à nos jours), la poursuite de latopographie artistique de la Bohême (avecles publications : Les monuments artistiquesde Prague I-IV, 1996-2000 ; Les monumentsartistiques de Moravie et de Silésie I-III,1994-1999), la publication de la Nouvelleencyclopédie des arts plastiques tchèques(1995), ouvrage qui trouve son prolonge-ment dans le projet du Dictionnaire deshistoriens d’art, des critiques et théoriciensd’art dans les pays tchèques 1800-2000. À côté de ces publications, des recherchesont été menées dans l’enceinte du Château

    de Prague et ont entraîné une collaborationà l’organisation de l’exposition permanente(Histoire du Château de Prague, 2003).L’Institut poursuit également son travailsur les corpus et les catalogues consacrés àl’art médiéval, ainsi que ses recherches surl’art du temps de Rodolphe II. Ces recher-ches ont culminé à travers la préparationd’une exposition, la réalisation d’unepublication et l’organisation d’une confé-rence qui a été suivie, en l’an 2000, de lacréation au sein de l’Institut d’un centreStudia Rudolphina pour la recherche surl’art et la culture au temps de Rodolphe II.

    La bibliothèqueLa constitution de la bibliothèque adébuté dès la création du Centre de théorieet d’histoire de l’art, lorsque cette institu-tion a hérité du fonds de la bibliothèquede l’ancien Institut N.P. Kondakov, quirassemblait plus de neuf mille ouvrages et périodiques. D’autres publications ontété acquises par la suite grâce à des achatset à des dons de la bibliothèque centralede l’Académie des Sciences ou d’autresinstitutions. Les fonds se sont enrichis par des échanges avec des institutions partenaires étrangères ou encore grâce àdes legs d’historiens de l’art (ainsi, lors de la succession de Z. Wirth, les collectionsde la bibliothèque se sont enrichies de plus de onze mille ouvrages). Après le début des années quatre-vingt-dix, les conditions d’acquisition de nou-veaux ouvrages se sont améliorées. Des achats importants ont pu être réalisés

    grâce au soutien financier du Getty GrantProgramme que l’Institut a obtenu en 1991.

    Dès sa création, la bibliothèque s’est ins-tallée dans le même bâtiment quel’Institut, mais l’accroissement de ses col-lections a nécessité la création de réservesannexes dans différents quartiers dePrague. Après l’installation de l’Institutrue Husova, la bibliothèque a été transfé-rée à cette nouvelle adresse où un dépôt etune salle de lecture modernes ont étécréés. Le fonds original, provenant de labibliothèque de l’Institut N.P. Kondakov,a en revanche été séparé des collectionsrécentes et se trouve aujourd’hui hébergédans un dépôt annexe de l’Institut. Lefonds récent rassemble plus de soixante-treize mille volumes. La bibliothèque réa-lise des échanges avec cent quatorze insti-tutions étrangères et reçoit deux cent dixpériodiques dont quatre-vingt-onze titresétrangers. Dans la salle de lecture, lesfonds sont accessibles par l’intermédiairede fichiers manuels ou d’un catalogueinformatisé présentant les acquisitions fai-tes après 1993. La bibliothèque héberge également un centre bibliographique qui répertorie, sousforme électronique, les publications tchèques en matière d’histoire de l’art,dans le prolongement des anciens volumesimprimés et des fichiers manuels. Depuis 2002, la bibliothèque collecte la documentation pour la bibliographieinternationale en histoire de l’art (BHA),publiée par le Getty Research Institute.

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    La photothèque et l’atelier photographiqueDès leur création, la photothèque et l’ate-lier photographique ont fait partie inté-grante de l’Institut. Leur personnel acontribué de manière significative au développementde cette discipline spécifique qu’est la photographie documentaire du patrimoineartistique. La photothèque était et resteorientée vers la documentation des bohe-mica et des œuvres ressortissant du patri-moine artistique universel, présentes sur leterritoire tchèque. Dès le début, la repré-sentation des différentes périodes et disci-plines a été étroitement liée aux recherchesmenées par le personnel de l’Institut. La photothèque rassemble et archive les négatifs et les photographies réalisés dans le cadre des activités de l’Institut. Ces fonds ont été enrichis par des acquisi-tions, des échanges ou des dons. Parmiceux-ci, les plus importants concernent des collections de photographies provenantdes successions de Zdenek Wirth, deVincenc Krámár ou d’Emil Filla, ainsi quedes négatifs et des tirages de photographes de renom tels Josef Sudek ou Josef Ehm.

    Les fonds de la photothèque sont accessiblespar l’intermédiaire de fiches thématiques,assorties de photographies, ou de diaposi-tives d’archive, ou encore, depuis 1992,d’archives numérisées. La base réunitactuellement plus quatre-vingt-onze milleentrées dont plus de douze mille sontaccompagnées d’images.

    Le département de la documentationet des collectionsLe département de la documentation a étécréé parallèlement à l’Institut. À l’origine,il rassemblait la documentation concernantle patrimoine conservé en Républiquetchèque ainsi que celle provenant des suc-cessions de quelques représentants majeursde l’histoire de l’art. Actuellement, cedépartement gère et rend accessibles auxchercheurs plus de trente collections et fonds différents dont les plus consultéssont les successions personnelles des histo-riens de l’art, les collections graphiques, les plans, les documents archéologiques etceux de la Commission culturelle nationale(relatifs au destin du patrimoine tchèqueaprès la Seconde Guerre mondiale). Un centre épigraphique est rattaché à cedépartement et un fonds régulièrementactualisé retrace l’histoire de l’Institut. Les différents fonds sont conservés et sontaccessibles au public aussi bien dans lebâtiment principal de l’Institut que dans la réserve annexe située rue Legerova. Dans la salle de lecture, les chercheurs ontà leur disposition des fichiers manuels, des répertoires imprimés de ces fonds, ainsi que des catalogues informatisés mis à jour en permanence.

    Les publicationsDès sa fondation, l’Institut a exercé uneactivité éditoriale qui s’est traduite par la publication de revues à l’initiative descollaborateurs de l’Institut, dans le cadrede leurs travaux au sein de l’établissement.

    Vue de l’Institut d’histoire de l’art4 rue Husova, Prague

    Saint Jude Thaddée, statue de la moitié du XVIIIe siècle,façade du bâtiment de l’Institut.

    Plus récemment, l’Institut s’est doté de sapropre maison d’édition. Depuis 1953,l’Institut publie la revue Umení [Art] quiest, à l’heure actuelle, l’une des revues les plus importantes dans sa discipline. Depuis 1964, l’Institut publie la revueEstetika, dont la ligne éditoriale actuelle estplus particulièrement orientée vers l’inter-disciplinarité et l’histoire culturelle. Depuisl’an 2000, la maison d’édition de l’Institutpublie les Studia Rudolphina, au rythmed’un recueil chaque année. Fondée en 1995la maison d’édition Artefactum, rattachée à l’Institut d’histoire de l’art, s’est orientée,dès sa création, vers la publication de sour-ces relatives à l’histoire de l’art, à travers sacollection Fontes historiae artium.Aujourd’hui, son catalogue accueille égale-ment des publications occasionnelles ainsiqu’une nouvelle collection, Studia minorahistoriae artium, qui rassemble de brèvesétudes en histoire de l’art.

    Lubomír Konecny et Pavla Machalíková

    Institut d’histoire de l’art

    Académie des Sciences de la République tchèque

    Husova 4

    110 00 Prague 1

    République tchèque

    www.udu.cas.cz

    traduit du tchèque par Anna Pravdová

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    L’architecture religieuse européenne au temps des réformes : héritage de la Renaissance et recherches nouvellesDeuxièmes rencontres d’architectureeuropéenneChâteau de Maisons-Laffitte/ INHA8-11 juin 2005

    Centre André Chastel / Université d’Utrecht

    Après les Premières rencontres consacrées à « la Maison des champs dans l’Europe de la Renaissance » organisées au châteaude Maisons-Laffitte en juin 2003 (actes à paraître aux éditions Picard, 2006), cesdeuxièmes rencontres, de nouveau accueilliesau château de Maisons pour se clore à l’INHA, étaient cette fois co-organiséesavec l’université d’Utrecht, qui en retourco-organisera avec le Centre Chastel les Troisièmes rencontres sur « la Typologiedes bâtiments publics à l’époque moderne »à Utrecht en juin 2006.

    Ces journées, qui réunissaient chercheursallemands, italiens, portugais, belges, hongrois, anglais, américains, néerlandais,espagnols et français, visaient à faire le point sur les conséquences architecturalesdu grand mouvement qui conduit au XVIesiècle les Européens à s’interroger sur les fondements de leur foi.Alors que les « réformés », de Luther àCalvin, redéfinissent la fonction du temple,alors que les juifs vont trouver, dans certai-nes villes de l’Europe moderne en gestation,la liberté de bâtir des synagogues à l’imagedu temple de Jérusalem, l’Église catholiqueest conduite elle aussi à revenir aux sourcespour justifier sa tradition. Les textes, de la description du temple de Jérusalem à celle de la basilique vitruvienne, la proto-archéologie, qui tente de restituer temples et mausolées antiques, et la traditionconstructive « moderne » (que nous dési-gnons improprement du terme anachroni-que de « gothique »), autorisent des expériences infiniment plus variées quel’apparente domination du modèle du Gesù(pour faire court) ne laisse penser. Loin derompre avec l’héritage de ce qu’on appellela Renaissance, les architectes rebondissentsur la plupart des problématiques poséesun siècle plus tôt : – création d’un espace centré sur le modèledu Panthéon et de petits mausolées antiques,

    ou d’un espace rectangulaire dérivé de labasilique ; – tension entre l’unité de l’espace cultuel et sa fragmentation : disposition autour duchœur liturgique, du chœur des religieux,et de la nef pour les fidèles ; places respec-tives de l’autel, de la chaire, et de l’orgue ;chapelles privées, etc. Les vingt communications se sont organi-sées autour de quatre thèmes :

    De nouvelles églises pour de nouveauxordres ? Lors de sa dernière session, le Concile de Trente avait seulement rappelé un certainnombre de principes, et Charles Borroméeproposé certaines règles concernant lesespaces cultuels, qui servent de références(Sabine Frommel). Ce cadre général a favorisé plutôt qu’empêché la diversité des réponses en terme d’articulation de l’espace, tant des églises paroissiales que des lieux cultuels élevés par les nouveauxordres, nés dans le mouvement de la réforme catholique qui traverse toutel’Europe à la fin du XVIe et dans la premièremoitié du XVIIe siècle.Les nouveaux ordres de la réforme catholi-que (Jésuites, Oratoriens, Visitandines, ursulines, carmélites réformées, etc. ) ontdes pratiques variées et changeantes selonles moments et les lieux. Si certains cher-chent à affirmer leur unité en proposantdes plans types (entreprise avortée chez les jésuites, confirmée chez les Visitandines),pour d’autres les habitus locaux contrecarrentde manière plus ou moins décisive l’unitésouhaitée, que le poids des commanditairesprotecteurs vient souvent brouiller.Le modèle de la basilique paléochrétiennea intéressé les Oratoriens, comme expressionarchitecturale d’un effort de retour auxsources (Daniela del Pesco). Les Ursulines,ordre féminin enseignant, qui est pour cetteraison le plus grand bâtisseur en France,cherche d’abord les commodités économi-ques, mais emploie le plan centré de façonmarginale, dans l’Ouest de la France et à Paris, visiblement par émulation avec des ordres féminins « concurrents »(Philippe Bonnet). La grande église jésuitede Munich, Saint-Michael, a un impactdurable dans tout le sud de l’Allemagne(Ulrich Fürst).

    En Franche-Comté, après les guerres quiravagent la province, quelques religieuxarchitectes occupent seuls le terrain de

    l’architecture, qui constitue une des manifestations les plus fortes de la recon-quête catholique, et travaillent indifférem-ment pour les uns et les autres (ChristianeRoussel). Ce qui conduit à la secondeinterrogation.

    Des typologies nationales ?Dans cette perspective, ont été examinéessuccessivement l’évolution de la cathédraleportugaise au XVIe siècle (Paulo VarelaGomes), l’architecture religieuse des Pays-Bas méridionaux (Joris Snaet), del’Autriche et de l’Allemagne (WolfgangLippmann), de France (Claude Mignot) et de Hongrie (Peter Farbaky). Le rôle dupremier modèle pour la cathédrale Saint-Paul pour la définition des temples protes-tants à galeries, dont Wren et ses successeursdéclinent de multiples variations, a bien été mis en évidence (Gordon Higgott).

    Permanence et rebondissements du plan centré.Si le plan en croix latine à nef unique etchapelles latérales a une fortune évidente,le plan centré reste une alternativeouverte, comme en témoignent avec éclatl’œuvre du Bernin (Tod Marder), de grandesréalisations des Pays-Bas méridionaux(Krista de Jonge) – ou, de façon beaucoupplus modeste, quelques réalisations du Midi toulousain (Bruno Tollon, JulienLugand). Le modèle du Temple deSalomon, comme de son socle à contrefortsmonumentaux, joue un rôle symbolique et formel important dans le dessin d’unesérie de temples réformés et de synagoguesdans la jeune république des Pays-Bas du Nord (Konrad Ottenheym).

    L’espace liturgique : espace unifié ou fragmenté ?Si les formes architecturales franchissentainsi les frontières des ordres et parfoismême des différentes confessions, on observe aussi des singularités dans les dispositifs liturgiques : essor des chapellesprivées en Espagne (Claudia Conforti),dispositifs de clôture renforcée chez les moniales françaises (Laurent Lecomte),place des orgues et des chœurs à Venise(Massimo Bisson), récupération du deam-bulatorio (Fernando Marias, JoaquimBerchez) et espaces complexes liés au culteeucharistique en Espagne(AlfonsoRodriguez de Ceballos), qui éclairent la singularité de la chapelle du Saint-

    Comptes rendus. ActualitésL’architecture religieuse européenne au temps des réformes

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    Sacrement de l’église du Val-de-Grâce,bâtie pour une reine « espagnole », Anne d’Autriche, comme les participantsont pu le constater lors de la dernièreaprès-midi de visites.

    Bref, ces journées ont éclairé la mise en place d’une nouvelle géographie de l’architecture religieuse européenne, qui repose paradoxalement à la fois sur les limites de l’unification « catholique »prétendue et sur la migration de formes,transhistoriques (Panthéon, basiliquespaléochrétiennes, et naturellement templeset mausolées antiques), transfrontières et transconfessionnelles.

    Claude Mignot

    Lumière et vision dans les sciences et dans les arts, de l’Antiquité auXVIIe siècleColloque internationalParis, INHA, 9-11 juin 2005

    INHA

    Si l’historien de l’art sait, en théorie, qu’ildoit se confronter à d’autres disciplines, ce n’est pourtant que rarement le cas enpratique. Aussi faut-il saluer l’initiativequ’ont eue Danielle Jacquart et MichelHochmann de réunir des historiens dessciences et des arts à l’occasion d’un colloqueinternational consacré à la lumière et à la vision, de l’Antiquité au XVIIe siècle.

    L’optique, dont Jean-Marc Mondosio amontré combien sa classification au seindes sciences était variable au cours des époques, était naturellement au centredes débats. Les traditions antiques, médié-vales et renaissantes, étudiées respectivementpar Carla di Martino (sur le De Sensud’Alexandre d’Aphrodise), par A. MarkSmith (pour la pensée « perspectiviste »d’Alhazen) et par Jeremiah Hackett (pourcelle de Roger Bacon et de ses exégètes)ont été mises en relation avec les découvertesde Descartes et, surtout, de Newton, expo-sées par Michel Blay. Si l’on observe unbouleversement de l’optique au XVIIe siècle– conduisant à l’abandon de certaines théo-ries importantes, comme celle des species, arappelé Isabelle Pantin –, les recherchesantérieures possèdent également leurscritères de vérité. William Newman est

    revenu sur le cas de Newton, en mettant en évidence les liens du savant anglais aveccertains principes de l’alchimie. Une partiedes orateurs s’est d’ailleurs attachée aucaractère magique des questions optiqueset lumineuses. Jean-Michel Boudet a ainsi souligné l’importance de la magie auMoyen Âge, tout en insistant sur sonabsence de systématisation. Eileen Reeves a disserté pour sa part sur la question des miroirs grossissants, entre outils téles-copiques et vision fantasmatique. C’est cette ambiguïté entre physique et imaginaire qu’a développée Joelle Ducosdans le cas des apparitions météorologiquesexpliquées par Nicole Oresme. Le caractèrefabuleux de l’ophtalmologie du monderomain antique, héritée de l’ancienneÉgypte, a également été démontré parMuriel Pardon. Pour la période moderne,Robert Heitz a insisté sur le fait que la pratique ophtalmologique était restée trèslongtemps détachée des recherches optiques.

    Les autres communications se sont intéres-sées plus directement aux rapports existantentre les sciences et les arts. DominiquePoirel est ainsi revenu sur la tentationde voir dans la tradition dionysienne latinel’origine du style gothique, tandis que la lecture astronomique qu’a faite John D.North des Ambassadeurs de Holbein futun exercice de haute iconologie. La difficultédes peintres à se conformer aux prescrip-tions théoriques a été soulignée par MichelHochmann, dans le cas des reflets colorés,et par Pascal Dubourg-Glatigny, au sujetde la représentation de l’ombre. Même chezun Léonard de Vinci, une tension existeentre le peintre et le théoricien, dont CarloVecce et Anna Sconza ont étudié la récep-tion critique, tant d’un point de vue scientifique qu’artistique. Ce sont précisé-ment les correspondances entre l’approchepoétique de l’œuvre d’art et son étudetechnique qui ont occupé l’auteur de ces lignes, à partir d’un courant florentindu Quattrocento, la pittura di luce. SimaOrsini a également parlé de vision poétique,celle des miniaturistes persans.

    Dans l’approche des phénomènes delumière et de vision, le langage joue néces-sairement un rôle de poids. Anka Vassilius’est ainsi intéressée, chez Platon, aux limitesde la parole par rapport au visible, tandisque John Gage a démontré, dans une vastesynthèse historique, la relativité de l’emploi

    des termes « pourpre » et « rouge ».On voit donc tout ce que « l’interdiscipli-narité », terme si galvaudé ces dernierstemps, peut apporter au chercheur : nonpas la confusion des genres, mais bien une certaine lutte contre le cloisonnementde la pensée.

    Neville Rowley Université de Paris IV – Sorbonne

    Actions et projets des centres de recherche

    Centre Ledoux – Paris I

    Grâce à des actions renouvelées depuis2001, le Centre Ledoux de l’UniversitéParis I a noué des relations étroites avecl’Académie d’État d’Architecture et des Artsde l’Oural dans le cadre d’une conventionde recherche signée en 2005 qui, dans un premier temps, a pour objet l’étude de l’influence de Claude-Nicolas Ledouxsur l’architecture russe; elle se concrétise parla publication d’une série de travaux surl’architecte : L’Architecture considérée…traduit pour la première fois en russe(2004), L’architecture et les fastes du tempsde Daniel Rabreau (sous presse), en atten-dant la publication prévue pour 2006des actes du colloque Ledoux et le livred’architecture augmenté de communicationsrusses inédites, qui s’est tenu à l’INHA endécembre dernier.

    L’Archivio del Moderno de l’Accademiad’architettura de Mendrisio, le Musée can-tonal de Lugano et la Cité de l’architectureet du patrimoine de Paris, en collaborationavec le Centre Ledoux-Université de Paris I,viennent de signer une convention ayantpour objet l’organisation pour le premiersemestre de 2008 d’une exposition sur« Luigi Canonica et la culture architecturaleitalienne et française à l’époque napoléo-nienne ». Afin de préparer cette exposition,la convention prévoit la tenue d’un collo-que en deux volets sur le thème « Culturearchitecturale italienne et française à l’épo-que impériale » (élargie aux autres pays sous domination française) à Ascona (Tessin) 11-14 mai 2006 et Romeprintemps 2007

    Comptes rendus. ActualitésLumière et vision dans les sciences et dans les artsCentre Ledoux

  • 16 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    Jacob Burckhardt : nouvelles perspectives de rechercheCortona, Palazzone, sala Papacello, 21-24 septembre 2005

    Un colloque international s’est tenu auPalazzone, villa construite pour le cardinalSilvio Passerini (1469-1529) sur une collineprès de Cortone au sud de la Toscane,aujourd’hui dépendance de la ScuolaNormale de Pise, sous la direction scientifi-que de Sabine Frommel (EPHE, Paris) et de Maurizio Ghelardi (SNS, Pise). Cetterencontre donnait suite aux réflexions de la journée d’études Jacob Burckhardt : del’histoire culturelle à l’histoire de l’Art tenueen novembre de 2004 au Forum Allemandd’Histoire de l’Art à Paris (coopérationavec l’EPHE). L’édition critique de l’œuvreintégrale du grand historien suisse — uneentreprise titanesque en vingt-huit volumesdont onze ont vu le jour (le dernier tomeest prévu pour 2015) — constitue unesource primordiale de l’histoire de l’art. Sa collection de dessins, d’estampes et de photos ainsi que ses propres croquiscompléteront, sous forme numérique, ce dossier extraordinaire. Étant donné queBurckhardt cessa de publier ses travaux à l’âge de cinquante ans pour se consacrerentièrement à l’enseignement, l’évolutiondes méthodes et des positions scientifiquesde son œuvre tardive doit être restituée à partir des manuscrits de ses cours et desnotes prises par ses étudiants. Ces sourcessont loin de donner une image homogènepuisque, à peine entré dans la salle, le célè-bre orateur donnait libre cours à sa démon-stration. S’y ajoutent ses lettres (publiéespar Max Burckhardt en dix volumes entre1949 et 1986) document fondamental du Zeitgeschehen même si la traditionbâloise de brûler la correspondance aprèsdécès est source de lacunes dans le dialoguede Burckhardt avec ses amis et collègues.

    Cette immense entreprise d’édition rendaccessible un laboratoire scientifique quifut essentiel pour la mise au point des caté-gories scientifiques, voire pour l’établisse-ment du statut autonome de l’histoire de l’art. La phase essentielle comprise entreGeschichte der Kunst des Alterthumsde Johann Jochim Winckelmann et lesKunsthistorische Grundbegriffe de HeinrichWölfflin commence à se distinguer avecune plus grande clarté. Jacob Burckhardtadhérait à la grande tradition humaniste

    portée par la conviction de l’unité de l’hom-me et de son œuvre. Plus qu’une affinitéélective, sa passion pour l’Italie était unevéritable énergie complémentaire de sonêtre. Le rapport réciproque entre l’individuet le système étatique déterminait sa vision :la liberté de l’homme est la base de la pros-périté des arts. Toutefois, grâce aux recher-ches présentées à Cortone, les topoi com-mencent à se différencier et à se ramifier, etl’on décèle des incohérences et une fortedialectique dans les catégories scientifiquesde Burckhardt. S’il considère la HauteRenaissance comme une période supé-rieure, il admet que l’individu est capablede créer des styles dans un système nondémocratique comme la Rome des papes.Les ressentiments politiques ont laissé de profondes traces dans son interprétationet montrent à quel point les historiens duXIXe siècle étaient aveuglés par des querellespolitiques.

    Pour comprendre Burckhardt, il est néces-saire de prendre en compte sa position critique envers la France et, à partir de 1862, envers l’Allemagne où il condamnel’expansionnisme prussien. Commentconcilier l’animosité contre la France avecsa passion pour Claude Lorrain ? En dépitde ces prémices, son enthousiasme l’em-porte. Lorsqu’une période ne captait pas son intérêt, les dossiers de sa coûteusecollection de photographies demeuraientmodestes. On doit aimer Burckhardt pourlui pardonner ses injustices et l’omniprésencede sa personnalité. L’auteur a de nombreuxtalents : il compose des poèmes, il chante,il joue du piano, il dessine. Son attitude en tant qu’historien de l’artressemble à celle d’un artiste passif ; ce quicompte pour lui est l’expérience concrète,la Anschauung. Il n’apprécie pas la philoso-phie – Hegel est qualifié de rossignol – ni les systèmes théoriques ou les classifica-tions par École, ni le décodage iconologique.Son objectif principal est d’écrire des textesde caractère narratif, agréables à lire, àl’instar des historiens français comme JulesMichelet ou Hyppolite Taine. Son optiquevise à concilier Kunstgenuss et approcheanalytique, contemplation artistique et étudescientifique. Burckhardt luttait contre une approche purement intellectuelle desœuvres d’art qui commençait à se répandreà cette époque. On cherchera en vain la cohérence dansl’œuvre de Burckhardt : il faut l’étudier à

    travers ses ambiguïtés et son hétérogénéité.Dans sa méthode se côtoient, souvent sansrapport, les notes biographiques de traditionvasarienne, des informations sur les commanditaires, un regroupementselon les genres et les typologies. Ce n’estque brièvement, dans les années soixante,époque d’une extrême fertilité, qu’il a tentéd’associer histoire culturelle et histoire de l’art pour abandonner ensuite ce projet.Pendant longtemps, Burckhardt a étéconsidéré comme l’historien des périodes detransition et ses considérations sur l’Über-gangstil sont en effet d’une sensibilitéremarquable. En même temps, sa méthodeest fondée sur l’existence de deux archétypes– le temple grec et la cathédrale gothique –qui correspondent à des styles authentiques– organischer Stil –, tandis que toutes lesautres périodes représentent un style dérivé– abgeleiteter Stil. Ce concept, appliqué parson maître Franz Kugler dans le Handbuchfür Kunstgeschichte est interprété parBurckhardt de manière plus différenciée.Ainsi la basilique Saint-Pierre de Rome etsurtout sa coupole peuvent prétendre à uneplace à côté des prototypes, puisqu’il y aune coïncidence parfaite entre structure et décor. Ainsi Burckhardt a ouvert unebrèche importante : la qualité du style dérivédécide désormais de sa valeur historique et esthétique. Au cours de ses études sur la Haute Renaissance dans les annéessoixante, il élargit ses catégories analytiquespar les notions de Raumstil et Raumästhetik.Néanmoins, le manque de clarté de sa terminologie exige des études approfondiessur la signification des termes et leur pro-venance qui renvoie sans doute à Goethe etWinckelmann. Burckhardt manque encored’une vision unitaire des œuvres architec-turales : il se concentre sur des élémentssinguliers, en procédant comme un médecinlors d’une étude anatomique, sans considérerle rapport entre les organes et le systèmeintégral et ses fonctions. Le colloque aouvert de multiples directions pour les recherches à venir. En dehors des étudessur sa méthode, il faudrait explorer ses rap-ports, virtuels et directs, avec des artistes,des chercheurs et des philosophes de sontemps. Burckhardt possédait des ouvragesde Viollet-le-Duc et son concept de lacathédrale de Cologne comme incarnationde l’église gothique rappelle l’image de la « cathédrale idéale » du Dictionnaireraisonné. Un champ de recherche fertileconcerne l’influence de l’historiographie

    Comptes rendus. ActualitésJacob Burckhardt

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    française : à Michelet ont été empruntésdes passages entiers comme dans le cas de l’assassinat du duc de Guise au châteaude Blois. Reste aussi à réétudier les échangesréciproques avec Friedrich Nietzsche quifut son collègue à Bâle. Si Burckhardt a laissé une œuvre pionnièrepour la discipline de l’histoire de l’art, il estresté en dehors de son temps. Les notesprises lors de ses séjours à Berlin, à Londreset à Paris sont pleines d’inquiétude sur la perte de l’authenticité et la « naïveté », le rôle croissant du capitalisme, son archi-tecture éloquente, les machines et l’industrie.L’unité extraordinaire entre sa vie et sonœuvre exigeait le sacrifice d’une participationaux acquis d’une nouvelle ère.

    La Scuola Normale de Pise publiera lesactes du colloque. Une deuxième rencontresera organisée en coopération avec le Warburg Institute en septembre 2006.

    Sabine Frommel et Flaminia Bardati

    Le patrimoine architectural des empires coloniaux européensTable ronde 7-9 septembre 2005

    Institut national du patrimoine /Fondation Calouste Gulbenkian

    Dans la lignée du colloque organisé du 17au 19 septembre 2003 sur l’architecturecoloniale française – dont il faut saluer la parution des actes – l’Institut national du patrimoine a pris l’initiative d’élargirl’enquête sur les terrains coloniaux dansune optique comparatiste. Sous la directionde Bernard Toulier et de Marc Pabois, la table ronde qui s’est tenue à l’Institutnational du patrimoine du 7 au 9 septembre2005 a permis de confronter le cas françaisà de nombreuses autres expériences coloniales, allemande, belge, britannique,danoise, espagnole, italienne, hollandaise,ou encore portugaise. Il a tout d’abord étépassionnant de voir ainsi s’écrire l’histoirearchitecturale de nations dont le patrimoinecommence seulement à être pris en consi-dération du fait de l’hyper-occidentalisationdes points de vue. Mais surtout, l’immenseintérêt de cette table ronde fut bien demettre en évidence la nécessité aujourd’huipour les historiens de l’architecture commepour les professionnels du patrimoine depenser l’histoire de l’art à l’échelle mondiale,c’est à dire de prendre en compte la com-plexité des échanges, entre métropoles et colonies, mais aussi entre les différentescolonies ou encore entre colonies et paysnon colonisateurs. Le résultat fut troisjours de voyage à travers l’Amérique dusud, l’Afrique, l’Inde, ou encore le MoyenOrient. Les interventions furent clairementà deux voix : d’une part, les historiens de l’architecture se sont attachés à démonterles mécanismes – politiques, esthétiques,administratifs, climatiques, etc. – qui ontprésidé à la conception de ces architectures« coloniales » ; d’autre part, les spécialistesdu patrimoine ont expliqué combien le processus de patrimonialisation de cesarchitectures peut être complexe parce qu’ils’agit d’un patrimoine partagé qui évoquedes histoires encore douloureuses et dontla rénovation entraîne bien souvent desmodifications économiques et sociales quibouleversent également le patrimoine lui-même. Il y eut aussi deux points de vue : celui des ex-colonisateurs et, encontrepoint, le regard des historiens et des

    acteurs du patrimoine de ces ex-coloniesou territoires « sous influences ». En fin de compte, la problématique de ce colloquefut encore plus large que celle annoncée :c’est la question de l’architecture et dupatrimoine des territoires annexés, quelqu’ait été leur statut politique, qui a étésoulevée ainsi que celle de la complexité de l’histoire des échanges, des modèles, des mélanges et des partages. Assurément,après ce colloque, il ne sera plus possibled’éluder ces questions pour aborder l’histoirede l’architecture contemporaine voiremoderne, puisque les historiens de l’arts’accordent à faire naître le métissage artis-tique du début des conquêtes espagnoles et portugaises. Ainsi, cette table ronde qui devait porter sur des (re)découvertesgéographiques fut aussi et surtout l’occa-sion de renouveler nos points de vue.

    Alice Thomine-Berrada Conseiller scientifique à l’INHA

    Comptes rendus. ActualitésLe patrimoine architectural des empires coloniaux européens

  • 18 Les Nouvelles de l’INHA / nº 23 / novembre 2005

    Les « professeurs invités Fondation de France » à l’INHA

    Grâce au soutien de la Fondation deFrance, l’Institut national d’histoire del’art a pu continuer à développer unepolitique d’invitations internationalesde grands professeurs et conserva-teurs du patrimoine. Chaque« Professeur invité Fondation deFrance » bénéficie d’un bureau au seinde l’institut, avec de nombreuses pos-sibilités matérielles (informatique, …)et un accès privilégié aux ressourcesdocumentaires de la Bibliothèque del’Institut national d’histoire de l’art,collections Jacques Doucet. En outre,une conférence à l’INHA dans le cadredu cycle des ’Rencontres’ du mercrediet quelquesfois une conférence enrégion (musée ou université) permet-tent à ces invités de rencontrer lacommunauté scientifique française.

    Liste des professeurs invités, année 2005

    Susan Allen (mars) : Directrice de la Bibliothèque du Getty ResearchCenter de Los Angeles, Susan Allen est à ce titre responsable de nombreux projets de recherche du Getty, dont le Project for the Study for Collectingand Provenance. Elle vient en France pour renforcerla collaboration scientifique entre les bibliothèquesd’art entre les deux côtés de l’Atlantique.– Conférence INHA mercredi 9 mars : « La bibliothèque du Getty Research Institute. »– Conférence au Musée des Beaux-arts de Lyon, le 14 mars sur le même sujet.

    Johanne Lamoureux (mars) Professeur titulaire à l’université du Québec àMontréal, ancienne professeur invitée à l’EHESS,Johanne Lamoureux a rédigé de nombreux livres et articles sur la notion d’avant-garde à la fin du XXe

    siècle et sur les problèmes d’identité culturelle.Elle étudie actuellement le topos de la dernière œuvredans le catalogue de l’artiste.- Conférence INHA mercredi 16 mars : « Zola, Proudhon, Courbet. Viande, photographie,modernité. »- Intervention au séminaire de Pierre Watt à l’univer-sité d’Aix-en-Provence.

    Dick Whittaker (avril) : Professeur au Churchill College de Cambridge, DickWhittaker est un spécialiste mondialement reconnude l’Empire romain. Il a ainsi été invité au Collège

    de France et à l’université d’Aix-en-Provence ; à Cambridge, il a particulièremente soutenu leséchanges scientifiques avec la communauté française.Il travaille actuellement sur l’ethnicité et la romanisa-tion dans le monde romain (particulièrement dans ses marges orientales) et ses implications dansla culture matérielle.– Conférence INHA mercredi 6 avril : « La culture matérielle comme témoignage de l’eth-nicité et de la romanisation. »

    Irina Genova (avril)Professeur à la nouvelle Université Bulgare de Sofia,Irina Genova est invitée pour un mois dans le cadredu programme de recherche « Archives de la périodecontemporaine », en vue de la poursuite de sesrecherches sur la culture artistique dans les Balkanset en Bulgarie.– Conférence INHA mercredi 27 avril :« Représentation de la modernité – cas des Balkansdans la deuxième moitié du XIXe siècle. »

    Serge Guilbaut (mai)Professeur, University of British Columbia, depuis1990 et directeur du département d’histoire de l’artde cette même université de 1997 à 2002, SergeGuilbaut s’est fait connaître par son livre : CommentNew York vola l’idée d’art moderne. Son thème de recherche porte sur les échanges culturels entre la France et les États-Unis durant la Guerre Froide.– Conférence INHA mercredi 11 mai : « Quelques enjeux de la Guerre Froide : Attachantestaches ou violentes giclées ? »

    Hans J. van Migroet (mai-juin) Professeur à Duke University, Hans van Migroet adirigé d’importantes recherches sur le marché de l’arten Hollande sur les réseaux économiques qui sous-tendent ce marché et sur sa géographie. Il est ainsiresponsable du Mapping Markets Project.Alors qu’il a déjà pris de nombreux contacts avec leschercheurs français travaillant sur le marché de l’arten France aux XVIIe et XVIIIe siècles, son séjour à Paris lui permit d’esquisser cette problématique de la géographie du marché dans le cas parisien.– Conférence INHA mercredi 15 juin :« Consommation de l’art et stratégies de recyclage dela peinture en France, en Espagne et en Amérique –Séminaire le 9-10 juin à l’université Charles-de-GaulleLille III avec l’équipe de recherche du Cersatès et leprofesseur Patrick Michel.

    Oskar Baetschman (octobre)Professeur d’histoire de l’art à l’Université de Berne,directeur du Département d’histoire de l’art de cetteuniversité de 1991 à 2003, et exerçant de nombreusesresponsabilités dans différents comités scientifiques,

    tant suisses qu’étrangers, Oskar Baetschmann a étudié aussi bien Holbein qu’Hodler ou Pollock, enposant dans ses recherches des questions fondamen-tales d’histoire de l’art.Il vient en France pour travailler sur Venise et la France autour de 1500, pour un ouvrage surGiovanni Bellini.– Conférence INHA mercredi 19 octobre : « Le conflit de 1871 autour des Madones de HansHolbein. »

    Enrico Castelnuovo (octobre) Professeur à la Scuola normale superiore di Pisa, co-directeur de l’importante collection Pittura ita-liana publiée chez Electa, commissaire de nombreu-ses expositions, notamment sur l’art de la fin duMoyen Âge dans les Alpes.Enrico Castelnuovo est venu à Paris pour effectuerdes recherches sur l’histoire des expositions et sur l’art dans le massif alpin occidental à la fin duMoyen Âge.– Conférence INHA mercredi 26 octobre : « Pour une histoire des expositions d’art médiéval : le cas italien. »

    Dieter Schwartz (novembre) Directeur du Kunstmuseum de Winterthur depuis1990, et Président du Conseil suisse des Musées des Beaux Arts, Dieter Schwarz est un spécialistereconnu de l’art du XXe siècle, de GiovanniGiacometti à Gerhard Richter.Son séjour en France lui permettra de travailler surle catalogue de la collection du Kunstmuseum deWinterthur, particulièrement sur le volume consacréà la modernité historique (de Kandinsky à Mondrian).– Conférence INHA mercredi 16 novembre : « Cataloguer une collection d’art moderne : étude de cas et problèmes généraux. »– Séminaire université de Tours, vendredi 25 novembre

    Albert Blankert (novembre) : Conservateur dans d’importants musées hollandais,commissaire d’expositions internationales qui ontrenouvelé la vision de l’art hollandais, Albert Blankertest spécialiste de Vermeer et de Rembrandt. Sonséjour à Paris lui permettra d’effectuer des recherchessur les catalogues de vente annotés au XVIIIe sièclepar Van der Marck, conservés à la Bibliothèquenationale de France, qui remettent en cause les attributions traditionnelles et permettent donc uneréflexion méthodologique sur le connoisseurship.– Conférence INHA mercredi 9 novembre : « La solution d’une énigme Rembrandt. »– Séminaire université d’Amiens.

    Annonces : Professeurs invités – Colloques – Exposition – Publications – Nos collaborateursProfesseurs invités

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    Recherches récentes sur la Lycie antiqueColloque internationalINHA, 19 novembre 2005

    Société française d’archéologie classique

    Chaque année, la Société françaised’Archéologie classique (SFAC) réunit des chercheurs pendant une journée autourd’un thème commun afin de faire un pointactualisé des recherches dans le domaineconcerné. Pour 2005, il a été décidé de demander à des archéologues français etétrangers de présenter les derniers résultatsde leurs travaux sur la Lycie antique,région du Sud de la Turquie où plusieurséquipes développent une activité particuliè-rement intense et fructueuse.La France est particulièrement impliquée etbien représentée dans cette région, puisquele Ministère des Affaires étrangères(Commission des Fouilles et Recherchesarchéologiques) y finance la mission deXanthos – Létôon, qui est la plus importantemission archéologique française en Turquieet qui explore le principal site de la régionconcernée. Dans la même zone géographiquesont actives plusieurs autres missions, com-prenant des savants turcs, autrichiens, maisaussi japonais et nord-américains.Le but de ce colloque n’est pas de fournirun tableau exhaustif de l’archéologie de cette région : la richess