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NOVEMBRE 2011 - HORS SÉRIE COMPILATION D’ARTICLES «CARRIÈRES» (2007/2010) REVUE MENSUELLE DE L’ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES ET DIPLÔMÉS DE L’ÉCOLE LES OUTILS DE GESTION DE CARRIÈRE HORS SÉRIE

Les outiLs de gestion de carrière

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Novembre 2011 - HorS SÉrIe

COMPILATION D’ARTICLES «CARRIÈRES» (2007/2010)

REVUE MENSUELLE DE L’ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES ET DIPLÔMÉS DE L’ÉCOLE

Les outiLs de gestion de carrière

HORS SéRIE

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Le diplôme de l’X n’est plus un talismancontre les accidents de carrière, s’il le futjamais. Améliorer la situation globalede l’emploi des polytechniciens impliqueque les actions ciblées menées par l’AXsoient amplifiées et relayées par l’École,pour amener tous les élèves à vraimentprendre en main la gestion de leur carrière.

■ Les carrières des X sont extrêmementvariées comme le montre un certain nombrede cas typiques présentés dans ce dossier :conseil, finance, recherche, expatriation, recher-che d’emploi, fin de carrière. Cette observa-tion soulève la question suivante : qu’est-cequi fait la différence ? Avec la même forma-tion de départ, pourquoi tant de diversités, deréussites éclatantes et d’échecs patents? Est-ce la chance ? Je ne crois pas : il faut allerchercher du côté des caractéristiques indivi-duelles.

Deux qualités et un défautEst-ce l’École qui nous les a donnés, ou biensommes-nous rentrés à l’École parce que nousles avions ? Toujours est-il que nos camara-des ont, en général, deux qualités et un défaut.La première qualité est la curiosité intellec-tuelle : un intense bouillonnement d’idées, unecapacité à analyser et à synthétiser, à décou-vrir et à innover dans les situations les plus

complexes, à trouver des solutions. Et laseconde, c’est le sens des valeurs : respectdes engagements, du devoir, droiture, rejetdes compromis et compromissions. Le défaut,c’est souvent une certaine rigidité psycholo-gique : difficulté à se remettre en question,résistance au changement, tout d’une pièce.

Début de carrièreJe crois que plus des deux tiers d’une promo-tion de jeunes sont dans le privé cinq ans aprèsla sortie de l’École. Or qu’observons-nous ?La voiture fonctionne souvent avec le mêmemoteur : la satisfaction intellectuelle de résou-dre des problèmes complexes. Si c’est ce quedemande l’entreprise, tout va bien. Si ce n’estpas le cas, ou plus le cas, il y a problème.Premier exemple : les responsabilités d’en-cadrement. La demande peut arriver très tôt,et réussir comme manager nécessite la miseen œuvre d’autres moteurs, comme le senspolitique ou les contacts humains, par les-quels notre jeune camarade est surpris.Autre exemple : le changement de métier.Nombre d’entre eux veulent quitter la recher-che, avoir un travail plus concret. Réussir ce

Emploi et carrières :le fil conducteur

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PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

président de L’EspaceDirigeants, conseillerdu Bureau desCarrières de l’AX

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CARRIÈRES

Il estdangereuxde ne pas avoirde projetprofessionnelà 30 ans

REPÈRESPendant de nombreuses années, MichelPrudhomme a animé des ateliers et séminairesà l’AX : ateliers « Curriculum Vitae », pour lesélèves présents à l’École ; ateliers « Début decarrière », pour les promotions 2001 à 2006 ;ateliers « Premiers emplois », pour lespromotions 1995 à 2000 ; et séminaires«Recherche d’emploi», pour tous les camarades.Il a ensuite reçu individuellement la plupartd’entre eux. Si on y rajoute les personnes qu’ilrencontre dans son métier de coach ou à l’AX, ildispose d’un échantillon représentatif dessituations d’emploi et de carrière despolytechniciens, qu’il peut comparer aux autresécoles.

Formule 1 ou 4 x 4J’ai dans l’esprit l’image suivante, très person-nelle, mais qui me sert souvent : le jeune poly-technicien est une voiture de course. Il va trèsvite, a besoin d’une piste réservée, est difficileà piloter, peut sortir de la route. D’autres écolesproduisent plutôt des modèles plus prochesdu 4 x 4 tout-terrain.

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premier changement n’est pas facile. Il estnormal que notre jeune camarade n’ait pas deprojet professionnel en sortant de l’École, ilest par contre dangereux de ne pas en avoir à30 ans : il faut donc bâtir ce projet en début decarrière.

Vers 30 ansC’est à cet âge que les différences commen-cent à se faire sentir. Certains ont piloté leurprojet, ont généré la confiance et fait preuve desuffisamment de stabilité pour avoir eu uneou deux belles promotions. D’autres ont papil-lonné, passant d’un centre d’intérêt à un autre,acquérant des compétences très variées sansencore avoir de métier, pensant ainsi se pré-parer à des postes de direction générale.Certains ont changé leur premier moteur, etadopté un mode de propulsion hybride, posi-tif (goût du concret, besoin de résultats, enviede réaliser) ou négatif (goût du pouvoir, besoinde visibilité) selon les dispositions naturellesde chacun. D’autres ont même oublié qu’ilsavaient un moteur et continuent à l’alimenter.Connaître ses forces et faiblesses, être clair avecsoi-même sur ses freins et moteurs, ainsi quesur ses motivations profondes, se fixer desobjectifs à cinq ans, à dix ans me semble indis-pensable vers 30 ans.

Vers 45 ansLes différences sont établies. La plupart ontréalisé leur projet professionnel, en l’adap-tant au fur et à mesure aux contraintes de lavie. Peu importe qu’il y ait eu une ou deux pério-des difficiles, une sortie de route ou une pannesèche : la voiture avance et c’est heureuse-ment le cas majoritaire. Par contre, il y a dessituations difficiles et à cet âge, le marché nefait plus de cadeaux. Et malheureusement,l’employabilité de certains s’avère probléma-tique et peut conduire à des situations commecelles pour lesquelles la Caisse de secoursintervient.

Vers 55 ansGérer la fin de sa vie professionnelle n’est pasaisé. Et pourtant, c’est encore une histoire demoteur. Celui qui est adapté dépend de cha-cun, mais doit absolument favoriser le plaisirde travailler.En effet, beaucoup ressentent à cet âge l’en-vie de faire quelque chose de différent : quit-ter le salariat, se mettre à son compte, faire dubénévolat, diminuer son rythme de travail.Dans mon Cabinet, l’expérience nous montretous les jours que la plupart sous-estimentles difficultés et se lancent à fond sans pré-paration préalable.

Prendre en main sa carrièreMême si on oublie certains cas atypiques, iln’en reste pas moins que la situation globalede l’emploi des polytechniciens n’est pas aussifacile que ce que l’on pourrait croire.

L’améliorer par des actions ciblées commel’AX le fait depuis des années est nécessaire,mais pas suffisant : c’est à l’École même quele message doit passer, comme il passe dansd’autres écoles à vocation plus commerciale.Le message, c’est d 'abord qu’une carrièrese construit et se pilote par l’intéressé lui-même. Et aussi que l’intérêt de l’employeuret celui de l’intéressé peuvent ne pas coïnci-der : il faut donc savoir rester et changer àbon escient.Il faut aussi comprendre que si le capital d’em-ployabilité est le même au départ pour tous,il faut savoir le faire fructifier et ne pas le dila-pider dès 30 ans.Enfin, ne pas oublier qu’on ne travaille pasque pour soi, mais aussi (et surtout) pour uneentreprise. ■

L’intérêtde l’employeur

et celui del’intéressé

peuvent ne pascoïncider

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Situations difficilesUn exemple est celui de «l’ours savant», trèscompétent dans un domaine technique pointu,et qui n’a pas réalisé qu’il était exploité par sonemployeur depuis dix ans. Il le sera jusqu’àce que ce domaine disparaisse de l’actualité,et ce jour-là il se trouvera dans une impasse.

Cas extrêmes Quelques candidatures d’anciens X révèlentdes traits de caractère parfois caricaturaux.Ainsi, celui qui, à 40 ans, indique sur son CVson rang de sortie de l’École polytechnique.Certains, ayant fait tous les métiers, estimentpour l’avenir ne pouvoir en faire qu’un seul,celui de directeur général. D’autres, ayant faitdu conseil pendant quelques années dansun grand cabinet anglo-saxon, pensentne pouvoir intégrer un grand groupe qu’àun poste de direction de centre de profits.

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Six anciens polytechniciens de promotionstrès diverses et une ancienne d’HECapportent leur témoignage sur leurexpatriation aux États-Unis.Ils abordent tour à tour l’âge idéalpour tenter l’expérience, les atoutsde leur formation, les contraintes familiales,le choc culturel, l’intégration, la vie pratiqueet l’hypothétique retour.

L’ÂGE IDÉAL

À quel âge faut-il tenter l’expatriation ?Michel Iches estime « qu’il y a deux tranchesplus favorables que les autres : vers 25-30 ans, juste après avoir décroché un diplômed’une université américaine ou d’une insti-tution étrangère bien connue dans le milieuprofessionnel des États-Unis; vers 35-40 ans,lorsqu’on est devenu un professionnel confirméet qu’on est encore adaptable (ou malléable)au « choc culturel ». Après 45 ans, il est plusdifficile de s’adapter culturellement et des’intégrer dans des réseaux qui sont déjàconstitués.« Aux États-Unis, il faut assez vite faire sonchoix entre une «expatriation» au sens usuel(pour un temps limité et avec perspective deretour) et une « immigration » avec perspec-tive de faire sa vie en Amérique. »

Une entreprise françaisePour Myriam Le Cannellier : « Il est plus facilede partir très jeune (juste après l’école, ou unou deux ans après), où l’on peut être recrutépar une entreprise française ou pour des com-pétences techniques bien spécifiques par uneentreprise américaine. Dans ce dernier cas, ilfaudra souvent ajouter un diplôme américainà la suite du diplôme français. C’est aussi plusfacile dans cette tranche d’âge car il n’y a pasde grande famille à déménager. L’autre avan-tage, pour celui ou celle qui est vraiment attirépar les États-Unis, c’est d’acquérir très tôtune expérience américaine. Si l’on attend trop,les opportunités sont plus rares et les paramè-tres à prendre en compte se compliquent. »

LA FORMATION

Marc Fleury considère que «la formation poly-technicienne est utile pour une start-up. Elle

Réussir une expatriationaux États-Unis

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PAR JACQUES LEVIN (58)

président du groupeX-USA-Canada,coordonnateurParisTech alumni pourles USA et le Canada

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CARRIÈRES

Il est plusfacile de partirtrès jeune

Avec la contribution de Myriam Le Cannellier (HEC), Nicolas Descoqs (01), Marc Fleury (89),Alain Gounon (90), Matthieu Guibé (92), Michel Iches (66), décédé depuis ce témoignageet Pierre Ollivier (78).

REPÈRESJacques Levin (58) vit aux États-Unis depuisquarante-deux ans. Après une thèse en physiqueà l’université de Grenoble, il débarque enCalifornie en 1968 pour son postdoctorat. Aprèstrois mois, le voilà prêt à repartir. Mais, ilsouhaitait se reconvertir en mathématicien etinformaticien. « On m’avait dit, en France, c’estimpossible. Ici, par contre, on m’a dit : Vous avezun PhD, vous faites ce que vous voulez ! »Quelques tentatives décevantes de retour enFrance n’ont pas résisté à l’attrait des États-Unis etdes avances technologiques. «Ce que j’aime surtoutici, dit-il, c’est l’importance de l’action par rapportà la discussion.»Michel Iches

Les États-Unis sont en faitle pays le plus réfractaireà la mondialisation.

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enseigne à travailler dur, sans peur des sujetstechniques, tout en étant généraliste. UnAméricain, même avec une formation d’élite,est soit dans la technique soit dans le business,mais rarement dans les deux. Les Américainsregardent avec suspicion les profils polyvalents.Ceux-ci sont cependant très adaptés aux start-ups où tous les rôles doivent être joués par lesfondateurs, au moins dans les premierstemps. »«Un Français, surtout polytechnicien, est édu-qué pour être dans le vrai et avoir raison, confirmeAlain Gounon. Il paraîtra le plus souvent arro-gant aux yeux des Américains. Inversement lesAméricains sont plutôt éduqués pour aller del’avant ; d’où le sentiment d’un Français queceux-ci foncent sans réfléchir. »

LE CHOC CULTUREL

Après trois expatriations, en Europe, en Asie,et en Amérique du Nord, Nicolas Descoqstémoigne de « la réalité du choc culturel ».« Au début, on découvre un pays nouveau,très souvent enthousiasmant. Mais, aprèsquelques mois, on est envahi par le senti-ment évident de ne pas être chez soi, sourcede malaise plus ou moins prononcé selon lespersonnes et les destinations, accentué sou-vent par l’obstacle de la langue. Ensuite, aufur et à mesure, on finit par s’habituer à sonnouvel environnement.« Il est illusoire de penser que l’on évitera lechoc culturel parce qu’on connaît déjà la des-tination pour s’y être rendu à plusieurs repri-ses en voyage d’affaires : des séjours de courtedurée, à l’hôtel et en pension complète, n’ex-posent en réalité qu’à un premier aperçu rela-tivement superficiel du pays. »

Acceptation ou rejetAlain Gounon distingue quatre phases : «Toutnouveau tout beau, sous le coup de l’émotionde l’arrivée. Une nouvelle vie s’offre à soi. Àpartir du deuxième mois, les vraies difficul-tés commencent : Que diable suis-je allé fairedans cette galère? Tout ce qui est simple chez

soi devient extrêmement compliqué. Ouvrirun compte en banque, louer un appartement,obtenir un permis de conduire, s’inscrire àtel ou tel club ou telle activité devient un par-cours du combattant. C’est à ce stade quetout se joue. « Acceptation ou rejet constitue donc la troi-sième phase. On ne comprend pas, on ne veutpas comprendre, on reste dans ses certitu-des. C’est l’attitude de rejet qui aboutit engénéral, un an après l’arrivée, à un retourfulgurant dans le pays d’origine, avec amer-tume et désabusement. L’acceptation, elle,passe par la volonté de chercher à compren-dre. À chaque difficulté, prendre le réflexede noter que c’est différent, que c’est sur-prenant, ne pas hésiter à demander aux locauxpourquoi ils font ça, et pourquoi comme ça.La quatrième et dernière phase est celle del’intégration ou Poisson dans l’eau. On aacquis une autre dimension culturelle en susde sa culture d’origine. »

LE CONJOINT

« La carrière du conjoint constitue bien sou-vent un frein à l’expatriation, estime Myriam LeCannellier. Selon son métier, sa capacité àtrouver un emploi sur place variera beaucoup.Aux États-Unis certains visas ne permettentpas au conjoint de travailler. »

Si quelquechose ne

fonctionne pascomme chez

soi, c’est qu’il ya une bonne

raison

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Alain Gounon

Pourquoi et comment sontles deux questions de survieet de franchissement du chocculturel.

Le groupe X-États-Unis-CanadaCréé il y a dix ans, le groupe X-USA-Canadaréunit aujourd’hui 900 membres.En liaison avec ParisTech et l’Association desGrandes Écoles (AAGEF), son objectif est de créeraux États-Unis et au Canada un réseauprofessionnel d’anciens des Grandes Écoles,solidaires et capables de s’entraider. «Confrontéchaque jour à la puissance des réseaux nord-américains il faut, en consolidant les réseaux,promouvoir la qualité de notre formation et nousfaire connaître à l’étranger.»

Myriam Le Cannellier

Si l’on attend trop,les opportunités sontplus rares.

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« Dans notre cas, ce fut le contraire, expli-que Jacques Levin. Mon épouse, d’originehollandaise, professeur de français maisétrangère, n’avait pu se faire une carrière enFrance. Ce fut complètement différent auxÉtats-Unis. À peine arrivés en Californie, nousavons vite constitué un cercle d’amis. En peude temps, mon épouse avait trouvé une placedans une école privée le matin et à l’univer-sité l’après-midi. »

Les qualités de la famille « Certaines entreprises annoncent très tôt leprojet envisagé d’un départ en expatriation,rappelle Nicolas Descoqs. D’autres annoncentce projet très peu de temps avant le départ.Dans un cas comme dans l’autre, certainesqualités sont exigées de la famille. Dans lepremier cas, au cours de la période d’incerti-tude, très inconfortable et souvent éprouvantenerveusement, le conjoint et les enfants doi-vent littéralement s’armer de patience car latendance naturelle est alors de chercher à« planifier l’implanifiable ».«Dans le second cas, ou une fois la décision dedépart en expatriation prise, la famille doitalors faire preuve de beaucoup de réactivité.Il n’est plus temps de se renseigner, mais deréserver effectivement son logement, d’ins-crire ses enfants à l’école, et surtout de pré-parer son déménagement, obtenir son visa etprendre ses billets d’avion.«Arrive enfin le moment attendu : l’atterrissagedans le pays d’accueil. Je recommande vive-ment au conjoint de contacter alors le plusrapidement possible l’association locale d’ac-cueil des expatriés francophones (présentedans la plupart des grandes villes à travers lemonde), association qui permet de se tisserun réseau social rapidement. »

L’INTÉGRATION

Comment s’intégrer rapidement ? Voici, selonAlain Gounon, quelques particularités à retenirpour une expatriation réussie aux États-Unis.« Bien entendu le trait est très caricatural et

rien ne vaut l’expérience du terrain pour décou-vrir toutes les subtilités qui font la richessehumaine et le sel de la vie d’expatrié.« La société américaine est une société fon-dée sur l’action : l’individu se définit par cequ’il fait. Au contraire de la France qui est unesociété de statut où l’individu se définit par cequ’il est. C’est pourquoi le diplôme par exem-ple a tant d’importance en France et en a corol-lairement moins aux États-Unis.

« Un ami, aux États-Unis, est quelqu’un avecqui on fait quelque chose (même club de sport,collègue de travail, voisin partenaire de barbe-cue, etc.). Si ce dernier vient à déménager àl’autre bout du pays, on ne fera plus rien ensem-ble, il ne sera plus un ami. C’est choquant pourun Français pour qui un ami est quelqu’un avecqui on partage une complicité intellectuelle; onpeut ainsi garder un ami à l’autre bout de laplanète et pour la vie. »«La notion de community est fondamentale pourcomprendre la culture américaine, souligneMatthieu Guibé. Elle est si particulière à l’Amériquequ’il n’existe pas de traduction française pour cemot. Elle représente les groupes auxquels onse rattache. Ce peut être le quartier, la paroisse,le club de sport, l’école, etc. La community estle lieu où s’exerce la solidarité. Lorsque l’on aintégré une community, on est très rapidementsollicité pour participer à sa vie par du bénévo-lat et des fundraisings.«Nous avons choisi de mettre nos enfants auxBoy Scouts of America. C’est un investisse-ment important en temps (transport, camping)et en tâches diverses (solliciter les voisins et

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Toujourscontacterl’associationlocale d’accueildes expatriésfrancophones

CARRIÈRES

Les fundraisingsIl n’existe pas de subventions publiques pourles associations et toute activité doit êtrefinancée par la community. Ce que l’on ne payepas en impôt, on a le devoir de le donner pour ledéveloppement de celle-ci. Cela revient au finalaussi cher que les impôts en France mais aumoins on choisit ce que l’on subventionne!

Nicolas Descoqs

Une aventure passionnantequi renforce les liensfamiliaux.

Marc Fleury

La première chose que j’aiapprise aux États-Unis, c’estqu’il est permis d’échouer.

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amis pour leur vendre des Girl Scouts Cookiesou des Boy Scouts Popcorns).« Cet engagement dans la community nous apermis de créer des liens d’amitié avec desAméricains avec lesquels nous partageons desvaleurs communes et qui nous permettent peuà peu de mieux comprendre leur culture. »

LA VIE COURANTE

Dans l’ensemble (hors logement) le coût dela vie n’est pas sensiblement différent de celuide la région parisienne, a calculé Michel Iches. « L’alimentation courante est plutôt bon mar-ché, ainsi que l’essence (moitié du prix fran-çais) ; les livres, les vêtements sont à peu prèsaux prix français.

«La restauration de base est infecte, la restau-ration de luxe inaccessible. On note l’appari-tion d’une gamme moyenne de bistrots quiservent une cuisine, à tonalité italienne, ousynthèse italo-japonaise, tout à fait correcteà des prix très abordables (ne pas oublier les20 % de pourboire qui plombent les prix). »

Un logement difficile«Le marché du logement est un marché localqui peut varier beaucoup d’une ville à l’autre.Une seule considération générale : avant d’ou-vrir un journal d’annonces ou de contacter uneagence, il faut prendre connaissance de la géo-graphie d’ensemble de l’agglomération, de laconfiguration des axes de communication etidentifier les quartiers vivables et ceux qu’ilest (vivement) conseillé d’éviter.«Compter une à deux semaines pour s’impré-gner de ces données avant de se lancer dansla recherche; ce n’est pas du temps perdu, aucontraire, ça évite de se faire balader pour rienpar les agents immobiliers dans des tas decoins pas possibles. »

LE RETOUR

Pierre Ollivier a choisi d’aborder le problèmedu retour en France.« Il est utile de bien avoir en tête que le retourse prépare dès l’arrivée sur le sol américain.Je vois trois étapes clés à bien identifier etorganiser.« La préparation s’effectue dans les deux outrois dernières années sur le sol américain. Ilest essentiel de garder des liens avec des col-lègues ou des personnes en France ayant unecapacité de décision. Mais il est important pourla hiérarchie locale aux États-Unis de com-prendre dans quel cadre vous venez travail-

Le retourse prépare

dès l’arrivéesur le sol

américain

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Bureaucratie

En trente ans, le pays s’est bureaucratisé dansdes proportions spectaculaires. L’un des points-clefs est le rôle central joué par le social securitynumber. Sans ce sésame, plus question d’obtenirune carte de crédit (on peut quand même avoirune debit card à débit instantané), difficiled’obtenir un abonnement de téléphone mobile,impossibilité de passer le permis de conduire,d’immatriculer un véhicule à son nom, etc.L’une des premières choses à faire en s’installantest d’obtenir ce fameux numéro.

Social et retraite

Si l’on travaille comme indépendant ou dans une petite structure, il faut souscrire une assuranceindividuelle. En gros, on est couvert tant que l’on reste en bonne santé. Les soins médicaux sont chers.C’est donc un point crucial à discuter avec l’employeur préalablement à l’expatriation et il faut envisagertoutes les éventualités possibles.Côté retraite, il existe des fonds de pension d’entreprises, les uns intégrés au bilan de la firme (méfiance),les autres à gestion externalisée (c’est mieux). Un conseil : souscrire à la CFE (Caisse des Français del’étranger) ; ça coûte un peu cher; du point de vue santé, ça ne couvre pas les frais au niveau américain,mais c’est plus simple pour se faire rembourser les frais médicaux lors des congés passés en France; çane donne qu’une retraite minimale, mais ça donne l’immense avantage de valider les annuités passées enexpatriation si on retourne un jour en France.

Matthieu GuibéLa culture américaine estbeaucoup plus riche et pluscomplexe qu’elle n’en a l’airvue de France.

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ler avec eux : tout ce qui peut être mis sur latable de manière franche dès le début est ungage de réussite.« La dernière année est celle du compte àrebours. Il convient de voir où on pourra reve-nir et comment. Il faut compter au minimumun an pour y voir clair (guère plus, car les orga-nisations peuvent rarement prévoir un an àl’avance, mais guère moins, car les discus-sions d’organigrammes sont rarement semes-trielles et mettent du temps à se figer sur unscénario donné). Bien communiquer sur ladate de son retour et le fait qu’on cherche uneplace à Paris à telle date. Savoir être à l’écouteet s’adapter aux circonstances. »

Deux ans pour se réinsérer« La réinsertion nécessite les deux annéessuivantes. Le retour ne fait pas l’économied’une analyse sans complaisance sur la véri-table valeur ajoutée apportée par l’expériencevécue au large, de s’y tenir et de la commu-niquer régulièrement en finesse et sans arro-gance ; en effet personne ne vous attendaitavant votre retour et il peut exister une sortede défiance vis-à-vis de celui qui a vécu endehors du cercle des habitués. En particulieril faut veiller à faire connaître votre valeurajoutée dans un cercle plus large que le seulcercle professionnel immédiat ; cela permet-tra de parer à tout risque de rejet de la struc-ture, qui, s’il survient, arrive en général aubout d’un ou deux ans après le retour. J’aipersonnellement connu nombre d’expatriésayant changé d’entreprise à moins d’un an de

leur retour en France, qu’ils l’aient voulu ounon : il faut donc s’y préparer aussi soi-mêmedès l’arrivée sur le sol français. » ■

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Parer à toutrisque de rejet

CARRIÈRES

BIBLIOGRAPHIE

Multiculturalité dans le cadre du travail• La logique de l’honneur, Gestion des entrepriseset traditions nationales, Philippe d’Iribarne.

• Cultures et mondialisation, Gérer par-delà lesfrontières, Philippe d’Iribarne, Alain Henry, Jean-Pierre Segal, Sylvie Chevrier, Tatjana Globokar.

• Le management des équipes interculturelles,Sylvie Chevrier.

Culture aux États-Unis• American Cultural Pattern, A Cross-CulturalPerspective, Edward C. Stewart, Milton J. Bennet.

• Culture shock ! USA – A guide to Customs andEtiquette, Esther Wanning.

Pierre Ollivier

Personne ne vous attendà votre retour.

L’importance des réseaux«Les réseaux sont importants à tout moment, souligne Myriam Le Cannellier, mais encore plus au momentdu retour. Alors que le départ est relativement «accompagné», le retour ne l’est que très peu, voire pas.Les compétences nouvelles acquises sont mal valorisées. Les réseaux jouent alors un double rôle : leréseau interne dans l’entreprise doit être travaillé durant toute la durée de l’expatriation pour mieuxpréparer et négocier son retour et éviter le syndrome «loin des yeux loin du cœur».Les réseaux externes (anciens élèves, anciens collègues partis dans d’autres entreprises, etc.) peuventégalement faire surgir des opportunités nouvelles dans le cadre d’un retour, notamment si riend’intéressant n’est proposé à l’expatrié au sein de son entreprise.»

Parc national de Bryce Canyon.

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Une plongéedans l’intelli-gence et dansla science en

train de seconstruire

■«Pas de discrimination entre cerveau gau-che, au raisonnement plus scientifique, et cer-veau droit, siège de la sensibilité, estime AnneDuthilleul. Les grands scientifiques eux-mêmesn’échappent pas aux interrogations humainesou philosophiques de leur temps, comme on levoit dans La Partie et le Tout de WernerHeisenberg… et comme on le ressent si vive-ment avec l’enseignement de la physique moderne,introduite depuis peu à l’École, dans les annéessoixante-dix. Entre une petite classe d’astro-physique et une conférence de Malraux sur le rôlede la science dans la formation des hommes,quelle nourriture pour la pensée! Et quelle visionétendue!»À l’X, Anne vit «une véritable plongée dans l’in-telligence, dans la science telle qu’elle est entrain de se construire, ouvrant de nouvelles pos-sibilités immenses. Et en même temps, par lesnombreuses discussions qui s’instaurent, parla discipline des périodes militaires, par lesmatières plus philosophiques abordées, elle sesent tout entière «entraînée» dans tous les sensdu terme.»

Une construction permanentePour Anne Duthilleul, « tout matin est un com-mencement» offrant de nouvelles occasions àsaisir et de nouvelles questions à résoudre pouravancer.Avec leurs cinq enfants, pas le temps de s’en-nuyer. Deux garçons d’abord, une fille, puis deuxautres garçons. Ils ont suivi le déroulement desa carrière avec intérêt, l’ont soutenue pendantles périodes de transition et ont toujours appré-cié son engagement. La chance d’habiter au

centre de Paris, jamais à plus d’un quart d’heurede transport de son travail, un peu d’organisa-tion pour faire tourner la maison et le relais prisalternativement par son époux ou elle, lors despériodes plus chargées professionnellement,lui ont permis de poursuivre un travail à plein-temps sans discontinuité.Les loisirs? Des week-ends à la campagne dansla maison de famille, où Jean-Marie était élupendant deux mandats municipaux, et surtoutquinze jours de bateau l’été avec tous les enfantspour se retrouver sans aucune interférence.« J’ai appris à manœuvrer comme équipièreavec Jean-Marie, féru de voile, sur un Corsaire(5,50 m). La voile est une école de vie et derigueur aussi, surtout en Bretagne entre lescourants et les rochers.»

Rigueur et transversalitŽ« La rigueur de raisonnement », c’est ce ques’efforce de dispenser Anne Duthilleul dans sesactivités professionnelles. Elle tient égalementà «une certaine transversalité ou interdiscipli-

Anne Duthilleul (72)«Une formation scientifiqueet humaine»Propos recueillis par la Rédaction

Entrée major en 1972, première année où le concours était ouvert aux filles, Anne Duthilleulrelit sa carrière déjà longue à la lumière de cet apport essentiel, à ses yeux, la formationscientifique et humaine.

CARRIÈRES

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REPÈRESAnne Chopinet, qui Žpousera plus tard Jean-Marie Duthilleul, voit dans lÕentrŽe ̂ lÕƒcole « unacc•s exceptionnel et fondamental ˆ uneformation unique en son genre, tant sur le planscientifique que sur le plan humain, voirephilosophique. CÕest frappant au sortir desclasses prŽparatoires, tr•s scolaires dans leurorientation et leur organisation, m•me si leurformation ˆ la rigueur du raisonnement et ˆlÕeffort est prŽcieuse. »

Anne Chopinet et AndrŽ Malrauxˆ lÕX en fŽvrier 1975.

© ÉCOLE POLYTECHNIQUE

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narité entre profils et horizons différents quis’enrichissent mutuellement ». Ses premiersstages l’ont amenée à l’hôpital Frédéric Joliot-Curie à Orsay, dans un service de médecinenucléaire du Commissariat à l’énergie atomi-que (CEA), où elle était la «mathématicienne»modélisatrice de l’équipe complètement inter-disciplinaire, dirigée par un médecin et un phar-macien.

Le métier de haut fonctionnaireQuelques années après la crise du pétrole, surla lancée du programme d’indépendance éner-gétique français, ses goûts l’amènent à s’occu-per d’énergie.Au Service des matières premières et du sous-sol de la DGEMP, Anne est chargée du Plan ura-nium, qui recherche en France et dans le mondedes ressources exploitables pour les compa-gnies minières de l’Hexagone. Elle côtoie desgéologues, «toujours curieux des contrées qu’ilsexplorent… et de leurs bons restaurants, desindustriels de grands groupes, car l’industrieminière est très capitalistique».Elle apprend son métier de haut fonctionnaire,représentant l’État, et la notion d’intérêt géné-ral, à laquelle elle est très attachée.«À cette époque, rappelle-t-elle, le ministre del’Industrie s’appelle André Giraud, ancien patrondu CEA, et s’intéresse à des projets futuristescomme l’exploitation des nodules polymétalli-ques des grands fonds marins pour le nickel etle manganèse. C’est un programme à multiplesfacettes, minière et métallurgique, mais aussitechnologique, pour les robots d’exploration etd’exploitation à grande profondeur, et diploma-tique avec la négociation tour à tour à Paris, àLondres ou à New York de la Convention inter-nationale sur le droit de la Mer.»

Sa recherche de transversalité l’amène à quit-ter le ministère de l’Industrie pour entrer à la direc-tion du Budget, qui a la haute main sur l’attri-bution des crédits publics.« Interface entre les ministères techniques etles échelons politiques, cette direction prestigieuseélabore des analyses rigoureuses et présentedes dossiers parfaitement argumentés reflé-tant les différents points de vue pour les fameux“arbitrages”.»

À la recherche d’une politique« Le lieu privilégié de l’élaboration des politi-ques, estime-t-elle, se situe dans les cabinetsministériels, très spécifiques à la France, oùles conseillers jouent un rôle de traduction ettransmission des décisions du niveau politiquevers l’administration et les milieux économi-ques, d’une part, de remontée des informa-tions, des problèmes et des propositions versles échelons politiques, d’autre part. »Elle est invitée à participer au cabinet d’AlainJuppé, ministre du Budget de 1986 à 1988.Elle a la responsabilité de budgets sectoriels,industrie, environnement, transports et agri-culture. Secteurs dont elle reprendra la chargede 1995 à 2000 auprès du président JacquesChirac dès son élection.Faire entrer dans les cercles de décisions poli-tiques les méthodes d’analyse stratégiqueemployées dans l’industrie, où elle a passéplusieurs années à les mettre en œuvre auCentre national d’études spatiales (CNES), puischez GEC-Alsthom (devenu Alstom), était undes défis qu’Anne Duthilleul a souhaité rele-ver en revenant en 1995 dans un poste deconseiller multisectoriel à l’Élysée.« Pour être lisible, dit-elle, une politique doitreposer sur un constat partagé et comporterdes orientations permettant à chacun de s’ali-

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 201016

La voile estune école de vieet de rigueurentreles courantset les rochers

CARRIÈRES

Du temps pour la famille«Le secret : ne jamais culpabiliser vis-à-visde sa famille et se concentrer sur elle dansles temps libres pour compenser la quantitépar la qualité du temps passé ensemble.Travailler à la maison le soir ou le week-end?Seulement quand les enfants sont petitset qu’ils dorment. Mais à l’âge de l’adolescence,il faut être prêt à discuter tard le soir aprèsle dîner ou au moment où l’enfant en a le besoinet l’envie. Pas question alors de se réfugierdans un dossier, même urgent, cela passeraaprès, la nuit ou le lendemain.»

Un engagement politique«Faire plus, faire mieux pour nos concitoyens»,tel est le sens de l’engagement politique qu’ellea côtoyé pendant des années, auprès d’hommespolitiques de métier. «À la place de conseillerou de responsable économique, le tempsd’analyse des problèmes et de formulationde propositions, pour être nécessaireet fructueux, doit être plus profond et plus lentque le temps politique au rythme inexorablede manifestations publiques en échéancesélectorales.»

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gner sur les objectifs retenus. Pour l’indus-trie au plan national, comme dans chaqueentreprise, cela relève de méthodes analo-gues, seule l’échelle diffère. » Elle se sent « àl’aise dans l’élaboration de telles stratégies »et cherche à appliquer les méthodes éprou-vées dans un cadre politique comme en entre-prise. L’un et l’autre lui semblent contribuerà la construction de l’avenir.

Aller retour vers l’entrepriseEn 1988, Anne Duthilleul se dirige vers un postede responsabilité directe, comme Secrétairegénéral du CNES. Ayant suivi les programmesspatiaux à la direction du Budget en son temps :« C’est une occasion rêvée de passer de l’au-tre côté de la barrière et de mettre rigueur etcréativité au service de leur réalisation. »En 1992, elle s’engage chez GEC-Alsthom,comme responsable du plan stratégique de ladivision Transport. Et elle y découvre « l’inté-rêt général vu de l’intérieur d’une entreprise». Ayant souvent « constaté le grand écart entrele monde de l’entreprise et le monde politi-que, à l’écoute des uns et des autres, AnneDuthilleul s’est efforcée de le combler en par-tie dans ses missions à la présidence de l’Erap,holding industrielle de l’État.« Précisément constitué dans les annéessoixante pour isoler le bras armé d’une poli-tique industrielle publique (pétrolière) des grif-fes des purs financiers, cet établissementpublic avait déjà, avant mon arrivée, privatiséELF et Eramet, cédé la moitié de son porte-feuille dans Eramet et la SLN aux intérêts calé-doniens, et restait actionnaire très minoritairede la Cogéma. »Elle participe activement à la constitution d’Arevaen 2001, revenant au secteur de l’énergie, jamaistrès loin de ses préoccupations. Puis, en 2003,l’Erap investit directement 9 milliards d’euros

dans France Télécom pour le compte de l’État.Et, sur un registre de conseil stratégique et denégociation, elle se trouve mandatée par leGouvernement sur les grands projets minierset métallurgiques concernant le nickel enNouvelle-Calédonie, « pour les sortir de l’or-nière et favoriser leur développement».

Une nouvelle fonctionAnne Duthilleul continue aujourd’hui son che-min comme membre actif du Conseil écono-mique, social et environnemental, « imageminiature de la société française pleine decontradictions, avec ses blocages, mais aussises remises en question et ses débats ouverts». Également membre de la Commission de régu-lation de l’énergie, elle «renoue avec son pre-mier secteur de prédilection, au service del’intérêt général, dans l’invention d’une nou-velle fonction, celle de régulateur attentif auxconsommateurs industriels et particulierscomme aux fournisseurs et transporteurs degaz et d’électricité, dans le contexte européenet mondial. » ■

Défendre lesprogrammes

de recherche etdéveloppement

technologique

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Volontarisme

«Qui dit plan stratégique dit aussi compétitivité, réduction des coûts et développements associés.La créativité peut sembler bien loin, mais en fait non. Car tel directeur d’usine placé devant l’obligationgénérale de réduire ses coûts de 20% trouvera les moyens d’augmenter son chiffre d’affaires d’autantpour «nourrir» son usine et ses salariés. Un autre, trop bien doté en carnet de commandes, refuserade répondre à de nouvelles demandes de devis, restant ainsi statique dans un monde de plus en plusconcurrentiel. Or, le volontarisme est de mise, en entreprise comme en politique, et le rôle des chefsd’entreprises comme celui des décideurs est d’être au service de l’intérêt général, car tout le mondeprofite des retombées positives d’une croissance comme d’une politique active de défense de l’industrie.Du moins si la confiance est là pour rassembler dans une vision commune.»

Montrer clairement les choses

«Partout s’applique la complémentarité desapproches : pour défendre un projet, il fautle connaître, et pour le connaître, il faut gagnerla confiance de ses interlocuteurs, pour lesamener à expliquer les fondements et lesobjectifs sans crainte, et ça marche.» La grandeleçon qu’Anne Duthilleul en retient, «c’est qu’ilfaut montrer clairement les choses, oser sedévoiler et risquer la confiance pour être mieuxdéfendu ensuite quoi qu’il arrive, même si toutn’est pas gagné, et qu’il y aura toujours plusde demandes à satisfaire que de créditsdisponibles.»

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Chercheur dans l’âme, Hervé Arribartmultiplie les allers et retours vers l’industrie.Soucieux avant tout de conserver sa libertéil veut pouvoir changer à tout moment pourchoisir ce qui l’intéresse. Un pari réussi.

■«Certes, ce n’est pas la meilleure façon degagner sa vie en début de carrière, surtoutdans le secteur public, confesse Hervé Arribart,chercheur et heureux de l’être. Mais la recher-che est un métier passionnant qui se présente,dans l’entreprise, comme une porte d’entréeexceptionnelle vers n’importe quelle activité.»

Une vocation précoce«Dès l’École, au sein de l’avant-dernière promo-tion de la rue Descartes, les cours de physiquem’ont beaucoup plu. J’ai senti que je tenais mavocation. Artilleur à Melun pendant mon ser-vice militaire, je me suis inscrit parallèlementà la Fac. J’ai ensuite rejoint à Palaiseau le labo-ratoire de physique de la matière condensée.Mon objectif était d’entrer au CNRS, ce qui n’étaitpas facile à l’époque. Il fallait patienter.»

Une introduction à la rechercheindustrielle « La recherche offre une large gamme dedébouchés, estime Hervé Arribart, et si l’onne fait pas de recherche en début de carrière,on n’en fera jamais. »Son premier voyage vers l’industrie l’emmènechez Elf Aquitaine, au Laboratoire de recher-che de Lacq, à une époque où la « diversifica-tion » est à la mode. Mode sans suite, mais« l’occasion d’habiter une région agréable,avec de jeunes enfants ».

Un réseau en France et à l’étrangerDe retour en région parisienne, il trouve chezSaint-Gobain un nouveau sujet de recherche,l’adhésion des polymères, « très complexe,pluridisciplinaire et valorisant ».

« J’ai de nouveau fréquenté les chercheursacadémiques, reconstitué mon réseau enFrance et à l’étranger, avant de retourner versla science en créant un laboratoire mixte entreSaint-Gobain et le CNRS. J’ai découvert làun passionnant exercice de communication :expliquer deux fois la même chose à des orga-nismes différents qui n’emploient pas le mêmelangage. »En l’an 2000, les choses changent à Saint-Gobain. Il faut modifier la politique d’innova-tion pour obtenir un meilleur retour sur inves-tissement.

Allers et retoursvers la Science

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR HERVÉ ARRIBART (72)

professeur à l’Écolesupérieure de physiqueet de chimieindustrielles de la villede Paris (ESPCIParisTech)

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CARRIÈRES

Si l’on ne faitpas derechercheen débutde carrière,on n’en ferajamais

REPÈRESPolytechnicien (72), docteur en physique dessolides, Hervé Arribart est l’un des premiersthésards des laboratoires de Palaiseau.Multipliant les thèses, il entre au CNRS en 1978.Quatre ans plus tard, il rejoint l’industrie, chezElf, puis Saint-Gobain. Il retourne au CNRS en1980, avant de repartir pour l’industrie en 1998,puis de retourner finalement vers l’ensei-gnement et la recherche fondamentale en 2009.Père de deux enfants, il est membre de la Sociétéfrançaise de physique et de l’Académie destechnologies.

Saint-Gobain Recherche à Aubervilliers.

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«La gestion ne m’intéressant pas, je suis devenudirecteur scientifique. Ce fut une période intenseestime Hervé Arribart. Le verre ne représenteguère que 15 % des activités de Saint-Gobain,à côté des plastiques, de la céramique, desmatériaux abrasifs, etc.« Pour la recherche, nous avons créé quatrecentres transversaux de compétence, dontdeux en France, à Aubervilliers et Cavaillon,un aux États-Unis et un à Shanghai. Dix autrescentres de recherche sont dédiés à des métiersspécifiques. »

Une révolution industrielle« En une trentaine d’années, résume HervéArribart, j’ai vécu une véritable révolution indus-trielle. Le client est passé du stade de «quelqu’unà qui l’on veut bien vendre » à celui de vérita-ble partenaire de codéveloppement. Il m’a fallu

détecter des synergies, préparer des program-mes de recherche exploratoire, développerdes relations avec des universités étrangères,recruter et beaucoup voyager. »

Retour aux sourcesL’an dernier, il effectue un dernier retour versle monde académique en devenant professeurde physique à l’École supérieure de physiqueet de chimie industrielles (ESPCI ParisTech).« C’est une des meilleures formations à larecherche. Les trois quarts des élèves (ils sont85 dans chaque promotion) font une thèse ensortant de l’École.«Cela me change et me plaît beaucoup, conclutHervé Arribart, toujours épris de liberté et per-suadé d’avoir pu faire les choix qui luiconvenaient. »

Propos recueillis parJean-Marc Chabanas (58)

Une véritablerévolution

industrielleen moins de

vingt-cinq ans

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L’Histoire des sciencesHervé Arribart a travaillé pendant plusieurs années à «garder la mémoire de la science».De nombreuses interviews de scientifiques sont ainsi réunies sur un site Internet(http://authors.library.caltech.edu/5456/1/hrst.mit.edu/hrs/materials/public/index.html)initialement abrité au MIT, qui devrait être prochainement installé sur le site de l’ESPCI ParisTech.

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L’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI ParisTech).

Évaluer la rechercheLa qualité de la recherche est évaluée pardes Comités indépendants. En recherchefondamentale, l’évaluation d’un laboratoireest pratiquée tous les quatre ans. Les comitésse réunissent, visitent les laboratoires, suiventune série de présentations de résultats. Leurrapport encourage ou non à poursuivre lesprogrammes de recherche.

Enseigner à l’ÉcolePendant une douzaine d’années, Hervé Arribarta enseigné à l’École comme maître deconférences, puis professeur chargé de coursen physique. «J’y ai retrouvé mes ancienscollègues. Je m’y sens chez moi. L’atmosphèregénérale est excellente.»

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Présidente de l’INRA et du Conseild’administration de l’École polytechnique,Marion Guillou offre un bel exemple decarrière originale. Poussée par l’envie decomprendre et l’audace d’entreprendre,elle commente quelques points fortsde son métier et de ses multiples activitéscomplémentaires.

■« J’ai bien aimé la dernière carte de vœuxde l’École polytechnique, commente MarionGuillou, avec la photographie de nos jeunesrameuses parties à la conquête de l’Atlantique.Elles nous vantent l’audace d’entreprendre.C’est collectif, courageux, pas gagné d’avance.Cela nécessite de prendre des risques. C’estainsi qu’il faut mener une carrière. »

Explorer des domaines nouveauxSortie elle-même de l’École dans le corps desingénieurs du Génie rural et des Eaux et Forêts,Marion Guillou s’intéresse alors à la biologieet à la science des aliments.« Je n’avais pas de domaine de prédilectionmais un goût personnel pour le vivant, pour lanature. Mon moteur est la curiosité, l’envie decomprendre, la recherche du sens. J’ai unegrande admiration pour ceux qui inventent, quiexplorent des domaines nouveaux. »« Sur le plan du travail, le choix géographiqueest important. Avec Hervé, nous avons choiside travailler tous les deux; nous avons changéplusieurs fois d’affectation de manière coor-donnée, parfois décalée, mais pas trop. Nousavons vécu dans la Manche, à Paris, à Nantes,à Londres, puis de nouveau à Paris. »

Un sens pragmatique de l’organisationQuels sont les points forts de son métier ?« Un sens pragmatique de l’organisation etdu management. Je suis PDG d’un organismede recherche important. L’INRA emploie envi-

ron 8 500 personnes dans toutes les régionsde France et presque 10000 si on compte lesdoctorants encadrés par l’Institut. Ces per-sonnes conduisent des programmes en scien-ces de la vie, sciences de l’environnement etsciences humaines et sociales. Les moyensfinanciers sont de l’ordre de 750 millionsd’euros.«Tout cela suppose, bien sûr, beaucoup de tra-vail mais un travail motivant, en équipe, créa-tif. J’aime soutenir et développer de grandsprojets dans des domaines exploratoires, auxniveaux national et international.« Je continue ainsi à exercer un rôle social,au sens du traitement de sujets de société. »

Une militante « Un tel engagement professionnel ne seconduit pas avec indifférence. « Je pourrais me qualifier de militante nonpartisane.« J’ai accepté par ailleurs plusieurs respon-sabilités, à côté de cet engagement profes-sionnel. Par exemple, je participe au Conseild’administration de l’Autorité européenne desécurité des aliments. Je préside le Conseild’administration de l’X. L’École polytechni-que est un des établissements français d’en-seignement supérieur visibles au niveau inter-

Allier l’audace et la curiosité

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR MARION GUILLOU (73)

président-directeurgénéral de l’INRA

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CARRIÈRES

Un senspragmatiquede l’organi-sation et dumanagement

REPÈRESPolytechnicienne (73), docteur en physico-chimie des biotransformations, Marion Guilloua été chercheur à l’université de Nantes,déléguée régionale à la recherche et à latechnologie, attachée agricole de l’ambassadede France à Londres, directrice générale del’alimentation au ministère de l’Agriculture,directrice générale de l’Institut national de larecherche agronomique (INRA), qu’elle présidedepuis juillet 2004.

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national. L’objectif fixé par le Conseil d’admi-nistration est d’aller plus loin : en complétantla gamme des disciplines approfondies (bio-logie aux interfaces) et en développant notrecapacité scientifique dans quelques domai-nes forts : physique (laser, optique), mathé-matiques (simulation, organisation de sys-tèmes complexes). La formation d’ingénieursdemeure notre cœur de métier mais nouscréons en ce moment une graduate school,largement ouverte aux étudiants interna-tionaux.« Bref, beaucoup d’ambitions à porter avecune équipe de direction remarquable et mobi-lisée, et donc pour moi du temps, de l’éner-gie, de la réflexion stratégique avec ParisTech,Saclay, les entreprises ou le ministère de laDéfense. »

La vie de la citéEst-ce que Marion Guillou envisage une par-ticipation à la vie politique ?« Je ne participe pas à la vie des partis poli-tiques, mais plutôt à la vie de la cité, en étantmembre de la Commission Attali, ou en pré-sidant un groupe de suivi du Grenelle del’environnement par exemple. Il faut fairedes choix.« De plus, en politique, il est nécessaired’adopter toutes les opinions de son parti,cela ne me convient pas.« J’estime les personnalités engagées enpolitique pour leur vision globale et leur sensd’une mission collective. J’ai travaillé aveccertaines d’entre elles, mais la démocratie peutse vivre sur d’autres terrains. »

Des valeurs collectivesQue penser de la confrérie polytechnicienne?« L’École, avec la vie en internat, la placedonnée aux projets de groupe, aux activitésassociatives et le service militaire ou civil,développe effectivement un sens des res-ponsabilités, une capacité d’initiative, assezspécifiques de l’X me semble-t-il… et par làmême occasion des liens exceptionnels entreles étudiants.« Avec mes « coturnes » des années 75, nousnous revoyons très régulièrement, avec leplaisir qui s’attache aux amitiés durables. »

Et l’avenir ?« Je n’ai pas d’idée préconçue. Jamais rienn’est prévu d’avance. Je reste très ouverte auxopportunités à venir. Repartir à l’étranger,pourquoi pas ? » ■

Propos recueillis parJean-Marc Chabanas (58)

Une carrièred’ingénieur

convient bienaux femmes

contrairementaux idées

reçues

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Marseillaise, Marion Guillou effectue ses études

de «prépa» au lycée Thiers. Entrée à l’X en 1973,

elle découvre Paris et la vie d’étudiante, pratique

la voile, s’adonne à la gravure, organise un

voyage en Chine, se préoccupe de problèmes

sociaux. Elle mène en parallèle des études de

biologie à la faculté de Jussieu. Mariée, mère de

trois enfants déjà grands, elle se passionne aussi

pour la Provence, la mer… et la recherche

agronomique.

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Gérer une carrièreau féminin

«Une carrière d’ingénieur est tout à fait

compatible avec une vie de famille, affirme

Marion Guillou. Elle convient bien aux femmes,

contrairement à l’image attachée à ces métiers.

«Il faut, bien sûr, un conjoint qui soit d’accord

pour que chacun mène sa propre carrière. En ce

qui nous concerne, nos domaines professionnels

sont totalement disjoints. Nous en avons décidé

très vite car nous avons tous deux un caractère

fort. Nous partageons beaucoup d’autres choses,

la navigation, les voyages, la complicité avec nos

enfants, mais pas le boulot.»

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Un bon réseau de relations est indispensabledans de nombreuses phases de la vieprofessionnelle. En phase de recherched’emploi, bien sûr. Et aussi dans la viede tous les jours, qu’il s’agisse de consolidersa position au sein d’une société ou dedévelopper commercialement une activité.Mais, développer, entretenir et exploiterun réseau efficace exige du temps,des efforts et un vrai savoir-faire.

■Comment, pour un cadre en transition de

carrière, optimiser sa recherche d’un job alors

que le marché de l’emploi est en crise ?

Comment, pour une personne en poste en

entreprise, éviter un licenciement lié à la crise

et continuer à progresser dans sa société ?

Comment, pour un consultant ou une TPE,

développer du nouveau business quand le chif-

fre d’affaires pique du nez? Voici trois problé-

matiques a priori différentes dont la solution

réside dans un mot magique : le réseau.

Un art et une techniqueDans la recherche d’un job, et tout particuliè-

rement en période de crise de l’emploi, le

réseau représente, pour tout cadre confirmé,

la voie royale : le réseau, c’est 80 % de vos

chances de trouver le bon job.

L’activation réseau en recherche d’emploi est

un art et une technique. Elle s’appuie sur des

piliers bien identifiés : avoir un projet profes-

sionnel clair et atteignable; identifier des cibles

précises : des entreprises et non pas seule-

ment des secteurs; savoir dépasser son réseau

direct pour accéder aux deuxième et troisième

cercles, c’est-à-dire rencontrer des person-

nes inconnues ; utiliser la recommandation,

l’arme absolue qui vous permet de rencontrer

qui l’on veut; maîtriser les techniques de mise

en contact : le mail et l’appel réseau; savoir pilo-

ter les rencontres réseau pour en sortir avec

des noms de personnes à contacter; effectuer

un suivi scrupuleux de ses contacts et éviter le

«réseau Kleenex»; se faire accompagner par

un spécialiste pour professionnaliser sa démar-

che ; être assidu, déterminé, discipliné, actif

et persévérant.

Consolider sa positionEn période de crise, l’entreprise examine à la

loupe la contribution de chacun de ses mana-

gers. Or, les études montrent clairement que,

à expérience égale, ce sont les individus béné-

ficiant du meilleur réseau en interne qui ont

le plus de chance de conserver leur job. Voilà

une excellente raison pour travailler son

networking en interne. Ne mettez pas les

mitrailleuses en batterie autour de votre bureau,

Le réseau, bon antidoteà la crise

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR HERVÉ BOMMELAER

consultant àL’Espace Dirigeants

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CARRIÈRES

Le réseau,c’est 80 %de vos chancesde trouverle bon job

REPÈRESIt’s not what you know, it’s who you know ! Cetadage américain – ce qui importe ce n’est pas ceque vous connaissez mais qui vous connaissez –est particulièrement pertinent en matière derecherche d’emploi : plus des deux tiers desrecrutements ne font pas l’objet d’annoncesformelles et passent donc par les « réseaux »qu’ils soient informels ou organisés.

Groupe d’activationL’activation du réseau est plus efficace si l’onrejoint une structure ou un groupe. Si vous n’êtes pas suivi par un cabinetd’outplacement, inscrivez-vous dans le grouped’activation ou réseau qui vous convient le mieux.Une fois intégré dans un groupe, soyez actif :suscitez les échanges, donnez et recevez,rayonnez auprès des autres. Car, en recherched’emploi, c’est toujours l’énergie du candidat quifait la différence et donc son succès.

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LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

ne disparaissez pas sous les dossiers. Soyez

présent dans les séminaires, les groupes de tra-

vail, les réunions informelles, à la machine à

café et intéressez-vous sincèrement aux autres.

En période de fortes turbulences, il est aussi

vivement conseillé d’être actif et visible auprès

de votre réseau externe. Non seulement auprès

du premier cercle des proches mais aussi et

surtout dans le vaste cercle des « liens fai-

bles », c’est-à-dire toutes ces personnes que

vous connaissez et qui vous connaissent, mais

que vous ne voyez pas régulièrement. Ce sont

ces liens plus lointains qui, lorsqu’ils sont réac-

tivés, donnent les meilleures idées, collectent

les bonnes informations et dévoilent les oppor-

tunités les plus intéressantes.

Nouvelles relationsPar ailleurs, les périodes de gros temps consti-

tuent une occasion en or pour faire de nouvel-

les rencontres professionnelles et créer des soli-

darités durables. Dans ce but, il est indispensable

de professionnaliser votre action de networking.

Pour cela, clarifiez vos objectifs, cartographiez

votre réseau, définissez votre stratégie et agis-

sez. Et rejoignez les associations d’anciens de

grandes écoles, d’anciens d’entreprises, de

groupes professionnels, de personnes exer-

çant le même métier, etc.

Enfin, ne déjeunez jamais seul. Et surtout, ne

mangez pas toujours avec les mêmes. Profitez

de vos déjeuners pour rencontrer des collè-

gues, clients, fournisseurs, conseils, informa-

teurs, journalistes, ex-collègues, etc. Appliquer

la méthode du Two + Two + One afin d’optimi-

sez vos déjeuners de la semaine. Vous avez

cinq déjeuners par semaine, soit plus de

200 déjeuners annuels en retirant les vacan-

ces. Vous bénéficiez donc de 200 occasions de

rencontrer des personnes dans l’année sans

que cela vous prenne plus de temps que ce

que vous aviez l’habitude de faire avant. Le

réseau en poste constitue votre meilleur gol-

den parachute. Ne le négligez pas.

Une force de vente gratuiteQue vous soyez commercial ou consultant, le

networking constitue un excellent moyen de

prospecter et de trouver de nouveaux clients.

Comment? Une fois vos cibles identifiées, l’ap-

proche réseau consiste à les rencontrer une

à une en utilisant la clé de toutes les portes :

la recommandation.

Quand vous appelez un prospect sans vous

présenter de la part d’une relation commune,

vous vous trouvez en situation d’appel froid.

C’est l’exercice le plus courant pour un com-

mercial qui cherche à décrocher un rendez-

vous avec une cible identifiée.

En moyenne, il décroche un rendez-vous sur

dix tentatives.

L’appel chaudL’utilisation d’une recommandation change

tout. Vous êtes alors en situation d’appel chaud.

Lorsque vous appelez un prospect de la part

de quelqu’un qu’il connaît, vos chances d’ob-

tenir un rendez-vous sont proches des neuf

sur dix. Pourquoi ? Parce que votre interlocu-

teur fait confiance à votre relation commune.

En définitive, ce qui compte n’est pas qui vous

connaissez, mais plutôt qui vos relations

connaissent.

En définitive, si vous recherchez une appro-

che commerciale non agressive et un sys-

tème marketing économique, puissant et effi-

cace, le business networking constitue la

solution idéale.

Vous disposez en effet, via votre réseau, d’une

force de vente gratuite qui peut faire la pro-

motion de votre savoir-faire professionnel. ■

Le réseau enposte constituevotre meilleur

goldenparachute

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Two + Two + One

Au lieu de prendre seul – ou toujours avec les

mêmes – vos cinq déjeuners de la semaine,

consacrez deux déjeuners à d’autres gens de

l’interne, deux déjeuners avec des personnes

extérieures et un seul déjeuner avec votre cercle

habituel.

Clients prescripteurs

Si les prospects représentent vos clients

potentiels de demain, n’oubliez jamais que

vos clients actuels constituent vos meilleurs

prescripteurs.

Aussi, il est primordial de suivre sur le long

terme un client qui, non seulement peut avoir à

nouveau besoin de vos services,

mais peut aussi vous recommander à son réseau.

En d’autres termes, si une personne du cercle

professionnel de votre client recherche un

fournisseur ou un prestataire, il faut qu’il cite

votre nom en premier.

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Le passage au statut de retraité n’est passynonyme d’un renoncement à toute formed’activité utile ou productive. Il constituel’occasion de donner à sa vie une nouvelleorientation et à lui donner un nouveau sens.Mais, réussir ce changement implique unretour sur soi, une réflexion et unepréparation qui sont à l’opposé del’improvisation.

■ La retraite, quel mot pour désigner la finde la vie professionnelle ! Quand finit-on vrai-ment sa vie professionnelle ? Est-ce au soirdu pot de départ offert par l’entreprise recon-naissante ou quand, plus tard, constatant quela mémoire flanche et que les forces nous quit-tent, ou qu’on ne nous regarde plus vraiment,il faut pour de bon démissionner de ses man-dats ou fonctions ? Il n’y a plus alors qu’à sereplier sur son jardin pour le cultiver avecencore peut-être une petite place pour le béné-volat où l’on embauche à tout âge. Au-delà del’ambiguïté des mots, reconnaissons qu’il y aune coupure symbolique mais forte, le jour oùl’on n’a plus ses insignes de pouvoir et de noto-riété : plus de bureau, plus d’assistante, peut-être même plus de voiture de fonction et sur-

tout plus de programme de travail tout tracéet plus de rôle à jouer. Qui n’a pas eu cetteimpression de vide brutal, d’inutilité, de silence,enfermé dans son chez soi ? Finie la rassu-rante appartenance à une structure qui, mal-gré les risques à prendre et les responsabili-tés (allez, on aime bien cela, hein ?), procureun bon confort douillet et rythme nos journéesde ses rites bien définis.

Une nouvelle tranche de vieIl est vrai que les paramètres changent : les viesprofessionnelles ne sont plus un long fleuvetranquille et nous abordons l’âge de la retraitedans des conditions très différentes selon le nom-bre d’accidents de carrière – quand ce n’estpas de santé – que nous avons dû surmonter.En plus, la perspective d’une retraite tran-quille a disparu car elle s’allonge et il faut vrai-ment la considérer comme une nouvelle tran-che de vie à part entière : pensez donc, enmoyenne une demi-vie professionnelle de plusavec les espérances de vie que l’on nous pré-dit. Et pour peu que « l’on fasse attention » onpeut vivre centenaire, bien soigné, entouré parsa nombreuse et aimante progéniture.

Regarder la réalité en faceAlors que faire ? Dédramatiser, tout est dansle mental, comme pour les sportifs. Tout d’abord,tellement occupés à atteindre nos objectifs età défendre notre «maison» nous oublions quele temps passe inexorablement et qu’il y aurabien un moment où il faudra relâcher la pres-sion sur notre organisme sur lequel on a tiréet tiré sans réfléchir. Donc, premier point,regarder la réalité en face, ne pas refouler aufin fond de notre conscience ce petit appel àréfléchir à la suite. Il n’y a en effet pas de rai-son de ne pas le faire : de même que l’on aplanifié sa carrière professionnelle, il faut unpeu planifier sa vie. Donc, ce qui arrive est nor-mal, dans l’ordre des choses, il n’y a pas deraison de l’occulter.

La fin de la vie professionnelle :s’y préparer et en profiter

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR BERNARD DUBOIS (64)

ancien directeurindustriel d'Aventisau niveau mondial

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CARRIÈRES

Il fautrelâcherla pressionsur notreorganisme

REPÈRESLa France compte aujourd’hui plus de 15 millionsde retraités, soit près d’un Français sur quatre.Mais les retraités oisifs sont rares. Beaucoupsont enclins à poursuivre une activité profes-sionnelle, encouragés en cela par la loi qui,depuis le début de 2009, les autorise à cumulerleurs pensions avec les revenus d’une activitéprofessionnelle, sans aucune restriction.D’autres se tournent vers des activitésbénévoles : sur les 15 millions de bénévoles, prèsde la moitié a plus de 55 ans.

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LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

Page blancheDeuxièmement, il ne faut pas refermer son

horizon sur la seule vie professionnelle. Je

sais bien que beaucoup ont une passion, un

violon d’Ingres, un jardin secret pour se repo-

ser du travail harassant. Certains mêmes arri-

vent à assurer une activité parallèle qu’ils

comptent bien développer plus tard. Il y a donc

bien sûr toutes sortes de cas mais, tous, nous

devons considérer notre environnement com-

plet. Nous avons une famille, des amis, nous

appartenons à des groupes, nous sommes

géographiquement situés ; nous avons des

talents, des projets, des envies non satisfai-

tes faute de temps. Surtout, nous avons emma-

gasiné un fantastique capital de savoir-faire,

d’expériences, de sagesse même, appuyés sur

un grand réseau de relations nouées tout au

long de notre carrière. Tout cela devrait être

présent à l’esprit à tout âge; mais il est essen-

tiel de bien l’appréhender à cette période,

quand on sent qu’une nouvelle page va devoir

s’écrire. Et elle est blanche, il faut presque

faire comme pour un bilan de compétences :

se forcer à mettre noir sur blanc tout ce qui

nous « fait » à ce stade. C’est le second point :

examiner son développement intégral en

incluant tous les aspects de sa personnalité

et de son environnement.

Se prendre en mainTroisièmement, il faut continuer à prendre les

choses en main : notre volonté et notre déter-

mination sont intactes. Il faut garder le même

état d’esprit que quand il fallait décrocher son

travail ou sa promotion avec toutefois un énorme

avantage cette fois-ci : à quelques malheu-

reuses exceptions près, il n’y a plus de pres-

sion financière. Même si les régimes de retraite

vont souffrir, nos vieux jours sont assurés. On

a donc le choix. Cela implique un certain effort

pour chercher ce qui nous conviendra le mieux

sans se jeter sur la première sollicitation venue,

tant est grande l’angoisse de n’avoir plus rien

à faire. Pour cela il faut garder un certain

rythme et ne pas perdre ses bonnes pratiques

de méthodes de travail efficace et rapide, ce qui

implique en particulier de garder une bonne

forme physique. Plusieurs camarades l’ont

vécu : dire oui trop vite à tout conduit à être

débordé et à se charger d’activités qui nous

assomment parce que sans intérêt ou peu

conformes, finalement, à nos aspirations.

Un monde autreQuatrièmement, il faut reconnaître que l’on

entre dans un monde nouveau que l’on ne

connaît pas et qui a des règles de fonctionne-

ment très différentes. Le monde associatif,

les organisations philanthropiques ne se gèrent

pas comme des entreprises. Souvent aussi on

découvre un peu piteusement que l’on ne nous

a pas attendus et qu’il n’y a pas forcément

tout de suite la place et l’autorité qui convien-

nent à nos mérites et à notre statut, éminem-

ment grands bien sûr. Qui n’a pas fait l’expé-

rience de la vertu d’humilité à cette occasion ?

Il ne faut donc pas sous-estimer le temps que

prend cet apprentissage. C’est comme ren-

trer dans un différent secteur d’activité : il

faut en comprendre les règles, en repérer les

acteurs, se pénétrer de l’histoire et bâtir sa

stratégie d’approche.

Trouver une harmonieTout cela est très bien mais comment s’y pren-

dre ? Oh ! il n’y a pas de feuille de route stan-

dard ni de recette. Malgré les précautions évo-

quées ci-dessus, il y aura autant de solutions

que de tempéraments et de goûts. C’est ce qui

fait d’ailleurs le charme de cette nouvelle tran-

che de vie : une grande variété de voies rend

Nos choix

doivent nous

amener à une

vraie sérénité

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Une vision à court termeNotre époque est toute concentrée sur le courtterme, avide de savoir en temps réel tout cequi se passe dans le monde pour réagir au quartde tour. Le long terme et la planificationn’intéressent plus guère. Pas étonnant dansces conditions que nous oublions la réalitéde notre vie terrestre et que nombre de noscamarades sont désemparés quand ils seretrouvent à nouveau seuls sans organisationà laquelle se raccrocher.

À chacun selon ses goûtsIl n’y a aucune honte à prendre du tempspour soi, à profiter de la vie comme l’on dit,à voyager, à faire du sport, bref à assouvirtoutes les frustrations que l’on a accumuléesaprès des semaines et des semaines tropchargées. Il n’y a aucune honte non plusà vouloir se sentir utile.

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tout possible ou presque et l’on retrouveradans ses amis une grande richesse à cettediversité. Car tous, nous souhaitons, tant quenotre santé et celle de nos proches le per-mettent, avoir une vie épanouie et heureuse.Et ce sera un critère fondamental d’une«retraite» réussie : est-ce que nous sommesheureux ? Et comment s’en rendre comptesinon en sentant intimement que nos choixsont les bons, c’est-à-dire qu’ils nous procu-rent paix intérieure et joie. Voilà les deux cri-tères fondamentaux d’un bon discernement.Outre qu’ils ne contreviennent pas aux loisauxquelles nous adhérons, nos choix doiventnous amener à une vraie sérénité et nous pro-curer une joie intense, ressentie au plus pro-fond de nous-mêmes.

Une nouvelle relation aux autresPoursuivant cette réflexion je livre quelquesclés plus personnelles espérant qu’elles peu-vent être utiles. La vie professionnelle peutbien sûr procurer de grandes joies. Mais lerythme et la densité de l’emploi du temps sonttels que les relations sont trop fugitives et nepeuvent souvent pas être approfondies ou sontbridées par le risque d’en perturber leur carac-tère professionnel. Une fois dégagées de cesobligations, les relations avec les autres demeu-rent bien sûr toujours responsables mais ellessont bien plus libres donc bien plus paisibleset décontractées car il n’y a plus le carcan dela défense des intérêts de l’entreprise. En par-ticulier, on peut plus facilement quitter le ter-rain de l’efficacité pure et prendre plus detemps pour la spéculation intellectuelle, l’écouteet le débat. De plus apparaîtra certainementle sentiment fort d’avoir, dans l’ensemble eten général, eu beaucoup de chance et d’êtrelégitimement fier de sa carrière et de ses réa-

lisations. À mon sens, il en découlera uneforme de reconnaissance pour la société etun désir, peut-être, de faire bénéficier lesgénérations suivantes de notre savoir-faire.

Stoïcisme et entrepreneuriatVoilà quelques réflexions venues après quel-ques années de «retraite»; même si je n’aimetoujours pas le mot, je dois reconnaître quela variété et la profondeur des relations queje développe remplissent à la fois mes jour-nées et mes ambitions. Le temps passe tou-jours aussi vite mais sans stress et j’éprouveune grande joie à me sentir utile. C’est mer-veilleux de maîtriser ses horaires, de saisirles occasions qui se présentent, de prendrele temps de savourer les rencontres, de pro-fiter de sa famille et de ses amis, de lancerde nouveaux projets. Bref, c’est un mélangede stoïcisme (profiter du moment présent) etd’entrepreneuriat (projets que l’on continueà lancer). La vie, a dit quelqu’un, c’est le mou-vement et la rencontre. ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 201026

La vie, c’est le

mouvement et

la rencontre

CARRIÈRES

Donner sens à sa vie

L’homme, cet animal pensant, ne peut pas

ne pas se poser consciemment ou non la question

du sens de sa vie. Quelle que soit la foi à laquelle

il adhère, sa raison de vivre justifiera et

expliquera ses actions. Il sera heureux dans

la mesure où elles correspondront à ses

aspirations profondes; et c’est cette harmonie

que sa conscience lui fera ressentir en lui

procurant paix et joie.

Laisser une trace

Si en plus cela flatte un peu notre ego, pourquoi

ne pas assouvir notre désir de laisser une trace

derrière nous, c’est bien humain. Pour certains

ce sera simple, leurs organisations profes-

sionnelles faisant naturellement appel à leur

expertise. Les autres constateront vite que

les structures pour mettre son expérience

au service des autres ne manquent pas.

Pseudo-retraité avec sa tondeuse à gazon jaune et rouge.

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LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

Ce qui estapprécié chez

un docteur,c’est sa façon

d’aborderles sujets

■ Les doctorants sont répartis dans l’unedes cinq filières regroupant l’ensemble desdomaines scientifiques étudiés dans les labo-ratoires du Centre de recherche de l’Écolepolytechnique ou les laboratoires associés :mathématiques et informatique (environ 25%des doctorants); mécanique (16%); molécules,du solide au vivant (14 %) ; physique (36 %) ;économie et sciences sociales (9 %).Environ 30% des doctorants ayant fait un mas-ter en France sont issus d’une filière univer-sitaire, 50% d’écoles d’ingénieurs ou des ENS,20 % sont étrangers. Entre 100 et 120 thèsessont soutenues chaque année.

Insertion professionnelle Plusieurs formations sont proposées chaqueannée par l’École doctorale (EDX), pour aiderà l’insertion professionnelle des docteurs aprèsleur thèse : connaissance de l’entreprise, for-mation au management, préparation à l’en-tretien d’embauche, etc. Chaque année N, ladirection de l’EDX interroge les docteurs del’année N-3 sur leur devenir professionnel. Larépartition en pourcentage est donnée dansle tableau ci-dessous.Une enquête sur l’insertion professionnelleen entreprise des docteurs a été demandéepar la commission aval de l’École. Elle a étémenée conjointement par la Fondation de l’Xet l’EDX. Douze entreprises ont été interro-gées, sur la base d’un questionnaire. Les entre-prises qui ont été choisies pour cette enquête

couvrent des secteurs d’activité très variés.La plupart d’entre elles ont embauché au moinsun docteur de l’École polytechnique au coursdes cinq dernières années. D’autres ont unevision plus large à l’échelle internationale.Cette enquête met en évidence une variationimportante de la vision et du traitement desdocteurs selon le type d’entreprise. Les entre-prises ayant une activité de R & D importanteconnaissent évidemment mieux les docteurset leurs compétences.L’enquête révèle que les entreprises recrutentde plus en plus de docteurs et cherchent à diver-sifier leurs embauches, mais ne recherchentpas particulièrement le postdoc, indispensablepour les recrutements académiques. Leur attente,en termes de préparation à l’insertion profession-nelle, est moins importante pour les docteursqu’elle ne l’est pour les ingénieurs : ce qui estapprécié avant tout chez un docteur, c’est safaçon d’aborder et de traiter les sujets. Enfin,les formations dispensées au sein de l’Écoledoctorale de l’École polytechnique sont appré-ciées par les entreprises et par les docteurs. ■

Doctorat de l‘X :

une formation reconnueAu niveau international, le doctorat est un diplôme très reconnu. C’est ce qui a amené l’X à créer,en 2000, une École doctorale pour laquelle on peut esquisser un premier bilan en termes d’emploi.

PAR MICHEL ROSSO (69)

directeur de l’Écoledoctorale de l’X

CARRIÈRES

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REPÈRESPlus de 500 doctorants (dont 35-40 % sontétrangers) sont inscrits en thèse à l’Écolepolytechnique, pour environ 250 directeurs dethèse : ces chiffres sont en constante augmen-tation depuis 2005.

Types d’emploi 2003

30 32 28 22

24 24 21 18

10 6 8 7

34 36 42 52

1 3 1 1

2004 2005 2006

Enseignement supérieur, recherche

Postdoctorat

Enseignement secondaire, administration

Secteur privé

Sans emploi

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Pour un cadre dirigeant, la rupture avec sonemployeur est un moment difficile et délicat.Il doit accepter le choc et se mettre dansune position constructive pour mener à bienla négociation qui s’engage. Bien tournerla page, c’est bien se préparer à en écrirede nouvelles.

■ Rude moment pour un dirigeant. Aprèsavoir servi et défendu les intérêts de son entre-prise, le voilà en confrontation avec elle. Larupture avec l’employeur peut être source defragilisation et parfois de souffrances. Le mondedu travail est souvent brutal. Il impose à cha-cun de s’affirmer par et à travers l’épreuve.

L’épreuve de la ruptureFace à ce choc, chaque dirigeant est confrontéà un choix, qui influencera son futur.Soit subir le choc, chercher à le bloquer, résis-ter, lutter de diverses manières, voire enta-mer un contentieux long, coûteux, aléatoire.Tentative souvent vaine qui crispe les situa-tions et limite l’ouverture à la créativité.Soit inscrire cette rupture dans une démar-che dynamique. L’épreuve peut alors devenirun moteur de construction identitaire, qui favo-rise l’émergence et l’affirmation de soi, ren-force l’adaptabilité dans un monde incertain.Devenu seul face à une entreprise organiséeet puissante, le dirigeant doit éviter l’impro-visation.

Penser à la négociationLa rupture s’annonce ? Mieux vaut sortir lesantennes que les armures. Il ne s’agit pas eneffet d’entrer en guerre mais de développerune grande vigilance pour appréhender lasituation dans sa complexité, y évoluer avecsouplesse et obtenir des résultats quantita-tifs et qualitatifs élevés.Le «dossier» de négociation doit être préparédans ses multiples dimensions. La premièreest le contexte de négociation : quels acteurs?

Quels scénarios envisageables? Quelles consé-quences en l’absence d’accord ? Quels sontles facteurs susceptibles de peser (ancien-neté, âge, situation de famille, urgence dudépart, pouvoir de nuisance ou d’influence) ?La dimension professionnelle est centrale :en fonction de l’âge, l’ancienneté dans l’en-treprise, la formation, l’expérience, quel estle degré de difficulté probable de la futurerecherche d’emploi ?Les aspects psychologiques et émotionnels(comment le dirigeant ressent la situation ?)sont à analyser avec soin car l’identificationdes émotions (colère, frustration, angoisse)aide à leur maîtrise.

Calculer ses droitsSur le plan financier, le dirigeant calculera sesdroits liés au départ, ses futures allocationsde chômage. On estimera le juste montant del’indemnité négociée de rupture.Enfin, sur le plan juridique, il est essentiel dedéterminer si l’entreprise dispose d’élémentssérieux contre son dirigeant ou si la décision

La rupture, ça se négocie

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR BERTRAND REYNAUD

consultant, experten négociation

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CARRIÈRES

L’épreuve peutdevenir unmoteur deconstructionidentitaire

REPÈRESBertrand Reynaud a exercé les fonctions de DRHdans de grands groupes (AXA, Fnac, La Poste).Son métier actuel consiste à accompagner desdirigeants en période de rupture pour qu’ilspuissent, autant que possible, optimiser lesconditions financières de départ tout enmaintenant une relation de qualité avecl’entreprise.

Incidence fiscale

Avant la négociation, il faut anticiper et calculerl’impact fiscal de l’accord. En effet, la fiscalitén’est plus ce qu’elle était : au-delà de207000 euros, les indemnités sont chargéeset imposées comme de la rémunération.

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est surtout politique. Et aussi de savoir quel-les sont les modalités de rupture les plusadaptées.Intervenant le plus en amont possible, ce tra-vail ouvre à l’action, réduit l’anxiété et balisele territoire, souvent inconnu, sur lequel ledirigeant s’engage.Les objectifs de négociation (quantitatifs etqualitatifs) et la stratégie la plus adaptée sontalors identifiés. Cette étape est nécessairepour se lancer dans une négociation qui, bienpréparée et conduite, pourra assurer la sécu-rité financière attendue tout en enrichissantson expérience.

Un art contre-intuitifQuelle posture adopter ? C’est en dominantson émotivité que l’on retrouve force et puis-sance de façon à développer des relations dequalité avec les négociateurs, éviter les guer-res de position, chiffrer ses propositions etfaire preuve de souplesse.Il est essentiel de travailler la qualité de larelation avec ses interlocuteurs, d’entendreleurs arguments, de les remercier d’une pro-position significative, d’être attentif à ce quiest renvoyé par les interlocuteurs. En expri-mant posément les sentiments que nous ins-pire la situation et en posant des questionspour explorer le territoire de l’autre, on décou-vre bien des aspects du problème (et de sasolution) que la colère non maîtrisée ne lais-sera pas deviner.

Justifier ses demandesPlutôt que de s’arc-bouter sur des positions,il convient de poser ses attentes et préoccu-pations (financières, en termes d’image de soi,de réputation) afin d’arriver à un bon accord,tout en restant à l’écoute de celles de l’entre-prise. Base d’un accord mutuellement accep-table, cette démarche positive ouvre l’espacede solutions créatives.

Quand il faudra en arriver à des propositionsconcrètes et à des chiffres, le dirigeant a toutintérêt à disposer d’un maximum de réfé-rences chiffrées permettant de justifier sesdemandes.

Souplesse et patienceRester serein sur la relation, exigeant surle fond, souple dans le mouvement et dansla tactique, cela donne puissance et effica-cité dans la négociation. Toutes antennessorties, il est utile de jouer sur les rapportsdans l’entreprise, de faire levier avec diffé-rents acteurs internes. À aucun moment, ilne faut décrédibiliser ses interlocuteursdirects.De plus, jamais prise dans l’instant, toute déci-sion est précédée de temps, même courts, deréflexion.Enfin, si l’interlocuteur use de tactiques déloya-les de coercition, de pressions et d’attaquespersonnelles, je peux rapidement prendre lerelais et négocier directement avec l’entre-prise ou son représentant.

Un nouveau départCette approche inconditionnellement construc-tive permet de garder le contrôle sur la négo-ciation et rend crédible la fermeté dans ladéfense de ses intérêts tout en favorisant lacréativité.Les dirigeants que j’ai ainsi accompagnéstémoignent que cette démarche les aide à pas-ser de la réaction, très humaine mais pas tou-jours efficace, à l’action stratégique. La rup-ture permet alors d’assumer le passé et devientune étape clé dans la préparation de l’avenir.C’est une grande vertu que savoir « éprouverl’épreuve ». ■

Toute décisionest précédée

de temps,même courts,

de réflexion.

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Dominer ses sentiments

Au moment clé de la négociation, le risque

est grand de se laisser emporter par l’émotion,

la colère, de s’opposer à ses interlocuteurs,

de leur dire leurs quatre vérités, de répondre

pied à pied. Cette réaction humaine et habituelle

n’est généralement pas la plus efficace.

Benchmarking

Pour s’assurer de la pertinence des données

et montants évoqués de part et d’autre,

on s’appuie sur des critères d’équité : montants

susceptibles d’être octroyés par un tribunal,

pratiques de l’entreprise, pratiques du marché.

Ce travail qui crédibilise le discours et assoit

l’analyse des propositions de l’entreprise

est une dimension importante du travail

préparatoire. Grâce à mon expérience, je dispose

d’éléments utiles à cet indispensable exercice.

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Les chasseurs de têtes ne traitent qu’unefraction des recrutements de cadres diri-geants. Mais leur approche spécifiquedu marché et leurs méthodes de travailleur permettent d’éliminer au mieux lesfacteurs de hasard dans les procéduresde recrutement. Sur les missions qui leur sontconfiées, ils peuvent donc offrir, tant auxentreprises qu’aux candidats, des servicessans équivalent.

■ Véritablement né aux États-Unis en 1946chez Sydney Boyden, le métier de chasseur detêtes arrive en Europe dans les années soixanteà travers plusieurs cabinets américains(Heidrick&Struggles, Korn Ferry, Spencer Stuart,Boyden). La profession est donc extrêmementrécente et ce n’est que dans les années soixante-dix et quatre-vingt que les premiers cabinetseuropéens (Egon Zehnder, Éric Salmon, Neumann)voient le jour en Europe continentale.

Les besoins de l’entreprisePour l’entreprise, le chasseur de têtes sejustifie lorsque la population de candidatspeut être ciblée précisément (par géogra-phie, entreprises ou fonctions), justifiant uneapproche directe. Souvent, les missionsconcernent des domaines où il n’y pas decandidat interne évident et dont l’entreprisemaîtrise mal le « pool de candidats » exter-nes soit parce qu’ils sont sectoriellement(nouvelle activité), fonctionnellement (juri-dique, achats, informatique, ressources humai-nes) ou géographiquement (filiale étrangère)éloignés.

Le client confie alors un mandat de recher-che à un chasseur de têtes dans le but derecruter un candidat qui s’intégrera dansl’entreprise et réussira dans le poste. L’objectifva bien au-delà de l’envoi de CV et le cabinetjoue un véritable rôle de conseil auprès deson client qu’il représente auprès des can-didats, de façon comparable à celui d’un ban-quier conseil. Les mandats sont donc tou-jours exclusifs avec un niveau d’honorairesen général normés (1/3 du package annuel)dont une partie importante (au moins la moi-tié) est payée d’avance et reste acquise quelleque soit l’issue de la mission.

Chasseur de têtes :

mode d’emploi

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR BRUNO SEREY (81)

associé du CabinetBoyden

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CARRIÈRES

Le chasseur detêtes se justifielorsque lapopulation decandidats peutêtre cibléeprécisément

REPÈRESEn France, le marché se partage aujourd’hui entreles grands cabinets internationaux (anglo-saxonspour la plupart), les cabinets français et les«boutiques» spécialisées par secteur ou fonction.Malgré tout, les cabinets ne conduisent qu’unefraction des recrutements externes (1500 postesde dirigeants par an). Certains cabinets ontélargi leur offre à l’évaluation de dirigeants(management assessment), particulièrementutile lors d’une acquisition, d’une fusion ou durecrutement d’un candidat externe identifié parl’entreprise, sur lequel cette dernière souhaiteun point de vue indépendant. D’autres pratiquentaussi le management de transition (interim mana-gement). En proportion, les cabinets travaillentd’avantage pour les entreprises de tailleintermédiaire (SBF120, groupes privés) ou filialesde groupes étrangers que pour les entreprises duCAC 40, ces dernières disposant de ressourcesinternes importantes.

Une démarche ciblée

Le client d’un chasseur de têtes attend unevéritable démarche systématique pour identifier,approcher, qualifier et motiver les meilleurscandidats du moment sur un poste donné. Il s’agit bien d’une «chasse» sur une populationlimitée de candidats les plus qualifiés possibles(et parfois délicats à identifier et approcher) pourun poste donné et non d’une «pêche» pourtrouver «des» candidats intéressés.

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Un guidage précisCe rôle de conseil d’un spécialiste est impor-tant à plusieurs étapes clés du processus.Tout d’abord, au niveau de la définition duposte, l’identification des « arguments devente » et des terrains (entreprises, géogra-phies, fonctions) où il sera le plus intéres-sant de chasser. Ensuite, dans l’estimationde la qualification des candidats, lors d’unentretien approfondi. Mais aussi en se ren-seignant sur eux de façon confidentielle (notam-ment auprès de leurs anciens collègues). Etencore dans la conduite des entretiens (aux-quels le consultant pourra assister en obser-vateur) avec les décideurs de l’entreprise etdans la négociation du contrat. Enfin, pourassurer la bonne intégration du candidat dansl’entreprise.

Dialoguer avec le candidatTout d’abord, il convient de rappeler que laconfidentialité est absolue pour le candidat.Les informations qu’il fournit (notamment surses motivations et ce qui le pousserait à quit-ter son entreprise) sont à l’usage exclusif desmandataires de la mission du chasseur. Commeun DRH, le chasseur de têtes possède un grandnombre d’informations confidentielles qu’iln’utilisera qu’avec ceux « ayant besoin d’enconnaître ».

Le cabinet ne peut remplir ses missions qu’avecune collaboration intelligente des candidats.Le chasseur de têtes s’intéressera aux per-sonnes avec qui le candidat a travaillé, à sesréalisations, motivations et sa rémunération.Il ne faut jamais mentir même si on accepted’omettre certaines expériences courtes : nepas parler de démission s’il s’agit d’un départ

négocié (ce qui arrive au moins une fois dansune carrière à la plupart des dirigeants), maisune mission courte (< six mois) n’est pas for-cément utile à mentionner, surtout si elle estancienne. Attention, l’information est facile àrecouper, donc honnêteté et transparenceavant tout.

Donner des informationsEn retour, le cabinet donnera au candidat unmaximum d’informations sur le poste ainsiqu’un feed-back complet, notamment lorsqueson client a décidé de ne pas donner suite àsa candidature. Si le candidat est déjà connu par le cabinet (ycompris s’il a simplement envoyé un CV cinq ansplus tôt), le chasseur de têtes pourra l’appe-ler comme source, pour avoir confidentielle-ment son avis sur l’adéquation de personnesqu’il pourra connaître (anciens collègues) àun poste donné. Il lui demandera systémati-quement son accord avant d’engager uneconversation de ce type.

Réduire la part de hasardLe chasseur de têtes doit donc faire preuve decapacités d’analyse pour rapidement com-prendre le contexte du poste (problématiquebusiness, culture d’entreprise) mais aussi d’in-tuition pour parfaitement saisir les motiva-tions réelles (parfois différentes de celles affi-chées) des candidats. Chaque mission est unprojet spécifique et la construction d’une short-list de candidats ne laisse rien au hasard. Ainsi, deux cabinets travaillant en parallèlesur la même mission devraient donner le mêmerésultat, et ce, indépendamment de l’état de leurbase de données et la connaissance préala-ble de tel ou tel candidat au démarrage de lamission. ■

Le cabinet nepeut remplirses missionsqu’avec une

collaborationintelligente des

candidats

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Confidentialité des missions

Dans certains cas (notamment lorsqu’il s’agitde remplacer un dirigeant sans qu’il le sache),la mission est strictement confidentielle etles candidats n’auront les informations surle poste qu’une fois que le cabinet aura validéleur adéquation et leurs motivations en face àface. Néanmoins, les missions sont rarementconfidentielles pour le client : le fait que lasociété ABC engage un cabinet reconnu pourrecruter le successeur du directeur juridiquequi part à la retraite est positif pour l’imaged’ABC.

Entretien de courtoisie

Un candidat peut être appelé pour un «entretiende courtoisie» (c’est-à-dire faire connaissancesans poste à la clé) suite à l’envoi de son CV.Dans ce cas, il faut bien comprendre que larencontre est au bénéfice potentiel des deuxparties : pour le candidat qui se fera connaîtrede façon plus précise et pour le cabinet qui aura«recruté une source» sur une entreprise quil’intéresse.

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Face à un imprévu de carrière, les X sontsouvent désarmés, faute d’avoir consacréassez de temps et d’attention à leuremployabilité. Il faut savoir prendrele temps de réfléchir à son métier, s’assurerque ses compétences sont utilisables ailleurs,entretenir son réseau et rester à l’écoutedu marché de l’emploi.

■La plupart des X ont une approche ration-nelle de la vie en entreprise et ils se compor-tent donc généralement en «bons élèves», cequi n’a rien d’étonnant compte tenu de leurformation initiale. Ils ont souvent la convictionque, s’ils accomplissent correctement lestâches qui leur sont confiées, ils sont à l’abride tout incident de carrière. Cela les conduità se consacrer pleinement à leur entreprisesans rester connectés avec le monde exté-rieur et sans s’assurer qu’ils sont en phaseavec l’évolution du marché de l’emploi.Il ne s’agit pas bien sûr ici de critiquer l’inves-tissement qu’on doit avoir dans son travailquotidien et la nécessaire conscience profes-sionnelle. L’exercice de responsabilités requiertune grande disponibilité et le souci de main-tenir un niveau d’exigence élevé dans la réa-lisation de ses missions. Par ailleurs, la fidé-lité à une entreprise dans laquelle on se sentbien demeure une qualité appréciable.

Savoir tourner la pageLes X ne constituent donc pas la population lamieux préparée à ce genre d’événement, entout cas pour ceux d’entre eux qui le viventpour la première fois.La remarque précédente n’est pas une consi-dération théorique mais s’appuie sur des faitsréels, observés lors d’entretiens avec des Xqui traversent un épisode de ce type.Ils manifestent un sentiment d’incompréhen-

sion face à une situation qui ne semble pascohérente puisqu’ils n’ont (en général) pasdémérité et donc admettent avec difficulté quece n’est plus le sujet et qu’il convient mainte-nant de tourner la page. Ce n’est pas l’apa-nage des X mais ceux-ci ont peut-être moinsque d’autres intériorisé le fait que la vie enentreprise n’est pas toujours « juste » et que,contrairement à un concours, des bonnes notesaux épreuves ne suffisent pas forcément àgarantir le succès.

Employabilité et polytechniciens :le regard d’un DRH

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR THIERRY SMAGGHE (78)

directeur desressources humainesde SPIE

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CARRIÈRES

La vie enentreprisen’est pastoujours« juste »

REPÈRESÀ tout moment, un changement d’actionnaire,une réorganisation liée par exemple à unefusion-acquisition ou la nomination d’un nouveaupatron sont susceptibles de remettre en cause lanature de son poste voire son existence.Cependant, on n’est malheureusement pastoujours « protégé » par ses compétences,l’atteinte des objectifs fixés et l’attachement àson entreprise. On peut alors se retrouverconfronté à la perspective d’un départ non désiréet qu’on n’avait en aucune manière anticipé. Danscertains cas, cela se produit sans aucun égardpour le travail réalisé dans le passé et sanslogique apparente, ce qui déstabilise un peu plusla personne en cause.

Projet professionnelL’X en repositionnement professionnel fait partde son envie d’occuper des postes très différentsles uns des autres et parfois décalés par rapportà ceux qu’il a tenus précédemment. S’y ajouted’ailleurs une difficulté à expliciter son métier :lorsqu’on est directeur administratif et financier,chacun comprend ce dont il s’agit, quand on estmanager «généraliste», comme c’est le cas debeaucoup d’X, c’est souvent moins clair, d’où uneimpression de confusion.

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Entretiens à préparerLa mauvaise préparation des entretiens estétonnante : même si on n’est pas dans lecadre d’un entretien de recrutement formelpour une entreprise, il serait normal de s’êtrerenseigné sur cette entreprise, ses métiers,son marché, son actualité. Or, la plupart dutemps, ce travail amont qui semble évidentn’a pas été fait. Cela donne une impression dedilettantisme et si, avec quelqu’un de bien-veillant, lors d’un entretien « réseau », lesconséquences sont limitées, l’effet peut êtredésastreux avec un recruteur éventuel.

Retour à la réalitéUne autre observation que j’ai pu faire est lemanque de réalisme par rapport au marchéde l’emploi et, en tout cas en début de recher-che, ce sentiment que, compte tenu de savaleur, on n’a pas d’effort particulier à fairepour qu’une entreprise reconnaisse nos com-pétences, réputées grandes, par construction,puisqu’on est polytechnicien. Certains émail-lent la conversation des noms de tous les diri-geants qu’ils connaissent (et avec lesquels ilsont une proximité réelle ou supposée telle) etdonnent donc maladroitement l’impression àleur interlocuteur qu’ils n’ont pas vraimentbesoin de ses conseils.L’attention portée aux techniques de basenécessaires pour sa recherche est parfoisinsuffisante : pas de CV à jour ou CV mal rédigéavec des acronymes incompréhensibles pourquelqu’un d’extérieur à son entreprise, difficultéà se présenter de manière concise en expli-quant ses principales compétences et ce qu’onpeut apporter à une entreprise, quasi-inexis-tence d’un réseau professionnel externe à l’en-treprise, méconnaissance des cabinets derecrutement de son secteur.

Réseau mal exploitéEnfin, le réseau, composante fondamentaled’une recherche d’emploi efficace, est parfoismal utilisé. On a le réflexe naturel de contac-ter d’abord des personnes que nous connais-sons bien mais, sauf si ce sont des amis pro-ches, cela ne dispense en rien de se préparersoigneusement avant l’entretien (voir obser-vations précédentes). Pour en avoir discuté avec des collègues DRH,nous connaissons un certain nombre d’exem-ples d’X qui se sont conduits de manière dés-involte dans une situation de ce type et se sontensuite étonnés du caractère infructueux del’entretien.

Une employabilité à cultiverEn conclusion, toutes les remarques précé-dentes paraissent simplistes mais elles cor-respondent néanmoins à une réalité vécue, etcomme toute activité, notre employabilitédemande une attention particulière et se déve-loppe rarement spontanément.Il ne s’agit pas de changer de poste constam-ment car, pour pouvoir démontrer des réalisa-tions concrètes, un minimum de constance estnécessaire, mais de se ménager un peu detemps en dehors du quotidien opérationnel quinous happe sans cesse.Ce temps doit être mis à profit pour avoir unevision claire de son métier et de ce qu’on saitfaire, s’assurer que ses compétences sontexportables dans une autre entreprise, vali-der auprès de son réseau en sollicitant desfeed-back sur son parcours, ne pas hésiter àavoir de temps en temps des entretiens exter-nes exploratoires.Ces précautions d’usage étant effectuées, onpeut d’autant mieux s’investir dans son entre-prise : tant que tout se passe bien, qu’on par-ticipe à un projet motivant et qu’on prend du plai-sir dans son poste, avec son patron, ses collègueset ses collaborateurs, il n’y a en effet aucuneraison d’en changer. ■

Ne pas hésiterà avoir de

temps en tempsdes entretiens

externesexploratoires

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ParadoxeOn relève souvent une contradiction étonnanteavec le stéréotype de l’X rationnel et analytique :pas ou peu de méthodologie dans la démarche.À titre d’exemple quand on demande à un(e)camarade s’il (elle) a consulté méthodiquementla liste des entreprises du SBF 120 en repérantcelles qui ont une activité identique ou connexeà la sienne et en définissant une stratégied’approche, la réponse est souvent non.

Courtoisie et efficacitéAprès avoir été reçu en entretien, la courtoisie(et l’efficacité) requiert d’envoyer un mailde remerciement et de tenir au courantde l’avancée de sa recherche, en particulierauprès des contacts qui auraient étécommuniqués lors de cet entretien.

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Le schéma traditionnel de la démissionremise par le salarié et du licenciementinfligé par l’employeur a fait long feu.Désormais, le salarié, l’employeur,ou les deux parties, disposent de multiplessolutions, légales ou jurisprudentielles,pour mettre fin de la façon la plusappropriée à la relation de travail.

LES CHOIX DU SALARIÉ

Le premier choix du salarié qui souhaite met-tre fin à son contrat de travail est la démis-sion. Il ne la donnera que quand il aura retrouvéun autre emploi, puisqu’il ne bénéficiera pasdes Assedic. Il sera tenu d’effectuer son préa-vis conventionnel ou contractuel, sauf dispensede l’employeur. Il ne touchera, lors de la remisede son solde de tout compte, que des sommesà caractère de salaire : congés payés, prorata13e mois, prorata variable, indemnité de non-concurrence.

La résiliation judiciaireSi le salarié estime être victime d’un compor-tement anormal de l’employeur (rétrograda-tion, baisse de rémunération, harcèlement,etc.), il peut saisir le conseil des prud’hom-mes d’une demande de résiliation judiciairede son contrat de travail.

Il restera en poste tant que le jugement nesera pas intervenu, soit entre douze ou vingt-quatre mois, selon les juridictions, ou pluslongtemps s’il est débouté de sa demande parle conseil des prud’hommes et qu’il fait appel.S’il gagne, le contrat de travail sera résiliéavec les effets d’un licenciement abusif : indem-nité de préavis et congés payés sur préavisen salaire ; indemnité légale de licenciement(fonction du temps de présence) ou indem-nité conventionnelle forcément plus favora-ble, et pouvant aller jusqu’à un mois par annéede présence. Quel que soit son montant, l’in-demnité légale ou conventionnelle n’est sou-mise à aucune taxe. Il peut prétendre en outreà des dommages et intérêts pour licencie-ment infondé.

La prise d’acte de rupture Il s’agit de l’ancien autolicenciement, modede rupture qui, après pas mal de rebondis-sements jurisprudentiels, est désormais

Rompre son contrat de travail

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR FRANÇOISE DE SAINT-SERNIN

avocate

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CARRIÈRES

L’indemnitélégale ouconvention-nelle n’estsoumise àaucune taxe

REPÈRESLe contrat de travail peut être interrompu par lesalarié, par l’employeur ou d’un commun accord.Outre la démission, le salarié dispose dedifférentes formules de résiliation. L’employeur,de son côté, peut opter pour l’un des différentsmodes de licenciement ou pour la mise à laretraite. Si employeur et employé sont d’accord,ils utilisent la rupture conventionnelle du contratde travail.

Dénoncer un abusL’intérêt de la demande de résiliation judiciairepour le salarié est de dénoncer officiellement unabus commis par l’employeur, tout en restant enposte, faute de perspective de repositionnement.L’employeur ne se précipitera pas à romprele contrat de travail, d’abord parce qu’un licen-ciement immédiat serait considéré comme uneriposte de mauvaise foi, et également s’il estimeque la brusque déclaration de guerre du salarién’est qu’une manœuvre pour retrouversa liberté en empochant des indemnités alorsqu’un autre poste l’attend déjà. Par contre,si les doléances du salarié étaient réellementfondées, par exemple en cas de harcèlementdémissionnaire, l’employeur mettra fin aucontrat de travail, éventuellement dans le cadred’une négociation, bien avant l’audienceprud’homale pour éviter le coût du salaire chargépendant une longue période stérile.

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«bordé». Le salarié adresse une lettre recom-mandée à l’employeur par laquelle il prendacte de la rupture de son contrat de travailen raison d’agissements fautifs commis parl’employeur. Il indique qu’il entend saisir leconseil de prud’hommes compétent d’unedemande de requalification de la prise d’actede rupture en licenciement abusif.Bien entendu, le juge prud’homal apprécierale caractère bien fondé ou non de cette rup-ture, et s’il n’est pas convaincu, requalifieraen démission. Se posera alors le problèmede la « non-exécution du préavis ».Le salarié, qui prend acte de la rupture deson contrat de travail, cesse son emploi defaçon immédiate, sans accomplir son préa-vis, et ce selon la jurisprudence désormaisétablie.Cela fera l’affaire du salarié cynique, presséde prendre un autre emploi sans s’astrein-dre au préavis inhérent à la démission. Parcontre, l’employeur pourra ressentir dure-ment cette défection brutale qui ne lui per-met pas de s’organiser. Il obtiendra, en cas derequalification de la prise d’acte en démis-sion, la condamnation de son ancien salariéà lui payer outre les salaires correspondantau préavis inexécuté, des dommages et inté-rêts supplémentaires à proportion du préju-dice causé.

Le départ à la retraiteLe départ à la retraite intervient à l’initiativedu salarié, par opposition à la mise à la retraitenotifiée par l’employeur. Le salarié âgé de plusde 60 ans peut faire valoir, dès obtention dunombre de trimestres nécessaires, ses droitsà la retraite à taux plein. Sauf dispositionsconventionnelles plus favorables, l’indemnitélégale de départ à la retraite sera modique,au plus deux mois de salaire après trente ansd’ancienneté.

LES CHOIX DE L’EMPLOYEUR

Le licenciement pour cause personnelleSauf s’il est licencié pour faute lourde, priva-tive de toutes indemnités, y compris les congéspayés échus, ou pour faute grave, privative detoutes indemnités, sauf les congés payés, lesalarié licencié pour cause personnelle (fau-tes ou insuffisance professionnelle) touchera,outre les éléments à caractère de salaire, uneindemnité légale ou conventionnelle de licen-

ciement exonérée de toute taxe sociale ou fis-cale (y compris la CSG-CRDS), quel que soitle montant.S’il poursuit l’employeur devant la juridictionprud’homale, et s’il gagne, il obtiendra desdommages et intérêts selon l’importance de sonpréjudice, mais qui seront au minimum desix mois de salaire s’il travaillait depuis plusde deux ans dans une structure de plus de10 personnes.

La transaction et ses limitesEn cas de transaction, les choses sont bien dif-férentes. L’indemnité transactionnelle n’estexonérée (sauf la CSG-CRDS de 7,76 % à lacharge du salarié) que si, ajoutée à l’indemnitélégale ou conventionnelle de licenciement, elleest inférieure au double de la rémunération tou-chée au cours de l’année civile précédant l’ex-piration du contrat de travail. Elle est de sur-croît plafonnée à six fois le plafond de la Sécuritésociale, soit 207720€pour l’année 2010. Toutefois,en cas de dépassement, 50% de la somme estexonérée. Toute somme dépassant la limiteautorisée est taxée en salaire (50 % chargespatronales, entre 20 et 25 % de charges sala-riales + IRPP pour le salarié) et est donc rapi-dement rédhibitoire pour les deux parties.Il est clair qu’en cas de rémunération impor-tante, l’employeur paiera le triple de ce quitombe en net social et fiscal dans la poche dusalarié.

Le salariéqui prend acte

de la rupturede son contrat

de travail cesseson emploi

de façonimmédiate

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Bonne foi et discernement

La prise d’acte de la rupture du contrat de travaildoit donc être utilisée avec bonne foi etdiscernement, non pas comme une alternativeà la démission mais pour mettre un termeà une collaboration rendue insupportabledu fait de l’employeur.Pour pouvoir démontrer sa bonne foi,le salarié aura intérêt à procéder en deuxtemps : d’abord, dénoncer les abus commiset faire une demande de résiliation judiciairealors qu’il n’a pas de perspectives derepositionnement; ne prendre acte de larupture de son contrat de travail qu’aumoment où il a retrouvé un repositionnement(puisque la prise d’acte de rupture estexclusive des indemnités Assedic). Plus ledélai sera long (au moins plus de trois mois),et plus le salarié sera en position de force.

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À ce tarif-là, les parties peuvent être tentéesde faire fixer judiciairement les dommages-intérêts pour bénéficier de l’exonération quelque soit le montant (sauf la CSG-CRDS de7,76% pour la tranche supérieure à six mois) :ou comment un mauvais procès vaut mieuxqu’un bon arrangement.

Le licenciementpour cause économiqueIl faut distinguer le licenciement pour causeéconomique individuel et le petit licenciementcollectif (moins de 10 salariés), qui déclen-chent les mêmes indemnités que le licencie-ment pour cause personnelle, avec le plan desauvegarde pour l’emploi qui doit être mis enplace dès qu’il est question de licencier enmême temps plus de 10 salariés dans uneentreprise de plus de 50 personnes.Les indemnités supplémentaires par rapportaux indemnités légales et conventionnellesrésultant de la négociation avec les représen-tants du personnel seront exonérées quel quesoit leur montant, hormis la CSG-CRDS de7,76 % à la charge du salarié.Ce dernier pourra ainsi partir avec des indem-nités défiscalisées sans limitation de plafond,même s’il est volontaire au départ (PSE axésur le volontariat).

La mise à la retraiteDepuis le 1er janvier 2010, l’employeur a inter-diction de mettre un salarié à la retraite sansson accord tant que ce dernier n’a pas fêté son70e anniversaire.Entre 60 et 65 ans, l’employeur n’a plus la pos-sibilité de mettre à la retraite le salarié mêmesi ce dernier est d’accord. Seule la voie du

licenciement est ouverte à l’employeur, larupture conventionnelle étant exclue, dès quele salarié peut fait valoir sa retraite à tauxplein.Le salarié, de son côté, s’il décide de partiren retraite à sa propre initiative devra secontenter de la très maigrichonne indemnitéde départ en retraite.Entre 65 et 70 ans, l’employeur qui souhaitemettre à la retraite d’office un salarié doit l’in-terroger par écrit sur ses intentions au moinstrois mois avant son anniversaire. Si le sala-rié, averti qu’il bénéficie d’un mois pour répon-dre, accepte de partir ou ne se manifeste pas,l’employeur peut alors le mettre à la retraite.Par contre, si le salarié fait connaître son refusdans le délai imparti, l’employeur ne pourrapas le mettre à la retraite dans l’année quisuit la date anniversaire.Il est clair que l’objectif du législateur est demaintenir, pour préserver l’équilibre finan-cier des caisses de retraite, la population desseniors au travail. Après avoir repoussé l’âgede la mise à la retraite, il supprime toute inci-tation financière aux départs en retraite.

EMPLOYEUR ET SALARIÉ

Rupture conventionnelledu contrat de travailIl s’agit d’un mode autonome de rupture qui,ni licenciement, ni démission, permet cepen-dant au salarié de prétendre aux Assedic etde toucher une indemnité exonérée d’impôtsur le revenu et de cotisations sociales, dansdes limites analogues à celles d’une indem-nité de licenciement.

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 201036

L’employeurpeut payerle triple de cequi tombe dansla poche dusalarié

CARRIÈRES

Le droit de contesterQuel que soit le niveau des indemnités du plan, le salarié conservera toujours la possibilité de contesterson licenciement devant le juge prud’homal. La clause figurant dans le PSE, conditionnant le versementdes indemnités du plan à la signature par le salarié d’un désistement d’instance et d’action, est nulle. Le salarié pourra invoquer de nombreux arguments pour caractériser le mal fondé de son licenciement :cause économique invoquée infondée, défaut de périmètre du plan, absence de définition des catégoriesprofessionnelles, absence de dispositif de reclassement adapté à la taille de l’entreprise, non-respectde l’obligation de reclassement, non-respect de l’ordre et des critères du licenciement, etc.S’il obtient satisfaction, le salarié touchera des dommages et intérêts qui, étant judiciaires, serontexonérés quel que soit le montant, sauf la CSG-CRDS de 7,76% sur la somme excédant six mois de salaire.À noter que la loi fiscale est muette sur le régime de l’indemnité transactionnelle supplémentaire parrapport aux indemnités du plan. Est-elle taxée ou exonérée?

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La rupture conventionnelle a connu un vif suc-cès, révolutionnant les habitudes en matièrede négociation de départ des salariés. Le consen-sus est beaucoup plus facilement trouvé quedans le cadre de l’ancien licenciement «arrangé».En effet, la pratique consistant à inclure l’in-demnité de préavis et de congés payés sur préa-vis dans l’indemnité de rupture conventionnellepermet à l’employeur d’économiser environ unmois et demi de salaire correspondant aux char-ges patronales, tandis que le salarié évite lescharges sociales salariales, l’impôt sur le

revenu et touche les Assedic trois mois plus tôt.Alors que la Cour de cassation interdisait àl’employeur d’inciter le salarié à négocier tantque le licenciement figeant les motifs de la rup-ture n’avait pas été notifié, et ce pour éviter lespressions exercées sur le salarié encore enétat de subordination, et notamment le «chan-tage à la faute grave », l’employeur discutelibrement avec le salarié du montant du dédom-magement financier.

Une remise en cause possibleL’employeur sera toutefois avisé de manier la rup-ture conventionnelle avec prudence. Si cettedernière a favorisé l’augmentation des départsnégociés et a probablement provoqué une baissesignificative du niveau moyen d’indemnisation,par contre, elle ne garantit pas l’employeur,comme la transaction intervenant après le licen-ciement, d’une remise en cause ultérieure parle salarié. Ce dernier dispose d’un délai d’un anpour attaquer la rupture conventionnelle devantle conseil des prud’hommes. La loi étant récente,il n’y pas encore de repères jurisprudentiels.On peut cependant s’attendre à ce que le jugeprud’homal exerce un contrôle sévère sur lesconditions d’obtention de l’accord du salarié (àl’instar de la protection assurée au salarié avantla notification du licenciement). ■

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Une procédure simple

La rupture conventionnelle obéit au formalisme

suivant : un ou deux entretiens au cours desquels

le salarié a la possibilité de se faire assister par

un salarié de l’entreprise ou un Conseiller

extérieur, comme dans le cas d’un entretien

préalable au licenciement; en cas d’entente

sur le montant des indemnités, la signature

de la convention de rupture, formulaire établi

par arrêté ministériel et qui ouvre un délai de

rétractation réciproque de quinze jours; puis

une demande d’homologation par le Directeur

départemental du travail, qui a quinze jours pour

se prononcer, son silence valant homologation.

L’Association des anciens élèveset diplômés de l’École polytechnique

fondée en 1865, reconnue d’utilité publiquepar décret impérial de 1867

• développe des relations d’amitié et de solidarité entre les anciens élèves

• les assiste lorsqu’ils sont en situation matérielle ou morale difficile

• aide l’École à rester en tête du haut enseignement scientifique

• promeut l’image de l’École en France et dans le monde

• représente la communauté polytechnicienne auprès des médiaset des instances politiques et administratives

www.polytechniciens.com

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Accélérateur de carrière, tremplin, richessedes échanges. Que représente réellementun passage dans un cabinet de conseilen stratégie? Comment évoluent ceuxqui sont entrés juste après l’école? Quelsprofils expérimentés sont recherchéset pour en retirer quoi exactement?Voici de nombreux exemples, empruntésau Boston Consulting Group.

■Les cabinets de conseil en stratégie et enmanagement sont sortis des sphères initiale-ment confidentielles et communiquent pluslargement sur leur profession. La multitudedes chemins de carrières possibles est moinsconnue, alors que les opportunités sont bienréelles. Jeune diplômé ou expérimenté, mana-ger ou expert technique, il est toujours possi-ble de rejoindre les cabinets de conseil où tousles talents sont intégrés et formés, quel quesoit leur parcours professionnel antérieur.Pour la moitié des X qui rejoignent notre cabi-net, il s’agit d’un premier emploi, éventuel-

lement après un stage d’option. Pour l’autremoitié, ils arrivent après une expérience pro-fessionnelle de trois à huit ans, dans toutsecteur d’activité. On trouve ainsi des X anciensdirecteurs d’usine, chefs de projet informa-tique, hauts fonctionnaires ou banquiers.La durée des expériences des X dans les cabi-nets de conseil est variable – de deux ans àplus de vingt ans pour les associés les plusanciens – mais l’analyse de quelques pro-motions permet de dégager des tendancesreprésentatives. Sur les promos 93 à 96, envi-ron 60% des X entrés comme consultants auBCG sont devenus chefs de projet et 40% y sontencore aujourd’hui.

Une grande variété de problématiquesLe passage par le conseil en stratégie est unexcellent accélérateur de carrière qui reposesur la possibilité de s’exposer à une grandevariété de problématiques de direction géné-rale dans une période de temps courte mais

Le conseil en stratégie :un tremplin et un accélérateurde carrière

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR MATTHIAS BOYER-CHAMMARD (2000)

chef de projet seniorau Boston ConsultingGroup

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CARRIÈRES

Tous lestalents sontintégrés etformés, quelque soit leurparcoursprofessionnelantérieur

REPÈRESParmi les X, nombreux sont ceux qui font unpassage par le conseil au cours de leur vieprofessionnelle. On estime, par exemple, qu’enmoyenne une quinzaine d’X de chaque promo-tion passera par le Boston Consulting Group à unmoment ou à un autre de sa carrière. Proportionimportante et comparable à celle des plusgrands groupes français. Au bureau de Paris, lesX représentent 20 % de l’effectif total desconsultants.

Témoignage

Camille Brégé (2002),entrée après l’X et Stanford,évoque avec enthousiasmeses dix-huit premiers mois :«Entre le bureau de Pariset le bureau de New York,j’ai travaillé successive-ment pour une restruc-turation d’activités postales, une stratégiede diversification dans les médias, du mar-keting dans la banque et l’assurance, de laR & D dans les télécoms, et enfin une misesous contrôle de grands projets d’ingénieriedans l’industrie pétrolière. »

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intense. Secteurs, fonctions, clients, équi-pes… la variété est au cœur du métier duconseil.

Un haut niveau d’exigenceLe niveau d’exigence des cabinets de conseilest particulièrement élevé, mais constitue ensoi un des facteurs clés de l’apprentissage.Avec de nombreuses années de recul, nousconstatons que cet enchaînement soutenud’expériences correspond particulièrementbien aux personnes qui apprécient d’être misesau défi et de se retrouver fréquemment endehors de leur « zone de confort ». En revan-che il peut être vécu difficilement par des per-sonnes qui préfèrent évoluer dans un environ-nement connu et stable à la fois en termes deproblématiques abordées et d’équipes. LaurentBlivet (93), chef de projet senior et responsa-ble du recrutement, indique : « C’est ce quej’aime dire aux candidats à la fin des entre-tiens de recrutement : vous vous plairez si vousaimez vous remettre en cause constamment ;au contraire, si c’est la sécurité d’un environ-nement stable et connu qui vous permet devous développer, vous vivrez peut-être diffici-lement ce métier. »

Se spécialiser progressivementLes deux premières années, les consultantssont encouragés à rester généralistes afind’apprendre et maîtriser les outils du conseil

et d’élargir leurs compétences en analysestratégique. Ensuite, ils peuvent piloter leurparcours et se spécialiser progressivement.

Un environnement internationalTravailler dans le conseil, c’est égalementévoluer dans un environnement internatio-nal. Le positionnement des clients, souventde grands groupes internationaux, favorisecette ouverture internationale. Le bureaude Paris du BCG est particulièrement actifau sein du réseau. Après avoir participé àla création des bureaux de Milan, Bruxelleset d’Europe de l’Est, il est actuellement la têtede pont du développement en Afrique duNord.Ken Timsit (95), chef de projet senior, insiste :« J’avais envie de travailler à New York etj’ai pu y passer deux ans ; les économiesasiatiques m’attiraient et je suis maintenantinstallé à Singapour avec ma famille. Aufinal j’ai pu travailler dans dix pays en dix ans.»

Une grande diversitéUn atout supplémentaire? La diversité au seindes cabinets de conseil. Nous n’hésitons pasà faire appel à des profils atypiques : cher-cheurs, médecins, hauts fonctionnaires, phi-losophes ou sociologues. La culture de l’inno-vation intellectuelle est nourrie par cette mixité.Henri Salha (89) en est un excellent exemple.Passionné de philosophie, il entre à l’ENS à lasortie de l’X et passe l’agrégation. Il décidefinalement d’entrer dans le conseil : «Je sou-haitais être dans l’action et en même temps

Un appelà des profils

atypiques :chercheurs,

médecins,philosophes ou

sociologues

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Témoignage

Elsy Boglioli (2001) : «Mesdeux premières annéesgénéralistes ont été indis-pensables, car c’est envoyant de nombreux pro-blèmes dans de nom-breux secteurs qu’onapprend le métier. Laspécialisation vient d’elle-même par lesgoûts et les opportunités : je me concentremaintenant sur l’industrie pharmaceuti-que et je développe une réelle expertisesanté. Cette spécialisation a du sens et dela valeur parce qu’elle me permet de nouerdes relations personnelles de confianceavec des membres de comités de directionchez mes clients. »

Témoignage

Jacques Garaïalde (76),aujourd’hui associé-gérantd’un fonds d’investisse-ment et ancien directeurassocié du BCG, explique :«Tous les trois ans, on seremet en cause : on com-pare le nouveau challengeque le cabinet propose aux clins d'œil envoyéspar les clients. J’ai choisi de relever lesdéfis pendant de nombreuses années : déve-lopper des relations clients, ouvrir le bureaude Bruxelles, puis administrer le bureaude Paris. »

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rester dans un environnement qui valorise laréflexion, la rigueur et la créativité. Je n’ai pasété déçu. »

Piloter son parcoursIl n’y a pas de chemin de carrière unique dansle conseil : les cabinets offrent la possibilitéde parcours personnalisés avec une progres-sion rapide. « Moi-même, entré au cabinet àla sortie de l’École, j’ai passé trois ans àapprendre les bases. Ensuite, j’ai souhaitédévelopper une compétence dans le secteurpublic, et le BCG a soutenu mon projet demaster d’administration publique à la KennedySchool d’Harvard. Après ces deux ans de MPAaux États-Unis, cela fait maintenant deux ansque je participe activement au développe-ment de l’activité du bureau auprès des minis-tères et des secteurs régulés. »L’évolution rapide tous les deux à trois ans estcaractéristique du début de la carrière dansle conseil – c’est la durée moyenne des pos-tes d’associate (entrée en sortie d’école), puisde consultant (entrée après une expérienceprofessionnelle de trois à huit ans), ou encorede chef de projet. Ce rythme d’évolution resteen grande partie vrai par la suite pour ceuxqui choisissent de faire une carrière longuedans le conseil.

Faire une pausePiloter sa carrière peut aussi signifier faireune pause. En cela, le conseil est assez uni-que puisqu’il permet relativement simple-

ment de travailler à temps partiel ou bien deprendre un congé sabbatique de plusieursmois sans que cela ne remette en cause la pro-gression de carrière. Cela a une significationparticulière pour les femmes qui désirentaménager leur vie professionnelle pour lais-ser la place à l’arrivée de leurs enfants. Lemétier de consultant était historiquementmasculin ; il tend aujourd’hui à se féminiser,non par hasard, mais pour ces raisons etparce qu’un effort particulier est porté versl’intégration des femmes.

Une pression importanteProgression de carrière rapide signifie inté-rêt du travail sans cesse renouvelé, maisaussi pression importante. C’est particuliè-rement vrai lors du passage au stade de chefde projet. C’est une position passionnanteaux interfaces entre l’équipe client, l’équipeinterne et les directeurs associés. Elle apportebeaucoup en termes de qualités de gestion deprojet, mais elle nécessite un investissementpersonnel important. Tous les consultantsne deviennent pas chef de projet. Dans tousles cas, la promesse des cabinets de conseilest également d’accompagner les consul-tants au moment où ils les quittent : par exem-ple, 70 % des personnes qui quittent le cabi-net trouvent leur nouveau poste grâce auréseau de clients et d’anciens.

Un pari gagnantAu-delà des jeunes diplômés, les cabinets deconseil recrutent beaucoup de profils expé-rimentés. En général, il s’agit de personnesd’une trentaine d’années réussissant trèsbien dans leur branche, mais qui ont le sen-timent d’avoir atteint les limites de la gestiondes talents de leur entreprise. «Après trois anschez Renault, confirmeRaphaël Desi (96), chef deprojet senior, le conseil m’apermis d’accélérer ma tra-jectoire professionnelle enme confrontant à des inter-locuteurs plus âgés et à desproblématiques plus stra-tégiques. »C’est particulièrement vrai pour les femmesaprès trois à cinq ans d’expérience profes-sionnelle qui se posent la question des oppor-tunités au sein de leur entreprise quand ellesenvisagent d’avoir des enfants.

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 201040

Un effortparticulier estporté versl’intégrationdes femmes

CARRIÈRES

TémoignageStéphanie Monnet (94),chef de projet : « C’est lameilleure façon de conci-lier vie familiale équilibréeet carrière professionnelleattrayante. C’est un métierqui demande beaucoup deflexibilité mais qui endonne aussi beaucoup. Par exemple, je n’aipas raté un seul spectacle ou événementscolaire de mes deux filles depuis mon entrée.De plus, à partir d’un certain niveau d’expé-rience, on peut travailler à temps partielsans changer le contenu du poste et les pers-pectives de carrière. Au lieu de suivre deuxprojets on n’en suit qu’un seul. »

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LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

Une transition en forme de défiLa transition est toujours difficile les premiersmois. Après un temps d’apprentissage aumétier de consultant, il faut mettre à profit sesconnaissances pour partager avec le reste del’équipe ses expériences.Frédéric Gastaldo (83) est unancien sidérurgiste qui a faitle choix de venir au BCG. Ilest resté trois ans avant delancer, avec un camarade del’X, LDCOM (futur NeufCegetel)dans les années 2000. « Lespremiers mois ont été un véri-table challenge. J’ai dû endosser un rôle d’exé-cutant alors que j’avais eu jusque-là l’habitudede manager des équipes en tant qu’ingénieur deproduction puis en direction industrielle. Maisce fut aussi une expérience fondatrice où j’aidécouvert Internet et les télécoms. »

Philippe Roch (84), ancienchef de projet senior etaujourd’hui membre du comitéexécutif de Vallourec encharge de la performance,évoque la complémentaritéde ses huit années passéesau BCG après celles passéeschez PSA : « Mon expérience industrielle a étédémultipliée. Le conseil en stratégie est uncomplément indispensable. »

Pour conclureFinalement, l’ambition des cabinets de conseilest de former des professionnels d’horizonsvariés aux principes essentiels de la stratégied’entreprise et de les exposer à la plus grandevariété possible de problématiques de direc-tion générale. C’est en ce sens qu’ils constituentun véritable tremplin. Jacques Garaïalde (76),ancien responsable du BCG Paris et actuelassocié-gérant du fonds d’investissement KKR,

porte un regard sur son expérience : «Je gardede mes dix-huit années dans le conseil tousles fondamentaux de l’analyse stratégique etun sens aigu de l’éthique. J’ai vécu une quan-tité extraordinaire de situations différentes, sibien qu’aujourd’hui lorsque l’une des socié-tés du portefeuille de KKR est confrontée àune difficulté, j’en suis souvent familier et je peuxaider le management à y faire face. » ■

Le conseil enstratégiecomplète

harmonieu-sement

l’expérienceindustrielle

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Témoignage

Vanessa Lyon (95), chef deprojet senior et heureusemaman. « J’ai adoré lesquatre années que j’ai pas-sées chez L’Oréal, mais jene voyais pas commentconcilier la perspectived’une carrière d’excellence tout en ayant desenfants. Le BCG offre des solutions concrè-tes et éprouvées, notamment le fonctionne-ment en mode projet permet de s’arrêterquelques mois sans risque de perdre saplace. »

Témoignage

Pierre Derieux (85), direc-teur-associé : «J’ai choiside rejoindre le conseilaprès sept années passéeschez Arcelor. C’était unchoix difficile, j’étais direc-teur d’usine avec des res-ponsabilités et des équi-pes importantes. Mais je voulais m’ouvrir àd’autres horizons et me préparer à des res-ponsabilités de chef à trois plumes. Au final,l’expérience fut formidable et je ne le regrettepas. Alors que je pensais passer deux ansdans le conseil, cela fait maintenant treizeans que je suis motivé par ce métier. »

Le Boston Consulting Group est un cabinet

international de conseil en stratégie créé en 1963.

Fort de 7000 personnes, dont 4000 consultants,

réparties sur 69 bureaux dans 40 pays, il compte

64 polytechniciens dont 9 directeurs associés.

Devenir entrepreneur

Concernant les X en particulier, 60% des alumniont intégré un grand groupe industriel ou de

service, 25% profitent de leur expérience

pour rejoindre des fonds d’investissement,

des banques d’affaires ou d’autres métiers de la

finance, et 15% se lancent dans l’entrepreneuriat

ou dans la direction de PME en forte croissance.

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De plus en plus de polytechniciensenvisagent de se lancer dans la créationou la reprise d’entreprise et s’engagentdans cette voie. Il leur faut s’attendreà un changement de mode de vie radicalet prendre le temps de soigneusementpréparer leur projet, ce qui n’empêcherani les difficultés ni le stress. Volontéet ténacité permettent de les surmonteret de connaître de grandes satisfactions.

■ Quel est celui d’entre nous qui n’a pas, à

un moment ou un autre, envisagé de se met-

tre à son compte comme consultant ou pour

reprendre une entreprise ou encore pour en

créer une ? Les motivations sont multiples et

variées : une étape, une ambition, un rêve d’ac-

complissement, un besoin d’autonomie ou une

combinaison d’entre elles.

La décision se ramène toujours en fait au même

choix : abandonner une relative sécurité dans

une administration ou dans une entreprise

plus ou moins importante ou bien plonger dans

le grand bain et courir le risque de se retrou-

ver quelques années plus tard dans une situa-

tion délicate à gérer que l’entreprise créée ou

reprise s’avère une réussite, le cas idéal, ou un

échec, cela arrive, avec toutes les conséquen-

ces personnelles, familiales et matérielles qui

en découlent.

La solitude de l’entrepreneurTrente-cinq ans d’expérience dans la conti-

nuité en tant qu’entrepreneur indépendant

m’ont inspiré quelques réflexions. La toute

première question qu’il faut se poser, c’est de

se demander si l’on a les ressources menta-

les suffisantes pour être autonome et indé-

pendant. Il faut se regarder dans une glace et

évaluer franchement sa capacité à absorber

seul toutes les difficultés imaginables et ini-

maginables. En effet, l’entrepreneur est, en

définitive, seul lorsqu’il doit prendre des déci-

sions cruciales pour son entreprise car les

conseilleurs ne sont pas les payeurs, formule

classique mais très réelle au quotidien. Tout

le monde a eu ou aura des coups durs la plu-

part du temps inattendus et il faudra savoir

réagir rapidement sans perdre de temps pour

prendre les bonnes décisions. Si vous n’avez

pas les nerfs solides ou si vous avez tendance

à attendre que les problèmes se règlent tout

seuls restez où vous êtes et ne tentez pas

l’aventure.

Un soutien familial réelLa question suivante consiste à s’assurer de la

solidarité familiale et de la solidité de ses liens.

L’entrepreneur dont le conjoint est hésitant

Créer son entreprise,c’est changer de vie

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR JACQUES-CHARLES FLANDIN (59)

président de XMP-Business Angels

42

CARRIÈRES

Si vous n’avezpas les nerfssolides, netentez pasl’aventure

REPÈRESEn 1970, quelques années après avoir quittél’École et avoir passé cinq ans au sein du groupePhilips, j’ai sauté le pas. À l’époque, nous étionsvraiment très peu nombreux à faire ce choix et jecrois bien être l’un des rares de ma promotion àl’avoir fait. Aujourd’hui, cela a bien changé etplus de dix pour cent d’une promotion n’hésiteplus à se lancer dans la création de leur start-up.

Choix difficileLes difficultés sont toujours les mêmeset le choix n’est pas plus facile : avoir la bonneidée, délimiter un créneau où la concurrencen’est pas trop dure, trouver la bonne entrepriseà reprendre et définir un business plan solide,imaginer et construire la structure adéquate,solliciter et obtenir des financements à desconditions acceptables, recruter descollaborateurs compétents et coopératifs,anticiper les difficultés sans se laisser allerau catastrophisme, s’entourer de conseils aviséset, enfin, commencer à tracer son sillon.

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LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

ou réticent à l’accompagner prend des risques

qui peuvent se terminer malheureusement en

catastrophe. Votre compagne ou votre com-

pagnon doit être bien conscient qu’il ou elle

sera partie prenante à 150 % de vos soucis et

de vos angoisses, 150 % parce qu’elle ou il ne

pourra s’en libérer sur personne. Il faut aussi

savoir que vous allez vous dévouer à votre pro-

jet de nombreuses heures par jour y compris

les week-ends ce qui ne vous laissera pas

beaucoup de temps pour une vie de famille et

pour la détente nécessaire et indispensable.

Nouveaux problèmesVous allez avoir aussi à vous préoccuper vous-

même de gérer votre trésorerie, d’organiser

l’activité de vos collaborateurs, de contrôler

si ce n’est de faire vos déclarations fiscales

ou sociales même si vous disposez d’un cabi-

net comptable, toutes opérations dont vous

n’avez jamais ou du moins rarement eu à vous

occuper vous-même car vous disposiez de ser-

vices spécialisés et compétents. Comme vous

n’aurez pas l’expérience correspondante, vous

allez devoir consacrer du temps et de l’éner-

gie à résoudre des problèmes qui sont essen-

tiels mais qui vont vous empêcher de vous

mobiliser en permanence sur votre projet.

Lorsque vous aurez pris conscience de tout

cela et que vous en aurez accepté les consé-

quences, vous allez pouvoir entreprendre

concrètement votre projet.

Prendre du tempsNe croyez pas que la première idée soit la

bonne ou que la première entreprise à repren-

dre soit l’affaire du siècle. Prenez votre temps

pour étudier la question sous tous les angles.

Parlez-en autour de vous à des personnes

complètement extérieures. C’est en expri-

mant ses idées qu’on les fait progresser sinon

vous tournerez en rond et vous risquer de vous

autoconvaincre. Il faut savoir prendre du recul

pour prendre les bonnes décisions. Soyez

humble et acceptez la contradiction. Vos inter-

locuteurs n’auront pas la même vision que

vous et leur éclairage différent vous fera sans

doute voir des aspects que vous ne soupçon-

niez pas.

Et voilà, tout est en ordre, vous pouvez vous lan-

cer et c’est maintenant que les difficultés vont

survenir et que le stress va faire son appari-

tion. Gardez votre sang-froid, prenez du recul

avant de prendre les décisions qui s’impose-

ront. Sachez prendre encore du temps pour

conserver votre équilibre. Soyez capable de

reconnaître vos erreurs tactiques. Faites preuve

d’humilité face aux événements. Ne vous

emballez pas quand une occasion se présente

mais sachez saisir les opportunités qui surgis-

sent sans hésiter. Bref, accomplissez-vous.

Apprendre de ses erreursComme moi, vous allez faire des erreurs, vous

allez vous laisser embarquer dans des voies sans

issue, vous allez perdre du terrain mais vous

allez vivre votre aventure, vous allez vous bat-

tre et vous réussirez car vous aurez la rage de

gagner. Puis, quand vous vous retournerez

vous aurez la satisfaction d’avoir rempli votre

vie, d’avoir fait votre devoir de citoyen respon-

sable, d’avoir créé des richesses pas forcé-

ment monnayables mais moralement satis-

faisantes, d’avoir réussi votre vie familiale avec

des hauts et des bas et tout cela grâce à vous

et à votre indéfectible volonté.

Bonne chance ! ■

Ne croyez pasque la première

idée soit labonne

43

Vie quotidienne

Il faut être conscient que la vie quotidienne va

être très différente. Dans votre vie précédente,

vous disposiez d’un environnement en

permanence à votre service. Vous devrez parfois

vous prendre par la main pour effectuer des

tâches très triviales car vous n’aurez personne

pour les faire à votre place : photocopier

un dossier, chercher le courrier

à la poste, réserver vos billets de train ou d’avion,

rappeler un correspondant jamais disponible,

prendre des rendez-vous, etc.Se faire conseiller

Une fois que le nouvel entrepreneur a bien défini

son projet, il doit s’entourer de spécialistes pour

aborder les problèmes pratiques et se faire

conseiller à propos des questions juridiques,

sociales et matérielles. Quel statut juridique pour

l’entreprise? Quelle protection sociale pour vous

et les vôtres? Quelles ressources financières

seront nécessaires? Quel emplacement, proche

ou loin de son domicile, de quelle

dimension, etc.? Comment constituer une

équipe? Tout cela doit permettre d’être prêt

à l’action et d’écrire un business plan crédible.

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Ce dossier sur les carrières montrela diversité des opportunités et desproblèmes qui peuvent se présenter pendantquarante-cinq ans de vie professionnelledans un univers en mutation rapide.Il faut définir et mener à bien un projet,orienté vers la recherche ou le management,en France ou à l’international, dans lafonction publique ou dans le privé. Gérersa carrière et surmonter les incidentstoujours possibles est plus facile avec unappui personnalisé et non commercial.

■ Empathique et informé, le « Bureau desCarrières» écoute et, dans le dialogue, fait pré-ciser et éventuellement réévaluer le projet deson interlocuteur, lui offre des outils et desméthodes qui facilitent une gestion de carrièredynamique, apporte des conseils.Il offre tous les soutiens possibles à la recher-che : des séminaires de méthode couvrant latotalité de la gestion de carrière (plus de 15 paran) ; la présentation des réseaux polytechni-ciens existants (groupes, mentors, correspon-dants, parrains, personnels ou enseignants del’École, FX, etc.) que les camarades connais-sent en général assez mal ; les services déve-loppés par les autres grandes écoles (en lesaidant éventuellement à les utiliser).Dans le cadre du « G 16 + », il existe plus decent ateliers portant sur des sujets très spé-cifiques. Ils sont accessibles à tous grâce àune politique de mutualisation énergique.

Une aide logistiqueLe «Bureau des Carrières» apporte une aidelogistique avec un bureau équipé, rueDescartes ; l’accès à des bases documentai-res à Palaiseau et à l’université Léonard deVinci ; des listes d’avocats, de chasseurs detêtes, d’outplaceurs ; des articles ciblés ; denombreux liens utiles.

Dans le cadre de la «Commission carrières»de l’Association, il œuvre pour définir de nou-veaux services et aider l’École à améliorersignificativement l’apprentissage par les élè-ves d’outils adaptés à la gestion de carrière,outils qui permettront de concurrencer effi-cacement les anciens d’autres institutionsqui insistent fortement sur ce point.

Des cas délicatsUn certain nombre de cas délicats ou diffici-les nécessite une aide plus soutenue. Il estoffert aux premiers (quelques dizaines par an)un parcours qui les amène à discuter avectrois consultants. Les autres (une dizaine paran) bénéficient évidemment de services plusimportants et sont soutenus par la Caisse desecours de l’Association des anciens élèveset diplômés. ■

Le Bureau des Carrières :

un outil au service de tous

LA JAUNE ET LA ROUGE • NOVEMBRE 2010

PAR PAR NICOLAS ZARPAS (58)

responsable du Bureaudes Carrières de l’AX

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CARRIÈRES

Cent atelierspar an sontaccessiblesà tous grâce àla coopérationentre écoles

REPÈRESLa réussite des anciens élèves, la solidarité entrecamarades contribuent au rayonnement del’École. Dans cet esprit, le « Bureau desCarrières » reçoit les camarades qui souhaitentréfléchir à la gestion de leur carrière. Il enrencontre environ deux cents par an dont plus dutiers est en recherche d’emploi.Bien évidemment, le Bureau des Carrières aideles entreprises dans leur recherche qui doitparfois être discrète.

Le G16+On désigne par «G16 +» la réunion des Bureauxdes Carrières de 24 grandes écoles. Leur objectifest de mettre en commun leurs informations surla conjoncture, les bonnes pratiques existantes,les souhaits de développement des services auxanciens, comme les ateliers.

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Bien mener une recherche d’emploi

■ D’abord, tourner la page. Unechose est certaine : l’avenir sera dif-férent. Regarder vers le futur, ne pasrésister au changement, se remet-tre en question, tirer une leçon del’étape qui vient de s‘achever. Res-ter en poste pendant la recherche larend plus difficile. Cette phase dedeuil peut durer de trois semainesà trois mois. Un bon moyen est detravailler sur son projet profession-nel, si ce n’est déjà fait.

Se préparerLe paquetage minimum à emporterpour la traversée du désert com-prend certains éléments incontour-nables : projet professionnel, cahierdes charges de l’environnement detravail qui conviendra le mieux ; ou-tils de communication écrite : CV,lettre d’approche directe ; outils decommunication orale : présentationindividuelle, réponses aux questionsclés ; ciblage : qui va-t-on rencon-trer ? Lorsqu’on bénéficie d’un ac-compagnement (outplacement ), ilfaut un bon mois pour cette phase,plutôt deux mois dans le cascontraire.

AgirTrouver un emploi consiste à ren-contrer d’éventuels patrons jusqu’àce que l’un d’entre eux au moinsfasse une proposition. En effet, il nefaut compter que sur ses propresressources et s’installer dans ladurée : le succès ou l’échec ne dé-pend que de soi.

Il faut aller vers les autres, savoirécouter, générer la confiance, res-ter ouvert tout en étant organisé etsystématique : c’est affaire de mé-thode et de détermination.Le moral est crucial dans cettephase où la chance joue certes unrôle, mais moins important que lesien. Le chemin est semé d’embû-ches, de détours et de rebondisse-ments : l’irrationnel prédomine, lesens politique sera mis à rudeépreuve.

Une chose est certaine : si l’on faitce qu’il faut, sans ménager sa peine(c’est un travail à plein-temps quede trouver un nouvel emploi), si l’onapprend vite la logique floue de larecherche en observant des règlessimples (un rendez-vous par jour,70% du temps à «faire du réseau»),on trouve.Mieux : il est fréquent que, aprèsquatre à cinq mois de recherche ac-tive (moyenne constatée, relative-ment indépendante de l’état du mar-ché de l’emploi), une personne aitplusieurs propositions entre lesquel-les il n’y a plus qu’à choisir. De plus,ces deux ou trois propositions arri-vent souvent en même temps, tout

simplement parce que les grainessemées en début de la recherchemettent le même temps à pousser.Il faudra semer beaucoup de grai-nes : pour un poste, compter dix« pistes qualifiées » ; pour dix pistesqualifiées, il faut cent entretiens.

Savoir conclureParmi les critères de choix de sonéventuel patron, les compétences nesont qu’une petite partie. Beaucouprestent numéro deux dans la short

list, car ils n’ont pas intégré le faitque dynamisme, motivation, compa-tibilité culturelle, esprit d’équipe,confiance (tels que ces élémentssont ressentis par l’employeur) sontautrement plus importants pour lui.Savoir donner envie de travailleravec soi n’est pas naturel àbeaucoup.Pour cela, il faut savoir parler de soi,savoir faire parler l’autre de ses be-soins, et lui montrer qu’on pourral’aider. Parler de ses propres capaci-tés d’analyse ou de synthèse est dutemps perdu.

Réussir son intégrationUne fois le contrat signé, tout n’estpas terminé. Il ne faut pas baisserla garde et se laisser aller. Ceux quisont remerciés avant la fin de la pé-riode d’essai, ou le plus souventdans la première année s’y sont malpris. Or cela arrive, et de plus enplus souvent en ces temps difficiles.Les dégâts peuvent alors être consi-dérables, surtout si la nostalgie del’ancien employeur s’installe. Laquestion taraude : pourquoi donc ai-je démissionné ?Certaines techniques permettent ce-pendant d’assurer l’intégration dansles nouvelles fonctions. ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • AVRIL 2009

Voici quelques conseils pour bien conduire et réussir une démarchede recherche d’emploi. Il faut en effet traverser plusieurs phasesdans un certain ordre.

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PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

EMPLOI

Il est fréquent qu’après

quelques mois de recherche

active on reçoive plusieurs

propositions

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EXPRESSIO

NS

LA JAUNE ET LA ROUGE • MAI 2009

Construire un projet professionnel

■ Qui vient de démissionner oud’être licencié a déjà changé psycho-logiquement. Mais est-on prêt pourautant ? Cela dépend du choc quel’on vient de subir, de son caractère,de sa capacité de résistance, de songoût du changement, de son envi-ronnement personnel.L’on ne peut être considéré comme«bon pour le service» que lorsqu’onest capable de parler positivementde son passé professionnel proche,et de se projeter en même tempsdans le futur, en communiquant au-tour de ce projet vers son nouvelemployeur.Beaucoup sous-estiment l’impor-tance de cette préparation psycho-logique. Et pourtant, beaucoup res-sentent bien le besoin d’une rupture(voyage, vacances, formation). C’estla manifestation inconsciente de cechangement psychologique.

Trois questions pour un projetConstruire son projet professionnel,c’est se poser trois types de ques-tions, et surtout y apporter des ré-ponses. Le seul fait d’y travailleraide à la préparation psychologique,oblige à tourner la page et à se pro-jeter dans l’avenir. Ce projet, c’estle cahier des charges de sa futureactivité, avec des éléments qualita-tifs et quantitatifs : métier, type,taille et culture d’entreprise, sec-teur d’activité, style de manager,équipe, budgets, etc.

Première question : qu’est-ce que je« sais » faire ? C’est le plus facile, lapartie visible de l’iceberg. Il suffit deregarder dans le passé les métiers,les secteurs, les compétences ac-quises, les réalisations et de synthé-tiser tout cela.Deuxième question : qu’est-ce queje suis « capable » de faire ? C’estdéjà plus difficile. Chacun sait cequ’il a été capable de faire dans telou tel environnement, mais ignorece qu’il serait capable de faire dansun nouvel environnement inconnu.Cela dépend de sa nature propre :valeurs, relation au pouvoir, sens po-litique, capacités de communication,freins et moteurs, etc.

Troisième question : qu’est-ce quej’ai « envie » de faire ? C’est le plusdifficile, et il faut être honnête avecsoi-même pour répondre à cettequestion. C’est pourtant le plus im-portant. En effet, il y a une énormedifférence entre un métier que l’ona envie de faire et un métier que l’onn’a pas, ou plus envie de faire. Celadépend aussi de l’âge : nous pou-vons nous forcer quelques mois àfaire quelque chose qui ne nous plaît

plus à quarante ans, mais pas au-delà de cinquante ans.

Le cœur et la raisonEn fonction des réponses aux ques-tions ci-dessus, et plus spécifique-ment de la troisième, on pourraaboutir à deux types de projets : leprojet de la raison et le projet ducœur. Un projet de la raison s’inscritdans la continuité : son bateau conti-nue sur son cap, en changeant unevoile ou un réglage.Un projet du cœur consiste à faireun virement de bord vers un autreport : changer de métier, de secteur,créer ou reprendre une entreprise,devenir indépendant, faire des mis-sions, du conseil…La plupart des personnes, sauf lesplus âgées, ont un projet de la rai-son, dans la continuité.Parmi les personnes bénéficiantd’un accompagnement les amenantà se poser systématiquement lestrois questions ci-dessus, la moitiéa aussi un projet du cœur. Parmi cesprojets du cœur, deux tiers sont uto-piques ou prématurés, et l’on serabat sur le projet de la raison. Mais,néanmoins, un tiers est réaliste, etce sont des réussites.Cela veut dire que l’on a une chancesur six de porter en soi un projet ducœur qui donnera un nouveau dé-part à sa vie professionnelle. ■

La recherche d’un emploi se déroule en plusieurs étapes. La toutepremière consiste à construire un projet professionnel. Il seraitdangereux de commencer à communiquer ou à agir sans avoirélaboré ce projet.

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EMPLOI

PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

On ignore généralement ce

qu’on serait capable de faire

dans un nouvel environnement

inconnu

Créé il y a plus de quarante ans,

le Bureau des Carrières de l’AX

propose des entretiens

personnalisés, des séminaires

et ateliers, l’accès à différents

réseaux ainsi que des moyens

logistiques.

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Bien mener sa recherche d’emploi

Préparer sa communication

■ Commencer à agir sans êtreprêt, utiliser un curriculum vitae ina-dapté ou rencontrer les membres deson réseau sans savoir présenterson projet conduit droit à l’échec.Voici les domaines à travailler.

Image professionnelleL’habillement, les attitudes, la ges-tuelle déterminent la manière dontles autres vous perçoivent dès lepremier regard, avant même que lespremiers mots ne soient échangés. Ilfaut vous assurer que cette imageprofessionnelle, telle qu’elle appa-raît dans l’esprit de l’autre lors dechaque nouveau contact, est bien encohérence avec votre projet.

Communication écriteL’assistante d’un chasseur de têtespasse quatre secondes sur un cur-riculum vitae, facilitez-lui la vie.Sur la forme, une page, police de ca-ractères lisible (corps 11 au mini-mum), papier de qualité, typographiebien choisie, pas de photographie.Sur le fond, un CV n’est pas une listede postes occupés, mais une liste deréalisations concrètes. Que doit-onvoir ? Votre métier, votre projet, vosfaits d’armes.Il vous faudra maîtriser différentscourriers : réponse à une annonce,approche directe, candidature spon-tanée, remerciements. Mêmesconseils sur la forme. Pour le fond,soyez bref, donnez à l’autre l’enviede vous lire.

Enfin, si vous utilisez le courriel,rappelez-vous que la personne quiva le recevoir ne vous connaît géné-ralement pas. Choisissez uneadresse courriel de qualité, travaillezl’objet de votre message, faites desmessages courts (20 lignes de 40 ca-ractères), évitez les pièces jointes(pas de CV, sauf en réponse à uneannonce).

Communication oraleC’est le point fondamental : l’écritne sert qu’à obtenir des rendez-vous, l’oral fait la différence. Pourêtre à l’aise, il faut s’y préparer vrai-ment. En effet, une recherche d’em-ploi dure six mois en moyenne, etconduit à une centaine d’entretiens.Au téléphone, vous devrez savoirpasser les barrages pour parler àcelui que vous souhaitez rencontrer.Plus encore qu’en face à face, c’estle ton de la voix qui compte au té-léphone. Préparez votre scénariod’appel, appelez aux bonnes heu-res, rappelez quand il le faut, nelaissez pas de messages quandc’est inopportun.Assurer votre présentation profes-sionnelle c’est répondre à la ques-tion : « Parlez-moi de vous. » Quedoit savoir le recruteur pour faire son

métier qui est de vous éliminer oude vous retenir ? Peu de chose, envérité : Qui êtes-vous? Qu’avez-vousfait ? Que voulez-vous faire ?Tout le reste lui est superflu. Il dé-cidera, en fonction de votre imagetelle qu’il l’aura perçue et de ce quevous venez de lui dire, de vous pré-senter ou non à son client.Il vous faudra mener des entretiensde réseau de manière efficace. C’estvous qui les solliciterez, c’est doncà vous de les conduire. C’est vousqui ferez la différence.

Être le meilleurEnfin, quand vous vous retrouverezen face de celui qui va peut-êtrevous faire confiance en vous em-bauchant, il vous faudra être lemeilleur pour cet entretien de déci-sion. Partez du principe qu’il y ad’autres candidats, aussi bons quevous, qui veulent le poste tout au-tant que vous. Le choix final serafait non pas en fonction des compé-tences, mais des personnalités, etplus spécifiquement de la percep-tion de votre éventuel futur patronde vous-même par rapport à lui.Il est déjà difficile de construire seulson projet professionnel. Préparerseul sa communication de manièreefficace est encore plus ardu : le re-gard de l’autre est primordial. Trou-vez de l’aide. ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • JUIN-JUILLET 2009

La recherche d’un emploi se déroule en plusieurs étapes. La toutepremière, qui consiste à construire un projet professionnel, a étédétaillée dans le précédent numéro (mai 2009, p. 50). Ladeuxième étape consiste à préparer sa communication.

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PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

EMPLOI

L’écrit ne sert qu’à obtenir

des rendez-vous, l’oral fait

la différence

Créé il y a plus de quarante ans,

le Bureau des Carrières de l’AX

propose des entretiens

personnalisés, des séminaires

et ateliers, l’accès à différents

réseaux ainsi que des moyens

logistiques.

P.40-49 Emploi-Prudhomme 24/10/11 12:37 Page 42

EXPRESSIO

NS

LA JAUNE ET LA ROUGE • AOÛT-SEPTEMBRE 2009

Bien mener sa recherche d’emploi

Agir efficacement

■Vous êtes au point sur votre pro-jet, vous avez appris à en parler,vous avez déterminé vos cibles, ilfaut y aller.

Le marché visibleC’est le marché qui est accessible sil’on est en poste. C’est aussi lemoins intéressant, tant du point devue quantitatif (20 % des postespourvus) que qualitatif (plus de re-jets en période d’essai, peu de sautsde salaire).D’abord, les petites annonces (10 %des postes pourvus) : presse, sitesemploi (manageurs.com, en parti-culier), sites des entreprises. Cour-rier ou courriel sont en concurrenceavec des centaines d’autres.Ensuite, les chasseurs de têtes etcabinets de recrutement (10 %). Encette période de crise, vous n’aurezpas trop de mal à en rencontrer.

Le marché cachéAttaquer ce marché nécessite plusde temps et d’efforts, mais cela envaut la peine. Il représente 80% despostes pourvus et les meilleurs pos-tes en termes de pérennité et de sa-laire. C’est difficile si l’on est enposte. Il vous faudra voir beaucoupde monde et cela se saura.La démarche de réseau (70 % despostes pourvus) n’est pas naturelle àbeaucoup. Lisez, apprenez et testez-vous d’abord. Attendez-vous à ne pasréussir vos dix ou quinze premiersentretiens de réseau.

Restent enfin les candidatures spon-tanées (10 %). Il faut écrire à coupsûr, sans CV, avec une informationclé faisant en sorte que votre lettreou votre courriel sera lu par son des-tinataire jusqu’au bout. Si vous tom-bez en plein dans ses préoccupa-tions du moment, il vous recevra.

La semaine typeLa durée de votre recherche dépendde trois facteurs et vous avez prisedirecte sur les deux premiers : votreniveau de préparation et votre éner-gie. Votre semaine type devrait s’or-ganiser en tenant compte des pour-

centages indiqués plus haut, avec unobjectif de six entretiens par se-maine au minimum.Il vaut mieux passer ses appels télé-phoniques de manière groupée,selon un plan d’appel préétabli, auxbonnes heures. N’oubliez pas derappeler quand il faut, mais ne lais-sez pas trop de messages.Il est aussi plus efficace de grouperses courriels. N’oubliez pas quevotre destinataire voit d’abord lesujet de votre courriel et qu’il peutne pas avoir ni le temps ni l’envie del’ouvrir, car il ne vous connaît pas engénéral.Partez du principe qu’un entretienprend une demi-journée. En effet, ilfaut l’obtenir, le préparer, s’y rendre,attendre, le dérouler, revenir, met-tre à jour ses fichiers, remercier. Cesera le gros de votre travail. Le mar-ché visible, lui, implique une ou deuxdemi-journées par semaine aumaximum, pendant lesquelles vousregroupez vos réponses.

Les missions de conseilVous recevrez sans doute des pro-positions de mission temporairependant votre recherche d’emploi.Faut-il les accepter et même les re-chercher activement ? Certainesmissions seront des accélérateursde votre recherche, d’autres serontdes freins. ■

* Mai 2009, page 50 et juin-juillet 2009,page 33.

La recherche d’un emploi se déroule en plusieurs étapes. Les deuxpremières consistent à construire un projet professionnel puisà préparer sa communication. Elles ont été détaillées dans lesprécédents numéros *. Maintenant, il faut agir.

43

EMPLOI

PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

Un indicateurde qualité simpleVotre carnet de rendez-vous ne

désemplit pas, vous atteignez sans

problème les six entretiens par

semaine, vous avez trois semaines

pleines devant vous : tout va bien,

persévérez.

Votre réseau primaire s’épuise,

vous avez déjà brûlé beaucoup de

cartouches. Attention, quelque

chose ne va pas, réagissez.

Le recruteur ne va pas

forcément au bout de la pile

s’il a déjà trouvé de bons

candidats à présenter

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propose des entretiens

personnalisés, des séminaires

et ateliers, l’accès à différents

réseaux ainsi que des moyens

logistiques.

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Bien mener sa recherche d’emploi

S’intégrer dans un nouveau poste

■ Après une (longue) recherche,vous venez de signer le contrat detravail pour votre nouveau poste.Tout va bien… Il ne vous reste plusqu’à vous intégrer dans votre nou-vel environnement de travail, avectoutes les inconnues qu’il présentepour vous. Comment assurer cetteintégration ?

Les cent joursVous allez rentrer dans une autretribu, où les rites tribaux sont diffé-rents, surtout si la distance cultu-relle à franchir est importantecomme, par exemple, du public auprivé, ou d’un grand groupe à unePME ou une start-up.Vous disposez en général d’une pé-riode de grâce, de trois mois peut-être, pendant laquelle vous avez desdroits et des devoirs particuliers.Vous pouvez poser des questions,vous étonner, demander de l’aidepour comprendre comment fonc-tionne votre organisation. Profitez-en, sans abuser bien entendu.Il vous faut avant tout identifier lesdix à quinze personnes-clés qui au-ront leur mot à dire lorsque la ques-tion de vous garder en fin de périoded’essai sera posée.Ce sont des personnes du niveau au-dessus de vous (patron, grand pa-tron), de votre niveau (membres dumême Comité de direction...) et duniveau en dessous (certains de voscollaborateurs). Si deux ou plus de

ces personnes votent contre vous,vous serez éliminé.Vous devez les rencontrer chacuneindividuellement, suffisamment pouravoir une idée précise des attenteset des craintes de chacune à votreégard.

De trois à six moisVotre état de grâce se termine, onattend de vous des résultats. Par oùcommencer? La plupart des person-nes remerciées en fin de périoded’essai ne s’y attendent pas du tout.Donnez-vous comme objectif d’ap-porter des résultats qui comblent lesattentes de chaque personne-clé, enfonction de ses priorités (et non desvôtres). Ce n’est pas vous qui fixezle timing, mais les autres. Apportez beaucoup de soins à effa-cer les craintes que certains pou-vaient avoir suite à votre arrivée(perte de pouvoir, concurrence in-terne). Montrez-leur que votre réus-site ne se fera pas au détriment deleur succès. Valorisez ce que vousavez appris avec eux plus que ce quevous avez apporté.

La question de confianceEn général, le DRH va poser la ques-tion de confiance «Allons-nous gar-der M. X?», au bout de cinq mois devotre présence. Si votre patron estcontent de vous, mais que le DRH aentendu d’autres avis négatifs, ilsvont creuser : il suffit de deux outrois avis négatifs pour que voussoyez éliminé.Par contre, si vous avez fait ce quiprécède, il est vraisemblable que laquestion ne se posera même pas,car vous serez devenu incontourna-ble dans l’organisation.

Après six moisOn attend de vous que vous soyez to-talement opérationnel.Vous n’avez plus le droit d’ignorer,vous devez apporter le service pourlequel vous avez été embauché dansla durée. Votre horizon devrait se li-miter à cela pendant deux ans aumoins, avant que vous ne puissiezlégitimement commencer à deman-der What’s next ? en fonction devotre réussite.Il ne suffit pas de trouver un nouvelemploi. Il faut y réussir, et le gardersuffisamment (quelques années)pour que votre nouvel employeurvous donne alors davantage de res-ponsabilités, en ligne avec votre pro-jet professionnel. ■

1. Mai 2009, page 50 ; juin-juillet 2009,page 33 ; août-septembre 2009, page 70.

LA JAUNE ET LA ROUGE • OCTOBRE 2009

La recherche d’un emploi se déroule en plusieurs étapes.Les trois premières consistent à construire un projet professionnel,préparer sa communication puis agir avec efficacité. Ellesont été détaillées dans les précédents numéros 1. Maintenant,il faut s’intégrer dans un nouvel environnement de travail.

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PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

EMPLOI

Le jour d’avantVous avez rencontré beaucoup de

personnes durant votre recherche,

il faut les informer. Envoyer votre

nouvelle carte de visite profes-

sionnelle est un bon moyen de

rester en contact.

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et ateliers, l’accès à différents

réseaux ainsi que des moyens

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EXPRESSIO

NS

LA JAUNE ET LA ROUGE • DÉCEMBRE 2009

Bien débuter sa carrière

Analyser les comportements

■ Le Bureau des Carrières de l’AXa mis en place des ateliers spécifi-ques destinés aux jeunes camara-des, d’abord des élèves volontairesà Palaiseau, puis de jeunes anciens àParis : ce sont les ateliers « Débutde carrière » et les ateliers « Pre-miers emplois ». Plus de cent jeu-nes sont venus à ces ateliers.

Une aide ponctuelleLa majorité des camarades venus àces ateliers avait besoin d’une aideponctuelle pour la gestion de leurcarrière déjà bien lancée. Néan-moins, voici quelques phrases sou-vent entendues : «J’ai démissionnéparce que ce que je faisais ne m’inté-ressait plus»; «Je ne sais pas ce queje veux faire»; «La recherche ne meconvient pas, je veux aller vers leconcret»; «Je cherche depuis un anà changer, mais je ne trouve rien.»Le grand nombre de camarades ve-nant à ces ateliers nous a surpris :nous avons dédoublé les sessions etaugmenté le nombre de participantspar session pour arriver à satisfairetoute la demande.

Les comportements typesNe parlons pas des comportements«normaux» à ce stade de la vie pro-fessionnelle, qui restent la majorité.Par contre, voici les principales at-titudes posant problème que nousavons recensées :

Celui qui change trop souventApprenant vite, l’ennui arrive tôt : ilchange trop vite de poste, d’em-ployeur, de métier et se retrouve peuemployable dès 30 ans. Il croit qu’ilsuffit d’avoir touché à de nombreuxmétiers ou domaines pour progres-ser, et se rend compte de son erreur.

Celui qui ne change pasIl a trouvé un domaine où il excelle,et s’y complaît. Son moteur est in-tellectuel : résoudre des problèmescomplexes. Son employeur le sait eten profite. Un jour, il se rend comptequ’il y a autre chose dans la vie pro-fessionnelle, mais ce sera difficilepour lui de changer.

Celui qui veut tout changerIl a commencé dans un secteur, eta commencé à y acquérir une cer-taine légitimité. Puis un jour, il dé-cide d’aller faire tout autre chose,dans un tout autre domaine. C’estl’attitude typique du chercheur quiveut abandonner la recherche. Nousappelons cela le projet de fuite.

Celui qui se cacheIl est dans une entreprise depuisplusieurs années, où il est apprécié,

mais il veut la quitter parce qu’il nes’entend pas avec son nouveau chefhiérarchique. Il envoie des CV àdroite et à gauche, et ne trouve rien.Son employeur l’apprend, et la si-tuation se dégrade.

Celui qui s’ennuieIl ressent les limites de l’environne-ment dans lequel il travaille depuislongtemps, et souhaite changer.C’est l’attitude typique du fonction-naire qui veut aller dans le privé. Ilne mesure pas la difficulté de l’en-treprise, et sous-estime le temps etles efforts nécessaires pour lamener à bien.

Sortir des schémasLa réalité ne s’apprend pas à l’école.Si l’on compare les jeunes polytech-niciens aux jeunes diplômés d’au-tres écoles, on constate que lespremiers sont plutôt moins bienarmés en début de carrière : mau-vaise connaissance de l’entrepriseet de son rôle ; surestimation del’importance des connaissancestechniques ; sous-estimation desfacteurs humains ; prépondéranceaccordée à la résolution de problè-mes complexes; résistance souventinconsciente au changement ; dif-ficulté à sortir des schémas men-taux préétablis. ■

De nombreux jeunes s’interrogent sur ce que l’on attend d’eux dansles entreprises. Certains s’orientent trop vite au début et voudraientrectifier leur situation. D’autres se retrouvent en décalage avec leursattentes après leur début de carrière. Des ateliers spécifiquespermettent d’analyser la situation et les comportements.

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EMPLOI

PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

Gérer une carrière

déjà bien lancée

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personnalisés, des séminaires

et ateliers, l’accès à différents

réseaux ainsi que des moyens

logistiques.

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Bien débuter sa carrière

Savoir piloter sa vie professionnelle

■ Le projet professionnel est le filconducteur d’une future carrière.C’est à chacun, et à personne d’au-tre, de le construire. Il permettra des’orienter, étape après étape, toutau long de la vie professionnelle.

Un processus itératifIl est tout à fait normal que ce projetprofessionnel soit flou en sortant del’École. Mais chacun ressent certai-nement un goût ou une attirancevers un secteur ou un type de mé-tier : recherche, développement, pro-duction, vente, marketing, finances.C’est suffisant pour un premier em-ploi. Par contre, après une, et a for-tiori deux étapes (trois à six ans), ilfaut avoir un projet bien consolidé,véritable cahier des charges de sonobjectif à cinq ou dix ans : métier,secteur, type d’entreprise, respon-sabilités, budget.

Réussir les transitionsIl faut réfléchir à chaque change-ment d’étape, à chaque transition.Le problème est que personne n’estvraiment clair avec soi-même surses goûts et ses motivations. Enoutre, on change en prenant de l’âge.Si la résolution de problèmes com-plexes est le moteur de départ, il estfort probable que l’on va s’en lasser.Le projet professionnel permet faci-lement d’arbitrer entre deux propo-

sitions. Il se peut que votre intérêtet celui de votre employeur diver-gent : il souhaite que vous restiezalors que vous voulez changer.

Garder son employabilitéL’employabilité est une variable quimesure l’aptitude à chercher à unmoment précis un emploi quiconvienne, s’inscrivant dans le projetprofessionnel.Il faut conserver une «employabilitéforte » aussi longtemps que possi-ble. Comment faire ?Poser des questions, demander del’aide pour comprendre commentfonctionne l’organisation de débutde carrière. En profiter, sans abuserbien entendu, pour préparer unepremière transition, qui doit aug-menter l’employabilité.

Ce qui augmente l’employabilitéUne extension des responsabilités,une promotion visible montrent que,dans un environnement donné, aprèsune étape d’apprentissage, l’em-ployeur fait confiance. Un change-ment de métier à l’intérieur de l’en-treprise, un poste plus opérationnel

sont la meilleure preuve que celui-ciinvestit sur son employé pour l’avenir.Il vaut donc mieux choisir commepremier employeur une organisationqui permettra ces extensions etchangements, et y rester au moinsdeux étapes (six ans).

Ce qui diminue l’employabilitéDes changements trop rapides, dé-missions ou licenciements, peu im-porte, peuvent en une dizaine d’an-nées donner un profil difficile àsatisfaire. Il ne suffit pas d’avoir tou-ché à de nombreux métiers ou do-maines pour progresser. De même,la recherche de «l’excellence» dansun seul domaine technique pointupeut donner un profil analogue. Ilvaut mieux avoir un projet profes-sionnel apparent et crédible.Avant de changer d’employeur, s’as-surer qu’il n’y a pas d’autre solution,jouer dans la durée.

Ne pas résister au changementIl faut savoir construire et faire évo-luer son projet professionnel, ne passe méprendre sur l’entreprise et sonrôle, ne pas surestimer l’importancedes connaissances techniques, nepas sous-estimer les facteurs hu-mains, savoir agir quand il faut, nepas résister au changement quandil est nécessaire. ■

1. Décembre 2009, page 54.

LA JAUNE ET LA ROUGE • JANVIER 2010

De nombreux jeunes s’interrogent sur ce que l’on attend d’eux dansles entreprises. Des ateliers spécifiques pour évaluer la situationsont, par exemple, proposés aux jeunes polytechniciens. Aprèsl’analyse des comportements 1, voici quelques messages pour aiderà choisir au fil des transitions de carrière.

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PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

EMPLOI

Il se peut que votre intérêt

et celui de votre employeur

divergent

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propose des entretiens personna-

lisés, des séminaires et ateliers,

l’accès à différents réseaux ainsi

que des moyens logistiques.

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EXPRESSIO

NS

LA JAUNE ET LA ROUGE • MARS 2010

La recherche d’emploi

Assez longue et pas toujours facile

■Combien de temps dure une re-cherche d’emploi ? Pour une per-sonne « prête » (projet profession-nel, ciblage, CV, communicationorale au point) et disponible à 100%,il faut compter cinq mois enmoyenne quand le marché est bon,et plutôt six mois en temps de crise.Cette durée varie un peu avec l’âge,mais dépend surtout du profil psy-chologique de la personne.Une personne non prête ne sera pasdans ces chiffres. Débuter sa recher-che tout en se mettant au point estau mieux inefficace, au pire dange-reux : les cartouches ne serventqu’une fois.Une personne non disponible à100% aura besoin de plus de temps,sauf à prendre la première proposi-tion qui passe si elle est en poste.La recherche est-elle facile ? Il estimpossible de faire un pronostic apriori pour une personne donnée.

Par contre, les facteurs qui sont denature à faciliter une recherche sontconnus.

Ce qui facilite une rechercheTout d’abord porter un certain inté-rêt à la nature humaine, être tournévers les autres, aimer les contactshumains, avoir de l’empathie, del’affectivité, un certain sens psycho-logique.Une bonne capacité de communi-cation en découlera, et l’animationde son réseau personnel et profes-sionnel en sera facilitée.Ensuite, le respect des valeurs, desengagements, une propension na-turelle à engendrer la confiance ser-viront dans la phase finale, quand ilfaudra être celui qui sera retenudans la short list.Enfin, la capacité à se remettre enquestion, de sortir des schémaspréétablis, d’imaginer un futur dif-férent pour sa vie professionnelle.La difficulté est qu’il faut envisagersereinement un changement de mé-tier ou de secteur tout en conser-vant une légitimité indispensable.

Ce qui rend une rechercheplus ardueEn premier lieu, trop de rationnelpeut nuire. Une recherche d’emploiest dans une logique floue, le senspolitique y joue un grand rôle, ainsique l’intuition. Le rationnel pousséà l’extrême peut devenir perfection-

niste, pointilleux, et il fait fuir, car ilveut toujours avoir raison.Ensuite, une estime de soi mal posi-tionnée est un facteur de difficulté :se sous-estimer en permanence don-nera de soi une image d’humilité pré-judiciable ; se surestimer est pire :votre éventuel employeur voudra quevous restiez à votre place, et redou-tera que vous preniez la sienne.

L’estime de soi est un facteur clé, etelle a été bien souvent malmenéepar une éviction récente. Il est im-pératif de la régler au mieux avanttoute recherche.Remonter son estime de soi estassez facile : vous devez êtreconvaincu que vous avez une cer-taine valeur sur le marché et voustrouverez la place qui en résulte.Diminuer son estime de soi est plusdifficile et nécessite souvent six moisde recherche infructueuse.Enfin, trop résister au changementn’aidera pas. Une chose est cer-taine : l’avenir sera différent. Autants’y préparer tout de suite. Écoutezles avis des autres, et ne balayez pasd’un revers de main les hypothèsesqui semblent saugrenues. ■

Combien de temps ma recherche va-t-elle durer ? Ai-je devant moiune recherche plutôt facile, ou plutôt difficile ? Ces questions seposent naturellement à toute personne se trouvant devant l’inconnud’une recherche d’emploi, surtout en temps de crise.

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EMPLOI

PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller du Bureau des Carrières de l’AX

Une recherche dure

en moyenne cinq à six mois

si l’on est prêt

Créé il y a plus de quarante ans,

le Bureau des Carrières de l’AX

propose des entretiens personna-

lisés, des séminaires et ateliers,

l’accès à différents réseaux ainsi

que des moyens logistiques.

Cet article s’appuie sur

l’expérience du cabinet de conseil

en transition de carrière

« L’Espace Dirigeants », fondé

il y a quelques années par l’auteur.

Ses consultants et associés

ont des origines diverses :

Polytechnique, HEC, ESSEC,

Sciences Po. Ses clients aussi,

cadres supérieurs et dirigeants

en recherche d’emploi, avec une

grande diversité de métiers,

secteurs, âges, formations.

P.40-49 Emploi-Prudhomme 21/10/11 17:01 Page 47

PAR MICHEL PRUDHOMME (64)

conseiller au Bureau des Carrières de l’AX

Réussir une transition de carrière

■ D’abord, il faut construire unprojet professionnel. Le seul fait d’ytravailler aide dans sa préparationpsychologique, en obligeant à tour-ner la page et à se projeter dansl’avenir. Le projet, c’est le cahier descharges de sa future activité, avecdes éléments qualitatifs et quanti-tatifs : métier, type, taille et cultured’entreprise, secteur d’activité, stylede manager, équipe, budgets, etc.

Trois questions pour un projetConstruire un projet, c’est se posertrois types de questions, et surtouty apporter des réponses. Premièrequestion : « Qu’est-ce que je saisfaire ? » C’est le plus facile, la par-tie visible de l’iceberg. Il suffit de re-garder dans le passé les métiers, lessecteurs, les compétences acquises,les réalisations et de synthétiser.Deuxième question : «Qu’est-ce queje suis capable de faire?» C’est déjàplus difficile. Chacun sait ce qu’il aété capable de faire dans tel ou telenvironnement, mais ignore ce qu’ilserait capable de faire dans un nou-vel environnement inconnu. Cela dé-pend de sa nature propre : valeurs,relation au pouvoir, sens politique,caractéristiques psychologiques, ca-pacités de communication, freins etmoteurs, etc.Troisième question, enfin : «Qu’est-ce que j’ai envie de faire ? » C’est leplus difficile, et il faut être très hon-

nête avec soi-même pour pouvoir ré-pondre à cette question, qui estpourtant la plus importante. En effet,il y a une énorme différence entreun métier que l’on a envie de faireet un métier que l’on n’a pas, ou plusenvie de faire. Cela dépend aussi del’âge : nous pouvons nous forcer àfaire quelque chose qui ne nous plaîtplus à quarante ans, mais pas au-delà de cinquante ans.

Le cœur et la raisonEn fonction des réponses aux ques-tions ci-dessus et plus spécifique-ment de la troisième, on peut abou-tir à deux types de projets : le projetde la raison et le projet du cœur.Le Projet de la raison s’inscrit dansla continuité, le bateau continuerasur son cap, en changeant un ré-glage de voile, mais rien de fonda-mental : même métier, même sec-teur, même type d’entreprise.Le Projet du cœur consiste à envisa-ger un changement significatif, unvirement de bord vers un autre port :changer de métier, de secteur, créerou reprendre une entreprise, unestart-up, devenir indépendant, fairedes missions, du conseil.

LA JAUNE ET LA ROUGE • AVRIL 2010

Souhaitée ou subie, toute transition professionnelle est un défi qu’ilfaut relever. La réussite dépend de facteurs difficiles à maîtriser :le marché de l’emploi, la crise, le secteur d’activité. Mais elledépend surtout de l’énergie déployée et des capacités decommunication.

32

EMPLOI

Le changement vouluChoisir le projet du cœur, c’est en-visager un changement majeur demétier, de secteur ou de type d’en-treprise, de passer du public auprivé, d’une start-up à une grandeentreprise, d’un groupe multinatio-nal à une PME familiale, de quitterla recherche pour rejoindre unestart-up, de faire du conseil, etc. Celapeut arriver avant trente ans. Dansce cas, le changement peut êtreassez facile si la motivation est là,car les habitudes ne sont pas encoreancrées. Cela arrive plus souventautour de quarante ans, lors de cettecrise personnelle et professionnelle,appelée midlife crisis par les Anglo-Saxons.À ce moment-clé, on se rend compteen général de ses limites de tempsou d’énergie, ainsi que des contrain-tes. Tout peut basculer si ce chan-gement échoue.Après cinquante ans, beaucoup res-sentent la nécessité de faire quel-que chose de différent : quitter le sa-lariat, se mettre à son compte, faire

Une recherche dure en

moyenne cinq à six mois

si l’on est bien préparé

Une chance sur sixLa plupart des personnes, sauf

les plus âgées, ont un projet de

la raison, de continuité. Mais, la

moitié ont aussi un projet du cœur.

Parmi ces projets du cœur, deux

tiers sont utopiques ou préma-

turés, et conduisent à se rabattre

sur le projet de la raison. Mais un

tiers de ces projets du cœur sont

réalistes, et ce sont des réussites.

Cela donne statistiquement une

chance sur six de porter en soi

un excellent projet du cœur qui

donnerait un nouveau départ

à une vie professionnelle.

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P.40-49 Emploi-Prudhomme 21/10/11 17:01 Page 48

EXPRESSIO

NS

du bénévolat, diminuer son rythmede travail. La plupart sous-estimentles difficultés et se lancent à fondsans préparation préalable.En cas d’échec, l’on retrouve quel-ques années plus tard ces person-nes dans des situations compli-quées, avec des explications peuconvaincantes sur leur changementet certains handicaps pour retrou-ver un emploi qui leur convienne.

Le changement subiDans ce cas et quel que soit son âge,il est fortement recommandé de né-gocier avec son employeur la priseen charge d’un accompagnementadapté (outplacement) dans le cadred’une éventuelle transaction :construire ou affiner son projet pro-fessionnel, se préparer à communi-quer autour de son projet avant d’en-tamer sa recherche, augmentantainsi les chances de réussite.

Le changement souhaitéLe dilemme est le suivant. Ou bienl’on a trouvé un nouvel emploi. Maisalors est-on sûr que ce changementsera bénéfique à long terme? N’est-ce pas lâcher la proie pour l’ombre?Ou alors l’on n’a pas encore trouvé,mais alors comment le recherchertout en étant en poste ? Ne risque-t-on pas de prendre le premier postequi se présentera ?Un minimum de réflexion et de pré-paration s’impose donc.

Constituer un réseauPosséder déjà un réseau opération-nel de contacts dans son milieu nepeut que faciliter la tâche. Sinon, ilest indispensable de le créer à l’oc-casion de ce changement et ce seralong et difficile. En effet, les petitesannonces, les cabinets de recrute-ment et les chasseurs de têtes nesont pas, sauf exception, les voiesles plus favorables pour réussir unchangement significatif : une démar-che de réseau bien menée a beau-coup plus de chances de réussir. Leproblème est que cette démarcheest difficilement compatible avec latenue effective d’un poste.

Conclure et tourner la pageIl faut d’abord conclure la recherche.

Beaucoup de personnes ont été ren-contrées, il faut les informer. Envoyersa nouvelle carte de visite profes-sionnelle est un bon moyen de resteren contact. La période des vœux defin d’année est aussi très utile. Unréseau s’entretient, et doit marcherdans les deux sens.Savoir ensuite tourner la page. Unerupture d’une semaine est un mi-nimum, un mois est idéal. Il fautdésapprendre son passé et com-mencer à inventer son futur. Onentre dans une autre tribu, où lesrites tribaux sont différents, surtoutsi la distance culturelle à franchirest importante comme, par exem-ple, du public au privé, ou d’ungrand groupe à une PME ou unestart-up.

Persévérer pour réussirOn dispose en général d’une périodede grâce, de trois mois peut-être,avec des droits et des devoirs parti-culiers. L’état de grâce terminé, onattend des résultats. Par où com-mencer ? La plupart des personnesremerciées en fin de période d’es-sai ne s’y attendent pas du tout. Ellesavaient pourtant l’impression d’avoirbien fait, mais selon leurs priorités.Se donner comme objectif d’appor-ter des résultats qui comblent lesattentes de chaque personne-clé,

en fonction de ses priorités. Appor-ter beaucoup de soins à effacer lescraintes que certains pouvaientavoir. Montrer que sa réussite nese fera pas au détriment de leursuccès.En général, le DRH va poser la ques-tion de confiance «Allons-nous gar-der M. X ? » au bout de quelquesmois de présence. Si le patron estcontent, mais que le DRH a entendud’autres avis négatifs, ils vont creu-ser : il suffit de deux ou trois avis né-gatifs pour une élimination.S’il n’est pas prévu de période d’es-sai dans le contrat, la question seratout de même posée, et si la réponseest négative, la seule différence estque l’élimination coûtera un peu pluscher à l’entreprise.Après la période d’intégration, on at-tend du nouvel arrivant qu’il soit to-talement opérationnel. Il faut appor-ter la valeur ajoutée pour laquellel’on a été embauché dans la durée.L’horizon doit se limiter à cela pen-dant deux ans au moins, avant quel’on puisse légitimement commen-cer à demander What’s next ? enfonction de sa réussite. ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • AVRIL 2010 33

Créé il y a plus de quarante ans,le Bureau des Carrières de l’AXpropose des entretienspersonnalisés, des séminaireset ateliers, l’accès à différentsréseaux ainsi que des moyenslogistiques.

La plupart sous-estiment les

difficultés et se lancent à fond

sans préparation préalable

Tourner la page, c’est

désapprendre son passé et

commencer à inventer son futur

La préparationConnaître ses forces et faiblesses,être clair avec soi-même, évaluerses freins et moteurs, sesmotivations profondes. Se fixerdes objectifs à cinq ans et àdix ans. Avoir en outre, de manièreinnée ou acquise, la capacité decommuniquer sur son nouveauprojet, par écrit (CV) et oralement(entretiens), avec les réponses auxobjections, les explications etl’enthousiasme indispensablespour donner envie à un employeurpotentiel d’aller plus loin.

L’état de grâcePendant les cent premiers jours,on peut poser des questions,s’étonner, demander de l’aidepour comprendre commentfonctionne l’organisation. Évitezde trop parler de son passé et deses réussites. Avant tout, identifierles dix à quinze personnes-clésqui auront leur mot à dire en finde période d’essai. Ce sont despersonnes du niveau au-dessus(patron, grand patron), de sonniveau (membres du même Comitéde direction) et du niveau endessous (certains collaborateurs).Les rencontrer chacune indivi-duellement, suffisamment pouravoir une idée précise des attenteset des craintes de chacune. Faireune liste de ces attentes etcraintes.

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Le doctorat, diplôme le plus élevé de l’enseignement supérieur, donne moinsfacilement accès à des emplois à duréeindéterminée que les diplômes de niveau«bac + 5». Les docteurs sont pourtant les cadres de la recherche. Les effortsd’information et de communication qui sontnécessaires pour attirer les candidats et leursemployeurs futurs ne peuvent reposer quesur une base solide : la qualité du doctorat.

■ Paradoxe : les jeunes qui, pourvus d’undiplôme de niveau bac + 5, consacrent trois ouquatre ans de plus à préparer un doctorat trou-vent moins facilement que leurs camaradesun emploi à durée indéterminée. Qu’est-ce quipeut pousser un diplômé à faire ce parcours sup-plémentaire? Qu’est-ce qui explique l’attitudedes employeurs ?

C’est la tension entre ces deux éléments, l’in-térêt collectif du doctorat et son attractivitépour les jeunes talents et pour les employeurs,qui caractérise une situation encore déficiente,chargée d’un poids historique, affligée de plu-sieurs contradictions, mais en pleine évolu-tion positive.Le point de vue exprimé ici est celui d’un prati-cien, chargé d’une responsabilité partielle, cellede faire fonctionner, par délégation du minis-tère de la Recherche, les Conventions indus-trielles de formation par la recherche (Cifre), oùles doctorants préparent leur thèse comme sala-rié d’une entreprise, en collaboration avec unlaboratoire public, avec l’aide d’une subventionde l’État. Dispositif créé en 1981, en applicationd’un rapport dû à nos camarades Fréjacques,Pierre et Déjou. Il n’a cessé de se développer :aujourd’hui, un nouveau docteur français sursept (hors doctorat ès lettres) en est issu. On luidoit une bonne partie des recrutements de doc-teurs par les entreprises, une autre étant due àl’action de l’Association Bernard Grégory.

Les docteurs dans les entreprisesLes entreprises françaises embauchent cha-que année presque le tiers des nouveaux doc-teurs qui cherchent un emploi en France. Onne fait guère mieux dans les pays comparables.Mais qui n’a entendu l’histoire du Français auxdeux cartes de visite, son titre de docteur nefigurant que sur celle qu’il destine à l’étran-ger? Qui n’a entendu, en contrepoint des com-pliments adressés à la qualité des ingénieursfrançais, le reproche fait aux grandes écolesde détourner du doctorat et de la recherche« nos meilleurs cerveaux » et aux entreprisesd’embaucher des ingénieurs plutôt que desdocteurs ?Les docteurs sont le plus souvent recrutés àl’initiative des responsables de la recherche.Les directeurs des ressources humaines, auniveau d’une direction générale, ne connais-sent pas les docteurs, au sens où ils ne cher-

L’emploi des docteurs

et l’évolution du doctorat

LA JAUNE ET LA ROUGE • DÉCEMBRE 2009

PAR DENIS RANDET (59)

délégué général del’Association nationalede la recherche et de latechnologie (ANRT)

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RECHERCHE ET SOCIÉTÉ

REPÈRESDans tous les pays, les docteurs sont lesprincipaux cadres de la recherche. Dans larecherche publique, le titre est nécessaire à peuprès partout. Dans la recherche privée, il y aconcurrence avec des ingénieurs qui n’ont pasle titre, mais la qualification internationale dudoctorat renforce désormais son importance.Les doctorants constituent une part importantede la force de travail de recherche publique : enFrance, à peu près la moitié.En France, où malheureusement les passagesdu public au privé en cours de carrière sont« homéopathiques », les docteurs constituent laprincipale passerelle humaine entre la recherchepublique et la recherche privée.Le doctorat et le postdoctorat sont un moyen pourles pays les plus développés, à commencer parles États-Unis, d’attirer des travailleurs dequalité, dont une partie restera sur place, ou qui,au moins, conserveront des liens avec lesréseaux locaux.

Dans unlaboratoireaméricain, êtredocteur estindispensableen termes decrédibilité

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LA JAUNE ET LA ROUGE • DÉCEMBRE 2009

chent pas à identifier ce diplôme pour la ges-

tion de leurs personnels.

Ensuite, à la différence de ceux qui ont choisi

le secteur public, beaucoup des chercheurs

recrutés par les entreprises quittent la recher-

che après quelques années. Il n’est pas facile

de savoir si ce passage initial par la recherche

leur ouvre des perspectives plus intéressan-

tes, même si l’on entend dire, ici ou là, qu’ils

sont bien adaptés à l’environnement ouvert et

changeant des entreprises modernes.

Le doctorat est en train de devenir le passe-

port des chercheurs employés par les entre-

prises multinationales. Certaines entreprises

l’affirment de manière précise : « Si j’envoie

un chercheur français dans un de mes labora-

toires américains, il faut qu’il soit docteur ;

c’est indispensable en termes de crédibilité

et d’accès aux réseaux. »

En France, les entreprises ont encore du mal

à apprécier la qualité de la formation univer-

sitaire et du doctorat. Le titre de docteur est

encore accordé avec des niveaux d’exigence

mal définis, d’ailleurs inévitablement varia-

bles, puisqu’il s’agit apprécier un travail per-

sonnel et non des résultats d’examens.

Quel salaire d’embauche ?Les pratiques ne sont pas uniformes et elles

évoluent, plutôt à la hausse. Il est encore assez

courant qu’un docteur soit recruté comme un

cadre avec un ou deux ans d’ancienneté, alors

qu’il en a au moins trois. Mais un cadre de quel

niveau ? De plus en plus d’entreprises pren-

nent comme référence les grandes écoles de

niveau A. Le doctorat peut donc être financiè-

rement intéressant dès cette première embau-

che pour ceux qui sortent d’autres écoles ou

de masters d’université. A contrario, les nor-

maliens et autres polytechniciens ou centra-

liens qui veulent faire carrière dans le privé

ne trouvent pas ici d’incitation pour commen-

cer par la recherche.

Faut-il légiférer? C’est une tentation française

classique. Mais attention aux effets pervers :

des entreprises pourraient alors ne pas recru-

ter des personnes qu’elles seraient obligées

de payer trop cher pour l’opinion qu’elles en ont.

Commençons par améliorer la qualité et la

faire reconnaître.

Se dégager du poids du passéCe passé pèse encore lourd. Il y a eu trop de

travaux sans impact véritable, de doctorants

insuffisamment encadrés, voire isolés, de

rémunérations dérisoires sans couverture

sociale, d’indifférence à l’insertion profes-

sionnelle des docteurs. Cas minoritaires, mais

assez nombreux pour affecter l’image de l’en-

semble.

S’engager en connaissance de causeOn a connu trop de jeunes diplômés s’enga-

geant dans un doctorat par continuité, sous l’in-

fluence de leur environnement immédiat,

sans information ni réflexion sur leur avenir.

Le premier impératif est de s’assurer qu’on

a du goût pour la recherche, surtout pour les

élèves des écoles, où le contact avec les cher-

cheurs s’avère moins naturel, même s’il y a

eu beaucoup de progrès.

La question des débouchés ultérieurs a été

beaucoup négligée; elle est maintenant prise

en compte, comme une des missions impor-

tantes des écoles doctorales. Mais fournir

l’information pertinente au bon moment reste

un souci.

Une faible rémunération en débutde carrièreLa rémunération des doctorants est l’élément

comparatif le plus directement accessible et

l’explication la plus évidente du manque d’at-

tractivité du doctorat. Une fois les abus corri-

gés, ce qui est maintenant à peu près le cas en

France où la plupart des doctorants bénéficient

d’un statut professionnel, il reste que les années

Il fautcommencer

par améliorerla qualitéet la faire

reconnaître

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Des salaires très variablesEn Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les doctorants sont recrutés sous contratà durée déterminée par les universités; laparticipation des entreprises se concrétisepar les contrats de recherche ou les dotations.La rémunération des doctorants est variable :en Allemagne, le salaire annuel est de l’ordrede 17000 euros pour un statut d’employéscientifique; au Royaume-Uni, il varie de 18000à 36000 euros. En France, la moyenne desallocations annuelles offertes par les différentsdispositifs est de 22000 euros. L’implicationd’une entreprise permet d’offrir une meilleurerémunération : en 2008, dans le cadre dudispositif Cifre, où le doctorant est salariéd’une entreprise, le salaire moyen a été de26500 euros.

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de doctorat impliquent un sacrifice financier.C’est vrai dans tous les pays de référence : ledoctorant souffre partout de l’ambiguïté de sasituation, mi-étudiant, mi-chercheur.

Des difficultés dans le monde entierDans les trois pays les plus significatifs pourune comparaison, c’est-à-dire les États-Unis,la Grande-Bretagne et l’Allemagne, la ques-tion de l’attractivité du doctorat est posée. Etc’est bien la faiblesse comparative des rému-nérations initiales qui est en cause. Les États-Unis s’en sortent en attirant les doctorants dumonde entier, mais s’inquiètent de la vulné-rabilité correspondante.La Grande-Bretagne et l’Allemagne se sou-cient de la qualité du doctorat, avec des éclai-rages différents : en Grande-Bretagne, c’estle caractère trop étroitement académique quirebute les entreprises ; en Allemagne, oùl’image du doctorat est excellente, y comprispour les entreprises, la difficulté est la conti-nuité du travail de thèse, car de nombreux doc-torants travaillent en alternance, faute encoreune fois d’une rémunération suffisante.

Une formation trop étroite ?Le reproche le plus fréquent que les entre-prises font à la formation doctorale est quecelle-ci ignore les réalités de leur vie. Ce repro-che vise la formation universitaire, puisqu’el-les disent n’avoir pas de doute à l’égard desdocteurs qui sont ingénieurs. Cela renvoie àune réalité plus générale, qui ne concerne pasque l’emploi par le secteur privé : dans lemonde de l’open innovation, on a besoinaujourd’hui de formations plus ouvertes. Etce pour plusieurs raisons : travail en équipe,interdisciplinarité croissante, développementdes échanges internationaux, importance, dèsle stade de la recherche, des enjeux sociauxet économiques.Dans le cadre des écoles doctorales, des for-

mations complémentaires font maintenantpartie du bagage. Cependant, la préparationd’une thèse absorbe beaucoup de temps, etces formations ne peuvent dépasser quelquessemaines. D’abord, il faut essayer de faire lemaximum de choses pendant le master, commele font les écoles : le doctorat n’est pas unepériode de rattrapage. Sans mettre en causel’efficacité du master, la Grande-Bretagneenvisage, tout en redoutant des effets per-vers, de prolonger le doctorat. Aux États-Unis,celui-ci s’étale souvent sur quatre ou cinq ans,avec des formations de niveau très élevé pourles meilleurs doctorats.

La pertinence avant l’excellenceSi l’on veut améliorer la situation française,il faut faire progresser la qualité du doctoratet les manières de la démontrer. Augmenterle nombre n’est pas en soi un objectif. LaFrance a d’ailleurs un nombre de docteursconvenable en proportion de son effort derecherche (environ 8000 par an, hors lettres).C’est sur la qualité des sujets, des doctorants,de l’encadrement et du suivi que peuvent seconstruire la reconnaissance et la notoriétédu doctorat. Le concept de pertinence est iciplus approprié et exigeant que «l’excellence»tant invoquée.

Dans un contexte de plus en plus marqué parla responsabilité et la mise en concurrence, ily aura de fortes différenciations. Il est impor-tant que la « performance » de la formationdoctorale soit mesurée et que les moyens

LA JAUNE ET LA ROUGE • DÉCEMBRE 200922

Le doctorantsouffre partoutde l’ambiguïtéde sa situation,mi-étudiant,mi-chercheur

RECHERCHE ET SOCIÉTÉ

Travailler avec les entreprisesLes dispositifs qui permettent aux étudiants, puisaux doctorants, de travailler avec les entreprisessont très formateurs. À commencer par lesstages de master, qu’il faudrait d’autant plusdévelopper qu’ils peuvent aider au bon momentà faire un choix d’orientation en connaissance decause.

Promouvoir la notoriétéLe doctorat est, pour l’avenir, un enjeu majeurdans la réputation des universités françaiseset un des déterminants de l’image des grandesécoles. Ces dernières en ont pris conscienceet la recherche y tient une place croissante.Les universités françaises sont moins entraînéesà promouvoir leur image. Et le paysageuniversitaire français, en pleine transition, estassez difficile à déchiffrer depuis l’étranger.Accroître la masse d’une université, à desniveaux approchant la centaine de milliersd’étudiants, n’est pas un moyen de progresserdans les classements internationaux. Enrevanche, il peut être judicieux de s’associer,entre universités et avec de grandes écoles, pourconstituer de véritables Graduate Schools,véhicules d’une notoriété internationale.

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accordés dépendent des résultats. Il faudraêtre plus exigeant sur des éléments que l’onconnaît depuis dix ans : l’intérêt des sujets dethèse, la qualification des doctorants, les condi-tions de travail et, in fine, la qualité de la sou-tenance et de la délivrance du diplôme.

Sur un sujet aussi complexe, en pleine évo-lution, qui porte encore le poids d’insuffisan-ces anciennes, on pourrait ne retenir de ce texte

qu’une tonalité critique. Rappelons que, bienmené, le doctorat est une occasion d’excep-tion dans une vie professionnelle. Pour unjeune doctorant, n’est-ce pas une chance dese trouver investi, avec trois ou quatre ansde liberté de manœuvre, d’un travail origi-nal, porteur d’un véritable impact, dont onlui attribuera sans contestation le mérite ?Travail qu’il accomplira entouré de gens pas-sionnés, dans une atmosphère d’enthou-siasme et de découverte, en ayant accès àun « maître » qui prendra tout le temps derépondre à ses questions en le traitant déjàcomme un égal ; travail où il sera en relationavec un réseau international de personnesqui s’intéressent au même sujet. Pourquoidouter de son avenir ? ■

Cet article est une adaptation raccourcie d’un chapitredu livre Futuris 2009, publié aux éditions Odile Jacob.Ce chapitre a été écrit avec Clarisse Angelier (chefdu service Cifre à l’ANRT), Hervé Biausser (directeurde l’École centrale Paris) et Jean-Claude Lehmann(ancien directeur de la Recherche de Saint-Gobain,membre de l’Académie des technologies).

Il faut faireprogresser la

qualité dudoctorat et lesmanières de la

démontrer

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Un indicateur importantLe recrutement des docteurs par les entreprisesest un indicateur important. Dans lescollaborations qu’elle établit avec elles, larecherche publique doit donner au doctorat uneplace significative. Il est tout aussi nécessaireque les entreprises considèrent le doctoratcomme un élément important de leur stratégied’innovation. Cela ne se fera pas sans améliorerla connaissance réciproque : combien de DRH etde responsables d’écoles doctorales ont eul’occasion de s’expliquer?

PAYS

SECTEUR D’ACTIVITÉ

AllemagneSuisseFrancePays-basRoyaume-UniÉtats-UnisMoyenne sur 11 pays

NOMBRE DE DOCTEURS AU CE3,93,71,61,51,21,41,9

POURCENTAGE DE DOCTEURS57,3 %31,4 %20,5 %17,6 %14,3 %

8,1 %13,7 %

POURCENTAGE DE DOCTEURS30,1 %23,3 %23,1 %21,3 %19,0 %13,0 %13,7 %

NOMBRE DE DOCTEURS AU CE2,62,532,531,81,9

ChimieAutomobileÉlectroniquePharmacieLogicielsAérospatialMoyenne sur 14 secteurs

La place des docteurs dans les comités exécutifsPeut-on évaluer la place des docteurs dans l’élaboration des stratégies des grandes entreprises?À titre indicatif et sans prétention statistique, l’analyse suivante porte sur 72 entreprises appartenant au«Top 100» des entreprises mondiales actives en R&D, recensées par le «R&D Scoreboard». On compteen moyenne près de deux docteurs au sein de chaque comité exécutif et un membre du comité exécutif sursix est docteur. Deux pays se situent largement au-dessus de cette moyenne, l’Allemagne et la Suisse.Mais la France (étude sur cinq entreprises) dépasse également la moyenne. Aux États-Unis, la proportionest plus faible. Cette proportion de docteurs dans les instances dirigeantes dépend aussi des secteurs.Elle est forte dans les industries chimiques et l’automobile où l’Allemagne est très représentée.

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Les ingénieurs polytechnicienssont parmi les plus satisfaits

■ La formation des ingénieursdans les écoles habilitées par laCommission des titres d’ingénieurdure en moyenne cinq ans après lebac. Les polytechniciens, dans leurgrande majorité, sont issus desclasses préparatoires, alors queprès de la moitié des ingénieurs engénéral sont passés, soit par desclasses de préparation intégrées,soit par des études universitaires.L’acquisition d’un ou plusieursdiplômes complémentaires estbeaucoup plus répandue chezles X. Par exemple, 12 % contre8 % en moyenne ont acquis un se-cond diplôme à l’étranger, ou en-core 16 % contre 13 % en moyennepossèdent un diplôme de gestion.

Deux X sur troisen région parisienneL’industrie, dont on sait que lepoids n’est plus aujourd’hui que del’ordre du quart de l’activité desentreprises, emploie la moitié desingénieurs français et environ 40 %des polytechniciens. Ceux-ci sontdéjà beaucoup plus engagés dansle secteur en pointe des serviceset du tertiaire.

Au niveau des responsabilités, prèsde 21 % des polytechniciens enactivité exercent des fonctions dedirection générale, trois fois plusque la moyenne des ingénieurs.Corollaire du secteur d’activité etdu niveau de responsabilité, prati-

quement deux polytechniciens surtrois travaillent en région pari-sienne. Le pourcentage d’ingé-nieurs travaillant à l’étranger, del’ordre de 13 %, est à peu près lemême quelles que soient les éco-les. Le fait d’avoir travaillé àl’étranger, ne serait-ce qu’un anou deux, est massivement perçucomme bénéfique pour la carrière.

Des salaires plus élevésque la moyenneLe salaire médian des ingénieursfrançais se situait à environ52 000 euros (brut annuel sur l’an-née 2006).Le salaire médian des polytechni-ciens était de 96 000 euros, soitprès du double. Médian signifie quela moitié gagnait moins et la moitiégagnait plus, critère plus significa-tif que le salaire moyen (faussé parl’existence de très hauts salaires).À noter que 10 % des ingénieursgagnaient plus de 100 000 euros et10 % des polytechniciens, plus de220 000 euros.

LA JAUNE ET LA ROUGE • DÉCEMBRE 2007

La dix-huitième enquête socioéconomique du Conseil national desingénieurs et scientifiques de France (CNISF) dresse un tableau dela situation des ingénieurs français au 31 décembre 2006. Exerçantde plus hautes responsabilités que la moyenne, mieux rémunérésdans l’ensemble, les ingénieurs polytechniciens comptent égalementparmi les plus satisfaits de leur sort.

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CARRIÈRES

Le salaire médian s’élèveà 52 000 euros pourles ingénieurs françaiset à 96 000 euros pourles polytechniciensIl varie considérablementen fonction de laresponsabilité exercée

REPÈRESL’enquête socioéconomique conduite par

le CNISF auprès des ingénieurs

diplômés dans les écoles françaises a

été recueillie au mois de mars 2007 et

porte sur leur situation au 31 décembre

2006. Plus de 40 000 ingénieurs dont

1 250 X ont répondu au questionnaire,

proposé exclusivement sur Internet, sur

un total estimé à 640 000 ingénieurs de

moins de 65 ans, dont environ

14 500 polytechniciens. Il ne s’agit donc

pas d’un sondage au sens scientifique du

terme, mais la taille de l’échantillon

assure une bonne représentativité.

L’ensemble des résultats est disponible sur demande auprès du Bureaudes Carrières de l’AX. Tél. : 01 56 81 11 14.Courriel : carriè[email protected]

PAR JEAN-MARC CHABANAS (X 58)

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Ces salaires médians varientconsidérablement en fonction dela responsabilité exercée. Ils attei-gnent 155 000 euros pour les poly-techniciens exerçant des fonctionsde direction générale.Un tiers des ingénieurs âgés de 30à 40 ans perçoit une partie de sonsalaire sous forme variable, la partvariable représentant en moyennemoins de 20 % du salaire. Deuxtiers des polytechniciens sontconcernés par la rémunérationvariable, la part variable atteignanten moyenne près de 25 %.À âge égal, les hommes sont sys-tématiquement mieux rémunérésque les femmes (écart de 3 % à19 % suivant l’âge), ce qui ne sem-ble pas vrai pour les polytechni-ciens, sur un échantillon réduit, ilest vrai. La polytechnicienne de45 ans serait même mieux traitéeque son collègue masculin.

Satisfaction générale,mais trop de « stress »Interrogés sur leurs motifs desatisfaction, les ingénieurs français,quelle que soit leur origine, s’ac-cordent pour être satisfaits de l’in-térêt de leur travail à plus de 90 %et personnellement épanouis pourles deux tiers. Un peu plus de lamoitié seulement est satisfaite parson salaire. La moitié égalementaffirme être sûre de son emploi.C’est au chapitre des insatisfac-tions qu’apparaissent de plus sen-sibles différences. Un tiers despolytechniciens souffre d’un excèsde stress ou d’une charge de tra-vail trop importante. Cette propor-tion atteint 45 % chez les ingé-nieurs en général. ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • DÉCEMBRE 2007 63

Engagez-vous, rengagez-vousBravo aux 1 250 polytechniciens quiont répondu à l’enquête. Ce nombrereste toutefois un peu faible pourcertaines analyses statistiques quiseraient d’un grand intérêt.Merci d’apporter votre contribution àla prochaine enquête.

FORMATION DES DIPLÔMÉS À LEUR ENTRÉEEN FORMATION D'INGÉNIEUR

Formation Ensemble des écoles Polytechniciens

Bac (prépas intégrées) 21,7 % 0,8 %

Classe préparatoire 51,1 % 94,5 %

Autres (DUT, DEUG, Maîtrise, etc.) 27,2 % 4,7 %

POURCENTAGE DE DIPLÔMES COMPLÉMENTAIRES

Type de diplôme Ensemble des écoles Polytechniciens

Double diplôme d'ingénieur en France 8,5 % 78,7 %

Double diplôme d'ingénieur à l'étranger 7,0 % 11,8 %

Diplôme de gestion – management 13,2 % 15,9 %

Diplôme de sciences 14,4 % 18,7 %

Mastère spécialisé 2,9 % 0,7 %

Thèse 6,7 % 15,3 %

Effectif 638 540 14 552

SECTEUR D'ACTIVITÉ

Secteur Ensemble des écoles Polytechniciens

Agriculture 2,7 % 0,3 %

Industrie 50,7 % 41,3 %

Bâtiment et travaux publics 4,7 % 3,0 %

Services et tertiaire 41,9 % 55,4 %

SALAIRES BRUTS ANNUELS 2006

Distribution Ensemble des écoles Polytechniciens

1er quartile (25 % ont gagné moins que) 38 250 57 000

Médiane (50 % ont gagné plus,

50 % moins) 51 550 96 000

3e quartile (25 % ont gagné plus de) 73 000 148 000

Moyenne 63 000 114 000

ACTIVITÉ DOMINANTE

Type d'activité Ensemble des écoles Polytechniciens

Production et fonctions connexes 22,8 % 10,7 %

Études, recherche et conception 30,2 % 29,6 %

Informatique 17,8 % 12,3 %

Commercial, marketing 10,0 % 7,0 %

Administration, gestion 4,5 % 9,7 %

Direction générale 7,9 % 20,9 %

Enseignement 2,3 % 1,5 %

Autres 4,5 % 8,3 %

LOCALISATION DES EMPLOYEURS

Localisation géographique Ensemble des écoles Polytechniciens

Région parisienne 38,3 % 64,9 %

Rhône-Alpes 10,4 % 4,6 %

PACA et Corse 4,6 % 4,2 %

Autres régions françaises 33,4 % 23,1 %

Étranger 13,3 % 13,2 %

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CARRIÈRES

Q « Je suis un contre-exemple,affirme Nicolas Zarpas, puisque, entréà 21 ans dans le groupe Péchineycomme ingénieur-balai, je n'en suissorti que quarante ans plus tard, à latête de plusieurs sociétés du groupeconstituant une division de plus de1 000 personnes. »

L'art de négocier

Entré tout jeune au groupe Péchiney,dans la perspective de la créationfuture d’une usine en Grèce, son paysd’origine, Nicolas Zarpas s’est vud’abord proposer une mission dansune usine d’alumine en Guinée, enfabrication puis dans le cadre des rela-tions entre les actionnaires, « dont lesintérêts divergeaient » et des rela-tions, également tendues, avec le gou-vernement guinéen « qui inauguraitson indépendance conseillé par desTchèques et des Chinois. Les métho-des étaient alors assez brutales et j’aivu disparaître tragiquement certainscollaborateurs de l’usine. »Il retient des bons côtés de cette période« l’acquisition de la pratique des négo-ciations extrêmement difficiles » etl’anecdote romanesque d’avoir étérefoulé de Guinée pour avoir étédénoncé comme « un agent del’Intelligence Service ».

Du contrôle de gestion

à la Présidence

À trente ans, l’usine grecque promiseétant réalisée, il prend la coordina-tion technique d’un ensemble d’usi-nes d’alumine. « Basé à Paris, j’ai réa-lisé un nombre considérable de voyagesà travers le monde. » Il devient ensuite

« contrôleur de gestion de la branchealuminium du groupe ».Quelques réflexions peu goûtées surla gestion l’amènent à un nouveau etdernier virage de carrière qui le voitprendre la présidence d’une sociétédu groupe Péchiney, à laquelle sixautres Business Units viendront s’ajou-ter au fil des ans. À la tête de ces socié-tés « relativement techniques, opé-rant sur des créneaux très précis »,il exerce jusqu’à sa retraite des fonc-tions très internationales.

L’homme de l’aluminium

Après avoir multiplié les expérienceschez un seul et même employeur, c’estparadoxalement à l’âge de la retraiteque Nicolas Zarpas va multiplier les cas-quettes. Il se voit confier de nombreu-ses missions par l’Union européenne,en tant que spécialiste de l’aluminium,en Mandchourie, en Égypte ou auMonténégro.« L’Union européenne apporte sonaide à travers le monde sur différentssujets techniques. Reconnu commespécialiste de l’aluminium, j’expliciteles activités des grandes entreprises

du secteur et les points que les Occi-dentaux considèrent comme essen-tiels. » Une bonne occasion de met-tre le doigt sur les « différencesculturelles ».« Il est passionnant, raconte NicolasZarpas, de voir comment une mêmeréalité peut être appréhendée de façontotalement différente à l’autre bout du monde. Par exemple, enMandchourie, l’homme le plus impor-tant de l’usine est le chef de la com-mission disciplinaire du parti. »

Le retour du PSU

Non, le PSU n’est pas ce qu’on pour-rait imaginer, mais les initiales dePapy Start Up, une entreprise,Noematics, fondée avec quelques

66 LA JAUNE ET LA ROUGE - NOVEMBRE 2007

Nicolas Zarpas, X 58, de nationalitéhellénique, 2 enfants, a effectué toute sa carrière dite active au groupe Péchineyet, bien qu'officiellement retraité, reste toujours aussi actif, que ce soit aubénéfice de l'Union européenne, à l’appuiau développement de moteurs derecherche pour les entreprises, ou encoredans son rôle bien connu de responsable du Bureau des Carrières.Pratiquant assidûment l'anglais et le grec,il effectue volontiers des séjours dans sonpays natal où il s'active à remettre en étatla maison familiale.

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Nicolas Zarpas (X 58)

« Le plus important,c’est l’intérêt du travail »

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autres camarades de sa promotion,tous retraités mais encore bien verts.Cette société, éditrice de logiciels degestion du contenu autour d’un outilde recherche d’information, s’adresseà des entreprises moyennes telles queconsultants en stratégie, conseils,intégrateurs ou caisses de retraite,comptant en gros de cinquante à quel-ques milliers de personnes. « Noussommes en mesure, par rapport auxgrands du secteur, de proposer dessolutions et des services bien adap-tés à la taille et aux besoins de l’en-treprise. »Aujourd’hui, Nicolas Zarpas consacreles trois quarts de son temps au Bureaudes Carrières de la Société amicaledes anciens élèves de l’École poly-

technique, qui, tient-il à souligner,s’adresse aux jeunes tout autant qu’auxplus anciens.

Un style de communication

Quel rôle a joué son appartenance à lacommunauté polytechnicienne aucours de cette longue carrière ?« Certes, elle m’a servi dès le départ,répond Nicolas Zarpas, puisquePéchiney cherchait tout à la fois unjeune ingénieur provenant d’une écolerenommée et quelqu’un susceptible desuperviser une installation en Grèce. »« J’ai eu souvent l’occasion de tra-vailler avec des polytechniciens, ousous leurs ordres. Nous partagionsun style commun qui permet de pren-dre des raccourcis et facilite incon-testablement la communication entreX comme avec les autres. »

Les risques du toboggan

Que retenir de cette carrière bien rem-plie et loin d’être terminée ?

« L’unicité de l’employeur, notionaujourd’hui bien dépassée, ne nuit pasà la diversité des activités, à condi-tion d’accepter de ne pas atteindreaux plus hauts niveaux ou aux plushauts salaires. J’ai connu une suitede métiers passionnants, avec unegrande variété de domaines d’activité,de zones géographiques et d’hommesde toutes cultures. »Il en retire que « l’intérêt du travailprime sur toute autre considération. »En second lieu, « il est impératifaujourd’hui de savoir gérer sa car-rière. Et il existe pour cela des métho-des. J’ai connu moi-même le syn-drome du toboggan, où, parti du pointle plus haut, je n’avais qu’à me lais-ser glisser en suivant les virages.Aujourd’hui, si l’on n’a rien prévu pourgérer sa carrière, on tombe du tobog-gan au premier virage. »

Propos recueillis

par Jean-Marc Chabanas

LA JAUNE ET LA ROUGE - NOVEMBRE 2007 67

Comment gérer quatre carrières

EN SAVOIR +

Nicolas Zarpas, dont la carrièrepersonnelle s'est avérée monolithique,au moins au niveau de l'employeur,estime qu'aujourd'hui, un jeunepolytechnicien quittant l'école« changera plus de quatre foisd’employeur durant sa carrière de prèsd’un demi-siècle ». À la tête du Bureaudes Carrières, un organisme d’accueilet de conseil auquel il est possible defaire appel tout au long de sa vieprofessionnelle, son « leitmotiv » est :

« Si tu ne fais pas ton affairepersonnelle de la gestion de tacarrière, d’autres la géreront pourtoi. » « La gestion de carrière estprimordiale durant toute la vieprofessionnelle : au moment du choixd’un premier emploi, à celui d’unchangement d’entreprise ou defonction ou à l’occasion d’uneréévaluation régulière de ses objectifset des moyens à mettre en œuvre pourles atteindre. »

Des séminaires gratuits

Pour cela il peut te recevoir pour fairele point et te proposer des séminairesgratuits animés par des professionnelsdu conseil en évolutionprofessionnelle ; l’accès payant à certains moyens développéspar d’autres écoles ; des réunions avec un groupe de camarades (Groupe X-Évolution professionnelle)qui se retrouve tous les jeudis midipour échanger de manière informelle,sur leurs expériences de recherched’emploi et leurs projetsprofessionnels ; le soutien du réseau

des correspondants, l’accès payant à divers spécialistes (avocats, etc.) et à certains moyens développés par d’autres écoles.Ainsi les X, élèves ou anciens,trouveront une aide pour choisir une première entreprise ou un premier emploi, pour acquérir desméthodes utiles au succèsprofessionnel ; pour savoir mettre en application la méthode choisie degestion de carrière et pour gérerefficacement les discontinuités subiesou choisies.

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PAR JEAN-MARC CHABANAS (58)

Quarante annuitésdans la jungle et toujoursla vie devant soi

■ La « promotion 58 », qui avait

témoigné dans nos colonnes il y a

quelques mois (voir n° 631 de jan-

vier 2008), avait été marquée par

la guerre. De dix ans plus jeune, la

« promotion 68 » l’aura été plutôt

par l’instabilité.

Voici les témoignages de quelques

camarades arrivant cette année,

du moins théoriquement, en fin de

carrière.

UNE CARRIÈRE ASSEZ HEURTÉE

Coups et blessures garantis« Devenir entrepreneur, quelle

belle occasion de construire réelle-

ment affirme François Maréchal

qui a connu au moins quatre car-

rières différentes. Mais, critiquer

son patron, se brouiller avec son

associé, déposer le bilan, voilà des

coups et blessures garantis, qui

ensuite cicatrisent. »

Jacques Bongrand, qui a com-

mencé par une vie théoriquement

monolithique au sein de la Délé-

gation générale pour l’armement,

n’en a pas été pour autant moins

bousculé. « Ma carrière a comporté

un tournant. Jusqu’à mon passage

à quarante-quatre ans en cabinet

ministériel (la découverte d’un

monde nouveau), j’étais assez sta-

ble. De retour, j’ai beaucoup bougé.

Ma progression hiérarchique a ra-

lenti pour des raisons obscures. J’ai

eu l’impression d’évoluer dans une

jungle à partir d’un certain niveau.

Mais, j’ai exercé des fonctions va-

riées et passionnantes. »

Des problèmes financiersBruno Martin-Vallas, lui, n’hésite

pas à évoquer « une carrière erra-

tique et pénible financièrement »,

où il s’est retrouvé chômeur à plu-

sieurs reprises, en profitant pour

rédiger quelques ouvrages de ré-

flexion sur l’humanité ou les en-

jeux mondiaux (« au succès stable,

c’est-à-dire nul », convient-il avec

humour). Pour lui, « une satisfac-

tion, avoir clarifié ce que je trou-

vais essentiel ; un regret, n’avoir

pas réussi à le partager avec d’au-

tres. » Autre satisfaction encore,

« ma vie de famille, mon épouse,

mes enfants ».

Quant à Gérard Blanc, il voit sa

carrière comme « une suite de

bifurcations, l'ayant amené à pren-

dre de nouvelles orientations de

façon durable ».

Une retraite utileLa retraite prochaine ? « Pas de

retraite avant soixante-cinq ans,

en 2014 », proclame François Ma-

réchal. « J’imagine de me prépa-

rer à quelques actions continues

à temps partiel, du style écono-

mico-social, juge de paix, conseil-

ler prud’homme, « business

angel », etc. »

Bruno Martin-Vallas, qui entre-

prend de construire un gîte pour

se créer un complément de reve-

nus, veut « continuer d’essayer de

faire percer ce que je trouve utile ».

Jacques Bongrand s’en remettra

« aux opportunités et peut-être aux

contraintes financières ».

Mais, dit-il, « j'ai quelques idées

directrices : chercher des expé-

riences nouvelles aussi utiles que

possible, associatives ou autres,

plutôt qu’une activité qui ne soit

qu’un pâle reflet de responsabili-

tés antérieures ; préserver une

certaine liberté pour mes relations

LA JAUNE ET LA ROUGE • AVRIL 2008

Il y a quarante ans, ils préparaient fébrilement leur concours.Au terme de leur carrière, terme théorique mesuré selon les critèreshabituels, ils n’envisagent guère de retraite, sinon studieuse et sevoient volontiers écrivains. Relations humaines, développementspirituel, passion restent leurs critères et ceux qu’ils recommandentaux jeunes camarades.

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CARRIÈRES

Je me suis toujours perçucomme une super-mécanique intellectuelle,mais socialement décalée,donc isolée

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EXPRESSIO

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personnelles, mon développementhumain et spirituel et sans douteécrire encore si j’en ai la possibi-lité. »Gérard Blanc n'y a pas encorepensé, estimant « qu'il faut distin-guer statut et activité ».

QUELQUES CONSEILS

AUX JEUNES

Profiter des expériences

« Au début de carrière, on peutbouger assez librement parce quela pyramide est large », rappelleJacques Bongrand aux plus jeunesqui voudraient s’orienter versl’Administration. « Après, il nes’agit plus de choisir tel service,mais de remplacer un tel. Il fautsaisir les opportunités et l’on estbeaucoup moins maître de sa tra-jectoire. Donc, profiter des pre-miers postes pour faire les expé-riences qui nous paraissentindispensables pour la suite. »

Cultiver la chance

Victime d'un accident de santé à43 ans, Gérard Blanc estime« avoir su cultiver la chance, en ex-ploitant des voies ébauchées de-puis des années pour retrouverune activité indépendante (rédac-tion d'ouvrages, conférences, coursde formation) ». Il se félicite de« l'aide morale de nombreux ca-marades » et de « l'aide financièreapportée par l'AX dans des mo-ments difficiles ». « Il est impor-tant de se créer un réseau d'ami-tiés solides et de gens sur qui l'onpeut compter. »

Aller à l’intuition

« Aller à l’intuition, accepter la pas-sion et ses loupés, préconise Fran-çois Maréchal. S’appuyer sur quel-ques années de pratique techniqueavant d’évoluer éventuellementvers la gestion. Ne jamais négligerles relations humaines, familiales,clients, collaborateurs. »Bruno Martin Vallas, lui, conseille

de « trouver un territoire qui parlepour la vie, donc durable pour soi-même, que ce soit un métier, unsecteur d’activité, une zone géogra-phique, ou un milieu social, qu’im-porte. En connaissant ce territoirequi vous passionne, en y plaçant voschoix de postes professionnels,vous serez comme un chasseur aumilieu de son gibier. Les opportu-nités viendront à vous. Vous y respi-rerez en progressant. » ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • AVRIL 2008 47

François MARÉCHAL

1971-1973 ➤ ENPCPrécontrat avec GTM

Préparation aux métiers de la construction1973-1985 ➤ GTM-TPIngénieur puis patron de chantiers

Génie civil de souterrains et centrale nucléaire1985-1996 ➤ GTIE puis GTMH

Installations et équipements électriquesDirecteur d’agences et filiales

1996-1998 ➤ Chômage19 mois de galère

Offre de services, reprise d’entreprises1998-2002 ➤ Entrepreneur SAFEM

DG avec un associé et reprise etdéveloppement d’une PME dans le spatial

Reprise et redressement de trois PME2002-2003 ➤ Chômage

15 mois de galèreCréation de minisociété et offre de services

depuis 2003 ➤ BM-DéveloppementDG études avec un associé

Reprise et développement d’une PME

Bruno MARTIN-VALLAS

1971-1972 ➤ INSEADÉtudiant

Remboursement de pantoufle1972-1976 ➤ ESSOIngénieur en raffinerie puis au siège

Découverte du monde du travail1976-1982 ➤ ESC Montpellier

Professeur de recherche opérationnelleTemps partiel et poésie

1982-1987 ➤ GalèresFormateur, consultant, chômeur

Recherche difficile d’un univers stable1987-2007 ➤ Conseil

Salarié, gérant, professeurMieux payé, moins précaire

depuis 2008 ➤ PauseOuvrier manuel

La puissance par le gratuit

GérardBLANC

1971-1973 ➤ ENSTélécomPrécontrat avec LCT

Études de modélisation mathématique1973-1974 ➤ BerkeleyMaster de recherche opérationnelle

1975-1977 ➤ LCT1978-1983 ➤ OCDEPrémices du développement durable

et d’InternetEn parallèle, réalisation d’une revueconsacrée à l’analyse de système

1983-1985 ➤ IDHEAP (Suisse)Hautes études en Administration publique

1986-1987 ➤ Conseil1987-1990 ➤ M2I

Consultant en Cabinet de conseil1990-1993 ➤ Telios

Création d'un Cabinet de conseil1994-2008 ➤ Indépendant

Rédaction de nombreux ouvragesdepuis 2008 ➤ ISMER (Vendôme)

Formation de PME à l’innovation

JacquesBONGRAND

1971-1973 ➤ ENSAEFormation complémentaire

Études de droit, stage de pilotage1974-1978 ➤ DGA-CEPropulseurs

Ingénieur puis chef de section d’essais 1979-1987 ➤ DGA-STPAé

4 postes jusqu’à chefdu département moteurs

1987-1993 ➤ DGA-DCAéProgrammation, budget, suivi des programmes

1993-1995 ➤ Cabinet du MinistreConseiller pour les affaires d’armement

1995-1997 ➤ DGA-Missiles EspaceAdjoint au Directeur

1997-1999 ➤ DGA-SPAéGestion, coopération internationale

1999-2000 ➤ EMA-DRMSous-directeur techniquerenseignement militaire

2000-2002 ➤ DGA-ProgrammesSuivi, budget, préparation Loi 2003-2008

2002-2004 ➤ DGA-RechercheChef du service

2004-2007 ➤ CG ArmementEn plus, Pdt conseil recherche OTAN

pour la période 2006-2009Avril-déc. 2007 ➤ Agence Innovation

Président du Directoire de l’AII 2008 ➤ CG ArmementSecrétaire général au 1er mars

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PAR JEAN-MARC CHABANAS (58)

Cinquante ans d’expérienceet pas une ride

■ « Avoir la confiance de ses hom-mes, à la vie, à la mort, est une expé-rience extraordinaire » se souvient Fré-déric Martinet, pour qui « le métier quim’a le plus apporté est celui d’officierdu génie. » Les sept camarades de la« Promo 58 », qui ont bien voulu retra-cer leur carrière pour La Jaune et laRouge, s’accordent pour considérer cesannées de fin de la guerre d’Algériecomme une expérience particulière-ment marquante.

Une succession d’opportunitésTous ont exercé plusieurs métiers, sansl’avoir toujours voulu.« C’est une suite d’événements qui m’afait changer », souligne Michel Rochet.« Ici, on est venu me chercher, pour ap-pliquer mes connaissances de l’infor-matique dans la Banque. Là, on m’a in-cité au départ, en raison d’uneconception des relations socialess’écartant de l’orthodoxie. »Michaël Temenides, lui, a connu desvirages d’ordre politique. « Après dix-sept ans d’expérience accumulée dansune entreprise routière, je me suisheurté à un nouveau slogan : « moinsde béton, plus de gestion » qui n’étaitpas dans mes idées et qui a marqué ledébut de la régression en matière delogements sociaux, à l’origine de la pé-nurie actuelle. »Il s’est alors orienté vers la sidérurgie,car « spécialiste de la construction, je

connaissais les débouchés de l’acier ».Il en retient la leçon qu’il est « très im-portant de connaître un volet de l’activitéde celui qui vous recrute et particulière-ment des débouchés ».

L’envie de tout connaîtrePascal Roux, que sa vocation, née àl’École, a conduit à la prêtrise, s’estbeaucoup consacré à la recherche.« Les vrais chercheurs, dit-il, sontdésintéressés. » Il a aussi travailléauprès d’artisans menuisiers oud’étudiants non scientifiques, « mi-lieux très différents du nôtre, maispassionnants ».Michel Rochet confirme « qu’il esttrès enrichissant de découvrir unmonde du travail, parfois assezfruste, tout à fait différent de celuique nous connaissons ».« Changer souvent de secteur est ex-trêmement souhaitable », renchéritFrédéric Martinet, qui se souvient« avoir tâté du commercial dans la

pêche à la ligne » ou « m’être recon-verti à plus de cinquante ans dans l’im-mobilier, dont j’ignorais tout ».« Notre formation nous a donné unetrès grande capacité d’adaptabilité »,conclut Michaël Temenides. « Nous sa-vons analyser les tâches, connaître àfond un métier et connaître ses débou-chés pour plus facilement en changer. »

Un esprit d’indépendancePour Jean Sousselier, tout se résumeen un mot, « l’indépendance ». « EnAlgérie, j’étais seul. Quand j’ai crééune entreprise de logiciels, j’étaisseul. » Certes, il est parfois un peu op-pressant d’être seul, avec des échéan-ces matérielles à très court terme. Oncroit alors que la solution est de sevendre à plus gros que soi. Maisl’entreprise se met à péricliter, au pro-fit d’autres branches du groupe. « C’estainsi que j’ai été amené à vendre, puisracheter ma propre entreprise à plu-sieurs reprises. »« Il faut savoir, estime Michel Rochet,passer d’une grande entreprise, où leconfort administratif est assuré, à lasituation extrême où il faut se débrouil-ler pour jouer tout seul le rôle de di-recteur, vendeur, comptable, secré-taire et plombier. »

Quelques messagesLes jeunes doivent se préparer à évo-luer et savoir que, « s’ils veulent créerune entreprise, ils se retrouveront là oùrien n’existe », ajoute Michel Rochet.Le message de Jean Sousselier,« aux jeunes qui se sentent indépen-dants dans l’âme », c’est « d’éviterles grands groupes. Mais il faut alorsnous débrouiller de tout, qu’ils’agisse de commercial, de techni-que ou d’administration. »

LA JAUNE ET LA ROUGE • JANVIER 2008

Il y a cinquante ans, ils étaient jeunes, ils étaient beaux.Ces sept camarades de la « Promo 58 » ont connu la fin de la guerred’Algérie, qui les a fortement marqués. Ils ont exercé trois, voirequatre ou cinq métiers différents, au gré de changements pas toujoursvolontaires, mais bénéfiques et porteurs d’expérience nouvelle.Ils ont doublé sans s’en apercevoir le cap officiel de la retraite.Pour eux, la vie active ne s’arrête pas.

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« La vie est courte »,souligne Frédéric Martinet.« Il faut optimiser la gestionde son temps de vie, enconsidérant la professioncomme un moyen plutôt quecomme un but. L’essentielest d’être heureux. »

CARRIÈRES

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JacquesHERVIER

1960 - 1963 u ENS ArmementÉlève en école d’application

1963 - 1968 u DEFA (GIAT)Chef de service

Direction de services d’études1969 - 1984 u OTIS

Divers postes de directeurDirection en France et en Argentine

1985 - 1991 u ALCATELDivers postes de directeur

Distribution, vente internationale1992 -2001 u SATAS

Président-directeur généralTraitement du courrier

depuis 2001 u Diocèse VersaillesÉconome diocésain (DAF / DRH)

EXPRESSIO

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Aider les jeunes, c’est aussi consignerses réflexions par écrit. Pascal Rouxest l’auteur de plusieurs ouvragesamenant à réfléchir sur la science,l’évolution, la création et l’environne-ment. Plus que des conseils, il souli-gne des préoccupations : « Avoir lesens de l’homme, être inventif, fairetravailler son imagination et déve-lopper en soi ce qu’il y a de plus pré-cieux : la dimension spirituelle. »

Retraite, connais pas

Ce petit échantillon de camarades dela « Promo 58 » reste très actif. Si cer-tains prononcent parfois le mot de re-traite, c’est comme Alain Berrier, pourla qualifier « d'hyperactive ». D’autres

ont un peu réorienté leur activité versle conseil indépendant ou, comme Jac-ques Hervier, sont devenus spécialis-tes des finances et des ressources hu-maines pour une cause nouvelle.Le plus souvent ils n’y font allusion quecomme à une simple balise temporelle,« l’âge de la retraite », balise doubléedepuis longtemps. ■

LA JAUNE ET LA ROUGE • JANVIER 2008 67

AlainBERRIER

1960 - 1962 u Militaire1962 - 1964 u HarvardMBA de Harvard Business School1964 - 1966 u Divers

Petits boulots aux États-Unis et au JaponVendeur chez IOS

1966 - 1969 u IOSDe vendeur à manager, Manille et Genève

Négociation en vue d’une joint-venture1969 - 1972 u Rotschild-ExpansionGeneral Manager marketing et vente

Formation de 550 vendeurs sur le terrain1972 -1974 u ImmoVS – Inno VS

Fondateur et PDGCréation et animation d’entreprises1974 - 1998 u Egon-Zendher

Consultant et Senior Partnerdepuis 1998 u Indépendant

Retraité hyperactif

FrédéricMARTINET

1960 - 1962 u EA GénieOfficier du génie – Guerre d’Algérie

Commandant de compagnie1962 - 1969 u Fives-Lille-Cail

D’ingénieur à directeur d‘usineAutomatisation et rentabilité

1970 - 1974 u Bignier-SchmidtDirecteur d’usine, directeur de production

Mise en place d’un systèmede planification

1975 - 1976 u Pezon et MichelDirecteur général

Restructuration d’une entreprise1976 - 1990 u Paris Maintenance

Président-directeur généralDéveloppement d’une entreprise

1991 - 1997 u GestinovePrésident-directeur général

Ingénierie de gestion immobilièredepuis 1998 u IndépendantIngénieur conseil-expert dans l’immobilier

MichelROCHET

1960 - 1962 u Transport aérienMaintenance des avions

Direction d’une équipe de 250 personnes1962 - 1966 u Chercheur

Mécanique des fluidesDécouverte de l’informatique

1965 - 1984 u SERTI puis GFIConseil en informatique, Direction

Le Far-West de l’informatique1984 - 1991 u Caisse d’Épargne

Directeur de l’organisation1991 - 1996 u Caisse d’Épargne

Directeur de la qualitéDémarche qualité

depuis 1997 u ROM et associésMissions de conseil

PascalROUX

1960 - 1962 u Algérie1962 - 1964 u Séminaire1964 - 1970 u Inst. catho. ParisÉtudes philosophiques et théologiques1970 - 1971 u Princeton

Philosophie des Sciences1971 - 1986 u Saint-Sulpice

Vicaire à la paroisse Saint-SulpiceAumônier d’étudiants

à l’Institut catholique de Paris1989 - 1995 u NDBM

Curé de la paroisse Notre-Dame des Blancs-Manteaux

1986 - 2006 u ISEPEnseignant

Science et société :enjeux éthiques et spirituels

depuis 2001 u Saint-Louis d’AntinVicaire à la paroisse Saint-Louis d’Antin

MichaëlTEMENIDES

1960 - 1966 u Génie militairePonts et Chaussées (décret Bourgès)1966 - 1968 u Entreprise routière1968 - 1985 u SCIC

Désaccords sur les orientationsprises par la nouvelle direction

1985 - 1989 u USINORResponsable du développement de l’acier

dans la constructionPrésident de l’OTUA (Office

technique pour l’utilisation de l’acier)1989 - 1992 u SARETPDG d’une société de préfabrication

Divergences sur les stratégiesdes actionnaires

1992 u ConsultantConsultant en ressources humaines

1993 - 2000 u CIMBETONDirecteur général

Création et direction d’un organismeprofessionnel de développement

depuis 2000 u ConsultantConsultant en ressources humaines

JeanSOUSSELIER

1960 - 1962 u EA TransmissionChef d’un détachement

Algérie (Ain Sefra)1962 - 1969 u IBM-France

D’ingénieur à directeur des étudesSpécialisation en calcul scientifique

1970 - 1971 u IndépendantIngénieur-conseil

1972 - 1998 u STATIROPrésident fondateur

Traitements et logiciels statistiquesdepuis 1998 u JSC

GérantTraitements et logiciels statistiques

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AX

La vie professionnelle, ce n’est pas la vie tout court, mais ce n’en est pas bien loin. De larecherche du premier emploi à une fin de carrière harmonieuse et réfléchie, que d’étapesà franchir ! L’appartenance à la Communauté polytechnicienne, forte de plus de vingt millecamarades, apporte heureusement une panoplie d’outils essentiels.Dans une toute première étape, il s’agit de bâtir un projet professionnel, de le faireconnaître, le valoriser et l’exploiter. A mi-carrière, il sera peut-être nécessaire de choisirune nouvelle orientation, d’arbitrer entre plusieurs propositions et de savoir le faire. Plustard, il faudra maintenir le cap et anticiper les retournements de situation, pour finalement,transmettre son expérience et venir en aide aux plus jeunes.Le premier outil, c’est le Bureau des carrières de l’AX et son site abcdx.com. A toutâge et dans toutes les situations, il offre conseils personnalisés, ateliers thématiques,séminaires, et méthodes d’utilisation des sites polytechniciens.com, polytechnique.org etmanageurs.com, ce dernier concernant tous les diplômés des grandes écoles.Mais l’outil le plus puissant qu’offre l’Association, c’est son Réseau de plus de quatre-vingts Groupes X, professionnels ou géographiques, dans toutes les parties du monde.Chacun y trouvera, selon ses affinités, des camarades prêts à le conseiller, à l’orienter ouà l’aider, à toutes les étapes de sa carrière.Enfin, chacun des vingt mille camarades de la Communauté est presque toujours disposé,au titre de la solidarité polytechnicienne et de l’appartenance au Réseau, à apporter sacontribution. Le parrainage des jeunes élèves étrangers, ou le parrainage entrepromotions éloignées de dix ans d’âge constituent deux points marquants de cettesolidarité organisée par l’AX.

www.polytechniciens.comwww.abcdx.com

www.manageurs.comwww.polytechnique.org

www.lajauneetlarouge.com

Association des Anciens Élèves et Diplômés de l’École Polytechnique5, rue Descartes - 75005 Paris

Outils de gestionde carrière

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