9
Douleurs, 2006, 7, 3 145 ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DOULEUR Les professionnels de santé libéraux et la douleur Enquête auprès des professionnels de santé libéraux Jean-Noël Godefroy (photo), Claire Delorme L’objectif de cette enquête est de préci- ser la perception de la prise en charge de la douleur par les professionnels libéraux. Une enquête par questionnaire auto- administré a été adressée à un échan- tillon de 10 000 professionnels de santé libéraux répartis en 6 groupes : – médecins généralistes, – médecins spécialistes, – chirurgiens-dentistes, – infirmiers, – sages-femmes, – kinésithérapeutes. L’échantillon a été constitué de façon aléatoire. L’effectif dans chaque groupe était proportionnel à la taille des diffé- rentes catégories professionnelles en France avec un tirage au sort dans la liste complète de chaque catégorie pour obtenir une liste d’envoi de 10 000 noms au total (ainsi, par exemple, les chirurgiens-dentistes représentant environ 14 % du total, 1 425 questionnaires leur ont été envoyés). Le questionnaire était identique dans les 6 groupes. Il compor- tait 22 questions, 5 sur la formation, 2 sur les moyens d’information et sur le contenu de l’information souhaité, 10 sur les pratiques professionnelles et 5 sur les caractéris- tiques personnelles du répondant 1 (fig. 1). ÉCHANTILLON (TABLEAU I) Sur les 10 000 professionnels interrogés, 1 087 ont répondu, soit un taux de retour global de 10,9 % (taux de retour légère- ment supérieur à ce qui est attendu dans ce type d’enquête) : – médecins généralistes : 9,2 % (220 sur 2 391), – médecins spécialistes : 8,7 % (180 sur 2 068), – chirurgiens-dentistes : 16,9 % (248 sur 1 467), – infirmiers : 8,7 % (201 sur 2 310), – sages-femmes : 20 % (17 sur 85), – kinésithérapeutes : 12,4 % (208 sur 1 682). Les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes ont les taux de réponse les plus élevés. Pour les sages-femmes libérales, l’échantillon représentatif ne permet pas, par le nombre trop faible des répondants, d’établir une analyse pertinente. Le taux de réponse, toutes catégories confondues, varie de 0 % à 32 % suivant les régions (tableau I). Plus de 60 % de l’ensemble des professionnels interrogés (quelles que soient les catégories) sont installés depuis moins de 20 ans et près d’un-quart le sont depuis moins de 10 ans (tableau II, ci-dessous). Un enseignement spécifi- que et approprié sur la douleur étant relativement récent, il est utile de prendre en compte la date d’installation, qui constitue un assez bon repère par rapport à celle de la for- mation initiale. FORMATION INITIALE Dix-huit pour cent des médecins interrogés, 48 % des chirurgiens-dentistes, 30 % des infirmiers et 39 % des kiné- sithérapeutes estiment avoir reçu une formation spécifique à la prise en charge de la douleur au cours de leur formation initiale. Ces chiffres sont peut-être à rapporter à l’introduction pro- gressive et récente d’un enseignement spécifique sur la douleur, dans les différents lieux de formation (Facultés de médecine, Facultés dentaires, Instituts de Formation en Cabinet Médical Les Rouges Terres, La Glacerie. 1 cf questionnaire sur la prise en charge de la douleur à l’intention des professionnels de santé p. 105. Conseil d’Administration du COEGD Bruno BROCHET François CESSELIN Elisabeth COLLIN Claire DELORME Sandrine DOMECQ Gilles GAEBLE Jean-Noël GODEFROY André HELMAN Jacques MEYNADIER Philippe MICHEL Paul PIONCHON Patrice QUENEAU Eric SERRA Alain SERRIE

Les professionnels de santé libéraux et la douleur

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Page 1: Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Douleurs, 2006, 7, 3

145

É T A T S G É N É R A U X D E L A D O U L E U R

Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Enquête auprès des professionnels de santé libéraux

Jean-Noël Godefroy (photo), Claire Delorme

L’objectif de cette enquête est de préci-ser la perception de la prise en chargede la douleur par les professionnelslibéraux.Une enquête par questionnaire auto-administré a été adressée à un échan-tillon de 10 000 professionnels de santélibéraux répartis en 6 groupes :– médecins généralistes,

– médecins spécialistes,– chirurgiens-dentistes,– infirmiers,– sages-femmes,– kinésithérapeutes.L’échantillon a été constitué de façon aléatoire. L’effectifdans chaque groupe était proportionnel à la taille des diffé-rentes catégories professionnelles en France avec un tirageau sort dans la liste complète de chaque catégorie pourobtenir une liste d’envoi de 10 000 noms au total (ainsi, parexemple, les chirurgiens-dentistes représentant environ 14 %du total, 1 425 questionnaires leur ont été envoyés).Le questionnaire était identique dans les 6 groupes. Il compor-tait 22 questions, 5 sur la formation, 2 sur les moyens

d’information et sur le contenu de l’information souhaité,10 sur les pratiques professionnelles et 5 sur les caractéris-tiques personnelles du répondant

1

(fig. 1)

.

ÉCHANTILLON

(TABLEAU I)

Sur les 10 000 professionnels interrogés, 1 087 ont répondu,soit un taux de retour global de 10,9 % (taux de retour légère-ment supérieur à ce qui est attendu dans ce type d’enquête) :

– médecins généralistes : 9,2 % (220 sur 2 391),

– médecins spécialistes : 8,7 % (180 sur 2 068),

– chirurgiens-dentistes : 16,9 % (248 sur 1 467),

– infirmiers : 8,7 % (201 sur 2 310),

– sages-femmes : 20 % (17 sur 85),

– kinésithérapeutes : 12,4 % (208 sur 1 682).

Les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes ont les taux deréponse les plus élevés.

Pour les sages-femmes libérales, l’échantillon représentatifne permet pas, par le nombre trop faible des répondants,d’établir une analyse pertinente.

Le taux de réponse, toutes catégories confondues, varie de0 % à 32 % suivant les régions

(tableau I)

.

Plus de 60 % de l’ensemble des professionnels interrogés(quelles que soient les catégories) sont installés depuismoins de 20 ans et près d’un-quart le sont depuis moins de10 ans

(tableau II, ci-dessous)

. Un enseignement spécifi-que et approprié sur la douleur étant relativement récent,il est utile de prendre en compte la date d’installation, quiconstitue un assez bon repère par rapport à celle de la for-mation initiale.

FORMATION INITIALE

Dix-huit pour cent des médecins interrogés, 48 % deschirurgiens-dentistes, 30 % des infirmiers et 39 % des kiné-sithérapeutes estiment avoir reçu une

formation spécifique

à la prise en charge de la douleur au cours de leur formationinitiale.

Ces chiffres sont peut-être à rapporter à l’introduction pro-gressive et récente d’un enseignement spécifique sur ladouleur, dans les différents lieux de formation (Facultés demédecine, Facultés dentaires, Instituts de Formation en

Cabinet Médical Les Rouges Terres, La Glacerie.

1 cf questionnaire sur la prise en charge de la douleur àl’intention des professionnels de santé p. 105.

Conseil d’Administration du COEGDBruno BROCHETFrançois CESSELINElisabeth COLLINClaire DELORMESandrine DOMECQGilles GAEBLEJean-Noël GODEFROYAndré HELMANJacques MEYNADIERPhilippe MICHELPaul PIONCHONPatrice QUENEAUEric SERRAAlain SERRIE

Page 2: Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Douleurs, 2006, 7, 3

146

Soins Infirmiers (IFSI), écoles de sages-femmes, écoles dekinésithérapie).À noter que, pour les médecins, la différence entre généra-listes et spécialistes n’est pas significative.Si la formation initiale apparaît adaptée à l’exercice des dif-férents professionnels de santé, la

satisfaction

varie d’unecatégorie professionnelle à l’autre (77 % pour les kinésithé-rapeutes, 68 % pour les médecins, 66 % pour les chirur-giens-dentistes et 55 % pour les infirmiers). En ce quiconcerne les infirmiers, la question se pose de connaître lesraisons de ce taux de satisfaction mitigé : qualité inappro-priée de la formation initiale ? intervention d’autres fac-teurs ?

FORMATION CONTINUE

Qu’ils aient reçu ou non une formation initiale satisfaisante,60 % des médecins libéraux participent à des séances deformation continue, et 74 % d’entre eux principalementsous la forme de séances

d’Enseignement post-universitaire

(EPU).Viennent ensuite les infirmiers (50 %), en notant que 15 %des infirmiers libéraux ont reçu une formation diplômanteà la prise en charge de la douleur. Ce qui traduit le besoinprofond d’une formation de qualité dans cette profession.Viennent ensuite les chirurgiens-dentistes (27 %), qui suiventessentiellement des congrès et des EPU. Ce chiffre, assezfaible, pourrait peut-être s’expliquer par le nombre plusélevé de chirurgiens-dentistes ayant reçu une formation ini-tiale satisfaisante.Les kinésithérapeutes avec 22 % suivent principalement desformations diplômantes.Les séminaires organisés par l’industrie pharmaceutiqueconcernent essentiellement les médecins (24 %). Leschirurgiens-dentistes (8 %), bien que prescripteurs, reçoiventtrès peu de formation continue sur ce mode, alors que

cet état de fait ne surprend pas chez les infirmiers et leskinésithérapeutes, non prescripteurs.

Globalement, la formation continue est jugée satisfaisantepar les différents acteurs de santé

(fig. 2)

.

INFORMATION

La presse médicale

est la première source d’information surla douleur pour les praticiens, qu’ils soient médecins géné-ralistes ou spécialistes (69 %), chirurgiens-dentistes (75 %),infirmiers (68 %) ou kinésithérapeutes (68 %).

L’industrie pharmaceutique

vient en second rang pour lesprescripteurs, médecins (37 %) et chirurgiens-dentistes (54 %),avec notamment la visite médicale (présentation des antal-giques nouveaux).

Viennent ensuite

les « médecins référents douleur »

, dontle rôle est souligné pour les infirmiers, notamment, ce quiconfirme la nécessité d’authentiques équipes de soins, asso-ciant notamment médecins et infirmiers.

Les associations de professionnels et les associationsd’usagers

sont des sources d’information citées après lapresse professionnelle par les infirmiers et les kinésithéra-peutes (28 %).

Les universités

représentent une source d’information jugéerelativement peu importante chez les médecins (18 %) etchez les chirurgiens-dentistes (25 %).

Il est à noter que les

Agences nationales et le Ministère dela Santé

représentent une faible part de l’information reçuepar les professionnels impliqués dans la prise en charge dela douleur.

INFORMATION ATTENDUE

Globalement, les informations les plus attendues des profes-sionnels de santé libéraux concernent :

Figure 1. Répartition des répondants par profession.

Page 3: Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Douleurs, 2006, 7, 3

147

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Page 4: Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Douleurs, 2006, 7, 3

148

– les structures locales de prise en charge de la douleur,– les conseils de prescription pour les prescripteurs et lesconseils d’utilisation, d’administration ou de surveillance destraitements antalgiques pour ce qui est des infirmiers,– les recommandations professionnelles.

ÉVALUATION DE LA DOULEUR

La plupart des médecins (87 %), qu’ils soient généralistesou spécialistes, évaluent la douleur de leurs patients.

Cependant, seuls 41,5 % des médecins généralistes et 33 %des spécialistes déclarent utiliser un outil standardisé pourévaluer la douleur.

Quant à eux, 87 % des chirurgiens-dentistes, 83 % des infir-miers et 92,7 % des kinésithérapeutes déclarent évaluer ladouleur de leurs patients. Cependant, seuls 7 % des chirur-giens-dentistes, 25 % des infirmiers et 33 % des kinésithéra-peutes utilisent un outil standardisé.

L’outil d’évaluation le plus cité est l’Échelle Visuelle Analo-gique (EVA).

Tableau IINombre d’années d’installation des répondants.

Nombre d’années d’installation

10 ans ou moins

11 à 20 ans

21 à 30 ans

31 ans ou plus

Total

Médecin généraliste 53 78 71 18 220

Médecin spécialiste 36 76 57 11 180

Chirurgien-dentiste 68 68 77 32 245

Infirmier 54 86 46 13 199

Sage-femme 11 2 2 2 17

Kinésithérapeute 54 62 50 42 208

Total 276 372 303 118 1 069

Part du Total 25,8 % 34,8 % 28,3 % 11 %

NB : Pour 18 questionnaires, une réponse au moins était absente.

Figure 2. Formation continue des professionnels de santé.

Page 5: Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Douleurs, 2006, 7, 3

149

Ainsi, malgré les différentes campagnes d’information et de

formation, les outils d’évaluation standardisés restent peu

utilisés par les professionnels de santé libéraux.

PRÉVENTION DE LA DOULEUR INDUITE

Environ la moitié seulement des médecins et 2/3 des

chirurgiens-dentistes préviennent la douleur induite par les

soins, pourtant priorité du plan quadriennal. Un kinési-

thérapeute sur deux demande un traitement préventif, alors

que plus de 8 infirmiers sur 10 réclament un traitement des

douleurs induites.

Les modes de prévention sont très variables (anesthésiques

de contact, antalgiques, anxiolytiques ou associations médi-

camenteuses…).

Ainsi, la prévention de la douleur induite relève encore trop

souvent de déclarations d’intention valorisantes.

PRESCRIPTION DES ANTALGIQUES DE PALIER III

Les antalgiques de palier III sont prescrits par une majoritédes médecins (80 %).Les généralistes (97 %) prescrivent en moyenne plus d’antal-giques de palier III que les spécialistes (61 %)

(tableau III)

.Il ressort de cette enquête que les prescriptions sont ini-tiées par les médecins libéraux dans les 3/4 des cas et queseuls 1/4 sont des renouvellements de prescriptions hospi-talières.

Prescription d’antalgiques de palier III pour le traitement des douleurs aiguës

La plupart des médecins généralistes ou spécialistes (313sur 400) déclarent prescrire des antalgiques de palier IIIpour le traitement des douleurs aiguës.Les praticiens ayant participé à au moins une séance deformation sur la prise en charge de la douleur prescrivent

Figure 3. Information des professionnels de santé.

Figure 4. Évaluation de la douleur par les soignants.

Page 6: Les professionnels de santé libéraux et la douleur

Douleurs, 2006, 7, 3

150

significativement plus d’antalgiques de palier III dans lesdouleurs aiguës que les autres.

Prescription d’antalgiques de palier III pour le traitement des douleurs chroniques

Plus de trois-quart des médecins interrogés prescrivent desantalgiques de palier III pour des douleurs chroniques. Et laformation continue influe sur la prescription de ces antalgi-ques de palier III dans de telles indications.Les antalgiques de palier III sont peu prescrits par leschirurgiens-dentistes. Moins de 10 % déclarent en prescrireà leurs patients en grande majorité pour des douleurs aiguës(85 %), beaucoup plus rarement pour des douleurs chroni-ques (11 %).

EXEMPLES DE DOULEURS DIFFICILES À TRAITER

Pour l’ensemble des praticiens, les douleurs d’origine neuro-logique puis les douleurs cancéreuses et les douleurs rhuma-tologiques sont parmi les plus difficiles à traiter

(tableau IV)

.

ORIENTATION POUR AVIS COMPLÉMENTAIRE

Qu’il s’agisse des spécialistes ou des généralistes, les prati-ciens libéraux adressent leurs patients pour avis en pre-mière intention à une structure dédiée à la prise en chargede la douleur, puis en seconde intention à des spécialistes.Environ 81 % des praticiens connaissent au moins unestructure de prise en charge de la douleur à proximité deleur lieu d’exercice.40 % des chirurgiens-dentistes adressent leurs patients enpremière intention à un médecin spécialiste et 36 % à ungénéraliste (ou avec un autre mode de prise en charge asso-cié). Les structures dédiées sont relativement peu sollicitéespar les chirurgiens-dentistes (10 %).Les infirmiers libéraux (68 %) se tournent en premièreintention vers le médecin généraliste pour avoir un avis

complémentaire, alors que 42 % orientent leurs patients versune structure dédiée à la douleur. Le médecin spécialisteest peu cité.

Le médecin généraliste est le principal interlocuteur (36 %)vers lequel se tournent les kinésithérapeutes libéraux pouravoir un avis complémentaire sur la prise en charge de ladouleur. La plupart d’entre eux savent où se trouve un cen-tre dédié à proximité de leur lieu de travail.

PROPOSITIONS D’AMÉLIORATIONS

Pour les médecins et les chirurgiens-dentistes, l’améliora-tion repose principalement sur des formations complémen-taires et le développement des réseaux de soins et/ou desstructures dédiées

(tableaux V, VI)

. Il est à noter que lamajorité des chirurgiens-dentistes (68 %) ne connaissent pasl’existence des structures dédiées à la prise en charge de ladouleur à proximité de leur lieu d’exercice.

Pour les infirmiers comme pour les kinésithérapeutes,l’amélioration passerait d’abord par les réseaux, puis par lesformations complémentaires et les structures dédiées à laprise en charge de la douleur

(tableaux VII, VIII)

.

CONCLUSION

• Même si le

taux de réponse

au questionnaire est accepta-ble en comparaison des enquêtes fondées sur des méthodessimilaires, la taille relativement réduite de l’échantillon doitlaisser prudent vis-à-vis de son caractère représentatif. Enoutre, le caractère déclaratif des réponses sur les pratiques estsusceptible de surestimer la conformité à la pratique attendue.

La

formation initiale

sur le thème de la douleur apparaît :

– insuffisante en nombre de professionnels formés, maissignificativement plus fréquente chez les plus récemmentdiplômés,

– globalement satisfaisante en qualité.

Tableau IIIModalités des prescriptions des antalgiques de niveau III par les médecins.

Médecins généralistes

Médecins spécialistes

Nombre % Nombre % Total

Modalités de prescription des antalgiques de niveau III

Renouvellement 36 17,9 19 20 55

Prescription de sa propre initiative

165 82,1 76 80 241

Total 201 100 95 100 296

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Douleurs, 2006, 7, 3

151

Tableau IVExemples de douleurs difficiles à traiter.

Total des médecins

(335 réponses)

Médecins géné-ralistes*

(216 réponses)

Médecins spécialistes**

(119 réponses)

Nombre % Nombre % Nombre %

Quelles sont les douleurs les plus difficiles à traiter ?

Douleurs neurologiques 218 65,1 159 73,6 59 49,6

Douleurs cancéreuses 163 48,7 117 54,2 46 38,7

Douleurs rhumatologiques 111 33,1 85 39,4 26 21,8

Douleurs gastroentérologiques 47 14 28 13 19 16

Douleurs urogynécologiques 32 9,6 16 7,4 16 13,4

Douleurs ORL/ophtalmologiques 31 9,3 14 6,5 17 14,3

Douleurs dermatologiques 22 6,6 12 5,6 10 8,4

Douleurs traumatologiques 21 6,3 15 6,9 6 5

* 4 médecins généralistes sur 220 (1,8 %) n’ont coché aucune des cases.** 61 médecins spécialistes sur 180 (33,8 %) n’ont coché aucune des cases.

Tableau VPropositions d’améliorations pour la prise en charge de la douleur chez les médecins.

Médecins généralistes

Médecins spécialistes

Total

Nombre % Nombre % Nombre %

Comment améliorer la prise en charge de la douleur ?

Formations complémentaires 47 24,6 36 24 83 24,3

Développement de réseaux 38 19,9 34 22,7 72 21,1

Développement de structures dédiées 42 22 26 17,3 68 19,9

Structures dédiées et formations 22 11,5 18 12 40 11,7

Formation et développement de réseaux

19 9,9 16 10,7 35 10,3

Développement de structures dédiées et de réseaux

9 4,7 13 8,7 22 6,5

Formation + développement de réseaux et de structures

14 7,3 7 4,7 21 6,2

Total 191 100 150 100 341 100

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Douleurs, 2006, 7, 3

152

La

formation continue

apparaît adaptée et modifie lespratiques médicales.La

presse médicale

joue un rôle majeur dans l’

informa-tion

, suivie par :– l’industrie pharmaceutique,– les médecins référents douleur,– les associations d’usagers.

Les

outils standardisés d’évaluation

de la douleur sontrelativement peu utilisés, quelle que soit la catégorie profes-sionnelle ; cependant, plus de 40 % des généralistes décla-rent s’en servir.

Malgré le plan quadriennal et les progrès thérapeutiques,la

prévention de la douleur induite

par les actes dia-gnostiques ou thérapeutiques effectués en pratique libé-

Tableau VIPropositions d’améliorations pour la prise en charge de la douleur chez les chirurgiens-dentistes.

Nombre %

Qu’est ce qui contribuerait à améliorer la prise en charge de la douleur ?

Formations complémentaires 73 29,4

Développement des réseaux 43 17,3

Développement de structures et formations complémentaires

22 8,9

Développement de structure dédiée 18 7,3

Formations complémentaires et réseaux 18 7,3

Formation, développement de structures et de réseaux

12 4,8

Développement de structures dédiées et de réseaux

10 4

Total 196 79

Tableau VIIPropositions d’améliorations pour la prise en charge de la douleur chez les infirmiers.

Nombre %

Développement de réseaux 42 20,9

Formations complémentaires 29 14,4

Formations et développement de réseaux 26 12,9

Développement de structures dédiées 21 10,4

Développement de structures dédiées et de réseaux, formations

20 10

Développement de centres dédiés et formations

17 8,5

Développement de centres dédiés et de réseaux

13 6,5

Total 168 83,6

Tableau VIIIPropositions d’améliorations pour la prise en charge de la douleur chez les kinésithérapeutes.

Nombre %

Formations complémentaires 49 23,6

Développement de réseaux 44 21,2

Développement de structures dédiées 38 18,3

Formations et développement de réseaux 18 8,7

Développement de structures dédiées et des réseaux

13 6,3

Développement de centres dédiés et formations

12 5,8

Développement de centres dédiés et de réseaux

5 2,4

Total 17 86,1

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Douleurs, 2006, 7, 3

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rale ne serait pas une pratique professionnelle habituellepour :– 57 % médecins,– plus de 50 % des chirurgiens-dentistes, des sages-femmeset des kinésithérapeutes,– seulement 47 % des infirmiers.La

prescription d’antalgiques de palier III

est significa-tivement plus fréquente chez les généralistes que chez lesspécialistes (mais l’échantillon est dispersé : 19 spécialitésreprésentées).Elle concerne presque autant les douleurs aiguës que chro-niques.• L’existence d’une

structure de prise en charge de ladouleur

semble assez bien connue des médecins et desinfirmiers mais beaucoup moins des autres catégories pro-fessionnelles.Les réseaux semblent être une réponse à l’isolement desprofessionnels de santé libéraux.

Propositions prioritaires retenues par les profession-nels pour améliorer la prise en charge de la douleur

2

:

– les formations professionnelles, notamment pour les méde-cins et les chirurgiens-dentistes, adaptées à leur pratiques,– un développement des réseaux de professionnels, notam-ment pour les infirmiers et les kinésithérapeutes,– un développement des structures douleur pour toutes lescatégories p.

2 Cf. Propositions détaillées, p. 93.

Correspondance : J.-N. GODEFROY,Cabinet Médical Les Rouges Terres,

Rue Montmartre,50470 La Glacerie.

e-mail : [email protected]

Centre National de Ressources de lutte contre la douleur (CNRD) : appel à projets 2006

Le 3

e

plan de lutte contre la douleur a été annoncé fin 2005 parMonsieur Xavier Bertrand, ministre de la santé. Si nous n’enconnaissons pas encore toutes les mesures d’application, les gran-des orientations sont données. Parmi celles-ci, la prévention desdouleurs induites par les soins, le développement et l’adaptationdes traitements pharmacologiques et non pharmacologiques,(moyens physiques ou méthodes psycho-corporelles) sont à nou-veau au centre des préoccupations.Dans le cadre du second plan de lutte contre la douleur (2001-2005), la création du CNRD a permis de mettre en place diffé-rents moyens d’information et d’accompagnement des équipessoignantes. Chaque année depuis 2003, le CNRD lance un appelà projets de recherche clinique concernant la prévention de ladouleur induite par les soins. En 3 ans, les projets présentés par 31 équipes ont fait l’objetd’un accompagnement par l’équipe du CNRD.Les premiers résultats de certains de ces travaux devraient pro-chainement être disponibles.

Appel à projet 2006Douleur provoquée par les soins : Prévention et

amélioration de la prise en charge.

Conditions de présentation d’un projet :

• Il doit concerner la douleur aiguë (de préférence celle liée auxsoins) et la prise en charge médicamenteuse et non médicamen-teuse de la douleur : méthodes physiques (massage, chaleur…),jeu, distraction, méthodes psycho-corporelles (relaxation, hyp-nose…).• Il doit avoir une hypothèse de travail claire nécessitant une véri-fication par une étude (exemples : quel adhésif cutané provoquele moins de douleur lors de son retrait ?, quel est l’intérêt de larelaxation pour les soins douloureux ?).• Il doit être réalisable en moins de 2 ans.• Il doit impliquer largement au moins un soignant paramédical.• Il doit s’intégrer dans un projet d’équipe.

Les demandes relatives à l’organisation des soins, l’élabo-ration de protocoles de soins, les audits, etc. n’entrentpas dans l’appel à projet. Pour ces démarches, veuillezcontacter directement le CNRD par téléphone ou parécrit (courrier ou e-mail).Propositions du CNRD :

• Une aide méthodologique à l’élaboration du projet de recherche• Une aide logistique pour le recueil des données et leur analyse• Une aide pour la communication et la diffusion des résultatsLe

CNRD ne dispose pas de moyens spécifiques pour financerles projets.

Cependant, les projets nécessitant une aide financièreseront présentés par le CNRD à une Fondation partenaire dont lesdécisions seront prises indépendamment de celles du CNRD. Lesdécisions seront communiquées dans la deuxième quinzaine denovembre.

Renseignements :

Contacter Madame Pascale Thibault ou le Dr Ricardo Carbajal,Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur. Hôpital Armand Trousseau, 26, avenue du Dr Arnold Netter,75571 Paris cedex 12.Tél. (secrétariat) : 01 44 73 54 [email protected] Date limite de dépôt des dossiers :

15 septembre 2006

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