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Les r6f6rences m6dicales. Un bien ou mal n6cessaire ? J.F. REY (Saint-Laurent du Var) L'6volution des d6penses de sant6 combin6e h la r6cession, entrainant parall61ement une 616vation du ch6mage et une diminution des recettes des organismes sociaux, doit obligatoirement interpel- ler les m6decins non seulement en tant que prati- ciens, mais 6galement en tant que citoyens. I1 n'est possible pour aucun gouvernement de conti- nuer ~ laisser augmenter les d6penses de sant6 un rythme largement sup6rieur au produit indus- triel brut de la nation. Plusieurs possibilit6s politi- ques s'offrent alors : La maitrise comptable qui a la faveur des 6nar- ques toutes tendances confondues, puisqu'il s'agit d'une ma~trise facile ~ mettre en oeuvre, constitu6e par une simple r6gle arythmique applicable facile- ment ; soit la maitrise m6dicalis6e permettant h la profession d'61iminer elle-m6me, l'inutile et le superflu, pour conserver une m6decine de qualit6 avec des choix orient6s par les praticiens, et en essayant d'am61iorer le syst6me de r6mun6ration pour payer chaque acte h son juste prix, notam- ment en ce qui concerne les actes intellectuels mais en sachant qu'un acte technique comporte 6galement une partie intellectuelle. Pour prendre un exemple dans notre sp6cialit6, 6tait-il possible de laisser continuer la progression de. prescriptions d'une classe comme les anti-ulc6- reux ot~ le taux annuel de croissance prescriptions des diff6rents inhibiteurs de la pompe h protons et anti H2 a augment6 selon les sp6cialit6s de 5 20 %. En sachant que la population de malades ulc6reux ou pr6sentant une oesophagite par reflux, est 6pid6miologiquement stable. Cette progression ne pouvait se faire que sous la pression du marke- ting et d'une insuffisance de formation m6dicale continue entra~nant des associations inutiles et coOteuses, des traitements prolong6s largement au- delh des besoins et des recommandations de I'AMM. La place des recommandations m6dicales, v6ritable guide de bonne pratique et rappel de notions de base de formation continue devrait 6tre 61abor6e et conduire h la mise en place de quel- ques r6f6rences m6dicales opposables. Pour notre sp6cialit6, ces r6f6rences ne peuvent en aucun cas g6ner la pratique habituelle de l'h6pato-gastro- ent6rologie pour rappeler que l'opposabilit6 ne se fair qu'au cas par cas et peut se terminer 6ventuel- lement en cas de contr61e, devant un comit6 m6di- cal paritaire local ok les situations m6dicales d'exception seront confraternellement accept6es et admises. Vous aurez toujours le droit de prescrire des doses d'IPP quatre lois sup6rieures h la nor- male d'une mani6re ind6termin6e pour un malade pr6sentant un syndrome de ZoUinger-Ellison. Les r6f6rences m6dicales 1993 Dans le cadre ~pre et difficile de la n6gociation conventionnelle, le syndicat des maladies de l'ap- pareil digestif s'est vu confier la mise en chantier de deux r6f6rences m6dicales en 1993, consacr6es aux anti-ulc6reux et ~ l'endoscopie digestive. Le syndicat a aussit6t saisi la seule association ou soci6t6 ~t existence paritaire dans notre sp6cialit6, l'Association Nationale Franqaise de Formation Continue en H6pato-Gastro-Ent6rologie et c'est sous la direction de son Pr6sident que durant 1'6t6 1993, les membres du conseil d'administration ont r6dig6 des recommandations concernant ces deux sujets. De ces recommandations, le Comit6 M6di- cal Paritaire National a tir6 des r6f6rences apr~s avis de I'ANDEM. Il n'est pas inutile de rappeler que c'est tout ~ l'honneur de notre sp6cialit6 si la m6thodologie propos6e impliquant I'ANDEM a 6t6 accept6e dans le cadre conventionnel, ceci pour donner une cr6dibilit6 et une valeur ~ ces recommandations. Mais comme toute oeuvre de formation continue, elle ne peut 6tre fig6e ~ une date d6finitive et un suivi a 6t6 demand6 pour corriger certaines impr6cisions et faire 6voluer ces r6f6rences en fonction de l'6volution des connais- sances. Ce suivi sera assur6 par le Comit6 M6dical National Paritaire et la CSMF qui ont mis en place un comit6 scientifique de six membres (trois m6decins g6n~ralistes -- trois m6decins sp6cia- listes) dont un h6pato-gastro-ent6rologue lib6ral. Ce comit6 proposera une actualisation r6guli~re de ces r6f6rences, actualisation que I'ANDEM n'a pu accepter de faire compte tenu de la charge de travail qui lui est demand6e actuellement. Dans ce cadre, nous devons nous poser un cer- tain nombre de questions et vos suggestions 6ven- tuelles seront les bienvenues : -- Quelle place devons-nous donner ~ l'6radica- tion de l'h61icobacter pylori dans le traitement de la maladie ulc6reuse ? La r6cente conf6rence de consensus du NIH aux Etats-Unis propose des conclusions modifiant d'une mani~re consid6rable les modalit6s de prescription des anti-ulc6reux et met en balance le traitement d'entretien avec un traitement d'6radication par une triple th6rapie. -- Que doit-on faire face aux biopsies r6p6t6es sur une muqueuse digestive normale ? En endoscopie digestive haute, le diagnostic de gas- trite chronique, la d6tection de l'helicobacter pylori, et les recherches parasitaires justifient-ils une telle pratique ? Beaucoup d'entre-vous vont r6pondre oui en dehors du probl~me de nomenclature li6 au K50. Acta Endoscopica Volume 24 - N ~ 2 (supplement) - 1994 209

Les références médicales. Un bien ou mal nécessaire?

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Page 1: Les références médicales. Un bien ou mal nécessaire?

Les r6 f6rences m6dica les . Un bien ou mal n6cessai re ?

J.F. REY ( S a i n t - L a u r e n t d u V a r )

L'6volution des d6penses de sant6 combin6e h la r6cession, entrainant parall61ement une 616vation du ch6mage et une diminution des recettes des organismes sociaux, doit obligatoirement interpel- ler les m6decins non seulement en tant que prati- ciens, mais 6galement en tant que citoyens. I1 n'est possible pour aucun gouvernement de conti- nuer ~ laisser augmenter les d6penses de sant6 un rythme largement sup6rieur au produit indus- triel brut de la nation. Plusieurs possibilit6s politi- ques s'offrent alors :

La maitrise comptable qui a la faveur des 6nar- ques toutes tendances confondues, puisqu'il s'agit d'une ma~trise facile ~ mettre en oeuvre, constitu6e par une simple r6gle arythmique applicable facile- ment ; soit la maitrise m6dicalis6e permettant h la profession d'61iminer elle-m6me, l'inutile et le superflu, pour conserver une m6decine de qualit6 avec des choix orient6s par les praticiens, et en essayant d'am61iorer le syst6me de r6mun6ration pour payer chaque acte h son juste prix, notam- ment en ce qui concerne les actes intellectuels mais en sachant qu'un acte technique comporte 6galement une partie intellectuelle.

Pour prendre un exemple dans notre sp6cialit6, 6tait-il possible de laisser continuer la progression de. prescriptions d'une classe comme les anti-ulc6- reux ot~ le taux annuel de croissance prescriptions des diff6rents inhibiteurs de la pompe h protons et anti H2 a augment6 selon les sp6cialit6s de 5 20 %. En sachant que la population de malades ulc6reux ou pr6sentant une oesophagite par reflux, est 6pid6miologiquement stable. Cette progression ne pouvait se faire que sous la pression du marke- ting et d'une insuffisance de formation m6dicale continue entra~nant des associations inutiles et coOteuses, des traitements prolong6s largement au- delh des besoins et des recommandations de I'AMM. La place des recommandations m6dicales, v6ritable guide de bonne pratique et rappel de notions de base de formation continue devrait 6tre 61abor6e et conduire h la mise en place de quel- ques r6f6rences m6dicales opposables. Pour notre sp6cialit6, ces r6f6rences ne peuvent en aucun cas g6ner la pratique habituelle de l'h6pato-gastro- ent6rologie pour rappeler que l'opposabilit6 ne se fair qu'au cas par cas et peut se terminer 6ventuel- lement en cas de contr61e, devant un comit6 m6di- cal paritaire local ok les situations m6dicales d'exception seront confraternellement accept6es et admises. Vous aurez toujours le droit de prescrire des doses d'IPP quatre lois sup6rieures h la nor- male d'une mani6re ind6termin6e pour un malade pr6sentant un syndrome de ZoUinger-Ellison.

Les r6f6rences m6dicales 1993

Dans le cadre ~pre et difficile de la n6gociation conventionnelle, le syndicat des maladies de l'ap- pareil digestif s'est vu confier la mise en chantier de deux r6f6rences m6dicales en 1993, consacr6es aux anti-ulc6reux et ~ l 'endoscopie digestive. Le syndicat a aussit6t saisi la seule association ou soci6t6 ~t existence paritaire dans notre sp6cialit6, l'Association Nationale Franqaise de Formation Continue en H6pato-Gastro-Ent6rologie et c'est sous la direction de son Pr6sident que durant 1'6t6 1993, les membres du conseil d'administration ont r6dig6 des recommandations concernant ces deux sujets. De ces recommandations, le Comit6 M6di- cal Paritaire National a tir6 des r6f6rences apr~s avis de I 'ANDEM. Il n'est pas inutile de rappeler que c'est tout ~ l 'honneur de notre sp6cialit6 si la m6thodologie propos6e impliquant I 'ANDEM a 6t6 accept6e dans le cadre conventionnel, ceci pour donner une cr6dibilit6 et une valeur ~ ces recommandations. Mais comme toute oeuvre de formation continue, elle ne peut 6tre fig6e ~ une date d6finitive et un suivi a 6t6 demand6 pour corriger certaines impr6cisions et faire 6voluer ces r6f6rences en fonction de l'6volution des connais- sances. Ce suivi sera assur6 par le Comit6 M6dical National Paritaire et la CSMF qui ont mis en place un comit6 scientifique de six membres (trois m6decins g6n~ralistes - - trois m6decins sp6cia- listes) dont un h6pato-gastro-ent6rologue lib6ral. Ce comit6 proposera une actualisation r6guli~re de ces r6f6rences, actualisation que I 'ANDEM n'a pu accepter de faire compte tenu de la charge de travail qui lui est demand6e actuellement.

Dans ce cadre, nous devons nous poser un cer- tain nombre de questions et vos suggestions 6ven- tuelles seront les bienvenues :

- - Quelle place devons-nous donner ~ l'6radica- tion de l'h61icobacter pylori dans le traitement de la maladie ulc6reuse ? La r6cente conf6rence de consensus du NIH aux Etats-Unis propose des conclusions modifiant d'une mani~re consid6rable les modalit6s de prescription des anti-ulc6reux et met en balance le traitement d'entretien avec un traitement d'6radication par une triple th6rapie.

- - Que doit-on faire face aux biopsies r6p6t6es sur une muqueuse digestive normale ? En endoscopie digestive haute, le diagnostic de gas- trite chronique, la d6tection de l'helicobacter pylori, et les recherches parasitaires justifient-ils une telle pratique ?

Beaucoup d'entre-vous vont r6pondre oui en dehors du probl~me de nomenclature li6 au K50.

Acta Endoscopica Volume 24 - N ~ 2 (supplement) - 1994 209

Page 2: Les références médicales. Un bien ou mal nécessaire?

En pathologie colique, ne faut-il pas au contraire proscrire ce type d'attitude pour ne conserver que la biopsie syst6matique sur une muqueuse normale saul en cas de diarrh6e chronique.

Ces deux exemples doivent nous interpeller et c'est fa la profession de proposer ces propres modes d'6valuation et de r6gulation pour 6viter que des profanes nous imposent des contraintes beaucoup plus dures tant du point de vue scientifi- que que du point de vue financier.

Les r6f6rences m6dicales 1994

Deux sujets ont 6t6 retenus pour 1994 : le reflux gastro oesophagien de l'enfant et les indications de la cholecystectomie.

Pour la m6thodologie, I 'ANDEM a 6t6 charg6e de mettre en place des groupes de travail, qui remettront leur rapport directement au Comit6 M6dical Paritaire National. La composition de ces groupes doit faire l'objet de crit~res pr6cis et indiscutables pour 6tre justifi6e. I1 serait choquant que les praticiens lib6raux auxquels s'appliquent les r6f6rences m6dicales ne soient pas repr6sent6s d'une mani~re paritaire au sein de ces groupes. En effet, les responsables des soci6t6s savantes se sont 6mus de ne pas 6tre charg6s directement de la r6daction des r6f6rences m6dicales. Faut-il rappe- ler que dans notre sp6cialit6 l'Association Natio- nale Franqaise de Formation Continue en H6pato- Gastro-Ent6rologie regroupe d'une mani6re pari- taire, des praticiens universitaires et non universi- taires et constitue le seul lieu o3 cette parit6 s'effectue d'une mani~re d6mocratique et qu'h l'instigation en 1993, du conseil d'administration, l'ensemble des soci6t6s savantes avait 6t6 invit6 adresser un correspondant pour la repr6senter dans les groupes de travail. Pour ne pas pol6mi- quer inutilement il faut rappeler que la Soci6t6 Nationale Fran~aise de Gastro-Ent6rologie ne regroupe au sein de ses membres titulaires (seuls

membres ayant un droit de vote dans un mode de renouvellement de bureau archaique et peu d6mo- cratique) qu'une majorit6 de praticiens hospita- liers, ce qui lui interdit, quelque soit la qualit6 scientifique de ses membres d'etre repr6sentative de l'ensemble de la profession d'autant plus qu'ac- tuellement les r6f6rences m6dicales opposables ne s'appliquent pas h l 'h6pital .

A c e niveau, le CREGG ayant toujours eu une volont6 et une r6alit6 de repr6sentativit6 concer- nant la majorit6 de nos coll~gues lib6raux doit avoir une position vigilante et sensibiliser si besoin nos diff6rents partenaires, sur la n6cessit6 imp6- rieuse de maintenir cette parit6 dans la r6alit6 des faits.

Conclusion

La ma~trise m6dicalis6e est un choix de mise en oeuvre obligatoirement difficile. Les premiers r6sul- tats sont positifs h la fois sur l'infl6chissement de la croissance des d6penses de sant6 mais 6gale- ment sur la prise en compte des demandes et des choix que nous avons faits au cours des n6gocia- tions conventionnelles. Aux partisans du lib6ra- lisme effr6n6, nous demandons de r6pondre claire- ment aux questions suivantes :

Pouvons-nous vivre sans convention ? Qui assu- rerait l'essentiel des revenus m6dicaux en l'absence d'un syst~me de s6curit6 sociale ?

Si vous pensez que la convention est utile pour 6viter la maitrise comptable, vous devez accepter une ma~trise m6dicalis6e donc l'application de r6f6rences m6dicales pour sauvegarder les possibi- lit6s d6cisionnelles de notre profession. Si vous pensez que la convention est inutile et contrai- gnante, il faut alors logiquement ch0isir le seul syst~me correspondant h cette d6marche, c'est-~- dire de vous mettre hors convention et de n6go- cier directement avec votre clientele le paiement et le recouvrement de vos honoraires.

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