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LES REGISTRES DE CANCER : SAVOIR INTERPRI~TER LES DONNEES L'incidence, la mortalit6, la survie des cancers, sont 6tablies ~ partir des registres de cancer et des statis- tiques d6mographiques du pays concern6 (effectifs par sexe et par tranche d'fige) ; l'analyse des donn6es permet la comparaison entre pays et montre la ten- dance 6volutive (progression ou r6gression de l'inci- dence et de la mortalit6) dans le temps. Pour utiliser bon escient ces donn6es qui sont les bases s6rieuses de l'analyse de l'incidence et de la mortalit6 par can- cer, il faut conna~tre l'existence d'erreurs, d'imprdci- sions et de biais d'interpr6tation propres h chaque registre. Peu de pays ont un registre contr61ant toute la population. En Europe, ce sont les pays g faible effec- tif de population (Scandinaves) ; pour la France et l'Allemagne, les registres concernent moins de 5 % de la population. Les certificats de d6cbs sont comp- tabilis6s au niveau local et national par les Instituts Nationaux de Statistique, mais l'information est par- tielle et n'enregistre que la mortalit6. L'6valuation de la morbidit6 et de la morbidit6 canc6reuse d'un pays repose alors sur des estimations effectu6es ?a partir des donn6es partielles des registres (cf. l'6valuation en aofit 2003 par les Pompes Funbbres de la mortalit6 li6e ~ la vague de chaleur en France ~ partir des don- n6es de l'Ile de France). De nombreux pays en d6ve- loppement n'ont pas de registre ; les estimations sont alors 6tablies ~ partir des pays voisins. Les tumeurs sont cit6es dans les registres avec la classification internationale des maladies, oncologie (CIM-O : 5 chiffres pour l'histologie, une lettre et 3 chiffres pour la localisation). Un cancer du tiers moyen de l'0esophage est enregistr6 comme C154 et 8070/3 pour l'6pidermoide ou 8140/3 pour l'ad6no- carcinome... Lorsque l'histologie fait d6faut, la tumeur est simplement class6e dans le site comme cancer. S'il y a 2 types de tumeurs ~ ce niveau et si la proportion de non class6s pour l'histologie est importante, l'6valuation de leur fr6quence respective est sujette ?~ caution. Cette ambiguit6 existe dans plu- sieurs registres pour la distinction entre cancer 6pi- dermoide et ad6nocarcinome dans l'0esophage. Pour citer l'organe en cause, la majorit6 des registres se contente de 3 digits et utilise rarement ou pas le 4 e chiffre qui pr6cise la localisation dans l'organe ; l'in- formation sur la topographie fait alors d6faut. Le choix de la localisation pr6te aussi ~ l'ambiguYt6. L'0esophage est divis6 en trois secteurs : cervical, thoracique, abdominal pour les chirurgiens ; proxi- mal, moyen, distal pour les endoscopistes. Les num6- ros correspondants sont diff6rents. L'estomac proxi- mal est appel6 soit cardia, soit jonction OG. Dans l'~esophage comme dans l'estomac, il y a un 4 e chiffre pour les 'tumeurs ~t cheval sur 2 organes' ou les tumeurs sans autre indication SAI ou NOS (non otherwise specified). On comprend qu'une tumeur de la r6gion OG puisse ~tre class6e dans l'0esophage comme dans l'estomac. Si on analyse l'6volution temporelle de l'incidence d'un cancer, tr~s m6dia- tis6, dans un registre alors que la proportion de NOS diminue dans le temps, un accroissement artificiel de la fr6quence de cette localisation est in6vitable. Ce biais temporel s'est produit pour la localisation au cardia du cancer de l'estomac. L'augmentation de fr6quence du cancer du cardia dispara~t lorsque les donn6es du registre sont corrig6es pour la variation de l'enregistrement en NOS. En fait, pour l'inci- dence de l'ad6nocarcinome cesophagogastrique, l'6tude critique des registres confirme l'augmenta- tion dans l'0esophage, la r6duction dans l'estomac distal et la stabilit6 au cardia. A la jonction OG, l'ori- gine des tumeurs 0esophagiennes et gastriques est incertaine et l'augmentation d'incidence du cancer doit ~tre attribu6e ~ l'0esophage. Ren6 LAMBERT Septembre 2003-63 820 Volume 33 - N ~ 5 - 2003 Acta Endoscopica

Les registres de Cancer: Savoir interpréter les données

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LES REGISTRES DE CANCER : SAVOIR INTERPRI~TER LES DONNEES

L'incidence, la mortali t6, la survie des cancers, sont 6tablies ~ part ir des registres de cancer et des statis- t iques d6mograph iques du pays concern6 (effectifs par sexe et par t ranche d'fige) ; l 'analyse des donn6es permet la compara ison entre pays et mont re la ten- dance 6volutive (progression ou r6gression de l'inci- dence et de la mortali t6) dans le temps. Pour utiliser

bon escient ces donn6es qui sont les bases s6rieuses de l 'analyse de l ' incidence et de la mortalit6 par can- cer, il faut conna~tre l 'existence d 'erreurs, d'imprdci- sions et de biais d ' i n t e rp r6 t a t ion p ropres h chaque registre.

Peu de pays ont un regis t re contr61ant t ou te la population. En Europe , ce sont les pays g faible effec- tif de popu la t ion (Scandinaves) ; pou r la F rance et l 'Al lemagne, les registres conce rnen t moins de 5 % de la population. Les certificats de d6cbs sont comp- tabilis6s au niveau local et nat ional par les Instituts Nat ionaux de Statistique, mais l ' information est par- tielle et n 'enregistre que la mortalit6. L '6valuat ion de la morbidit6 et de la morbidit6 canc6reuse d 'un pays repose alors sur des es t imat ions effectu6es ?a par t i r des donn6es partiel les des registres (cf. l '6valuation en aofit 2003 par les Pompes Funbbres de la mortalit6 li6e ~ la vague de chaleur en France ~ part ir des don- n6es de l 'Ile de France) . De nombreux pays en d6ve- loppement n 'on t pas de registre ; les estimations sont alors 6tablies ~ part ir des pays voisins.

Les tumeurs sont cit6es dans les registres avec la classification in ternat ionale des maladies, oncologie (CIM-O : 5 chiffres pour l 'histologie, une let tre et 3 chiffres p o u r la loca l i sa t ion) . Un cance r du t iers moyen de l '0esophage est enregistr6 comme C154 et 8070/3 pour l ' 6p ide rmoide ou 8140/3 pour l 'ad6no- carc inome. . . L o r s q u e l 'h i s to logie fait d6faut , la tumeur est s imp lemen t class6e dans le site com m e cancer. S'il y a 2 types de tumeurs ~ ce niveau et si la p r o p o r t i o n de non class6s pou r l 'h i s to logie est

importante, l '6valuat ion de leur f r6quence respective est sujette ?~ caution. Cet te ambiguit6 existe dans plu- sieurs registres pour la dist inction entre cancer 6pi- dermoide et ad6nocarc inome dans l'0esophage. Pour ci ter l 'o rgane en cause, la major i t6 des registres se contente de 3 digits et utilise r a r emen t ou pas le 4 e chiffre qui pr6cise la localisation dans l 'organe ; l'in- f o rma t ion sur la t o p o g r a p h i e fai t alors d6faut . Le choix de la loca l i sa t ion pr6 te aussi ~ l 'ambiguYt6. L '0esophage est divis6 en t rois sec teurs : cervical , thoracique, abdomina l p o u r les chirurgiens ; proxi- mal, moyen, distal pour les endoscopistes. Les num6- ros correspondants sont diff6rents. L 'es tomac proxi- mal est appel6 soit cardia, soit jonc t ion O G . Dans l'~esophage comme dans l 'es tomac, il y a un 4 e chiffre p o u r les ' t u m eu r s ~t cheva l sur 2 o rganes ' ou les tumeurs sans au t re ind ica t ion SAI ou N O S (non otherwise specified). On comprend qu 'une tumeur de la r6gion O G puisse ~tre class6e dans l '0esophage c o m m e dans l ' e s tomac . Si on analyse l ' 6vo lu t ion t empore l l e de l ' inc idence d ' u n cancer , tr~s m6dia- tis6, dans un registre alors que la p ropor t ion de NOS diminue dans le temps, un accroissement artificiel de la f r6quence de cet te localisat ion est in6vitable. Ce biais t empore l s 'est p rodu i t p o u r la localisat ion au cardia du cancer de l ' e s tomac . L ' a u g m e n t a t i o n de f r6quence du cancer du cardia dispara~t lorsque les donn6es du registre sont corrig6es pour la variat ion de l ' e n r e g i s t r e m e n t en NOS. E n fait, p o u r l ' inci- dence de l ' a d 6 n o c a r c i n o m e cesophagogas t r ique , l '6 tude cr i t ique des regis t res conf i rme l ' augmenta - t ion dans l '0esophage, la r6duc t ion dans l ' e s tomac distal et la stabilit6 au cardia. A la jonct ion OG, l 'ori- gine des t umeur s 0esophagiennes et gas t r iques est incer ta ine et l ' augmen ta t i on d ' inc idence du cancer doit ~tre at tr ibu6e ~ l '0esophage.

Ren6 L A M B E R T Septembre 2003-63

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