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UNIVERSITE DU MAINE UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines Département d’Etudes Anglophones Labo 3L.AM, EA 4335 Thèse présentée En vue de l’obtention du DOCTORAT de L’UNIVERSITE du Maine Discipline : Etudes Anglophones Par Mohamed Benitto LES RELATIONS RACIALES EN GRANDE-BRETAGNE : LA COMMUNAUTE ARABE DE LONDRES ET LA QUESTION INTERCULTURELLE (2001-2008) Directeur de thèse Richard THOLONIAT, professeur à l’Université du Maine Co-directeur de thèse Brahim LABARI, professeur à l’Université Ibn Zohr, Maroc Membres du jury Didier LASSALLE, Professeur à l’Université Paris Est Mohamed MADOUI, professeur à la CNAM Benaouda LEBDAI, professeur à l’Université du Maine Christian AUER, Maitre de conférences à l’Université Strasbourg Romain GARBAYE Maitre de conférences à l’Université Paris IV Thèse soutenue le 12/11/2010

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UNIVERSITE DU MAINE UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines Département d’Etudes Anglophones Labo 3L.AM, EA 4335 Thèse présentée En vue de l’obtention du DOCTORAT de L’UNIVERSITE du Maine Discipline : Etudes Anglophones Par Mohamed Benitto LES RELATIONS RACIALES EN GRANDE-BRETAGNE : LA COMMUNAUTE ARABE DE LONDRES ET LA QUESTION INTERCULTURELLE (2001-2008) Directeur de thèse Richard THOLONIAT, professeur à l’Université du Maine Co-directeur de thèse Brahim LABARI, professeur à l’Université Ibn Zohr, Maroc Membres du jury Didier LASSALLE, Professeur à l’Université Paris Est Mohamed MADOUI, professeur à la CNAM Benaouda LEBDAI, professeur à l’Université du Maine Christian AUER, Maitre de conférences à l’Université Strasbourg Romain GARBAYE Maitre de conférences à l’Université Paris IV Thèse soutenue le 12/11/2010

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Remerciements Je tiens à remercier, M. Richard Tholoniat, mon directeur de thèse, pour la confiance qu’il m’a témoigné et les réponses qu’il a apportées à mes sollicitations. Qu’il trouve ici l’expression de ma reconnaissance pour le temps et l’énergie consacrés à l’amélioration de ce travail. J’exprime également ma gratitude à M. Brahim Labari, co-directeur de thèse, pour son soutien scientifique et humain, constant et bienveillant.

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Table des matières

Introduction générale………………………….…………………………………….10

1. Définitions du terme Arabe : contours d’une appellation........ …....................11

1.1 Arabes et appartenance religieuse : de la nécessaire classification…………...11

1.2 Exploration généalogique : aux sources du mot „‟arabe‟‟…………...............12

2. Champ de la recherche…………………………………………………………...16

3. Questionnement et méthode …………………………………………………..…19

3.1 Questions de la recherche…………………………………………………….19

3.2 Démarche méthodologique…………………………………………………..20

Première partie : Sociohistoire des premiers contacts arabo-britanniques et de

l’émigration arabe

Chapitre I : Socio-histoire des premiers contacts arabo- britanniques

Introduction……………………………………………………………… ..……..…..24

1. Les premières influences culturelles……………...………………………….…25

2. Les contacts militaires et politiques……………………………………………..26

2.1 Mandats : pays sous ingérence……………………………………………...27

2.1.1Irak : zone terrestre d‟influence pour les Britanniques………………..27

2.1.2 Mandat sur la Palestine : quand le religieux et le politique se mêlent..28

2.1.3 Mandat britannique sur la Transjordanie …………..…………….…..29

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2.2 Protectorat : autre manière de légitimer la quête d‟intérêt……………......…..30

2.3 Aden : seule colonie arabe des Britanniques…………......................................32

2.4 Coopération ou mandat déguisé : le cas des pays du Golfe …………….…....33

3. Rapports arabo-britanniques de la Période post-indépendance……………....34

Conclusion……………………………………………………………………............35

Chapitre II : L’émigration arabe en Grande-Bretagne

Introduction…………………………………………………………………...………36

1. Itinéraires des mouvements migratoires arabes……………………….……...37

1.1 Mouvement régional ou interarabe………………….……………………..37

1.2 Mouvement à l‟extérieur du monde arabe………………..…………...…..38

1.3 Mouvement vers la Grande-Bretagne…..………………….……. ………..39

2. L’émigration arabe .......................................... ...…………………......................42

2.1 Le contexte de l‟émigration…………………...………………….……………42

2.1.1 Le nationalisme et la quête d‟indépendance…………..………..……42

2.1.2 Ebranlement politique : les coups d‟Etats………...………………....44

2.2 Les raisons de l‟émigration………………………………………..……….…45

2.2.1 Le facteur politique………………………………..……...………......45

a. Instabilité politique……………………………...…..……..45

b. Absence de libertés individuelles………….……….….…..48

2.2.2 Guerres régionales : instabilité dans la géopolitique du Proche-Orient...48

a. Guerres arabo-israéliennes : ébranlement à trois reprises.....48

b. Guerre du Liban : effet d‟une guerre civile………………...49

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c. Guerres du Golfe : de la guerre Irak-Iran à la guerre du

Koweït……………………………………………………...50

2.2.3 Le facteur économique………………………………………...……51

2.2.4 Le facteur démographique ……………………………..………..….53

Conclusion…………………………………………………………………………….55

Chapitre III : Aspects démographiques, socioéconomiques et organisationnels

Introduction…………………………………………………………………………...56

1. La communauté arabe dans la mosaïque ethnique en Grande-Bretagne……….....56

2. Répartition démographique de la communauté arabe…………..………………...57

3. Poids économique et diversité sociale……………………….................................60

4. L‟organisation communautaire : du national à l‟ethnique………………..….…….63

4.1 Le cadre juridique de la pratique associative……………………………64

4.2 Naissance de pratiques associatives arabes……………………………..64

4.2.1 Types d‟associations………………………………………..…...66

a. Associations à caractère national………………………...66

b. Association à caractère ethnique……….…………….......67

4.2. 2 Activités associatives………………………….….…….............68

a. Activités à caractère cultuel et social……………...…...68

b. Enseignement de l‟arabe………………..……………....69

4-3 La pratique associative et l‟intégration……………………………...69

Conclusion……………………………………………………………………….….. 73

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Deuxième partie : la communauté arabe entre identité et intégration

Chapitre IV : La question identitaire

Introduction………………………………………………………………………….74

1. Qu’est ce que c’est l’identité ?……………………………………………...75

1.1 Emergence du concept………………..……………….………………….…75

1.2 Définitions du concept………...……………………………………….….…75

1.2.1 Identité personnelle……………………………………….………........78

1.2.2 Identité collective et culturelle……………….…………………….…..79

1.2.3 Identité sociale …………………..…………………………………..…80

2. La communauté arabe et la construction identitaire…………………………80

2.1 Mode de présentation de soi…………………………………....…………….80

2.2 Média : moyen de construction identitaire……………………………...……84

2.2.1 Médias britanniques et minorités ethniques………………...……………85

2.2.2 Médias arabes et quête d‟identité…………………………….…….……....88

A. Presse audiovisuelle et création d‟une communauté transnationale………....89

a. Al-Jazira………………………….…………………………..…………………….89

b.MBC………………………………………………….………...…………...90

B. Presse ethnique et tendance panarabe………………………………...….….....91

a. Al-Charq Al-Awsat …................................................................................92

b. Al-Hayat…………………………………………………………...…..….93

c. Al-Quds Al-Arabi ………………………………………………..…….....93

C. Presse spécialisée : la voix des émigrants……………....…………………. …..94

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2.3 Langue arabe et quête identitaire……………………………………………....96

2.3.1 Langue et identité culturelle………...……...…… …………...…………..97

2.3.2 Langue et identité religieuse………..……………………………..……...98

2.3.3 La maîtrise de la langue…...…………………………………..…...……...100

Conclusion…………………………….………………………………………...…...102

Chapitre V : L’intégration politique et socioculturelle

Introduction……………………………………………………………………….....104

1. La politique britannique en matière d’intégration…………..…………….105

1.1Assimilation dans un Etat-nation………………….……………………….105

1.2 Reconnaissance de la diversité culturelle………………………………...107

2. La participation politique comme moyen d’intégration……….…………...109

2.1 La participation politique……………………………………..………….109

2.2 Les minorités ethniques et les partis politiques britanniques……………..110

2.3 La communauté arabe et la participation politique……………….…..…...113

2.3.1 Participation informelle : une participation protestataire………..….114

2.3.2 Participation formelle : expression de citoyenneté et d‟intégration..115

3. La communauté arabe et l’intégration socioculturelle………………...……117

3.1 La communauté arabe : entre tradition et modernité……………………....118

3.2 Le mariage mixte : voie d‟intégration ?......................................................122

3.2.1 Endogamie : quand la religion s‟impose………………..................123

3.2.2 Exogamie ou la relation déchue d‟appartenance….……….............125

Conclusion………………………………………………………………………..….126

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Troisième partie Les rapports intercommunautaires : les vicissitudes

Chapitre VI : Les rapports intercommunautaires du point de vue de la

population majoritaire

Introduction ……………………………………………………… ….. ……….....128

a. La connaissance mutuelle : clé d‟une communication intergroupe…….…...129

b. L‟empathie : moyen d‟éviter les tendances ethnocentristes ……………….130

1. Protocole d’enquête sociologique…………………………………………...…..131

2. La culture et ses implications…………………………………………………...136

2.1 Définitions de la culture…………………………………………………..136

2.2 Enculturation, acculturation………………………………………..….…139

2.2.1 Enculturation….……………………………………………….………139

2.2.2 Acculturation…………………………………………...…….................140

2.3 L‟interculturel et ses enjeux………………………………………………142

3. Les représentations occidentales des Arabes et du monde arabe…...………147

3.1 Stéréotype et préjugé : obstacles du rapport intergroupe……………………147

3.1.1 La force du stéréotype………………………………………………….147

3.1.2 L‟effet du préjugé……………………………........................................148

3.2 L‟orientalisme et la fabrication de l‟image d‟autrui……………………………149

3.3 La représentation exotique, voluptueuse et fanatique des Arabes…………........152

3.3.1 Représentation exotique de l‟altérité culturelle………………..………..152

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3.3.2 Représentation voluptueuse et image du harem…………….....................153

3.3.3 Représentation fanatique nourrie par les enjeux du moment…………..….154

4. Les Arabes dans l’imaginaire britannique ……………… ……………………155

4.1 Représentation romantique : une admiration de la vie de bédouinité……..…155

4.2 Représentation stéréotypique dans le cinéma, les médias et la littérature…....157

4.3 L‟incompatibilité culturelle et le fanatisme religieux…………..………..….159

5. Traitement et interprétations des données…………………………………...163

5.1 Attitudes d‟acculturation…………………………………………...………..163

5.2 Connaissance d‟autrui et question d‟écart culturel……………………….…..168

5.3 Contact avec autrui et la dominance du rapport intragroupe……....................174

Conclusion…………………………………………………………………………176

Chapitre VII : Les rapports intercommunautaires du point de vue de la

population minoritaire

Introduction………………………………………...………………………………179

1. Les représentations de l’Occident : de l’orientalisme à l’occidentalisme…...180

1.1 Représentation positive et conciliation de deux modèles culturels……….....181

1.2 Représentation des islamistes et nationalistes de l‟Occident…………….….183

1.2.1 Le rejet islamiste et la thèse de l‟invasion culturelle………………..…..183

1.2.2 Le rejet nationaliste et la rhétorique du colonialisme……………......…185

1.3 Le rejet de l‟Occident dans les médias et la littérature……….……...…….....186

2. La culture : moyenne de médiation interculturelle…………………...…...…. 188

2.1 Qu‟est-ce que c‟est la consommation culturelle ?.........................................188

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2.2 Pratique culturelle : pont interculturel……………………….……………....189

3. Traitement des données………………………………………………….….… .190

3.1 Les pratiques culturelles……………………………………………………..190

3.1.1 Lecture des journaux……….……………………………...…………190

3.1.2 Pratiques audiovisuelles…………………………………………..…...191

3.1.3 Fréquentation de l‟espace public……………………………….. …..192

3.2 Les attitudes d‟acculturation…………………………………………….…..192

3.3 Les réseaux des relations interpersonnelles…………………..………...……193

4. Analyse et interprétations des données…………………………………….….194

4.1 Médias arabes : puissants facteurs de ressourcement communautaire……….194

4.2 Les attitudes d‟acculturation : entre recul et avancement vers

la culture majoritaire……………………………………………………..197

4.2.1 La séparation : la poursuite de l‟authenticité culturelle……………..….197

4.2.2 L‟intégration : une recomposition identitaire a double facette .……..200

4.2.3 L‟individualisme : le rapport sur une base humaniste………… ……....201

4.2.4 L‟assimilation : l‟alignement unilatéral sur la culture majoritaire……203

4.3 Choix des réseaux des relations interpersonnelles ……………………….......204

4.3.1 Choix intra-ethnique autour de groupes d‟appartenance nationale, ethnique,

ou religieuse…………………………………………………………………..……..205

4.3.2 Choix extra-ethnique au-delà des groupes d‟appartenance………...…….208

Conclusion………………………………………………………………...................210

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5. Le rapport intercommunautaire : Déductions et synthèse……………………212

5.1 Points majeurs de discordance intercommunautaire…………………….….213

5.1.1 Divergence d‟ordre culturel…………………………………….……….213

5.1.2 Place du religieux dans la constitution des deux communautés………...215

5.1.3 Effet d‟une mémoire gravée dans les consciences collectives……….…216

5.2 Facteurs d’aggravation de discordance intercommunautaire…………….217

5.2.1 Les médias et l‟inculcation d‟une altérité culturelle anormale…………217

5.2.2 La gestion communautaire ou la création des enclaves………………...218

5.3 Quelles sorties de l’impasse ?………………………………………………....220

5.3.1 Pratique médiatique : régulation des dérives………..……………….….220

5.3.2 Education : vecteur de connaissance d‟autrui…………………………....221

Conclusion générale……………………………………………………….……224

Bibliographie………………………………………………………………...…...235

Annexe………………………………………………………………………...….253

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Introduction générale

Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et du 7 juillet 2005 en

Grande-Bretagne sont à l‟origine d‟un grand débat au sein des sociétés européennes

caractérisées par la diversité ethnique et culturelle. L‟intégration des musulmans est

devenue une préoccupation dans ces sociétés où la sécularisation est considérée

comme pilier de société et trait de modernité comme en témoignent l‟interdiction

des minarets en Suisse en 2010 et la Burqua dans tous les services publics, mais

aussi dans l‟intégralité de l‟espace public, y compris la rue, en France et en

Belgique.

En Grande-Bretagne, le fait que les auteurs des attentats de Londres sont des

citoyens britanniques de confession musulmane était un véritable choc, source

d‟interrogations de la classe politique et des médias sur la pertinence du

multiculturalisme. La recherche de moyens susceptibles de renforcer l‟intégration

des minorités, la citoyenneté, et la cohésion sociale a suscité beaucoup d‟intérêt et

de débat. L'intégration est un phénomène complexe qui implique à la fois une

participation active des immigrants dans les domaines économiques et sociaux de la

société d‟accueil, mais aussi un processus d'adaptation culturelle à double sens,

venant tant des immigrants que de la société d'accueil. Ce travail ambitionne de

repérer les entraves à la coexistence intercommunautaire (Community Cohesion) à

travers l‟étude de cas de la communauté arabe de Londres et ses rapports

interculturels avec les autochtones.

La communauté arabe installée sur le sol britannique regroupe différentes

nationalités. Cette communauté, composée d‟une diversité de peuples appartenant

aux vingt-deux pays qui constituent la Ligue arabe, a comme lien commun la

langue arabe et des pratiques coutumières. Malgré ce lien, les Arabes à Londres ne

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forment pas une seule communauté au sens exact du terme. Plusieurs communautés

indépendantes ou mini-communautés se regroupent autour des origines

géographiques, des institutions religieuses (mosquées, églises), ou des associations

nationales. De là, on peut parler, par exemple, du „‟ rassemblement‟‟ égyptien,

marocain ou palestinien. Ces rassemblements maintiennent leurs institutions

séparées, avec peu de contacts entre eux. Ainsi, au sein même des regroupements

libanais, chrétiens et musulmans ont leurs associations séparées.

D‟autre part, plusieurs dialectes caractérisent la langue arabe qui semble être

un lien commun et un indicateur d‟identité ethnique. L‟arabe dialectal à Fès,

Bagdad, ou Riyad est différente. La majorité des gens venant du monde arabe

comprend l‟arabe dialectal égyptien en raison de l‟influence de l‟industrie

cinématographique égyptienne. Une renaissance linguistique basée sur la langue

arabe comme langue nationale et officielle a été renoué par l‟avènement du

nationalisme arabe au moment où plusieurs pays arabes œuvraient pour leurs

indépendances. Même s‟il existe toujours des variations dialectales, l‟arabe standard

moderne est le moyen de communication dans les médias de masse, l‟administration

et l‟éducation.

1. Définitions du terme Arabe : contour d’une appellation

1.1 Arabes et appartenance religieuse : de la nécessaire classification

Le terme arabe ne définit pas une religion unique. La tendance à

considérer les Arabes sous l‟angle de la religion est due au fait que le Coran, texte

sacré de l‟Islam, fut révélé en arabe et que les Arabes furent les premiers à

répandre l‟Islam dans le monde. L‟existence des chrétiens dans le monde arabe est

souvent ignorée1 . Pourtant, ils représentent 6,3 % de la population, notamment au

Liban, en Syrie, en Egypte, en Jordanie, en Palestine et en Irak2. La plus grande

concentration des chrétiens arabes est en Egypte (les Coptes) et au Liban (les

Maronites). Les Arabes chrétiens sont aujourd‟hui des citoyens à part entière dans

les pays arabes majoritairement musulmans. Depuis plus d‟un millénaire, ils sont de

1 A. Wessels, Arab and Christian? Christians in the Middle East, p. 1.

2 P. Fargues, „The Arab Christian of the Middle East: A Demographic Perspective,‟ Christian Communities,

p.48.

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langue et culture arabe et partagent avec les Arabes de confession musulmane les

mêmes coutumes. Ce sont ces chrétiens arabes qui, comme le souligne Hamad

Essid, inventèrent l‟arabisme, projet visant à réunir les Arabes sous la bannière

d‟une culture commune malgré la diversité des voies spirituelles. Ils orientèrent

cette idéologie vers la communauté linguistique et culturelle au détriment de

l‟identification religieuse.

Dans les pays arabes, on trouve également des juifs arabes. La majorité

écrasante des juifs, du Maroc à l‟Irak, étaient arabophones. La langue arabe était

utilisée dans leur communication quotidienne jusqu‟au moment de la dissolution

des communautés juives suite au déclenchement du conflit arabo-israélien,

notamment avec la déclaration de l‟indépendance d‟Israël en 1948 et les guerres de

1967 et 19733. Pour la grande majorité des juifs, l‟arabe dialectal (ou les arabes

dialectaux) était la langue utilisée à l‟intérieur de la communauté. Cette présence de

la langue arabe, qui paraît très ancienne, était dominée par l‟arabe vernaculaire qui

était la langue de la majorité. D‟après Jacques Taib, les parlers arabes des juifs

étaient émaillés de mots, d‟expressions, et de phrases berbères qui provoquaient la

surprise chez leurs coreligionnaires arabophones d‟autres régions4. La diminution

des juifs arabophones fut engendrée par leur émigration massive qui est à l‟origine

de la rupture des liens avec la culture et le monde arabe.

1.2 Exploration généalogique : aux sources du mot ‘’arabe’’

Arabe est un terme qui suscite des controverses et dont les contours et les

limites manquent de précision. De façon générale, il est défini comme celui dont la

langue maternelle est la langue arabe. Utilisant une définition généalogique, Ibn

Khaldoun5 limite le terme „Arabe‟ à ceux dont les origines remontent aux anciens

habitants de la péninsule arabique. Il distingue entre bédouins et citadins ou

sédentaires. Les premiers mènent une vie purement nomade comme éleveurs de

chameaux tandis que les derniers commencent à s‟acheminer vers la civilisation. La

3 N. Stillman, The Jews of Arab Lands in Modern Times, p.32.

4J. Taib, Sociétés juives du Maghreb modern (1500-1900), p.159.

5 Ibn Khaldoun (1331-1406) : historien, philosophe et homme politique arabe.

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civilisation en tant que mode de vie sédentaire est contraire à la manière d‟être des

bédouins. Elle engendre la désarabisation des structures sociales et de la langue. On

donnait le nom arabe, qui était souvent considéré comme synonyme de bédouin,

non seulement aux citadins ou aux cultivateurs mais aussi aux membres des tribus

qui, ayant émigré de l‟Arabie à l‟Egypte ou d‟autres pays, étaient demeurées

nomades.

Edward Atiyah dans The Arabs, les définit comme„‟un peuple nomade

habitant la péninsule arabique, une branche du groupe linguistique héréditaire qui a

donné naissance également aux juifs. Des nomades arabes sont également en

Jordanie, en Syrie, en Irak, et en Afrique du Nord. Ils sont connus comme

bédouins6.‟‟ Israël Ephal dans The Ancient Arabs : Nomads on the Borders of the

Fertile Crescent,7 confirme que le nom fréquemment utilisé pour désigner les

nomades vivant dans l‟Arabie depuis le premier millénaire avant Jésus-Christ est

„Arabe.‟ On appelait les habitants de la péninsule arabe du nom „Aribi‟, „Arabi et

Arubu8‟. Ce terme était employé au début pour désigner exclusivement les

habitants de la partie nord de l‟Arabie et du croissant fertile ; avec le déplacement

des bédouins vers le sud de l‟Arabie habitée par une population sédentaire, le

terme désigne toute la population de la région9.

Ainsi, Maxime Rodinson, dans Les Arabes10

, essaya d‟éclaircir cette notion

d‟arabe à travers les critères de la langue, de la culture et de la conscience de

l‟arabité. Ce n‟est pas seulement l‟origine qui détermine l‟arabité qui est une

manière d‟être et une valeur d‟union11

, mais c‟est plutôt l‟adoption de la culture

arabe. Le plus essentiel de ces critères est la conscience de l‟identité arabe qui se

traduit par l‟identification avec l‟histoire arabe et la revendication de la conscience

6 E. Tiyah, The Arabs, p. 3 : „A nomad people inhabiting the Arabian Peninsula- a branch of the ancestral

linguistic group that gave birth also to the Jews. Nomad Arabs are still to be found today, not only in the Arabian

Peninsula itself, but also in Jordan, Syria, Iraq, and North Africa. They are known as Bedouin‟ 7 Ibid. p.7.

8 Ibid. p.6.

9 E. Atiyah, The Arabs, p.8.

10Ibid. p.17.

11 J. Berques, Les Arabes, p.6-8.

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de l‟arabité,12

comme la définition de Gibb Hamilton Alexander dans The Arabs

l‟illustre : „‟sont Arabes ceux pour qui le fait central de l'histoire est la mission de

Mohamet et la mémoire de l'empire arabe, et qui, en plus, chérissent la langue arabe

et son patrimoine culturel comme possession commune13

.‟‟Autrement dit, le fait de

manifester un sentiment d‟appartenance à la collectivité humaine des arabophones

en s‟attachant à la langue arabe, la culture arabe et l‟organisation sociale qui reflète

l‟esprit du groupe et qui est lié à la civilisation et au mode de vie des premiers

arabes de la péninsule arabique est une manière d‟exprimer son arabité14

.

Si le terme arabe englobait au début les habitants de la péninsule arabique et

leurs descendants qui habitent les autres pays arabes comme groupe ethnique,

aujourd‟hui le terme désigne une communauté linguistique et culturelle avec une

combinaison de types raciaux. Par exemple, la population actuelle du Maroc est

essentiellement berbère avec une estimation de 50% de berbérophones15

. En

Algérie, la population berbérophone est estimée à 30%16

. La Kabylie, qui est une

région presque berbérophone, compte seule plus de deux tiers des berbérophones

algériens. La langue est encore parlée dans les massifs du nord (Kabylie), du sud-est

(Aurès) dans les régions du Tell algérois et oranais. En Libye, les groupes

berbérophones qui habitent dans les montagnes et les oasis manifestent une

résistance au pouvoir en place en l‟absence d‟une reconnaissance officielle à l‟instar

des autres pays du Maghreb. La Tunisie est le pays du Maghreb qui compte le

moins de berbérophones : autour de 500 00017

, à Djerba ainsi qu‟au sud et au centre

du pays.

L‟immense majorité des arabophones actuels au Maghreb ne sont que des

Berbères arabisés en raison du recul géographique progressif de leur parler et de

l‟afflux des berbérophones dans des centres arabisés, où ils adoptent la langue

12

Ibid. p.23. 13

H. Rosskenn Gibb, The Arabs, p.3: „All those are Arabs for whom the central fact of history is the mission of

Mohammed and the memory of the Arab Empire and who in addition cherish the Arabic tongue and its cultural

heritage as their common possession‟ 14

M. Rodinson, Les Arabes, p.51. 15

S. Chaker, Les Berbères aujourd’hui, p. 14. 16

Ibid. p. 14. 17

Ibid. p. 15.

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15

arabe18

. La politique linguistique et culturelle mise en œuvre depuis l‟accès des pays

du Maghreb à l‟indépendance fut celle de l‟arabisation19

. Cette arabisation

linguistique, facilité par l‟islamisation de l‟Afrique du Nord, fut accompagnée d‟une

arabisation socioculturelle aboutissant à une véritable assimilation de la majorité

des populations d‟Afrique du Nord. Cette assimilation est si grande que dans

certains Etats comme la Tunisie où la population berbérophone constitue moins de

1% de l‟ensemble de la population20

. L‟arabité des pays maghrébins est donc une

donnée historique relativement tardive21

.

Au Liban, les Maronites parlaient à l‟origine la langue syriaque

qui était un dialecte de l‟araméen22

. En Egypte, la fraction de la population

égyptienne moderne qui serait d‟origine arabe est petite et les coptes représentent le

cinquième de la population, soit cinq millions de chrétiens purement égyptiens, non

arabisés23

. L‟arabisation de l‟Egypte fut d‟abord l‟abandon progressif de la langue

copte pour l‟arabe. La connaissance du copte se perdit progressivement dans les

milieux cultivés et la langue copte laissa plus tardivement la place à l‟arabe24

. Dans

l‟ensemble du Proche-Orient, les langues, syriaque ou copte, ont progressivement

reculé au profit de l‟arabe et sont réduites à la condition de langues ecclésiastiques

et savantes25

. Le grec et le copte ne sont donc plus des langues littéraires vivantes,

mais seulement des langues liturgiques mortes et les chrétiens se sont ainsi coulés

dans un espace culturel unifié autour d‟une langue arabe26

. Ainsi, le terme arabe

désigne donc des populations d‟origines différentes (berbère, copte, maronite),

auxquelles la conquête arabe imprima le triple cachet de sa langue, de sa foi et de

ses mœurs27

.

18

G.H. Bousquet, Les Berbères, p. 74. 19

Ibid. p. 22. 20

M. Brett, E. Fentress, The Berbers, p. 3. 21

A. Moatassime, Arabisation et langue française au Maghreb, p.9. 22

Ibid. p. 279. 23

Vivante Afrique : revue générale des missions d‟Afrique, n° 220, Mai- Juin 1962. p. 11. 24

F. Micheau et al. Communautés chrétiennes en pays d’Islam, p.150. 25

Ibid. p. 151. 26

Ibid. p. 153. 27

V. Monteil, Les Arabes, p.7.

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16

2. Champ de la recherche

Notre travail de recherche s‟inscrit dans le champ du multiculturalisme

qui caractérise les sociétés modernes. L‟apparition du terme multiculturel remonte

au début des années soixante-dix sur le continent nord-américain. Pour mettre fin

aux conflits linguistiques franco-anglais, les autorités fédérales d‟Ottawa

reconnurent la nature multiculturelle de la société canadienne. Contre une politique

d‟assimilation des immigrés, le multiculturalisme fut adopté comme principe

inscrit dans les constitutions des pays comme le Canada et l‟Australie. Aux États-

Unis, l‟idée se développa avec la lutte des noirs pour les droits civiques.

La colonisation pendant le vingtième siècle, puis les flux migratoires des pays

en voie de développement, engendrèrent d‟autres relations entre cultures

européennes et celles des migrants venus du Sud. Le terme multiculturalisme se

répandit en Europe en référence à ces migrations en tentant de répondre à

l‟émergence des minorités d‟origine immigrée au sein des sociétés européennes. La

différence culturelle est l‟expression du particularisme dans les modes de vie, les

croyances, et les usages linguistiques. Le concept du multiculturalisme pose le

postulat de l‟équivalence des cultures et aménage la reconnaissance d‟entités

culturelles à travers une série de droits spécifiques et des systèmes de

représentations et de participation collective. Les notions d‟identité ethnique,

culturelle ou nationale sont des notions qui suscitent une très importante littérature.

Sur le plan international, la communauté internationale, à travers

l‟UNESCO, accentua le poids du facteur culturel dans les sociétés contemporaines à

travers une série de mesures visant à faire tomber les barrières culturelles et à

célébrer la diversité culturelle. La déclaration des principes de la coopération

culturelle internationale adoptée par l‟UNESCO en 196628

constitue la première

base de la reconnaissance de la culture tandis que la déclaration sur le droit au

développement adopté par l‟ONU en 198629

fait des droits culturels de véritables

28

Adoptée par la Conférence générale de l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la

culture, réunie à Paris, novembre 1966. 29

Déclaration sur le droit au développement adoptée par l‟Assemblée générale des Nations Unies le 4 décembre

1986.

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17

droits à l‟identité. La déclaration universelle de l‟UNESCO sur la diversité

culturelle, adoptée à l‟unanimité à la veille des événements du 11 septembre 2001,

affirme que le respect de la diversité culturelle est essentiel pour répandre la

tolérance et le dialogue intercommunautaire. Cette déclaration fit de la diversité

culturelle un patrimoine commun pour l‟humanité et du pluralisme la réponse

politique primordiale pour promouvoir le dialogue des cultures.

Dans ce sens, la Grande-Bretagne développa, à partir des années soixante, un

arsenal juridique30

pour protéger les minorités ethniques contre toutes sortes de

discriminations. Ce pays est le plus avancé en Europe au niveau de la législation sur

les relations raciales. Les politiques publiques se composent des politiques d‟égalité

des chances regroupant des mesures d‟actions positives (par exemple, contrôle de la

représentation ethnique dans l‟emploi public), des politiques anti-racistes telles que

la formation et la lutte contre le racisme institutionnel et des politiques de gestion

communautaire qui encouragent l‟éducation multiculturelle31

. Le rapport Education

for All de 1985 marqua la tendance vers une éducation multiculturelle dont la

finalité était de sensibiliser les écoliers à la diversité culturelle32

. The Education

Reform Act (1988) est largement considéré essentiel dans la législation britannique

sur l'enseignement puisqu‟un programme national a été introduit dans

l‟enseignement primaire et secondaire des écoles publiques. Cette réforme exige

que tous les élèves suivent un programme national et une éducation religieuse.

Sans doute le fait que le pays se compose des entités anglaise, galloise,

écossaise et irlandaise conservant chacune son autonomie administrative, sa langue

et ses coutumes, le situe dans une position idéale pour considérer les minorités

installées sur le sol britannique comme une nouvelle composante de la population

dotée du droit à conserver son originalité plutôt qu‟à se fondre au sein de la culture

dominante. La diversité culturelle fut donc acceptée comme une nouvelle donne

30

The Race Relation Act 1976 a été adopté par le parlement britannique pour combattre la discrimination à

cause de la race, de la couleur, de la nationalité et de l‟origine ethnique. La commission pour l‟égalité raciale

(CRE) a été créée en 1976 et a été remplacé en 2004 par Equality and Human Rights Commission. The Race

Relations Amendment Act 2000 a été adopté pour combattre le racisme institutionnel. 31

D. Lapeyronnie, L’Intégration des minorités immigrées, p. 224-236. 32

V. Latour, „Les Métamorphoses du multiculturalisme britannique,‟ Revue Française de Civilisation

Britannique, XIV, n°3, automne 2007, p.27.

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dans la société britannique, à l‟instar de plusieurs pays tels que l‟Australie, le

Canada et les Etats-Unis.

La Grande-Bretagne reconnaît cette diversité culturelle et le droit des

minorités ethniques à préserver leurs cultures. Leur intégration dans la société

britannique n‟est pas conditionnée par le fait de se fondre dans la culture dominante

et l‟adoption des normes coutumières de la société d‟accueil. La politique

d‟assimilation des nouveaux arrivants dans le courant culturel dominant a été

abandonnée en faveur d‟une politique de diversité culturelle comme le souligne le

ministre de l‟Intérieur britannique dans les années soixante et soixante-dix Roy

Jenkins dans un discours:

L‟intégration est peut-être un mot assez vague. Je ne le considère

pas comme signifiant pour les immigrants la perte de leurs propres

caractéristiques nationale et de leur culture. Je ne pense pas que nous

ayons besoin d‟un melting-pot dans ce pays, qui fabriquera tout le

monde à partir d‟un moule commun, comme l‟un des exemplaires

d‟une série de copies carbone d‟une vision discutable du stéréotype de

l‟Anglais (….) Je définis donc l‟intégration, non pas comme un

processus uniformisant d‟assimilation, mais comme l‟égalité des

chances associées à la diversité culturelle dans une atmosphère de

tolérance mutuelle33

Pourtant, les événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, et du 7

juillet 2005 à Londres marquent un tournant dans l‟adoption du multiculturalisme

en Grande-Bretagne. Des voix se levèrent pour mettre en question cette stratégie

d‟intégration des communautés d‟origine étrangères, en particulier de la

communauté musulmane. La mise en place d‟un programme d‟éducation civique,

la généralisation de la „Citizenship Education’ et le projet de carte d‟identité

biométrique sont des mesures révélatrices du bouleversement du multiculturalisme

britannique depuis 200134

. En effet, le gouvernement de Tony Blair s‟est engagé à

promouvoir „‟ Citizenship Education’’, qui a été préconisé par le rapport Cantle.

33

Discours de Roy Jenkins en 1969. Cité par Didier Lassalle, les Relations interethniques et l’intégration des

minorités au Royaume-Uni, p.81-82. 34

V. Latour, „Les Métamorphoses du multiculturalisme britannique,‟ Revue Française de Civilisation

Britannique, XIV, n° 3, automne 2007, p.33.

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Elle est obligatoire depuis 2002 dans les écoles secondaires. Le projet de la carte

d‟identité biométrique, qui a été adopté en 2006 sous l‟appellation „Identity Cards

Act 2006, devrait être rendue obligatoire d‟ici 2013.

3. Questionnement et méthode

3.1 Questions de la recherche

La coexistence et les rapports intergroupes dans un milieu multiculturel

s‟avèrent problématiques. Des ajustements et adaptations sont nécessaires pour

surmonter les particularismes ethniques et culturels et les stéréotypes, souvent à

l‟origine des malentendus et de l‟absence de réciprocité des échanges. John Berry,

en s‟intéressant particulièrement à l‟acculturation des populations confrontées à un

nouvel environnement culturel, étudia les processus d'acculturation dans différents

pays dont l‟Australie et le Canada. D'après John Berry, les groupes migrants

peuvent adopter quatre stratégies d'acculturation : intégration, assimilation,

marginalisation et séparation. Ces stratégies découlent des réponses aux questions :

doit-on valoriser le maintien de sa propre identité ? et doit-on valoriser

l‟établissement du contact avec la société d‟accueil35

.

Le modèle d'acculturation interactif (MAI) a été proposé pour mieux rendre

compte des relations entre communautés immigrantes et communautés d'accueil36

.

Ce modèle se base sur les conséquences relationnelles résultant de la combinaison

des orientations d'acculturation adoptées par les communautés immigrantes et

d'accueil. A travers l‟utilisation de ce modèle, notre travail se focalise sur l‟étude

des rapports interculturels de la communauté arabe de Londres avec la société

majoritaire. Ainsi des questions centrales motivent la présente étude :

-Quelles sont les tendances d‟acculturation adoptées par les membres de la

communauté arabe en Grande-Bretagne ; autrement dit, comment les Arabes

installés sur le sol britannique essayent-ils de s‟adapter au nouvel environnement

culturel ?

35

J. Berry, „Acculturation and intercultural relations,‟ Cross-cultural Psychology, p.353-354. 36

R. Bourhis et al. „Towards an Interactive Acculturation Model : A Social Psychological Approach,‟

International Journal of Psychology , n° 32 (6), 1997, p.369-386.

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20

-Quel rôle la consommation culturelle, à savoir l‟usage et l‟ouverture sur la

culture du pays d‟accueil, notamment l‟ensemble des activités récurrentes comme

la consommation médiatique, peut-elle jouer pour favoriser un contact

interculturel ?

-Quel est le rapport entre consommation culturelle et formation des réseaux

des relations interpersonnelles ?

- Quelles sont les orientations d‟acculturation de la société majoritaire envers

le groupe minoritaire ?

- Quels sont l‟effet de l‟image et la connaissance de l‟autre sur les rapports

interpersonnels, en particulier les images véhiculées par les médias et enracinées

dans les consciences collectives? Ce travail s‟efforce d‟apporter des éléments de

réponses à ces principales questions en adoptant une triple démarche

méthodologique.

3.2 Démarche méthodologique

La méthodologie mise au point pour ce travail s‟appuie sur une approche

historique, documentaire et empirique. L‟approche historique constitue un arrière-

plan de ce travail de recherche. Elle vise l‟étude des premiers contacts arabo-

britanniques et l‟exploration des représentations des uns et des autres enracinées

dans les consciences collectives dans le cadre des contacts historiques entre l‟Orient

et l‟Occident. Cette méthode questionne l‟histoire et révèle l‟effet des

représentations et la vision d‟autrui sur le dysfonctionnement des rapports

intercommunautaires. La dimension documentaire se base sur l‟étude des journaux

et la plupart des études faites par le ministère de l‟Intérieur britannique ou d‟autres

organismes tels que rapports ministériels et consultations publiques pour traiter la

question de la diversité et celle des rapports intercommunautaires

Quant à la dimension empirique, elle est basée sur entretien et

questionnaire. Notre travail de terrain s‟appuie sur des méthodes qualitatives. Il

s‟agit de comprendre les relations intercommunautaires au moyen d‟un traitement

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qualitatif des données informationnelles. Les participants à l'étude ont été choisis

non pas par des techniques d'échantillonnage aléatoire, mais avec l‟aide des

associations et des informateurs. Comme travail préalable à cette opération, nous

somme entré en contact avec les associations arabes de Londres, notamment, the

National Association of British Arabs (NABA), et d‟autres regroupements arabes à

Londres comme des associations algériennes et marocaines. Le but de l'étude est de

recueillir le plus possible de données qui révèlent le fonctionnement des contacts

intercommunautaires ; cette technique a été particulièrement propice à cette fin.

Elle nous a permis de saisir les variations des relations intergroupes.

Conformément à la méthode ethnographique, nous avons mené notre

enquête grâce à des entretiens afin de recueillir des données sur les rapports

intercommunautaires. Les entretiens permettent plus de souplesse dans la

formulation des questions, vu que nous pouvons formuler les questions à partir des

thèmes de l‟entretien, selon le déroulement et les caractéristiques des participants.

Certains répondants se montraient réticents à l‟entretien ; d‟autres, par contre, ont

accepté volontiers d‟être interviewés. Ce sont surtout les jeunes étudiants qui ont

trouvé l‟expérience intéressante et enrichissante. Nous avons essayé de faire

comprendre que la recherche ne visait pas à évaluer les réponses des répondants

mais à connaitre aussi fidèlement que possible leurs opinions à travers des

discussions sur des thèmes précis. Une telle démarche, méthodologiquement

parlant, permet l‟authenticité ou la spontanéité des réponses dans une enquête

ethnographique.

L‟observation participante, lors de nos séjours à Londres pour mener notre

travail, était également une stratégie de recherche en recueillant de l‟information à

travers l‟écoute des membres et la participation à leurs conversations spontanées

dans lesquelles les significations de leur vie quotidienne se révèlent. Cette

technique d‟observation participante permet ainsi d‟appréhender l‟interaction entre

les membres et d‟assurer le maximum de spontanéité dans les propos tenus. Au

moyen de cette méthode, nous avons essayé d‟observer plusieurs situations aussi

bien comme chercheur que comme membre. L‟ensemble des données recueillies a

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fait l‟objet d‟une analyse afin de mieux cerner la fréquence des réponses, de faire

des saisies et des comparaisons. Cette analyse nous a permis d‟avoir des

informations d‟ordre général sur la problématique des relations interculturelles et

des rapports intercommunautaires. Elle nous donne les fréquences d‟apparition de

chaque thème. Une fois les données recueillies et classées, nous avons procédé à

leur interprétation.

Si les entretiens avec des informateurs ont constitué la principale source de

nos données, le questionnaire a également été employé comme technique d‟enquête

complémentaire. Le questionnaire élaboré comporte six parties. La première partie

est consacrée à recueillir des données sociodémographiques sur la communauté

arabe à Londres. Le deuxième volet du questionnaire vise à mesurer l‟identification

des membres de la communauté arabe en prenant les différents paramètres

définissant cette communauté, tels que la langue, la religion et l‟appartenance

ethnique et nationale. S‟agissant de l‟intégration, à travers les questions, nous

avons ciblé la mise en question de l‟intégration socioculturelle des membres de la

communauté arabe, notamment en ce qui concerne la famille, les relations entre les

sexes pour mesurer l‟adaptation socioculturelle au nouvel environnement culturel

et la participation politique des membres de la communauté arabe.

Le deuxième questionnaire est destiné à un échantillon de la population

majoritaire dans le but de connaître ses orientations d‟acculturation envers le groupe

minoritaire arabe, le degré de connaissance d‟autrui et les obstacles qui peuvent

entraver un rapport interculturel entre les deux communautés. Les tendances

d‟acculturation, la consommation culturelle, la connaissance d‟autrui et les réseaux

des relations interpersonnels sont des variables qui visent à étudier mettre en

question les rapports intercommunautaires.

Cette thèse s‟articule autour de trois parties. Dans la première partie,

intitulée sociohistoire des premiers contacts arabo-britanniques et de l‟émigration

arabe, nous aborderons les premiers contacts culturels, militaires et politiques de

l‟Empire britannique avec les pays arabes, l‟émigration arabe vers la Grande-

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Bretagne et la présentation de la minorité arabe en faisant le tour des aspects

démographiques, socio-économiques et organisationnels. Dans la deuxième partie,

nous continuons à mieux explorer les particularités de cette communauté en

abordant la question identitaire et l‟intégration pour aboutir, dans la dernière partie

de ce travail, à l‟analyse des rapports intercommunautaires entre la société

majoritaire et la minorité visible arabe.

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Première partie : sociohistoire des premiers contacts arabo-britanniques et de

l’émigration arabe

Chapitre I : Sociohistoire des premiers contacts arabo-britanniques

Introduction

En parcourant à vol d‟oiseau l‟histoire entre le monde arabo-islamique et

l‟Occident, on constate que les relations entre les deux rives de la Méditerranée ont

été marquées par des conflits et des échanges de portée militaire, politique et

culturelle. Les croisades, la fin du règne arabe en Andalousie en 1492 et l‟expansion

colonialiste constituent les étapes majeures de ce contact.

Le premier contact est celui des affrontements directs qui eurent lieu dès la

fondation de l‟Islam entre deux religions qui se considéraient inconciliables. Le

terme „ croisade‟ s‟est appliqué donc à de nombreux conflits de nature religieuse.

Les plus connus sont les huit croisades entre chrétiens et musulmans pour le

contrôle de Jérusalem. Les croisades ont mis en contact l‟Occident et les Etats du

Levant. La découverte a pu être l‟occasion d‟une prise de conscience réciproque des

diversités et divergences37

.

La présence arabe dans la péninsule Ibérique remonte à 71138

. Les sept siècles

du règne arabo-musulman en Espagne, de 711 à 1492, constituent une étape

importante dans les rapports entre les deux mondes. Cette période marqua

l'éclosion d'une civilisation arabe et un grand moment d‟échange de savoir et de

rencontre culturelle.

Au temps du colonialisme pendant le dix-neuvième et vingtième siècles, le

monde arabe fut pris d‟assaut par les puissances occidentales. Les avancées

technologiques, la persistance d‟un esprit de croisade, et les intérêts économiques

étaient à l‟origine de la confrontation. Les premiers contacts arabo-britanniques,

37 R. Jean, Histoires des croisades, p.489.

38

P. Guichard, Alandalus 711-1492, p.22.

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qui se situent à cette époque, se réalisèrent dans un rapport inégal de domination sur

une partie des pays arabes. Au-delà de la rencontre coloniale, des moments

d‟influence réciproque et d‟échange marquèrent les contacts entre Arabes et

Britanniques.

1. les premières influences culturelles

Les premiers contacts entre Arabes et Britanniques à partir de la période

des croisades furent au carrefour des influences réciproques qui s‟étendirent sur

plusieurs domaines : scientifiques, linguistiques et littéraires. S‟agissant des

influences scientifiques, grâce à des savants comme Adélard of Bath, Michael Scot,

et Alfred de Sareshel, l‟étude des sciences arabes prospéra en Grande-Bretagne

vers la fin du dixième siècle. Ces savants s‟intéressaient à la médecine arabe, aux

sciences mathématiques, et à la traduction des textes de la philosophie naturelle

d‟Aristote et des philosophes arabes comme Algazel et Avicenne39

. Sur le plan

linguistique, comme les autres langues européennes, l‟anglais contient de nombreux

mots dérivés de l‟arabe souvent par le biais d‟autres langues européennes,

notamment espagnoles et italiennes. La langue arabe est la septième plus grande

source d‟emprunt à l‟anglais40

. Une chaire d‟arabe fut établie, d‟abord à Cambridge

(1632), puis à Oxford (1634) pour saisir les textes scientifiques arabes41

.

Emprunt anglais de l’arabe42

39

C. Burnett, The Introduction of Arab Learning into England, p.43. 40

G. Cannon, The Arabic Contributions to the English Language, p.172. 41

J. Toomer, Eastern Wisedome and Learning, p.53. 42

Source: The Arabic contributions to the English Language.

Mot anglais Mot arabe

Coton kutun

sugar sukkar

alcohol Al-kohl

minaret mana:rah

caliph khali:fah 'successor arsenal dar as,s,ina`ah

admiral ami:r-al-bahr 'ruler of the seas

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Dans le domaine littéraire, en s‟intégrant dans le monde arabe au dix-

neuvième siècle, une pléiade d‟arabisants britanniques tels que Thomas Edward

Lawrence, Bertram Thomas, Charles Doughty et Edward William Lane,

produisirent une littérature sur la société arabe. A titre d‟exemple, Seven Pillars

of Wisdom, Arabia felix, Travels in Arabia Deserta, et Arabian Society in the

Middles Ages : Studies from Thousand and one Nights sont des ouvrages écrits

respectivement par ces écrivains. Le point majeur autour duquel le contenu pivote

est la présentation de la société arabe sous diverse facettes en retraçant le voyage

de leurs auteurs au monde arabe et la rencontre avec les nomades bédouins ainsi

que leurs observations de la vie et la culture arabe. C‟est l‟analyse la plus

pénétrante du monde bédouin et du désert d‟Arabie et l‟un des plus grands textes

de la littérature du voyage, moyen de saisir le monde arabe dans sa diversité.

Ces moments d‟influence et d‟échange constituent un exemple vif et

fascinant de ces rapports arabo-britanniques. Si le premier rapport des Britanniques

avec les Arabes fut une période d‟échange et de transmission du savoir, ce contact

prit un nouveau tournant quand la Grande-Bretagne devint une puissance coloniale

au vingtième siècle.

2. les contacts militaires et politiques

Le premier contact militaire et politique des Britanniques avec les Arabes

remonte à la période où le monde arabe était occupé par l‟Empire ottoman. Né en

Asie Mineure sur les ruines de l‟Empire byzantin, l‟Empire ottoman s‟étendait

deux siècles et demi plus tard des portes de Vienne au Yémen, de l‟Algérie à l‟Irak

avec, comme centre, le bassin oriental de la Méditerranée 43

. Dynastie turque de

religion musulmane, l‟Empire ottoman occupa la quasi-totalité des territoires

arabes à l‟exception du Maroc et de l‟Arabie. Le déclin de l‟Empire s'amorça dès le

dix-septième siècle en raison de la poussée russe et des appétits grandissants des

puissances d'Europe occidentale comme la France et la Grande-Bretagne. La défaite

de la Turquie lors de la Première Guerre mondiale marqua l‟effondrement de

43

R. Mantram, (ed), Histoire de l’Empire Ottoman, p.818.

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l‟Empire ottoman. Les puissances occidentales, y compris la Grande-Bretagne, se

précipitèrent pour conquérir les pays arabes en contrôlant la région par le système

des mandats et des protectorats. A l‟issue de la Première Guerre mondiale, la

Grande-Bretagne obtint trois mandats (Palestine, Transjordanie, Irak), un

protectorat, l„Egypte, et une colonie, Aden, les autres pays du Golfe n‟ayant pas un

statut légal sous l‟Empire britannique.

2.1 Mandats : pays sous ingérence

2.1.1 Irak : zone terrestre d’influence pour les Britanniques

Un mandat est un système d‟administration établi sur certains territoires par

la Société des Nations44

au lendemain de Première Guerre mondiale. Le mandat

sur un territoire était attribué à une puissance, choisie comme mandataire, pour

exercer la tutelle45

. Le mandataire devait dans son administration, dont il était tenu

de rendre compte à la Société des Nations, se laisser guider principalement par

l‟intérêt et le bien-être de ces peuples46

.

Les Britanniques, qui ne se contentaient pas de contrôler les routes maritimes

à travers l‟Egypte, agirent, par ailleurs, en vue de créer des routes alternatives,

notamment une route terrestre entre la Méditerranée et le Golfe47

. L‟Irak, en tant

que province de l‟Empire ottoman, fut donc occupé par les troupes britanniques en

1917. Un gouvernement militaire fut constitué et l‟administration fut confiée à des

conseillers civils, choisis parmi les membres de l‟administration politique

britannique des Indes. Après avoir achevé l‟occupation de toutes les villes

irakiennes, les Britanniques soumirent le pays à leur souveraineté directe48

. Cette

étape fut marquée par une insatisfaction populaire croissante sous le règne de la

44

La création de la Société des Nations (SDN) marque au lendemain de la Première Guerre Mondiale, une

première tentative de fonder une organisation internationale permanente apte à trouver des solutions pacifiques

aux conflits entre Etats, par le biais de l‟arbitrage et la mise en place des sanctions collectives. Introduite par le

traité de Versailles en 1919, elle a été remplacée en 1945 par L‟ONU. 45

A. Baumkoller, Le Mandat sur la Palestine, p.23-24. 46

Ibid. p. 23-24. 47

M. Majid, L’Emergence d’un Etat à l’ombre d’un empire, p. 30. 48

Ibid. p. 35.

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28

puissance britannique et une résistance orientée vers la réalisation de

l‟indépendance irakienne49

.

Après la Première Guerre mondiale et le démantèlement de l'Empire ottoman,

la tutelle britannique s'exerça sur l'Irak dans le cadre d‟un mandat de la Société des

Nations. Le rejet de ce statut par la population irakienne était à l‟origine des

révoltes populaires qui éclatèrent dans plusieurs villes du pays avec des

affrontements opposant les révoltés aux forces britanniques. En 1920,

l‟indépendance de l‟Irak fut proclamée unilatéralement par les tribus, les chefs

religieux et les intellectuels. La réponse du gouvernement britannique à cette

initiative fut l‟allégement progressif de la présence en Irak. Ainsi, après trois ans

d‟administration anglaise directe, l‟Etat irakien fut fondé en 1920 avec le roi Fayçal

à la tête du nouveau royaume. L‟Irak fut libéré du mandat en 1932 et devint

membre de la Société des Nations. Cette genèse de l‟Etat irakien marque un

tournant dans l‟histoire des relations anglo-irakiennes, placées désormais sous le

signe de traités successifs. L‟Irak était attaché à la Grande-Bretagne par une alliance

qui comprenait une coopération en politique étrangère et le maintien de bases

aériennes britanniques en Irak. On passe alors d‟un mandat déclaré à un mandat

déguisé puisque la Grande-Bretagne continuait à appuyer les classes politiques

dirigeantes en Irak.

2.1.2 Mandat sur la Palestine : quand le religieux et le politique se mêlent

L‟infiltration britannique en Orient pendant le dix-neuvième siècle était dicté

par le désir de défendre ses intérêts. A côté de la lutte pour la suprématie

d‟influence, la Palestine présentait pour la Grande-Bretagne un intérêt stratégique50

.

Les représentants sionistes à la conférence de la paix de Paris51

en février 1919

demandaient un mandat sur la Palestine au Royaume-Uni. Les puissances alliées se

49

Ibid. p. 42.

50

A. Baumkoller, Le Mandat sur la Palestine, p. 39-40. 51

La conférence de paix de Paris de 1919 est une conférence internationale, organisée par les vainqueurs de la

Première Guerre mondiale afin de négocier les traités de paix entre Alliés et vaincus.

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rangèrent à ce choix lors de la conférence de San Remo52

, en avril 1920. Le mandat

britannique fut officialisé par la Société des Nations (SDN) en juillet 1922. La

Palestine mandataire comprenait les territoires actuels d‟Israël, de la Cisjordanie et

de Gaza. Selon ce mandat, la Grande-Bretagne devait créer les conditions

politiques, administratives et économiques permettant l'établissement d'un foyer

national juif en Palestine53

. Le refus de ce projet par la population arabe était

derrière l‟éclatement de plusieurs troubles (émeutes de 1920 et de 192954

), et même

un véritable soulèvement, entre la fin de 1935 et 1939 (la Grande Révolte arabe55

).

Les Britanniques annoncèrent leur souhait de remettre leur mandat à l'ONU en

1947. Le 30 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations-Unies décida alors

de partager la Palestine entre un État juif et un État arabe. La guerre civile éclata le

lendemain et l'escalade de la violence prit rapidement de l'ampleur. Les

Britanniques qui restaient relativement neutres et passifs retiraient

progressivement leurs troupes du pays. L'administration britannique se termina

définitivement le 14 mai 1948. L'Etat d'Israël fut proclamé et la guerre civile se

transforma en guerre ouverte entre Israël et les pays arabes voisins. En plus du

mandat sur la Palestine obtenu en 1918 et un mandat sur la Mésopotamie qui est

devenue l‟Irak, la Transjordanie, zone entre la Palestine et l‟Irak, était également

sous tutelle britannique.

2.1.3 Mandat britannique sur la Transjordanie

Le territoire jordanien se composait de deux entités: la Palestine,

comprenant les terres à l‟ouest du Jourdain, et la Transjordanie, regroupant les

terres situées sur la rive orientale du fleuve. La Transjordanie est née du

démembrement de l‟Empire ottoman et fut créée par la Grande-Bretagne en 1922.

52

La conférence de San Rémo est une conférence internationale qui eut lieu du 19 au 26 avril 1920 à San

Remo, en Italie. Un comité supérieur, composé de représentants britanniques, français, italiens, grecs, japonais et

belges, s'y réunit afin d'aborder les problèmes relatifs aux traités de paix conclus à la fin de la Première Guerre

mondiale. 53

Article 4 du Mandat britannique sur la Palestine. 54

Les émeutes en Palestine mandataire sont des émeutes qui se déroulèrent dans le contexte du conflit entre

nationalistes arabes et Juifs sionistes en Palestine mandataire. 55

La Grande Révolte arabe de 1936-1939 en Palestine mandataire fait référence à la rébellion des Arabes

palestiniens pour la création d'un État indépendant en Palestine mandataire et contre l'immigration juive.

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C‟était une petite nation sous la direction d‟Abdallah ibn Hussein qui fut l'artisan

de l'indépendance de la Jordanie. Ce territoire, qui portait le nom de Transjordanie,

était placé sous mandat britannique, mais bénéficiait d'une administration propre

qui lui conférait une relative autonomie56

. L‟indépendance administrative de

l‟Emirat fut reconnue par le haut commissaire britannique à Jérusalem. En 1925, un

plan constitutionnel régularisa les relations économiques et militaires avec la

Grande-Bretagne. Le roi détenait les pouvoirs de législation et d‟administration

qu‟il exerçait à travers un gouvernement constitutionnel tandis que la politique

étrangère et la défense étaient sous le contrôle britannique.

Le roi Abdallah se défit peu à peu de la tutelle britannique sans pour

autant entrer en conflit ouvert avec l'occupant colonial. Il disposait de pouvoirs

d'administration qui allaient être renforcés avec la promulgation de la loi

constitutionnelle du 16 avril 1928, qui faisait de l'émir un souverain héréditaire. Le

pays obtint son émancipation en 1945 et le gouvernement britannique mit

définitivement fin à son mandat sur la Transjordanie en mars 1946, sous réserve de

pouvoir conserver des bases militaires dans le pays. Le mandat britannique prit fin

pour être remplacé par un traité d‟alliance entre les deux pays.

2.2 Protectorat : une autre manière de légitimer la quête d’intérêt

L‟Egypte était liée à la Grande-Bretagne par un protectorat, qui est un

régime juridique international instituant la protection d‟un Etat faible par un Etat

fort. Ce régime, qui découle d‟une convention entre deux Etats, se caractérise par

une répartition inégale de leurs compétences. Le protectorat colonial se distingue de

la colonie dans la mesure où un territoire colonisé subit une administration directe

et fait partie intégrante de la métropole, tandis que le territoire sous protectorat

conserve, du moins sur le plan interne, une relative autonomie.

De 1798 à 1801 l‟Egypte fut occupée par les Français suite à l‟expédition

conduite en Egypte par Bonaparte. Au lendemain du départ des Français, l‟Egypte

redevint une province de l‟Empire ottoman. Pour faire face aux menaces

56

A. Maan, The Development of Trans-Jordan, p.11.

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extérieures, le représentant de l‟Empire ottoman en Egypte, Méhémet Ali, réussit à

fonder une dynastie qui se maintint à la tête de l‟Egypte durant un siècle et demi et

qui donna au pays onze souverains. Par crainte pour la sécurité du canal de Suez et

ses intérêts vitaux, notamment l‟importance de l‟Egypte comme lien indispensable

pour le système impérial britannique57

, les Britanniques se décidèrent à agir en

1882 en commençant à installer leur pouvoir malgré une certaine résistance de la

classe dirigeante d‟origine ottomane.

Le 11 juillet 1882, la Grande-Bretagne occupa l‟Egypte, qui n‟était pas

incorporé à l‟Empire britannique, et proclama unilatéralement la fin de la

souveraineté ottomane et le protectorat. L‟Egypte fut alors occupée et placée sous

tutelle britannique alors qu‟elle faisait pourtant théoriquement partie de l‟Empire

ottoman. La Grande-Bretagne était non seulement présente militairement, mais

encore administrativement puisque les ministres égyptiens étaient désormais

contrôlés par des conseillers britanniques58

, puis placés sous le contrôle du haut-

commissaire britannique.

L‟Egypte commença à réagir à la présence britannique en demandant

l‟évacuation du pays. La revendication égyptienne prit un tour plus militant avec

l‟émergence des partis politiques qui réclamaient l‟indépendance comme le parti

Wafd en 1918. Des manifestations se multiplièrent à l‟appel de ces partis qui

exigeaient désormais, non plus l‟autonomie, mais l‟indépendance et l‟abolition de la

déclaration unilatérale de protectorat. Le 22 février 1922, les Britanniques

acceptèrent de renoncer à leur protectorat et accordèrent unilatéralement

l‟indépendance à l‟Egypte avec, cependant, des réserves en matière de défense qui

limitaient la portée de l‟émancipation du contrôle britannique.

L‟autonomie du pays resta relative car certains domaines demeuraient

réservés à la Couronne britannique tels que le contrôle du canal de Suez, la défense

et la protection des intérêts étrangers. La Grande-Bretagne assouplit sa position le

26 août 1936 et signa un traité prévoyant une alliance remplaçant le régime

57

K.Wilson. (ed.), Imperialism and Nationalism in the Middle East, p.1. 58

B. Lugan, Histoires de l’Egypte des origines à nos jours, p. 217.

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d‟occupation militaire. Le haut-commissaire était remplacé par un ambassadeur,

mais la Grande-Bretagne conservait l‟essentiel, puisque, selon le traité du 22 août,

elle pouvait maintenir ses troupes dans la zone du canal pour une durée de vingt

ans. En 1937, l‟Egypte obtint son indépendance avec la suppression des réserves

imposées en 1922 par les Britanniques. Elle entra à la Société des Nations.

2.3 Aden : seule colonie arabe des Britanniques

Par un traité formel de protection avec le sultanat Mahri de Qishn et

Socotra en 1886 la Grande-Bretagne s'attela à une lente formalisation des

arrangements de protection à travers plusieurs traités au Yémen. En échange de la

protection britannique, les dirigeants des composantes territoriales s'engageaient à

ne pas conclure d'accords avec une quelconque puissance étrangère, ni à lui céder

une portion de territoire. Ces traités, de même qu'un certain nombre d'accords

mineurs, fondèrent le Protectorat dans le Hadramaout, tandis que la ville d'Aden

constitua la colonie.

Le port d'Aden était une étape maritime essentielle sur la route de

l'Inde : celle qui passe par la Méditerranée, le canal de Suez et la mer Rouge.

L‟imminence de la chute de l'Empire ottoman attisait les rivalités coloniales entre la

Russie, la France et la Grande-Bretagne. Ces changements d'équilibre menaçaient

l'Inde britannique et ses voies d'accès. Aden était ainsi une zone d'importance

militaire au sein d'un dispositif colonial visant à protéger l'Inde et un centre

commercial important grâce à sa position stratégique entre l‟Inde et l‟Egypte59

.

La présence britannique dans cette ville, qui était sa seule colonie

dans la région, est de nature coloniale. L‟attaque militaire et l‟occupation du port

d‟Aden en 1838 s‟inscrivaient bien dans les normes des pratiques coloniales de

l‟époque. Avec l‟accroissement considérable du rôle d‟Aden dans les échanges

commerciaux de l‟Empire, et au mépris des stipulations du traité anglo-yéménite de

59

Z. Kour, The Story of Aden, p.13.

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paix et d‟amitié de 1834, la Grande-Bretagne posa les bases d‟une nouvelle

organisation politico-administrative60

.

Aden fut transformée en colonie de la couronne par l‟Aden Colony

Order de 1936. Son gouvernement, de type colonial direct, fut exercé

essentiellement par des cadres d‟origine anglaise61

. Pour exercer son autorité, la

puissance coloniale créa deux grands organismes : un conseil exécutif et un conseil

législatif. Très lâche à l‟origine, le statut du protectorat se précisa au fur et à

mesure qu‟Aden grandissait en importance et que, simultanément, le Yémen

accentuait ses revendications territoriales.

2.4 Coopération ou mandat déguisé : le cas des pays du Golfe

La structure tribale de la population se composant de bédouins et

de sédentaires domine la vie politique et sociale des pays du Golfe tels que le

Kuwait, Qatar, Bahreïn et l‟Arabie saoudite. La Grande-Bretagne exerça une

influence sur ces pays dans le but de protéger ses intérêts économiques comme cet

extrait d‟une note du ministère des affaires étrangères le révèle : „„les

« Sheikhdoms » du Golfe sont devenus très importants pour le Royaume-Uni et

l'ensemble des territoires utilisant la livre sterling. Il est essentiel que le

Gouvernement de Sa Majesté exerce une influence suffisante afin d‟assurer qu'il

n'ait pas de conflit entre les politiques menées par les dirigeants et la politique du

Gouvernement de Sa Majesté62

.‟‟

Deux facteurs majeurs sont derrière l‟établissement et l‟évolution des

rapports de la Grande-Bretagne avec les Etats du Golfe : leur position stratégique

sur la route menant à l‟Inde et la découverte du pétrole63

. Pour faire face aux

ambitions de la France, de la Russie, et de l‟Empire ottoman dans la région, la

Grande-Bretagne assura son omniprésence et sa domination en renforçant ses

60

M. El Habashi, Aden, p.22. 61

Ibid. p. 23. 62

S. Simon, Britain’s Revival and fall in the Gulf, p.3: „The Sheikhdoms of the Gulf have become of first

importance to the United Kingdom and the Sterling Area as a whole. It is essential that Her Majesty‟s

Government should exert sufficient influence in them to ensure that there is no conflict between the policies of

the Rulers and those of Her Majesty‟s Government‟ 63

R. Zahlam, The Making of the Modern Gulf States, p. 12.

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relations avec les pays du Golfe à travers une série de traités avec les dirigeants de

ces pays. De cette façon, elle diminua la position de ses rivaux dans la région et

confirma son statut spécial auprès des dirigeants qui n‟étaient pas en mesure de

négocier avec les puissances étrangères, notamment avec les compagnies

pétrolières, sans la permission britannique.

Les pays du Golfe n‟avaient pas le droit d‟entamer des relations

directes avec d‟autres Etats. La politique britannique était officiellement contre

l‟ingérence dans les affaires internes des Etats du Golfe. Les affaires internes,

notamment les services publics : écoles, hôpitaux… étaient gérées par un roi qui

recevait un appui moral et politique. La découverte du pétrole renforça la position

du dirigeant et assura la continuité de son influence puisqu‟il suivait l‟application

des traités signés avec la puissance britannique64

.

En somme, l‟Empire britannique avait des liens solides, étayés de

traités, avec les dynasties du Golfe65

. La plupart des Etats du Golfe n‟avaient pas

un statut légal sous l‟Empire britannique. Ces Etats n‟étaient ni des colonies, ni sous

protectorat ou mandat, mais étaient tout simplement liés par des accords avec la

Grande-Bretagne pour qui se ménager des zones d‟influences au Proche-Orient était

une nécessité.

3. Rapports arabo-britanniques de la période post-indépendance

L‟importance de l‟Orient arabe pour la Grande-Bretagne émanait

du fait que cette région était un point stratégique de communications, une

source de pétrole et une base militaire offensive irremplaçable pour protéger ses

intérêts après l‟indépendance de l‟Inde66

. Avec l‟accès à l‟indépendance des pays

arabes sous occupation, mandat, ou protectorat, la Grande-Bretagne, dans le but

d‟affirmer son influence, essaya d‟assurer une présence militaire et politique dans

la région.

64

Ibid. p.19. 65

Ibid. p.12. 66

L. Roger, The British Empire in the Middle East, p.16.

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La préservation des intérêts économiques ne peut être assurée que

si des gouvernements stables sont établis. Dans ce sens, l‟influence britannique

contribua à créer les Etats du Moyen-Orient et à fournir des aides politiques,

militaires et administratives. Cette présence s‟explique par l‟intérêt du maintien

des routes commerciales reliant l‟Europe avec l'Extrême-Orient et passant à

travers le monde arabe. Parallèlement à la présence militaire, sur le plan

politique, la sauvegarde des intérêts britanniques par des traités était la stratégie

politique suivie67

. La puissance britannique négocia des traités qui devaient

durer de nombreuses années. Avec l'Egypte comme avec l'Irak, elle réussit à

maintenir une position particulière à travers un traité de partenariat. Les

Britanniques, pour qui le pétrole est une source de revenus et une nécessité pour

son économie, bénéficièrent des concessions pétrolières et des exploitations en

Irak et dans d'autres pays. Bref, grâce à une présence militaire, économique et

une influence politique, la Grande-Bretagne substitua ses rapports de contrôle

direct des pays arabes par mandat, ou protectorat, par un contrôle indirect par des

traités à dimensions militaires, politiques et économiques.

Conclusion

En somme, la Grande-Bretagne avait une présence dans le monde

arabe d‟une manière formelle et informelle. La colonie d‟Aden, qui faisait partie

formellement de l‟Empire britannique, représentait un territoire sur lequel la

Grande-Bretagne exerça sa pleine souveraineté dans le cadre d‟une pratique

coloniale récurrente à l‟époque. Les Britanniques avaient acquis également un

certain degré de souveraineté partielle par protectorat, mandat, et traité comme

c‟était le cas de l‟Irak, de l‟Egypte, de la Palestine, de la Transjordanie et des Etats

du Golfe. Ces Etats étaient intégrés dans le système impérial britannique puisque

leurs unités militaires et les ministères étaient souvent conseillés ou gérés

indirectement par les Britanniques. Bref, les rapports entre Arabes et Britanniques

connurent des événements tragiques qui aboutirent à des confrontations militaires,

mais aussi à des périodes d‟échanges dans les domaines scientifiques et littéraires.

67

M. Fitzsimons, Empire by Treaty, p.1.

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Chapitre II : L’émigration arabe en Grande-Bretagne

Introduction

Si l‟instabilité politique de la période post-indépendance dans

plusieurs Etats arabes est une raison de l‟émigration arabe vers l‟étranger, le choix

de la Grande-Bretagne semble être dicté par les liens historiques et culturels de la

Grande-Bretagne avec certains pays arabes. Le mot émigration qui désigne l‟exode

des personnes d‟un pays à l‟autre. Dans Après le Colonialisme: les Conséquences

Culturelles de la Globalisation,68

Arjun Appadurai illustre les courants culturels

globaux sous cinq dimensions : les ethnoscapes, les technoscapes, les

financescapes, les médiascapes et les idéoscapes69

. Les ethnoscapes sont les

migrations humaines qui caractérisent ce monde. Le mouvement des touristes,

immigrants, réfugiés, et exilés ne cesse de s‟accroître dans un monde dominé par les

disparités économiques, l‟instabilité politique et les guerres régionales.

Technoscapes est le fluide de la technologie dans le cadre de la tendance de

l‟économie mondiale à s‟internationaliser sous l‟effet de la mondialisation. Les

entreprises multinationales sont désormais ancrées dans de nombreux pays, ce qui

nécessite les transferts de technologie, dimension centrale de leur déploiement

international. S‟agissant des financescapes, le capitalisme mondial forme

désormais un paysage plus rapide dans lequel les marchés de change et les bourses

nationales font passer à la vitesse de la lumière d‟énormes sommes d‟argent. Dans

le monde des technologies de l‟information et de la communication, les

médiascapes sont à la fois la distribution des moyens électroniques de

produire de l‟information comme les journaux, les magazines, et les chaînes

de télévision. Ces moyens sont désormais accessibles à un nombre croissant

d‟intérêts publics et privés à travers la planète. Enfin, les idéoscapes sont des

concaténations ou enchaînements d‟images, mais ils sont souvent politiques

et en rapport avec les idéologies des Etats et les contre-idéologies des

68

A. Appadurai, Après le Colonialisme, p.68. 69

Le suffix « scape » est tiré de « Landscape » paysage.

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mouvements agissant pour la prise du pouvoir70

. Ces idéoscapes sont

composés d‟éléments comme: liberté, droit, démocratie…

Ces cinq éléments opèrent à travers les disjonctions croissantes entre

ethnoscapes, technoscapes, financescapes, médiascopes et idéoscapes71

. Les

gens, les machines, l‟argent, les images et les idées tendent de plus en plus à

suivre des voies non isomorphes. Toutes les périodes de l‟histoire humaine

ont connu des disjonctions dans les flux de ces éléments. Ces disjonctions

sont devenues un aspect central qui caractérise le monde d‟aujourd‟hui.

1. Itinéraires des mouvements migratoires arabes

1.1 Mouvement régional ou interarabe

Les pays arabes du Golfe constituent l‟un des pôles les plus importants

d‟attraction des mouvements migratoires intra-arabes. Les migrations à destination

de ces pays se présentent comme un ensemble de réserve de main-d‟œuvre qui se

situe sur la périphérie arabe proche du Golfe en particulier72

. La pénurie de main-

d‟œuvre locale pour mettre en chantier des projets grâce aux recettes générées par

les revenus du pétrole attira des courants de travailleurs des pays arabes non

producteurs de pétrole73

. L‟exode arabe vers les pays du Golfe et le recentrement

des mouvements de main-d‟œuvre sur l‟espace régional arabe commença à partir

des années soixante-dix. Jusqu‟en 1973, la population immigrée dans les pays du

Golfe était majoritairement arabe pour répondre au manque de cadres dans le

domaine de la santé et l‟éducation dans ces pays74

. Les migrations originaires des

pays arabes riverains de la Méditerranée comme l‟Egypte, le Liban, la Palestine et

la Syrie sont les premières en importance75

. Les pays arabes du Golfe, notamment

l‟Arabie Saoudite, Qatar, Koweït, Bahreïn, Oman et les Emirats Arabes- Unis

70

A. Appadurai, Après le colonialisme, p. 72. 71

Ibid. p.73. 72

P. Fargues, Réserves de main-d’œuvre et rente pétrolière, p.49. 73

G. Beauge, F. Buttner, Les Migrations dans le monde arabe, p.41. 74

E. Lynne, et I. Papps, „Migration Dynamics in the GCC Countries,‟Emigration Dynamics in Developing

Countries, n°4, 1999, p. 208. 75

P. Fargues. Réserves de main-d’œuvre et rente pétrolière, p.57.

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accueillaient au début des années 1980 environ cinq à six millions d‟étrangers76

. A

part quelques Marocains et Tunisiens au Koweït et en Arabie Saoudite, dans les

pays du Golfe, la main-d‟œuvre provient en premier lieu de l‟Orient arabe77

. La

Libye est le seul pays du Maghreb arabe qui importe de la main-d‟œuvre provenant

d‟Egypte, du Soudan, de la Tunisie et du Maroc78

.

L‟émigration vers les pays du Golfe, qui démarra avec les débuts de

l‟exploitation du pétrole en Arabie Saoudite et dans les Emirats arabes unis, et juste

après au Koweït, s‟est enflée brutalement après 1973, et oscille en fonction de la

conjoncture pétrolière et politique comme lors de l‟invasion du Kuweit par l‟Irak

dans les années quatre-vingt dix et les positions des pays exportateurs de main-

d‟œuvre devant l‟invasion.

1.2 Mouvement à l’extérieur du monde arabe

Le deuxième exode arabe s‟orienta vers les pays industrialisés de

l‟Europe et de l‟Amérique à partir des pays du Maghreb et de l‟Orient arabe. Dans

le mouvement migratoire vers l‟Europe, les pays du Maghreb constituent la

deuxième vague d‟émigration arabe depuis les années soixante vers les pays

européens, en particulier la France, les Pays-Bas, l‟Allemagne et récemment l‟Italie

et l‟Espagne79

. Ce mouvement migratoire s‟inscrit dans le cadre des rapports

historiques entre l‟Europe coloniale et les pays du Maghreb particulièrement le

Maroc, la Tunisie et l‟Algérie qui étaient sous occupation française. Il s‟agit de

relations migratoires traditionnelles (Nord-Sud) qui constituent un des aspects qui

marquent les rapports entre pays émergents et pays industrialisés.

Avant de devenir des pays d‟émigration, les pays arabes furent

d‟abord pays d‟immigration puisque le système colonial généra des vagues

migratoires, non seulement de peuplement mais aussi de main-d‟œuvre, d‟abord de

76

A. Bourgey, „Importance des migrations internationales de travail dans l‟Orient arabe,‟ Migrations et

Changements Sociaux dans le Monde Arabe, p.11. 77

A. Bourgey, „Importance des migrations internationales de travail dans l‟Orient arabe‟, Migrations et

changements sociaux dans le monde arabe, p.15. 78

P. Fargues, Générations arabes, p.263. 79

L. Brand. Citizens Abroad, p. 50.

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la métropole vers les colonies avant d‟organiser une émigration dans le sens

inverse, des colonies vers la métropole80

. Cette démarche était dictée par la période

de reconstruction que traversaient les pays européens après la Deuxième Guerre

mondiale puisqu‟il y eut un besoin de main-d‟œuvre. Ce mouvement migratoire qui

s‟amorça au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale ne devint réellement

significatif qu‟à partir des années cinquante marquant ainsi une étape importante

dans le mouvement de la population du Sud vers le Nord.

L‟orientation vers les autres pays européens comme la Belgique,

les Pays-Bas, l‟Allemagne augmenta rapidement à partir des années soixante dans

le cadre d‟accords bilatéraux entre pays du Maghreb et pays européens81

. La

dynamique de l‟émigration en direction des pays européens a été affectée par les

décisions prises par ces pays d‟arrêter l‟immigration à partir des années soixante-

dix et quatre-vingt sans pourtant arrêter le mouvement des populations du Sud vers

le Nord car l‟émigration continue à travers le regroupement familial en plus de

l‟émergence dès les années quatre-vingt-dix d‟autre destinations comme l‟Espagne

et l‟Italie.

1.3 Mouvement vers la Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne a été, à travers l‟histoire, une terre d'accueil

des immigrants. Le pays était, au début, la destination des envahisseurs du

continent européen comme les Angles, les Danois et les Saxons. A partir du

cinquième siècle, les Saxons s‟implantèrent en Angleterre, puis d‟autres peuples

germaniques, notamment les Angles et Jutes arrivèrent. La conquête anglo-saxonne

de l‟Angleterre s‟acheva pratiquement au début du septième siècle.

Comme les autres pays d‟Europe, la Grande-Bretagne connut une grave

pénurie de main-d‟œuvre après la Deuxième Guerre mondiale. Les besoins urgents

en main-d'œuvre obligèrent de nombreuses industries à recruter à l'étranger,

notamment au Pakistan, l‟Inde et Caraïbes. L‟immigration chinoise était en

80

S. Collinson, Shore to Shore, p. 6-7. 81

Ibid. P. 94.

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premier lieu en provenance de Hong Kong, qui fut sous autorité britannique jusqu‟à

1997, en plus de l‟immigration de Taiwan et du Vietnam. L‟instabilité politique

provoqua, d‟autre part, l'arrivée massive de réfugiés des autres continents,

notamment d‟Afrique. Les immigrants d‟Afrique étaient originaires des

communautés côtières d‟Afrique de l‟Ouest, Sierra Leone, Nigéria et Ghana, ou

d‟Afrique de l‟Est avec la Somalie britannique82

. La population africaine en

Grande-Bretagne se compose également des réfugiés en raison de l‟instabilité

politique de pays tels que le Ghana, l‟Ouganda, la Somalie, et l‟Ethiopie.

Malgré les restrictions sur l‟immigration par les lois passées en

1962, 1968 et 1972, les regroupements familiaux, en provenance principalement de

l‟Inde et du Pakistan, continuent à bousculer l‟homogénéité relative de la société

britannique. L‟immigration polonaise, qui remonte au dix-neuvième siècle au

moment où beaucoup quittèrent la Pologne pour fuir les guerres83

, s‟est accélérée

récemment avec l‟entrée de la Pologne dans l‟Europe en 2004 et la libre circulation

des travailleurs des pays de l‟élargissement.

S‟agissant de l‟émigration arabe vers la Grande-Bretagne, Fred

Halliday dans Arabs in Exile: Yemeni Immigrants in Urban Britain 84

souligne

que, suite aux liens commerciaux que l‟Empire ottoman avait avec la Grande-

Bretagne, une communauté syro-libanaise s‟installa à Manchester au dix-neuvième

siècle. Les immigrants les plus anciens sont les yéménites puisque la présence

yéménite sur le sol britannique, notamment en provenance de sa colonie d‟Aden,

remonte à 188585

. Les premiers départs furent facilités par le trafic maritime entre

l‟Europe et le Moyen-Orient, notamment l‟ouverture du Canal de Suez en 1869.

Des Yéménites qui travaillaient dans les bateaux s‟arrêtant à Aden s‟installèrent à

Tyneside. Les marins arabes commencèrent à visiter la Grande-Bretagne vers la fin

du dix-neuvième siècle et le début du vingtième siècle avec une augmentation

significative lors de la Première Guerre mondiale. Lors de la Première Guerre

82

D. Lassalle, Les Minorités ethniques en Grande-Bretagne, p.28. 83

K. Sword, The Formation of the Polish community in Great Britain, p.21. 84

F. Halliday, Arabs in Exile, p.7. 85

R. Lawless, From Taizz to Tyneside, p.39.

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mondiale, ils occupaient les postes vacants suite à l‟engagement des marins

britanniques dans la marine de guerre. Les premiers marins arabes étaient

originaires du protectorat d‟Aden et bénéficiaient par conséquent du statut de

„personnes britanniques protégées‟. En devenant port international, Aden était leur

première étape vers l‟étranger. Leur recrutement à Aden pour travailler dans des

bateaux britanniques était bien établi, favorisant la création de communautés

yéménites dans beaucoup de ports britanniques.

Les années soixante marquent un tournant important dans l'histoire de

l‟émigration arabe en Grande-Bretagne en termes du nombre et de la diversité

croissante en ce qui concerne le profil des immigrants et l‟origine nationale. En

effet, l‟émigration arabe vers la Grande-Bretagne, qui commença d‟abord avec les

Yéménites, puis avec des immigrés d‟autres pays arabes, augmenta de façon

significative au cours de ces dernières décennies en raison de la guerre au Liban, de

la détérioration de la situation en Irak, en Palestine et en Algérie. Des réfugiés

firent des demandes d‟asile pour fuir le cauchemar des guerres dans leurs pays

d‟origine. D‟autre part, des investisseurs et des entrepreneurs du Liban, d‟Arabie

Saoudite, mais aussi d‟Egypte et d‟Irak profitèrent de la hausse rapide du prix du

pétrole pendant les années soixante-dix afin de faire des investissements en

Grande-Bretagne où ils sont devenus propriétaires de maisons, en particulier à

Londres86

.

La Grande-Bretagne était également la destination d‟une

émigration attirée par les opportunités économiques ouvertes à une immigration

qualifiée87

. Par conséquent, la communauté arabe en Grande-Bretagne est surtout le

fait d‟Arabes de l‟Orient arabe ne répondant cependant pas aux caractéristiques des

travailleurs migrants au sens traditionnel de cette expression. Cette communauté

arabe se compose de ceux attirés par l‟industrie et l‟agriculture industrialisée des

pays développés. La première vague des immigrants était des ouvriers non qualifiés

86

Ermes, Ali, Omar (2002) „the Invisibility of the Arab Community in Britain‟.

http://www.aliomarermes.co.uk/resources/view_article.cfm?article_id=10 [consulté le 11 mars 2010] 87

McRoy, Anthony (2000) „The British Arabs‟.

ttp://www.naba.org.uk/content/articles/diaspora/british_arabs.htm [consulté le 11 mars 2010]

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qui travaillaient dans le secteur industriel, maritime, ou le secteur des services. La

deuxième se composait de ceux qui souffrirent des expériences traumatiques

engendrées par des conflits politiques et militaires et des personnes qualifiés et des

réfugiés politiques. Le boom économique de 1973 pour les pays producteurs de

pétrole, conjugué à l'instabilité économique et politique dans certains pays arabes,

encouragea une fuite des cerveaux et du capital arabes à la recherche de nouvelles

opportunités et de possibilités d'investissement en Grande-Bretagne.

À la fin des années 1980 et pendant les années 1990, la diversité qui

est de plus en plus caractéristique des communautés arabes établies en Grande-

Bretagne, fut encore renforcée par l'afflux croissant de réfugiés en raison des

conflits armés dans des zones comme l‟Irak, la Somalie et l‟Algérie. On peut

trouver de grands responsables politiques dans leurs pays d‟origine qui fuirent leurs

pays car ils étaient associés à des soulèvements politiques et militaires contre les

régimes en place. Ils forment une opposition à l‟étranger au régime politique du

pays d‟origine.

En gros, les flux migratoires arabes s‟inscrivent dans la dynamique

des mouvements d‟immigration des pays dits du Sud vers les pays industrialisés du

Nord. De nombreuses décisions de départ sont dues à la nécessité de fuir les

guerres, les harcèlements politiques violents et les régimes répressifs. Le chaos

dont la région souffrit, l‟instabilité qui caractérisa la période post-indépendance,

l‟explosion démographique, en plus des problèmes économiques et sociaux sont à

l‟origine des exodes migratoires arabes.

2. L’émigration arabe

2.1 Le contexte de l’émigration

2.1.1 Nationalisme et la quête d’indépendance

Après la chute de l‟Empire ottoman, la plupart des pays arabes étaient sous la

domination européenne d‟où l‟émergence de mouvements soucieux de libérer les

Etats arabes de l‟occupation étrangère. C‟est dans ce contexte qu‟un nationalisme

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arabe vit le jour. Les idéologues88

de ce nationalisme arabe voient la nation comme

une entité culturelle avec un héritage culturel basé sur une langue et une histoire

commune partagée par une collectivité de peuples arabes. Le socialisme représentait

le moyen technique d‟organiser la société arabe en prêchant l‟unité sur la base de

la justice sociale et économique afin de forger une unité arabe89

. Dans ce sens, la

première théorisation du nationalisme arabe fut élaborée par Sati Al-Husri. Les

Etats arabes étaient considérés comme des créations des puissances impérialistes90

.

Le nationalisme arabe transcende les nationalismes locaux afin de surmonter les

différences ethniques, religieuses, et tribales qui dominent le monde arabe comme

la définition de Sati Al-Husri, explique :

L‟arabisme n‟est pas circonscrit aux habitants de la péninsule

arabique, pas plus qu‟il n‟est spécifique des seuls musulmans. Tout au

contraire, il s‟étend à tous ceux qui se rattachent aux pays arabes et

parlent la langue arabe, qu‟ils soient égyptiens, marocains,

koweitiens, musulmans ou chrétiens. Les différences et divergences

que l‟on voit maintenant entre les Etats arabes du point de vue de leurs

institutions administratives, législatives et économiques, ainsi que de

leurs orientations politiques sont toutes l‟héritage des époques

d‟occupation. Elles sont nées de l‟impérialisme (…) les Arabes sont

une seule umma91

Al-Husri fit la distinction entre mouvements patriotiques basés sur

une région territoriale spécifique et mouvements nationalistes panarabes basés sur

la nation, qui est, dans ce cas, la nation arabe. Pour Sati Al-Husri, la nation

(umma92

) dénote un groupe de gens qui partagent une langue, une histoire commune

tandis que l‟Etat (dawla) dénote des gens vivant sur un territoire commun avec des

frontières fixes93

. La nation pourrait comprendre un Etat unique et indépendant

ayant un drapeau, un gouvernement et une armée, comme elle pourrait également

comprendre de nombreux Etats indépendants. Dans ce cas, ces Etats constituent

88

Parmi les penseurs arabes qui ont formulé ce concept de „nationalisme arabe‟, on trouve Edmond Rabath

(Liban), Michel Aflaq et Sati Husri (Irak). 89

O. Carré, Le nationalisme arabe, p. 59. 90

A. Dawisha, Arab Nationalism in the Twentieth Century, p.3. 91

Cite par: F. Massoulie, les Conflits du Proche-Orient. p.37. 92

Umma était utilisée au début par les penseurs musulmans pour faire référence à la communauté des Croyants. 93

Y. Cheoueiri, Arab nationalism, p.13.

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une nation particulière et agissent pour renforcer un nationalisme qui dépasse les

frontières de ces Etats, en agissant pour faire apparaître une patrie nouvelle et

commune reliée par un nouveau patriotisme94

.

Cette vague nationaliste arabe était construite sur deux piliers :

l‟originalité de la langue arabe, considérée comme moyen de compréhension entre

peuples arabes, et l‟unité politique de tous les pays arabes, de l‟Océan Atlantique au

golfe Persique qui constituent le noyau de cette tendance nationaliste95

. Le

nationalisme arabe est un phénomène dont l‟orientation est panarabe à base

linguistique non confessionnelle et même laïque, en prônant une citoyenneté arabe

sans aucune qualification religieuse communautaire pas plus musulmane que

chrétienne ou juive96

. Comme conséquence à cette orientation idéologique, le

monde arabe vit l‟arrivée au pouvoir des partis uniques révolutionnaires.

2.1.2 Ebranlement politique : les coups d’Etat

Cette vague idéologique qui domina le monde arabe est illustrée par

le mouvement de la renaissance arabe socialiste Baath97

dont le but était

l‟unification des pays arabes sous la bannière d‟une nation arabe qui partage une

langue, une culture, et des intérêts communs98

. L‟optique révolutionnaire était

prônée par ce parti et d‟autres partis politiques dans le monde arabe. Cette optique

exprimée par le fondateur de Baath, Michel Aflak, fut le fruit unissant l‟unité de la

pensée avec l‟action. Née au sein de la lutte arabe, cette tendance essaya d‟élaborer

une grande action de révolte pour le mouvement de la libération arabe. L‟adoption

d‟une orientation révolutionnaire s‟est propagée dans le monde arabe avec, comme

résultat, l‟arrivée au pouvoir de régimes qui contrôlaient aussi bien la vie politique

que militaire des Etats arabes. Le système du parti unique était le seul régime

politique toléré et la diversité idéologique était considérée comme atteinte à la

sécurité de l‟Etat. C‟est ainsi que plusieurs pays du monde arabe furent dominés par

94

Ibid. p.13. 95

A. Dawisha, Arab Nationalism in the Twentieth Century, p.68. 96

O. Carré, Le nationalisme arabe, p. 50. 97

Le Baath (Renaissance en arabe) est le parti politique au pouvoir en Irak avant la chute du régime de Saddam

Hussein et en Syrie depuis les années 1960. Le mouvement du parti „baath’ a été créé à Damas dans les années

40 par le chrétien Michel Aflak et le musulman sunnite Salah Al Din Bitar. 98

Y. Choueiri, Arab Nationalism, p.155.

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des conflits armés internes et externes engendrant des problèmes économiques et

sociaux99

.

2.2 Les raisons de l’émigration

2.2.1 Le facteur politique

a. Instabilité politique

La situation politique des pays arabes peut constituer une incitation

au départ en raison des incertitudes qui pèsent sur le devenir politique de ces pays

dont l‟histoire politique est extrêmement agitée. L‟émigration principalement de

l‟Irak, de la Syrie, de l‟Egypte, de la Somalie, et de l‟Algérie illustre ce rapport

entre émigration et instabilité politique pour des raisons idéologiques ou ethniques.

En Irak et en Syrie, le système du parti unique privait le processus

électoral de véritable signification politique. Le seul parti unique en Irak accumulait

tous les pouvoirs avec un contrôle de l‟appareil militaire du pays et un rejet de toute

opposition politique. La tyrannie du pouvoir et les guerres successives qu‟il

déclencha sont la cause principale de l‟émigration depuis l‟Irak. Ce pays a toujours

été une région marquée par l‟instabilité et la violence politique. A l‟époque de la

monarchie, l‟instabilité provenait des milieux militaires qui ne cessaient de

comploter. La révolution de 1958 amena au pouvoir le général Kassem100

qui fut

renversé par le parti Baath en 1963101

. Comme parti autoritaire, le parti Baath était

contrôlé par le sommet et non pas par la base. Les milices armées du parti réprimait

toute émeute. Les partis d‟opposition étaient regroupés en Grande-Bretagne où

vivent beaucoup d‟Irakiens et la lutte politique se déroulait sous formes

d‟expulsions, d‟exclusions et d‟arrestations. Une opposition politique interne

reconnue et organisée n‟existait pas. En fait, les guerres et les destructions

entraînèrent l‟exode des populations de l‟Irak.

Ainsi, à cause des aléas de l‟histoire politique du pays, Londres, métropole

de l‟ancienne puissance mandataire en Irak, a accueilli des groupes composites

99

H. Safar, Travailleurs et cerveaux arabes immigrés en Europe, p.30. 100

Né en 1914 à Bagdad, mort le 9 février 1963. Il fut premier ministre de l'Irak dans les années 1950. 101

M. Farouk-Sluglett, P. Sluglett, Iraq since 1958 from Revolution to Dictatorship, p. 49.

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d‟Irakiens, notamment des monarchistes ayant fuit la révolution de 1958, des

opposants de toutes tendances – communistes, islamistes sunnites, diverses

mouvances politiques et religieuses chiites – qui poursuivaient en exil leurs activités

politiques.

L‟émigration irakienne, qui était très limitée même si les relations

irako-britanniques remontent à la période qui précède la constitution de l‟Etat

irakien moderne en 1921, s‟accéléra à partir des années quatre-vingt. Elle

commença massivement avec le déclenchement de la guerre Iran-Irak (1980-1988)

qui poussa contre leur gré des milliers d‟Irakiens à chercher refuge ailleurs. Ce

mouvement migratoire s‟accéléra avec la deuxième guerre du Golfe (1990-1991) et

l‟embargo économique imposé contre l‟Irak102

.

Le coup d‟Etat en Syrie qui était l‟œuvre des militaires appartenant à

la formation baathiste mit fin à la l‟expérience parlementaire et apporta au pouvoir

un régime militaire qui était lié idéologiquement au pouvoir de Bagdad avant la

chute du régime de Saddam Hussein. Conformément à la même thèse du

nationalisme arabe, la révolution égyptienne se lança dans un processus

d‟unification en tenant de créer une république arabe unie. La révolution égyptienne

de 1952 porta au pouvoir une équipe dirigeante avec des références idéologiques

socialistes. Ce nouveau pouvoir en Egypte désigna comme ennemi l‟impérialisme et

les puissances capitalistes et mena un combat contre les agissements d‟une classe

dont les intérêts étaient liés aux intérêts étrangers. C‟est ainsi que les riches

propriétaires, les grands commerçants, les membres des professions libérales

choisirent de quitter le pays.

L‟histoire de la Somalie détermine l‟arrivée des Somaliens en

Grande-Bretagne pour fuir les horreurs de l‟anarchie armée et les répercussions

d‟une société civile en voie d‟effondrement. Au début du vingtième siècle,

beaucoup de Somaliens, qui travaillaient comme marins, profitèrent de la

prospérité économique de la Grande-Bretagne en marge du développement

102

M. Al-Rasheed, „Political migration and downward socio-economic mobility: the Iraqi community in

London, New Community, vol. 18, n° 4, 1992, p.537-550.

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industriel et s‟établirent particulièrement à Tower Hamlets103

. D‟autres

communautés somaliennes s‟installèrent à Cardiff, Liverpool et Londres avec de

petites communautés à Bristol et South Shields.

L‟exode somalien changea d‟une émigration économique à une

émigration provoquée par la détérioration de la situation politique et militaire. Le

pays fut ravagé par la guerre civile en 1991 et des conflits de frontière jusqu'en

1993. Beaucoup de réfugiés quittèrent le pays. La première vague de réfugiés

arriva à Londres vers la fin des années quatre-vingt par l'intermédiaire des camps

de réfugiés en Ethiopie et Djibouti.

L‟émigration algérienne s‟est bousculée vers la Grande-Bretagne

depuis l‟intensification du conflit en Algérie et la détérioration de la situation

engendrée par l‟annulation des élections de 1992 et ses conséquences sociales et

économiques104

. A partir de 1993, les groupes armés qui contrôlaient plusieurs

parties du pays suivaient une politique d‟élimination individuelle qui visait

fréquemment les intellectuels, les journalistes, et les artistes. Le conflit atteignit son

apogée pendant les années quatre-vingt-dix, période de l‟arrivée de la grande

majorité de la population algérienne en Grande-Bretagne. Cette population

immigrée inclut des intellectuels, artistes, et des militaires qui quittèrent le pays

sous la menace pour obtenir le statut de réfugiés en Grande-Bretagne.

D‟une manière générale, la démocratie, dans la pratique dans

ces régimes issus de coups d‟Etat militaires, est artificielle105

. De puissants moyens

de propagande, de presse et la force de l‟appareil militaire sont exploités par le

pouvoir. Ce dernier est concentré entre les mains d‟un souverain absolu, ou d‟une

élite appartenant aux hautes sphères de l‟appareil d‟Etat. Par conséquent, le concept

occidental de valeurs civiques n‟existe pas dans de tels pays. La persécution des

103

C. El-Solh, „Somalis in London‟ East End: a community striving for recognition‟, New Community, vol. 17,

n°4, 1991, p.539-552. 104

M. Collyer, Explaining change in established migration systems: the movement of Algerians to France and

Britain. Thèse de doctorat, Université de Sussex, 2002. 105

C. Elaissami, De la révolution arabe, p. 26.

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opposants politiques par des régimes policiers était une pratique récurrente qui

conduisit à l‟exode d‟une classe d‟élite.

b. Absence de libertés

La deuxième catégorie de régimes arabes est celle des réactionnaires

qui baignent dans un conservatisme destiné à assurer leur continuité et

l‟exploitation de l‟appareil d‟Etat. L‟absence de libertés individuelles engendre une

intense frustration et un malaise de la population. Les régimes absolutistes de la

péninsule arabique ne permettent pas l‟existence des partis politiques. Ce sont des

régimes tribo-dynastiques dirigés par de puissantes familles royales qui cumulent

tous les pouvoirs. Dans ces systèmes politiques, la classe moyenne, qui dépend en

grande partie directement de l‟Etat, est hostile à l‟instauration de procédures

démocratiques. Cette alliance pour le profit stipule que la bourgeoisie doit renoncer

à tout rôle politique et suivre les grandes directives économiques de l‟Etat106

. Des

Etats puissants avec des classes moyennes dépendantes entravent tout avancement

démocratique. Dans un tel contexte, le clientélisme, comme mode de

fonctionnement ordinaire de la politique arabe, empêche le fonctionnement de

l‟Etat moderne107

. La situation politique arabe est dominée par l‟autoritarisme

absolu et répressif et les restrictions sur les libertés individuelles exercées par une

minorité qui monopolise l‟Etat et en fait un instrument d‟exploitation économique

de la société.

2.2.2 Guerres régionales : instabilité dans la géopolitique du Proche-

Orient

a. Guerres arabo-israéliennes : ébranlement à trois reprises

Plus graves que la négation des droits politiques et sociaux, les

conflits régionaux sont l‟une des causes des migrations forcées et de la fuite pour

survivre. Le conflit israélo-arabe commença à la veille de la création de l‟Etat

d‟Israël. Ce conflit persistant se manifesta de manière critique par trois guerres entre

106

J. Wanterbury, „Démocratie sans démocrates ? Le potentiel de libération politique au Moyen Orient,‟

Démocraties sans Démocrates, p.95. 107

O. Roy, „Clientélisme et groupes de solidarité : survivance ou recomposition‟, Démocraties sans Démocrates,

p.397.

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Israël et une coalition d‟Etats arabes : en 1948, 1967, et 1973. Avec la déclaration

de l‟indépendance d‟Israël, les armées égyptiennes, syriennes et libanaises passèrent

à l‟offensive. Les Palestiniens sont les grands vaincus de la guerre. Plusieurs

centaines de milliers d‟entre eux prirent le chemin de l‟exil pour fuir les combats et

se mettre à l‟abri en attendant des jours meilleurs. Les péripéties de la guerre sont à

l‟origine de l‟émigration palestinienne qui s‟accéléra après les guerres de 1967 et

1973 durant lesquelles Israël remporta la victoire, provoquant une modification de

la carte politique du Proche-Orient108

. Les Israéliens occupèrent la bande de Gaza,

le Sinaï, la Cisjordanie et le plateau du Golan et contrôlèrent plus des trois-quarts de

la Palestine mandataire en causant l‟exode de la population des territoires

conquis109

. La masse de réfugiés palestiniens alla s‟installer dans les pays voisins,

mais aussi à l‟étranger où une diaspora palestinienne s‟est constituée aux Etats-Unis

et en Grande-Bretagne. A partir des années soixante-dix, l‟Europe s‟est présenté

comme un espace favorable à l‟immigration de Palestiniens en raison de la

possibilité pour certains d‟y obtenir l‟asile politique, et l‟opportunité pour tous d‟y

trouver du travail et d‟assurer à leur famille une vie plus stable et un avenir plus sûr

pour leurs enfants.

b. Guerre du Liban : effet d’une guerre civile

La Jordanie tentait de se débarrasser de la présence croissante des

Palestiniens sur son territoire par des moyens extrêmes dont „Septembre Noir‟, le

massacre de la présence politique et militaire de l‟Organisation de Libération de la

Palestine en 1970110

. Chassée de la Jordanie, l‟armée de libération palestinienne alla

s‟installer au sud du Liban, ajoutant aux importants camps de réfugiés civils une

force militaire palestinienne autonome disposant d‟un statut officialisé par les

accords interarabes. La dégradation du système communautaire aboutit à un

véritable éclatement du pays en factions armées.

108

G. Chaliand, J. Rageau, Atlas des diasporas, p.175. 109

A. Bourgey et al. Migrations et changements sociaux dans l’Orient arabe, p.38. 110

J. Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, p.21-22.

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La conséquence fut le déclenchement de la guerre du Liban qui dura

de1975 à 1990. L‟émigration libanaise s‟accentua tout au long de ces années de la

guerre. Dès 1975, la guerre du Liban débuta par un accrochage entre Libanais

chrétiens et palestiniens111

et des affrontements militaires entre Palestiniens et

Israéliens, causant encore un départ massif de Palestiniens qui se dirigèrent vers

les pays arabes voisins et en dehors du monde arabe dont 34 000 vers la Grande-

Bretagne entre 1975 et 1977112

. La situation de guerre civile provoqua un exode des

compétences libanaises vers les pays les plus stables à cause de la stagnation

économique engendrée par la guerre113

. Cette émigration toucha des communautés

diverses, mais plus particulièrement les maronites, les sunnites, les grec-orthodoxes

et, dans une moindre mesure, les chiites114

.

c. Guerres du Golfe : de la guerre Irak-Iran à la guerre du

Koweït

Les relations du régime de Bagdad, qui déclencha plusieurs

guerres dans la région, avec ses voisins étaient en constante détérioration. Un

conflit opposant l‟Irak et l‟Iran fut déclenché en 1980 par le gouvernement de

Saddam Hussein qui espérait régler au profit de l‟Irak un vieux conflit frontalier à

propos de Chatt al-Arab qui marque la frontière entre l‟Irak et l‟Iran. Des millions

de personnes quittèrent le pays pour survivre. Tous les courants politiques qui

étaient hostiles à la politique officielle étaient victimes d‟une répression sanglante

qui n‟épargna pas non plus les communautés religieuses, en particulier les chiites et

les juifs.

Quelques années après ce conflit, la région subit un ébranlement

plus fort avec la seconde Guerre du Golfe. L‟invasion du Koweït en 1990 fut le

point de départ d‟une crise grave qui bouleversa le monde entier115

. L‟annexion du

Koweït par l‟Irak et l‟intervention des puissances occidentales ébranlèrent les bases

111

Ibid. p. 21. 112

B. Labaki, K. Rjeily, Bilan des guerres du Liban, p.91. 113

N. Saidi, Economic Consequences of the War in Lebanon, p.1-3. 114

G. Chaliand, J. Rageau, Atlas des diasporas, p.170. 115

C. Haghhighat, Histoire de la crise du Golfe, p.11.

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politiques et sociales du Moyen-Orient. Cette crise et toutes ses conséquences

déplacèrent contre leur gré plusieurs millions de personnes qui se trouvèrent

brutalement dans la condition de réfugiés, si ce n‟est pas dans celle d‟otages des

pouvoir politiques ou de situations impossibles à maîtriser. En dehors des

souffrances humaines, la guerre causa les déplacements de personnes dans des

conditions effroyables116

.

2.2.3 Le facteur économique

L‟explosion démographique dans certains pays arabes a une

influence négative sur l‟économie et entrave le processus de développement en

particulier dans les pays non producteurs de pétrole117

. Les motivations

économiques sont à la base de certains mouvements migratoires arabes. Les

différences dans l‟emploi, les écarts de revenus, l‟espoir de gains plus rapides à

l‟étranger constituent les ressorts de ces migrations économiques118

. Le fondement

de ce grand type de mouvement est essentiellement économique, mais les

interactions avec les facteurs politiques et sociologiques sont constantes. Ces

migrations s‟inscrivent dans le fonctionnement des marchés nationaux du travail au

profit des Etats les plus riches, les plus dynamiques ou les plus industrialisés. Elles

révèlent les inégalités du développement et de la richesse à l‟échelle mondiale.

L‟intégration de l‟économie arabe dans les économies

européennes est un fait119

. L‟économie arabe demeure de type colonial,

profondément intégré au marché mondial120

. Les pays arabes ne pouvaient pas

échapper à ce mouvement d‟intégration, d‟une part du fait de leur histoire récente

façonnée par le système colonial européen, et d‟autre part, de la tendance du

système capitaliste à intégrer les différents pays dans un système productif

transnational. Cette intégration des économies arabes dans les économies

européennes se réalise dans une dépendance plus accentuée et plus diversifiée :

116

Ibid. p.12. 117

Ibid. p.5. 118

I. Zin, L’Immigration des cerveaux arabes, p.90. 119

S. Hayssam. (ed), Travailleurs et cerveaux arabes immigrés en Europe, p.62. 120

H. Laurens, Paix et guerre au Moyen-Orient, p.11.

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dépendance commerciale, financière, technologique et alimentaire. Les pays arabes

exportent en général toutes leurs matières premières ainsi que leurs capitaux et

importent pratiquement tout. L‟économie arabe fait actuellement partie intégrante

de l‟économie capitaliste qui encourage et stimule l‟importation des matières

premières arabes et fait de cette région arabe des marchés de débouchés pour les

produits européens.

D‟autre part, l‟exploitation farouche des intérêts locaux dans chacun

des pays arabes engendre l‟émergence d‟une classe constituée en „grappes de

clientèle121

‟ autour d‟un régime à homme fort. Cette classe est généralement une

classe moyenne. Un système de production, dans ce cas, est un système d‟inégalités

entre dominants et dominés à l‟intérieur de chaque pays. Ce facteur est important

dans l‟explication de l‟exode rural à l‟intérieur ou de l‟exode des compétences vers

l‟étranger. Le manque de liberté pour tous ceux qui ne sont pas rangés dans les

grappes de clientèles et la désertion de la région par les cerveaux et les cadres

traduit cet état d‟inégalité.

A la différence d‟émigration de main-d‟œuvre ordinaire, celle du

personnel très qualifié, des spécialistes et des élites professionnelles est favorisée

par les Etats les plus riches. C‟est le cas des migrations de commerçants, d‟hommes

d‟affaires ou d‟entrepreneurs. Ce type de mobilité est directement lié à la

circulation des capitaux (financescapes). Alors que certains types d‟emploi se

réduisent, la demande mondiale pour les hautes qualifications reste très forte. Les

migrations de ceux qui s‟installent à l‟étranger avec statut professionnel

indépendant, qu‟ils soient commerçants, ou chefs d‟entreprise de taille importante

ou modeste sont en accroissement. Ainsi on trouve des investissements arabes dans

le domaine bancaire, l‟export import et la presse.

La fuite des cerveaux arabes constitue une forme d‟aide au

développement inversée étant donné que les pays d‟accueil bénéficient clairement

des investissements arabes dans le domaine de l‟éducation et de la formation. Ce

121

Terme employé par : I. Safar, Travailleurs et cerveaux arabes immigrés en Europe. p.61.

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53

type d‟émigration entrave le développement économique dans la région. Cette fuite

des cerveaux est attribuée à des facteurs externes et internes (pull and push factors).

Les conditions défavorables au travail intellectuel et les faibles rémunérations

offertes pour ce secteur dans certains pays arabes se sont conjuguées aux

événements politiques et aux offres tentantes des pays industrialisés pour porter ce

nombre à un niveau relativement élevé dans certains cas122

. La politique migratoire

des Etats de destination repose sur deux principes clés : d‟une part, bloquer ou

freiner les migrations de masse, considérées comme improductives, d‟autre part,

faciliter et encourager la venue de personnes compétentes. Le monde occidental

sélectionne les personnes dont il a besoin à travers une approche qui tient compte de

ses intérêts à court terme. Ce phénomène semble lourd de menaces pour l‟avenir des

pays d‟origine et se traduit par une fuite massive des cerveaux de nombreux Etats

en développement.

Selon une étude réalisée par l‟Institut Arabe de Planification123

sur

l‟avenir du développement dans le monde arabe et les conséquences de la fuite des

cerveaux, seulement deux chercheurs arabes sur cinq exercent dans le monde

arabe124

. La plupart de ces scientifiques sont des chercheurs dans les domaines des

sciences physiques, chimiques, et technologiques. Ils émanent en particulier de

l‟Egypte, du Liban et de l‟Irak.

2.2.4 Le facteur démographique

Un autre facteur qui influence les migrations est lié aux disparités

démographiques. La démographie constitue une dimension structurelle essentielle

dans les pays en voie de développement et les flux migratoires sont liés aux

volumes et aux dynamiques démographiques dans ces pays. La population totale

des pays arabes en 2000 a été estimée à 290 millions125

, soit 4% de la population

122

M. Rodinson, Les Arabes, p.85. 123

En 1966, le gouvernement de Kuweit en coopération avec le programme des Nations-Unis pour le

développement à créé l‟institut koweitien pour la planification économique et sociale dans le Moyen-Orient. En

1972, l‟institut a été transformé en institut arabe. 124

H. Kobeissi, „An Introduction to the Geographical Distribution of Arab Scientific Researchers,‟ The Arab

Brain Drain, p.143. 125

B. Badie, B. Didiot (eds), L’Etat du monde 2007, p.372-419.

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54

mondiale. Cette population est distribuée en 22 Etats, 13 en Asie, et 9 en Afrique où

huit pays arabes ont une population de plus de 10 millions habitants. Il s‟agit de

l‟Egypte, de l‟Algérie, du Maroc, de l‟Irak, du Soudan, de la Syrie, de l‟Arabie

saoudite et du Yémen. Ont une population inférieure à 10 millions d‟habitants : le

Liban, la Jordanie, le Kuweit, le Bahreïn, le Qatar, la Libye, la Tunisie, la

Mauritanie et la Somalie126

.

La population arabe augmente à un taux annuel moyen de 3 % ; ce

qui place le monde arabe parmi les pays avec un des taux de croissance

démographique le plus importants au monde. Ce taux se situe, à titre d‟exemple,

entre 1,38 % au Liban et 5, 79 % en Mauritanie127

. Si la croissance se maintient

dans les mêmes proportions entre 2,7 et 3 %, la population arabe, aux alentours de

2025, constituera 5,5% de la population du monde128

et le troisième bloc

démographique après l‟Inde et la Chine129

. La dimension de l‟accroissement et la

structure démographique est déterminée par un taux de fertilité élevé130

. En fait, des

raisons religieuses, familiales et sociales, ancrées depuis des siècles, et qui rejettent

toute idée de planning familial, expliquent cette croissance démographique effrénée.

A l‟inverse de la plupart des pays industrialisés où la situation démographique est

différente avec un taux de croissance démographique inférieur à 1%131

, la majorité

des pays arabes ont une forte croissance du rythme démographique.

Contrairement aux pays européens qui sont affectés par le

vieillissement de la population, voire par la régression du mouvement naturel de

leurs populations, les nations arabes sont en pleine expansion démographique car la

politique de la transition démographique a été tardivement déclenchée. Le

mouvement de ses populations dont le taux de croissance démographique est

largement supérieur à celui des pays d‟accueil s‟explique donc par le poids

démographique des pays arabes. Le résultat social est l‟existence de violents

126

K. Bichara, Khader, Population, développement et industrialisation dans le monde arabe, p.3-4. 127

B. Badie, B. Didiot (eds), L’Etat du monde 2007, p.372-419. 128

D. Noin, A. Sid Ahmed, Population et perspectives de développement du monde arabe, p.64. 129

K. Bichara, Population, développement et industrialisation dans le monde arabe, p.4. 130

A. Omran, Population in the Arab World, p.5. 131

P. Stalker, Les Travailleurs immigrés, p.30.

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contrastes entre les pays concernant le poids des jeunes dans la population totale :

42 % au Maroc, 45 % en Algérie et 40 % en Tunisie132

. Ainsi, les comportements

démographiques (taux de croissance et taux de fécondité) vont continuer à évoluer

différemment dans deux côtés du bassin méditerranéen, encourageant par

conséquent le mouvement des populations133

.

Conclusion

L‟émigration est favorisée par des raisons dont les forces

fondamentales sont macroéconomiques, démographiques et politiques134

. Le facteur

macroéconomique est relié aux écarts des revenus entre pays industrialisés et pays

en voie de développement qui connaissent une explosion démographique.

L‟instabilité politique intensifie la pression de l‟émigration en raison de l‟insécurité

personnelle et la répression politique subies par les populations dans certains pays.

D‟autre part, ce mouvement migratoire est facilité par le coût du transport, les liens

historiques entre pays exportateurs de main-d‟œuvre et pays importateurs qui

encouragent une immigration qualifiée afin de répondre aux besoins de leurs

économies135

.

Le progrès des transports joue un grand rôle dans les migrations

puisque un réseau très dense de lignes maritimes relie ports européens et ports

arabes. L‟arrivée des émigrants est également favorisée par la présence d‟une

communauté ethnique établie dans le pays d‟accueil. De ce fait, la famille et les

rapports communautaires jouent un rôle dans l‟émigration et l‟installation des

nouveaux arrivants dans la société d‟accueil.

132

C. Gérard, Migrations en Méditerranée. p.19. 133

Ibid. p.23. 134

C. Stahl, W. Bradford, Conceptualizing and Simulating Emigration Dynamics‟, Emigration Dynamics in

Developing Countries, n° 4, 1999, p.235. 135

Ibid. p.242.

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Chapitre III : Aspects démographiques, socioéconomiques et organisationnels

Introduction

Par rapport aux autres groupes ethniques en Grande-Bretagne, la

communauté se distingue par sa diversité : origine nationale de ses membres, profils

démographiques et socioéconomiques ainsi que l‟organisation communautaire. A

l‟instar des autres groupes ethniques, la communauté arabe s‟est dotée, depuis

l‟arrivée des premiers immigrants du Yémen, d‟organisations qui maintiennent les

liens culturels et sociaux entre ses membres et assurent son développement. A

travers ses associations, ses écoles et ses médias, la communauté arabe essaye de

manifester sa singularité par l‟attachement à la culture d‟origine. Toutefois, le

degré plus ou moins élevé de développement des institutions ethniques révèle une

tendance à une pratique culturelle qui situe cette communauté au croisement entre

intégration et aliénation.

1. La communauté arabe dans la mosaïque ethnique en Grande-Bretagne

Si le concept „arabe‟ a une résonance significative lorsqu‟on évoque

le pétrole, le terrorisme et la politique au Moyen-Orient, „arabe‟ comme groupe

ethnique est absent du discours public sur les relations raciales en Grande-Bretagne.

„Arabe‟ n‟est pas une catégorie ethnique et ne sera inclu dans le dénombrement

de la population en Grande-Bretagne qu‟à partir de 2011136

. L‟absence de la

communauté arabe dans les études sur l‟immigration, la race et les politiques sur

les relations raciales en Grande-Bretagne ne signifie pas qu‟elle est assimilée à la

catégorie des blancs ou Britanniques comme les Juifs et les Irlandais auparavant137

.

136

Le recensement de la population en Grande-Bretagne se fait sur l‟appartenance ethnique; arabe sera inclu

dans le recensement de 2011 en réponse aux revendications de la communauté arabe pour avoir une

reconnaissance en tant que communauté. 137

C. Nagel, „Hidden minorities and the Politics of Race: the case of British Arab activists in London‟, Journal

of Ethnic and Migration Studies, vol.27, n° 3, 2001, pp.381-400.

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En effet, malgré leur statut socioéconomique et l‟absence du discours

sur la diversité ethnique et communautaire, la communauté arabe ne représente pas

l‟exemple d‟une assimilation réussie. Elle apparaît par contre comme une

population étrangère dont le mode de vie est antithétique de celui de la société

majoritaire. Malgré l‟émergence d‟une troisième génération, les Arabe apparaissent

comme des étrangers plutôt que des minorités ethniques, sans être assimilés aux

catégories publiquement reconnues.

Cette construction équivoque de l‟arabité peut être attribuée à la relation

coloniale qui exista entre la Grande-Bretagne et le monde arabe et aux circonstances

distinctives de l‟émigration arabe vers la Grande-Bretagne. Certains pays arabes

comme l‟Egypte, l‟Irak, Palestine, et quelques pays du Golfe étaient dominés par la

Grande-Bretagne, mais ils n‟étaient pas considérés comme partie du

Commonwealth. L‟émigration arabe vers la Grande-Bretagne, qui s‟est accéléré à

partir des années soixante et, en particulier, les années quatre-vingt dix, n‟était pas

encouragée par des liens coloniaux, mais plutôt par l‟ouverture relative de la

politique britannique à une immigration de main-d‟œuvre qualifiée et aux

demandeurs d‟asile138

.

L‟investissement arabe dans le secteur des services à Londres fit de la

Grande-Bretagne une destination pour les investisseurs arabes, les institutions

financières et les médias139

. Par conséquent, l‟appartenance sociale d‟une grande

partie de cette communauté en comparaison avec les autres minorités ethniques,

indienne, chinoise ou africaine, n‟inspire pas un très vif intérêt des chercheurs.

2. Répartition démographique de la communauté arabe

Pour les raisons mentionnées plus haut, il est difficile de dresser un

tableau global de l‟ensemble des caractéristiques démographiques qui définissent

fondamentalement la communauté arabe de Grande-Bretagne. Cette communauté

138

M. Al-Rasheed (1996), „the other-Others: hidden Arabs? Ethnicity in the 1991 Census, p. 206-220. 139

B. Labaki (1992) „Lebanese migration during the war: 1975-1989,‟ Lebanese Migration in the World,

pp.605-626

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58

est estimée à 500 000 personnes dont 80 % sont installées à Londres140

. La

présence de la communauté arabe est rendue visible par leur concentration

géographique dans l‟ouest de Londres, notamment à Kensington, Chelsea

Westminster, et Tower Hamlets. Les immigrés arabes s‟installèrent dans des régions

ou existe déjà une communauté ethnique ou une famille qui facilite la transition

culturelle et le choc engendré par la confrontation avec un nouvel environnement

culturel. C‟est une des raisons derrière la concentration de la population arabe dans

certaines régions. La communauté algérienne est concentrée autour de Finsbury

Park où existe le Conseil algérien des réfugiés. Les demandeurs d‟asile algériens

sont à Glasgow, Sheffield, Birmingham et Manchester suite à la politique du

gouvernement britannique qui vise à disperser les demandeurs d‟asile dans le

pays141

. Une importante communauté arabe habite au centre de Londres et

particulièrement aux alentours d‟Edgware Road. Le lieu de naissance a été inclu

dans le recensement de 2001. L‟analyse des résultats de ce recensement par l‟office

nationale des statistiques révèle que la catégorie „other ethnic group‟ est largement

utilisée par les personnes originaires du Moyen-Orient et du monde arabe. Sur

220 000 dans cette catégorie, 11 % sont nés au Moyen-Orient et en Afrique du

Nord. Les données sur le lieu de naissance montrent que plus de 235 000 individus

sont nés en Grande-Bretagne. Entre 1997 et 2005, plus de 80 000 personnes,

notamment en provenance d‟Irak, de la Somalie et de l‟Algérie, ont fait une

demande d‟asile en Grande-Bretagne.

Les demandes d'asile entre 1997 et 2005142

Pays 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Soudan 230 250 280 415 390 655 930 1305 885

Algérie 715 1260 1385 1635 1140 1060 550 490 255

Irak 1075 1295 1800 7475 6680 14570 4015 1695 1415

Libye 100 115 115 115 140 200 145 160 125

Somalie 1780 2730 4685 7495 5020 6420 6540 5090 2585

Syrie 50 65 95 140 110 70 110 350 330

140

Conference on Arab communities in Britain (ed.) Arabs in Britain: Concerns and Prospects, 1990, p. 6. 141

Depuis 2000, les autorités britanniques appliquent une politique dite de « dispersion » (dispersal Policy)

visant à loger les demandeurs d‟asile hors de Londres et de la région Sud-Est. 142

Source: Asylum Statistics, United Kingdom 2005, Home Office Statistical Bulletin.

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Ces demandes d‟asile représentent 13 % de l‟ensemble des demandes

des huit dernières années. En 2002 les demandes des personnes originaires d‟Irak

représentent 17 % des demandes en Grande-Bretagne. Par conséquent, la

communauté irakienne représente le regroupement arabe le plus grand en raison de

la hausse importante des demandes d‟asile effectuées par les Irakiens ces dernières

années. Les statistiques concernant l‟acquisition de la nationalité britannique

montrent que les immigrants d‟Irak, d‟Egypte et de la Somalie sont les plus

nombreux143

.

Acquisition de la nationalité Britannique (2001-2008)144

Pays 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Algérie 705 1345 1145 1255 1485 1015 1170 955

Bahreïn 35 20 30 40 30 15 15 40

Egypte 425 705 535 585 785 595 730 485

Emirats

Arabes

15 20 20 10 20 20 25 10

Irak 1835 3455 2245 2340 3260 4125 5480 8895

Jordanie 220 260 215 210 245 320 310 175

Kuweit 125 165 120 130 155 70 25 40

Liban 775 1275 515 500 630 515 625 385

Libye 210 303 400 550 790 460 405 385

Maroc 710 800 745 610 705 495 510 500

Syrie 140 315 195 275 405 390 330 230

Somalie 5500 7490 8550 11185 8305 9050 7450 7165

Tunisie 100 200 150 190 235 130 185 150

Yémen 305 495 440 440 765 520 400 335

Sur l‟ensemble de la communauté arabe, les immigrés nés dans le pays

d‟origine dominent avec une variation entre les groupes nationaux qui composent

cette communauté. On trouve une prédominance d‟une population née en Grande-

Bretagne parmi la communauté yéménite contrairement à la communauté irakienne,

marocaine et algérienne dont la plupart des membres sont arrivés pendant les

années quatre-vingt suite aux guerres déclenchées par l‟Irak ou au conflit récent en

143

Source: Citizenship grants, Home Office Statistical Bulletin (1984-2004). 144

Source: Home Office Statistical Bulletins (2001-2008).

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Algérie. Les groupes avec un pourcentage important d‟immigrés ont une population

plus jeune par rapport à l‟ensemble de la population arabe immigrée.

3. Poids économique et diversité sociale

La communauté arabe a une position économique et financière

importante en plus du niveau intellectuel élevé de la plupart de ses membres. Selon

un rapport du gouvernement local de Londres, les immigrants des pays arabes

comme l‟Irak, l‟Egypte, la Syrie et le Liban ont une situation économique très

élevée par rapport à l‟ensemble de la population londonienne. Une majorité des

immigrés arabes ont le statut d‟une classe moyenne et sont dans une position

socioéconomique meilleure que celle des immigrés provenant d‟Asie145

. Cette

position s‟explique par le fait que l‟essor pétrolier des années soixante-dix incita

beaucoup d‟Arabes à investir à Londres qui est devenue une destination pour

l‟investissement des pétrodollars. La souplesse de la législation britannique et la

présence à Londres d‟une des plus grandes plates-formes de la finance islamique

internationale ainsi qu‟un paysage médiatique arabe important avec de grands

quotidiens (Al-Quds Al-Arabi, Al-Charq Al-Awsat, Al-Hayat) et télévisions (MBC

et Al-Jazira) ont favorisé cette destination des migrants arabes qui sont attirés par

les nouvelles possibilités économiques résultant de leur connaissance de la Grande-

Bretagne. Cette catégorie se compose d‟hommes d'affaires qui sont, en général,

des Libanais, des Irakiens, des Palestiniens, des Egyptiens et, dans une moindre

mesure, les ressortissants des pays du Golfe. En outre, des membres des

professions libérales comme des médecins, des journalistes et des ingénieurs qui

ont fait leurs études dans leur pays ou dans les universités occidentales se sont

installés en Grande-Bretagne.

Edgware Road, qui est une grande rue qui traverse l‟ouest du centre de

Londres dans la ville de Westminster, est bordée de restaurants et de magasins

arabes vendant des journaux et des livres. Si, auparavant, seule une poignée de

145

Source: London Authority Data Management and Analysis Group (2005). London Country of Birth Profile,

the Arab league: an analysis of census data. Census report commissioned by the Greater London Authority, June

2005.

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restaurants libanais dispersés existait, avec l‟augmentation d‟Arabes et des

immigrés, la diversité et le nombre de restaurants spécialisés a augmenté.

Aujourd‟hui, Londres est devenue également un centre de concentration

économique arabe avec une multitude de marchands de journaux, de librairies, et

de pharmacies. Les restaurants ont évolué : même si les Libanais dominent toujours

l‟industrie, on peut voir une diversification croissante avec l‟arrivée récente de la

cuisine d‟Afrique du Nord.

En général, une grande partie de l‟activité économique arabe en

Grande-Bretagne se caractérise par son orientation purement arabe selon deux

catégories distinctes. Dans un premier cas, on trouve des activités économiques,

comme les boutiques, les agences de voyages et les journaux, qui visent presque

exclusivement à servir les exigences de la communauté arabe de Londres ou l‟afflux

des visiteurs arabes pendant l‟été. Dans un second cas, nous avons de nombreux

établissements et des intérêts qui cherchent une présence en Grande-Bretagne

comme base pour organiser l'approvisionnement des marchés arabes.

Les immigrants venant du Maroc, de l‟Algérie, et de la Somalie, ont

un statut économique moins favorisé par rapport aux immigrants venant de l‟Asie et

du Moyen-Orient. Ce sont des travailleurs migrants dans l'hôtellerie, la restauration

et les services de nettoyage, occupant des emplois faiblement rémunérés dans le

secteur des services de l'économie. Le boom économique après la Deuxième

Guerre mondiale et les pénuries de main-d'œuvre sont derrière le recrutement par la

Grande-Bretagne d‟une main-d'œuvre migrante. Les Marocains, à titre d‟exemple,

ont été recrutés dans les zones rurales du nord du Maroc pendant les années

soixante-dix pour répondre à la demande de main-d‟œuvre dans l'hôtellerie et la

restauration dans la capitale britannique. Cette émigration, qui est liée

particulièrement aux disparités tant économiques que démographiques entre pays

arabes et pays de destination, fut augmentée par les réseaux de migrants et les

stratégies familiales. Il existe un fort taux de chômage chez les immigrants de ces

pays en raison du manque de capacités linguistiques, de compétences, et le statut de

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réfugiés de certains

146. Les réfugiés peuvent être subdivisés en deux groupes:

premièrement, les riches réfugiés étaient associés à des révolutions et oppositions

politiques au pouvoir en place dans le pays d‟origine. Ils quittèrent leurs pays suite

aux menaces qui pesaient sur leur vie. Deuxièmement, un nombre de réfugiés

pauvres cherchèrent refuge en Grande-Bretagne en raison de l‟instabilité politiques

et la situation de guerre régnant dans leurs pays.

La situation des immigrants irakiens, par exemple, s‟est dégradée et se

manifeste par une perte de statut social et économique, et un taux de chômage

élevé, notamment chez les immigrants récents. Leur intégration économique dans

le pays d‟accueil est soumise à des contraintes internes et externes. D'une part, un

nombre considérable d'immigrants sont des écrivains, des poètes, des juristes, et des

journalistes. Dans le pays d‟accueil, les compétences nécessaires à ces métiers

s'avèrent de peu d'utilité en raison des difficultés à s'adapter à un nouvel

environnement culturel. D'autre part, le statut des réfugiés bloque l‟intégration

économique d‟un grand nombre de la communauté arabe à Londres, notamment de

l‟Irak, de l‟Algérie, et de la Somalie147

. Les procédures pour obtenir ce statut sont

durent au minimum deux ans. Durant cette période, les demandeurs n‟ont pas le

droit de travailler sur le territoire britannique vivant uniquement grâce aux aides

sociales.

S‟agissant de l‟habitat, les proportions de propriétaires-occupants

sont très élevées au sein des communautés égyptienne, yéménite, et libanaise. Par

contraste, le pourcentage le moins élevé de propriétaires est celui des communautés

algérienne, marocaine et somalienne en raison du statut socioéconomique modeste

de leurs membres148

. Les résidents de longue durée disposent de leur propre

logement ou vivent dans des locations privées. En revanche, les réfugiés qui sont

146

C. El-Solh, „Somalis in London‟ East End: a Community Striving for Recognition‟, New Community, vol.17,

n° 4, 1991, p.539-552. 147

M. Al-Rasheed, „Political Migration and Downward Socio-economic Mobility: the Iraqi Community in

London‟, New Community, vol. 18, n°4, 1992, p.537-550. 148

Source: London Authority Data Management and Analysis Group (2005). London Country of Birth Profile,

the Arab league: an analysis of census data. Census report commissioned by Greater London Authority, June

2005.

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63

récemment arrivés à Londres comptent sur les autorités locales pour leur

hébergement et sont dispersés dans différents arrondissements de Londres149

.

Une grande partie de la communauté arabe a un niveau universitaire,

surtout chez les nouveaux arrivants de pays comme l‟Irak dont un nombre croissant

de chercheurs a quitté le pays secoué par de guerres successives150

. Ce nouveau

réseau de migrants est encouragé par la politique des pays industrialisés qui

façonnent les flux migratoires internationaux pour servir leurs intérêts. Par contre,

le niveau le plus bas d‟éducation est celui des immigrés provenant du Maroc et

d‟Algérie. Dans tous les groupes nationaux, les hommes ont un niveau d‟éducation

élevé, mais le fossé entre hommes et femmes varie selon les appartenances

nationales. L‟éducation des immigrés peut également influencer leur installation

dans le pays d‟accueil. Les immigrés, provenant des pays qui n‟ont pas de réseaux

de famille en Grande-Bretagne, ont des qualifications professionnelles qui ont

facilité leur intégration dans la société sans l‟appui de la communauté ethnique.

C‟est le cas des diplômés dans des domaines divers tels que la médecine, la justice,

ou l‟architecture.

4. L’organisation communautaire : du national à l’ethnique

Une organisation ou association est généralement définie comme

l‟union des personnes qui partagent un intérêt commun. C‟est une façon de

structurer l‟ethnie, maintenir des liens et des traditions et disposer des moyens de

les transmettre151

. L‟organisation associative est une partie intégrale de la

constitution des minorités ethniques. Les groupes minoritaires s‟organisent souvent

afin de revivre l‟ambiance culturelle du pays d‟origine à travers la célébration des

fêtes nationales et religieuses et l‟organisation des rencontres culturelles. Que ce

soit sur un fond national ou religieux, l‟organisation associative est établie pour

perpétuer la culture du groupe et maintenir la solidarité entre ses membres. Le

149

M. Al-Rasheed, „The Myth of Return: Iraqi Arab and Assyrian Refugees in London‟, Journal of Refugee

Studies, vol. 7, n° 2/3, 1992, p. 198-215. 150

C. Nagel, „Skilled Migration in Global Cities from other Perspectives: British Arabs, Identity Politics and

local embededdness‟, Geoforum, vol. 36, 2005, pp.971-987. 151

C. Camelleri, et al. (ed), Choc de Cultures, p.139.

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groupement communautaire est aussi un moyen pour initier les gens issus de

l‟immigration à la culture du pays d‟origine.

4.1 Le cadre juridique de la pratique associative en Grande-Bretagne

Les organisations caritatives sont inscrites dans le paysage social

britannique depuis le temps des Tudor152

. Elles se développèrent suite à

l‟encouragement de la pratique associative comme pierre angulaire dans le domaine

social par les gouvernements britanniques153

. Ce secteur fut encouragé afin de

constituer une infrastructure complémentaire aux autres structures traditionnelles

d‟emploi et d‟action sociale des autorités publiques.

L‟engagement bénévole des minorités ethniques reçoit un

encouragement de l‟Active Community Unit, service interministériel chargé de

coordonner les mesures prises par les différents départements ministériels en faveur

du secteur associatif. Ce service finance les structures chargées de la promotion de

l‟action sociale et facilite les relations entre le gouvernement et les organisations

caritatives en veillant au respect d‟une charte (Compact) qui reconnaît

l‟indépendance de ce secteur. Le National Council for Voluntary Organisation

(NCVO) est un organisme officiel qui s‟efforce d‟appuyer le secteur bénévole et

communautaire à travers une information détaillée et des conseils aux

organisations. C‟est dans cet environnement que plusieurs associations arabes

s‟activent pour répondre aux besoins communautaires dans les domaines culturels et

sociaux.

4.2 Naissance de pratiques associatives arabes

Dès leur arrivée en Grande-Bretagne les membres de la communauté

arabe commencèrent à publier des journaux pour couvrir la vie des immigrés dans

le pays d‟accueil et répandre l‟information du pays et du village. Les premiers

journaux arabes furent créés par les travailleurs arabes de Birmingham pour

152

B. Halba, Bénévolat et volontariat en France et dans le monde, p.110. 153

N. Deakin, „Public Policy, Social Policy and Voluntary Organisations‟, Voluntary Organisations and Social

Policy in Britain, p.28-29.

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65

aborder et défendre leurs intérêts professionnels en 1944 ; puis plusieurs

associations émergèrent pour mener des actions dans d‟autres domaines. Si la

première association arabe en Grande-Bretagne regroupait un grand nombre de

personnes exerçant la même profession, les regroupements suivants eurent une

vocation sociale et culturelle. L'association islamique (Islamic Association) et

l‟association islamique occidentale (Western Islamic Association), représentent les

premières tentatives de rassemblement musulman en Grande-Bretagne en 1919.

Elles étaient actives parmi les marins arabes suite aux tensions raciales dans les

ports britanniques et promouvaient la vie morale, religieuse et sociale du monde

musulman et protégeaient les droits des marins arabes en Grande-Bretagne154

. Ces

associations, basées à Londres, avaient des branches dans d‟autres villes

britanniques comme South Shields et Cardiff où existe une concentration arabe.

C‟est le cheikh Abdullah Al-Hakim qui créa la première association

arabe en Grande-Bretagne155

. Marin, il était arrivé de la région d‟Hujairiah au

Yémen. De Rotterdam, il vint à Cardiff, puis à South Shields où il concentra ses

efforts sur l‟organisation de la communauté yéménite en Grande-Bretagne dans son

ensemble. Comme cheikh musulman, sa première activité était de promouvoir les

activités religieuses et l'enseignement de la langue arabe. Sur une base religieuse, il

fonda the Allawia Society pendant les années trente afin de rassembler la

communauté yéménite et traiter ses problèmes quotidiens dans le pays d‟accueil.

Après son départ pour le Yémen, l‟association continua à fonctionner et, à partir de

1965, un autre cheikh vint du Yémen pour remplacer cheikh Al-Hakim156

.

Les associations arabes à Londres sont divisées en plusieurs sous-

groupes. En effet, au début, la communauté arabe manifestait un attachement au

pays d‟origine à travers la célébration ou la commémoration des fêtes nationales

comme c‟était le cas des associations des immigrants d‟Afrique du Nord en

154

R. Rawless, „Religion and Politics among Arab Seafarers in Britain in the Earlier Twentieth Century,‟ Islam

and Christian-Muslim Relations, p.35 – 56. 155

F. Halliday, Arabs in Exile, p.28. 156

Ibid.p.38.

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66

France157

. Les premières associations arabes étaient formées sur des bases

religieuses ou nationales. Puis, la conscience d‟une identité arabe se manifesta à

travers la formation des associations basées sur l‟ethnicité au lieu de l‟origine

nationale, sans toutefois oublier l‟émergence d‟associations à caractère

professionnel comme celles de médecins ou d‟avocats.

4.2.1 Type d’associations

a. Associations à caractère national

Jusqu‟en 1965, les Arabes vivant en Grande-Bretagne formaient des

associations autour de leurs origines nationales, villageoises ou

socioprofessionnelles. Les Yéménites, les Egyptiens, les Libanais, pour ne citer que

les plus représentatives, s‟organisaient en fonction de subdivisions nationales et

religieuses : Algériens, Yéménites, Libanais, musulmans, chrétiens. Se définissant

comme bénévoles ou caritatives, ces regroupements sont créés pour préserver et

promouvoir une conscience culturelle parmi la communauté des compatriotes. Le

regroupement associatif arabe se fait largement sur une base nationale, notamment

dans les régions avec une grande concentration arabe. Il existe plusieurs

organisations bénévoles basées presque exclusivement sur l‟origine nationale. Les

associations à tendance nationale comme algériennes, égyptiennes ou marocaines

sont des exemples de liens verticaux limités qui dominent le tissu associatif arabe

en Grande-Bretagne.

A ce niveau de rassemblement autour du groupe d‟origine

nationale, le niveau de contact, de rapprochement et d‟interaction entre les

membres du même groupe national est très élevé. En revanche, le rassemblement

au-delà du groupe d‟origine nationale est un indicateur de l‟émergence d‟une

conscience ethnique. Les sous-groupes furent remplacés par des affiliations basées

sur l‟origine arabe. Les membres de la communauté commencent à dépasser les

frontières du groupe basé sur l‟appartenance nationale pour rejoindre des

associations dont les membres sont originaires de différents pays arabes.

157

J. Cesari, Etre Musulman en France, p.185.

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67

b. Associations à caractère ethnique

A partir de leur pleine et claire connaissance de la société britannique,

notamment de sa diversité raciale et ethnique, quelques individus éclairés de la

communauté arabe décidèrent de créer des rassemblements à vocation ethnique

pour sortir de l‟impasse des petits rassemblements sur des bases nationales. Ce type

d‟association constitue un forum qui réunit tous les petits groupes nationaux afin

d‟établir une identité arabe et de s‟imposer dans la mosaïque ethnique qui

caractérise la société britannique.

Le club arabe de la Grande-Bretagne (Arab Club of Britain), fondé en

1982 et l‟Association nationale des Arabes britanniques (National Association of

British Arabs), fondé en 1990, sont deux regroupements arabes qui illustrent cette

tendance. Ce sont des organisations indépendantes et apolitiques ouvertes à tous

les individus et les organismes qui s‟intéressent à la culture et aux affaires arabes.

Elles font bon accueil aux identités nationales multiples de ses membres provenant

d'une gamme étendue de pays arabes. Ces deux rassemblements se considèrent

comme un forum culturel pour tous les Arabes sans distinction nationale,

religieuse ou politique. Les membres de ces associations appartiennent en général

à la classe moyenne et aux pays de l‟Orient arabe avec une prépondérance de la

classe moyenne irakienne, palestinienne et libanaise. Un Egyptien ou un travailleur

migrant marocain ayant un faible niveau d'éducation est rarement attiré par ces

organisations.

L‟adhésion à ces organisations est un signe de l‟orientation des

communautés arabes vers l‟organisation sur une base ethnique et le tissage d‟une

identité arabe et des liens entre différents regroupements nationaux. Pour surmonter

la diversité nationale qui domine cette communauté, la conférence des

communautés arabes en Grande-Bretagne, tenue à l‟Université de Westminster en

1999, créa une nouvelle structure organisationnelle, à savoir la general association

of Arab community qui est ouverte à toutes les associations nationales en Grande-

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68

Bretagne. Dans cette association générale on trouve des représentants de toutes les

autres associations arabes.

4.2.2 Activités associatives

a. Activités à caractère culturel et social

Les activités des associations arabes à Londres couvrent les

domaines culturels et sociaux. La culture occupe une position essentielle dans les

préoccupations de ces associations. Ce souci vif et constant de faire grandir la

conscience culturelle des membres de la communauté arabe à Londres se manifeste

par l‟importance assignée aux pratiques culturelles. Le tissage des liens avec la

culture d‟origine se fait à travers l‟organisation d‟activités culturelles et la

célébration des fêtes nationales. A travers programmes éducatifs et activités

culturelles, la stimulation d‟une plus grande conscience, compréhension et

appréciation de la culture d‟origine s‟avère un but primordial et un souci partagé.

Les activités associatives incluent des conférences et des discussions sur les

affaires concernant la communauté arabe en Grande-Bretagne sur le plan social, ou

éducatif comme l‟organisation de rencontres littéraires, musicales et des expositions

artistiques. Toutes ces activités rendent nécessaire l‟invitation de conférenciers,

d‟auteurs, de musiciens, d‟artistes du monde arabe pour donner des conférences, ou

organiser des expositions ou des concerts.

La disparité qui caractérise les associations arabes au niveau

socioéconomique influence leurs activités et préoccupations. A titre d‟exemple, les

associations irakiennes et algériennes essayent de structurer un programme d‟aide

et d‟appui à une population immigrée, dont d‟une grande majorité a un statut de

réfugié, afin de défier les contraintes de la marginalisation sociale dans la société

britannique158

. Les rapports de ces associations avec les pays d‟origine sont bien

établis dans une dimension d‟aide fournie en termes d‟actions humanitaires qui

s‟adressent à une population affectée par des problèmes économiques et sociaux

liés à la guerre et l‟instabilité politique. D‟autre part, vu le statut de réfugiés des

158

C. El-Solh, „Arab Communities in Britain: Cleavages and Commonalities‟, Islam and Christian-Muslim

Relations, p.236 -258.

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69

Palestiniens en Grande-Bretagne, les activités associatives des associations

palestiniennes ont une dimension politique et militante centré autour du droit de

retour des réfugiés en Palestine.

b. Enseignement de l’arabe

Si les pratiques associatives arabes se focalisent sur la promotion de

la culture d‟origine et la préservation de la singularité culturelle, cette tendance

pivote autour de l‟enseignement de la langue arabe. Cette préoccupation majeure se

concrétise par l‟installation d‟écoles. Les projets des associations incluent la

préparation de cours de formation pour les professeurs d‟arabe, parallèlement à

d‟autres activités culturelles pour créer une forte impression d‟intérêt et

d‟immersion dans l‟environnement culturel arabe. Ces associations sont

concentrées dans les zones avec une grande présence de la communauté arabe,

notamment à Kensington et Chelsea.

Bref, les associations arabes en Grande-Bretagne furent formées

dans un premier temps à partir du besoin de se retrouver entre compatriotes, de

parler la langue maternelle, de constituer un pont avec le pays d‟origine ; ensuite

vinrent les préoccupations liées à l‟éducation des enfants, au souci de la

transmission de la langue, de la religion, et des valeurs culturelles. Ces associations

remplissent une fonction de socialisation dans l‟environnement le plus immédiat159

.

La création de ces espaces identitaires s‟inscrit donc dans la droite ligne de la

tradition sociale de toute population transplantée qui se pose des questions sur le

maintien de sa spécificité et s‟adonne à une pratique associative pour élaborer une

manifestation concertée de l‟attachement identitaire.

4.3 La pratique associative et l’intégration interculturelle

En guise de commentaire et d‟évaluation, il est utile de synthétiser

les données sur les pratiques associatives arabes. Les activités associatives prennent

différentes formes. D'abord, on trouve des activités générales exercées par toutes les

associations en Grande-Bretagne indépendamment de l‟origine ethnique comme les

159

J. Cesari, Etre Musulman en France, p.182.

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70

aides sociales aux personnes défavorisés. Deuxièmement, des activités concernent

le groupe ethnique et illustrent sa différence avec la communauté majoritaire.

Celles-ci s'étendent des activités culturelles à l‟établissement de liens avec le pays

d‟origine. Si le premier type d'activités est d‟ordre social, le deuxième type, qui est

associé uniquement à la communauté ethnique, est d‟ordre culturel et se base sur le

maintien de la culture d‟origine à travers les écoles ethniques, et, dans une moindre

mesure, dans le cadre de la formation culturelle.

Les pratiques associatives à caractère culturel sont importantes pour

tisser des liens avec les autres groupes minoritaires. Comme plusieurs études sur les

communautés arabes dans la diaspora ont montré, deux approches importantes à la

question de l'identité et du rapport intercommunautaire peuvent être véhiculées par

la pratique associative. Le souci de l‟éducation culturelle peut s'étendre d'une

crainte claire d‟assimilation à un désir d‟avoir une double culture160

. La première

assigne à l'identité un aspect figé comme un ensemble de valeurs que les individus

reçoivent par l'intermédiaire de l‟entourage culturel arabe. C‟est une tendance à

restreindre l‟identité à la seule culture d‟origine par l‟attachement aux valeurs

traditionnelles et aux normes religieuses161

. En un mot, les différentes associations

ont des divergences en ce qui concerne les limites souhaitables de l'intégration et le

souci de la préservation de l‟identité ethnico-religieuse dans la société

britannique162

.

Pour certaines associations, l‟enjeu premier consiste à structurer une

communauté d‟où soit évacuée toute influence culturelle conçue comme une force

qui mettrait en péril leurs valeurs identitaires. Ainsi, la construction d‟une identité

islamique séparée vise à réduire au minimum l‟interaction culturelle avec la société

environnante. Les associations qui sont structurées sur des bases religieuses

préconisent l‟attachement aux valeurs islamiques et la perpétuation de ses valeurs à

160

J. Wallet et al. Les perspectives des jeunes issus de l’immigration maghrébine, p.22-23. 161

S. R. Ameli, Globalization, Americanization and British Muslin Identity, p.134. 162

C. El-Solh, „Arab Communities in Britain: Cleavages and Commonalities‟, Islam and Christian-Muslim

Relations, p. 236 -258.

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travers l‟éducation islamique dans le but d‟éviter la fréquentation des centres

culturels multiethniques de peur d‟influences culturelles163

.

La fermeture sur le milieu ethnique par le biais d‟une association

est considérée comme une protection contre toute influence culturelle. Cette

tendance dans la pratique associative de certaines associations peut freiner

l‟intégration en propageant une tendance d‟enfermement en tournant le dos à toute

mixité sociale avec la société majoritaire. Il s‟ensuit que les jeunes demeurent pris

dans un modèle communautaire qui empêche l‟ouverture vers la société majoritaire.

Le renforcement du fait communautaire, parfois exacerbé par le fait religieux qui

favorise le repli identitaire, est un frein à l‟intégration. L‟interaction avec la société

majoritaire est vue par certaines associations comme une menace à la moralité et à

la bonne conduite et la résignation ou l‟opposition se cristallise alors dans un

attachement culturel excessif.

Ce caractère restrictif de l‟identité ethnique est mis en question dans

la pratique associative d‟autres associations. L‟identité ethnique est vue comme une

construction sociale des groupes ethniques en interaction avec l‟entourage culturel.

Dans leur vision de l‟identité ethnique et leur pratique associative à travers leurs

clubs et écoles, d‟autres associations essayent de favoriser une culture arabe

ouverte sur les autres cultures. En effet, les associations arabes à Londres n‟ont pas

les mêmes perceptions de la pratique associative et culturelle et des relations avec

la population majoritaire. Les disparités culturelles limitent l‟ouverture vers d‟autres

cultures chez certaines associations. Par contre, la bilatéralité des références est une

réalité concrète à travers la participation pleine à des activités culturelles des deux

cultures chez d‟autres associations qui cherchent également à se positionner

comme des partenaires des pouvoirs publics164

.

Les options d‟identité véhiculées par la pratique associative des

associations arabes reflètent la variété de facettes d'identité qui existent et régissent

la vie de la communauté arabe à Londres. Cette constatation nous amène à nous

163

H. Zahida, A. Osler, „Do they Have Faith in the State Sector?‟ Muslim Britain, p.127. 164

T. Modood et al. Ethnic Minorities in Britain, p.324.

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interroger sur l‟influence de la pratique associative des associations immigrées

comme obstacle à l‟intégration au sein d‟une société multiculturelle. Cette question

est justifiée par le fait que la pratique peut aller au-delà d‟une modalité

d‟attachement culturel, à une pratique également de repli et de rejet. En Grande-

Bretagne, Abdel Rahman Ghandour révèle dans Jihad humanitaire : Enquête sur

les ONG islamiques, que la pratique associative de certaines associations vise à

construire un projet politique autour d‟une identité en mettant en valeur des codes

communautaires qui renforcent le sentiment d‟appartenance à une histoire et à un

destin communs165

. Les rites religieux et les aides sociales peuvent être

instrumentalisés par les organisations qui cumulent moyens et ambitions par

l‟association entre œuvres caritatives et buts à finalités politiques.

Les associations arabes où nous avons enquêté n‟ont pas la taille des

grandes associations transnationales en Grande-Bretagne. La raison principale

derrière l‟émergence de ces associations est certes le désir de la préservation de la

particularité culturelle des membres dans la diaspora. Parfois, les activités

associatives qui sont entièrement internes au groupe ethnique ne favorisent pas une

tendance d‟intégration qui est censée jouer un rôle dans le rapprochement entre

communautés ethniques et société majoritaire. La communauté arabe est une

minorité transplantée avec un fonds culturel et religieux différent de celui de la

population majoritaire, mais pour être également une minorité intégrée dans la

société britannique, ce qui nécessite une éducation multiculturelle.

Conclusion

La communauté arabe commence à s‟imposer comme composante

ethnique dans la mosaïque ethnique britannique. La décision d‟inclure la catégorie

« arabe » dans le prochain recensement de la population illustre cette tendance qui

se manifeste sur le plan organisationnel par le développement de la conscience d‟un

rassemblement sur une base ethnique. L‟organisation associative sur une base

ethnique ou nationale, d‟autre part, peut être un facteur d‟intégration et un

intermédiaire avec la culture majoritaire. Le secteur associatif peut alors jouer son

165

A. Ghandour, Jihad humanitaire, p.12.

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rôle d‟école de la diversité et du multiculturalisme en favorisant les contacts des

individus et des groupes appartenant à des cultures différentes. La formation des

associations multiculturelle s‟avère dans ce contexte une étape pour développer des

liens avec les associations voisines.

Bref, la pratique associative des associations arabes à Londres est

fondée sur deux piliers : social et culturel, à travers des œuvres caritatives et des

enseignements culturels et identitaires. La permanence de la référence des

associations au pays d‟origine et le rapport qu‟elles entretiennent avec sa culture

révèle la nécessité de la prise en compte de l‟environnement multiculturel du milieu

afin de façonner une pratique qui favorise l‟intégration et non pas une pratique

culturelle liée à une conscience et un souci identitaire.

Après avoir, dans une première partie, donné un arrière-plan à notre travail

de recherche à travers un aperçu des premiers contacts arabo-britanniques et

l‟émigration arabe, source de l‟émergence d‟une communauté arabe à facettes

démographiques, socioéconomiques et organisationnelles diverses, le

développement de ce travail dans sa deuxième partie vise à l‟exploration des

singularités identitaires de cette communauté et son degré d‟intégration au sein du

nouvel environnement culturel.

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Deuxième partie : la communauté arabe entre identité et intégration

Chapitre IV : la question identitaire

Introduction

Cette partie se propose d‟aborder la construction identitaire de la

communauté arabe et son adaptation socioculturelle dans la société d‟accueil pour

préparer le terrain à l‟analyse des rapports intercommunautaires dans la dernière

partie de ce travail.

L‟identité est devenue en quelques décennies un concept majeur dans les

sciences sociales et humaines. Elle se construit sur deux dimensions, individuelle et

collective, qui sont souvent confondues dans la discussion de l‟identité ethnique et

nationale. Lorsqu‟on évoque ce concept d‟identité, il s‟agit de l‟identité d‟un acteur

social qui peut être une personne ou une communauté. La construction identitaire

est souvent assurée par un sentiment d‟appartenance à des groupes plus ou moins

larges, dans lesquels notre généalogie nous a objectivement inscrit. Ces groupes

d‟appartenance : un clan, une classe sociale, une nation, une communauté

religieuse, ou une communauté ethnique sont variables culturellement et

historiquement. L‟émigration met inéluctablement en cause le sentiment

d‟appartenance identitaire. Dans le pays d‟accueil, la fragilisation quasi mécanique

de l‟identité par les changements de l‟inscription dans un nouvel environnement est

souvent aggravée par la faiblesse des repères dans le pays d‟accueil, les difficultés

objectives d‟insertion, et les réactions de rejet de la société majoritaire. Les groupes

minoritaires dans le milieu migratoire essayent de perpétuer leur identité dont la

presse ethnique et la langue sont deux grands piliers de construction.

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1. Qu’est ce que c’est l’identité ?

1.1 Emergence du concept

L‟émergence de ce concept, sa popularisation et sa circulation dans les

sciences humaines sont attribuées au psychologue Erik Erikson166

qui, se penchant

sur l‟étude du déracinement des Indiens confrontés à la modernité aux Etats-Unis,

fut le premier à proposer depuis les années vingt la notion d‟identité. Ces travaux

furent axés sur les crises de l‟identité personnelle et les conflits suscités par la

double appartenance. Le terme „identité‟ se diffusa largement dans les sciences

humaines dans les années soixante aux Etats-Unis avec l‟émergence des

revendications de la minorité noire. Le besoin d‟identité est un facteur explicatif des

conflits, des manifestations politiques et des activités communautaires dans

différents coins du monde comme chez les Basques en Espagne, les Kurdes en

Turquie, et les Kabyles en Algérie. Plusieurs études tentèrent de cerner ce concept

qui fut élaboré par plusieurs chercheurs de disciplines différentes qui portèrent un

intérêt aux phénomènes sociaux liés à l‟identité. La notion d‟identité apparaît donc

comme un concept qui serait la synthèse des différents courants comme la

psychologie avec les travaux d‟Erik Erikson, la psychologie sociale avec les travaux

de Margaret Mead et d‟Henri Tajfel et la sociologie avec les travaux de Basil

Bernstein.

1.2 Définition du concept

D‟une manière générale, la notion d‟identité englobe un ensemble

d‟éléments qui permettent d‟individualiser une personne qui est différente des

autres en impliquant l‟existence d‟un autre auquel des relations d‟assimilation et de

différenciation la relie. L‟identité, selon Edmond-Marc Lipiansky, s‟offre ainsi le

paradoxe d‟être ce qui rend à la fois semblable et différent, unique et pareil aux

166

Erik Homburger Erikson ( 1902-1994) est un psychologue connu pour sa théorie sur le développement

social des êtres humains, et pour avoir inventé le terme : crise d'identité.

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76

autres167

. Pour Paul Mussen, l‟identité est : ‘’une structure mentale composée,

ayant à la fois des caractères cognitifs et affectifs, qui comprennent la perception de

l‟individu par lui-même, en tant qu‟être distinct, conforme à lui-même, séparé des

autres, dont le comportement, les besoins, les motivations et les intérêts ont un

degré raisonnable de cohérence168‟.

La construction identitaire s‟édifie sur deux pôles de différenciation et

d‟identification par rapport à notre entourage. La dialectique différenciation/

ressemblance qui assure le caractère fondamental mais paradoxal de l‟identité est

décrite par Camelleri et Lipiansky comme une dialectique constante d‟union de

deux processus contradictoires: d‟une part, un processus d‟identification par lequel

l‟individu se rend semblable à l‟autre ; d‟autre part, un processus de différenciation

par lequel l‟individu prend distance par rapport à l‟autre et le saisit comme distinct

de lui169

.

L‟individu se connaît semblable ou différent à travers la fermeture ou

l‟ouverture de ses frontières face à une altérité porteuse d‟une autre identité. Ting-

Toomey ajoute un deuxième processus qui est la dialectique sécurité

existentielle/vulnérabilité à travers laquelle l‟individu doit trouver un équilibre

entre le besoin de sécurité concernant son existence en tant qu‟être différent et

reconnu, et une certaine insécurité inhérente aux interactions avec autrui170

. Le sujet

doit par conséquent trouver un équilibre, non plus entre deux pôles uniquement,

mais entre les quatre pôles des deux dialectiques : sécurité/ vulnérabilité et

différence/semblance.

Dans la reconquête de l‟identité, les individus conjuguent, selon Pollak,

trois dimensions identitaires : l‟image de soi pour soi (auto-perception), celle qu‟il

donne à l‟autrui (représentation) et celle qui lui renvoyée par les autres (hétéro-

167

E. M. Lipiansky, „Communication Interculturelle et Modèles Identitaires‟, Identités cultures et territoires,

p.35. 168

P. Mussen, „La Formation de l‟identité : découvertes psychologiques et problèmes de recherche‟, Identité

individuelle et personnalisation, p. 13. 169

E. M. Lipiansky „Communication interculturelle et modèles identitaires‟, Identités, cultures et territoires,

p.35. 170

S. Ting-Toomey, Communicating across Cultures, p.181-182.

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77

perception)171

. C‟est cette notion de la perception des uns des autres que reflète la

définition de l‟identité d‟Alex Mucchielli : „„un ensemble de significations

apposées par des acteurs sur une réalité physique et subjective, plus ou moins floue,

de leurs mondes vécus, ensemble construit par un autre acteur. C‟est donc un sens

perçu donné par chaque acteur au sujet de lui-même ou d‟autres acteurs172

.‟‟

Le sociologue Erving Goffman souligne l‟importance de la présentation

de soi dans le processus d‟identification de l‟individu173

. Dans La mise en scène de

la vie quotidienne (1979), il souligne que, lors des interactions au sein de la société,

les individus sont généralement en quête d‟informations sur leurs interlocuteurs

dans le but d‟adopter l‟attitude idéale au moment de la rencontre. Dès lors,

l‟individu a tendance à agir de façon à créer une image de soi, et les autres, à leur

tour, doivent en retirer une certaine impression. Les façons dont les individus lient

des rapports interpersonnels au quotidien sont dominées par cette tendance de

donner une impression de soi-même et en même temps chercher des informations

qui permettent de situer les partenaires d‟interaction. Par exemple, lors d‟une

première rencontre, les individus participent à une véritable mise en scène dans

laquelle chaque individu s‟efforce de véhiculer une impression de lui.

Ainsi, trois instances forgent l‟identité selon George Herbert Mead, à savoir

le moi, le je et le soi174

. L‟identité est donc un construit communicationnel et

culturel à double sens : un aspect intérieur, le soi pour soi et un aspect extérieur, le

soi par et pour les autres. De l‟extérieur, c‟est une des définitions potentielles d‟un

acteur social pour définir l‟identité d‟un autre acteur. Ces définitions sont utilisées

sur la base de leur pertinence dans la mesure où elles font émerger un sens dont

l‟acteur social a besoin pour maîtriser la situation dans laquelle il se trouve. La

nature des critères choisis pour la définition d‟une personne permet alors de parler

de différentes identités culturelles, personnelles et sociales. Ces définitions

renvoient à des disciplines comme la sociologie, la psychologie, l‟ethnologie.

171

M. Pollak, L’Expérience concentrataire, p. 276.

172

A. Mucchielli, L’Identité, p.12. 173

C. Fortier, Les Individus au cœur du social, p.203. 174

Ibid. p. 203-204.

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1.2.1 Identité personnelle

Lorsqu‟on évoque le concept d‟identité, il s‟agit de l‟identité d‟un acteur

social qui peut être une personne ou une communauté. L‟identité s‟étale sur deux

dimensions individuelles et collectives. L‟identité personnelle ou individuelle

correspond au développement de la personnalité, à l‟expression de la subjectivité

d‟une personne au fil des expériences qu‟elle vit175

. C‟est l‟unité organique continue

impartie à chaque individu, fixée par des marques distinctives telles que le nom et

l‟aspect et constituée à partir d‟une connaissance de sa vie et de ses attributs

sociaux176

. Elle représente le pôle personnel de l‟identité tandis que le pôle social

situe l‟individu au sein d‟une collectivité. L‟individu s‟attache à des valeurs morales

et sociales pour réduire les éléments contradictoires dans sa conscience afin

d‟assumer un degré de cohérence entre ses comportements, ses motivations et ses

valeurs177

. De manière permanente, l‟image que l‟individu bâtit de lui-même, ses

croyances et ses représentations de soi constituent une source qui lui permet de

sélectionner ses actions et de tisser ses relations sociales. Les réflexions sur

l‟identité personnelle s‟ancrent généralement autour de l‟étude de la notion de soi et

la construction identitaire s‟effectue dans le rapport d‟adhésion ou de rejet que

l‟individu fonde avec ses groupes d‟appartenance. Son identité se construit dans un

double mouvement d‟assimilation aux uns et de différenciation par rapport aux

autres.

175

Ibid. p.198. 176

E. Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, p.182. 177

L. Baugnet, L’Identité sociale, p. 26.

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79

1.2.2 Identité collective et culturelle

L‟identité personnelle représente ce qui en nous est de l‟ordre de

l‟univers privé, comme nos traits de personnalité et les expériences liées à notre

histoire personnelle. L‟identité collective correspond aux idées, sentiments et

habitudes comme les croyances religieuses et les opinions collectives de toutes

sortes qui expriment en nous le groupe dont nous faisons partie. Elle fonde le

sentiment d‟identification à travers l‟appartenance à un groupe et la participation

affective à une entité collective. Le type le plus large de l‟identité collective est

l‟ethnie, groupe dont les membres possèdent une identité distincte enracinée dans la

conscience d‟une histoire ou d‟une origine commune. Le concept d‟ethnie signifie

l‟homogénéité de la race, de la langue, des coutumes et des traditions, bref de la

culture. De là, on peut parler d‟identité culturelle.

Plusieurs tentatives de théorisation du concept d‟identité culturelle ont été

proposées non seulement par des ethnologues, mais aussi par des sociologues et des

psychologues. Toutes les définitions de ce concept mettent l‟accent sur les valeurs

et les symboles qui donnent une signification à toute conduite individuelle ou

collective. Ainsi, l‟identité culturelle d‟une personne, selon Abou Sélim, renvoie à

une identité globale qui est une constellation de plusieurs identifications

particulières à autant d‟instances culturelles distinctes178

. L‟identité culturelle est

l‟ensemble des valeurs et des manières de penser et d‟agir à la lumière desquelles

l‟individu oriente son comportement et harmonise les contradictions relevant de ses

diverses interactions avec le monde extérieur. Le processus d‟identification

culturelle permet à l‟individu d‟assurer le bon fonctionnement de son concept de soi

par l‟identification avec une collectivité humaine dont la culture, les croyances et

les rituels sont partagés.

178

A. Sélim, Identité culturelle, p.40.

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80

1.2.3 Identité sociale

L‟identité sociale se définit à partir des effets de la catégorisation

sociale qui crée et définit la place particulière d‟un individu dans la société par son

placement dans une catégorie179

. La catégorisation sociale est cette partie du

concept de soi des individus qui provient de leur connaissance de leur appartenance

à un groupe social associé à une signification émotionnelle de cette

appartenance180

. L‟identité sociale est donc la représentation que le sujet se fait de

son environnement social, c‟est-à-dire des différents groupes auxquels il se réfère,

groupes d‟appartenance mais aussi de non appartenance. Dans leurs relations avec

autrui, les individus ne se comportent pas comme des individus isolés, mais plutôt

comme des êtres sociaux qui appartiennent à des catégories sociales.

En un mot, que ce soit de point de vue social, culturel, individuel ou

collectif, la question de la ressemblance et de la différenciation est au cœur de

l‟identification des individus avec certains groupes, et de différenciation par

rapport aux autres. On s‟interrogera donc sur les tendances identitaires de la

population arabe de Londres et les mutations qui s‟opèrent dans le processus

d‟identification comme conséquence de la transplantation dans un nouveau milieu

culturel.

2. La communauté arabe et la construction identitaire

2.1 Mode de présentation de soi

Pour saisir les tendances d‟identification de la communauté arabe de

Londres, nous avons demandé aux répondants, lors des enquêtes du terrain menées

à Londres en 2006 et 2008, de choisir parmi une série de catégories celles qui

correspondent à l'image qu‟ils se font d‟eux-mêmes. Les catégories proposées

correspondent aux ressources d'identification auxquelles les membres de la

179

L. Baugnet, L’Identité sociale, p.83. 180

Ibid. p.83.

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communauté arabe font d'habitude appel pour se définir : "arabe", "musulman", "

arabe britannique, ou autre dans le but de repérer les mutations subies suite au

changement de l‟environnement culturel. Dans notre échantillon, la majorité des

répondants se définissent en tant qu‟Arabes avec parfois la référence à la

nationalité du pays d‟origine

Cette première tendance renvoie à l‟identification avec une culture

et des expériences sociopolitiques communes. C‟est une identification qui remonte

à une histoire commune incarnée par plusieurs tendances d‟unification entre les

pays arabes au détriment des différences nationales181

. Les années cinquante et

soixante-dix et surtout la période post-indépendance furent dominées par un

sentiment panarabe, une période au cours de laquelle l‟identification comme Arabe

précédait l‟identification avec le pays d‟origine. Un individu avait tendance à

exprimer l‟appartenance à la „umma’ arabe, à l‟unité arabe plutôt qu‟à évoquer une

appartenance nationale. Cette tendance identitaire se révèle aujourd‟hui dans

l‟identification dans le nationalisme palestinien, les manifestations politiques et les

activités en rapport avec les problèmes du Moyen-Orient et les événements dans le

monde arabe. La base de l‟identification est l‟appartenance à la collectivité humaine

181

H. Laurens, L’Orient arabe, p.111.

0

50

100

150

200

250

Arabe Musulman Arabe britannique

Autre

Mode de présentation de soi (n500)

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des Arabes dont la langue constitue le caractère fondamental et le noyau de

l‟identité.

Le qualificatif qui renvoie à l'identité religieuse dans l‟opération

d‟identification de soi chez cette catégorie se trouve relégué dans une position

secondaire. Le référent religieux, bien que celui-ci constitue une ressource

d'identification partagée par l'ensemble de nos répondants, se trouve doté de

significations distinctes. L‟identification religieuse des questionnés se présente

comme une modalité pour se définir, modalité perçue comme étant de même ou de

moindre valeur que d'autres ressources d'identification. Elle est, d‟ailleurs, rejeté

par certains répondants qui se disent laïques.

Chez une autre catégorie, contrairement à la première tendance,

l‟opération de présentation de soi est construite sur l‟appartenance religieuse au

détriment d‟autres types d'appartenance qui ne jouissent que d'une importance

minime. Cette présentation de soi tire son origine de l‟identification avec tout le

monde musulman. Au moment où le panarabisme reste latent parmi les populations

arabes, la tendance identitaire incarnée par le panislamisme surgit182

. Cette

tendance d‟identification repose sur le sentiment d'appartenance à une communauté

musulmane. Elle signifie l‟attachement à un ensemble de doctrines affirmant

l‟égalité des croyants malgré la diversité de la race ou la nationalité. Chez une partie

de la population arabe de Londres, l‟identification religieuse est une identité

suprême capable de se substituer aux autres types d‟identification.

Etre musulman existe à un niveau supérieur à celui de l‟appartenance basée

sur la relation politique. Les identités nationales sont éphémères, liées à un domaine

temporel. Parfois, la référence au groupe d'appartenance religieuse est mise au

même niveau que d‟autres ressources d'identification. Cette tendance identitaire à

caractère religieux s‟inscrit dans une vision du monde au-delà des appartenances

ethniques et nationales pour embrasser un rassemblement sur une base religieuse.

Elle constitue, avec l‟identification arabe, l'expression d'un même désir d'union et

182

K. H. Karpat, The Politicization of Islam, p.20.

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de solidarité, même si les deux tendances ont des divergences concernant le modèle

de société.

L‟identité musulmane est souvent une conscience ethnique réactive

de la deuxième et la troisième génération de la communauté arabe, en particulier

après les événements internationaux tels que le conflit au Moyen-Orient et les

guerres en Irak et Afghanistan. Cette prise de conscience religieuse est en rapport,

parfois, avec l‟expérience de la discrimination. Les sentiments de solidarité envers

les coreligionnaires, aussi bien en Grande-Bretagne et outre-mer, en renforcent la

conscience et l‟identité religieuse jusqu‟au point, parfois, de la radicalisation parmi

les personnes les moins intégrées des communautés musulmanes dont la

revendication de l‟appartenance religieuse est comme une sorte de défi à une

pratique d‟exclusion et de marginalisation183

.

Chez une troisième catégorie se manifeste un processus

d‟hybridation qui entraîne des recompositions identitaires impliquant à la fois

différenciation et l‟identification. Ainsi, l‟émergence d‟une identité „ British Arab‟

dans la définition de soi chez la population arabe de Londres est donc un

phénomène récent. C‟est une tendance de recomposition identitaire à double

facettes. En effet, les élites intellectuelles et politiques cherchent avant tout à être

panarabe, c‟est-à-dire à baser leur union, non pas sur la religion, mais sur l‟arabité.

Parallèlement avec l‟identification arabe des répondants, un désir d‟affirmer

l‟appartenance à la société britannique se manifeste à travers une relation

harmonieuse entre arabité et „Britishness’184

.

L‟identité britannique existe en liaison avec l‟identité arabe. Les deux

identités sont considères comme entités dichotomiques. Pour certains répondants,

Britishness est associé à l‟appartenance à l‟entité politique britannique comme

citoyen avec les obligations que la citoyenneté implique. Ainsi, ils mettent l‟accent

sur certains traits comme les droits, l‟engagement et la participation. Pour d‟autres,

183

D. Lassalle, L’Intégration au Royaume-Uni, p.84. 184

C. Nagel, „Constructing Difference and Sameness: the Politics of Assimilation in London‟s Arab

Communities‟, Ethnic and Racial Studies, Vol.25, n° 2, 2002, pp. 258-287.

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l‟identification comme „British‟ signifie l‟absorption dans la culture britannique,

dans un groupe multiculturel. Etre britannique est construit de manière plus fluide,

ce qui implique la capacité de se déplacer dans et hors de différents groupes.

En gros, cette catégorie accentue l‟importance d‟une recomposition

identitaire avec un enracinement dans la culture arabe et l‟identification avec la

société britannique. Sans parler explicitement d‟assimilation, elle affirme le besoin

de s‟accommoder, de participer et de contribuer à la société britannique. Toutefois,

même si l‟identification arabe est prédominante, on trouve aussi dans la

communauté arabe des personnes qui se définissent comme Kabyles, Kurdes ou

Assyriens.

Bref, les Arabes de Londres se situent entre un ancrage dans une

identification religieuse, une tendance d‟ouverture et de recomposition identitaire,

et l‟inclination à l‟appropriation de la culture dominante. Pour certains l‟identité

culturelle est la seule alternative à l‟homogénéisation culturelle perçue comme

danger de déculturation ; alors que d‟autres mettent l‟accent sur la différence et

l‟hétérogénéité. Ce constat révèle que les Arabes de Londres opèrent à l‟intérieur

des limites ethnico-religieuses établies dans la mesure où les normes et valeurs

culturelles influent sur l‟identification.

2.2 Médias : moyen de construction identitaire

Les médias ont une influence considérable sur la construction

identitaire dans les sociétés modernes. Le réseau des institutions médiatiques

influence la vie des groupes et des individus et contribue à créer le sentiment

d‟appartenance à une collectivité. Le rite quotidien illustré par le fait de feuilleter

un journal tous les matins, ou de suivre les programmes d‟une chaîne de télévision

crée le sentiment d‟appartenir à une collectivité humaine. Ainsi, l‟identité arabe

s‟illustre et se construit dans la diaspora à travers une presse arabe qui se présente

comme une presse internationale de tous les Arabes en dépit de la différence des

appartenances nationales.

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2.2.1 Médias britanniques et minorités ethniques

En Grande-Bretagne, la BBC dominait au début des années

soixante le domaine audiovisuel. Cette situation fut mise en question avec l‟arrivée

des immigrants des anciennes colonies britanniques et la recomposition ethnique de

la société britannique à partir des années soixante-dix185

. Sous la pression du

gouvernement, à partir des années quatre-vingt-dix, la BBC se trouva contrainte de

reconsidérer sa stratégie pour répondre mieux aux implications d‟une société

multiethnique et multiculturelle. Elle diffusa alors une série de programmes sur la

culture britannique en général en mettant l‟accent sur sa diversité et la contribution

des communautés ethniques à la société britannique186

. En outre, le département

multiculturel au sein de la BBC consacra des programmes particuliers aux minorités

ethniques, notamment des films et des documentaires traitaient de problèmes

intéressant les minorités ethniques avec l‟usage même des langues asiatiques pour

atteindre une large audience.

La Chaîne 4, qui fut créée en 1982, lança également un département

multiculturel chargé de donner accès à l‟écran à des travaux sur la population noire

parallèlement à l‟achat de films, de documentaires et de magazines culturels sur les

Indiens, les Pakistanais et les Afro-Caribéens. La diffusion par câble, qui fut

facilitée par les développements technologiques à partir des années quatre-vingt dix,

contribua à l‟émergence d‟un secteur de production indépendant de la télévision

publique en Grande-Bretagne. Le développement du câble et la diffusion par

satellite limitèrent le monopole de l‟espace audiovisuel par le secteur public et

exposèrent la BBC à la compétition des autres opérateurs187

.

La loi de 1990 (1990 Broadcasting Act), qui créa un nouvel organe,

The Independent Television Commission, pour réguler l‟espace audiovisuel, fait

appel aux opérateurs afin de promouvoir l‟égalité des chances entre personnes

issues des minorités ethniques pour refléter la diversité culturelle de la société. Si

185

C. Frachon, M. Vargafting, European Television, p. 261. 186

Ibid. p. 266. 187

C. Frachon, M. Vargaftig, Télévisions d’Europe et immigration, p.184.

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cette loi met l‟accent sur l‟importance de prendre en compte l‟ensemble des

communautés ethniques en Grande-Bretagne, aucun texte ne les oblige, par contre,

de façon explicite, à produire des programmes spécifiquement destinés aux

minorités ethniques.

La tendance ou l‟engagement à diffuser des programmes pour les

minorités culturelles et à assurer une représentation égale à la radio et la télévision

publique fut limitée, selon Simon Cottle, par plusieurs facteurs. D‟une part,

l‟engagement de la chaîne publique britannique à diversifier ses programmes afin

de prendre en considération la diversité culturelle et ethnique de la société

britannique est limité par la logique du marché188

. Dans un contexte où la survie

commerciale signifie un maximum d‟audience et de recette de publicité,

l‟information est produite comme tout autre produit pour le plus grand nombre

possible de consommateurs, en occurrence la société majoritaire. Les sociétés de

production qui essayent de produire des programmes destinés aux minorités

ethniques sont incapables de prendre pied dans un marché dominé par les réseaux

des producteurs qui travaillent sous cette contrainte. Le secteur privé, ainsi que les

chaînes publiques, sont exposés à la pression et à la contrainte du marché au point

que la survie de ces „ghetto programmes’, comme certains les appellent, est remise

en question dans un paysage médiatique soumis à la compétitivité du marché.

D‟autre part, l‟organisation bureaucratique affaiblit la représentation

des minorités ethniques dans les médias britanniques189

. Les journalistes comptent

sur les sources institutionnelles d‟information comme les communiqués de presse

de la police ou du gouvernement sans faire d‟efforts pour recueillir les points de

vue non institutionnels. Cette nature bureaucratique de la production de

l‟information privilégie les voix de ceux qui sont au pouvoir et non pas celles de

ceux qui sont exclus des institutions. La composition sociale des journalistes

travaillant dans les médias britanniques est caractérisée par une prédominance des

journalistes appartenant à la classe moyenne. Ces journalistes, qui préconisent

188

S. Cottle, Television and Ethnic Minorities, p.215. 189

Ibid. p.28-29.

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souvent les idées politiques de la classe moyenne, ne reflètent pas dans leurs écrits

la nature multiculturelle de la société britannique et ont souvent tendance à

fonctionner à partir d‟un point de vue blanc sans prendre en compte la composante

multiethnique et raciale de la société britannique190

.

Par conséquent, les minorités ethniques ne sont pas présentées

comme partie intégrante de la société britannique par les médias qui projettent une

image de la Grande-Bretagne comme société blanche dans laquelle les gens de

couleurs sont perçus comme un problème, une aberration et non pas comme des

citoyens à part entière191

. Les dirigeants de la BBC, puis ceux d‟ITV, avaient une

vision figée de la société dans un souci de favoriser les valeurs traditionnelles

(blanches et chrétiennes)192

.

En somme, la faible représentation des minorités ethniques dans les

médias britanniques est engendrée par des facteurs professionnels, culturels,

commerciaux et institutionnels. L‟orientation visant la prise en compte de ce

nouveau caractère de la société britannique est stérile dans la mesure où la

représentation des minorités ethniques est dominée par les stéréotypes193

.

Confrontées à cette attitude persistante, les minorités ethniques profitèrent

de la libération du paysage audiovisuel en Grande-Bretagne et de l‟avènement du

câble et de la télévision par satellite pour créer des médias ethniques dans un souci

du maintien et de construction identitaire. C‟est dans ce contexte que la

communauté arabe se dota d‟un média ethnique et se tourna vers les chaînes à

caractère transnational dans une quête de construction identitaire.

190

J. Halloran, Ethnicity and the Media, p.13. 191

Ibid. p. 13-14. 192

R. Dickason, „De la diversité culturelle à la télévision britannique ou les failles du multiculturalisme‟, Revue

française de Civilisation Britannique, vol. XIV, n° 3, 2007, p.115-139. 193

K. Ross, „White Media, Black Audience: Diversity and Dissonance on British Television‟, Black Marks:

Minority Ethnic Audiences and Media, p. 10-11.

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1.1.1 Médias arabes et quête d’identité

Si, par contraintes commerciales, les médias britanniques ne reflètent

pas les aspirations identitaires des minorités ethniques, les médias ethniques et

transnationaux occupent une place importante dans le reflet d‟une culture partagée

et la création d‟un sentiment d‟appartenance à une communauté. Ce rôle est devenu

plus étendu dans les sociétés modernes où les gens comptent sur les médias pour

être liés entre eux et partager les mêmes expériences et idées194

. En effet,

l‟information, les images et les idées rendues disponible par les médias constituent

la source centrale de la conscience d‟une culture commune. Les journaux, les

radios, et les télévisions renforcent le sens de l‟appartenance communautaire. La

connexion est simplement un lien symbolique entre les téléspectateurs de la même

chaîne de la télévision, les auditeurs de la même radio ou les lecteurs d‟un même

journal195

. Les médias transnationaux sont des moyens de lien avec le pays

d‟origine ; même si plusieurs types de médias se sont développés dans les dernières

années comme la presse ethnique ou la presse consacrée aux questions des

immigrants, les chaînes des télévisions transnationales restent les chaînes les plus

regardés avec un rôle saillant dans la vie de la diaspora arabe à Londres.

En fait, avant l‟arrivée des télévisions transnationales, la diaspora arabe avait

l‟habitude de regarder les chaînes locales, tout en utilisant la radio comme source

d‟accès à l‟information sur leur pays d‟origine. La venue de la télévision

transnationale changea les habitudes et les rapports avec les médias en général. A

défaut d‟une représentation dans la télévision britannique, les membres de la

communauté arabe regardent souvent la télévision transnationale qui est une liaison

entre immigrés et pays d‟origine avec des liens affectifs, linguistiques et religieux.

194

A. Schleifer, „Media Explosion in the Arab World: The Pan-Arab Satellite Broadcasters‟, TBS Archives,

Issue No 1, 1998. 195

J. Alterman, „Translational Media and Social Change in the Arab World‟, TBS Archives, Issue n° 2, 1999.

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A. Presse audiovisuelle et la création d’une communauté transnationale

La télévision tend, la plupart du temps, à suivre et assimiler les

tendances sociales et les influencer parfois. Le traitement des

minorités n‟est pas une exception et leurs relations avec la télévision

sont souvent orageuses (……) les chaînes de télévision européennes

commencent à prendre en considération les minorités ethniques, mais

les minorités n‟ont pas encore une présence régulière dans la

télévision, acceptées comme totalement ordinaires en faisant entendre

leur voix196

.

Dans ce contexte, la télévision transnationale reste un moyen qui

permet d‟établir un lien avec la culture du pays d‟origine et perpétuer l‟usage de la

langue et l‟initiation des nouvelles générations à leur patrimoine culturel. En plus

des chaînes des télévisions des pays d‟origine des différents groupes nationaux qui

composent la communauté arabe à Londres, Al-Jazira et MBC sont les chaînes

arabes les plus regardées et la source majeure d‟information pour la communauté

arabe de Londres. Les individus de la première génération sont les plus touchés par

la réception de ces télévisions arabophones. Le facteur de la langue arabe est

d‟autant plus important. En effet, l‟attachement aux chaînes arabes est surtout lié à

une ambiance générale qui s‟appuie sur la familiarité et la proximité des référents

culturels que les chaînes locales ne reflètent pas.

a. Al-Jazira

Al-Jazira est la première chaîne dans son genre qui émet d‟un pays

arabe, tout en conservant une liberté totale. Elle a surtout concurrencé la mosquée,

naguère seul lieu de parole contestataire dans la région197

. C‟est une chaîne très

regardée, depuis son lancement en novembre 1996, par le public arabophone à

Londres grâce à son traitement polémique de l‟information et des débats politiques

et son engagement à libérer le champ audiovisuel arabe du conformisme et du

„television is mostly content to follow and assimilate social trends but sometimes influences them; treatment

of minorities is no exception and their relations with television are often stormy ……European television

channels are starting to consider it their duty to take account of ethnic minorities, but minorities are still a long

way from being part of daily life on television, of being accepted as totally ordinary while having the chance to

make their voices heard‟

196

C. Frachon, M. Vargaftig, European Television, p. 3-4

197

O. Lamloum, Al-Jazeera, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, p.10.

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90

monopole des Etats198

. La popularité de la chaîne chez les membres de la

communauté arabe de Londres est due au fait qu‟elle nourrit le sens de la

communauté et diffuse ses programmes exclusivement en langue arabe moderne par

un personnel arabe. Dans ces sens, l‟arabe littéraire employé par al-Jazira reste un

lien linguistique commun pour les Arabes tandis que, par la diversité de l‟origine

nationale de son personnel, la chaîne marque davantage son panarabisme et suscite

l‟intérêt du maximum de téléspectateurs arabes.

Les rendez-vous d‟information sont commentés par des envoyés spéciaux en

ciblant une audience arabe frustrée par l‟information officielle biaisée du pays

d‟origine. Les affaires arabes restent cruciales dans la programmation. C‟est une

chaîne transnationale qui unifie une audience arabe autour de la même information.

Comme chaîne panarabe, Al-Jazira joue un rôle primordial dans l‟élargissement

d‟une interaction arabe et projette une identité inclusive qui dépasse les frontières

nationales. Elle s‟adresse à une audience transnationale qui peut être hétérogène,

mais néanmoins liée par une langue et une culture commune. Le panarabisme, qui

se manifeste par l‟utilisation d‟une langue arabe et d‟un personnel appartenant à

plusieurs pays arabes, a été en quelque sorte réinventé par cette chaîne199

.

b.MBC

Diffusé à partir de Londres depuis avril 1991, le Middle East

Broadcasting Centre (MBC), qui se considère comme chaîne panarabe ciblant la

promotion de la langue et la culture arabe et l‟échange des intérêts à travers le

monde arabe, est financé par les capitaux saoudiens. La chaîne est destinée aux

intérêts et besoins des populations arabes en promouvant le patrimoine linguistique

et culturel arabe dans le monde entier. C‟est une chaîne généraliste dont la

programmation, exclusivement en arabe moderne, englobe fictions, informations

et programmes religieux. En s‟inscrivant pleinement dans d‟un logique pan-arabe

dans leurs programmations et par le fait d‟être les chaînes les plus regardées par les

membres de la communauté arabe de Londres, les deux chaînes jouent un rôle dans

198

N. Miladi, „Satellite TV News and the Arab Diaspora in Britain: Comparing Al-Jazeera, the BBC and CNN‟,

Journal of Ethnic and Migration Studies, volume 32, n° 6, 2006, p. 947 – 960. 199

M. Ziyani, The Al-Jazeera Phenomenon, p.8.

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91

la construction identitaire de la communauté arabe à Londres200

. A travers ces

chaînes satellitaires, les membres de la communauté arabe de Londres sont en

mesure de synchroniser régulièrement le contact avec la vie quotidienne et les

événements dans le monde arabe. Grâce à ces chaînes, la communauté peut

transcender la distance qui sépare le soi-disant « diaspora arabe » à travers le monde

de leurs communautés d‟origine. Ces « médias diasporiques » offrent de nouveaux

moyens de promouvoir la liaison transnationale, et préserver ainsi les identités et les

cultures à travers l‟espace.

Ce rôle de construction identitaire est également favorisé par une

presse écrite dont Londres est devenue le centre depuis la guerre civile au Liban

(1975-1990) . Que ce soit une presse d‟information générale, presse militante ou

presse d‟immigration destinée aux immigrés arabes travaillant à Londres, les

journaux s‟inscrivent également dans cette tendance de renforcement d‟une identité

arabe dans la diaspora.

B. Presse ethnique et tendance panarabe

En raison de la guerre civile au Liban à partir de 1975, plusieurs

journaux se déplacèrent à Paris et à Londres pour fuir une atmosphère de guerre

féroce201

. En outre, sous la répression des régimes totalitaires dont la seule

communication admise est celle de la propagande politique canalisée par les

journaux, la recherche d‟une tribune qui permettrait de s‟exprimer librement fut une

raison essentielle de la délocalisation de plusieurs journaux arabes.

Le nombre de journaux arabes installés en Europe augmenta avec

l‟arrivée massive des Saoudiens et des Koweitiens sur le marché de la presse durant

les années quatre-vingt. Le centre de gravité de la presse arabe en Occident ne cessa

de glisser vers Londres et rares sont les journaux qui se maintinrent à Paris. Parmi

les journaux libanais qui installèrent leurs bureaux à Londres, nous citons un des

plus influents, Al-Hawadith. Un autre phénomène se développa dans les années

200

C. Salamandra, London's Arab Media and the Construction of Arabness, TBS Archives, no 10, spring-

summer, 2003. 201

W. Rugh, Arab Mass Media, p.168.

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quatre-vingt. Il s‟agit de la fondation à Londres, de quotidiens à vocation panarabe

qui ont aujourd‟hui la possibilité, grâce au développement technologique, de

paraître simultanément dans les différentes capitales arabes et internationales. Le

premier fut Al-Arab (1977) fondé par les Libyens, puis le quotidien saoudien Al-

Charq Al-Awsat (1978) distribué dès 1980 dans plusieurs capitales arabes et

européennes. Ensuite le quotidien libanais Al-Hayat, fondé à Beyrouth, est reparu à

Londres en 1989, et un journal palestinien Al-Quds est créé en 1988. Ces journaux

se définissent comme étant ceux d‟une audience panarabe au détriment des origines

nationales 202

. La presse arabe éditée à Londres adopte une ligne rédactionnelle

panarabe en traitant tous les sujets qui intéressent les différentes communautés

nationales qui composent la communauté arabe de Londres. Des éléments

d‟éclaircissement quant à l‟aspect panarabe de cette presse, ressort de l‟analyse du

contenu de trois journaux : Al-Hayat, Al-Quds, et Al-Charq Al-Awsat.

a. Al-Charq Al-Awsat

Depuis son lancement pendant le boom pétrolier de 1978, le journal Al-

Charq Al-Awsat, créé par les Saoudiens à Londres, est édité simultanément grâce à

la technologie moderne dans plusieurs capitales arabes, particulièrement dans la

région du Moyen-Orient. Ce journal se compose essentiellement des rubriques

suivantes : „orient‟, „sport‟, „art‟ et le courrier des lecteurs qui abordent

particulièrement les affaires arabes dans les domaines politiques, économiques,

sportifs et artistiques. Ces rubriques sont censées tenir les lecteurs arabes de la

diaspora au courant de l‟actualité dans le monde arabe et particulièrement dans leur

pays d‟origine sur tous les plans. Dans la rubrique „ lettres des lecteurs‟, ils font

connaître leur opinion. Ce journal, destiné en premier lieu aux lecteurs arabes, a

vocation panarabe dans sa distribution et sa ligne rédactionnelle en proposant une

couverture de l‟actualité arabe à l‟échelle internationale et nationale. La diffusion

principale est limitée aux pays arabes et la vocation annoncée consiste à défendre

les causes arabes et apporter des informations intéressantes sur la communauté

qu‟elle dessert.

202

M. Lynch, Voices of the New Arab Public, p.49.

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b. Al-Hayat

Al-Hayat, autre quotidien édité à Londres, a des correspondants dans

plusieurs pays arabes. Ce journal, qui ne consacre plus les premières pages à

l‟actualité libanaise comme était le cas auparavant, se transforma pour toucher un

lectorat arabe. Les rubriques qui reflètent l‟orientation panarabe du journal sont les

„affaires arabes‟ divisées en trois sections : Golfe, Orient et Afrique du Nord, et

„culture‟ qui contient des sous-rubriques de littérature, télévision, cinéma et

musique, „sport‟, enfin le courrier des lecteurs. Les rubriques sportives, artistiques,

culturelles qui couvrent les diverses activités des capitales arabes ont également leur

place dans ce journal dont la surface rédactionnelle est divisée en plusieurs parties,

notamment l‟actualité, les éditoriaux, et les lettres. A ces rubriques s‟ajoutent les

„lettres des lecteurs‟ et les nouvelles des vedettes arabes. Ces différentes rubriques

traitent de sujets politiques, économiques, littéraires et publient également des

reportages, des articles et des interviews tout en consacrant des pages entières aux

variétés, aux loisirs, aux arts et au sport ; mais la priorité reste les thèmes arabes,

c'est-à-dire les informations qui proviennent des pays arabes sous des formes

diverses. A cet égard, le lecteur arabe est bien informé des événements qui se

déroulent, en particulier, dans les pays d‟origine.

c. Al-Quds Al-Arabi

Al-Quds Al-Arabi, dont le contenu à caractère palestinien se

focalise sur le conflit arabo-israélien, est un troisième quotidien panarabe édité à

Londres. Ce journal a tendance à être strictement nationaliste dans le traitement des

affaires extérieures en s‟attaquant fréquemment à la politique américaine au Moyen-

Orient. Ce journal, qui s‟organise autour de plusieurs rubriques, notamment

„affaires arabes,‟ „littérature et art,‟ „sport et jeunesse‟ et „variétés‟, s'est imposé

comme voix importante dans les milieux arabes expatriés203

. Le conflit du Proche

Orient occupe une place essentielle dans ses colonnes où il soutient sans réserve

203

J. Alterman, New Media, New Politics, p.12.

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les Palestiniens. La place faite aux spectacles, aux livres est importante également et

les comptes rendus d‟ouvrages et d‟essais consacrés à l‟actualité culturelle et

littéraire dans le monde arabe. L‟abondance des pages littéraires consacrées à la

culture arabe a tendance à favoriser la culture et la littérature arabe chez les

membres de la communauté arabe de la diaspora.

Au terme de cette lecture rapide du contenu et de l‟organisation des

principaux journaux arabes éditée à Londres, on est conduit à une constatation : la

majorité des journaux voient dans leurs lecteurs des citoyens arabes en tenant

compte de leur nationalité. Ceci dit, la presse arabe à Londres a tendance à penser

et à voir la communauté arabe au-delà des limites des appartenances nationales. Le

rôle des ces médias dans l‟émergence d‟une conscience identitaire est primordiale.

L‟aspect transnational de ces journaux basés ne préconise pas un cosmopolitisme,

mais plutôt identité pan-arabe d‟où l‟évolution du traitement de l‟information et

l‟usage de l‟arabe comme langue de diffusion. Le monde arabe reste un site de

consommation majeur grâce à la technologie par satellite. La presse arabe

londonienne, symbole de l‟identité ethnique de la communauté arabe à Londres, se

focalise sur des questions qui intéressent le public arabe à travers une presse arabe

qui met l‟accent souvent sur les problèmes du Moyen-Orient, principalement le

conflit arabo-israélien. Sa création est un effort majeur pour avoir une visibilité et

un renforcement identitaire en Grande-Bretagne.

C. Presse spécialisée : voix des immigrants

C‟est une presse d‟immigration qui est souvent publiée par les

associations arabes à Londres et constitue un moyen de liaison et de communication

entre les membres de l‟association en s‟intéressant particulièrement aux problèmes

des immigrés et à la culture arabe en général. A titre d‟exemple, The Arab Club of

Britain, publie mensuellement „Alarwa’ dont le contenu s‟organise autour de

plusieurs rubriques comme éditorial, courrier des lecteurs…, société de la

communauté arabe‟, „débats‟, soirées‟. Le contenu éditorial couvre de près

l‟actualité et traduit le point de vue de l‟association et son commentaire sur

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l‟actualité dans le monde arabe et en Grande-Bretagne. La rubrique „ la

communauté arabe‟ consacrée à l‟actualité qui touche en particulier les

communautés arabes à Londres et l‟agenda des événements organisés par les

diverses associations arabes installées en Grande-Bretagne, est une rubrique

principale dans le journal au niveau de l‟importance spatiale qu‟elle occupe et des

sujets qu‟elle aborde. Les rubriques „débat‟, littérature „ sont des rubriques

occasionnelles consacrées à l‟étude des problèmes touchant le monde arabe ou la

communauté arabe à travers l‟invitation à des personnalités pour élucider des sujets

d‟actualité et traiter des sujets littéraires en vue d‟inciter les membres de la

communauté arabe à connaître la culture arabe. Contrairement à la presse ethnique

qui s‟intéresse à l‟actualité arabe et internationale, la presse d‟immigration est en

premier lieu une presse qui couvre la vie de la communauté, ses intérêts

d‟intégration et ses soucis identitaires

En somme, les médias transnationaux et ethniques fortifient le sens

d‟une identité arabe. La relation donc entre les médias et la construction identitaire

se manifeste à travers la nature des sujets abordés dans les différentes rubriques

composant ces journaux et la proximité affective et intellectuelle établie par les

membres de la communauté arabe à Londres avec ces médias. La communauté

diasporique arabe utilise les médias pour le maintien d‟une identité ; que cette

dernière se définisse par une ardeur religieuse passionnée, une fierté ethnique, ou un

attachement à une origine historique, il est évident que, à travers les médias

ethniques et transnationaux, les membres de la communauté arabe semblent être

rassemblés par ces moyens de communication.

La question de l‟identification apparaît donc incontournable dans la

dynamique de la consommation médiatique et du rapport aux médias en général. La

présence des membres de la communauté concernée devant les écrans arabes, leurs

lectures des journaux arabes créent chez eux un sentiment d‟appartenance qui est

tourné autour des questions du maintien de l‟identité et du lien collectif et

communautaire. En un mot, la presse ethnique et transnationale a un rôle dans la

construction identitaire suscitée par le fait de vivre dans un espace diasporique qui

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relève des questions d‟identité et d‟appartenance. La communauté arabe de Londres

a tendance à accorder également une grande importance à la langue avec le souci de

sa rétention, en particulier chez la deuxième génération.

2.3 Langue et quête d’identité

Le rôle de la langue comme marqueur de l'identité nationale ou

ethnique est bien attesté dans de nombreuses cultures et à des moments différents

de l'histoire. L‟arabe a été utilisé, à ce titre, par plusieurs tendances idéologiques du

XXe siècle, y compris le nationalisme panarabe, le nationalisme territorial et ce

qu‟on peut appeler le nationalisme islamique204

La langue a été l‟élément le plus pertinent dans l‟identification et

l‟affirmation de la particularité des différentes tendances culturelles et idéologiques

dans le monde arabe. La distinction se faisait entre „watan’, la patrie à laquelle

une personne appartient, et „umma’, la nation qui est le groupe ethnique

d‟appartenance. La langue arabe, qui était le symbole de l‟identité du groupe et un

thème majeur dans la littérature de l‟époque, fut projetée dans ce sens comme

ingrédient unissant tous les pays arabes et marqueur de l‟identité nationale arabe205

.

Elle a été reliée à tous les aspects de l‟identité au point que l‟identité est toujours

rendue équivalente à la capacité de parler la langue nationale.

Sous le pouvoir ottoman, l‟utilisation de la langue arabe fut limitée en

faveur de la langue turque qui fut imposée comme langue officielle de

l‟enseignement et des institutions. L‟imposition de la langue turque durant le règne

de l‟Empire ottoman transforma le nationalisme arabe en un mouvement politique

dont la langue était un facteur unificateur206

. La résistance à l‟imposition de la

langue turque était de nature politique dans le sens où des associations furent

204 Y. Suleiman, A War of Words, p.38: „The role of language as a marker of national or ethnic identity is

well attested in many cultures and at different times in history. Arabic has been deployed in this capacity in a

variety of ideological articulations in the twentieth century, including pan-Arab nationalism, territorial

nationalism and what may be called Islamic nationalism‟

205

Z. Abuhamdia, „Speech Diversity and Language Unity: Arabic as an Integration factor‟, The Politics of

Arab Integration, p.51.

206

Y. Suleiman, The Arabic language and National Identity, p. 66.

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constituées à l‟intérieur et à l‟extérieur de l‟Empire ottoman pour faire un front de

résistance contre la restriction à l‟utilisation de la langue arabe. Il n‟est donc pas

étonnant que le discours nationaliste arabe dans la période moderne recoure à la

langue arabe comme pilier de l‟identité nationale. De ce fait, l‟association entre

langue et identité est une revendication dans plusieurs pays arabes, aussi bien chez

les nationalistes que chez les islamistes. La politique d‟arabisation après

l‟indépendance dans les pays du Maghreb s‟inscrit dans ce sens.

Actuellement, au Maghreb, la revendication identitaire berbère se base sur

la langue berbère comme élément crucial de l‟identité. Le discours berbériste voit la

politique d‟arabisation comme un gommage de la berbérité et l‟identité nationale ne

peut être fondée uniquement sur la langue. Elle est tridimensionnelle : la berbérité,

l‟arabité et l‟islamité. Pour analyser l‟identité ethnique d‟un groupe donné, il faut

savoir dans quelle mesure ces traits donnent lieu à la prise de la conscience d‟une

revendication identitaire collective. Cette section a donc comme but l‟exploration

du rapport que les membres de la communauté arabe de Londres établissent entre

langue et construction identitaire, car la langue n‟est pas seulement un moyen de

communication, mais aussi l‟incarnation d‟une culture et un puissant marqueur

identitaire.

2.3.1 Langue et identité culturelle

Au gré des motivations de l‟apprentissage de la langue arabe, il se

révèle que, chez la communauté arabe de Londres, la langue constitue un trait

fondamental de l‟identité culturelle puisque à travers la langue parlée, l‟identité de

l‟individu apparaît ainsi que son appartenance à un groupe particulier.

L‟interconnexion entre le désir et les motivations de l‟apprentissage de la langue

arabe et l‟identification culturelle est évidente. Chez une autre partie de la

communauté arabe de Londres l‟apprentissage de l‟arabe est allié au désir de

maintenir une identité religieuse.

La langue d‟origine acquiert une valeur symbolique et représente

un symbole d‟appartenance à une communauté culturelle tandis que la langue

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anglaise est perçue dans son rôle utilitaire comme langue de l‟environnement. Les

familles arabes à Londres essayent de la transmettre aux générations suivantes et

quel que soit le degré de sa maîtrise dans un environnement dominé par le

pluralisme culturel, elle est considérée comme trait principal d‟identification à la

communauté culturelle et ethnique comme le résume ce motif de l‟apprentissage de

l‟arabe évoqué par la plupart des personnes interviewées à Londres : „„La langue

arabe fait partie de ce que je suis. Je veux être en mesure de la lire et d'écrire, parce

que je ne peux pas dire que je suis arabe sans la connaissance du texte et de la

langue. J'aimerais apprendre l'arabe pour que je puisse le transmettre aux

générations futures. Il est important d‟apprendre cette langue (femme, âge, 37).‟‟

Nous constatons qu‟une valeur essentielle est accordée à l‟arabe

comme élément central de l‟identité culturelle. Elle n‟est pas considérée

uniquement comme instrument de communication, mais aussi élément essentiel

de l‟héritage culturel. L‟ethnicité ou l‟identité culturelle sont souvent associées au

symbole que représente la langue plutôt qu‟à son usage réel.

La langue arabe est donc moins perçue dans sa fonction d‟outil de

communication que comme composante primordiale de l‟héritage culturel d‟une

part, et comme marqueur d‟identité culturelle de l‟autre. La transmission de la

mémoire collective du groupe, y compris la pensée, l‟éducation, les codes

familiaux et culturels se fait à travers et par cette langue qui est transmise et

apprise par les immigrants dans leur quête d‟une construction identitaire. La langue

arabe semble investie, dans une société pluriculturelle, d‟une fonction symbolique

fondamentale qui se révèle tant au niveau de la conscience linguistique qu‟à celui

des déclarations d‟appartenance identitaire et culturelle.

2.3.2 Langue et identité religieuse

La langue arabe est fréquemment désignée par les partisans de

l‟arabisation comme la langue du Coran et de la religion musulmane207

. A ce

niveau, les repères sont clairs. La langue arabe est considérée comme la langue

207

Y. Suleiman, A War of Words, p.40.

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vénérée de la religion qui s‟inscrit à une place précise comme langue de la

communauté islamique, élément essentiel de l‟identité islamique et d‟un

enracinement identitaire profond. Cette élection divine de la langue arabe a eu

comme conséquence de l‟établir dans un statut spécial qui a depuis des siècles

imprégné les mentalités collectives208

. L‟expansion de l‟islam s‟appuyait au début

sur la propagation et l‟enseignement de la langue arabe qui est estimée moyen

nécessaire pour comprendre l‟islam, comme entrée dans la culture arabe. C‟est une

langue qui est perçue comme un facteur qui consolide l‟identité en termes du

sentiment d‟appartenance à une communauté et à une religion comme cet extrait de

l‟un des questionnés le montre :‟ La langue arabe est importante ; en tant que

musulman, je me sens un devoir religieux de connaître le Coran et d‟être en mesure

de lire le texte par moi-même afin que je puisse comprendre la religion et ses

besoins sans l'aide de traduction (homme, âge 44).‟‟

A ce titre, une catégorie de la communauté arabe à Londres cite

comme première motivation de l‟apprentissage de l‟arabe le désir de lire le livre

saint, les textes coraniques et de les comprendre correctement. Le fait d‟avoir une

compétence de la langue arabe est un élément essentiel de l‟identité religieuse et un

pas vers une identification religieuse qui fait de la langue sa pierre angulaire afin de

se faire dispenser des traductions du Coran en d‟autres langues.

Dans ce sens, le fait d‟apprendre l‟arabe constitue un acte

essentiellement religieux qui aide à réciter les textes coraniques et prononcer les

mots correctement. La dimension religieuse est donc essentielle comme motif de

l‟apprentissage et les écoles de la communauté essayent de combiner

l‟enseignement de l‟arabe avec la religion. La nécessité d‟apprendre cette langue

renvoie en premier lieu à l‟identité islamique. L‟arabe est considéré comme une

partie de la réalité islamique car elle est la langue de la foi. L‟essence de l‟identité

culturelle est représentée par la dualité islam-arabité.

208

G. Grandguillaume, Arabisation et politiques linguistiques au Maghreb, p.24.

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2.3.3 La maîtrise de la langue

Beaucoup des répondants sont exposés à l‟arabe qui se restreint,

dans le cadre familial, souvent à un dialecte parlé par les parents et les amis, ou

d‟une langue classique à travers les chaînes des télévisions arabes. L‟arabe est la

langue véhiculaire des échanges verbaux au sein de la famille utilisée

spontanément par les parents, mais écrite rarement par les enfants.

Sous l‟effet de l‟apport scolaire dans le pays d‟accueil et des contacts

langagiers dans le pays d‟origine, un nouveau registre de langue peut se mettre en

place sous forme d‟un mélange de deux langues différentes. A titre d‟exemple : un

individu peut prononcer le début d‟une phrase en anglais et la terminer en arabe ou

le contraire. L‟utilisation non équilibrée des deux langues engendre un phénomène

de déperdition de la langue maternelle entre les générations issues de l‟immigration

et parfois une rupture due à des phénomènes comme l‟oubli ou une pratique rare de

la langue.

La perte de la langue maternelle, qui marque une phase décisive

dans le processus de l‟assimilation, ne signifie pas l‟abandon des marques de la

culture d‟origine, mais une rupture avec le passé culturel transmis par les

générations précédentes. La capacité d‟utiliser la langue arabe et en particulier de

l‟écrire est diminuée chez la deuxième génération de la communauté arabe étant

donné que la plupart sont nés en Grande-Bretagne. La maîtrise des codes

linguistiques est inégale et il est difficile parfois de se situer par rapport aux deux

langues, voire aux deux cultures. De ce fait, nous nous retrouvons devant deux

types de langues à statut différent : une langue dominée et une langue dominante.

En général, chez les enfants de migrants, la reconnaissance de la langue anglaise

comme langue de promotion est largement répandue. Le degré d‟acculturation ou de

déculturation dépend aussi de la manière de s‟identifier aux deux cultures ou à celle

du pays d‟accueil.

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Conclusion

Les identifications ethniques et religieuses des membres de la

communauté arabe de Londres sont dominantes. Un acheminement vers une

identification à double facettes, arabe et britannique (British Arab), commence à

gagner du terrain chez cette communauté. Cette tendance est incarnée par une élite

qui essaye de forger une nouvelle identité qui s‟illustre par un enracinement arabe

et une appartenance à la société britannique. L‟identification de la communauté

arabe se situe majoritairement entre une tendance d‟enracinement identitaire qui

privilège la particularité religieuse, ou ethnique, et un penchant d‟ouverture qui

s‟identifie avec le nouveau milieu culturel. Entre l‟appartenance religieuse qui

prend le pas sur l‟identité ethnique chez une partie de la communauté arabe,

l‟identification avec la société britannique est une recomposition identitaire qui

prend en compte le nouveau milieu culturel. Le choix d‟identification en tant que

„British Arabs’ révèle la volonté manifeste d‟une partie de la communauté arabe de

se frayer un chemin au milieu d‟une société multiculturelle.

La question de la sauvegarde de la singularité culturelle fait surface

dans un environnement multiculturel. Toute communauté ethnique transplantée

s‟interroge sur sa particularité culturelle et la manière pertinente de sa perpétuation.

La langue arabe dans tous les cas s‟avère un instrument de construction identitaire

et de compréhension de l‟héritage culturel, un lien à une communauté et à une

culture qu‟ils ont partiellement connus et à une religion qu‟ils comprennent à des

degrés variés.

L‟enseignement de la langue arabe est relié à un désir de construction

identitaire dont les motivations sont religieuses et culturelles. La motivation

religieuse pour l‟apprentissage de la langue arabe est structurée autour de la notion

de connaissance religieuse, tandis que la raison culturelle associe ethnicité et

langue. Les deux discours sont liés par des notions clés telles que civilisation

arabo-musulmane et authenticité. La quête de l‟authenticité culturelle et le

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renforcement de l‟identité islamique sont deux moteurs qui nourrissent le désir de

l‟apprentissage de la langue arabe.

Islam et arabité sont essentiels pour définir l'identité arabe et musulmane et

le discours sur l'apprentissage de la langue est motivé principalement par une quête

d'authenticité dans le contexte de la modernisation et de la mondialisation. Dans la

situation de la diaspora, l'apprentissage de la langue exprime la volonté de la

communauté de maintenir une identité spécifique contre la menace d'assimilation.

L‟identité islamique, comme l'identité arabe, sont perçues comme étant menacées

par l‟assimilation, qui conduit à la perte de la langue arabe et à l'ignorance de la

religion, de la culture et de l‟histoire arabe.

La construction identitaire dans le contexte migratoire s‟effectue à

travers les médias et l‟enseignement de la langue arabe. La presse ethnique et

audiovisuelle renforce l‟appartenance ethnique des Arabes dans la diaspora. La

proximité affective établie avec ses moyens de communication par les membres de

la communauté arabe à Londres reflète leur rôle dans la vie des immigrants arabes

dans la capitale britannique. La presse ethnique et les chaînes de télévision

transnationales contribuent au développement d‟un sens d‟identité arabe. La

question de l‟identité est incontournable dans le rapport aux médias, que ce soit une

presse ethnique ou audiovisuelle. C‟est ce souci identitaire qui motive la

consommation médiatique qui s‟accentue en raison de la familiarité des référents

culturels.

Les médias, notamment la télévision, constituent un moyen

d‟identification symbolique pour le groupe minoritaire et un point de repère

important qui lie symboliquement ce groupe à une culture. Les médias

transnationaux, grâce aux mutations technologiques, changent le processus

d‟intégration, d‟enculturation et d‟identification de la minorité arabe à Londres. Ces

médias permettant à cette communauté de cultiver son appartenance culturelle. Ce

phénomène a tendance à renforcer le maintien des identités particulières et à faire

évoluer, parfois même profondément, les cultures migrantes. La représentation

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physique et symbolique des communautés immigrantes à la télévision du pays

d‟accueil est une stratégie qui peut favoriser la diversité culturelle. Les moyens de

communication s‟avèrent d‟importance dans la mesure où ils peuvent être

considérés comme appui à une stratégie culturelle visant l‟intégration interculturelle

des nouveaux arrivants dans la société d‟accueil209

.

Par contre, un manque de représentation entraînerait une aliénation

des médias britanniques en raison d‟absence de points de référence culturelle pour

les minorités culturelles. „Le sentiment d‟appartenance nationale, qui nait d‟un

double processus d‟identification et de reconnaissance, n‟est en mesure de se

développer que si les individus peuvent d‟une manière ou d‟une autre, se voir

refléter dans la culture qui les entoure210

.‟ En un mot, la présentation médiatique des

minorités culturelles peut jouer un rôle significatif en manifestant un signe

d‟ouverture et une possibilité d‟identification symbolique à la société d‟accueil.

Dans ce sens, les membres de la société majoritaire peuvent passer d‟un groupe

ayant des opinions négatives envers les immigrants à un groupe dont les opinions

sont positives, à travers les médias.

209

A. Sreberny, Include me,, p.75. 210

D. Lassalle, Les Relations interethniques, p.224.

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Cinquième V : L’intégration politique et socioculturelle

Introduction

La stabilisation des populations d‟origine ethniques et culturelles

différentes dans l‟espace européen a engendré des turbulences des modèles

monoculturels incarnés par les Etats-nations. L‟homogénéité relative fut

bousculée par l‟arrivée des immigrants pendant la période postcoloniale. La

diversité culturelle devient, par conséquent, de plus en plus visible et prendra de

l‟ampleur au fur et à mesure des mutations au niveau des composantes ethniques et

culturelles. L‟installation des minorités culturelles dans un nouvel environnement

culturel relève des questions d‟intégration et de coexistence. Plusieurs approches

ont tenté de répondre à ces mutations et aux défis qui s‟imposent en matière de

cohésion sociale et du déchirement du tissu social du fait de la diversité culturelle

et ethnique. La tendance assimilationniste prône l‟alignement des cultures des

groupes minoritaires sur la culture majoritaire ; tandis que la tendance d‟intégration

favorise plutôt la diversité culturelle.

Les sociétés modernes, caractérisées par une importante diversité ethnique,

culturelle, et religieuse, ont tenté de répondre au défi de cette diversité à travers des

modèles d‟intégration censés réguler les rapports intercommunautaires. La théorie

assimilationniste, qui connut ses heures de gloire aux Etats-Unis et en Angleterre

avant les années soixante, appuie la tendance à l‟universalisme et à l‟uniformisation

des modes de vie. Cette tendance, qui œuvra à assimiler les nouveaux arrivants,

était prédominante au dix-neuvième siècle aux Etats-Unis. Elle mettait l‟accent sur

la supériorité de la race anglo-saxonne et exigeait le renoncement des immigrés à

leur héritage culturel et l‟adoption du mode de vie anglo-saxon211

. C‟est ainsi que

le melting-pot devient le thème majeur de la politique américaine au début du

vingtième siècle.

211

T. Jacoby, Reinventing the Melting-Pot, p.88.

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La tendance assimilationniste, qui marqua le passé colonial des

puissances coloniales et était le concept idéologique pour asseoir une domination

au sein des colonies, fut renversée par la lutte des Noirs aux Etats-Unis et des pays

qui étaient sous occupation coloniale aussi bien en Afrique qu‟en Asie. Depuis les

années soixante, les mutations culturelles des sociétés occidentales, suite à

l‟immigration en provenance d‟anciennes colonies, interpellent les pays

occidentaux. Le débat politique est axé sur les questions de l‟identité nationale et

du multiculturalisme pour faire face aux implications et aux défis de sociétés

ethniquement hétérogènes.

En Grande-Bretagne, la fin du système colonial engendra des flux

migratoires et la première réponse à cette immigration postcoloniale fut d‟abord

l‟assimilation identitaire212

. Le modèle monoculturel fut bousculé suite à

l‟installation des populations immigrées et sa remise en cause impose la nécessité

de revoir la politique de la gestion de la diversité culturelle. Les minorités peuvent

être absorbées, assimilées ou intégrées par la population autochtone qui, dans ce

cas, joue le rôle majeur dans le processus.

1. La politique britannique en matière d’intégration

1.1 Assimilation ou absorption dans un Etat-nation

Une politique d‟assimilation suppose un rôle passif d‟une culture

vis-à-vis d‟une autre. Les rapports entre immigrés et société d‟accueil sont basés

sur un passage unilatéral aux modèles de comportements de la société majoritaire.

Dans cette perspective de relations, le groupe culturel minoritaire est censé devenir

semblable au groupe culturel dominant. Par conséquent, tout doit être mis en œuvre

pour oublier les traits culturels minoritaires et acquérir les traits culturels dominants.

Les mots intégration et assimilation sont carrément différents. Le premier implique

l‟intégrité de la personne, qui, non dissoute dans le groupe majoritaire, maintient ses

traits culturels. Le second, par contre, est équivalent à la négation et à la

disparition de cette intégrité et l‟adoption des valeurs culturelles de la société

d‟accueil.

212

M. Pélisier, A. Paechat, Les Modèles d’intégration en question, p.66.

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106

A partir des années cinquante, la Grande-Bretagne tenta de gérer

l‟arrivée massive des immigrants des anciennes colonies. La position officielle

mettait au début l‟accent sur l‟assimilation, c‟est-à-dire l‟absorption des différents

groupes ethniques dans l‟homogénéité relative de la société britannique213

. Cette

tendance, prévalant au départ, était inspirée d‟une idéologie assimilationniste qui

aspirait à l‟élimination de la différence et à l‟intégration des immigrants dans la

société britannique214

. Avec l‟apparition des premières tensions entre immigrés et

Britanniques à la fin des années cinquante furent prises les premières mesures de

restriction de l‟immigration215

.

Ces mesures fortifiaient le maintien de la culture majoritaire par

l‟encouragement des divers groupes ethniques à s‟assimiler à la culture nationale.

Les cultures minoritaires étaient présentées comme une menace à la culture

britannique et à la cohésion sociale, notamment dans le discours du conservateur

Enoch Powell, qui fut exclu du parti conservateur en raison de ses idées

extrémistes216

. En 1968, il prononça à Birmingham son discours dit des „‟Rivers of

Blood „‟ dans lequel il manifestait une opposition farouche à l‟immigration et aux

mutations ethniques subies par la société britannique. En gros, cette idéologie

d‟assimilation, qui était le discours prédominant en Grande-Bretagne dans la

période de l‟après guerre, projetait une image de la Grande-Bretagne comme entité

culturelle homogène.

A partir du milieu des années soixante ce modèle assimilationniste fut

concurrencé par un nouveau modèle d‟intégration reconnaissant les identités

culturelles des communautés ethnique. Ce modèle nécessitait la prise en

considération de cette nouvelle configuration à travers l‟adaptation du système

éducatif aux nouvelles données résultant de l‟émergence de nouveaux groupes

ethnoculturels.

213

J. Rex, Ethnic Minorities in the Modern Nation State, p.32. 214

D. Lapeyronnie, (ed), Les Politiques locales d’intégration, p. 359. 215

A. Favell, Philosophies of Integration, p.103. 216

Ibid. p.105.

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107

1.2 Reconnaissance de la diversité culturelle

Le concept de pluralisme culturel indique l‟acceptation de la

diversité culturelle dans une société devenue au fil des années ethniquement

hétérogène. S‟opposant à la notion d‟assimilation, il indique la capacité de

confronter et d‟échanger les valeurs et les modèles de comportement aussi bien de

la part de l‟immigré que de la société d‟accueil. Comme un système qui tolère la

diversité des valeurs et des modes de vie des minorités ethniques, chaque groupe

ethnique a l‟occasion de développer et de maintenir sa propre culture et ses

traditions.

La tendance réductrice et conservative de l‟assimilation fut

abandonnée par les travaillistes lors du mandat de Roy Jenkins217

. Ce dernier

parlait de l‟intégration non pas comme d‟un processus d‟assimilation, mais plutôt

comme une combinaison du respect, de la diversité culturelle, de l‟égalité des

chances et de la tolérance mutuelle. Selon cette vision pluraliste de la société, les

différentes communautés culturelles interagissent dans un esprit d‟égalité et

d‟ouverture. Ces minorités jouissent du droit de maintenir et de perpétuer leur

propre culture dans le contexte familial et communautaire. Ainsi, sous réserve du

respect des institutions considérées comme centrales au mode de vie britannique,

elles peuvent pratiquer leurs religions, utiliser leurs langues et maintenir leurs

coutumes collectives. L‟intégration pluraliste s‟oppose à la notion d‟assimilation et

suppose le partage d‟un certain nombre de valeurs et le désir de participer à

l‟édification d‟un ensemble par une interaction culturelle218

.

L‟égalité des chances est au cœur de cette politique d‟intégration.

L‟une des grandes revendications du pluralisme culturel est la mise en place de

politiques spécifiques à destination des minorités ethniques. Le but est le

redressement de certaines discriminations et l‟affirmation, après la reconnaissance

de la diversité culturelle, de l‟interaction et le brassage de cultures. C‟est dans ce

217

Roy Jenkins, membre éminent du parti travailliste en Grande-Bretagne, ministre d'Etat dans les années

soixante et soixante-dix, devient l'un des quatre membres fondateurs du Parti social démocrate (1981-88) de

Grande-Bretagne au début des années quatre-vingt. 218

M. Khellil, L’Intégration des Maghrébins en France, p. 52.

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contexte que s‟inscrivent les textes législatifs, les Race Relations Acts (1965, 1968,

1976, 2000) adoptés en Grande-Bretagne pour gérer la diversité ethnique et

culturelle, notamment en adoptant le Race Relations Act (1976), qui allait instituer

la Commission for Racial Equality. Pourtant, la reconnaissance du

multiculturalisme ne signifie pas automatiquement des liens et des interactions

entre les différentes communautés ethniques. Une société peut tolérer la

juxtaposition des différentes cultures sans aucune interaction sociétale. Le rapport

intercommunautaire implique le brassage des cultures au lieu de la simple

juxtaposition, des liens d‟entente et d‟échange entre le courant dominant de la

société d‟accueil et les membres des communautés immigrées.

Pour plusieurs auteurs, l‟intégration passe par une participation sociale et

politique219

. La participation politique constitue un acte majeur qui peut favoriser

l‟intégration des nouveaux arrivants dans la société d‟accueil à travers l‟intégration

des institutions dirigeantes du pays d‟accueil. L‟intégration, pour d‟autres, est

l‟incorporation des immigrés dans un ensemble social et culturel, et donc le passage

d‟une culture traditionnelle à une culture moderne, qui est aussi leur transformation

en nationaux du pays d‟accueil220

.

S‟agissant des recettes de l‟intégration que notre recherche vise à explorer,

nous tâcherons d‟aborder la participation politique de la communauté arabe et

l‟intégration socioculturelle. A travers le questionnement sur la participation

politique de la communauté arabe à Londres, nous ciblons la révélation ou le

marquage de la quête d‟une identité et d‟un sens de communauté intégrée chez

cette communauté. L‟immigration peut mettre en cause les aspects sociaux

d'appartenance et le maintien rigide des traits culturels du pays d‟origine. Ainsi,

l'identité familiale et les liens familiaux au sein du groupe minoritaire, les

remaniements des structures familiales, la pression des modèles familiaux du pays

d'accueil sur les différents membres de la communauté arabe, le mariage mixte, tels

219 D. Lapeyronnie, L’Individu et les minorités, p.98. 220

D. Lapeyronnie, Les Politiques locales d’intégration des minorités immigrés, p.7.

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sont des aspects que nous tenterons d‟analyser dans ce chapitre pour mettre l‟accent

sur l‟intégration socioculturelle dans le nouvel environnement culturel.

2. La participation politique comme moyen d’intégration

2.1 La participation politique

La participation politique désigne „‟l‟ensemble des activités par

lesquelles les citoyens sont habilités à entrer en contact avec l‟univers du

pouvoir221

‟‟. Selon les politologues, elle a deux fonctions contradictoires. D‟une

part, c‟est un moyen à travers lequel ceux qui sont au pouvoir protègent et

renforcent leurs acquis et avantages économiques et sociaux. D‟autre part, à

travers l‟action politique, les classes sociales exclues de l‟exercice du pouvoir

cherchent à faire contrepoids à cette situation. La plupart des actes de participation

politique sont orientés vers la classe gouvernante afin d‟influencer ses décisions.

Plusieurs moyens de pression comme les manifestations et les boycotts sont utilisés

par les partis politiques, les organisations syndicales, ou la société civile afin de

faire entendre leurs voix et revendications. Ainsi, on peut distinguer la participation

conventionnelle et la participation protestataire. A travers la première, les gens

manifestent leur intérêt ou le désir de contester la pratique politique de ceux qui

sont au pouvoir par une participation électorale. La conscience politique, dans ce

sens, est un facteur qui incite à l‟engagement politique des citoyens. Ces derniers

participeront d‟autant plus à la politique qu‟ils auraient été éduqués à adopter des

attitudes civiques. Ces attitudes, qui sont de façon générale adoptées par l‟élite de la

société, incluent l‟intérêt et la connaissance de la politique, le sens de l‟efficacité

politique et le sentiment de l‟obligation de participer.

La deuxième désigne l‟ensemble des actions collectives mobilisant des

citoyens unis par des revendications communes. L‟implication peut regrouper des

personnes qui s‟identifient à une communauté, une association, ou un

regroupement sur des bases professionnelles. L‟engagement consiste à réagir

ensemble pour défendre des intérêts communs. La participation peut être

symbolique, comme la signature d‟une pétition, le fait de rejoindre une

221

B. Dennin, P. Lecomte, Sociologie du politique, p.11.

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manifestation dans la rue afin de monter sa solidarité avec des personnes, des idées,

ou des buts. Ces buts peuvent être altruistes, comme une campagne contre la

guerre dans un pays pour exprimer une identité politique, une opinion ou un

désaccord.

2.2 Les minorités ethniques et les partis politiques britanniques

L‟immigration et la question de la diversité ethnique émergèrent

comme des facteurs majeurs dans la vie politique en Grande-Bretagne après la

publication d‟un rapport de la commission pour les relations communautaires

(Community Relation Commission) sur la participation politique des minorités en

1975. Les partis politiques britanniques prirent des initiatives afin d‟attirer

l‟électorat issu des minorités ethniques et particulièrement l‟électorat noir222

.

L‟électorat noir, notamment les immigrants des anciennes colonies britanniques en

Afrique et aux Antilles, était mieux représenté au sein du parti travailliste qui, à

partir de la publication dudit rapport sur la participation des minorités ethniques

aux élections en Grande-Bretagne, forma un groupe d‟action raciale (Race Action

Group) comme groupe de pression au sein du parti afin d‟influencer ses décisions

sur les questions raciales223

.

Dans ce contexte, le comité des affaires intérieures (the Home Affairs

Committee) du parti travailliste, partant du constat de l‟importance du vote noir,

suggéra des politiques sur l‟immigration, la nationalité britannique et l‟action

positive. Ces politiques furent mises en œuvre pour gagner le soutien des minorités

ethniques lors des élections et favoriser l‟établissement d‟une relation solide avec

la classe ouvrière à laquelle appartiennent beaucoup des gens issus de la minorité

noire.

Par ailleurs, dans le but de s‟organiser comme groupe de pression

afin d‟influencer les décisions du parti travailliste, une section noire (Black Labour

Section) fut formée par les militants noirs vers la fin des années soixante-dix.

222

M. Anwar, Race and Politics, p.84. 223

Ibid. p.89.

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Animée par le désir d‟arracher une reconnaissance, l‟action de cette section

consistait à assurer le soutien de la politique du parti travailliste à travers le

recrutement des Noirs pour le parti et l‟affirmation de leur présence dans ses

structures et sur les listes électorales lors des élections224

. Le succès de la section

noire du parti était organisationnel plutôt que politique. C‟est un groupe de pression

constitué non pas sur programme politique, mais plutôt par le besoin de la

reconnaissance et de la représentation des Noirs. Avec l‟élection de quatre Noirs

lors des élections parlementaires de 1987, la communauté noire réussit à se frayer

un chemin dans le paysage politique britannique.

Le parti conservateur adopta au début une ligne très dure quant à

l‟immigration. Avec le constat que le vote noir a un poids lors des élections, ce parti

lança également une compagne pour le recrutement des Noirs à partir de ses défaites

successive à partir de 1974225

. Les conservateurs formèrent en 1976 un département

central pour les affaires communautaires (Central Office Department of Community

Affairs) à qui la promotion des relations du parti avec les minorités ciblées fut

assignée. Des unités spéciales des minorités ethniques au sein du département des

affaires communautaires comme la société anglo-asiatique (Anglo-Asian Society) et

la société anglo-indienne (Anglo-Indian Society) furent formées pour recruter des

sympathisants au sein de ces minorités ethniques et promouvoir l‟image du parti

conservateur. Après la dissolution de ces unités, „ One Nation Forum’ fut établi

comme organisation multiraciale qui fonctionne comme organisme consultatif pour

le parti226

. Le forum qui, compte environ 60 membres, y compris des représentants

de toutes les minoritaires ethniques, est censé rassembler les idées et les sentiments

de toutes les composantes du pays afin de refléter la diversité ethnique de la

société britannique.

Le parti libéral est très connu par ses positions contre la

discrimination raciale et la défense des droits des immigrés. Ce parti a rejeté, par

exemple, les décisions prises quant à la restriction de l‟arrivée des immigrés des

224

T. Sewell, Black Tribunes, p.23. 225

Ibid. p.85. 226

Ibid. p.65

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pays du Commonwealth. Pour traiter les questions de race et d‟immigration, le

parti traite les questions de race et d‟immigration, à partir de 1969, à travers le

Community Relations Panel227

, organisme qui se réunit régulièrement pour

conseiller le parti sur les questions de race et d‟immigration, surtout lors des

campagnes électorales. Avec l‟apparition du parti social-démocrate sur la scène

politique britannique pendant les années quatre-vingt, la campagne social-

démocrate pour la justice raciale (Social Democratic Campaign for Racial Justice)

fut organisée comme un organisme multiracial dont la fonction consiste à recruter

des gens issus des minorités ethniques.

Le parti national du pays de Galles (Plaid Cyrmu) et le parti

national écossais (Scottish National Party) essayent également de favoriser

l‟intégration politique des personnes issues des minorités ethniques. Cette stratégie

s‟est traduite par l‟élection d‟un candidat issu de la communauté pakistanaise au

sein du parlement écossais et l‟entrée d‟un autre candidat à l‟assemblée nationale

galloise en 2004. Pourtant, le poids du vote des minorités ethniques en Ecosse et au

pays de Galles ne pèse pas de la même force qu‟en Angleterre. En effet, l‟Ecosse et

le pays du Galles abritent uniquement une proportion faible des minorités ethniques

en Grande-Bretagne, 1,25%, d‟où l‟absence d‟organismes au sein de ces partis pour

stimuler le vote des minorités ethniques.

En somme, les partis politiques britanniques qui constituèrent au sein

de leurs partis des organismes pour promouvoir l‟image des partis au sein des

minorités ethniques reconnurent l‟importance du vote ethnique lors des élections.

La présentation des candidats issus des minorités ethniques, ou la traduction des

programmes politiques en langues des minorités, sont des pratiques destinées à la

mobilisation de ces minorités et à s‟assurer de leur soutien lors des élections.

L‟importance des minorités ethniques dans le processus politique britannique est

donc incontestable. Pourtant, la représentation des minorités ethniques dans le

parlement britannique est très faible par rapport à la proportion de ces minorités

dans la population britannique. Avant 1987, il n‟y avait eu que quatre

227

M. Anwar, Race and Politics, p.91.

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parlementaires issus des minorités ethniques, élus en 1841, 1892, 1895 et le dernier

en 1922. En 1987 quatre parlementaires noirs ont été élus. Depuis, le nombre de

parlementaires issus des minorités ethniques augmente régulièrement à chaque

élection dans un Parlement qui comprend 646 membres depuis 2005. Les trois

principaux partis ont présenté aux dernières élections de 2005 et 2010 des

candidats non-blancs sur des postes éligibles. Un candidat du parti libéral a été élu

lors d‟une élection partielle en 2004. Les conservateurs ont deux représentants de la

diversité dans la chambre des Communes actuelle. A la chambre des Lords, le

premier pair indien fut nommé en 1919 et le premier Noir en 1969. Il y a

actuellement 31 représentants de la diversité sur un total de 746 pairs.

La progression de la représentation des minorités est quasiment

microscopique et, à ce rythme, il faudrait plusieurs décennies avant que cette

dernière ne reflète véritablement la composition ethnique du pays228

.

L‟augmentation de la représentation des minorités ethniques dans ce processus

politique est liée à l‟intégration des structures des partis dans le but d‟assumer des

rôles politiques au sein des institutions politiques britanniques : partis politiques,

syndicats, parlement229

. De même, les partis politiques sont invités à encourager

l‟intégration des minorités ethniques dans le processus politique.

2.3 La communauté arabe et la participation politique

La participation politique de la communauté arabe à Londres

fonctionne selon deux dimensions. D‟un côté, l‟une des manières les plus concrètes

de manifestation à caractère politique est l'action spontanée de protestation et de

révolte pour apporter un soutien au profit des événements en relation avec le

monde arabe. De l‟autre côté, la dimension formelle se traduit par le fait de

rejoindre les partis politiques ou de manifester une volonté globale ou individuelle à

l‟occasion d‟une élection à travers le vote.

228

D. Lassalle, Les Relations raciales, p.123. 229

M. Anwar, Race and Elections, p.50-151.

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2.3.1 Participation informelle : une participation protestataire

Le soutien aux questions du monde arabe reste le terrain de

l‟investissement politique d‟une grande catégorie de la communauté arabe de

Londres. Des rassemblements publics à une grande échelle s‟organisent pour

exprimer le sentiment amer de la communauté au sujet des guerres et des conflits

au Moyen-Orient. Cette dimension de la participation politique a un caractère

transnational fort et le conflit au Moyen-Orient reste l‟axe autour duquel pivote

l‟action politique. Il continue d‟être une impulsion pour rassembler les membres de

la communauté arabe de Londres. La mobilisation politique lors des élections dans

la société d‟accueil, comme facteur favorisant l‟intégration, est encore loin d‟avoir

un poids significatif. Cette démobilisation politique peut être expliquée aisément

par le manque d‟une culture de participation politique antérieure et solide dans les

pays d‟origine. En effet, l‟initiation à la pratique politique et électorale après

l‟indépendance dans la plupart des pays arabes est dominée par une rupture entre

gouvernants et gouvernés230

.

La vie politique dans ces pays fut confisquée non seulement par un parti

unique mais par une seule personne promue au rang de source de l‟autorité231

. Dès

le début, la participation politique au sens moderne fut diminuée par la lutte

nationale et la nécessité d‟établir des pratiques unificatrices qui furent propagées et

diffusées sous forme d‟une culture traditionnelle basée sur le concept de

consensus232

. Cette préoccupation fut maintenue dans la construction de l‟Etat

national et se manifeste dans une appropriation prépondérante de l‟Etat par une

classe qui accumule tous les pouvoirs et exerce sa propre domination politique.

Le résultat fut d‟abord la mise en place d‟une autorité

charismatique qui marginalise toutes les couches sociales, dont la liberté octroyée

consistait à chanter la gloire d‟un pouvoir unique. Une participation plus active

230

Arab Human Development Report 2002, p.108-109. 231

L. Anderson, „Democracy in the Arab World: A Critique of the Political Culture Approach‟, Political

Liberalization and Democratization in the Arab World, p. 84. 232

S. Ibrahim, „Liberalization and Democratization in the Arab World: an Overview‟, Political Liberalization

and Democratization in the Arab World, p.29-57.

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dans la vie politique est occultée par une confiscation du droit exclusif d‟exercer

l‟autorité politique. Les institutions de la société civile se maintiennent grâce à un

appui étatique qui fournit le moyen et les instruments de la répression légale pour

éliminer toute contestation dans certains pays. Cette pratique engendra le discrédit

des organisations politiques et entraîna un vide institutionnel et idéologique.

Les activités transnationales de la participation politique ne

signifient pas que les membres de la communauté arabe de Londres ne s‟intéressent

pas à l‟activité politique dans le pays d‟accueil. La participation politique dans les

systèmes politiques et électoraux du pays d‟accueil, comme exemple concret d‟une

tendance à l‟intégration au sein de la société britannique, reste faible. Cette faible

participation s‟explique par un discours dominant de „retour‟ au pays arabe

d'origine chez certains. Étant donné que de nombreux Arabes pensent que leur

séjour en Grande-Bretagne est temporaire, il n'est pas étonnant qu'il y ait une

réticence à assumer des fonctions publiques d‟engagement implicite dans le pays de

la résidence actuelle233

. Un grand nombre de membres de la communauté arabe

sont engagés dans des activités de lien entre la Grande-Bretagne et le monde arabe,

que ce soit dans le journalisme, la finance, ou les opérations commerciales.

Pourtant, une catégorie de la communauté arabe tient un discours de l‟ethnicité et

de la citoyenneté combiné avec un positionnement comme membres de la société

britannique. Sans parler explicitement d‟assimilation, se révèle le désir de

s‟accommoder et de contribuer à la société britannique afin de s‟intégrer

politiquement.

2.3.2 Participation formelle : expression de citoyenneté et d’intégration

Les membres de la première génération de la communauté arabe de

Londres se considéraient comme des étrangers ou des résidents temporaires.

Politiquement passifs, ils ne s‟intéressaient pas à la vie politique de la société

d‟accueil par souci d‟obéir aux lois et d‟éviter les ennuis. Les premiers arrivants se

233

K. Ghada, „the Arab Community and British Public life: the Need for Greater Participation‟, Arabs in Britain,

[Conference on Arab communities in Britain, Saturday 6th October 1990, University of London, School of

Oriental and African studies] p.29-32.

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marginalisèrent en s‟attachant obstinément à leurs coutumes sans mixité sociale

avec les autres communautés. Leur seule activité politique était l‟organisation

communautaire et les activités à domination professionnelle par les travailleurs

immigrés du Yémen234

. Le regroupement sur une base religieuse, pour les premiers

immigrants, était également l‟illustration de la communauté, du pays et de la nation.

Le manque d‟intérêt politique changea relativement avec l‟arrivée en

Grande-Bretagne d‟une nouvelle vague d‟immigrants qui, contrairement aux

premiers, était bien qualifiés et politiquement active. Le niveau d‟éducation et le

statut social des nouveaux arrivants, qui fréquentaient les universités européennes et

appartenaient à l‟élite intellectuelle et politique du Moyen-Orient, sont à l‟origine

de leur participation et de leur ouverture sur la société britannique.

La participation politique entre générations qui composent la communauté

arabe de Londres est différente. L‟activité politique participante dans la société

d‟accueil est gouvernée par plusieurs facteurs. Les personnes avec un capital

scolaire et intellectuel très élevé tendent à être plus politiquement actives. Plusieurs

facteurs influent sur la participation politique, notamment le capital intellectuel, le

genre, l‟âge et le degré d'adaptation culturelle. La participation politique diffère

entre femmes et hommes. Cette diversité semble être l‟incarnation même de la

situation arabe où le taux de participation politique des femmes reste limité.

La tentative d‟individus de la communauté arabe de se présenter comme

candidats lors d‟élections locales et parlementaires, aussi bien que la formation

d‟un parti politique lors des dernières élections législatives de 2005 - Arab Party

of Civilisation- par un groupe des élites arabes, des intellectuels et des hommes

d‟affaires britanniques d‟origine arabe, est un exemple concret d‟une tendance au

sein d‟une minorité voulant trouver ce qu'elle considère comme une voix plus

appropriée d‟intégration dans la société britannique. Elle commence à montrer un

intérêt accru à la participation dans la vie politique en Grande-Bretagne,

contrairement aux premières générations d'immigrés arabes qui s'étaient investis

234

F. Halliday, „Yemeni Workers‟ Organisation in Britain‟, Race and Class, April-June 92, p.47-61.

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plus dans les domaines économiques et financiers sans prêter intérêt à la

participation dans le processus de prise de décision politique. La ligne politique

tracée par ce parti est construite sur deux piliers, à savoir l‟identification ethnique

arabe et l‟appartenance à la société britannique.

Ce groupe d‟activisme politique cherche à être panarabe, c‟est-à-dire à baser

son union non sur une religion commune, mais sur une „arabité‟. Tout en

s‟identifiant avec le monde arabe, ce groupe politique est davantage concerné par

l‟intégration politique dans le pays d‟accueil. La construction de la communauté

arabe comme composante de la société britannique est une préoccupation de ces

élites qui espèrent avoir une influence sur les questions politiques concernant le

monde arabe.

La promotion de l‟arabité comme identité conjuguée avec l‟attachement

citoyen à la société britannique traduit la préoccupation d‟une partie de la

communauté arabe d‟affirmer sa citoyenneté au sein de la société britannique au

lieu de préconiser une tendance purement transnationale. Le positionnement comme

membres de la société britannique et comme citoyens est un intérêt majeur.

Autrement dit, cette catégorie favorise une citoyenneté à travers l‟affirmation de

l‟arabité comme composante d‟une société britannique multiculturelle. C‟est un

premier pas vers l‟intégration de la communauté arabe dans la vie politique

britannique. Désormais il y une tendance à l‟intégration dont le relais est entre les

mains uniquement d‟une élite et la participation politique arabe reste limitée

puisqu‟il n‟y a actuellement aucun élu arabe au sein du parlement britannique

même si les partis politique commence à présenter, lors des élections, des personnes

appartenant à cette minorité : deux candidates étaient présentées lors du scrutin

législatif de 2005 sous les couleurs du parti conservateur.

3. La communauté arabe et l’intégration socioculturelle

Dans une situation d‟immigration, les minorités, avec des repères culturels

différents, sont confrontées généralement à un dilemme de déchirement entre une

tendance naturelle à préserver leur singularité culturelle et la pression à

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l‟assimilation et à l‟intégration exercée par le nouvel environnement culturel. Ce

dilemme devient très problématique lorsque la résistance au processus de

l‟intégration culturelle est renforcée paradoxalement par deux facteurs, à savoir

d‟une part, l‟attachement excessif du groupe minoritaire à sa culture et le rejet de la

culture de la société d‟accueil, et d‟autre part, la réticence exprimée par cette

dernière.

L‟organisation sociale dans la société arabe est construite sur l‟affiliation

culturelle. La famille est l‟institution sociale à travers laquelle individus et groupes

se transmettent leurs traditions et valeurs. Elle est l‟incarnation des valeurs

traditionnelles et le centre de l‟organisation sociale et des activités socio-

économiques. Sa construction sur des unités socio-économiques se manifeste par

la coopération entre tous les membres de la famille pour assurer sa continuité et sa

position dans la communauté235

. Le concept de la famille reflète un engagement

mutuel et une relation d‟interdépendance et de réciprocité qui relie tous les

membres de la famille par des liens de soutien et de solidarité236

. Pour mesurer

l‟intégration socioculturelle de la communauté arabe à Londres, cette section a pour

but de mettre la lumière sur son adaptation socioculturelle à travers l‟exploration

des rapports au sein de la famille et les tendances de la préservation culturelle ou de

l‟intégration culturelle participante.

3.1 La communauté arabe : entre tradition et modernité

La famille arabe est traditionnellement caractérisée par son aspect patriarcal

qui est hiérarchique selon le sexe et l‟âge. Ce modèle de l‟organisation patriarcale

stipule que tous les membres de la famille arabe, y compris l‟épouse et les enfants

célibataires vivant sous le même toit, sont subordonnés à l‟autorité du père. Cette

vie communautaire répond de façon générale à des impératifs fondés selon un

ordre à la fois économique et social237

. La position du père au sommet de pyramide

235

H. Barakat, The Arab World, Society, Culture and State, p.97. 236

Ibid. p.98. 237

D. Posusney, Women and Globalization in the Arab Middle East, p. 83.

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119

de l‟autorité lui permet d‟avoir un pouvoir économique d‟une part et une autorité

sans partage de l‟autre238

.

Par ailleurs, la société arabe traditionnelle assigne un rôle secondaire à la

femme qui est souvent exclue de la division du travail et en tutelle perpétuelle239

.

Dans la hiérarchie de l‟autorité, chaque sexe se trouve préparé à son rôle dans la

vie. La sœur est soumise au frère et la mère est soumise au père qui décide de tout

dans les domaines privés tels que le mariage et le divorce d‟une manière qui suscite

une crainte à son égard240

.

Dans le nouvel environnement culturel, des mutations s‟accomplissent au

sein de la famille arabe suite à l‟émergence des unités socio-économiques

compétitives et à l‟entrée de la femme dans le monde du travail. La famille

traditionnelle avec ses implications en termes du contrôle des jeunes, du statut de la

femme et du mariage arrangé est défiée par l‟idéologie de l‟individualisme et de la

liberté.

Autrement dit, la tradition patriarcale et la stratification des familles sur la

base du sexe et de l‟âge sont contestées. Même si la famille reste patriarcale et

hiérarchique dans sa structure, une tendance à partager l‟autorité et la responsabilité

entre membres de la famille commence à gagner le terrain. Comme immigrant, le

père, qui voit son rôle de seul pourvoyeur remis en question, se trouve dans une

situation nouvelle avec laquelle il est appelé à composer et à s‟adapter, notamment

lorsqu‟il s‟agit de son autorité sur ses enfants et particulièrement sur ses filles,

symbole de l‟honneur de la famille. Quant à la mère, elle s‟adapte un peu mieux à

sa nouvelle situation et acquiert plus de droits que dans le pays d‟origine.

De ce fait, ce revirement au sein de la famille arabe aide les jeunes issus de

l‟immigration à adopter et assimiler facilement les valeurs de la société d‟accueil.

A l‟aide de l‟école et des amis, un transfert culturel survient dans la vie de la

jeunesse. Désormais, elle connaît une double vie, à la maison et à l‟extérieur, avec

238

M. Nydell, Understanding Arabs, p.52. 239

J. Minces, La Femme dans le monde arabe, p.38. 240

M. Nydell, Understanding Arabs, p.48.

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une double identité, même si l‟identité britannique est certainement plus dominante

chez certains. Les valeurs adoptées par la jeunesse arabe en situation d‟immigration

entrent assez régulièrement en contradiction avec les valeurs des parents, surtout sur

la base de plusieurs aspects de la vie quotidienne comme les rapports entre les

sexes.

Les parents se sentent donc menacés dans leur autorité d‟où des conflits de

générations, qui existent même dans le pays d‟origine, mais qui sont plus complexes

et amplifiés dans le contexte de l‟immigration. Les conflits de générations occupent

une place centrale dans les rapports au sein de la famille arabe. Ces conflits se

situent au niveau de la collision entre une vision qui ne souhaite pas renoncer à ses

normes et une ouverture sur les normes du milieu d‟accueil. Ce conflit engendre un

déchirement de la jeunesse arabe entre les traditions affichées pour faire plaisir aux

parents et les désirs de comportement moderne.

Le processus d‟intégration aux principes et à la morale de la société d‟accueil

est confronté aux blocages posés par la diversité des prescriptions culturelles. Si,

dans la famille occidentale, l‟esprit de liberté persiste, la famille arabe s‟attache

aux traditions. De manière générale, on constate chez la communauté arabe une

hésitation entre plusieurs types de comportements. Dans le discours sur les

traditions, l‟adoption des attitudes nouvelles à l‟égard des valeurs de la société

d‟accueil s‟oppose à l‟attachement aux traditions. Pour ceux qui suivent ce

cheminement et cet esprit, la modernité commence là où prend fin l‟éducation

traditionnelle teintée de restrictions qui fait l‟objet de critiques acerbes dans une

autre catégorie de la communauté arabe.

Si, chez le groupe dominant, le mariage est une modalité parmi d‟autres pour

constituer une famille, pour la majorité écrasante de la communauté arabe de

Londres, le mariage est le seul moyen pour fonder une famille ou pratiquer une

sexualité241

. Ainsi, le domaine de la sexualité est un grand domaine de désaccord

entre les deux communautés. Chez le groupe minoritaire arabe, la sexualité est régie

241

N. El Saadawi, The Hidden face of Eve, p. 145.

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par des règles sociales qui sont appliquées uniquement au sexe féminin malgré les

lois religieuses qui énoncent que le seul cadre légal de la sexualité pour les deux

sexes est le mariage. En appliquant cette règle aux filles, la virginité est la condition

essentielle de la réussite de son mariage. Sa préservation est une préoccupation de

l‟entourage et la plus grande partie de l‟éducation réservée aux filles est liée à ce

souci242

.

S‟agissant de la sexualité d‟une personne mâle, les migrants ne lui appliquent

aucune restriction sérieuse. D‟autant plus qu‟un homme, selon les lois sociales, ne

se surveille pas. Le fait même de savoir que le fils mène une vie sexuelle active est

une source de fierté pour les parents et la preuve de sa virilité. Si l‟homme ne doit

pas être surveillé, une femme, par contre, doit l‟être sous prétexte que la moindre

défaillance dans la surveillance peut porter préjudice à une famille. Les migrants

désignent ce préjudice par des expressions comme la honte ou le déshonneur. Tous

les termes utilisés renvoient à l‟honneur. Il s‟ensuit que la réglementation propre à

la sexualité féminine et, plus globalement, le statut social de la femme, est lié à

l‟honneur de son groupe familial243

.

Toute union qui se fonde entre deux personnes sans passer par le mariage

est considérée comme transgression des lois religieuses et sociales. Le

concubinage est toléré pour le fils tant qu‟il n‟est pas marié. En revanche, les filles

sont soumises à une règle qui associe le fait de vivre en concubinage à la

prostitution. Dès lors, la fille est censée se préserver jusqu‟à son mariage. Le fait de

vivre en union sans lien légal est considéré comme signe de déviation morale

grave et un symptôme socialement reconnu comme signe de „dépravation‟ dans les

mœurs par la communauté ethnique. On voit, à partir de ce raisonnement et par le

rejet du concubinage, l‟importance assignée au mariage comme seul cadre

permettant une sexualité positive.

En résumé, dans le milieu migratoire, les attitudes sociales sont restées

relativement constantes avec une exigence de conformité aux normes culturelles

242

J. Tucker, „The Arab Family in History „‟ Otherness‟‟ and the Study of the Family,‟ Arab Women, p. 197. 243

M. Nydell, Understanding Arabs, p. 43.

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arabes. Les attitudes arabes sont influencées par la religion et la tradition morale244

.

Les traditions pivotent autour du rôle de la famille, les rapports entre les sexes et le

niveau de la morale sociale. Les normes occidentales sont ressenties comme un

danger, une menace pour un édifice socioculturel fondé sur l‟islam245

3.2 Le mariage mixte : voie d’intégration ?

Le mariage arabe développe plusieurs logiques. Chacune menée à son

terme, présente strictement le contraire des caractéristiques par lesquelles celui-ci se

définit : on passe d‟une volonté de proximité consanguine et statutaire à

l‟éloignement consanguin et à la hiérarchisation des lignées, du refus de l‟échange à

la distinction preneurs/ donneurs des femmes ; enfin du mariage avec la fille du

frère du père à l‟échange des sœurs. L‟unique façon de ne pas aller au bout de ces

logiques contraires consiste à mener une politique matrimoniale d‟ouverture vers

l‟extérieur246

.

Le mariage est traditionnellement perçu comme un mécanisme pour la survie

humaine, le renforcement des liens de la famille et la préservation des biens à

travers l‟héritage. Dans la société arabe, c‟est une affaire familiale plutôt qu‟une

affaire individuelle247

. Le système du mariage arrangé qui stipule l‟intervention des

parents lors du choix des conjoints de leurs enfants est liée à ce concept du mariage

comme affaire de famille248

. La culture dominante dans la société arabe a tendance

à accorder une grande importance à des conditions comme la conformité, la honte,

l‟obéissance et la collectivité. L‟endogamie, qui fut privilégiée dans la société arabe

traditionnelle jusqu‟à nos jours, est d'origine préislamique. Elle était récurrente

avant comme après la révélation coranique. Comme particularité du système des

244

H. Amdouni, La Famille musulmane, p. 125. 245

J. Minces, La Femme dans le monde arabe, p. 161. 246

E. Copet-Rouger, „ Le mariage arabe : une approche théorique‟, Epouser au plus proche, p.457. 247

Ibid. p.107. 248

M. Nydell, Understanding Arabs, p.75.

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alliances dans le monde arabo-islamique, l‟endogamie est encore dominante chez

les membres de la communauté arabe de Londres.

Dans le contexte diasporique, la pratique du mariage révèle, comme le

graphique ci-dessous le montre, que l‟endogamie est toujours en vigueur et peut

prendre plusieurs formes, notamment ethnique, religieuse, ou nationale. La règle

régissant le domaine des échanges matrimoniaux prévoit une endogamie quasi

absolue pour les femmes, et préférentielle en ce qui concerne les hommes. Cette

endogamie peut être restreinte, allant jusqu‟à la limitation du choix du conjoint au

groupe national. Elle peut aussi s‟étendre au groupe linguistico-religieux, voire au

groupe d‟appartenance religieuse au sens large du terme. Le groupe d‟origine

religieuse arrive en tête des groupes au sein auquel nos enquêtés comptent choisir

leur conjoint, suivi du groupe arabe puis du groupe national. Le groupe exogame est

situé en bas de l‟échelle des choix des intéressés

3.2.1 Endogamie : quand la religion s’impose

L‟endogamie a pour effet la contribution de façon déterminante à la création

d‟un groupe intégré et la limitation de sa tendance au fractionnement. C‟est une

tendance à contracter un mariage à l‟intérieur d‟un groupe partageant des

0

50

100

150

200

250

300

endomagie religieuse

endogamie ethnique

exogamie endogamie nationale

Attitudes quant au choix du conjoint (n500)

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124

caractéristiques communes. Le prétexte de ce choix est le fait qu‟un mariage à

l‟extérieur du groupe peut affaiblir l‟appartenance au groupe et engendrer sa

désintégration. La question de l‟origine ethnique du futur conjoint revêt un caractère

primordial pour une grande partie de la communauté arabe de Londres. Les

questionnés évoquent le désir de garantir la continuité de la manière d‟être et la

stabilité de la vie conjugale, de même qu‟une sécurité affective, psychologique.

L‟endogamie ethnique est considérée également bénéfique pour les parents et la

collectivité et une forme d‟entraide entre familles par le renforcement des liens

interfamiliaux et intrafamiliaux d‟un même groupe ethnique.

L‟endogamie ethnique peut se retreindre jusqu‟au groupe national. Les

personnes qui optent pour des conjoints issus de ce même groupe évoquent

l‟importance de la „parenté des origines nationales‟ au sein du couple. Cette parenté

nationale est considérée comme condition nécessaire à la réussite de la vie

conjugale.

L‟islamité du conjoint demeure toutefois le critère auquel se réfère la

majorité écrasante pour valider le choix du conjoint. Cette mise en avant de

l'identité religieuse est repérable dans les intentions relatives au choix du futur

conjoint chez les femmes plus que les hommes. En ce qui concerne les jeunes filles,

la loi civile, en conformité avec la loi religieuse, leur interdit, presque partout,

d‟épouser un non-musulman249

. L‟endogamie religieuse constitue donc un

paramètre assez important dans les possibilités matrimoniales étant donné que la

religion musulmane tend à favoriser le mariage interconfessionnel. En donnant cette

primauté à l'appartenance religieuse, les répondants se démarquent nettement par la

valorisation et l‟identification religieuse.

En effet, la référence à l'islam chez les parents n'affecte guère leur sentiment

d'appartenance aux groupes auxquels ils estiment appartenir en premier lieu

(national, linguistique, culturel) ; même si, sur le plan du discours des migrants,

l'appartenance musulmane se confond parfois avec les autres types avec une

249

J. Minces, la femme dans le monde arabe, p.66.

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variation au sein de la communauté arabe en ce qui concerne l‟endogamie

religieuse. Les musulmans ont tendance à se marier avec des personnes de même

religion plus que les Arabes chrétiens.

En limitant leur choix à une endogamie ethnique ou religieuse, les

questionnés restent dans la limite de ce que la famille peut tolérer dans le domaine

des alliances matrimoniales. Les parents cherchent à donner à leur enfants les

mêmes idéaux qu‟eux : ils doivent se conduire socialement selon la norme du

groupe. La conformité aux règles courantes du groupe exige une certaine identité et

la conscience religieuse dans ce cas est très importante. Le mariage est sans doute le

point à propos duquel la volonté des parents et la volonté des jeunes filles ont la

plus grande difficulté à s‟accorder. On assiste ainsi à un glissement du mariage

forcé au mariage arrangé qui respecte éventuellement les normes et les exigences

des parents. Dans l‟ensemble, le choix d‟un conjoint au sein du groupe minoritaire

arabe à Londres est gouverné par une tendance endogame ethnique, nationale ou

religieuse.

Pourtant cette tendance est mise en question par une partie de la communauté

arabe qui s‟ouvre aux autres groupes ethniques.

3.2.2 Exogamie ou la relation déchue d’appartenance

Contrairement aux façons de percevoir le mariage au sein du groupe

religieux, ethnique ou national, une série d‟opinions se singularise sur les

conceptions ethniques, religieuses et nationales relatives aux choix du conjoint. Ce

choix met en avant la dimension individuelle et relationnelle d‟un choix conjugal.

Les personnes qui optent pour un mariage exogame, hors du groupe religieux,

national ou ethnique, évoquent les contraintes qu‟implique le mariage avec une

personne du même groupe. Le mariage exogame se présente comme un moyen

d‟échapper aux règles sociales perçues comme entraves au bon déroulement de la

vie conjugale.

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D‟autre part, une corrélation positive est généralement trouvée entre taux

de mariage exogame et éducation, qui affaiblit les attachements ethniques et

augmente le contact avec des personnes appartenant aux autres groupes ethniques.

L‟émigration des élites ne pose guère de problèmes : l‟intégration se fait d‟autant

plus facilement que le processus d‟occidentalisation a été entamé bien avant le

départ250

. Ceux de la communauté qui ont un niveau d‟éducation plus élevé ont

tendance à se marier sans prendre en compte l‟origine ethnique du partenaire. Cette

tendance, qui voit une association positive entre niveau d‟éducation et mariage

exogame, varie pour les deux sexes. Les espaces d‟autonomisation du sexe

féminin au sein des familles arabes sont restreints. L‟inscription dans des rapports

sociaux et familiaux est fondée sur des statuts et des rôles différents en fonction du

genre à travers souvent un projet parental qui s‟oppose au mariage exogame et

encadre parfois avec force la vie familiale et matrimoniale des jeunes filles. En

outre, les traditions culturelles arabes sont fortement patriarcales et tendent à placer

de plus grandes contraintes culturelles sur les choix matrimoniaux : c‟est la raison

du taux élevé de l‟approbation du mariage exogame chez les hommes.

Conclusion

L‟étude des tendances identitaires de la communauté arabe à Londres révèle

la disparité culturelle entre la communauté anglaise et la minorité visible arabe.

Dans la culture arabe, le système traditionnel de valeur est collectif dans son

orientation. Les relations au sein du groupe sont hiérarchiques et dominés par la

conformité aux coutumes et traditions. Les relations au sein de la famille sont

définies par la division des rôles selon le sexe. Inversement, chez le groupe

majoritaire, le système de valeur est individualiste en accordant l‟importance à

l‟individu, à l‟indépendance, et à la liberté individuelle. Les valeurs familiales

arabes entrent en contradiction avec le système de valeurs occidentales. Dans les

relations au sein de la communauté arabe, la menace de perdre les valeurs

250

J. Minces, La femme dans le monde arabe, p.62.

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traditionnelles arabes émerge avec l‟interaction entre les deux cultures. Les garçons

sont encouragés à entrer dans le nouvel environnement culturel, tandis que les filles

sont censées respecter les valeurs traditionnelles en évitant un comportement très

libéral.

Au-delà des adaptations nécessaires d‟ordre linguistique, culturel et social,

notamment l‟apprentissage de la langue locale, l‟ajustement aux valeurs locales

fondamentales de la société d‟accueil, l‟installation durable de la population

immigrée est à l‟origine des mutations socioculturelles. Cette métamorphose

culturelle se manifeste à travers la tendance, chez les nouvelles générations, à

exprimer des formes d‟insertion, des aspirations professionnelles, des

comportements culturels différents de ceux de leurs parents. L‟imprégnation

scolaire, l‟expérience sociale et professionnelle, individuelle et collective d‟une

génération issue de l‟immigration favorisent cette tendance. Cette génération peut

peser dans le débat politique en vue d‟une intégration politique participante qui peut

faire tomber les blocages culturels. La troisième partie de cette thèse s‟attachera à

analyser les hauts et les bas des rapports intercommunautaires entre la communauté

arabe de Londres et la société majoritaire britannique

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Troisième partie les rapports intercommunautaires : les vicissitudes

Chapitre VI : les rapports intercommunautaires du point de vue de la population

majoritaire

Introduction

La première partie de ce travail a donné un aperçu historique des

premiers contacts arabo-britanniques, de l‟émigration arabe vers la Grande-

Bretagne et de l‟émergence d‟une communauté arabe, tandis que la deuxième partie

a été consacrée à la présentation de cette communauté en examinant les aspects

démographiques, socioéconomiques, organisationnels et identitaires. Dans la

troisième partie, nous nous attacherons à explorer les relations interculturelles entre

la communauté arabe de Londres et la société d‟accueil.

Le poids des facteurs personnels et culturels distingue, au sein d‟un groupe

culturellement homogène, l‟interaction interpersonnelle de l‟interaction

interculturelle. Le rapport interculturel relie des groupes distincts par leurs

perceptions et cultures. En parlant des relations intercommunautaires, nous faisons

souvent référence aux relations entre différents groupes ethniques et culturels dans

une même société. Les modes de comportement qui prévalent à l‟intérieur du même

groupe tels que la coopération, l‟intimité et la solidarité ne sont pas nécessairement

les modes de comportement prévalant dans les relations intergroupes. Parfois,

l‟hostilité envers le hors groupe peut être proportionnelle au degré de la solidarité à

l‟intérieur d‟un même groupe ethnique. Un lien intercommunautaire, volontaire et

harmonieux entre deux communautés séparées par leurs repères culturels, est

conditionné par plusieurs éléments, notamment la qualité de la communication, la

connaissance mutuelle et l‟empathie.

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129

a. La connaissance mutuelle : clé d’une communication intergroupe

La communication est l‟établissement d‟un lien avec les autres. Ce rapport

se manifeste à travers l‟échange des idées, des sentiments, et des significations.

Les liens interpersonnels sont à la base de tous les rapports humains. Ils

constituent des interactions dans lesquelles les partenaires exercent une influence

réciproque sur leurs comportements lors de la rencontre. Le caractère interactionnel

des rapports interpersonnels implique l‟agissement des personnes sur leurs

comportements dans la communication interpersonnelle.

La diversité culturelle peut constituer une entrave à l‟aboutissement d‟un

rapport intercommunautaire. Ce rapport est le processus dans lequel des individus

qui n‟appartiennent pas à la même culture tentent d‟échanger des significations ou

d‟établir des contacts. A défaut de l‟appartenance à la même culture, les individus et

les groupes ont des idées, des sentiments et des comportements différents. L‟acte

communicationnel ne génère pas un effet réciproque. Les écarts culturels affectent

la dynamique de la rencontre et constituent des obstacles à la communication. La

tentative d‟établir des contacts reste suspendue en absence d‟une connaissance

mutuelle d‟autrui et de sa culture, comme l‟explique Martine Abdallah-

Pretceille :‘‘communiquer, c‟est échanger des informations en s‟appuyant sur des

codes, mais c‟est aussi entretenir une relation, située elle-même dans un contexte,

dans un temps et dans un lieu (…) Il ne s‟agit plus d‟élaborer ou de connaître des

grammaires culturelles établies à partir de nomenclatures mais de percevoir les

différentes figures de l‟altérité au sein même de la communication251

.‟‟

La culture, comme figure de l‟altérité, est un enjeu important dans les

relations intercommunautaires. Elle est un des aspects intrinsèques de la nature

humaine. Quand on est habitué à vivre dans un environnement culturel et dont on

peut cerner les limites, admettre l‟existence d‟autres modes de vie et de pensée

s‟avère souvent difficile. Notre culture et notre langage, cet outil à forger notre

251

M. Abdellah-Pretceille(ed), Diagonales de la communication interculturelle, p.17.

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130

pensée, imprègnent notre vie mentale252

. Ainsi, l‟épanouissement d‟un rapport

intercommunautaire exige, en premier lieu, la connaissance mutuelle des

spécificités culturelles de chaque communauté culturelle. Connaître autrui c‟est

vivre avec lui, c‟est parcourir avec lui un bout de chemin sur la route de l‟existence

en commun, dans le dialogue et la communauté de l‟action253

. Le manque de

connaissance d‟autrui et de sa culture mène à des problèmes de communication et

aux stéréotypes répétitifs. L‟amélioration des connaissances sur la culture d‟autrui

ne garantit pas pourtant de surmonter ces lacunes. La perception ethnocentrique

peut être à l‟origine des dérégulations du rapport intercommunautaire et la source

parfois de conflits et de tensions intergroupes. La connaissance ne peut être

réellement développée que si les groupes ethnoculturels ont conscience des

implications de la différence culturelle. Un échange affectif intercommunautaire ne

peut pas avoir lieu qu‟à travers un minimum d‟empathie pour instaurer un rapport

intercommunautaire.

b. L’empathie : attitude protectrice contre les tendances ethnocentristes

L‟entretien d‟un rapport intercommunautaire sain et enrichissant est lié au

respect et à la tolérance de la diversité culturelle. L'absence de ces valeurs ouvre la

porte à la divergence et au renfermement culturel qui peuvent aboutir à des conflits

intercommunautaires et des agressions tant verbales que physiques. La relation et la

qualité du rapport intercommunautaire sont susceptibles d‟être empoisonnées par le

manque de ces qualités humaines. La tolérance de la différence culturelle suppose

l‟adoption d‟une même considération et attitude envers les autres cultures et les

porteurs de ces cultures. Ces derniers doivent être acceptés comme égaux,

humainement parlant, avec la même valeur et la même importance que l'on voudrait

se voir accorder à soi-même. Ce genre de comportement est relié à une attitude

empathique : „‟L‟ensemble des efforts fournis pour accueillir autrui dans sa

singularité et qui sont consentis et mis en œuvre dès lors qu‟est acquise la

conscience de la séparation moi-autre et de l‟illusion communicative de

l‟identification passive à autrui. Cet effort de relation effective à autrui consiste à

252

R. Carpentier, La Connaissance d’autrui, p.2. 253

Ibid. p.122.

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dépasser la „règle d‟or‟ de la sympathie pour adopter la „‟règle de platine‟‟ propre à

l‟empathie254

.‟‟

L‟attitude empathique permet de mieux adapter les communications et les

contacts interculturels. Cette tendance favorise la compréhension des motivations et

des expériences d‟autrui. Elle représente la capacité de savoir ce qu‟éprouvent les

autres à un moment donné à travers l‟adoption de leur cadre de référence

culturelle. Les gens empathiques sont en mesure de comprendre les motivations et

les expériences des autres, de même que leurs attitudes, espoirs et attentes.

En un mot, l‟accès à l‟empathie est subordonné à l‟acceptation de la

diversité culturelle. La résistance à la tentation d‟évaluer, de juger, d‟interpréter ou

de critiquer est un pas vers la destruction des notions stéréotypées sur les races et

les cultures255

; ce qui permet de rompre avec les impulsions affectives en vue

d‟une rencontre effective avec autrui. De ce positionnement émane les possibilités

d‟atteindre un accommodement culturel et l‟instauration de liens

communicationnels harmonieux entre différents groupes ethnoculturels.

1. Protocole d’enquête sociologique

Les mouvements migratoires entre les deux rives de la Méditerranée

bousculent l'homogénéité relative de la société britannique. L‟aspect pluraliste

devient de plus en plus visible et prend de l'ampleur du fait que davantage des

nouveaux arrivants s'installent dans cette société. L‟établissement de communautés

cohésives (Community Cohesion) ayant une vision commune et un sentiment

d‟appartenance, surgit dans les débats suite aux attentats de Londres en juillet

2005. La gestion de la diversité culturelle pour une cohésion sociale entre les

différents groupes ethniques est au centre des débats. Notre travail est un compte

rendu de ce phénomène de l‟altérité (Otherness) saisie dans la mise en relation

entre la société majoritaire britannique à travers le cas de Londres et la minorité

254

G. Marandon, „Empathie et compétence interculturelle,‟ Empathie, p.95. 255

Ibid.p.91

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visible arabe ou d‟origine arabe. La question centrale que nous nous sommes posé

est la suivante :

Quel regard les Britanniques portent-ils sur la minorité arabe de Londres et

comment cette communauté se définit et se positionne-t-elle par rapport à la société

majoritaire ?

Cette question est sous-tendue par une hypothèse centrale à savoir que les

événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et du 7 juillet 2005 à Londres

ont ébranlé le modèle anglo-saxon. Un tel modèle vire à la stigmatisation de la

communauté arabe et musulmane portant ainsi préjudice à la cohabitation, à une

coexistence cosmopolite.

Pour répondre au questionnement posé, nous avons mobilisé un protocole

d‟enquête ciblant un échantillon de la population majoritaire, de la minorité arabe

et nous leur avons soumis un questionnaire relatif aux représentations réciproques

des uns et des autres. Nous avons également réalisé des entretiens semi-directifs

autour de la communication entre les deux parties, les modes de définitions de soi

et de l‟autre et les centralités d‟appartenance culturelle et religieuse. Nous avons de

même repéré le rôle des associations et des médias dans la cristallisation des

attitudes d‟entente cordiale, de rejet sans appel et de la force des préjugés, c‟est-à-

dire d‟une altérité radicale de part et d‟autre.

Plus concrètement, nous avons passé au crible un échantillon de 500

personnes de chaque partie ( britannique et arabe) par questionnaire et une

soixantaine d‟entretiens ciblant hommes et femmes, jeunes et moins jeunes et de

tous les milieux sociaux et des nationalités suivantes que nous allons citer par ordre

d‟importance : Liban, Iraq, Egypte, Maroc, Algérie. En absence des statistiques

ethniques, nous avons mené une enquête qualitative. Nous avons repéré les

populations enquêtées grâce à la disponibilité des volontaires locaux à nous

faciliter l‟accès au terrain.

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133

S‟agissant du rapport de la société majoritaire avec le groupe minoritaire

arabe, nous avons passé au crible les thèmes suivants :

L’attitude d’acculturation : Ce thème essaye d‟évaluer les cinq

orientations d‟acculturation élaborées par Richard Bourhis, notamment :

l‟intégration, l‟assimilation, l‟individualisme, la ségrégation et l‟exclusion256

.

L‟orientation intégrationniste accepte et valorise le maintien de la culture d‟origine

tout en favorisant en même temps l‟adoption de la culture d‟accueil par les

minorités culturelles. Par contre, l‟orientation assimilationniste prône l‟absorption

dans la culture d‟accueil et le renoncement à la culture d‟origine, tandis que

l‟orientation individualiste valorise peu le fait que les groupes minoritaires

cultivent leur culture d‟origine, ou adoptent celle de la société d‟accueil. Les

individualistes se définissent et définissent les autres plutôt en tant qu‟individus et

non pas comme membres d‟un groupe ethnoculturel. L‟orientation

ségrégationniste accepte que les immigrants maintiennent leur héritage culturel,

mais ne souhaitent pas qu‟ils adoptent, ou encore moins, influencent ou

transforment la culture d‟accueil. L‟orientation exclusionniste, non seulement, ne

tolère pas que les immigrants adoptent la culture d‟accueil, mais en plus nie aux

immigrants le droit de maintenir leur culture d‟origine. Les participants ont été

invités à répondre à des questions qui mesurent les cinq orientations

d‟acculturation et à se situer par rapport au lien que les immigrants doivent

entretenir avec leur culture d‟origine ainsi qu‟avec la culture du pays d‟accueil.

La connaissance d’autrui : cet élément du questionnaire est destiné à

mesurer la connaissance d‟autrui à travers des questionnes qui portent sur la

culture arabe et en particulier et les sources de l‟information sur autrui.

La perception et le désir de contact : cet élément du questionnaire est

destiné à évaluer la perception d‟autrui et la qualité du contact avec le groupe

minoritaire arabe. Les participants ont été invités à répondre à des items qui

évaluent les attitudes et mesurent le désir du groupe majoritaire d‟un

256

R. Bourhis, „Majority Acculturation Orientations towards Valued and Devalued Immigrants‟, Journal of

Cross-cultural Psychology, p.698-717.

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rapprochement avec le groupe ethnique arabe. Dans l‟élaboration de cet élément du

questionnaire, nous avons pris en compte les représentations sur les Arabes et les

musulmans véhiculées par les moyens de communication pour savoir à quel point

ces représentations persistent dans l‟imaginaire de la société britannique.

Dans un environnement culturel différent de celui du pays d‟origine, la

communauté minoritaire peut adopter plusieurs attitudes d‟ajustement et de

positionnement quant à son rapport avec la société majoritaire et sa culture. Ces

attitudes reflètent la manière dont elle perçoit la diversité culturelle et y réagit.

Pour le traitement du rapport de la communauté arabe de Londres avec la société

majoritaire, nous avons abordé la question du rapport intercommunautaire par le

biais des thèmes suivants257

.

L’ attitude d’acculturation : Pour mesurer les attitudes d‟acculturation des

membres de la communauté arabe, le modèle d‟acculturation structuré autour des

positionnements par rapport au contact avec la société d‟accueil ou la préservation

de la culture d‟origine élaboré par John Berry a été utilisé. Selon ce modèle, il

existe quatre types de stratégie d‟adaptation (processus) dont résultent quatre

modes d‟acculturation. Ainsi, on peut distinguer chez les membres des

communautés immigrés, cinq orientations d‟acculturation par rapport à la société

d‟accueil. Ces cinq orientations d‟acculturation découlent des réponses données à

deux questions : « est-il important de maintenir son identité et ses

caractéristiques » et « est-il important d‟adopter la culture de la communauté

d‟accueil » ?

Quand ils valorisent le maintien de la culture d‟origine tout en adoptant

certains éléments de la culture dominante du pays d‟accueil, les immigrants optent

pour l‟orientation intégrationniste. L‟orientation séparatiste correspond à la volonté

de maintenir tous les aspects de la culture d‟origine tout en rejetant ou en ignorant

la culture dominante du pays d‟accueil. L‟orientation assimilationniste se traduit

par la volonté d‟adopter entièrement la culture de la société d‟accueil tout en

257

Voir les annexes.

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abandonnant la culture du pays d‟origine. L‟individualisme est le choix de ceux qui

se définissent comme individus sans attacher aucune importance à l‟appartenance

culturelle.

Le modèle de Berry comprenait des items pour mesurer l‟intégration, la

séparation, l‟assimilation et l‟individualisme. Ces attitudes d‟acculturation ont été

considérées en fonction de certains facteurs comme l‟âge, le sexe et le niveau

d‟instruction dans le but de saisir les attitudes privilégiées par les membres de la

communauté arabe de Londres.

Les réseaux des relations interpersonnelles : notre questionnaire incluait

un élément appelé réseaux des relations interpersonnelles qui demandent aux

personnes questionnées d‟indiquer les membres du groupe ethnique qu‟ils

fréquentent régulièrement et leur désir de rapprochement avec les membres du

groupe majoritaire. A travers cet élément du questionnaire qui contient des

questions fermées et ouvertes, l‟objectif est de déceler les obstacles limitant

l‟épanouissement d‟un rapport intercommunautaire.

Les pratiques culturelles: c‟est un autre élément du questionnaire

triangulaire destiné à repérer comment une consommation culturelle diversifiée

peut contribuer à construire des ponts entre les groupes. Cette partie du

questionnaire incluait des questions sur les pratiques culturelles des immigrants en

matière de médias, la fréquentation des lieux culturels et la lecture. Le but est de

tester l‟hypothèse selon laquelle une consommation culturelle diverse est un moyen

de médiation culturelle entre immigrants et membres de culture majoritaire. Nous

avons choisi d‟inclure cet élément dans le questionnaire destiné au groupe

minoritaire arabe car nous partons du postulat que, dans une société multiculturelle

avec une culture dominante dont les enracinements historiques sont profonds, le

minimum de la connaissance de cette culture par les nouveaux arrivants est une

manière d‟établir des contacts intergroupes.

Ce travail s‟appuie donc sur des données qualitatives recueillies après

des entretiens approfondis. Le but n‟est pas de généraliser les résultats sur

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l‟ensemble de la population britannique et la minorité visible arabe ; plutôt le but est

d‟enquêter sur les entraves à la cohésion communautaire et de découvrir les

significations attachées aux comportements des uns et des autres. La nature de cette

recherche exige une méthodologie qui est propice à une analyse centrée sur les

populations étudiées. En utilisant les techniques qualitatives, l‟objectif était de

présenter un travail qui se fonde sur les explications données par ces populations en

ce qui concerne le rapport avec autrui. Ces techniques sont les plus appropriées à

cette étude qui est voulue illustrative en révélant les significations inhérentes aux

rapports intergroupes. La dernière phase de l‟enquête consiste à traiter les données

recueillies sur le terrain, c‟est-à-dire à les interpréter.

2. La culture et ses implications

2.1 Définition

Cerner le concept de « culture » s‟avère un exercice difficile. Le mot

séparé „culture‟ fait référence au travail de la terre visant à la rendre productive et

faire pousser les plantes. Le sens figuré, le développement des facultés

intellectuelles, apparaît sous la plume des humanistes de la Renaissance. La

signification qui est couramment donnée en anthropologie, à travers la référence à

un groupe ou à un peuple, correspond à une structure complexe de connaissances,

de codes, de représentations et de valeurs.

En fait, les anthropologues, les linguistes, les philosophes, les sociologues et

l‟ensemble des chercheurs en sciences humaines ont tenté d‟apporter leurs

définitions de « culture ». C‟est à partir de ces différentes disciplines qu‟en 1952

deux Américains, Alfred Kroebu et Clyde Kluckhom, dans leur livre Culture : A

Critical Review of Concepts and Definitions258

, dénombraient plus de 150

définitions différentes du mot culture en les classant sous les catégories de

définitions génétiques, psychologiques, normatives et structurales. Chaque

définition est différente à partir de la discipline dont elle est inspirée. A titre

d‟exemple, les définitions historiques définissent la culture comme héritage

transmis d‟une génération à l‟autre en mettant l‟accent sur la tradition et l‟héritage

258 L. Kroeber, C. Kluckohn (ed.), Culture: a Critical Review of Concepts and Definitions, p.77-141.

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social acquis à travers un processus de transmission ; tandis que les définitions

psychologiques définissent la culture comme comportement qui reflète la manière

d‟être et d‟agir entre êtres humains.

En menant la réflexion sur l‟homme et la société, la sociologie et

l‟ethnologie tentèrent également d‟apporter une réponse objective à la question de

la diversité humaine en s‟appuyant sur le mot culture comme outil privilégié pour

penser ce problème. C‟est à Edward Burnet Taylor, anthropologue britannique, dans

son ouvrage Primitive Culture, que l‟on doit la première définition du concept

ethnologique de la culture : „‟ Culture ou civilisation, pris dans son sens

ethnologique le plus étendu désigne ce tout complexe comprenant à la fois les

connaissances, les croyances, les arts, les coutumes et les autres facultés ou

habitudes acquises par l‟homme dans l‟état social259

.‟‟

Pour Taylor, la culture est l‟ensemble de connaissances acquises par un

individu qui expriment les traits distinctifs de sa personnalité et son mode de

comportement dans la société. Ses connaissances se caractérisent par une

dimension collective qui couvre plusieurs facettes de la vie humaine. Toutes les

activités et les productions humaines, selon cette définition large, font partie de la

culture. La discussion autour du concept « culture » dans les derniers temps

concerne la distinction entre culture et comportement humain. Pendant longtemps,

les anthropologues se contentèrent de définir la culture comme comportement

humain.

La culture englobe les règles de conduite et les convictions morales

auxquelles se réfèrent communément les membres d‟une collectivité pour fonder

leur jugement et diriger leur conduite. Maurice Godelier résume : „‟L‟ensemble

des principes, des représentations et des valeurs partagés par les membres d‟une

même société et qui organisent leurs façons de penser, leurs façons d‟agir sur la

259

A. Barbard, J. Spencer (eds.), Encyclopaedia of Cultural Anthropology. p.137. : „ Culture or civilization,

taken in its wide ethnographic sense, is that complex whole which includes knowledge, belief, art, morals, law,

custom, and any other capabilities and habits acquired by man as a member of society‟

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nature qui les entoure et leurs façons d‟agir sur eux-mêmes, c‟est à dire d‟organiser

leurs rapports sociaux, la société260

.‟‟

Les valeurs désignent les normes positives ou négatives qui influencent les

manières d‟agir, de vivre ou de penser dans une société. Cette définition de la

culture met au premier plan la part idéale de la vie sociale. Les principes, les

représentations et les valeurs, partagés ou contestés, servent de référence aux

actions des individus et des groupes qui constituent une collectivité. La culture

apparaît donc comme l‟ensemble des principes qui organisent le fonctionnement

d‟une société et qui éclairent la logique du comportement d‟individus et de groupes

qui la composent

Dans son sens anthropologique le terme « culture » désigne le mode de vie

d‟un groupe social : ses façons de sentir, d‟agir ou de penser et son rapport à la

nature, à l‟homme, à la technique et à la création artistique261

. Ainsi, la culture fait

référence au développement intellectuel, spirituel et esthétique d‟un individu, d‟un

groupe ou d‟une société, accentue les activités intellectuelles et artistiques et leurs

productions et désigne également la manière entière de vivre, y compris les

croyances, les coutumes d‟une collectivité. D‟une manière générale, les définitions

de la culture convergent en considérant la culture comme manière de penser, de

sentir et d‟agir qui sert à constituer les personnes en une collectivité particulière,

distincte et homogène. Ces manières de penser, d‟agir sont formulées dans des lois,

des formules rituelles, des cérémonies, et des connaissances. La fonction essentielle

de la culture est de réunir une pluralité de personnes en une collectivité. La culture

apparaît donc comme l‟univers mental, moral et symbolique commun à une

pluralité de personnes.

Le premier article de la déclaration universelle de l‟UNESCO sur la

diversité culturelle met l‟accent sur les termes culture, identité culturelle et

communauté culturelle. Cette diversité s‟incarne dans l‟originalité et la pluralité des

260

A. Durcos et al. (eds.), La Culture est-elle naturelle, p.218. 261

J. Ladmiral, E. Lipiansky (eds.), La Communication interculturelle, p.8.

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139

identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l‟humanité262

. Le

terme culture englobe les croyances, les valeurs, les traditions et les modes de vie

par lesquels une personne ou un groupe exprime les significations qu‟il donne à son

existence et à son développement. L‟identité culturelle est l‟ensemble des références

culturelles par lesquelles une personne ou un groupe se définit. La communauté

culturelle est un groupe de personnes partageant les références culturelles d‟une

identité commune. Le changement culturel intervient soit à la suite de nouvelles

inventions, soit après contacts entre des groupes appartenant à des cultures

différentes. Ainsi des termes tels que enculturation, acculturation décrivent

l‟acquisition de la culture par les individus depuis la naissance et les changements

culturels subis par des cultures en situation de contact.

2.2 Enculturation, acculturation

2.2.1 Enculturation

L‟acquisition de la culture n‟est pas inscrite, à la naissance, dans

l‟organisme biologique. Elle résulte plutôt des divers modes et mécanismes

d‟apprentissage. On appelle ainsi enculturation l‟ensemble des processus conduisant

à l‟appropriation de la culture de l‟entourage par l‟individu263

. Elle est le processus

par lequel les individus acquièrent la connaissance, les attitudes, et les valeurs de

leurs sociétés. L‟enculturation commence dès la naissance et continue jusqu‟à la

mort. On apprend, par exemple, le respect des symboles de la nation en faisant un

engagement d‟allégeance, ou en chantant l‟hymne national. Bref, on se rend

compte de nos droits, engagements et privilèges aussi bien que des droits des autres.

Le processus de l‟enculturation a deux aspects principaux, notamment la formation-

enfant et la formation formelle, qui est généralement nommée éducation. Le premier

est le plus susceptible d‟être effectué dans le cercle de la famille et des amis tandis

que le dernier est effectué dans les établissements d‟étude, en particulier dans des

écoles. L‟enculturation et la socialisation sont deux formes d‟appropriation de la

262

Déclaration universelle de l‟Unesco sur la diversité culturelle adoptée par la conférence générale de

l‟UNESCO, Paris, 2 novembre 2001. 263

C. Camilleri, „la Culture et l‟identité culturelle : champ notionnel et devenir,‟ Choc de cultures, p.28.

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culture. La socialisation commence au sein de la famille et se poursuit à travers les

pratiques culturelles des individus au sein de la société.

Les travaux de Jean Piaget ont grandement contribué à éclairer la façon dont

le tout jeune enfant subit le processus d‟enculturation264

. Durant la première étape

qui dure les premiers dix-huit mois de la vie, l‟enfant ne distingue pas entre lui-

même et son environnement. Il est égocentrique et sa réaction à son environnement

est basée sur des caractéristiques physiques plutôt que sur un sens acquis. Lors de

la deuxième étape nommée l‟intelligence préopérationnelle, qui s‟étend jusqu‟à

l‟âge de sept ans, l‟enfant commence à apprendre la langue et à assigner un sens à

des objets. Dans la troisième étape, l‟enfant commence à être moins égocentrique

et à voir les choses dans la perspective de l‟autre. A partir de onze ans une autre

étape commence et l‟enfant se met à adopter les processus de penser de l‟adulte.

Ces étapes ne sont pas absolues, mais elles donnent, selon Jean Piaget, une vision

sur l‟évolution de la maturation de l‟enfant et du processus d‟enculturation.

Le terme transculturation évoque le passage des items culturels d‟une

culture à l‟autre sans forcément de réciprocité. On peut dire que, dans le cas des

groupes ethnoculturels et des communautés immigrées, tout processus de

transculturation aboutit à une transformation de l‟identité culturelle d‟origine. La

nature et l‟intensité de cette transformation dépendent à la fois du degré d‟ouverture

ou de fermeture du modèle culturel dominant sur les cultures particulières. Le

processus dans lequel on observe réciprocité des échanges et des influences

culturelles est appelé acculturation.

2.2.2 Acculturation

Le terme acculturation fut proposé dés 1880 par les anthropologues

américains. Les Anglais lui préféraient le terme de « cultural change », les

Espagnols celui de « transculturation » et les Français l‟expression

« interpénétration » des civilisations. Le processus d‟acculturation est à différencier

de celui d‟assimilation, en raison notamment du caractère unidirectionnel attribué à

264

J. Ladmiral, E. Lipiansky (eds.), La Communication interculturelle, p.122.

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ce dernier. C‟est cet aspect d‟influence réciproque que reflète la définition donnée

par Ralph Linton dans Memorandum on the Study of Acculturation : ‘’L‟ensemble

des phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d‟individus

de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types de culture

originaux de l‟un ou des autres groupes265

.‟‟

Cette définition inclut des phénomènes très divers qui vont des simples

emprunts d‟un langage à un autre à la transformation radicale des systèmes sociaux

sous le poids d‟une influence extérieure écrasante. Ces changements sont donc

attribués à des influences culturelles externes et non pas à des dynamiques internes

à une culture donnée. Dans cette perspective, l‟acculturation apparaît comme

processus qui se réalise au niveau des groupes. Cependant, à partir des années

cinquante, le terme est aussi employé pour signifier des changements

psychologiques au niveau individuel, notamment les attitudes, les conduites.

Deux questions apparaissent comme centrales dans le débat théorique

consacré aux processus d‟acculturation. D‟un côté, celle de la direction du

processus, et de l‟autre, celle de la dominance, à savoir la nature et le degré des

influences existant entre les groupes culturels en contact. Concernant la première

question, on peut considérer qu‟un large consensus existe sur l‟idée de la bi-

directionnalité du processus, même si une partie des travaux qui adoptent cette idée

ne s‟intéresse pratiquement qu‟aux changements subis par les groupes minoritaires.

Quant à la question de la dominance, elle renvoie à la problématique des rapports de

pouvoir et aux échelles de prestige sur lesquelles les groupes se positionnent dans

des situations d‟interaction.

Dans ce sens, Georges Devereux, à travers la réflexion sur l‟activité des

dominés, constitua, à cet égard, le concept d‟ « acculturation antagoniste » qui se

manifeste en s‟appuyant sur différents processus266

. Le groupe minoritaire peut

265

R. Redfield, R. Linton, „ Memorandum on the Study of Acculturation‟, American Anthropologist, 38, n°1,

1936, p.149-152: „Acculturation comprehends those phenomena which result when groups of individuals having

different cultures come into continuous first-hand contact, with subsequent changes in the original cultural

patterns of either or both.‟ 266

J. Demorgon, Complexité des cultures et de l’interculturel, p.27.

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opter, comme stratégie, pour l‟isolement défensif et la régression à des modèles

culturels antérieurs. La régression des sociétés occidentales en direction des

extrêmes droites s‟explique par une tendance vers l‟acculturation antagoniste. La

négation, c‟est-à-dire la mise en œuvre des conduites culturelles strictement

opposées à celles du groupe dominant, est une autre manière de se différencier

culturellement. Le groupe minoritaire adopte des moyens nouveaux, y compris

ceux qui font partie de la culture dominante, dans le but de les retourner contre le

groupe dominant. Il peut également inventer des atouts culturels qu‟il ne possédait

pas encore et qui ne sont pas possédés par le groupe dominant. Une situation de

non dominance est caractérisée par un échange réciproque et un équilibre entre

deux cultures. Cette situation peut aboutir à une interculturation caractérisée par

des interactions et, en même temps, par le maintien de modèles culturels différents.

Cette situation nécessite un travail important de connaissance réciproque des

cultures en contact afin que s‟instaurent des ouvertures susceptibles de créer et

d‟améliorer une vraie dynamique interculturelle.

2.3 L’interculturel et ses enjeux

Avec l‟émergence de plusieurs groupes ethniques et culturels en raison des

flux migratoires, l‟aspect pluraliste domine les sociétés contemporaines. Plusieurs

modèles de comportements et diverses façons de penser, de sentir et d‟être

coexistent dans ces sociétés dites pluralistes. L‟interaction des modèles de

comportements et les modes de vie de la société majoritaire avec les modèles du

comportement et les modes de vie propres à des minorités d‟origine étrangères

mènent à une société interculturelle.

L‟interculturel définit moins un champ comparatif dans lequel deux

modèles culturels sont en juxtaposition, mais plutôt un champ interactif avec des

relations qui s‟instaurent entre différents groupes culturels. Dans un sens large, le

rapport intercommunautaire englobe tous les contacts, les échanges, et les

interactions dans un environnement multiculturel. En effet, les groupes sociaux

n‟existent jamais de façon totalement isolée, mais ils entretiennent des rapports avec

d‟autres groupes.

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Le terme interculturel est utilisé en opposition au terme multiculturel. Le

premier fait référence à l‟interaction, tandis que le deuxième est plutôt descriptif. Le

mot « interculturel » implique nécessairement interaction, échange, élimination des

barrières, et réciprocité267

. Le préfixe « inter » signifie à la fois liaison et réciprocité,

jonction et disjonction. La notion de l‟interculturel traduit une idée de réciprocité

dans les échanges et de complexité dans les relations entre les cultures. L‟accent est

mis sur l‟interaction, c‟est-à-dire le processus d‟échanges qui permet aux

interlocuteurs de s‟influencer réciproquement et de se métisser mutuellement268

.

Une interaction en situation de contact entre différents groupes ethnoculturels se

caractérise avant tout par une asymétrie relationnelle due au fait que la base socio-

historique commune sur laquelle peuvent s‟appuyer les personnes d‟un même

groupe culturel est différente pour chacun des partenaires.

Les rapports communicationnels, selon Edmond Marc Lipiansky, sont

influencés par plusieurs enjeux qui sont au centre de la problématique des relations

interculturelles269

. Les enjeux principaux, qui peuvent intervenir dans un rapport

communicatif, sont les enjeux identitaires, territoriaux, relationnels, et les enjeux

d‟influence. La notion d‟identité et de particularité de chacun influence toujours le

processus de communication avec autrui pour qui nous cherchons à transmettre une

certaine image de nous-mêmes. L‟interaction entre soi et autrui impose toujours un

certain nombre de conditions rituelles tels que le degré d‟intimité et les

motivations. Les enjeux territoriaux sont donc liés à la notion d‟espaces psychiques

et à ce que Goffman appelle „ les réserves du moi‟ : vie privée, secrets intimes et

affaires personnelles270

.

La question de l‟ouverture et de la fermeture de la communication et le

réglage de la distance traduit le degré de la proximité. Quant aux enjeux

d‟influence, la tendance à avoir un effet sur l‟autre peut prendre la forme de deux

grands types de stratégies : les stratégies de pouvoir, qui se traduisent souvent en

267

J. Demorgon, L’Histoire interculturelle des sociétés, p.33. 268

G. Verbunt, La Société interculturelle, p.90. 269

E.M. Lipiansky, „Identité subjective et interaction‟, Stratégies identitaires, p.173. 270

E. Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, p.43

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termes de rapports de force entre interlocuteurs, et les stratégies de séduction qui

recherchent la sympathie, voire la complicité.

L‟intégration interculturelle dans un milieu multiculturel se fait, d‟après

Geert Hofstede, à travers plusieurs étapes271

. La première étape est celle de la

découverte durant laquelle la personne est émerveillée par le nouvel environnement

culturel. Ce phénomène se produit généralement pendant les vacances lorsque le

touriste visite une société différente. Cette étape de découverte, qui ne dure pas

très longtemps, se transforme en période de « désorientation» lorsque l‟individu

prend conscience que les personnes qui l‟entourent n‟agissent pas comme lui.

L‟origine de ce trouble est liée à la perte de ses propres repères culturels, alors que

la culture du nouvel environnement culturel n‟est pas encore assimilée. Cette

situation produit un choc car les références culturelles ne fonctionnent plus. Les

symptômes clés du choc culturel se révèlent d‟abord par l‟impression d‟être perdu

dans un monde étrange, avec comme résultat frustration et anxiété, puis par la

tendance à rejeter cet environnement qui est à l‟origine du déséquilibre.

Dans l‟étape suivante l‟individu est en face d‟un choix. D‟une part, il peut

rester sans communication verbale et non verbale. Il s‟isole carrément du milieu

culturel où il se trouve s‟il ne trouve pas de références culturelles. D‟autre part, il

peut s‟adapter et trouver dans le nouveau milieu culturel des repères culturels.

Finalement, l‟individu en situation interculturelle se trouve en face de plusieurs

possibilités d‟évolution. Il peut, par manque de sensibilité culturelle, continuer à

mal réagir à son environnement par des attitudes d‟agressivité et de l‟hostilité

envers le pays d‟accueil. Au contraire, par un excès d‟adaptation, il peut perdre les

liens avec sa culture d‟origine en se trouvant alors étranger à la culture du pays

d‟accueil et en rupture avec la sienne.

Le fait de garder une position neutre et d‟observation lui permettra de vivre

entre les deux cultures et à ne pas porter de jugement de valeur ni sur l‟une ni sur

l‟autre. En général, l‟individu peut finir par s‟ajuster au nouvel environnement au

271

G. Hofstede, Vivre dans un monde multiculturel, p.266-267.

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fur et à mesure qu‟il en prend connaissance. Il peut accepter finalement les valeurs,

croyances et idées reçues de la nouvelle culture comme autre façon de construire la

réalité. Avoir un rapport interculturel avec le nouvel environnement est relié à

plusieurs conditions.

Ces conditions du contact interculturel, d‟après Jacques Demorgon dans

Cultures et Sociétés, sont la dissociation existentielle et l‟association

communicative. Le premier pilier est une donnée essentielle qui fonde l‟échange

interculturel car celui-ci suppose, chez les partenaires, la possibilité d‟une ouverture

dans leur propre culture. En absence de cette ouverture ontologique, c‟est-à-dire de

notre être avec lui-même, l‟ouverture ne serait pas possible. Le deuxième pilier est

l‟association communicative qui reflète la libre volonté de chaque partenaire

d‟entrer en relation avec autrui. Il s‟agit d‟un désir d‟interaction avec d‟autres

personnes de cultures différentes. L‟échange interculturel ne sera possible que si

chaque individu est déjà traversé par la possibilité d‟une dissociation avec lui-

même.

Le rapport interculturel nécessite l‟ouverture de la personne avec elle-même

et avec les autres. C‟est seulement à partir de cette ouverture-fermeture existentielle

à soi-même et à autrui que l‟on peut exercer l‟association communicative. Dans le

rapport relationnel, l‟ouverture-fermeture oriente les relations vers un degré plus ou

moins grand d‟intimité. L‟ouverture et l‟établissement du contact avec autrui, qui

ne peuvent pas avoir lieu que sur la liberté de chacun de vouloir ou ne pas vouloir

entrer dans la relation de la communication, sont donc la garantie d‟un échange

authentique avec soi-même et avec autrui.

L‟établissement d‟un rapport interculturel efficace avec les individus et

les groupes, dont les repères culturels ne sont pas identiques, nécessite la prise de

conscience de l‟imprégnation culturelle et de la multiplicité culturelle, donc de la

différence. Si chaque culture présente son propre répertoire de comportements, la

tolérance de cette diversité est un pas vers l‟association communicative. Cette

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dernière requiert de l‟individu qu‟il relativise ses propres repères à travers une

ouverture de l‟esprit et un désir de découvrir d‟autres modèles culturels.

Ce relativisme culturel, selon Carmel Camilleri, pose deux conditions pour

l‟instauration d‟un rapport interculturel272

. La première condition nécessite

l‟abandon de la hiérarchisation entre cultures en leur accordant une légitimité égale.

La réaction commune est d‟invoquer le relativisme qui commande une prise de

position concernant le contenu des cultures. Carmel Camilleri accentue le fait qu‟il

n‟y a pas de raison de privilégier les contenus des cultures qui ont, à ses yeux, une

légitimation égale.

A défaut de professer le relativisme culturel, les individus peuvent

penser que les configurations culturelles sont hiérarchisables, que leurs propres

valeurs sont supérieures, mais ils ont le devoir de respecter l‟autonomie des

consciences, c‟est-à-dire une prise de position qui légitime, non pas les cultures,

mais les porteurs des cultures en tolérant les contenus culturels. La deuxième

condition de l‟interculturel implique l‟acceptation du minimum de représentation et

de valeurs communes permettant l‟émergence d‟un groupe avec des liens culturels

communs à travers ce que Carmel Camilleri appelle « contrat d‟association ».

Si ces chercheurs se sont penchés sur l‟analyse des moyens susceptibles de

favoriser les rapports interculturels, il existe dans la conscience des individus et

des groupes des images négatives sur autrui qui peuvent entraver les relations

intercommunautaires et empoisonner le rapport communicationnel. Dans ce sens

les représentations d‟autrui construites par plusieurs moyens et à travers les

périodes d‟interaction et de contact peuvent constituer un empêchement à

l‟établissement d‟un rapport interculturel harmonieux. Ces représentations s‟ancrent

dans un imaginaire social, fruit de l‟histoire et des rapports entre groupes ethniques

ou nationaux273

. La persistance des stéréotypes empêche une vision neutre et

détachée de sa propre culture et bloque le développement des rapports intergroupes

et l‟ouverture sur la différence culturelle.

272

C. Camilleri, „ La Culture et l‟identité culturelle : champ notionnel et devenir,‟ Choc de Cultures, p.31. 273

J. Ladmiral, E. Lipiansky (eds.), La Communication interculturelle, p.199.

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147

3. Les représentations occidentales des Arabes et du monde arabe

3.1 Stéréotypes et préjugés : obstacles du rapport intergroupe

Les rapports interculturels dans une société composée de communautés

issues d‟origine culturelles différentes peuvent être bloqués par les arrière-pensées

des uns et des autres. La conscience de la spécificité culturelle se traduit souvent

par un phénomène de différenciation et d‟affirmation de soi lors du rapport

interculturel. La culture peut être utilisée, voire instrumentalisée, pour servir de

couverture à une stratégie personnelle visant à mettre en avant la singularité

culturelle. Dans ce sens, les stéréotypes et les préjugés font partie intégrante de la

dynamique interculturelle et leur décryptage permet de dévoiler certaines causes de

dysfonctionnements des rapports interculturels.

Le rôle des stéréotypes et des préjugés s‟avère primordial. Les individus et

les groupes les utilisent soit pour défendre une position, soit pour occulter

l‟émergence d‟identités culturelles différentes. Ils constituent des obstacles à

l‟efficacité de la communication interculturelle puisqu‟ils contribuent à embuer la

signification du message et à rendre parfois impossible l‟établissement de rapports

intercommunautaires harmonieux.

3.1.1 La force du stéréotype

Les stéréotypes, qui coincent souvent le rapport intergroupe dans une voie

sans issue, sont des images schématiques et figées à propos d‟un groupe social274

.

On les répète souvent sans aucune soumission à un examen critique. Ce sont des

habitudes de jugement non confirmées par des preuves que chaque société fournit à

ses membres par le biais de la famille, du milieu social, de l‟école et des médias. Ce

jugement, qui ne correspond pas à la réalité, constitue des images erronées, non

fondées et injustes d‟autrui. Les stéréotypes ne sont pas consacrés uniquement à des

individus, mais également à des groupes ethniques. Sans connaissance préalable, les

membres de ces groupes sont soumis à une évaluation sur la simple base de

l‟appartenance ethnique et culturelle.

274

S. Ting-Toomey, Understanding Intercultural Communication, p.236.

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Ayant une fonction identitaire et cognitive, la définition de soi est fondée sur

la construction d‟une différence. La dévalorisation d‟autrui, à travers des

représentations stéréotypiques, est presque toujours corrélative de la valorisation de

soi. S‟agissant des représentations collectives, les stéréotypes ethniques et

nationaux apparaissent comme une forme particulière à travers laquelle se manifeste

la tendance des groupes sociaux à l‟ethnocentrisme275

. Il ne s‟agit pas de simples

conceptions imaginaires dans la mesure où les groupes sont en contact les uns avec

les autres. Leurs relations s‟accompagnent de contradictions et de rapports de

domination. Les stéréotypes, qui s‟intègrent dans la gestion de l‟interculturel,

partagent avec les préjugés le caractère d‟évaluation d‟autrui.

3.1.2 L’effet du préjugé

Les préjugés, qui présupposent l'existence des stéréotypes, sont des positions

et des attitudes envers les autres qu‟on adopte prématurément. C‟est un ensemble

de sentiments, de jugements et naturellement d‟attitudes individuelles qui

provoquent et, tout au moins, favorisent des mesures de discrimination276

. Ils se

manifestent souvent à l‟égard d‟un groupe ou d‟une personne, de façon arbitraire,

sous forme d‟un agissement affectif dominé par l‟attirance ou la répulsion. Les

préjugés prennent des formes différentes comme le préjugé racial, le préjugé de

couleur et enfin le préjugé ethnique et culturel. Souvent ces formes s‟entremêlent et

fusionnent277

. La compétition intergroupe accentue la tendance à la catégorisation et

à la production des stéréotypes et des préjugés et à un rapport de recul qui domine la

relation intercommunautaire278

. Par contre, une situation de coopération tend à

diminuer le mécanisme des stéréotypes et la tendance des préjugés.

En gros, stéréotypes et préjugés s‟inscrivent dans la tendance spontanée de

l‟esprit humain à la schématisation, qui constitue une tentative pour maîtriser son

environnement. Etre en relation, cohabiter, interagir avec autrui réveille, pour ne

pas dire exacerbe, en chacun de nous, le besoin d‟arriver à évaluer pour pouvoir, en

275

T. Walas, Stereotypes and Nations, p.14-15. 276

R. Bastide, Le Préjugé racial, p.2. 277

Ibid.p.2-3. 278

T. Walas, Stereotypes and Nations, p.23.

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quelque sorte, maîtriser les relations qui s‟instaurent entre groupes socioculturels279

.

De là, nous allons nous interroger sur les représentations d‟autrui dans l‟imaginaire

collectif arabe et britannique/occidental afin d‟avoir un éclaircissement sur l‟effet

de ces représentations sur les rapports interculturels entre la communauté arabe de

Londres et la société majoritaire anglaise. Dans ce sens, nous estimons que le

traitement du rapport interculturel entre la société majoritaire et la communauté

arabe de Londres ne peut pas être abordé en dehors de la relation entre deux

civilisations, deux religions, et deux cultures, à savoir d‟une part, la civilisation

arabo-musulmane, la religion islamique et la culture arabe et d‟autre part, la

civilisation occidentale, la religion chrétienne et la culture occidentale.

3.2 L’orientalisme et la fabrication d’image d’autrui

L‟étude sur le monde arabe et l‟Orient prit le nom d‟orientalisme. Ce terme

fut utilisé pour la première fois par le Britannique Holdsworth en 1769. L‟existence

formelle des études sur les sociétés et les cultures orientales débuta en Occident

avec la décision de créer des chaires de langue arabe dans plusieurs universités

européennes. L‟apprentissage des langues orientales et la réunion des matériaux sur

l‟Orient ont été entrepris, selon Maxime Rodinson dans la Fascination de l’Islam,

sous une impulsion toute idéologique280

. Ce courant des études contribua à élargir la

tranchée entre les deux mondes en exaltant une altérité culturelle excentrique :

„‟L‟orientalisme exprimait l‟eurocentrisme de l‟Europe, fondé sur une fierté

historique et un racisme organique : le Blanc contre le Noir, le savant contre

l‟ignorant, la logique contre l‟illogique, l‟effort de théorisation contre léthargie

pratique, la dignité et les droits de l‟homme contre l‟indignité de l‟homme et les

droits divins de Dieu et du roi, la démocratie occidentale contre le despotisme

oriental281

.‟‟

La description de plusieurs facettes des cultures orientales se faisait par

des auteurs, des concepteurs et des artistes occidentaux. En multipliant les étiquettes

279

J. Ladmiral, E. Lipiansky (eds.), La Communication interculturelle, p.139. 280

M. Rodinson, La Fascination de l’Islam, p.63. 281

H. Hanafi, L‟Orientalisme : interrogations‟, Peuples méditerranéens, p.115-119.

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et les définitions, un monde oriental, qui ne correspond pas au vécu des orientaux,

fut créé. Il s‟agissait, avant tout, de mettre en évidence l‟excentricité culturelle des

cultures orientales et le caractère régressif et primitif des peuples d‟Orient.

L‟accent est mis sur l‟écart existant entre la culture orientale et la culture

occidentale. Les manières d‟être et d‟agir des orientaux étaient présentées comme

étrangères aux manières usuelles d‟être des occidentaux. Ainsi, le monde

musulman s‟offre aux occidentaux comme un objet d‟étonnement, une structure

politico-idéologique ennemie, et une civilisation différente282

.

Le discours de l‟orientalisme sur l‟Orient musulman était dominé par une

tendance d‟infériorisation d‟autrui, différent culturellement comme Zachary

Lockman le souligne : « Bien qu‟il eût toujours de nombreux intellectuels et

d'autres qui dénoncèrent le racisme biologique comme non scientifique et

pernicieux, une grande partie du discours euro-américain de la fin du dix-neuvième

siècle et du début du vingtième siècle sur le monde, y compris l‟Orient musulman,

a été à des degrés divers infecté par l'idéologie raciale283

. »

L‟orientalisme classique dans son ensemble, souligne Edward Said dans

l‟Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, appartient à la culture coloniale de

l‟Occident. L‟Orient était un terrain d‟exploration sans grand rapport autre que

colonial. Les puissances de l‟Occident étaient motivées par le souci de rassembler

un maximum d‟informations utiles sur les pays d‟Orient pour servir sa politique

d‟expansion hors de ses frontières284

. Les autorités administratives, universitaires et

gouvernementales ont assimilé à l‟Orient des connotations négatives dans le but de

servir les besoins et les enjeux d‟une période particulière de l‟histoire avec ses

charges politiques et militaires.

Par conséquent, un monde de l‟Orient en termes de la relation entre le

dominant et le dominé fut créé et la séparation entre orientaux et occidentaux fut

282

M. Rodinson, La Fascination de l’Islam, p.23-24. 283

Z. Lockman, Contending Visions of the Middle East,p.78: „Though there were always many scholars and

others who denounced biological racism as unscientific and pernicious, much of late nineteenth and early

twentieth-century Euro-American discourse about the world-including the Muslim Orient-was to varying degrees

infected by racial ideology‟. 284

Ibid. p.74.

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établie. Cette vision orientaliste de l‟histoire permet de maintenir le mythe d‟une

hostilité inhérente entre le monde arabe et l‟Occident. Les premières rencontres et

affrontements, théologiques et politiques, fournissent des images qui confirment les

stéréotypes, images et suspicions mutuelles qui continuent de créer des peurs et de

perpétuer une vision de l‟Islam contre l‟Occident et de l‟Occident contre l‟Islam.

Cette séparation entre le monde arabe et l‟Occident s‟illustre par une

représentation polarisée entre modernité et tradition, forme générale de l‟opposition

entre l‟Occident et l‟Orient285

. Cette dichotomie de modernité et tradition fut

analysée en termes d‟inadéquation et d‟opposition entre les deux mondes. Le monde

arabe fait souvent l‟objet de caractérisations générales de la part de l‟Occident, en

particulier lorsque la modernité de l‟Occident du point de vue économique,

politique et technologique est prise en compte et le blocage et le retard des sociétés

arabes sont reliés à leur attachement aveugle à des normes de société qui ne

s‟accordent pas avec la modernité occidentale. En un mot, la tendance à prendre

comme base de référence systématique les normes de son groupe d‟appartenance

pour en juger d‟autres marqua le discours orientaliste sur le monde arabo-

musulman.

Cette tendance ethnocentrique fut accentuée par les bouleversements

politiques et militaires. Le fossé entre le monde arabe et l‟Occident se creusa à la

suite de plusieurs confrontations à différentes périodes ; de la période des

croisades, de l‟expansion coloniale et des conflits au Moyen-Orient, les blessures

ne sont pas encore atténuées dans la mesure où l‟incompréhension entre les deux

mondes existe toujours et la méfiance mutuelle et la peur dominent les perceptions

et les rapports.

Comme résultat, l‟imaginaire collectif en Occident accumula un faisceau

d‟images contradictoires sur le monde arabo-musulman, des représentations tissées

sur les malentendus historiques et politiques et les différences culturelles et

sociales. Ces représentations du monde arabe s‟inscrivent dans une exigence

285

A. Lueg,‟The Perception of Islam in Western Debate,‟ The Next Threat, p.12.

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occidentale de conformité à ses propres normes, une volonté de transformer le

monde à son image, c‟est-à-dire à son usage286

. La déconsidération des coutumes

d‟autrui constitue une pratique qui caractérisa le mouvement orientaliste qui

produisit sur le monde arabe des images qui servent de répertoire dès qu‟il s‟agit

de le qualifier.

3.3 La représentation exotique, voluptueuse et fanatique des Arabes

3.3.1 Représentation exotique de l’altérité culturelle

D‟après Guy Barthélemy, dans les écrits de l‟Occident sur le monde arabe,

plusieurs représentations circulent, notamment celle d‟un monde exotique287

. Le

passage de l‟Occident vers la société industrielle l‟éloigne radicalement des autres

cultures. L‟altérité de l‟Orient éclate partout dans la littérature et les récits de

voyage destinés au grand public. Le monde arabe devient un grand réservoir de la

différence, de l‟anormalité, et de l‟extravagance qui s‟écarte du sens commun, de

la norme. On le considère comme un espace clos, replié sur lui-même, mélancolique

et endormant avec des habitants pâles et malades288

.

Cette représentation émane souvent, selon Janice Terry, des moyens de

communication qui formulent des attitudes stéréotypées : „ Un regard cursif sur la

télévision, les films, les journaux et les magasins occidentaux indique une vue

primordialement hostile envers les Arabes, uniformément décrits en termes moins

qu'humains que comme des individus avec de bonnes et mauvaises

caractéristiques289

.‟‟ Les affrontements historiques entre l‟Occident et le monde

arabo-musulman fournissent matière à des représentations déformées qui découlent

d‟un discours orientaliste qui se répète et évolue en fonction des enjeux politiques

du moment.

286

J. Berchet, Le Voyage en Orient, p.19. 287

G. Barthélemy, Images de l’Orient, p.17. 288

J. Berchet, Le Voyage en Orient, p.19. 289

J. Terry, Mistaken Identity Arab Stereotypes in popular writing, p.108 : „Even a cursory glance at western

television, films, newspapers and magazines reveals an overwhelmingly hostile view of Arabs, uniformly

described in subhuman terms rather than as individuals with both good and bad characteristics.‟

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3.3.2 Représentation voluptueuse : l’image du harem

La représentation d‟un monde arabe voluptueux, obsédé par la recherche du

plaisir sexuel, est celle du harem et de la sexualité orientale qu‟on trouve dans les

écrits occidentaux sur le monde arabe. La femme, la sexualité et les rapports

homme-femme sont au cœur d‟une représentation imaginaire de l‟Orient arabe.

Cette représentation renvoie indéniablement à la dualité Occident-Orient. Le rapport

à la femme est un des sujets récurrents dans les écrits en Occident qui fabrique

l‟autre femme à la mesure de ses fantasmes et ses besoins avec souvent une

association entre l‟institution du harem, de la polygamie et de l‟esclavage290

. En

étudiant la vision fantasmatique qu‟on se faisait du harem en Occident dans son

livre le Harem et l’Occident, la sociologue Fatima Mernissi fut intriguée de

constater que les fantasmes sexuels dans les écrits en Occident étaient souvent

peuplés de femmes muettes et passives291

. La femme orientale subit un

enfermement dans lequel elle est inférieure : „‟ Elle est au service de l'homme et

opprimée par lui, qu‟elle soit une femme parmi d‟autres ou comme femme de

ménage en Occident qui doit toujours marcher trois pas derrière son mari, ou même

comme une femme qui mène une vie luxueuse dans les maisons dirigeantes arabes,

tant aimée par les tabloïds, elle reste passive et dépendante292

.‟‟

Fatima Mernissi formule l‟hypothèse, au terme d‟une enquête, que la vision

de la femme orientale, dans l‟imaginaire occidental, s‟inscrit dans la vision générale

d‟un monde arabe qui est différent. Elle avance qu‟il y aurait un lien entre la façon

d‟appréhender la différence sexuelle et la façon d‟appréhender la différence

culturelle.

290

R. Joëlle, L’Orient Arabe vu par les voyageurs anglais, p. 99. 291

F. Mernissi, Le Harem de l’Occident, p.37. 292

A. Lueg, „the Perception of Islam in Western Debate‟ the Next Threat: Western Perceptions of Islam, p.18:

„She serves man and is oppressed by him, be it as one among many other wives, or as the cleaning lady in the

West who must always walk three steps behind her husband, or even as the woman who lives the spoilt „life of

luxury‟ in the Arab ruling houses so beloved by the tabloids- she remains passive and dependent‟

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3.3.3 Représentation fanatique nourrie par les enjeux du moment

L‟image d‟un monde arabe religieux et despotique, qui émane souvent d‟une

confusion en Occident entre Arabe et musulman, offre l‟exemple d‟une société non

sécularisée. Cette société, qui est condamné à osciller entre anarchie et despotisme,

est l‟opposé du modèle du pouvoir occidental293

. Il apparaît que la culture populaire

européenne a été imprégnée d‟un préjugé concernant la religion islamique, la

culture arabe et les valeurs arabo-islamiques. L‟image des Arabes et

des musulmans est devenue, pour la grande majorité de l‟opinion publique, une

image figée, inaccessible à l‟évolution.

Le monde occidental, selon Edward Said, retient une image négative de

l‟Islam et l‟appréhension négative des Arabes, de l‟Islam et des musulmans294

. Il

n‟introduisit que quelques retouches à l‟image originale construite durant les

périodes des affrontements lors de croisades et de mouvements colonialistes. Même

si le Coran a été traduit en latin dès 1143, notamment par les traducteurs de

l‟Ecole de Tolède, on garde souvent en Occident de l‟Islam une lecture

fantasmagorique, une lecture ignorante, qui est le produit du premier choc

sanguinaire entre les deux civilisations. Le discours orientaliste accentue l‟idée de

l‟Islam comme force cohérente, transnationale et monolithique qui est engagée

dans une relation frontale avec l‟Occident à travers l‟histoire295

.

Quant aux médias occidentaux, leur attitude demeure ambiguë, et souvent

contradictoire. A titre d‟exemple, les caricatures de Mohamet, publiées en

septembre 2005 par un quotidien danois, enflammèrent le monde musulman.

L‟hystérie des manifestations de rue rappelle les réactions provoquées par la

publication par Salman Rushdie des „versets sataniques’ en 1988 en Grande-

Bretagne. La reproduction de l‟ensemble ou une partie des dessins provoqua de

fortes tensions internationales avec le spectre d‟un choc de civilisation qui élargit le

fossé entre le monde arabo-islamique et l‟Occident.

293

C. Liauzu, l’Islam de l’Occident, p.31. 294

E. Said, L’Orientalisme, p.363. 295

E. Poole, Reporting Islam, p.186.

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Si les contacts entre le monde arabe et l‟Occident étaient fréquemment

dominés par des affrontements et des conflits qui furent exacerbés par les

différences religieuses et culturelles, les médias ont aujourd‟hui une lourde

responsabilité, non seulement en ce qui concerne le rapport des faits mais aussi en

tant que puissance d‟influence sur l‟opinion publique. La couverture médiatique de

l‟Islam, qui reste grossièrement péjorative, influence la vision occidentale des

Arabes.

Les aspects positifs de la rencontre entre l‟Occident et le monde arabo-

islamique furent systématiquement occultés, masqués par la dimension

conflictuelle. Aujourd‟hui on constate qu‟entre admiration de la science arabe,

rapports d‟échange et d‟influence mutuelle productive, c‟est l‟image du fanatique

qui a le plus profondément et le plus durablement impressionné les mentalités

collectives en Occident.

4. Arabes dans l’imaginaire britannique

Comme dans une partie de l‟Occident, en Grande-Bretagne, les mêmes

représentations persistent plus ou moins. Les attitudes britanniques envers les

Arabes sont produites par les forces de l‟histoire, notamment la découverte du

pétrole, la fin du système colonial et la domination sur une partie du monde arabe,

sous la pression de la montée des mouvements d‟indépendance, qui mettent fin au

prestige et à la présence britannique dans le monde arabe avec l‟indépendance de

l‟Egypte (1922) et de l‟Irak (1932). Les représentations des Arabes reproduisent

les mêmes préjugés culturels et sociaux basés sur une conjoncture politique et

historique.

4.1 Représentation romantique : une admiration de la vie de bédouinité

Des représentations positives sur des Arabes dominent les écrits des

voyageurs anglais pendant le dix-neuvième siècle avec les images de l‟Arabe

comme oriental hospitalier ou nomade. Le bédouin arabe était admiré et bien

représenté ; ainsi les chevaliers du désert, les guerriers et les nomades vivant dans

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leurs tentes avec leurs chameaux, telles étaient, au début, les représentations

récurrentes des Arabes qui étaient associés aux traits d‟honneur et d‟hospitalité.

Les écrits des auteurs, notamment Edward William Lane dans son livre The

Thousand and One Nights, Richard Burton dans The Book of the Thousand Nights

and One, étaient une source d‟information qui donne une image sur le monde arabe

et les coutumes de ses habitants. Ces traductions en anglais des Mille et Une Nuits

avaient atteint une grande popularité au dix-neuvième siècle en Grande-Bretagne.

L‟industrie cinématographique, qui fut longtemps considérée comme

moyen efficace pour propager l‟information et un instrument pour modifier les

attitudes, s‟intéressait aux Arabes et au monde arabe. La représentation romantique

des Arabes comme artistes, qui dominait le cinéma avec des films comme Sheikh

et Son of the Sheikh dans les années vingt, continua pendant les années trente avec

des thèmes politiques et religieux dominés par l‟aventure et le mystère comme dans

Road to Morocco, A Night in Casablanca, the Thief of Bagdad. Cette

représentation favorable et nostalgique reflète l‟admiration britannique du désert et

de la vie de la bédouinité.

Jusqu'à la première moitié du vingtième siècle, la représentation des Arabes

en Grande-Bretagne était influencée par les récits des voyageurs britanniques qui

voyageaient dans le monde arabe au moment où la Grande-Bretagne bénéficiait

d‟une position impériale dans la région. L‟image britannique des Arabes se

transforma par les contacts et conflits historiques comme Nasir Sari le souligne :

„‟ Bien que dans le passé quelques Anglais, tels que Richard Burton et Edward Lane

aient passionnément apprécié la façon de vivre des Arabes dans leur habitat naturel,

les Arabes en général étaient toujours considérés dans la culture britannique comme

un groupe dont la religion et les valeurs sont exotiques296

.‟‟

Ainsi, la représentation favorable des Arabes en Grande-Bretagne pendant le

dix-neuvième siècle prit un nouveau tournant quand la puissance politique et

296

N. Sari, The Arabs and the English, p.166: „Although in the past some English men, such as Sir Richard

Burton and Edward lane, passionately appreciated the Arab‟s way of life in their natural habitat, yet the Arabs as

a whole were always considered in the British culture as a suspect group whose religion and values were alien.‟

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économique de la Grande-Bretagne dans le monde arabe diminua et son influence

et son autorité s‟estompèrent.

4.2 Représentation stéréotypique : dans le cinéma, les médias et la littéraire

Plusieurs facteurs et moyens convergent pour véhiculer des

représentations stéréotypiques sur les Arabes. L‟industrie cinématographique en

Occident, qui inaugura son premier contact avec les Arabes avec le film the Thief

of Bagdad (1924), s‟activa à diffuser des stéréotypes et à enraciner dans

l‟imaginaire collectif des défauts attribués aux Arabes et aux musulmans. Les

stéréotypes sur les Arabes qui abondent au cinéma et à la télévision véhiculent

l‟image de nomades montés sur des chameaux, une caricature classique incarnée par

l‟image de l‟incompétence et de la défaite297

. Sans scrupule, dans les films

britanniques, les Arabes violent les jeunes filles, vendent des esclaves, ou

apparaissent sous la forme de marchands d‟esclaves, conducteurs de chameaux, ou

trafiquants. En un mot, les images récurrentes sont celles d‟un peuple cruel, lâche

et décadent298

.

Le message véhiculé par les médias est encore plus insidieux que celui

transmis par le cinéma. En effet, le secteur médiatique dispose d‟une capacité

phénoménale de déformation et de falsification. Avant la création de l‟Etat d‟Israël

(1948), les Arabes étaient associées aux chameaux et aux Pyramides. Avec le

déclenchement du conflit au Moyen-Orient et l‟intensification du conflit dans la

région, différentes images sur les Arabes se mettent à circuler dans les médias

comme fanatiques et terroristes sanguinaires.

La littérature occidentale et les écrits académiques diffusèrent

largement des images négatives sur le monde arabe et les Arabes. En Grande-

Bretagne, l‟association entre Arabe et pétrole fut diffusée littérairement par des

écrivains comme Linda Blandfard dans The Oil Sheikh et Andrew Duncan dans

The Money Rush à travers des thèmes présentant une image dans laquelle Arabe et

297

S. Edward, L’Orientalisme, p.320. 298

Ibid. p.320.

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pétrole sont synonymes. La vision romantique de l‟Arabie changea avec la

reconnaissance de l‟importance de ce territoire comme source d‟approvisionnement

du pétrole qui commença à assumer un rôle central dans la vision et les attitudes

britanniques envers les Arabes.

Janice Terry indique que le caractère négatif du portrait des Arabes

qui domina les écrits populaires produisit des images dénaturées qui furent réitérées

fréquemment au point qu‟elles apparaissent comme une réalité pour beaucoup

d‟occidentaux299

, même si Daniel Boorstin et d‟autre attirèrent l‟attention sur la

confusion entre illusion et réalité dans la perception occidentale du monde arabe.

Les voyageurs britanniques dans le monde arabe, d‟après Janice Terry,

diffusèrent des stéréotypes sur les Arabes300

. Les divers stéréotypes incluent

comique l‟oriental, personne ridicule et grotesque pour l‟Européen, parce que son

comportement est considéré contraire aux règles du savoir-faire de l‟Européen.

C‟est un cliché mental qui revient à l‟esprit et s‟impose comme forme d‟humour. Le

stéréotype de l‟oriental barbare représente lui un être dominé par l‟ignorance, la

brutalité et l‟absence de sens moral en général et dont l‟emploi traduit la déception

des voyageurs confrontés à la réalité orientale. L‟oriental hypocrite et menteur est

une conception à laquelle se réfère des voyageurs comme Charles Doughty.

Dans cette représentation négative, l‟oriental est considéré dans tous les cas

comme un inférieur avec lequel on ne cherche pas à établir de relations. Toutes ces

conceptions correspondent à une même attitude générale : celle de la supériorité.

C‟est le point de vue égocentrique du voyageur qui domine dans tous les récits.

Cette attitude du voyageur reflète même l‟attitude impérialiste de la puissance

occupante qui cherchait à affirmer sa domination.

Plus récemment, l‟opinion britannique envers les Arabes est teintée de la

colère contre les riches arabes et l‟invasion de l‟argent arabe dans plusieurs

domaine de la vie britannique comme Frank Giles, l‟éditeur du Sunday Times,

299

J. Terry, Mistaken Identity, p.107. 300

J. Deledalle-Rhodes, L’Orient représenté, p.132.

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159

souligne : ‘’ En été l‟invasion de Londres par les Arabes des deux sexes, l'achat

d‟hôtels et de biens immobiliers par l'argent arabe, le fait de priver de pétrole ou

d‟en augmenter le prix : ces raisons se sont combinées avec le choc d‟un pouvoir et

d‟une responsabilité perdue pour produire dans l'esprit britannique une série de

réactions envers le monde arabe qui oscillent entre l‟indécision et la franche

hostilité301

.‟‟

Les commentaires dans les moyens de communication défigurent

l‟image des Arabes en les présentant comme des gens archaïques. Le traitement par

la presse de ce thème varie entre hostilité et description détachée et équitable.

L‟achat, par exemple, de biens par des Arabes à Londres est mentionné par cette

presse comme „take over’, terme qui implique l‟appropriation. „‟Le stéréotype du

cheik arabe, richissime, d‟une extravagance folle, qui voyage à l‟étranger et gaspille

son argent en achat de luxe et qui s‟adonne à tous les plaisirs, est bien ancré dans

l‟imaginaire populaire et se trouve avec une régularité monotone dans les dessins

humoristiques de la presse302

.‟‟ Ces images de l‟Arabe riche et du cheik barbu

émergèrent avec l‟embargo mis sur l‟exportation du pétrole pendant les années

soixante-dix. Cet embargo fut décrit dans la presse occidentale comme un chantage

et exploité par elle pour répandre plusieurs images négatives sur les Arabes.

4.2 L’incompatibilité culturelle et le fanatisme religieux

L‟histoire de la présence musulmane en Grande-Bretagne remonte à

1888. Abdullah Henry William Quilliam, converti à l‟Islam lors d‟un séjour au

Maroc en 1884, établit la première communauté musulmane à Liverpool. Une

communauté musulmane se composant d‟immigrants venant d‟Egypte, de Syrie et

du Liban s‟est constituée également à Manchester vers la fin du dix-neuvième

siècle, selon Fred Halliday303

.

301

Morris International (Ed), The Arab Image in Western Media, p.203: „The summer invasion of London

by Arabs of both sexes, the purchase of hotels and real estate by Arab money, the withholding or pricing-up of

Arab oil: these have all combined with the shock of lost power and responsibility to produce in the British mind

a series of reactions towards the Arab world which veer between the equivocal and the frankly hostile‟ 302

F. Al-Farsy, Modernité et Tradition, p.315. 303

F. Halliday, Arabs in Exile, p.6.

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160

D‟après Elizabeth Poole dans Reporting Islam : Media Representation of

British Muslims, la représentation des Arabes ou des musulmans en Grande-

Bretagne est axée sur deux pôles qui accentuent la déviance culturelle et le

fanatisme religieux. En ce qui concerne la déviance culturelle, les médias

britanniques, notamment la presse écrite comme The Guardian, The Times, The

Telegraph, traitent les thèmes de l‟éducation, les relations raciales, les croyances et

les pratiques rituelles d‟une manière qui accentue la disparité culturelle entre la

société majoritaire et la communauté arabo-musulmane.

A titre d‟exemple, la couverture des relations intergroupes, comme le

mariage mixte, est caractérisé par un discours orientaliste lié à la déviance sexuelle,

l‟immoralité, et l‟incompatibilité304

. Cette incompatibilité est soulignée par la

courte durée des relations, ou la cessation de la relation des mariés. Le mariage

mixte est présenté comme pratique culturelle exotique vouée à l‟échec. Quant aux

pratiques rituelles, elles sont décrites comme archaïques, et étrangères à la culture

majoritaire. Elles sont considérées comme pratiques dangereuses, qui mettent en

péril les valeurs de la société britannique et provoquent des tensions

intercommunautaires305

.

Les commentaires journalistiques ponctuent l‟ambivalence de la

culture arabo-musulmane et l‟incapacité des Britanniques d‟origine arabe ou

musulmane à s‟adapter à la culture majoritaire et aux valeurs de la société

britannique306

. La culture arabo-musulmane est décrite comme monolithique et

carrément différente de la culture de la société majoritaire et l‟Islam est présenté

comme religion menaçante. Ce biais perpétue l‟image d‟une communauté arabo-

musulmane qui est incompatible avec les valeurs anglo-saxonnes.

De cette manière, le discours médiatique qui met souvent en garde contre le

transfert de telles pratiques à la société britannique est un discours anti-

multiculturaliste. Les populations d‟origine arabo-musulmane sont considérées

304

Ibid. p. 69. 305

E. Poole, „the Effects of September 11 and the War in Iraq on British Newspaper Coverage,‟ Muslims in the

News media, p.89. 306

Ibid. 67.

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comme porteuses de cultures profondément différentes de la composante

majoritaire de la société. Par conséquent, les musulmans britanniques, dont le

comportement est présenté comme sources des problèmes pour la société

majoritaire, ne sont pas vus comme un élément intégral de la société majoritaire. La

religion musulmane, selon Elizabeth Poole, est représentée comme culture

déviante de la culture majoritaire307

.

Les écrits sur l‟Islam, qui sont dominée par l‟ambivalence et les

contradictions, se nourrissent des événements internationaux saisis par une presse

qui s‟adonne à des spéculations sur l‟Islam et les musulmans britanniques. Dans ce

sens, le fondamentalisme islamique est un sujet récurrent dans le discours

médiatique qui, en marginalisant les positions pragmatiques et modérées de la

majorité des musulmans en Grande-Bretagne, fait une association constante entre

musulmans britanniques et fondamentalisme islamique.

Dans cette presse, plusieurs questions comme le terrorisme, le

fondamentalisme religieux ont fait l‟objet d‟une attention sans précédent après les

événements du 11 septembre 2001 à New York et du 7 juillet 2005 à Londres. Au

lieu d‟écouter la voix de la majorité de la communauté qui jouit de la crédibilité et

de l‟influence afin de lui permettre de réfuter les distorsions extrémistes et

d‟affirmer une connaissance plus crédible au-delà du cadre conflictuel d‟où émane

des représentations négatives de l‟altérité religieuse, la presse tend le micro à une

infime minorité extrémiste308

.

D‟après le rapport du Runnymede Trust309

, l‟islamophobie est un

phénomène qui est établi dans la société britannique. Les résultats de ce rapport

confirment que les musulmans britanniques sont marginalisés et représentés dans

un cadre négatif et conflictuel dominé par la délinquance la violence et

307

E. Poole, Reporting Islam, p.71. 308

Y. Samad, „Media and Muslim Identity: Intersections of Generation and Gender‟, Innovation, p.425-437. 309

A été fondé en 1968 comme un centre de réflexion indépendant sur les relations raciales en Grande-

Bretagne.

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162

l‟immigration clandestine310

. L‟islamophobie se manifeste dans plusieurs secteurs

de la société, allant de simples agressions verbales à des attaques physiques. Le

rapport, qui pointe du doigt la discrimination sur les bases religieuses dans plusieurs

sphères de la vie publique, note que l‟Islam est fréquemment décrit comme

statique, monolithique et intolérant du pluralisme culturel311

.

Ce phénomène d‟islamophobie fut exacerbé, d‟ailleurs, par plusieurs

facteurs contextuels, qui firent de la communauté musulmane un élément étranger à

la société britannique et de l‟islamophobie un aspect dominant les rapports

intercommunautaires. D‟une part, une grande proportion des réfugiés et des

demandeurs d‟asile est composée de musulmans et Arabes. D‟autre part, la

tendance séculaire par rapport à la religion qui domine les médias et la

contestation de la politique étrangère de la Grande-Bretagne dans le monde arabe

intensifie ce phénomène.

En résumé, depuis des siècles, l‟Occident et le monde arabo-musulman se

côtoient. Les croisades, le colonialisme sont autant de périodes d‟affrontement qui

ont caractérisé les rapports entre les deux civilisations, religions, et cultures.

Plusieurs images négatives ont été construites sur la base de ces rapports

mouvementés : de la littérature, cinéma, aux médias, la représentation négative de

l‟autre et de sa culture se propage. La question de l‟altérité culturelle, notamment la

différence religieuse est au centre de la vision d‟autrui. Une vision qui se construit

sur une perception binaire du monde à savoir celle d‟un Orient primitif et un

Occident moderne.

Ce bref survol des représentations en Grande-Bretagne des Arabes et du

monde arabe révèle qu‟un portrait de différence continue de se dessiner. Si le

début du dessin de cette image négative remonte aux périodes d‟affrontements entre

l‟Occident et l‟Orient, les troubles du moment continuent à noircir la représentation,

310

R. Robin, „Islamophobia, Issues, Challenges, and Action‟ a report by the Commission on British and

Islamophobia, 2004. 311

A. Hussain, W. Miller, Multicultural Nationalism, p.50.

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163

d‟où notre questionnement sur l‟effet des ces représentations sur le rapport avec

autrui.

5. Traitement et interprétations des données

5.1 Attitudes d’acculturation

Les perspectives des membres de la société majoritaire envers la

population minoritaire en ce qui concerne la diversité culturelle différent. Nous

constatons, comme le graphique ci-dessous illustre, que l‟attitude d‟intégration est

largement approuvée. L‟attitude individualiste est aussi populaire, puis l‟attitude

d‟assimilation, tandis que les orientations de la ségrégation et d‟exclusion sont très

peu approuvées.

Les attitudes du groupe majoritaire se répartissent donc

majoritairement entre intégration, individualisme, et assimilation. Aux yeux d‟une

large partie des questionnés, le groupe minoritaire arabe peut s‟intégrer dans la

société d‟accueil sans aucun renoncement à son héritage culturel. Pour les membres

de la société d‟accueil dont l‟orientation d‟acculturation prédominante est

l‟intégration, la culture du groupe minoritaire n‟est pas perçue comme menace à

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médias amis arabes lecture autre

Attitudes d'acculturation (n500)

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l‟identité linguistique et culturelle de la société britannique, mais plutôt comme un

atout comme ce répondant confirme : „‟ la diversité est un atout, un enrichissement

pour la société et aussi pour l‟individu ; elle permet de découvrir d‟autres cultures

et styles de vie. L‟ouverture est nécessaire pour l‟enrichissement et la formation de

l‟individu. Vous savez, le monde devient un petit village, surtout les moyens de

communication réduisent les distances entre les sociétés. L‟enferment limite nos

connaissances, visions, et perceptions d‟autrui. Dans mon entourage, c‟est un plaisir

de connaitre et d‟échanger avec gens d‟autre groupes culturel, découvrir leurs

coutumes, cuisines et en même temps faire connaitre notre culture, (homme, âge 42

ans) ‟‟

Cette même idée est partagée par ceux dont l‟attitude d‟acculturation est

individualiste. Les membres du groupe ethnoculturel arabe sont jugés sur la base

de leurs qualités personnelles plutôt que leurs appartenances ethniques et culturelles

comme illustre l‟avis de ce questionné : „‟ oh écoutez, en ce qui me concerne,

dans mes rapports avec les autres, c‟est avec des individus que je rentre en

relation, je fréquente, j‟échange avec …., je ne m‟intéresse pas à leur culture,

opinion, convictions, ça rentre dans leur vie privée, c‟est le fait d‟avoir de bon cœur

qui compte, c‟est leur qualités humains, leur comportements qui sont importants et

m‟encourage et incite à établir des rapports et à partager des moments ensemble, je

ne réduit pas un être humain à des coutumes, idées, ou même une couleur, c‟est

l'être humain comme étant autonome et indépendant de toute sorte d‟appartenance

que je fréquente ( femme, âge 25 ans) ‟‟. Les individualistes ne se préoccupent pas

de la préservation de la culture d‟origine ou de l‟adoption de la culture du pays

d‟accueil par le groupe minoritaire. Peu importe même que l‟on soit immigrant ou

membre de la communauté d‟accueil, seules comptent les qualités personnelles des

individus indépendamment de leurs origines ethniques et culturelles.

L‟attitude d‟assimilation est adoptée par une catégorie qui rejette la

diversité culturelle considérée comme menace à la culture majoritaire. L‟accent est

mis sur la nécessité d‟assimiler la culture majoritaire par le groupe minoritaire

arabe afin de renforcer la culture majoritaire. Les membres de la société d‟accueil

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qui adoptent une attitude d‟assimilation ont une position d‟autoritarisme et

d‟ethnocentrisme qui favorise la primauté de la culture majoritaire et l‟absorption

de la culture minoritaire. Les attitudes de ségrégation et d‟exclusion sont

faiblement adoptées par les questionnés. Ceux qui adoptent ces attitudes rejettent

catégoriquement la présence d‟un groupe minoritaire au sein de la société

majoritaire. L‟orientation de ségrégation/exclusion est la tendance la plus extrême à

privilégier les normes et valeurs de son propre groupe culturel.

La présence des immigrants est perçue comme une menace aussi bien

culturelle qu‟économique comme la réponse de ce questionné reflète : „‟ils prennent

nos emplois, nos maisons, ils saisissent tout et rejettent notre culture. Enoch Powell

avait raison. Beaucoup d‟intolérance découle du fait que nous sommes débordés. Je

m‟inquiète de mon travail aujourd‟hui, il est de plus en plus difficile de trouver un

emploi (homme, âge, 41 ans)‟‟. Ces résultats montrent que d‟une manière

globale, la majorité des questionnés acceptent les membres du groupe minoritaire

arabe comme individus, mais aussi comme membres d‟un groupe ethnoculturel dont

la culture est considérée comme enrichissement de la culture majoritaire.

Les individualistes ont un profil psychologique identique au profil des

intégrationnistes avec cette simple distinction : les individualistes ont tendance à

rejeter le rapport groupe majoritaire et minoritaire comme base des rapports

intercommunautaires. Une partie des questionnés, par contre, est plus encline à

démontrer des attitudes négatives envers la culture minoritaire. C‟est le cas

particulièrement des personnes âgées. Les attitudes positives sont repérées chez les

femmes et les jeunes. Les attitudes négatives et positives corrèlent fortement avec le

niveau de connaissance de la culture arabo-musulmane et l‟ouverture sur les autres

cultures.

L‟hégémonie d‟une seule culture est appuyée d‟une manière qui vise

la destruction de la différence culturelle du groupe minoritaire que l‟on veut intégrer

dans la culture dominante en effaçant les particularités culturelles. Une perception

montante voit que les Arabes sont lents à s‟intégrer dans la société britannique et

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sont enclins à embrasser des valeurs anti-occidentales312

. La réticence de la

communauté arabe à s‟intégrer, avec la tendance à garder son identité à travers

l‟éducation, le mariage et les institutions sociales, est considérée comme une

menace par la culture britannique313

. La culture arabo-islamique est construite

comme contraire aux idéaux anglo-saxon de la civilité comme l‟illustre ce

questionné : ‘’Chez la communauté arabe, la référence culturelle émane toujours de

la religion et de la communauté et non pas de l‟individu comme en Grande-

Bretagne ou en Occident en général. Dans la société britannique, on accorde une

grande importance à l'individu et ses libertés. Cela contraste fortement avec le

système de valeurs axées sur la collectivité chez les membres de la communauté

arabe. Cette divergence est le résultat de différences substantielles en ce qui

concerne le degré de sécularisation du groupe minoritaire arabe et de la société

britannique (homme, âge 35 ans) ‟‟.

La construction dualiste Orient-Occident, enracinée dans la période du

colonialisme, reste remarquablement récurrente dans la rhétorique contemporaine

au sujet de la communauté arabe. L‟incidence des événements nationaux et

internationaux sur la situation interne influe sur les rapports intergroupes. Le rejet

du multiculturalisme a atteint son apogée lors des événements du 7 juillet 2005 à

Londres puisque le pluralisme culturel a été mis en question par les instances

politiques et médiatiques en Grande-Bretagne qui appellent à l‟imposition d‟une

culture commune au lieu de favoriser l‟émergence des cultures minoritaires314

. A

titre d‟exemple, Trevor Philips, président de la commission pour l‟égalité raciale315

,

a mis en cause, après les attentats de Londres, l‟approche multiculturelle qui divise

le pays en communautés et affaiblit la cohésion sociale316

. Dans son livre The Home

We Build Together : Recreating Society (2007), Jonathan Sacks critique le

multiculturalisme qui, selon lui, met en péril les valeurs très libérales et l‟identité

nationale de la société britannique. Il avance que le multiculturalisme, au lieu de

312

M. Banton, Promoting Racial Harmony, p.128. 313

J. Rex, „the Integration of Muslim Immigrants in Britain‟, Innovation, p.91-107. 314

M. Benitto, „les hauts et les bas des rapports intergroupes dans une société composée : le cas de la

communauté musulmane en Grande-Bretagne‟, Revue française de sociologie Rusca, janvier 2009. 315

Devenue : Commission for Equality and Human Rights par Equality Act 2006 après la fusion de

Commission for Racial Equality et Equal Opportunities Commission. 316

M. Phillips, Londonistan, p.113.

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réduire la friction sociale, affaiblit la culture nationale. Le système d'éducation

britannique est accusé du renoncement à la transmission des valeurs et d'histoire

de la nation en adoptant une approche pluraliste qui néglige l‟histoire de la nation

britannique et son identité nationale317

. Charles Moore dans The Spectator, écrit que

l‟approche multiculturelle devrait être écartée en faveur d‟une culture anglaise et

chrétienne : „‟ Nous voulons des étrangers aussi longtemps que leur fait d‟être

étranger n‟est pas massif. La Grande-Bretagne est fondamentalement

anglaise et chrétienne, et si on commence à penser qu'elle pourrait devenir

musulmane, parlant Urdu, on devient frustrés et en colère318

‟‟

Selon un sondage réalisé par l‟institut Mori, 32% des Britanniques

considèrent le multiculturalisme comme menace pour le mode de vie britannique

(British way of life), et 59 % des Londoniens déclaraient que le port du voile

islamique „ nuit aux relations raciales‟319

. Dans ce sens, la minorité arabe, aux

yeux d‟une partie des enquêtés, est intéressée par son organisation communautaire

plutôt que par l‟intégration au sein de la société britannique. Cette communauté est

perçue comme un groupe religieux différent. Une partie significative des

questionnés ont tendance à l‟identification et la fréquentation des groupes avec des

valeurs culturelles communes. Autrement dit, l‟interaction est dominée par le

renforcement de l‟identité et des rapports intragroupes. Un sentiment de fierté et

de loyauté envers sa propre communauté et culture se manifeste parfois avec un

degré d‟antagonisme à l‟égard d‟autres modes culturels. Ce sentiment est attribué à

la tendance ethnocentrique et aux mécanismes socio-psychologiques

d‟identification communautaire et culturelle320

. L‟attachement du groupe

minoritaire à un ensemble de pratiques culturelles ne favorise pas également la

rencontre et l‟interaction culturelle.

317

Ibid.p.113. 318

Cite par Y. Alibhai-Brown, True Colours: Public Attitudes to Multiculturalism, p.20: „We want foreigners as

long as their foreignness is not overwhelming… Britain is basically English speaking, and Christian, and if one

starts to think it might become Urdu speaking and Muslim, one gets angry and frustrated‟ 319

Sondage réalisé par l‟institut Mori, le 20 octobre 2006. 320

E. Weiner, Handbook of Interethnic Coexistence, p.189.

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Les relations intergroupes sont affectées par la divergence culturelle

entre la communauté arabe et la société majoritaire, notamment les perceptions et la

collision entre le modèle libéral britannique de la liberté et un mode de vie arabe

traditionnel. Les tensions persistantes entre une tendance séculière et un mode de

vie religieux créent un sentiment de méfiance à l‟encontre d‟autrui. Si certains

questionnés mettent en exergue les qualités humaines qui pourraient être partagées,

d‟autres, en revanche, s‟appuient sur des identités communautaires et des valeurs

culturelles pour établir leurs réseaux de relations et se lamentent de la perte de

l‟identité blanche et chrétienne. Le « nous » a une signification émotionnelle forte

qui est activé automatiquement lors de l‟interaction sociale. La préférence culturelle

se manifeste souvent par le respect des normes du groupe ethnique et la fiabilité

dans les relations avec les membres du même groupe ethnique321

. La frustration de

la perte de l‟identité se traduit, souvent, par une intolérance croissante de la

différence.

5.2 Connaissance d’autrui et question d’écart culturel

Eux et nous, soi-même et les autres, dichotomies

fondamentales de l'existence humaine, des concepts intégrés dans la

psychologie, l'anthropologie, la science politique, les communications

et une foule d'autres disciplines. Depuis 9 / 11 cette division a été la

caractéristique des affaires mondiales322

.

L‟un des piliers de notre questionnaire incluait un élément qui visait à

mesurer la connaissance d‟autrui chez le groupe majoritaire. Il s‟avère qu‟une

321

M. Brewer, N. Miller, Intergroup Relations, p.24. 322

L. Pintak, „Framing the Other: Worldview, Rhetoric and Media Dissonance since 9/11‟, Muslims and the

News Media,p.188: “Us and them, self and other- fundamental dichotomies of human existence, concepts

embedded in psychology, anthropology, political science, communications and a host of other disciplines. Since

9/11 this division has been the defining characteristic of global affairs.”

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majorité des questionnés n‟ont pas de connaissance de la culture arabe, surtout dans

ses aspects religieux comme le graphique ci-dessous l‟illustre.

La culture, la religion et l‟histoire du groupe minoritaire arabe sont

largement étrangères pour beaucoup des questionnés. Dans la conscience du groupe

majoritaire, la connaissance d‟autrui est basée sur la juxtaposition des normes et de

la culture spécifique à un groupe particulier avec la culture du groupe minoritaire

arabe dans la mesure où le sacré, la morale et le conservatisme au sein de la

communauté arabe sont contrastés d‟une manière répétitive avec la sécularisation et

la liberté individuelle chez le groupe majoritaire. Cette connaissance est teintée de

plusieurs ambiguïtés. Elle se fait d‟une manière comparative dans laquelle la

connaissance de l‟autre est acquise à partir de la connaissance de soi, ses normes et

sa culture.

Autrement dit, la connaissance d‟autrui est reliée souvent à l‟altérité

culturelle et en particulier à l‟altérité religieuse. Cette connaissance, qui reste

toujours superficielle, stagne dans une incompréhension et un défaut de

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médias amis arabes lecture autre

combien pensez-vous savoir sur culture/groupe arabe? (n500)

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connaissance qui s‟achemine vers la méfiance intercommunautaire basée sur le

préjugé, la peur et l‟ignorance comme le Professeur Ahmed Akbar le souligne :

L‟ignorance et l‟incompréhension de l‟Islam existent parmi les

musulmans et les non musulmans. Les non musulmans craignent

l‟Islam par ignorance et incompréhension. Ils imaginent qu‟il menace

leurs valeurs les plus fondamentales. Les fantasmes, la conjecture et le

stéréotype prennent la place du fait et de la réalité. De la même façon,

les musulmans ont leurs conceptions erronées. En réagissant à la haine

et à la peur des non musulmans, ils créent une sorte de posture

défensive dans leurs sociétés et un climat combatif, basé sur un

discours militant, rejette la faute sur des conspirations extérieures323

.

L‟ignorance, le dénigrement, et les opinions arrêtées sont les traits

dominant la connaissance d‟autrui chez le groupe majoritaire. Ce manque de

connaissance bouscule le rapport intercommunautaire vers la méfiance et le rejet,

cause essentielle de la tension intercommunautaire qui bloque l‟instauration de la

compréhension et de l‟interactivité puisque une partie des questionnés éprouvent

étrangeté et choc culturel envers un modèle culturel arabe qui est différent.

La connaissance d‟autrui est acquise à travers une dimension

historique et médiatique et non pas à travers une connaissance de familiarité et de

proximité. D‟une part, toute connaissance à propos de la société humaine est

historique et par conséquent se base sur le jugement et l‟interprétation. Dans ce

sens, la connaissance d‟autrui se réalise à travers le mélange d‟une évidence

indirecte et la situation vécue des événements, comme Edward Saïd le souligne :

La connaissance de l'Islam et des peuples islamiques est

généralement la conséquence non seulement de la domination et de la

confrontation mais aussi de l'antipathie culturelle. Aujourd'hui, l'Islam

est défini négativement comme celui avec qui l‟Occident est

radicalement en désaccord et cette tension établit un cadre qui limite

radicalement la connaissance de l'Islam324

323

A. Akbar, ‘Islam in the Age of the Western Media‟, Living Islam from Samarkand to Stornoway,

p. 207: „Ignorance and misunderstanding of Islam exists among both Muslims and non Muslims. Non Muslims,

ignorant and misunderstanding of Islam, fear it. They imagine that it threatens their most basic values. Fantasy,

conjecture and stereotype take the place of fact and reality. Similarly Muslims have their own misconceptions.

They too, reacting to the hate and fear of non Muslims, create a kind of defensive posture within their own

societies and a combative climate based on militant rhetoric which blames outside conspiracies.” 324

E. Said, Covering Islam, p.163: “Knowledge of Islam and of Islamic people has generally proceeded not only

from dominance and confrontation but also from cultural antipathy. Today Islam is defined negatively as that

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La perception d‟autrui, dans ce contexte, a été affectée par l‟ardeur

spirituelle et le sens fort de l‟identité chez une large catégorie des personnes de

confession musulmane et l‟apparition des formes contemporaines de

fondamentalisme religieux dans la ville de Londres. Cette ville est une terre

d‟accueil et de refuge pour plusieurs mouvements islamistes fondamentalistes

dominés par le wahhabisme saoudien et d‟autres courants dits salafistes. Ainsi,

certains quartiers de Londres sont devenus le fief d‟islamistes, notamment la

mosquée de Finsbury Park qui a accueilli jusqu‟en 2003 le cheik Abou Amza,

célèbre pour ses invectives contre les Américains325

.

Le Londonistan, terme créé par la presse arabe londonienne au milieu des

années 1990, désigne différents groupes et leaders islamistes qui sont arrivés sur le

territoire britannique comme réfugiés politiques. Dans le cadre de la liberté

d‟expression, qui est l‟un des principes fondateurs en Grande-Bretagne, ces imams

radicaux avaient la liberté de prêcher librement, profitant des avantages de Londres

comme place financière considérable (paradis fiscal pour certaines fortunes du

Golfe), et d‟un grand nombre de médias arabophones en plus de la souplesse de la

politique d‟accueil britannique par rapport aux autres pays d‟Europe. Il utilise

également une stratégie de communication moderne, notamment l‟internet326

. Ce

type de communication a une efficacité considérable dans la diffusion du message

et l‟établissement des liens entre les militants dans plusieurs coins du monde. Sur

l‟ensemble du monde arabe, entre vingt cinq et trente mouvements d‟opposition, du

Maroc à l‟Irak, utilisent Londres comme base de représentation et de

communication327

.

A Finsbury Park, la radicalisation parmi la communauté arabe, notamment

d‟Afrique du Nord, limite les rapports intercommunautaires. L‟éducation dispensé

est conservatistes et tend à favoriser un repli et un rejet de l‟environnement non

with which the west is radically at odds and this tension establishes a framework radically limiting knowledge of

Islam.” 325

D. Thomas, Le Londonistan, p.96. 326

Ibid. p.222. 327

Ibid. p.104.

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172

musulman. Le discours religieux véhiculé mettait l‟accent sur l‟incompatibilité

entre valeurs arabo-islamiques et valeurs libérales de la société britannique au point

que l‟intégration est considérée un risque qui peut engendrer la perte de l‟identité

arabo-islamique328

. La religion est investie dans un souci de respecter à la lettre les

prescriptions religieuses et les incarner dans la vie quotidienne. Cette tendance, qui

est propagée parmi les membres de la communauté arabe en perpétuant des liens

intracommunautaires, est en outre soutenue par la colère contre ce qui est perçu

comme comportement anti-islamique de l‟Occident, en particulier lorsqu‟il s‟agit

du conflit au Moyen-Orient329

.

Par ailleurs, dans le monde actuel de flux des personnes et de l‟information,

la première source de la connaissance d‟autrui est les médias. Les médias jouent

un rôle majeur dans l‟opération du tissage de la connaissance chaque jour aux

échelles nationales et internationales. Ce constat se manifeste chez une écrasante

catégorie des questionnés. Les médias sont la principale source du regard porté

par la société majoritaire sur la communauté arabe.

328

J. Githens-Mazer, „Islamic Radicalization among North Africans in Britain‟, the British Journal of Politics

and International Relations, vol 10, n°4, Novembre, 2008.p.550-565. 329

Ibid. p.550-565.

0

50

100

150

200

250

médias amis arabes

lecture autre sans source

quelle est votre source d'information sur la communauté/ culture arabe?

(n500)

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173

Ces des médias réactivent la vision ancienne du rapport antagonique entre

Islam et Occident, surtout alors que le monde arabe reste le théâtre de plusieurs

conflits et le centre d‟attention des moyens de communication. La représentation

négative d‟autrui, qui était limitée dans le passé aux écrits des voyageurs,

commence à dominer les médias, devenus des véhicules de propagande et de

diffusion des stéréotypes. Poussés parfois par la recherche du sensationnel ou le

manque d‟information ou d‟objectivité, les médias se lancent dans un processus de

noircissement de la représentation d‟autrui. Cette opération affecte la perception

des migrants, des demandeurs d‟asile et des réfugiés, ainsi que leur niveau

d‟intégration et d‟acceptation par la société d‟accueil comme le souligne Didier

Lassalle : „‟On assiste, au Royaume-Uni, à la montée inquiétante du sentiment de

rejet, du racisme et de la xénophobie à l‟encontre des demandeurs d‟asile, qui

s‟exprime de plus en plus au grand jour et fait les titres des journaux. L‟amalgame

se fait également, dans l‟esprit du public britannique, entre refugié (estampillé ou

potentiel) et immigrant, bien qu‟il existe des différences fondamentales entre ces

deux expériences tout aussi terribles330

.‟‟

D‟autre part, l‟Islam et les individus qui pratiquent cette religion se

voient fréquemment stigmatisés négativement dans les discours médiatiques qui

formulent l‟opinion et la connaissance d‟une large majorité de la population.

L‟usage des mots « extrémisme » et « terrorisme » associés à ceux « d‟islamique »

et de « musulman » est courant dans les médias et un tel amalgame journalistique a

conduit à présenter l‟Islam comme religion sanguinaire331

. Ainsi, l‟un des obstacles

de la politique d‟intégration en Grande-Bretagne est sans conteste ce sentiment anti-

musulman et l‟amalgame entre l‟islam et fondamentalisme qui s‟exprime par

l‟intermédiaire de stéréotypes négatifs sur la culture arabe dans les médias332

. Un

fossé intercommunautaire est susceptible d‟être creusé à cause d‟une représentation

déformée dans les médias, les agissements et luttes dans le monde, et un manque de

330

D. Lassalle, „Vers une harmonisation du droit d‟asile en Europe : l‟influence du Royaume-Uni‟, Les

Politiques de l’immigration en France et au Royaume-Uni, p.79. 331

F. Al-Farsy, Modernité et Tradition, p.316. 332

D. Lassalle, L’Intégration au Royaume-Uni, p.83.

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174

connaissance d‟autrui qui ne favorisent pas le développement d‟une société

pluraliste et le combat des formes d‟intolérance.

5.3 Contact avec autrui et la dominance du rapport intragroupe

Les membres de la société majoritaire ont été invités à évaluer leur

interaction et contact en termes d'importance, d‟intimité, et de fréquence avec le

groupe minoritaire arabe. De la plupart des réponses, il ressort que les interactions

avec les membres du groupe majoritaire sont considérées plus fréquentes et

intimes que celles entretenues avec le groupe minoritaire arabe. Le rapport

intragroupe se révèle plus agréable et confortable. Quant au rapport intergroupe,

qui semble être déprécié, il se réalise souvent à un niveau plus superficiel. Le

contact intragroupe, qui est majoritairement dominant, est traversé pourtant par

des liens intergroupes entre des individus qui partagent des points d‟intérêt

commun aussi bien sur le plan professionnel qu‟intellectuel.

L‟établissement d‟un lien au-delà du groupe d‟appartenance chez

une partie des questionnés est favorisé par l‟ouverture aux différences entre

groupes culturels et à la tolérance vis-à-vis d‟attitudes, de valeurs et de manières

d‟agir autres que les siennes. Les rapports intercommunautaires se constituent par la

seule perception des ressemblances et de la différence. Les individus qui partagent

les mêmes convictions, les mêmes effets, et les mêmes habitus, bref les mêmes

marquages sociaux ont tendance à se reconnaître entre eux333

. En effet, dans le

rapport intracommunautaire, les individus sont dotés d‟une faculté de catégorisation

sociale dont ils se servent pour classer les autres, ou se joindre à eux334

. La tendance

à percevoir les autres de différentes cultures comme groupe homogène et

indifférencié est un facteur important dans la compréhension de la perpétuation des

stéréotypes sur autrui.

L‟ambiguïté et le recul qui règnent sur le rapport intergroupe sont liés

à l‟anxiété due à l‟écart culturel entre les deux communautés. Des points de

333

G. Bajoit, Le Changement social, p.86. 334

Ibid.p.86.

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divergence irréconciliable entre la société majoritaire et la minorité arabe, tels que

les dispositions en ce qui concerne les rapports sociaux et la religiosité de la

communauté arabe, limitent les rapports intercommunautaires. La fixation des

frontières avec autrui est fréquemment expliquée à travers l‟opposition entre deux

modèles culturels qui réduisent le rapport à l‟altérité. L‟idée récurrente chez

beaucoup des questionnés est que l‟Islam ne connaît pas de distinction entre les

pouvoirs temporel et spirituel. La diversité religieuse entraîne un manque de

rapports réguliers. Clairement une appréhension se fait jour à propos de l‟intensité

de l‟attachement religieux chez la minorité arabe. Cette dernière mène une vie plus

religieuse que la majorité chrétienne qui devient de plus en plus laïque comme le

confirme Moojan Momen : « la laïcisation a progressivement imprégné le monde

chrétien. Elle a conduit à la situation dans laquelle, vers le dix-neuvième siècle, le

christianisme avait cessé d'avoir beaucoup d'influence sur la vie sociale et politique

de l'Europe. La religion n‟a plus de rôle dans le façonnement de la politique et

sociale et politique. D'autres considérations et d'autres idéologies laïques

(séculaires) avaient repris. Après la perte d'influence sociale et politique, la religion

est devenue non pertinente dans la vie des gens ordinaires aussi335

.‟‟

Selon Tariq Modood, un tiers des Britanniques déclarent ne pas avoir

de religion et si environ un quart des blancs en Grande-Bretagne se rendent dans un

lieu de culte une fois par mois, deux tiers des musulmans vont à la mosquée au

moins une fois par semaine336

. La religion a une influence très importante sur la

façon dont ils mènent leur vie, contre seulement 5 % chez les blancs337

. La Grande-

Bretagne est devenue une société post-chrétienne dans la mesure où peu de gens

vont à l‟église, ou même envoient leurs enfants à l‟instruction religieuse du

dimanche338

.

335

M. Momen, the Phenomenon of Religion, p. 480. „Secularization has gradually permeated the Christian

world. It led to the situation in which, by the nineteenth century, Christianity had ceased to have much real

influence on the social and political life of Europe. Religion no longer had a role, however, in the shaping of

political and social policy. Other considerations and other secular ideologies had taken over. Following the loss

of social and political influence, religion became increasingly irrelevant to the lives of ordinary people also » 336

T. Modood, „la Place des musulmans dans le multiculturalisme laïc en Grande-Bretagne,‟ Social Compass

47(1), 2000, p.41-55. 337

Ibid. p.41-55. 338

M. Philips, Londonistan, p.116.

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Le rapport à l‟altérité subit des hauts et des bas selon les enjeux

politiques du moment qui ont un effet aussi important que le poids de l‟altérité

culturelle dans toute situation de ce genre. La construction d‟un lien

intercommunautaire accueillant qui favorise les relations familières est influencée

par les événements sur la scène nationale et internationale qui ont rendu obscures

interactions et perceptions entre la communauté musulmane en général et la société

majoritaire britannique339

.

La controverse a défavorablement affecté les relations raciales dans

la société britannique. Cette situation s‟est tout de suite traduite par une interaction

intercommunautaire limitée. En effet, la vision et le rapport avec l‟autre restent

largement prisonniers du traitement médiatique de la religion musulmane et d‟une

longue histoire de représentations façonnées depuis des siècles au cours des

périodes d‟affrontements. La stigmatisation qui touche l‟ensemble des musulmans

en Grande-Bretagne, qui s‟incarne dans les discours véhiculés par les médias, passe

précisément par l‟absence de référence au contexte politique et historique des

événements. La stigmatisation ne fait aucune distinction entre les différents

courants religieux et aboutit à la production des anciens schémas de pensée et des

images de l‟altérité religieuse. Ces représentations circulant dans les moyens de

communication ont un effet sur une grande partie de la société britannique en

particulier sur les plus âgés.

Conclusion

En somme, le rapport intercommunautaire entre la communauté

arabe de Londres et les membres de la société d‟accueil reste imprégné par les

représentations et la vision d‟autrui tissées sur les événements historiques par les

moyens de communication. Des opinions stéréotypiques sur l‟autre continuent

d‟influencer les mentalités et les attitudes des couches populaires, âgées en

particulier. Thierry Hench dans l’Orient imaginaire : la vision politique occidentale

339

S. Vertovec, „Islamophobia and Muslim Recognition in Britain,‟ Muslims in the West, p.33

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177

de l’est méditerranéen, 340

s‟interroge sur les fondements de la connaissance qui

s‟écarte de toute approche objective et se glisse dans une tendance ethnocentrique

tramée sur un rapport historique caractérisé par la domination et l‟affrontement.

Maxime Rodinson, dans la Fascination de l’Islam, n‟a pas donc tort de nous mettre

en garde contre la représentation négative des contacts qui s‟établissent à l‟occasion

des affrontements historiques : „‟Les perceptions de l‟autre prennent en compte

celui-ci moins pour ce qu‟il est que pour ce qu‟il paraît représenter comme menace,

comme espoir, en connexion avec les passions et les intérêts, pour renforcer ou

illustrer un courant interne341

.‟‟

Les mêmes représentations refont surface à chaque moment de crise

dans un monde sous tension qui semble n‟avoir rien appris des douloureux

affrontements du passé en se bousculant dans des aventures désordonnées ponctuées

d‟interventions militaires dans plusieurs coins du monde. Les collectivités humaines

n‟échappent pas de la nécessité de se définir. La prise de conscience identitaire

n‟est pas possible sans penser l‟altérité, sans tenir compte du regard et de la

présence de l‟autre. C‟est vrai de la communauté arabe comme de la société

d‟accueil, bien que ce regard reste toujours influencé par des forces extérieures. La

connaissance d‟autrui se fait sous la pression des événements et à travers les

représentations véhiculées souvent par les moyens de la communication.

L‟accès à un rapport intercommunautaire solide dans une société

pluraliste repose sur une connaissance d‟autrui, une connaissance d‟autres cultures

et une conscience des habitudes et des différences entre les divers modèles

culturels. À cet effet, un rapport intergroupe doit trouver son ciment dans la

connaissance et la compréhension, non seulement des cultures et religions, mais

aussi et surtout de la diversité des coutumes et modes de vie des personnes vivant

dans un espace commun.

Cette connaissance doit dépasser la connaissance superficielle proposée par

les médias pour arriver à une connaissance basée sur la découverte, la familiarité,

340

P. 184. 341

P.139.

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et la proximité. La connaissance d‟autrui conjuguée avec la reconnaissance de la

différence et sa tolérance donne comme effet des interactions plus actives et

agréables avec les groupes appartenant à des cultures minoritaires. L‟accès à un

rapport intercommunautaire est relié à la destruction des tendances

ethnocentriques. Cette phase repose sur la capacité à identifier les aires de

malentendus et de dysfonctionnement et à distinguer les conformités et les

différences communautaires. Une fois que les bases des tendances ethnocentriques

sont bien comprises, il devient plus facile de lever les barrières du rapport

interculturel et de gérer les différences culturelles efficacement.

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Chapitre VII : Les rapports intercommunautaires du point de vue de la

population minoritaire

Introduction

A l‟heure de la mondialisation et des migrations internationales, la société

britannique est devenue au fil des années, une société multiethnique où différents

groupes ethnoculturels coexistent. Le mouvement d‟un groupe minoritaire d‟un

environnement culturel à un autre s‟accompagne souvent du changement de valeurs,

de normes, et de modes de vie. La communauté minoritaire prend conscience que

la culture du nouvel environnement culturel se situe à une distance variable de la

sienne. Cette conscience de la diversité, qui engendre des déséquilibres dans le

rapport avec autrui, est à l‟origine de la tendance de l‟immigrant à réagir et à se

réajuster différemment face à un nouveau milieu culturel.

Ce chapitre a pour objectif le traitement du rapport interculturel de la

communauté arabe de Londres avec la société d‟accueil en mettant l‟accent sur

l‟ouverture du groupe minoritaire arabe sur la culture du pays d‟accueil comme

moyen de médiation interculturelle. Dans un contexte de culture majoritaire et

minoritaire, les nouveaux arrivants doivent avoir un contact avec la culture

majoritaire pour établir un lien avec le nouvel environnement culturel. Ce lien peut

être qualifié d‟harmonieux au moment où des groupes entrent en contact avec

l‟intention de réaliser des échanges. Le contact commence par une reconnaissance

réciproque jusqu‟à la pratique d‟activités conjointes. L‟échec de l‟établissement

d‟un rapport interculturel peut être imputé au narcissisme excessif et à l‟arrogance

d‟autrui. L‟incrustation dans l‟imaginaire collectif des stéréotypes que les

mutations n‟ont pas été en mesure d‟effacer peut constituer également un obstacle.

Dans ce sens, si l‟imaginaire occidental, comme nous l‟avons montré dans le

chapitre précédent, continue à accumuler un ensemble de représentations négatives

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sur les Arabes et le monde arabo-islamique, face à l‟Occident, l‟imaginaire arabe se

meut entre fascination et répulsion.

1. Les représentations de l’Occident : de l’orientalisme à l’occidentalisme

L'une des illustrations vivaces de cette dichotomie qui a dominé

le débat sur l'Occident depuis le début de la confrontation à travers

plusieurs périodes dans l‟histoire avec le monde arabo-islamique, et

qui n'a jamais été résolue, est la question de ce qui doit être pris de

l‟Occident et ce qui doit être rejeté. Il a eu un consensus sur le fait que

la civilisation occidentale est indispensable pour le progrès, mais il a

eu la peur d‟une influence sur l'identité, la tradition, et l‟altération de

ce que le moi a perçu comme moralité élevée, une certaine spiritualité

dont l‟Occident est privée342

.

Si, comme fut montré précédemment, les représentations des Arabes dans le

monde occidental sont teintées de plusieurs stéréotypes, la vision de l‟Occident

dans le monde arabe est également entachée de représentations négatives. Au gré

des alliances et des confrontations, ces représentations ont évolué à travers des

siècles dans le cadre des relations conflictuelles entre monde arabe et Occident.

Ces relations, qui étaient marquées par la séduction et la répulsion, débouchèrent

sur des guerres, mais aussi constituèrent des moments d‟échanges et de transferts

fondamentaux dans les domaines scientifiques et culturels.

Les périodes de conflits armés entre l‟Occident et le monde arabo-islamique

engendrèrent une image fortement négative de l‟Occident dans l‟imaginaire collectif

arabe. Les écrits arabes des périodes de conflits reflètent clairement la construction

d‟un profil de l‟Occident comme puissance hégémonique qui n‟agit que pour

asservir l‟Arabe, mépriser ses valeurs et exploiter ses ressources et ses biens343

. Les

représentations de l‟Occident dans l‟imaginaire arabe sont d‟une grande

complexité. Ainsi, on peut relever chez les Arabes des attitudes de rejet et

342

R. El-Enany, Arab Representations of the Occident, p.8: „One of the perennial manifestations of this

dichotomy which has dogged the debate about the West since the beginning of the encounter and has never been

resolved is the question of what to take from the west and what to leave. There has been consensus that western

civilisation is a sine qua non for progress, but there has also been fear for identity, for tradition, for the

corruption of what the self perceived as higher morality, a certain spirituality of which the West is bereft‟

343

Ibid p. 107.

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d‟acceptation qui reflètent les divers courants politiques et religieux dans le monde

arabe. La longue période des luttes pour l‟émancipation politique vit une opposition

violente entre modernistes et conservateurs, religieux et laïcs, radicaux et modérés.

Le monde arabe créa des représentations différentes du monde occidental.

La proximité à l‟égard de ce monde varie en fonction des canaux d‟approche. D‟un

côté, il y a les partisans de la tradition, et de l‟autre, on trouve les tenants de la

modernité. Les occidentaux comme infidèles, croisés et colonialistes continuent de

travailler l‟imaginaire arabe selon les circonstances et les dimensions des

affrontements. Chaque fois que la confrontation entre l‟Islam et l‟Occident semble

réactivée, les dimensions d‟échanges sont occultées par une ignorance réciproque

chargée de menace. Malgré les différences qui existent entre les Etats et les

organismes médiatiques, certains discours arabes véhiculent des réactions hostiles

à l‟égard du monde occidental. Par ailleurs, ce que le paysage médiatique arabe

retient est une mosaïque de discours, d‟attitudes et de jugements344

.

1.1 Représentation positive et la conciliation de deux modèles culturels

Dans le rapport avec l‟Occident, une partie des élites arabes adoptent

une logique éclectique avec une ouverture d‟esprit permettant d‟accueillir toute

diversité culturelle avec compréhension. La pensée éclectique s‟ouvre entièrement à

toutes influences extérieures. Elle considère que les discours arabes sur l‟Occident,

notamment le discours traditionnel, ressassent le même leitmotiv, depuis des

décennies, d‟un Occident envahisseur en s‟attaquant à son immoralité, et à son

hypocrisie. Les représentants de cette tendance conciliatrice comme le confirme

Nassib Sami El Husseini dans l’Occident imaginaire : la vision de l’autre dans la

conscience politique arabe345

, idéalisent l‟Occident comme modèle irrésistible pour

accéder à la modernité. La modernisation à l‟occidentale dans plusieurs facettes de

la vie est favorisée et les éléments négatifs ne font pas le poids devant l‟attrait de ce

modèle. L‟impact des missionnaires, à cet égard, n‟est pas négligeable. Leur

344

Ibid. p. 130. 345

N. El Husseini, l’Occident imaginaire, p.65.

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enseignement joua un rôle important dans l‟idéalisation de l‟Occident au sein des

sociétés arabes.

Parmi les intellectuels arabes qui prirent le relais pour défendre le

modèle occidental, on trouve Rifaa Al-Tahtawi346

et Taha Hussein.347

Leurs rôles

dans le façonnement de la perception arabe de l‟Occident à travers leurs écrits

originaux et traductions sont considérables. Cet effet déboucha sur un appel à la

communion de la pensée avec cet idéal348

. Les défendeurs de cette logique

estiment que les sociétés arabes prétendument arriérées ont besoin, pour rattraper

leur retard, de s‟inspirer du modèle occidental. Face à ce déséquilibre, les

idéalisateurs veulent mettre leurs sociétés sur les rails de la modernisation avec des

réserves qui concernent particulièrement les traditions et les coutumes arabo-

musulmanes. Dans ce sens, le caractère de la libération des mœurs à l‟européenne et

la nécessité d‟accommoder la religion musulmane constituent deux thèmes

complémentaires aux réserves émises par un bon nombre d‟idéalisateurs349

.

Le Liban et l‟Egypte savourèrent le privilège d‟être les éléments

conducteurs de ce modèle triomphant dans la société arabe. Au Liban, toute une

partie de la société était préparée à l‟idée que le pays serait le principal lien entre

l‟Orient et l‟Occident. Désirant s‟approprier le privilège d‟être le canal de la

civilisation occidentale vers le monde arabe, la compétition à ce titre, entre les

idéalisateurs libanais et égyptiens ne cessa pas. L‟admiration du modèle

occidental se manifeste en ce qui concerne l‟esprit de discipline, à savoir l‟esprit

civique et de tout ce qui permet le bon fonctionnement de la société, confirme

Mouna Bennai-Chraïbi :

C‟est en Occident que sont acquises les réalisations de l‟Etat-

providence, notamment la sécurité sociale et les indemnités de

chômage. Aux grands écarts de fortune, au pouvoir de l‟argent, au

clientélisme, à la corruption régnant dans les rouages de la vie sociale,

administrative et économique du Maroc, sont opposés la justice

sociale, le respect de l‟homme régnant « ailleurs », chez le voisin

346

Ecrivain égyptien (1801-1873). 347

Romancier et essyiste et critique littéraire égyptien (1889-1973). 348

N. El Husseini, L’Occident imaginaire, p.75. 349

Ibid p.66.

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183

espagnol côtoyé dans les enclaves par les habitants du Nord

marocain350

.

La reconnaissance de la supériorité de la civilisation européenne par

les premiers idéalisateurs dérange particulièrement les musulmans, en particulier les

dignitaires tels Al-Tahtawi, qui doivent concilier cette supériorité avec l‟Islam.

Cette notion est centrale dans la théorie musulmane et les discours populaires. La

situation n‟a donc jamais été la même pour les idéalisateurs, musulmans et

chrétiens. Ces derniers, n‟ayant pas à défendre l‟Islam, bénéficiaient d‟une marge

de manœuvre plus grande. Cette fascination ou admiration est accompagnée d‟une

autre représentation de rejet construite sur deux piliers : il s‟agit de la perception et

la vision des courants islamiste et nationaliste dans le monde arabe de l‟Occident.

1.2 Représentations des islamistes et nationalistes de l’Occident

1.2.1 Le rejet islamiste et la thèse de l’invasion culturelle

L‟Occident est généralement présenté dans le monde arabo-islamique

comme continent éloigné de la morale, où règnent la dépravation, la corruption, et

la dissolution des mœurs. Le monde occidental, tel qu‟il se présente aux perceptions

arabo-musulmanes, dans ses ambivalences entre le matériel et le spirituel, est

emmailloté dans un ethnocentrisme arrogant, voire dans un racisme flagrant à

l‟égard des autres civilisations et cultures351

. Le rejet islamiste est représenté par

des figures telles que Mohammed Abdou352

et Hassan Al Banna353

en évoquant la

thèse de l‟invasion culturelle occidentale.

L‟Occident est représenté comme croisé, ou colon, qui incarne

toutes les étapes de l‟histoire et des guerres entre l‟Occident et le monde arabo-

musulman. L‟islamisme construit tout un lexique concernant l‟Occident avec

comme terme le plus récurrent celui d‟invasion culturelle. Le rejet du modèle

occidental, qui est considéré par le courant islamiste comme invasion culturelle, se

350

M. Bennani-Chraïbi, „Jeunes Egyptiens et Marocains face à l‟Occident : appropriation, attrait, répulsion‟, Les

Visions de l’Occident dans le monde arabe, p.123-124. 351

N. Afaya, L’Occident dans l’imaginaire arabo-musulman, p.122. 352

Réformiste égyptien (1849-1905) 353

Très connu comme le fondateur de l‟organisation des Frères musulmans en Egypte en 1920.

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184

construit sur une vision des rapports du pouvoir à l‟échelle mondiale. Alors que

l‟idéalisation de l‟Occident se fait parfois au détriment de l‟espace d‟appartenance,

sa diabolisation repose généralement sur l‟expression de l‟identification de

l‟individu à sa communauté définie en fonction de critères religieux354

.

Les thèmes de l‟authenticité et de la sauvegarde des valeurs

qualifiées d‟arabo-islamiques qui renvoient souvent à la sphère des mœurs et de la

sexualité sont largement évoqués355

. La question de la désintégration de la famille

occidentale est particulièrement contrastée dans le discours avec une société

musulmane dont la solidarité sociale et de la stabilité familiale sont les bases

fondatrices. Les premiers éléments mis en avant dans la justification de ce rejet sont

la différence religieuse, l‟anarchie des mœurs ou la déviance sexuelle356

. Aux deux

éléments -religion et liberté sexuelle- stigmatisant, la liberté, à la fois objet de

fascination et de rejet, est un autre élément mêlé au modèle occidental. La liberté

en Occident est jalousée dans certains domaines comme la liberté d‟expression et

la liberté politique mais diabolisée lorsqu‟elle touche le domaine de l‟éthique357

.

La liberté dans la perspective islamiste fonctionne alors à l‟intérieur

de la religion et de l‟éthique musulmane ou orientale. Autrement dit, la liberté ne

peut être que religieuse et morale. Lorsqu‟elle dépasse une certaine limite, elle

devient anarchie et dissolution. Les représentants de ce courant de pensée arabe

rejettent catégoriquement les valeurs occidentales et se lamentent des pertes des

valeurs originelles à cause de la portée de la civilisation occidentale358

, et voient

dans l‟invasion occidentale un effacement de l‟entité arabe.

Le rejet islamiste de l‟Occident se construit sur ces points négatifs.

Pour ce courant, „‟l‟Occident est la terre de la barbarie et un continent sans âme et

sans religion, une machine de puissance calculatrice et cupide qui veut dominer le

354

354

M. Bennani-Chraïbi, „Jeunes Egyptiens et Marocains face à l‟Occident : appropriation, attrait, répulsion‟,

Les Visions de l’occident dans le monde arabe, p.133. 355

Ibid. 356

A. Nivat, Islamistes : comment ils nous voient ?, p.107. 357

S. Radi, „l‟Image de l‟Occident chez les prêcheurs musulmans et coptes‟, Les Visions de l’Occident dans le

monde arabe, p.164. 358

N. Afaya, L’Occident dans l’imaginaire arabo-musulman, p.118.

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185

monde par la guerre, les sciences, les techniques, le commerce inégal, l‟exploitation

du sexe de la femme359

‟‟. Lorsque la personne se situe à partir d‟une identification

au groupe d‟appartenance religieuse, „‟l‟Occident est considéré comme calamité

en remontant vers le passé, aux croisades et à l‟épisode colonial en ajoutant les

guerres menées par les coalitions occidentales dans le monde arabe pour nourrir

cette dynamique du rejet et de la représentation négative360

.‟‟

1.2.2 Le rejet nationaliste et la rhétorique du colonialisme

A l‟instar du rejet d‟inspiration religieuse, plusieurs mouvances

laïques arabes entretiennent des représentations inamicales de l‟Occident. Des

communistes aux socialistes et nationalistes, ils maintiennent tous une rhétorique

acerbe sur l‟Occident qui est considéré comme entrave à l‟indépendance

économique et politique du monde arabe. Ainsi, l‟Occident rejeté se manifeste aussi

bien chez un militant islamiste que chez un chrétien ou un laïc. La représentation

prédominante dans les discours de l‟élite culturelle et politique arabe est celle de

l‟Occident colonial. C‟est en tout cas ce que les pouvoirs nationalistes issus de la

révolution dans plusieurs pays arabes, qui cherchaient à légitimer leur existence

puisqu‟ils étaient issus de coups d‟Etat, essayèrent de réaliser en se prenant pour

chefs de file „nationalistes „ panarabes.

Cette option a pu envahir les discours, politique et médiatique, et

littéraire. Ce courant de rejet à tendance nationaliste est parti de l‟hypothèse que la

colonisation occidentale représente véritablement l‟ensemble des occidentaux dans

leur totalité et non pas une catégorie colonialiste sans distinction entre les

puissances coloniales et les valeurs portées par les peuples de l‟Occident. Les

opinions des penseurs de la Renaissance (Nahda) n‟ont pas pu réussir à changer

ce type d‟amalgame. En outre, l‟éducation, la culture, et l‟information relative à ces

aspects n‟ont pas été jusqu‟à présent, replacés dans un cadre historique, autre que le

contexte historique des conflits et des affrontements.

359

G. Corm, Orient Occident: la fracture imaginaire, p.27. 360

S. Radi, „l‟Image de l‟Occident chez les prêcheurs musulmans et coptes‟, Les Visions de l’Occident dans le

monde arabe, p.134.

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186

Comme nous l‟avons montré précédemment, pour le courant de rejet

islamiste, l‟altérité vis-à-vis de l‟Occident est basée sur des questions qui relèvent

de la religion et de la morale islamique. Les nationalistes parlent également des

occidentaux d‟une manière presque identique à celle des islamistes. La divergence

des références éthiques et des attitudes morales est une piste exploitée par les deux

courants dans la dynamique du rejet et des représentations d‟autrui. Ce rejet est

alimenté par les périodes de domination et de confrontation entre monde arabe et

Occident.

Tous les répertoires comme colonialisme, impérialisme, et sionisme se

relient et se correspondent dans la lecture des relations entre l‟Occident et le monde

arabo-musulman. Ce sentiment de répulsion est renforcé, surtout depuis la guerre

du Golfe (1990-1991), pour caractériser le rapport à l‟autre à qui l‟on reproche,

selon Saadia Radi : „‟ Injustice politique du „deux poids, deux mesures‟, usage d‟un

subterfuge juridique, „la légitimité internationale‟, pour servir des intérêts

impérialistes , défense d‟Israël qui, depuis sa naissance, „viole les lois onusiennes‟,

„écrasement militaire d‟un Arabe qui a osé se révolter contre l‟ordre occidental,

dont l‟un des principes est le maintien des Arabes dans l‟humiliation et

exclusion361

.‟‟

D‟une façon générale, une pluralité de répertoires est investie et

instrumentalisée dans un processus de rejet du modèle occidental et de la

représentation négative de l‟Occident et les discours et les références abondent

dans l'histoire nationale pour alimenter cette perspective. Bref, le monde arabe

éprouve souvent une attraction répulsion vis-à-vis du mode de vie occidental en

entretenant bien des clichés sur l‟Occident qui dominent les discours médiatiques et

littéraires.

1.3 Le rejet de l’Occident dans les médias et la littérature

L‟Orient arabe formule des perceptions et des représentations de

l‟Occident aussi bien dans le domaine de la pensée politique que dans les champs

361

Ibid.p.135.

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littéraires et médiatiques. En ce qui concerne la représentation médiatique, la presse

arabe, notamment la presse arabe éditée à Londres, comme Al-Hayat, Al-Quds et

Al-Charq Al-Awsat qui se proclament panarabes, véhicule une représentation

négative de l‟Occident.

Ainsi l‟image de la société britannique comme société immorale y est

récurrente. A titre d‟exemple, dans les caricatures apparaissant dans cette presse,

„‟les hommes d‟affaires britanniques sont représentés comme croisés chrétiens,

symbole des intentions impérialistes de la Grande-Bretagne qui visent à contrôler

les ressources arabes et à contaminer la terre sacrée362

.‟‟ L‟image de la Grande-

Bretagne contrôlée par les juifs est une autre image dominante qui est symbolisée

par le portrait des hommes politiques britanniques obéissant au lobby juif et

tournant le dos aux revendications arabes. Un sujet développé constamment dans

colonnes de cette presse est la politique de deux poids, deux mesures de l‟Occident

envers le monde arabe, notamment lorsqu‟il s‟agit des questions du Moyen-Orient

et des revendications arabes.

Le discours littéraire est l‟un des axes sur lesquels s‟établit la

représentation de l‟Occident. Les intellectuels arabes pensent selon deux logiques :

la majorité d‟entre eux selon la logique traditionaliste. Contrairement à la tendance

éclectique qui favorise les mœurs et les coutumes de l‟Occident, le courant

traditionnel base sa critique de la société sur la mise en cause des valeurs

occidentales qui sont des thèmes développés par plusieurs auteurs arabes363

.

Cette production littéraire dans laquelle l‟Occident se manifeste à travers

trois dimensions n‟est pas coupée du contexte socio-historique qui l‟environne. La

première dimension, est l‟image de l‟Occident en tant que phénomène colonial dans

le cadre de la relation historique marquée par la domination occidentale de plusieurs

pays arabes364

. La deuxième dimension se manifeste par une influence postcoloniale

362

A. Ali Abdel-Rahman Younes, Images of the West as Portrayed in the Political Cartoons in the United

Kingdom-based Arab Media, PhD thesis, University of Bradford, 1992. Consultée à Londres – British Library en

2007. 363

M. Alzahrani, L’Image de l’Occident dans le roman arabe contemporain, thèse de doctorat, paris III, 1990. 364

A. Ahrazem, L’Image de l’Occident dans le roman marocain, thèse de doctorat, Paris III, 1993.

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à différents niveaux, culturels, économiques et politiques après l‟indépendance. La

troisième dimension est incarnée par la prise de conscience par rapport à la

problématique de l‟identité nationale dans la mesure où les peuples auparavant

colonisés sont sous l‟influence de l‟Occident lequel représente en même temps

pour eux un modèle de renouveau et de progrès.

En résumé, la série des événements qui ont marqué le rapport entre

monde arabo-islamique et Occident tels que les croisades, le colonialisme

continuent d‟agir sur l‟imaginaire arabe et la formulation des représentations arabes

de l‟Occident. Ces représentations sont dominées par le ressassement des mêmes

images d‟une puissance coloniale agressive et des croisés et envahisseurs. Que ce

soit l‟approche libérale, nationaliste ou islamiste, l‟Occident se présente, à la fois

comme modèle étatique et politique, ou comme influence et domination culturelle.

Pour le nationaliste, qu‟il soit au pouvoir en Syrie, Irak, ou Libye, ou dans

l‟opposition, l‟Occident résiste aux tentatives d‟unification arabe politiquement et

culturellement. En un mot, „‟le politique et le culturel s‟imbriquent d‟une manière

indissociable dans la formulation des perceptions et représentations arabes de

l‟Occident365

.‟‟

2. Culture : moyen de médiation interculturelle

2.1 Que-ce que c’est la consommation culturelle ?

L‟intégration d‟une minorité ethnique au sein d‟une société

d‟accueil ne se limite pas seulement à un processus strictement économique et

social. En fait, ce processus d‟intégration économique dissimule un travail

d‟appropriation culturelle. Cette procédure d‟adaptation culturelle est subordonnée

à l‟ouverture sur la culture du pays d‟accueil comme stratégie de médiation

interculturelle. L‟alignement des habitudes et des coutumes propres à un groupe

culturel sur l‟ensemble des mœurs de la population autochtone est possible à

travers l‟adaptation culturelle qui est réalisable grâce à une consommation culturelle

diverse.

365

Ibid. p.126.

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La pratique culturelle englobe la fréquentation des salles de cinéma, des

théâtres et la consommation audiovisuelle : radio, télévision et musique. Cette

pratique culturelle, selon Olivier Donnat et Denis Cogneau, „‟change constamment

à travers divers stades allant de l‟initiation à l‟abandon, de l‟initiation à la pratique

régulière, ou de l‟abandon à la reprise366

.‟‟ Les individus peuvent s‟adonner

régulièrement à des pratiques comme ils peuvent s‟en écarter délibérément à

travers l‟initiation à d‟autres pratiques. Les déplacements sur ce continuum sont

fréquents puisque les individus peuvent passer progressivement d‟une pratique

occasionnelle à une pratique régulière. Les habitudes culturelles relèvent d‟un

processus fondamental de structuration et de déstructuration des liens sociaux et

peuvent permettre à une communauté d‟établir un lien avec les communautés

culturelles à travers l‟intérêt porté aux problèmes de la société.

2.2 Pratique culturelle : pont interculturel

Les pratiques culturelles s‟inscrivent dans des logiques de

médiation puisque nous prenons conscience de notre appartenance à travers ces

pratiques. Il s‟agit d‟une activité au cours de laquelle nous assumons une langue par

le simple fait de la comprendre. Nous acquérons également des informations qui

nous donnent une culture commune avec d‟autres lecteurs engagés dans les mêmes

activités telles que la lecture d‟un journal, l‟écoute d‟une radio ou le spectacle

d‟une télévision. Dans ce sens, ces pratiques sont des activités de médiation qui

donnent à la sociabilité une dimension et une consistance fondée sur des pratiques

d‟autant plus ancrées dans notre conscience qu‟elles sont mises en œuvre au cours

de nos expériences et de nos relations personnelles.

Bref, les pratiques culturelles d‟une minorité pourraient

s‟analyser comme le résultat d‟une négociation entre sa tradition et son projet global

d‟insertion dans le nouvel environnement culturel. La transmission des

significations sociales, par la médiation notamment les pratiques culturelles, permet

à l‟individu de communiquer avec autrui et de s‟insérer dans un nouveau tissu

366

O. Donnat et D. Cogneau, Les Pratiques culturelles des Français, p. 55.

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190

social. Dans la mesure où les individus appartenant à des minorités culturelles ont

tendance à fréquenter autrui, à vivre en société et à être ouverts et accommodants,

ils se familiarisent avec le nouvel environnement social et culturel. Dans ce

contexte, notre l‟étude du rapport intercommunautaire de la minorité ethnique arabe

de Londres avec le courant majoritaire de la société britannique traite le lien entre

les grandes tendances en matière de lecture de presse ou d‟utilisation d‟autres

moyens culturels et la formation des réseaux des relations interpersonnels.

3. Traitement des données

3.1 Pratiques culturelles

3.1.1 Lecture des journaux

Il est à noter qu‟une grande proportion de la communauté lit en

premier lieu les journaux provenant de leurs pays d‟origine, puis les journaux

arabes édités à Londres. Le taux le plus bas de lecture de la presse (35% des

questionnées) est observé chez les femmes qui lisent en particulier les magazines

féminins les plus centrés sur la famille et la maison. Autrement dit, la lecture des

magazines et des revues publiés à Londres ou provenant du monde arabe domine la

consommation des produits culturels chez les femmes. Les hommes, à l‟inverse,

s‟adonnent très nettement à la lecture des journaux politiques et privilégient les

lectures qui sont en rapport avec le monde extérieur.

On observe une corrélation entre fréquence de lecture et type de

quotidiens. La lecture des journaux nationaux est plus souvent quotidienne que celle

des journaux panarabes édités à Londres. Il semble donc qu‟on puisse distinguer

deux modalités de lecture de la presse quotidienne. La lecture de la presse nationale

et arabe est une pratique quotidienne, dominante et fortement ritualisée chez 63%

des questionnés. En revanche, la lecture de la presse anglaise est moins fréquente et

se limite aux élites et aux jeunes de la deuxième génération (25% des questionnés).

Le manque d‟intérêt des jeunes pour les médias arabes est attribué au fait

que la majorité ne maîtrise pas la langue arabe. Le mode de consommation des

médias est caractérisé par un usage informationnel sélectif pour les média de la

société d‟accueil d‟une part, et d‟autre part, par un usage affectif pour les médias

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ethniques. Globalement, si l‟on ne retient que les deux modalités de lecture les plus

fréquents, la prédominance des quotidiens nationaux sur les quotidiens arabes est

nette puisque les premiers ont deux fois plus de lecteurs que les seconds (65%

contre 34%).

3.1.2 Pratiques audiovisuelles

La même tendance est observée en ce qui concerne la musique, la

radio et la télévision. La consommation audiovisuelle est dominée par les moyens

de communication arabes et les gros consommateurs se recrutent parmi les femmes.

Ces dernières peuvent utiliser la radio comme fond sonore pendant l‟exécution de

tâches domestiques ou pour certaines pendant le temps du travail.

Les pratiques audiovisuelles sont concentrées sur les moyens de

communication arabes à l‟exception d‟une proportion des membres de la deuxième

génération. La proportion des Arabes qui écoutent ou regardent les chaînes

britanniques est faible et les élites de la communauté sont toujours les plus

nombreuses à le faire, mais le phénomène apparaît bel et bien générationnel chez les

générations nées en Grande-Bretagne. Le rajeunissement de l‟auditoire ou son

niveau de scolarité est un facteur qui reflète la consommation des produits

culturels britanniques. La majorité des jeunes choisissent des émissions et des films

britanniques et écoutent la musique britannique en raison parfois du manque de

maîtrise de l‟arabe.

Bref, les médias ethniques et nationaux sont utilisés plus que les

médias dominants dont les immigrants expliquent l‟utilité souvent à titre de moyen

éducatif pour apprendre la langue anglaise. Cette pratique reflète la manière

d‟organiser la communication sociale et le rapport avec le milieu d‟accueil et le

groupe d‟appartenance nationale et ethnique. Les membres de la communauté arabe

recourent aux médias ethniques pour des besoins psychologiques et affectifs reliés à

la nostalgie du pays d‟origine, tandis qu‟ils utilisent les médias dominants pour des

besoins informationnels filtrés.

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3.1.3 Fréquentation de l’espace public

Les fréquentations de l‟espace public en matière de sorties culturelles

confirment la plus grande pratique de l‟espace de proximité. Les membres de la

communauté arabe sont, dans l‟ensemble, nombreux à ne pas fréquenter les lieux

culturels. Le réseau des activités communautaires constitue une alternative

considérée comme positive pour encadrer les occupations culturelles. Ces activités

rassemblent les membres de la communauté à l‟occasion des soirées arabes. Les

fêtes, en particulier Aid el-Fitr (fête de la rupture du jeûne du mois de ramadan) et

Aid el-Kebir (la fête du mouton), constituent de puissants facteurs de ressourcement

communautaire à la culture arabe, donnant ainsi l‟occasion de réunir largement des

familles autour de convictions confessionnelles ou des pratiques rituelles.

3.2 Les attitudes d’acculturation

Dans un milieu multiculturel, les immigrants négocient différemment

le rapport avec le nouvel environnement culturel. S‟agissant des attitudes

d‟acculturation des membres de la communauté arabe de Londres, l‟intégration est

l‟attitude d‟acculturation qui domine.

0

50

100

150

200

250

300

Intégration Individualisme Séparation Assimilation

Attitudes d'acculturation (n500)

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193

La préférence accordée à l‟intégration et à la séparation comme

attitudes d‟acculturation révèle l‟importance que les immigrants accordent au

maintien des liens avec la culture arabe et leurs attitudes vis-à-vis de l‟interaction

intercommunautaire. Les individus qui adoptent l‟intégration comme orientation

d‟acculturation ont une expérience d‟interaction avec la culture britannique et

rencontrent moins de difficultés d‟adaptation sociale. Par contre, ceux qui

choisissent la séparation sont attachés aux valeurs traditionnelles arabes avec un

réseau de relations interpersonnelles limité à la communauté ethnique.

L‟orientation d‟acculturation individualiste est également

privilégiée par une partie significative des questionnés qui proviennent

généralement du milieu universitaire, qui place la réussite individuelle avant

l‟origine culturelle et sociale. Les résultats confirment la pertinence de la place de

l‟individualisme comme profil d‟acculturation chez les jeunes. L‟orientation

d‟assimilation est très peu populaire. Chez toutes les catégories, l‟intégration et

l‟assimilation se trouvent respectivement en première et en dernière position.

Les stratégies d‟acculturation sont corrélées avec l‟âge et le sexe des

questionnés de façon significative. Autrement dit, plus les questionnés sont âgés,

plus ils adoptent une stratégie de séparation. Le groupe des femmes révèle une

légère accentuation de la séparation par rapport à celui des hommes. En un mot,

l‟âge, le sexe et le niveau d‟éducation des questionnés influencent leur stratégie

d‟acculturation.

3.3 Réseaux des relations interpersonnelles

Dans l‟ensemble, le réseau des relations interpersonnelles est centré

sur le groupe ethnique ou national. Ce réseau intraethnique s‟agrandit par

différents moyens de connexion tels que les liens de parenté, les mosquées et les

organismes communautaires, qui constituent des réseaux d‟amis du pays d‟origine.

A la différence des réseaux avec les natifs, les rapports intraethniques s‟avèrent

indispensables, efficaces et très influents. Certains réseaux, comme ceux des

églises, des mosquées, des associations, sont établies préalablement à l‟arrivée

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d‟immigrants et fonctionnent comme véritable système d‟accueil. D‟autres se

construisent et se développent au fur et à mesure que nos informateurs vivent leurs

expériences d‟émigration dans la société d‟accueil.

Les liens intercommunautaires sont cependant difficiles à développer

chez certains immigrants qui connaissent peu de natifs qu‟ils peuvent considérer

comme amis, faute d‟occasions de rencontre ou de compétence linguistique. Une

catégorie de nos questionnés s‟affirment comme appartenant à la culture d‟origine

et au groupe monoethnique. Ils sont distants du courant dominant de la société et

fréquentent en premier lieu les membres de leur groupe ethnique et national.

L‟existence de réseaux ethniques solides et forts constitue pour cette catégorie un

facteur positif pour diminuer la marginalité. Une autre catégorie développe des liens

et des interactions avec la société d‟accueil. Plusieurs facteurs, notamment l‟âge et

le niveau d‟instruction et d‟insertion professionnelle constituent un appui pour la

création des réseaux extraethniques.

4. Analyse et interprétations des données

4.1 Pratiques culturelles : médias arabes, puissants facteurs de

ressourcement communautaire

Dans la société arabe, la pratique culturelle, selon Abdelkader Ben

Cheik, est largement marginalisée en raison en premier lieu du niveau élevé de

l‟analphabétisme367

. L‟analphabétisme, les abandons prématurés de l‟école

constituent des entraves au développement de la pratique culturelle. L‟insuffisance

des bibliothèques publiques, où le citoyen peut s‟initier à l‟exploitation individuelle

et collective de l‟information documentaire, et les conditions socio-économiques

freinent les possibilités matérielles d‟accès au livre et à la presse.

L‟examen du budget familial est révélateur de la place qu‟occupe la

culture d‟une manière générale dans la hiérarchie des besoins sociaux au monde

arabe368

. L‟acte de lire est faiblement enraciné dans les habitudes de la famille

arabe. En effet, une large majorité baigne dans un climat de fragilité matérielle et

367

A. Ben Cheik, Productions de livres et lecture dans le monde arabe, p. 41. 368

Ibid. p. 41.

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culturelle. „‟L‟apprentissage du désir de lire est limité à une minorité libérée des

entraves matérielles et habituées au rôle de la culture dans le développement de la

personnalité et d‟une scolarité réussie369

.‟‟

L‟analyse des pratiques culturelles de la communauté arabe de

Londres, en particulier les pratiques médiatiques et la fréquentation des lieux

culturels, révèle certaines disparités dans l‟ouverture sur la culture du pays

d‟accueil. L‟opposition la plus forte est celle qui existe entre gros consommateurs

des moyens de communication du pays d‟origine et ceux qui consomment la culture

britannique. L‟univers des pratiques culturelles est fortement stratifié. Ainsi, on

distingue trois axes fondamentaux de la stratification des pratiques culturelles selon

le genre, le niveau de scolarité et l‟âge.

Le degré de scolarité de la personne représente une variable exerçant une

très grande influence sur les pratiques culturelles chez les membres de la

communauté arabe de Londres. Si l‟on considère par exemple l‟indicateur de la

scolarité, on remarque que les plus scolarisés sont les plus actifs en matière du

cumul des pratiques culturelles des deux environnements culturels. L‟ouverture sur

la culture britannique à travers les médias se maintient à un niveau progressif chez

les intellectuels et les membres de la deuxième génération. La proportion de forts

consommateurs continue à augmenter chez cette catégorie qui, en même temps, fait

des sorties culturelles, fréquentant les bibliothèques, le théâtre ou le cinéma.

L‟analyse des résultats par tranche d‟âge indique clairement que la

proportion des consommateurs quotidiens de la culture arabe est plus élevée chez

les membres de la première génération. L‟une des grandes ruptures en matière des

pratiques culturelles est celle qui s‟est établie entre jeunes et personnes âgées. En

effet, on observe que ce sont essentiellement les jeunes qui sont porteurs des

grandes tendances dans l‟évolution des taux de consommation de la culture

britannique. Il s‟agit de l‟exemple le plus typique des transformations majeures des

pratiques culturelles chez les membres de la communauté arabe de Londres.

369

Ibid. p. 42.

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A l‟opposé, la première génération s‟est approprié les modèles

culturels du pays d‟origine sans modification de ses pratiques culturelles. Ces

dernières sont limitées à une consommation culturelle qui favorise ce qui est

national et ethnique. Pour cette catégorie, le fait de regarder les chaînes arabes,

d‟une manière fidèle, signifie ne pas être coupé de l‟actualité du pays d‟origine.

Autrement dit, elle se forge une identité, celle, non pas de personnes coupées des

réalités du pays d‟origine, mais plutôt de personnes qui s‟intéressent activement à

l‟actualité et à la culture du pays d‟origine malgré la distance grâce aux nouvelles

technologies.

Ainsi, l‟établissement d‟un lien avec la culture d‟origine constitue

pour ces personnes qui entretiennent une relation difficile avec la culture dominante

une marque d‟appartenance à la culture d‟origine dans la mesure où les médias

communautaires trouvent une légitimation sociale dans l‟accès à l‟information en

langue arabe et une liaison avec les pays arabes.

Le troisième axe de la disparité qui domine les pratiques culturelles est

le genre. Les hommes sont plus ouverts à la culture britannique que les femmes.

Les différences observées portent sur les niveaux et l‟intensité de la pratique

culturelle qui se manifeste très explicitement dans les pratiques reliées aux

habitudes de lecture et aux médias. Bref, il y a corrélation entre les attitudes

d‟acculturation des questionnés et leurs pratiques culturelles. Dans le processus

d‟intégration culturelle, les pratiques culturelles, qui représentent des systèmes

culturels et communicationnels, jouent un rôle crucial dans la formation de la

conscience de celui qui reçoit les informations et de l‟opinion publique. Elles

représentent un facteur actif dans la consolidation de la pluralité culturelle et dans

la familiarisation des nouveaux arrivants avec les valeurs culturelles, sociales et

morales de la société d‟accueil.

Les pratiques culturelles s‟inscrivent dans un processus dynamique

qui traverse et enrichit de manière constante les relations interpersonnelles à travers

la construction de ponts entre les cultures et leur connaissance respective et

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cohabitation féconde. Dans ce sens, ce que les anthropologues appellent pratiques

culturelles‟ en termes de consommation des médias est un instrument capable de

construire un pont interculturel qui permet de développer des rapports

intercommunautaires et d‟apporter la compréhension. Notre étude révèle que les

pratiques culturelles, qui constituent „‟une occasion dont la sociabilité peut

s‟emparer, peuvent contribuer à l‟élaboration et à la formalisation du champ

relationnel dans une société composée370

‟‟. Elles constituent, selon Bernard

Lamizet, „‟l‟ensemble des activités qui donnent une consistance effective à la

médiation symbolique constitutive de la sociabilité371

‟‟. De même que, pour

d‟autres, la pratique culturelle est un arsenal de mesures sociales et

comportementales mobilisées pour faire face aux défis de l‟environnement culturel

d‟accueil372

.

4.2 Les attitudes d’acculturation : entre recul et avancement vers la culture

majoritaire

Les stratégies d‟acculturation révèlent les attitudes d‟une minorité

ethnique confrontée à une diversité culturelle et la manière dont elle interprète et

forge les relations avec les natifs. Cette disparité culturelle affecte différemment les

liens avec le nouveau milieu culturel. L‟intégration est un processus d‟apprentissage

et de transformation culturelle par rapport à la culture du pays d‟accueil. Les

membres de la communauté arabe de Londres adoptent des pratiques et des

discours différents dans leurs rapports avec la société majoritaire. Suivant le

positionnement par rapport à l‟interaction avec le nouvel environnement culturel,

l‟immigrant définit différemment l‟intégration, la société d‟accueil et les relations

avec les natifs.

4.2.1 La séparation : une poursuite de l’authenticité culturelle

L‟orientation vers la séparation est un choix adopté par une

catégorie de la communauté arabe de Londres. Ce choix émane de l‟attachement

370

D. Pasquier, „La Culture comme activité sociale,‟ Penser les médiacultures, p.106. 371

B. Lamizet, La Médiation culturelle, p.165. 372

W. Denevan, „Adaptation, Variation, and Cultural Geography‟, The Professional Geographer, p.399-407.

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entier à la tradition et du rejet catégorique de la culture du milieu d‟accueil. Cette

attitude se caractérise par un nationalisme religieux et une identité culturelle

franche de tout effet culturel extérieur. Le type d‟univers conforme à cette tendance

est l‟univers religieux. C‟est une attitude qui se manifeste par l‟attachement aux

valeurs religieuses et le rejet des idées et des valeurs de la société d‟accueil. Sans

aucun penchant fort vers la culture majoritaire, cette tendance souligne la nécessité

de mener un mode de vie spécifiquement religieux. C‟est dans ce contexte que le

fait communautaire est souvent exacerbé par le fait religieux.

Souvent engagés dans les activités de leur communauté, ceux qui

adoptent cette stratégie d‟acculturation sont attachés au mode de vie traditionnel

de la société arabe, notamment dans ses perspectives religieuses. L‟inclination est

plutôt vers le conservatisme d‟une manière qui reflète l‟engagement de ce groupe

dans une sorte de „‟ resistant identity’’ pour vivre en sécurité et confort dans un

mode de vie sans transgression de ses normes et de ses coutumes. Un repli sur la

culture d‟origine s‟opère avec un renfermement identitaire qui se traduit par deux

caractères, „‟à savoir un hégémonisme, exprimant le fait que leurs prescriptions

tendent à concerner toutes les situations de l‟existence ; d‟autre part, des

prescriptions visant le détail de chaque situation373

.‟‟

Pour cette catégorie, l‟intégration ne mène qu‟à la dissolution de

l‟identité culturelle. Le nouveau milieu culturel est considéré comme éloigné des

valeurs religieuses. La vision culturelle pose comme „‟principe intangible le primat

de la religion, l‟hostilité à tout brassage entre cultures et l‟obsession de la notion de

pureté374

. „‟ Le nouveau milieu culturel est évalué par les membres de ce groupe à

travers un prisme religieux sur la base d‟une catégorisation du monde basée sur une

idéologie politico-religieuse. Cette vision, purement théologique, renvoie à la

crainte d‟un effet culturel extérieur qui est vu comme un processus qui non

seulement introduit un élément étranger au groupe ethnico-religieux, mais qui

373

C. Camilleri, Stratégies identitaires, p.93-94. 374

M. Harbi, „Relecture d‟une résistance‟, Pratiques et résistance culturelles au Maghreb, p.78.

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199

reflète également un milieu culturel rejeté et attaqué sévèrement sur la base de la

moralité.

Cette tendance est plus grande chez les femmes ; ce qui reflète la persistance

de l‟aspect patriarcal dans le nouveau environnement culturel375

. Les parents

tentent souvent de restaurer une autorité menacée en exerçant, notamment à l‟égard

des filles, un contrôle bien plus rigide que celui en vigueur dans le pays d‟origine.

Ces dernières s‟attachent souvent à se plier aux coutumes et mœurs de la

communauté ethnico-religieuse pour ne pas décevoir les parents.

Dans cette catégorie, les femmes ont moins de contacts avec la société

majoritaire que les hommes. Ces femmes insistent sur des différences

fondamentales entre valeurs arabes et valeurs britanniques pour réfuter la

tendance d‟intégration culturelle. S‟agissant des valeurs arabes, elles mettent en

avant les qualités des liens familiaux et les restrictions imposées sur le

comportement sexuel comme traits distinguant la culture arabe de la culture

britannique. Ces différences en manière de liens de famille et de sexualité

influencent évidemment le choix d‟une tendance séparatiste. Ces femmes projettent

une image de femmes arabes qui s‟attachent aux normes orientales dans les

relations interpersonnelles. Cette tendance est liée à la vision de la femme en tant

que dépositaire de l'honneur de la famille. Les restrictions sont destinées à

sauvegarder cet honneur en veillant à ce que les filles et les femmes n'aient pas la

possibilité de transgression de mœurs sexuelles plutôt strictes376

.

Il est à noter, d‟autre part, que le sentiment d‟aliénation et les formes de

préjugés et de la discrimination peuvent être un obstacle à l‟intégration culturelle.

Ce sentiment est suscité par l‟intolérance, réelle ou supposée, de la communauté

d‟accueil. Si la tendance séparatiste rejette la culture du groupe majoritaire,

l‟attitude d‟intégration favorise la diversité culturelle et les contacts avec des

personnes appartenant à la culture majoritaire.

375

M. Benitto, Gender and intergroup contact: the case of Arab woman, Journal of Identity and Migration

Studies, volume 4, n° 1 spring/ summer 2010. 376

J. Tucker, „the Family in History « otherness » and the Study of the Family‟, Arab Women, p.200.

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200

4.2.2 L’intégration : une recomposition identitaire à double facettes

L‟attitude d‟intégration a été mise en avant par une catégorie qui

reconnaît avoir une attitude très favorable envers la diversité culturelle ainsi qu‟une

grande tolérance des autres cultures. Le maintien partiel de l‟intégrité culturelle du

groupe ethnique est conjugué avec une participation de plus en plus marquée au

sein du nouveau milieu culturel. L‟adoption de l‟intégration peut s‟expliquer par la

vision de la société qu‟a cette catégorie. Contrairement à la vision religieuse de la

société de la tendance séparatiste, ce groupe de questionnés a un mode de pensée

laïque. Les partisans de cette tendance ne se définissent pas généralement par une

appartenance religieuse ou confessionnelle. Ils prêchent plutôt une vision laïque qui

favorise l‟attachement aux traits culturels arabes et une intégration simultanée dans

la société d‟accueil.

Cette tendance d‟intégration n‟implique pas l‟abandon total de la

culture arabe. Elle exprime une ouverture considérée comme vitale sur les autres

cultures et une réaction d‟opposition à l‟attitude d‟attachement jaloux à l‟identité

culturelle qui alimente le repli et l‟enfermement. Afin d‟éviter .l‟exclusion et la

marginalisation, les membres de ce groupe essayent de s‟accommoder au nouveau

milieu culturel avec la conscience de la construction de l‟arabité comme

composante ethnique d‟une société pluraliste. L‟arabité est présentée comme

identité fermement située dans le contexte multiculturel de la société d‟accueil.

Parallèlement à l‟attachement aux valeurs émanant de leurs origines

ethniques et nationales, une volonté de vivre simultanément leur appartenance à la

société britannique, comme différente et semblable, se manifeste. La plupart des

membres de ce groupe s‟affirment par les symboles de la diversité culturelle et se

voient comme minorité ethnique.

Sans affiliation complète aux mœurs britanniques, cette catégorie a un

penchant identitaire qui combine des traits culturels des deux cultures, arabe et

britannique. Les membres de ce groupe ont tendance à s‟ouvrir aux réseaux sociaux

des autres groupes ethniques, notamment celui de la société majoritaire. Dans ce

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201

sens, ce groupe combine assertion de l‟arabité avec les notions d‟intégration.

C‟est un désir d‟avoir une identité arabe reconnue publiquement en s‟intégrant

dans la société d‟accueil. Dans ce contexte, ils accentuent le rôle des associations

arabes qui s‟activent dans le domaine culturel et social dans le développement de la

conscience communautaire et l‟incitent à participer aux activités de la société

majoritaire comme stratégie menant vers une intégration réussie.

Brièvement, l‟adoption moderniste de la rationalité multiculturelle s‟oppose

au désir de reviviscence des valeurs traditionnelles. Ce groupe essaye d'avoir des

interprétations modernes des concepts religieux et de les réconcilier avec les normes

régnantes et lutte pour la reconnaissance ethnique de la communauté arabe comme

composante de la mosaïque ethnique en Grande-Bretagne.

4.2.3 L’individualisme et le rapport sur une base humaniste

Les personnes qui adoptent une attitude individualiste se dissocient à la

fois de leur origine ethnoculturelle et de la culture de la société d‟accueil. Elles

préfèrent plutôt se définir en tant qu‟individus. L‟orientation individualiste est

endossée par un groupe pour qui l‟appartenance à un groupe culturel spécifique

n‟est pas un référent important. Ces individus se définissent en dehors de la

rhétorique de l‟identité culturelle. Cette tendance est adoptée surtout par les jeunes

qui peuvent être considérés des cosmopolites qui s‟accommodent aisément des

mœurs de la culture arabe et de la société britannique. Une telle situation est

caractérisée „‟par l‟émergence d‟un horizon de perception d‟un monde unique dans

lequel les expériences entre les cultures continuer à exister et où les

interdépendances augmentent377

.‟‟ L‟interaction intercommunautaire „‟se manifeste

concrètement dans la mesure où les distinctions entre nous et les autres, entre le

national et l‟international sont complètement chamboulées378

.‟‟

Ce groupe, qui vit avec les deux cultures, rejette certains aspects de la

culture du pays d‟origine, tout en s‟attachant à d‟autres traits de la culture

377

H. Perlmutter, „On the Road to the First Global Civilization‟, Modernity and its Features, p.103. 378

B. Ulrich, Qu’est-ce que le cosmopolitisme, p.26.

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britannique. Spécifiquement, les membres de ce groupe cosmopolite ne rejettent pas

catégoriquement la culture arabe ou l‟arabité, mais ils se différencient de la

tendance qui construit le rapport avec autrui à partir de l‟appartenance ethnique. Ce

groupe cosmopolite, qui ne s‟associe pas au courant conservateur de l‟arabité, tisse

ses rapports avec les autres. Dans ce sens, il avance que les membres de la

communauté arabe doivent se conformer et s‟adapter afin d‟affirmer leur

compatibilité avec le courant dominant de la société.

Autrement dit, ce groupe appelle plutôt à se fondre dans la société

d‟accueil, loin de tout rapport relationnel construit sur des liens d‟appartenance

ethnique ou d‟affinité culturelle. L‟idée véhiculée par cette tendance accentue le fait

que les minorités doivent pratiquer leur culture dans la sphère privée. Elle

préconise l‟aspect multiculturel de la société qui confine la préférence culturelle au

domaine privé afin d‟éviter la fragmentation du corps social de la société. Aux

yeux des membres de ce groupe, l‟intégration nécessite des efforts

d‟accommodation et d‟adaptation.

L‟attitude individualiste se distingue des autres tendances par le fait

qu‟elle possède un réseau de contacts élargi au-delà des appartenances ethniques et

nationales. Dans la dichotomie de l‟arabité et britannité, la première n‟est pas

regardée comme identité publique, elle est placée dans le domaine privé tandis

que la dernière est en pratique dans le domaine public. L‟intégration dans la société

britannique nécessite l‟établissement de rapports avec les autres sans filtrage

ethnique et culturel. Dans le rapport relationnel, l‟autre est vu comme individu

déchu de toute appartenance ethnique ou adoption culturelle car „‟tant qu‟un

homme demeure rivé à son moi ou à sa „petite personne‟ comme à un horizon

indépassable, il demeure, quel que soit son âge, dans l‟état de minorité379

.‟‟

379

P. Guenancia, L’Identité, Notions de philosophie, p.624.

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203

4.2.4 Assimilation ou l’alignement unilatéral sur la culture majoritaire

Une catégorie des membres de la communauté arabe adopte

l‟attitude d‟assimilation qui s‟accomplit par la fusion et l‟absorption dans le

nouveau milieu culturel en adoptant sa culture. L‟immersion sociale de ce groupe

au sein de la société d‟accueil est le signe d‟une rupture avec la culture d‟origine

qui n‟a pas été transmise par le milieu familial. L‟oubli des traits culturels de la

culture d‟origine dans le processus de l‟intégration dans le nouvel environnement

culturel abouti à une transformation culturelle et l‟adoption des valeurs culturelles

de la société d‟accueil.

Contrairement à l‟intégration, qui est à la croisée des cultures

d‟origine et d‟accueil, l‟assimilation procède par une déculturation complète de la

culture d‟origine, ou par son reniement, associée à une resocialisation active dans

celle de la société majoritaire. Différent facteurs peuvent expliquer un tel processus

comme le parachèvement d‟une intégration qui commence avec la génération

immigrante précédente et la perception de la différence comme handicap lourd qui

empêche l‟intégration au sein de la société d‟accueil.

La tendance à l‟assimilation s‟incarne par la socialisation et

l‟interaction avec des personnes des autres groupes ethniques. Elle encourage la

communication avec le nouvel environnement culturel sous forme d‟apprentissage

de divers aspects de la culture d‟accueil. Se tenir à l‟écart des organisations à

caractère ethnique est un indicateur d‟assimilation. Cette catégorie, qui s‟éloigne du

rapport avec sa propre communauté ethnique, manifeste plutôt un désir de côtoyer

et d‟avoir des rapports fréquents avec les membres des exogroupes. La vitalité

ethnoculturelle de l‟endogroupe est considérablement faible. Cette catégorie des

Arabes „‟anglicisés‟‟, qui a absorbé la culture britannique, n‟a aucune inclination

sérieuse vers la culture arabe. Cette tendance est prédominante chez les jeunes de

sexe masculin. Ce groupe, qui est éloigné de la culture de son groupe

ethnoculturel, est entièrement et culturellement intégré dans la société britannique.

Il s'agit d'une inculcation délibérée de la culture britannique et une rupture avec la

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204

culture arabe. Ils sont totalement détachés du contexte culturel du pays d‟origine

auquel ils sont incapables de se réassimiler. Une fois ce degré de l'assimilation

atteint, l‟éloignement des valeurs arabes et islamiques et l'accomplissement des

rites religieux et culturels s‟agrandissent.

La dévalorisation des habitudes culturelles et des modes du pays

d‟origine (souvent méprisés comme „‟archaïques‟‟) amène cette catégorie à se

reconnaître dans les valeurs associées au pays d‟accueil. L‟acculturation rapide de

la génération née et socialisée en Grande-Bretagne instaure une véritable ligne de

fracture au sein de la famille, entre parents et enfants. Malgré l‟assimilation de la

culture dominante, la stigmatisation au sein de la société d‟accueil, est une source,

parfois, d‟un sentiment de rejet pour cette catégorie. Entre la rupture avec la

communauté d‟origine et le rejet et la stigmatisation au sein de la société

britannique, les membres de ce groupe peuvent être dans une situation de „entre

deux monde culturels‟ avec parfois une identité indéterminée. Avec la perte des

repères d‟ici et de là-bas, certains vivent à la croisée des cultures, entre crise

identitaire, rupture et délinquance.

4.3 Choix des réseaux des relations interpersonnelles

A la lumière des différentes tendances d‟acculturation étudiées ci-

dessus, nous remarquons qu‟en matière du choix des réseaux des relations

interpersonnelles, les membres de la communauté arabe sont nombreux à

privilégier en premier lieu les rapports avec les membres de leur groupe ethnique et

national. Ils évoquent, comme motif du désir de côtoyer plutôt les membres de leur

communauté, une question de mentalité, de parenté culturelle et le besoin

d‟atténuer la difficulté de se sentir seul. En revanche, ceux qui entretiennent des

relations avec les membres de la société majoritaire sont indifférents à la nationalité

et à la culture des gens avec lesquels ils se mettent en contact. Animés par un

besoin d‟amplifier leurs réseaux de connaissance et avec l‟amorce du processus

d‟acculturation et de la compréhension progressive des valeurs culturelles de la

société britannique, leurs réseaux de relations sociales s‟ouvrent au-delà des

limites ethniques et culturelles.

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205

4.3.1 Choix intra-ethnique : autour du groupe d’appartenance nationale,

ethnique ou religieuse

Le choix intra-ethnique des rapports sociaux est préconisé par une

catégorie des questionnés. Cette dernière accentue l‟importance cruciale du partage

de la même culture comme raison derrière la fréquentation régulière des membres

de sa communauté. Le choix des réseaux des relations sociales au-delà du groupe

national et ethnique devient alors de plus en plus désinvesti et beaucoup plus limité.

Ce désinvestissement des relations sociales à l‟extérieur des groupes d‟appartenance

est renforcé aussi par une méfiance accrue à l‟égard des autres et une moindre

adaptabilité aux changements culturels. Le souci et l‟insécurité manifestés à l‟égard

de la culture du pays d‟origine limite l‟ouverture sur les autres cultures et aboutit

dans les cas extrêmes au repli communautaire et à l‟isolement.

Il s‟avère qu‟il existe, en fait, au début du séjour et notamment chez

les plus jeunes, une tendance à privilégier les relations avec les membres du groupe

national. Ce penchant s‟explique, non seulement par une question de mentalité ou

de difficulté d‟interaction avec les membres de la société majoritaire, mais

également par un besoin de revivre les habitudes et l‟ambiance culturelle du milieu

culturel du pays d‟origine. Ce choix leur procure un sentiment de sécurité intérieure

dans un milieu culturel qui est différent.

Cette tendance est, d‟ailleurs, plus visible chez les personnes ayant

un niveau de scolarité très bas et des difficultés d‟insertion sociales et

professionnelles. Lorsqu‟on leur demande de choisir entre les deux modes de vie,

arabe et britannique, un grand pourcentage n‟hésite pas à choisir le premier. En

effet, la plupart justifie ce choix par le désir d‟être plus à l‟aise dans le mode de vie

arabe auquel ils assignent les valeurs de générosité, de solidarité et de spontanéité

en opposition à un mode de vie britannique jugé matériel et individualiste. Les

traits de la culture d‟origine sont jugés, dans plusieurs cas, plus avantageux sur les

plans affectif et social.

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A l‟inverse de la parenté culturelle du même groupe ethnique, la

divergence culturelle constitue l‟obstacle majeur le plus fréquent à l‟établissement

d‟un lien intergroupe durable. L‟attachement à la culture arabe et le désir de vivre

cette culture limite les réseaux des relations interpersonnelles au groupe ethnico-

religieux. Ce groupe s‟attache à montrer sa diversité ethnique pleinement à travers

la fréquentation régulière des lieux arabes et la rencontre des personnes appartenant

au même groupe ethnique ou national. Ce constat est d‟ailleurs renforcé par

plusieurs facteurs, notamment la présence d‟un réseau économique arabe à Londres

et la concentration géographique dans l‟ouest de La capitale. L‟homogénéisation

des modes de vie d‟une partie de la communauté arabe se concrétise autour d‟un

réseau économique centré principalement dans la capitale britannique en plus d‟une

concentration spatiale qui favorise l‟interaction sociale avec les membres de la

même communauté. Dans ce cas, en raison de ces facteurs spatiaux, la sociabilité

est alors plus communautaire et n‟incite guère au mélange. Le phénomène se révèle

davantage chez la population arabe originaire d‟Afrique du Nord, qui se concentre

dans des quartiers à la périphérie de Londres, notamment à Kensington.

La manière dont les membres de cette partie de la communauté

arabe construisent leurs réseaux de relations interpersonnelles est dominée par

l‟immersion dans le milieu ethnique. Par conséquent, c‟est surtout avec les

membres du même groupe ethnico-religieux que cette catégorie rapporte avoir des

contacts de bonne qualité. L‟essentiel de la vie sociale d‟une catégorie de la

communauté arabe à Londres se passe à l‟intérieur de la communauté des

compatriotes, avec les membres de leur ethnie, dans la logique des liens déjà

existants avant l‟émigration et des nouveaux liens renoués pendant l‟émigration.

Les contacts avec les membres de la société majoritaire sont très peu fréquents,

souvent évités et décrits comme étant les moins positifs.

Le contact fréquent et intense avec les membres de leur communauté

ethnique leur offre un soutien social et leur aide à surmonter les sentiments

d‟anxiété et d‟aliénation dans une société qui est perçue comme émotionnellement

froide. Les motifs évoqués sont souvent la différence culturelle, la mentalité et la

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religion. Cette perception renvoie une autre image plutôt négative et qui se rapporte

à plusieurs traits relevant du culturel et du social. Cette dernière image est

accompagnée d‟un refus de ces valeurs, voire d‟une crainte qu‟elles ne pénètrent les

foyers arabes, crainte qui se traduit par une attitude défensive aboutissant

également à un refus du contact avec autrui.

L‟infidélité féminine, mais aussi masculine, est l‟un des traits qui, selon les

membres de la communauté arabe, marque le plus la vie du groupe majoritaire. Une

partie du groupe communautaire arabe déplore de façon systématique cette

libération et l‟esprit de la liberté individuelle qui dominent les relations dans la

société majoritaire. De même, devant notre insistance de comprendre le secret de

l‟absence de relations amicales avec le courant majoritaire de la société,

l‟explication qui est revenue le plus souvent est le souci du mauvais exemple ou de

l‟influence néfaste que peut constituer la fréquentation des autres groupes culturels.

Ainsi, la divergence culturelle, qui influence souvent le

développement des liens sociaux au-delà des groupes d‟appartenance culturelle,

renvoie souvent aux valeurs de la société arabe concernant les relations entre les

deux sexes. Les libertés individuelles qui caractérisent les relations au sein du

groupe majoritaire, notamment la libération des mœurs dont bénéficie le sexe

féminin, sont vues d‟un mauvais œil par les membres de la communauté arabe à

Londres. Cette vision négative imprègne tellement les esprits qu‟elle ne se limite

pas à une simple opinion neutre mais entraîne des prises de positions au sein des

familles et des choix en matière d‟éducation des enfants. Dans l‟esprit du groupe

minoritaire arabe à Londres, l‟éducation des enfants dans le modèle culturel

britannique les distance du corps familial, ce qui engendre leur retournement contre

les parents au moment où les enfants quittent la famille pour s‟investir dans des

relations de plus en plus distantes du milieu familial.

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208

Le genre a un poids majeur quant à la constitution des réseaux des

relations interpersonnelles380

. La femme subit la pression et les restrictions de la

famille pour se plier aux coutumes et mœurs de la communauté ethnico-religieuse.

Les restrictions aux sorties, les limitations des déplacements comme le contrôle

familial ou social restreignent d‟autant plus les possibilités de relations en dehors du

groupe ethnique. Dans ce sens, les règles de conduite qui sont prescrites à la

femme, notamment aux jeunes filles, rendent leurs réseaux de relations limités au

groupe ethnique et national, voire aux personnes du même sexe. En effet, „‟les

rapports intergroupes des femmes sont limités en raison des coutumes, des

bienséances ancestrales et des interdits381

.‟‟

La plupart des femmes ont tendance à surveiller leurs filles pour ne

pas avoir un réseau de relation avec le groupe majoritaire, en particulier lorsqu‟il

s‟agit d‟un réseau masculin. Avoir des amitiés ou des liens en dehors du groupe

ethnique demeure difficile pour les jeunes femmes. Elles sont poussées vers le repli

sur le même groupe ethnique et s‟attachent souvent à ne pas transgresser le modèle

de comportement exigé par les traditions arabes pour ne pas décevoir les parents.

La croyance traditionnelle du rôle de genre dans la société arabe prévaut chez le

groupe minoritaire arabe à Londres.

4.3.2 Choix extra-ethnique : au-delà des groupes d’appartenance

Cette catégorie élargit le champ des relations interpersonnelles dans

une volonté de s‟intégrer dans le nouveau tissu culturel. Les attitudes favorables à

la diversité ethnique de ce groupe et la tolérance envers les cultures des autres

groupes ethniques favorisent ce penchant. La plupart des membres de cette

catégorie, qui proviennent des milieux universitaires, sont bien intégré sur le plan

professionnel. Ils fréquentent souvent les membres de la société majoritaire pour

différents motifs, qui tiennent principalement à leurs conditions de vie, à leur travail

ou même parfois au rejet du modèle culturel arabe.

380

M. Benitto, “Gender and Intergroup contact: the case of Arab Woman‟‟, Journal of Identity and Migration

Studies, volume 4, n°1, spring/summer 2010. 381

S. Ramzi-Abadir, La Femme arabe au Maghreb et au Machrek, p.93.

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A l‟opposé de la première tendance, cette catégorie se trouve mieux

dans le mode de vie britannique qui, selon leur avis, permet à l‟individu de choisir

sa façon de vivre , alors que, selon le modèle culturel arabe, l‟individu subit les

contraintes du corps social dont la famille est l‟élément social le plus saillant. Afin

d‟approfondir cette investigation, nous avons demandé aux interrogés d‟énumérer

les aspects qu‟ils jugent positifs dans chacun des deux modèles culturels et qui

influencent leurs choix en ce qui concerne les relations sociales.

Dans le modèle culturel arabe, ce qui est le plus positif aux yeux

d‟une catégorie de la communauté arabe de Londres sont les relations humaines, la

solidarité familiale et les valeurs morales telles que la générosité et la serviabilité et

les restrictions imposés aux comportements sexuels. D‟autre part, une autre

catégorie plus avancée dans la voie du processus d‟acculturation, jugent positif,

dans le modèle culturel de la société d‟accueil, les libertés individuelles et

collectives et rejette la nature des relations chez leur groupe ethnique. Cette

catégorie n‟apprécie pas de cultiver des relations uniquement avec le groupe

ethnique et préfère au contraire s‟en distancier parfois en exprimant des attitudes

qui tiennent davantage au rejet. Leurs relations avec le milieu d‟accueil, dont la

fréquentation est favorisée dans la quête d‟un effet bénéfique d‟insertion sociale,

constituent un mode de relation qui dépasse les simples rapports de politesse entre

les individus liés par la proximité due au voisinage à une insertion dans un réseau

de relation avec un degré d‟implication et d‟échange plus ou moins grand.

En dépit des affiliations culturelles, cette catégorie de la

communauté arabe est plus progressiste dans ses attitudes sur les rôles traditionnels

et les relations au sein des familles. Leurs liens avec les autres groupes culturels

changent avec la durée du séjour et surtout le niveau de la scolarité et la nature de

l‟insertion professionnelle. Si les membres de la première génération s‟identifient

avec le groupe ethnique d‟une façon plus solide et jusqu'à un degré d‟isolement

beaucoup plus grand, l‟ouverture sur autrui caractérise la vie de la deuxième

génération.

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Ce choix du rapport avec le nouvel environnement culturel peut être

affecté par les circonstances de l'immigration. Les immigrés volontaires et les

immigrés contraints diffèrent dans les circonstances de leur l'immigration. Les

premiers sont habituellement préparés psychologiquement et motivés pour accepter

les changements linguistiques et culturels exigés afin de s‟intégrer dans le nouvel

environnement culturel. Beaucoup d‟entre eux arrivent avec un minium de

connaissance de la culture et de la langue du pays d‟accueil. Les seconds, par

contre, comme les réfugiés qui sont forcés de quitter leur pays d‟origine, sont

moins préparés pour le changement de l‟environnement culturel. Ils sont plus

affectés, par conséquent, par le changement du milieu culturel et réalisent les

niveaux bas de l'intégration dans le pays d‟accueil.

Conclusion

L'établissement de liens relationnels avec le courant dominant de la

société britannique est lié aux aspects d‟ajustement et aux penchants

d‟acculturation. Le désir d‟avoir un rapport intergroupe est fortement corrélé avec

les attitudes d‟acculturation. Les facteurs déterminants dans la tendance d‟établir

des liens intercommunautaires sont liés au degré d‟ouverture, de la consommation

culturelle et de la compétence linguistique. Si certains s‟attachent à la singularité

culturelle et religieuse dans un contexte de dislocation, d'autres font preuve de

souplesse dans la pratique religieuse et admettent des comportements différents. La

question identitaire et la négociation de l‟appartenance à un groupe influe sur le

comportement social et les interactions qui rendent tangible l‟intégration des

migrants dans le contexte de la société d‟accueil.

La consommation culturelle s‟avère essentielle à la relation

interculturelle. C‟est un ensemble de compétences sociales et culturelles qui

peuvent être acquises à travers l‟ouverture sur la culture du nouveau milieu culturel.

La recherche a démontée que plus les membres de la minorité arabe s‟investissent

dans des activités culturelles du courant dominant, plus leurs attitudes envers le

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211

nouvel environnement culturel deviennent favorables. Cette connaissance culturelle

inclut, en gros, la consommation médiatique et les sorties culturelles.

La maîtrise de la langue du pays d‟accueil est également

essentielle pour le développement des relations avec les membres de la société

majoritaire. La langue favorise le contact avec le nouvel environnement culturel et

facilite la construction de réseaux des relations interpersonnelles et l‟utilisation des

sources d‟information extra-ethniques. Pourtant, elle n‟est pas toujours synonyme

de compétence socioculturelle. D‟une importance similaire, l‟attitude envers l‟autre

culture aide à instaurer des liens interculturels au sein d‟une société hétérogène et à

diminuer la méconnaissance ou le malentendu.

En somme, le rapport de la communauté arabe avec la société

majoritaire se situe entre deux pôles. La stratégie de rejet réfute toute mixité sociale

en raison des restrictions culturelles. La construction identitaire se réalise à travers

la réduction au minimum de la mixité culturelle et sociale. C‟est une réponse

défensive qui implique la séparation du courant dominant de la société avec des

degrés différents de séparation selon les partisans. Une partie de la communauté

arabe continue d‟entretenir des relations étroites avec les pays d‟origine. Le fait

qu‟elle soit rejetée ou marginalisée dans la société d‟accueil peut renforcer

considérablement l‟identité culturelle et empêcher ainsi le développement

harmonieux des relations interethniques. La stratégie d‟intégration consiste à

comprendre les valeurs arabes et britanniques et à les intégrer dans une tendance

cosmopolite. Le rapport relationnel intercommunautaire apparaît comme la

synthèse de deux modèles culturels, celui de la société d‟accueil et celui de la

société d‟origine. Ainsi, chez la communauté arabe de Londres, deux images tout à

fait opposées de la société d‟accueil et du rapport intercommunautaire coexistent.

D‟une part, la société britannique est présentée comme une société

relativement fermée aux valeurs morales et peu intéressée par l‟éducation religieuse.

D‟autre part, se donne l‟image d‟une société qui incarne les valeurs de la liberté

individuelle et de la justice sociale. Cette image positive est accompagnée d‟une

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envie d‟inculquer une éducation moderne qui transpose certaines valeurs du

nouveau milieu culturel. La disposition à l‟ouverture vers la culture majoritaire

paraît pour une catégorie indispensable pour leur intégration dans la société

britannique en dépit des contraintes et des restrictions qui émanent de la divergence

culturelle. Cependant, ce désir de socialisation est rejeté par une autre partie qui

s‟attache à la perpétuation de son mode de vie dans le contexte d‟émigration.

En somme, l‟intégration est la stratégie dominante dans le rapport

de la communauté arabe de Londres avec la société majoritaire. Cette tendance est

jugée, selon des études faites par d‟autres chercheurs comme John Berry, efficace

en ce qui concerne l‟adaptation sociale et le renforcement de l‟adaptation

psychologique des immigrants. Ceux dont les attitudes en relation avec

l‟acculturation étaient favorables à l‟intégration ne manifestent pas de problèmes de

santé mentale en comparaison avec ceux qui adoptent la séparation. Ces résultats

peuvent être expliqués par le fait que ceux qui adoptent la stratégie de séparation

ont un réseau de relations interpersonnelles plus étroit qui se limite au groupe

ethnique et souvent même au groupe familial. De ce fait, un sentiment de solitude et

d‟exclusion domine la vie de ces immigrants qui vivent souvent avec un sentiment

de nostalgie pour le pays d‟origine. Ils „‟ souffrent du stress plus que ceux qui ont

des contacts et des interactions avec les membres de la société majoritaire et leur

groupe ethnique382

. „‟

5. Le rapport intercommunautaire : déductions et synthèse

L‟analyse et la juxtaposition des différentes attitudes

d‟acculturation des deux communautés et le questionnement sur le degré de la

connaissance d‟autrui et le désir d‟un rapprochement, nous permettent de repérer les

divers points de divergences empêchant l‟établissement d‟un lien

intercommunautaire harmonieux. La coexistence intercommunautaire s‟avère

problématique en raison d‟absence d‟une entente sur le maintien de la culture

d‟origine et le désir du groupe majoritaire d‟assimiler les nouveaux arrivants. Si une

382

J. Berry, „Acculturation and Intercultural Relations‟, Cross-Cultural Psychology, p.352.

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213

partie des deux communautés est liée par des rapports harmonieux et consensuels

d‟échange et de connaissance, on peut dire que les relations interculturelles entre les

deux groupes subissent des hauts et des bas et peuvent, dans les cas les plus

extrêmes, atteindre des degrés conflictuels. L‟établissement d‟une convivialité

intercommunautaire reste faible à cause de disparités culturelles et religieuses, et

l‟effet d‟une mémoire qui pèse sur les consciences collectives des membres des

deux communautés.

5.1 Points majeurs de discordance intercommunautaire

5.1.1 Divergence d’ordre culturel

La langue est parfois le premier élément de divergence. Le fait de

parler la même langue réduit les difficultés et facilite davantage la cohabitation.

Dans la société occidentale, „‟les codes sont devenus flous parce que multivoques,

laissent nombre de détails à l‟initiative et la liberté individuelle383

.‟‟ En revanche,

dans la société arabe, l‟attachement aux traditions prévaut. Ce conservatisme

s‟incarne par la vision des rôles sexuels, et en particulier, le rôle de la femme et le

cadre moral qui régit les relations au sein du groupe. Les rapports sociaux sont

organisés autour de la famille et des groupes les plus proches. Des modèles

patriarcaux des rapports entre les sexes et des rôles qui en découlent prévalent

jusqu‟à présent. Légitimés par la religion, ils sont enracinés dans les cultures. Les

relations au sein du groupe sont structurées selon le sexe. Ce penchant se traduit

par l‟approbation de l‟entrée des garçons dans le nouvel environnement culturel

tandis que les filles sont censées garder une obédience aux valeurs traditionnelles.

L‟importance est de sauvegarder les apparences en adoptant un comportement

irréprochable, conforme à la tradition qui est un élément permanent de la

personnalité arabo-musulmane384

.

Le concept d‟'individualisme est rejeté dans la culture arabe.

L‟individualisme est associé à l‟égoïsme et au matérialisme, et au modèle culturel

occidental dont l‟acceptation est plus difficile chez une grande partie de la

383

C. Camilleri, Stratégies identitaires, p.93-94. 384

S. Ramzi-Abadir, La Femme arabe au Maghreb et au Machrek, p.91.

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communauté arabe de Londres. Chez cette communauté, l‟individu est

généralement incorporé et subordonné à la famille et à l‟unité ethnico-religieuse,

tandis que chez la communauté majoritaire, la primauté de la liberté individuelle

est mise en avant. Par conséquent, la sauvegarde des traditions et coutumes

s‟oppose au zèle de la société majoritaire pour la libération des mœurs. La loyauté

envers les traditions et les coutumes d‟une catégorie de la communauté arabe est

opposée à la loyauté au modèle occidental et à ses valeurs de liberté.

Par conséquent, la disparité culturelle est à l‟origine d‟un déchirement

entre le recul vers les origines culturelles et l‟avancement vers une intégration

socioculturelle et politique au sein du nouveau milieu culturel. Une partie de la

communauté arabe exprime une réticence lorsqu‟il s‟agit des normes culturelles de

la société d‟accueil. La conformité aux coutumes et traditions règne sur les

préoccupations et le souci de la perte des valeurs culturelles surgit lors de

l‟interaction intercommunautaire. A l‟inverse de cette tendance, l‟importance est

assignée, chez le courant dominant de la société majoritaire, à l‟individu, à

l‟indépendance, et à la liberté individuelle.

Si la fidélité aux traditions apparaît souvent comme moyen de

préservation identitaire chez une catégorie de la communauté arabe, une autre

catégorie rejette cet attachement aux valeurs traditionnelles qui est parfois, pour

eux, synonyme d‟enfermement. Cette divergence des perspectives se manifeste

également en ce qui concerne l‟intégration politique. Le seul signe d‟intérêt

politique, chez une partie de la communauté arabe, se borne à la participation aux

manifestations en relation avec le monde arabe et avec les activités

communautaires. L‟intérêt porté aux affaires politiques dans la société d‟accueil se

manifeste uniquement chez une élite qui revendique une identité arabe et une

appartenance à la société britannique.

En somme, entre deux modèles culturels, les deux communautés

peuvent manifester des attitudes variables entre la perméabilité qui consiste à

s‟ouvrir à autrui, et l‟imperméabilité ou le rejet des valeurs émanant des autres

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cultures. Lors de la rencontre interculturelle, les visions fondamentales des deux

modèles culturels s‟annoncent parfois incompatibles. A travers l‟ouverture sur

d‟autres cultures et groupes culturels, les deux communautés peuvent cesser de se

reconnaître dans le système culturel de leurs origines à travers un processus

d‟assimilation et de métissage. Inversement, par un enfermement culturel, elles

réalisent une séparation.

5.1.2 Place du religieux dans la constitution des deux communautés

La différence religieuse est un autre point majeur de discorde

intercommunautaire. La coexistence devient problématique si le groupe d‟accueil

a l‟habitude d‟avoir deux religions se côtoyant ou si une seule religion est

dominante. La religion musulmane demeure simultanément une prophétie et une

législation. Elle englobe le social et le politique sans accomplir la séparation entre

les deux. C‟était le cas du christianisme avant la décision de ne pas soumettre la

totalité de la vie sociale et politique à l‟Eglise. L‟enjeu donc en qui concerne le

rapport intercommunautaire est celui de la place du religieux dans la constitution

des deux groupes.

La société d‟accueil d‟origine chrétienne semble avoir abandonné la

référence religieuse suite au processus historique de sécularisation, qui différencie

les sphères de l‟existence en ramenant le religieux dans la sphère de la vie

personnelle. La religion n‟est pas perçue comme élément essentiel dans

l‟identification et la vie quotidienne. 66 % des Britanniques indiquent qu‟ils n‟ont

pas de lien avec la religion 385

et seulement 18 % déclarent être membres d‟une

Eglise386

. Cette société n‟est pas en mesure d‟absorber les nouveaux arrivants

musulmans comme c‟était le cas d‟autres groupes d‟immigrants d‟Europe absorbés

par la culture britannique. La communauté arabe, qui est marginale à l‟histoire de la

Grande-Bretagne, n‟appartient pas à l‟héritage judéo-chrétien.

385

Tearfund research, "Churchgoing in the UK" 2007 April 03. 386

Mori Poll results 2003 Aug 08-17.

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La religion a une présence dans la vie de la plupart des membres de la

communauté arabe. Cette communauté arabe „‟tire son originalité de son

appartenance à la civilisation arabo-islamique alors que la société majoritaire

appartient à la civilisation judéo-chrétienne, ce qui a mené à un dialogue de sourds,

envenimé par la polémique théologique, toujours plus ou moins latente387

.‟‟ La

diversité religieuse influe sur le rapport intercommunautaire. Certaines pratiques

exigent des modes de comportements et d‟observances religieuses qui diffèrent

des valeurs du courant dominant de la société d‟accueil. Les rôles traditionnels de la

femme dans le groupe minoritaire, à titre d‟exemple, limitent l'expérience

d'acculturation et pèsent sur l‟interaction et le contact intergroupe.

En gros, la diversité culturelle et religieuse est à l‟origine parfois des

jugements ethnocentriques, raison de la divergence intercommunautaire.

L‟inclination à juger les membres d‟une autre culture par les normes et les pratiques

émanant de sa propre culture agit sur les liens intercommunautaires. Ce

comportement ethnocentriste, qui se déplace dans les deux directions, dégrade les

rapports intercommunautaires et peut de manière plus subtile causer l'aliénation

des deux communautés. Son effet sur les rapports intercommunautaire s‟incarne

dans la formation d‟une identité culturelle qui est étroite et défensive et la

perception des membres des autres cultures en termes de stéréotypes. Dès lors, des

jugements comparatifs s‟opèrent entre les deux cultures dans un climat de

résistance à l‟influence culturelle. De surcroît, les relations entre les deux

religions n‟ont pas été seulement marquées par la controverse et la divergence,

mais aussi par la rivalité et l‟affrontement dont les empreintes restent gravées dans

les consciences.

5.1.3 Effet d’une mémoire gravée dans les consciences collectives

L‟hostilité entre le monde arabe et l‟Occident prit des formes

différentes comme l‟hostilité au moment de la présence arabe en Espagne, les

croisades, la présence ottomane en Europe, ou lors de la période du colonialisme.

387

J. Redouane, L’Orient arabe vu par les voyageurs anglais, p. 280-281.

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Ces périodes d‟affrontements et de désaccords économiques et politiques se sont

greffées sur les désaccords culturels. La rencontre s‟est faite dans un rapport de

contacts et d‟influences dans plusieurs domaines, dans un sens positif ou négatif,

dans l‟acceptation ou dans le refus. Ainsi, l‟un des points forts de la divergence

intercommunautaire est l‟effet d‟une mémoire qui ravive la peur et l‟hostilité.

Cette mémoire est un réservoir de sens qui s‟active lors des rencontres

dans un sens ou dans l‟autre. C‟est un ensemble de représentations constituées à

travers une opération de cumul complexe qui a commencé tôt dans l‟histoire et se

poursuit. Ces représentations, l‟un des principaux obstacles à la coopération et à la

coexistence intercommunautaire, relèvent souvent de l‟abstraction, de la

généralisation, et de l‟exagération. Les conflits historiques, qui se mêlent à des

récits imaginaires, s‟associent à des réalités contemporaines pour faire la mise à

jour d‟une expérience historique d‟affrontement entre l‟Occident et le monde

arabo-musulman. L‟interpénétration de divers facteurs d‟ordre culturel, religieux

ou historique s‟accumulent pour créer une atmosphère de méfiance réciproque et de

divergence.

5.2 Facteurs d’aggravation de la divergence

5.2.1 Les médias et l’inculcation d’une altérite culturelle anormale

Dans le monde actuel de l‟information et de la communication, les

médias constituent un noyau dur de semeurs de divergence intercommunautaire.

La question de la compatibilité de la culture musulmane avec la culture occidentale

domine les colonnes des médias. Cette tendance, qui s‟est accrue avec

l‟augmentation de la présence des populations musulmanes en Europe et

l‟émergence de l‟Islam politique après la révolution iranienne de 1979, a été

aggravée par les actes terroristes de ces dernières années. Les médias se lancent

dans un feuilleton de défiguration et de formation des stéréotypes basés sur des

antécédents culturels, politiques et historiques. „‟Les musulmans britanniques font

l‟objet attaques continuelles dans la presse populaire qui fustige leur intransigeance,

leur esprit anti-démocratique et le caractère fondamentaliste de leurs croyances et

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218

leurs pratiques religieuse388

.‟‟ Les représentations négatives, qui circulent et se

répandent de la télévision au cinéma en passant par les journaux389

continuent

d‟empoisonner l‟existence des personnes originaires des communautés ethniques.

A force d‟inculcation par les divers moyens de communication des

stéréotypes sur l‟Autre s‟installe, l‟incompréhension réciproque susceptible de

creuser divergence et aliénation. Les blocages dus aux stéréotypes sont nombreux

et les images véhiculées par la presse arabe sur le monde occidental sont négatives

en contribuant à figer des représentations dominantes. Le rapport

intercommunautaire a été, en outre, réduit par les concentrations spatiales de la

communauté arabe. En raison de ce fait, les membres de la société majoritaire

continuent d‟avoir un contact limité avec d‟autres groupes ethniques.

5.2.2 La gestion communautaire ou la création des enclaves

Contrairement au modèle français d‟intégration qui ne pose pas de

questions sur l‟identité culturelle et l‟intégration des populations d‟origine étrangère

en favorisant plutôt l‟appartenance républicaine, le modèle britannique est fondé

sur la coexistence des communautés, qui conservent leurs langues, leurs coutumes,

et leurs mémoires. Le système français a été traditionnellement un système

d‟assimilation ou d‟intégration des étrangers dans la collectivité nationale. Il met

l‟accent sur l‟effacement des différences dans la sphère publique plutôt que sur la

promotion des droits des minorités. En revanche, le système britannique „‟ favorise

le développement des communautés en « communauté des communautés‟,

résolument anti-assimilationniste, mais favorisant naturellement la constitution de

groupes peu concernés par le partage de valeurs communes390

.‟‟

Cette sorte d‟homogénéisation ethnique s‟accompagne d‟une

tendance à la concentration spatiale et la formation d‟enclaves. Dans ce sens, la

densité de la minorité arabe dans des espaces géographique spécifiques influence le

388

D. Lassalle, Les Relations interethniques, p.254. 389

Religious discrimination in England and Wales: Home Office Research Study, 2001. 390

« Analyse comparative de différents modèles d‟intégration en Europe », Haut conseil à l‟intégration,

décembre 2006.

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taux et le caractère de l‟incorporation dans la culture du courant majoritaire de la

société britannique. La concentration communautaire, dans les limites de quelques

espaces, comme c‟est le cas à Kensington, tend à empêcher les processus

acculturation et assimilation et à limiter le contact interethnique. Cette situation tend

à durcir et à figer les caractéristiques culturelles des minorités ethniques en exaltant

leur différence.

Le rapport sur la cohésion391

communautaire en Grande-Bretagne

indique que les minorités ethniques, qui représentent seulement 8 % de la

population britannique, sont concentrées dans des espaces géographiques

particuliers dans le pays. Le niveau élevé de la ségrégation dans l‟attribution des

logements dans certaines villes britanniques entrave l‟établissement de liens

intercommunautaires392

. Cette „‟ ségrégation physique des logements sociaux‟‟,

phénomène que l‟on retrouve dans tous les domaines de la vie quotidienne, à

l‟école, sur le lieu de travail ou de culte, dans le langage et dans les réseaux

socioculturels est également pointé du doigt par le rapport Cantle393

. Ce rapport a

montré que la politique de logement conduisait au renforcement de la ségrégation

et de la méfiance intercommunautaire en absence d‟une interaction entre les

différentes communautés.

Une étude de l‟Université de Bristol recommande des politiques du

logement qui créent des environnements multiculturels afin de diminuer la

prédominance des voisinages mono-culturels394

. La cohésion sociale nécessite la

participation à l‟extérieur des limites communautaires à travers des voisinages

multiculturels. La dislocation des communautés diminue la cohésion et crée des

ghettos ethniques et des charges de préjuges et de stéréotypes dans l‟imaginaire

social. On est non pas en présence d'une société multiculturelle, mais d'un ‘mono-

culturalisme pluriel395

’ dans lequel les cultures n'interagissent pas de façon positive

391

Report of the Community Cohesion Panel, Home Office, July 2004. 392

A. Kundnani, „From Oldham to Bradford: the violence of the violated‟, The Three Faces of British Racism,

p.2. 393

Cantle Report, Paragraph 1.2. 394

Report of the Community Cohesion Panel, Home Office, July 2004. 395

A. Sen, „Chili and Liberty - the Uses and Abuses of Multiculturalism‟, The New Republic, Février 2006.

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mais restent éloignées. Cette politique réduit les possibilités d'épanouissement. La

proximité spatiale peut favoriser la reconnaissance et l‟appréciation des différences

dans un état d‟esprit qui va au-delà des opinions fixées à une connaissance à travers

la promiscuité et le voisinage. De cette façon, les groupes ethniques échappent à

l‟enfermement dans un espace communautaire. La rencontre au quotidien

développe la conscience des réalités de la diversité culturelle et la capacité à tolérer

le manque d‟harmonie entre modèles culturels. La flexibilité interpersonnelle qui

émane de la conscience des implications des différences culturelles s‟installe et, ce

qui est particulier à une communauté, se manifeste pour être reconnue comme une

des formes de l‟universel. De cette attitude découle la volonté de recherche des

occasions de rencontre avec l‟autre et la capacité à évoluer et à s‟adapter à une

nouvelle situation multiculturelle. La cohabitation culturelle permet la rencontre

entre les cultures et aussi l‟affirmation de celles-ci dans leur identité et leur

différence

5.3 Quelles sorties de l’impasse ?

5.3.1 Pratique médiatique : régulation des dérives

Le rapport intercommunautaire est aujourd‟hui mis à l‟épreuve par les

médias qui façonnent la perception et la connaissance d‟autrui. La relation

qu‟entretient la société majoritaire avec ses minorités ethniques, notamment la

communauté arabe, est secouée par l‟incidence des problèmes géopolitiques sur la

situation interne, notamment les événements dans le monde arabe. Il existe une

capacité de la société britannique à promouvoir l‟égalité, mais les tensions de type

religieux se sont accrues ces derniers temps. Le redressement de l‟image historique

qui influe sur le présent et l‟avenir exige de la part des médias des attitudes

morales et objectives396

. L‟une des recommandations du rapport sur la cohésion

communautaire était, sans imposer aucune restriction à la liberté d‟expression,

l‟adoption d‟un code de conduite et de déontologie397

. L'industrie médiatique doit

réduire la polarisation des attitudes religieuses et ethniques, notamment en ce qui

396

Y. Alibhai-Brown, True Colours, p.127. 397

Community Cohesion: A Report of the Independent Review Team Chaired by Ted Cantle, Home Office,

2001.

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concerne la représentation des réfugiés et des demandeurs d'asile, afin de modifier

la représentation déformée, entachée d‟erreur sur autrui398

.

Le manque de connaissance, qui ne cesse de s‟aggraver entre les

deux communautés, doit être comblé. La familiarité des professionnels des médias

avec les différentes cultures les aidera à cet égard. Par ailleurs, la multiplication des

contacts entre journalistes arabes et occidentaux serait un moyen de développement

de la connaissance culturelle. Les contacts interprofessionnels sont le plus souvent

un moyen de rationalisation des passions.

5.3.2 Education : vecteur de connaissance d’autrui

La coexistence entre les deux communautés culturelles et leur intégration

dans un corps social élargi passe par un changement des perceptions et

l‟édification collective d‟un système de valeur qui transcende les représentations

négatives. Dans le contexte actuel des mutations des sociétés contemporaines et des

interrogations identitaires que ces changements suscitent, un modèle d‟intégration

marqué par une coexistence intercommunautaire nécessite qu‟il existe au-dessus des

différents groupes culturels, une connaissance réciproque des divers modèles

culturels impliquant la tolérance et la reconnaissance du droit à la différence.

Ainsi, pour l‟amélioration des rapports intergroupe, la connaissance constitue une

„‟gomme pour effacer les représentations reconfigurées par les circonstances

économiques, politiques et médiatiques et surtout par la position qu‟occupent les

producteurs de l‟information399

.‟‟

L‟éducation multiculturelle, qui doit commencer à partir de l‟école,

est le vecteur de la connaissance de l‟autre. L‟option interculturelle implique la

révision des programmes scolaires dans le sens d‟une plus grande ouverture aux

autres cultures400

. En effet, l‟école constitue la première étape de l‟initiation au

rapport intergroupe puisque elle contribue à fournir l‟apprentissage de la diversité

culturelle. L‟école, comme moyen de la transmission des aspects importants des

398

The End of Parallel Lives? The Report of the Community Cohesion panel, Home Office, 2004. 399

Commission Islam et laïcité (ed), Islam, Médias et Opinions Publique, p. 49-50. 400

R. Benattig, les Migrants en Europe : quel avenir éducatif et culturel ?p.33.

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différentes cultures, est un établissement central dans les processus de la

socialisation et de l‟enculturation des individus au sein des collectivités.

Le rapport Swann (Education for All 1985)401

souligne

l‟importance d‟un système éducatif qui prépare les enfants à la vie dans une société

multiraciale et multiculturelle402

. Ce rapport préconise le pluralisme et une

éducation basée sur la transmission des valeurs culturelles qui peut susciter des

pratiques et des comportements visant à développer l‟aptitude à la communication

et à la relation intercommunautaire à travers la découverte de l‟altérité en tant que

rapport et non en tant que barrière. En donnant aux enfants de la minorité un

certain sens de ce qu‟est leur héritage ethnique et culturel, on leur donne de

manière plus générale l‟espace et le temps nécessaires pour s‟adapter affectivement

à un contexte psychoculturel nouveau ; une telle manière peut alimenter une

véritable cohésion interculturelle403

.

Si le débat sur les enjeux culturels de l‟éducation s‟est développé en Grande-

Bretagne depuis les années soixante en préconisant l‟idée d‟un système centré sur

les réalités de la vie communautaire à travers le projet de la zone d‟éducation

prioritaire de Liverpool404

, le rôle des écoles religieuses dans la promotion de la

compréhension suscite actuellement le débat dans une société de plus en plus

multiconfessionnelle et laïque. Le développement des écoles religieuses peut être

une entrave à l‟amélioration des relations intercommunautaires si ces écoles ne

favorisent pas l‟expansion et l‟enrichissement des contacts et connaissances avec les

autres cultures et groupes culturelles405

. „‟Les écoles religieuses sont nombreuses et

bénéficient de fonds publics : 4500 sont anglicans, 270 catholiques, 38 juives tandis

que les établissements musulmans sont moins nombreux encore406

‟‟. La sociologue

Yasmin Alibhai-Brown met en garde contre „‟le danger du développement d‟un fort

401

Education for All: the Report of the Committee of Enquiry into the Educations of Children from Ethnic

Minority Groups, 1985. 402

J. Fons, „Education for All: the Multicultural Challenge. Educational Policies for Minority Ethnic Groups in

Britain‟, Revue Française de Civilisation britannique, vol XIV, No3, p.85. 403

C. Christian, J. Sharp „Bilingualism in Pluralistic Society‟, Foreign Language Education: a Reappraisal,

p.12-29. 404

J. Forquin, Ecole et culture : point de vue des sociologues britanniques, p.146. 405

Community Cohesion: a Report of the Independent Review Team chaired by Ted Cantle, Home office 2001. 406

Analyse comparative de modèles d‟intégration en Europe‟ Haut conseil d‟Intégration, décembre 2006.

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223

secteur étatique confessionnel et l‟éducation des enfants à se séparer des autres et à

se distancier des valeurs communes407

.‟‟ Cette „ ségrégation scolaire‟ est critiquée

par David Ward dans „ parallel lives’ vu que la plupart des élèves dans certaines

écoles appartiennent aux minorités ethniques, tandis que d‟autres écoles ne sont

fréquentées que par des élèves appartenant au courant dominant de la société

britannique408

.

A la lumière de cette situation, le réaménagement des programmes

en vue d‟un enseignement comparatif des cultures et des religions s‟avère essentiel

afin que la variation culturelle soit représentée et transmise dans le système

scolaire409

. Un système éducatif qui prendrait en compte les nouvelles réalités serait

un système éducatif qui est ouvert aux apports des diverses cultures.

L‟enseignement, „‟aussi bien laïque que confessionnel, doit se baser sur

l‟universalité de droits de l‟homme, la responsabilité civique, l‟égalité raciale et

sexuelle, le respect mutuel ainsi que sur l‟importance de la mise en cause critique de

l‟information et des idées reçues410

.‟‟ Par la sensibilisation au relativisme culturel,

les capacités à s‟ouvrir se développent et la connaissance mutuelle émerge. Sans

une gestion des écoles en prenant en compte l‟aspect multiculturel de la société

britannique, les divisions sociales peuvent s‟exacerber. Les pays d‟origine

s‟efforcent par divers moyens de préserver et d‟intensifier les relations que leurs

communautés émigrées entretiennent avec le pays natal et sa culture. La formation

des enseignants est nécessaire non seulement pour leur adaptation à l‟appareil

scolaire du pays d‟accueil mais aussi pour les sensibiliser à l‟éducation

interculturelle411

.

407

Cité par Didier Lassalle, Les relations interethniques et l’intégration des minorités au Royaume-Uni, p.260. 408

D. Ward, „Parallel lives‟, The Guardian, 15 January 2002. 409

Le Dialogue entre les Peuples et les Cultures dans l‟Espace Euro Méditerranéen : Rapport du Groupes des

Sages créé à l‟initiative du président de la Commission européenne, 2003. 410

D. Lassalle, Les Relations interethniques et l’intégration des minorités au Royaume-Uni, p.261. 411

R. Benatting, Les Migrants en Europe : quel avenir éducatif et culturel ?, p.77.

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224

Conclusion générale

Les mouvements migratoires constituent une des caractéristiques des sociétés

humaines. Selon le rapport sur la migration internationale des Nations Unies de

2006, 190 millions de personnes vivent dans un pays autres que leurs pays

d‟origine. Un nombre qui augmente chaque année en raison des crises

économiques, politiques et environnementales. La migration a été renforcée ces

dernières années par la mondialisation favorisée par le développement des moyens

de transport et de communication. Comme résultat de ce processus migratoire,

l‟installation dans les pays du Nord des communautés immigrées aboutit à

l‟émergence des sociétés multiculturelles. Pour faire face aux mutations ethniques

et culturelles subies par ces sociétés, différentes approches de l‟intégration des

migrants ont été adoptées.

En Europe, on distingue le modèle „‟assimilationniste‟‟ et le modèle

„‟multiculturaliste‟‟. Le premier est incarné par le modèle républicain français qui

prône l‟assimilation républicaine. La différence culturelle est respectée tant qu‟elle

est manifestée dans la vie privée. Dans ce système d‟intégration, le mot

„‟multiculturalisme‟‟ rime souvent avec communautarisme qui est défini comme

une tendance qui donne à la communauté, ethnique, spirituelle ou sociale, une

importance plus grande par rapport à l'individu et aux valeurs communes de la

société française. L‟incorporation des minorités est fondée sur l‟intégration

individuelle et non pas collective ou communautaire. Cette politique qualifiée

d‟assimilation n‟implique pas la suppression des spécificités des minorités. La

politique d‟intégration, menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, met l‟accent

la nécessité de valeurs partagées, d‟un « contrat d‟intégration », et la connaissance

de la langue et des institutions du pays d‟accueil. Cette politique s‟est caractérisée

par la création d‟un ministère de l‟immigration et de l‟identité nationale.

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Par contre, le modèle britannique est fondé sur la construction d‟une société

multiculturelle ou plutôt sur la juxtaposition de communautés ethniques et

culturelles. Après l‟abandon de la politique assimilationniste mise en place dans

les années cinquante pour gérer l‟implantation de communautés en provenance

d‟anciennes colonies britanniques, ce modèle d‟intégration britannique, basé sur la

promotion de la diversité culturelle, a été renforcé par un arsenal juridique pour

lutter contre les discriminations. La première loi votée en 1965 interdit la

discrimination à cause de l‟origine ethnique, de la couleur de la peau ou de la

nationalité. Le Race Relations Act de 1976, qui créa la Commission pour l‟égalité

raciale, rejette la discrimination dans le logement, l‟emploi et les services publics.

La notion d‟action positive, issue du Race Relations Act de 1976, constitue une

mesure pour combattre la discrimination et promouvoir l‟égalité des chances. Ces

lois sur les relations raciales ont été renforcées en 2000 par le Race Relations

(Amendment) Act de 2000 qui incite les administrations à promouvoir la diversité

et l‟égalité raciale en encourageant les entreprises à installer un suivi ethnique

(ethnic monitoring) de leurs personnels.

D‟autre part, l‟approche multiculturelle laisse aux minorités le droit

d‟utiliser leurs langues maternelles, de conserver leur organisation familiale et

communautaire en gardant leurs coutumes et religions. La politique éducative

renforce également cette tendance à travers l‟enseignement de langues maternelles

et l‟instruction religieuse. Cependant, dans les dernières années, le succès du

multiculturalisme britannique comme modèle d'intégration a été mis en question.

L'affaire Rushdie en 1989, les émeutes de 2001, et les attentats de métro et de bus

de 2005, ont suscité de nombreux débats quant à la capacité et la volonté des

minorités, en particulier les communautés musulmanes à „‟s'intégrer‟‟ dans la

société britannique.

Un appel solennel a été émis par des instances politiques et médiatiques pour

imposer l‟homogénéité culturelle. Le modèle d‟intégration britannique, aux yeux

de beaucoup de responsables politiques qui expriment un doute sur les politiques

multiculturelles, aurait encouragé l‟enfermement communautaire au détriment de

l‟affirmation d‟une culture et des valeurs communes. En bref, la Grande-Bretagne

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est devenue le théâtre d‟un débat passionnant depuis avril 2004, date à laquelle,

Trevor Philips, le président de la commission pour l‟égalité raciale, déclare : „‟

multiculturalisme is over „‟ en appelant à resserrer le lien social en inculquant aux

immigrés les valeurs fondamentales de l‟identité politique britannique.

Si le concept d'intégration était réservé par les sociologues comme Emile

Durkheim au problème de la société dans son ensemble, la sociologie

contemporaine commence à explorer les rapports entre l‟individu et le groupe et

les relations entre les collectivités humaines au sein d‟une même société.

Désormais, les sociologues distinguent entre l'adoption des traits culturels de la

société et la participation aux diverses instances de la vie sociale. Le mot

intégration, utilisé aussi bien par les politiques que par les sociologues, porte à la

fois sur l'intégration des individus à la société et sur l'intégration de la société dans

son ensemble. Autrement dit, le degré plus ou moins élevé de cohésion, ce que la

sociologue française Dominique Schnapper appelle „l‟intégration systématique‟.

Ainsi, en Grande-Bretagne, le terme cohésion communautaire (Community

Cohesion) a pris place dans les discours sur les relations raciales. „‟Community

Cohesion „‟ a été un concept du gouvernement travailliste pour réfléchir sur les

questions de la diversité ethnique et les conflits communautaires. Il est également

proposé pour faire face à la baisse du niveau de la participation politique et de

l‟engagement civique. Pourtant, au cœur de l'idée de „‟Community Cohesion’’ reste

la problématique des dynamiques identitaires des groupes, les tensions et les

divergences entre les différentes communautés de la société britannique et le

respect de la différence. Ce concept a été largement utilisé après les rapports Cantle

et Denham de 2001 sur les émeutes dans les villes britanniques. Ces rapports ont

souligné que certaines communautés en Grande-Bretagne vivent dans un isolement

et repli communautaire qui renforce la ségrégation et la divergence

intercommunautaire.

Notre travail de recherche s‟inscrit dans ce débat sur les relations raciales. Il

constitue une contribution à la réflexion sur le dysfonctionnement des rapports

intercommunautaires ou les entraves de la coexistence intercommunautaires à

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travers l‟étude des rapports intercommunautaires entre la minorité arabe visible de

Londres et les membres de la société majoritaire.

Tout en étant conscient que ce sujet ne peut pas être abordé en dehors du

rapport Orient-Occident avec les représentations des uns et des autres greffées

dans les consciences collectives, nous avons adopté une triple démarche historique,

documentaire et empirique pour interroger les facteurs empêchant l‟acheminement

des rapports intercommunautaires vers une coexistence harmonieuse.

Notre travail de recherche conforte l‟hypothèse d‟une coexistence

problématique en raison d‟une divergence d‟ordre culturel, religieux et l‟effet d‟une

mémoire collective. Chez la communauté arabe de Londres, les relations au sein

du groupe sont hiérarchiques et dominées par la conformité aux traditions et

coutumes du groupe. La pensée arabe est construite sur la dualité „‟modernité/

tradition‟‟. Si le premier terme fait référence à ce tout qui est nouveau, le deuxième

désigne ce qui a conservé un lien avec l‟origine. Pour le traditionalisme,

l‟occidentalisation peut engendrer la dissolution de l‟identité. La religion se donne

la fonction de la préservation des valeurs culturelles. La défense de l‟identité

culturelle implique le repli sur les valeurs d‟origine. Par contre, le modernisme

prône le pluralisme culturel et l‟ouverture sur autrui, d‟où l‟opposition entre la

sécularité et la religiosité. Les membres de la communauté arabe ne sont pas aussi

mobiles que les Britanniques en matière du respect des traditions qui pivotent

autour du rôle de la famille, les rapports entre les sexes et la morale sociale. La

menace de la perte des valeurs culturelles émerge lors de l‟interaction entre les

deux communautés ; pourtant une métamorphose culturelle se manifeste chez une

partie de la communauté arabe qui s‟engage dans une démarche de recomposition

identitaire.

La place du religieux dans la constitution des deux groupes influe sur les

rapports intercommunautaires. La culture arabo-musulmane préserve une

conception spirituelle globale du monde actuel. En revanche, l‟Occident devient

de plus en plus laïc. La perte d‟emprise du religieux sur la société semble bien être

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une évidence. „‟Ce passage de la religion englobante à ce qu‟on pourrait appeler

„‟la religion personnelle‟‟ c‟est-à-dire la religiosité de l‟individu qui construit son

propre système de sens, apparait comme un signe distinctif des sociétés occidentales

modernes412

.‟‟ Dans ce sens, chez le groupe majoritaire, la tendance individualiste

domine en accordant l‟importance à l‟individu et à la liberté individuelle.

L‟individu ne se soumet pas aux croyances, aux règles et aux normes collectives ; il

est plutôt libre de fonder ses propres valeurs dans une société pluraliste où

cohabitent des valeurs contradictoires.

La question de l‟islam est problématique dans une société qui a consacré la

sécularisation et le modèle communautaire. La référence religieuse a subi un

affaiblissement dans la société britannique avec la baisse de l‟influence de la

religion dans la société en limitant le référent religieux au domaine de la vie privée.

Tandis que, chez la communauté arabe, le religieux détermine l‟identité de la

personne et influe sur la perception de soi-même et sur les modalités de l‟interaction

avec autrui.

D‟autre part, les musulmans n‟appartiennent pas à l‟héritage judéo-chrétien

comme le reste des immigrants d‟Europe. Le manque d‟interaction

intercommunautaire s‟explique par la divergence entre deux mondes culturels et

religieux. La communauté arabe a ses racines dans la civilisation arabo-islamique

tandis que la société majoritaire appartient à la civilisation judéo-chrétienne. En

outre, les relations entre les deux religions ne furent pas seulement marquées par la

controverse et la divergence, mais aussi par la rivalité et l‟affrontement dont les

empreintes restent gravées dans les consciences. Les rapports entre les pays de

l‟Europe et le monde arabo-musulman ont été ponctués de confrontation et de

colonisation. L‟islam en Europe est considéré comme phénomène extérieur. La

présence des musulmans sur ce continent remonte aux périodes de domination

entretenue par les pays européens avec certains pays d‟Afrique et d‟Asie. Cette

condition explique la résistance et même parfois l‟hostilité engendrée par la

présence définitive de cette religion dans les sociétés européennes. La vision de

412

F. Lenoir, Les Métamorphoses de Dieu, p.17.

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l‟islam ne sort pas „‟du contexte postcolonial dans la mesure où les narrations de

la période coloniale continuent à véhiculer une image de l‟islam qui s‟enracine

dans cette relation occultée et refoulée de la période coloniale413

‟‟.

Ainsi, la détérioration des relations intercommunautaires ne peut être

comprise si on ne tient pleinement compte de l‟effet des affrontements historiques

et les stéréotypes et les préjugés enracinés dans les mémoires collectives. La

Méditerranée était un terrain de confrontation entre deux civilisations et deux

mondes : l‟Occident chrétien et l‟Orient arabo-musulman. Les perceptions

réciproques des uns et des autres qui se sont développées sur les deux rives

influencent considérablement la connaissance et le rapport avec autrui.

Les attaques du 7 juillet 2005 à Londres, les guerres en Irak et les

euphémismes au Proche-Orient n‟ont fait que renforcer la divergence

intercommunautaire et attiser les tensions entre communautés et cultures. Nous

avons, en effet, relevé que les événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et

7 juillet 2005 en Grande-Bretagne ont complètement changé la perception de la

communauté arabe et musulmane en général. Dans ce sens, une partie de la

population britannique enquêtée fait l‟amalgame entre arabe, musulman, islamiste

et terroriste. Des préjuges tenaces, alimentés par l‟ignorance parfois, creusent un

fossé d‟incompréhension et de méfiance entre les deux communautés.

Les divergences culturelles et religieuses sont également exaspérées par le

modèle anglo-saxon d‟intégration et les représentations médiatiques. La Grande-

Bretagne est confrontée aux dégâts de son modèle d‟intégration communautaire. En

encourageant les différences culturelles et religieuses, le pays évolue vers une

société où règne la ségrégation. La ségrégation ethnico-résidentielle augmente et

nuit au développement d‟une société multiculturelle. De cette façon, le

communautarisme se renforce chez les membres de la communauté arabe. Quand

on dit communautarisme, on signifie vivre isolé de la communauté nationale et le

groupe d‟appartenance reste celui de la culture d‟origine étendue aux autres

413

J, Cesar, „‟L‟islam en Europe‟‟ Musulmans d’Europe, Comoti, n° 33, 2010.

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communautés musulmanes. Le fait que les différentes communautés mènent des

vies parallèles conduit à une carence en cohésion sociale. De ce fait, la lutte contre

le (harcèlement) racial afin de permettre l‟accès des minorités ethniques à des cités

blanches semble être la stratégie la mieux adéquate pour promouvoir la mixité

ethnique en Grande-Bretagne.

La pertinence de l‟effet international sur le national, c‟est-à-dire le global sur

le local, tout cela avec le concours du quatrième pouvoir à savoir les médias,

bloque les rapports intercommunautaire dans une impasse. Les médias continuent

de véhiculer une image étonnamment homogène de la société britannique. La

représentation souvent négative des minorités ethniques par l‟industrie de

l‟information et du divertissement dans une société multiculturelle, comme la

Grande-Bretagne, est un facteur qui nourrit la divergence. Ces médias présentent

encore les membres des minorités visibles comme des étrangers dont les pratiques

culturelles sont étrangères à la société britannique.

Dans ce monde qui devient de plus en plus globalisé et multiculturel, la

diversité culturelle est un défi majeur. Le pluralisme des médias est essentiel pour le

fonctionnement d‟une société multiculturelle en reflètant la société dans son

ensemble afin de stimuler la compréhension et le dialogue intercommunautaire. Le

renforcement de la compréhension intercommunautaire par les médias nécessite

une pratique d‟éthique médiatique, à l‟abri d‟influences d‟intérêt politiques et

économiques. De cette façon, les médias peuvent fournir des informations et des

connaissances indispensables à l‟entente intercommunautaire étant donné que le

degré de fermeture et d‟ouverture à l‟altérité culturelle, source des comportements

ethnocentriques, est toujours relié au degré de la connaissance. De l‟autre côté, les

médias ethniques, opérant dans un environnement multiculturel, tout en répondant

aux attentes des populations minoritaires auxquels les médias dominants

s‟intéressent peu, doivent favoriser l‟intégration de ces dernières dans un corps

national caractérisé par l‟hétérogénéité.

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Le rapport Parekh414

(CFMEB (2000) souligne que pour développer la

cohésion communautaire, la construction d‟un sentiment d'appartenance pour toutes

les communautés, la valorisation de la diversité et le combat contre la

discrimination et l‟exclusion sociale sont essentiels. Ce rapport prône la

réaffirmation d‟une société pluraliste et inclusive en ré-imaginant la „‟Britishness‟‟

afin de donner aux minorités ethniques et culturelles un sens d‟appartenance à la

société britannique. La notion de „‟Britishness‟‟ a été inventée au dix-huitième

siècle dans une période où l‟empire britannique et la monarchie étaient en position

de force. Elle a traversé des périodes d‟instabilité sans être un concept fixe. Entre

1870 et 192O, elle a été largement défiée par la lutte pour „‟Irish Home Rule „‟ et

la séparation de l‟Irlande du Royaume-Uni en 1920-21. Les expériences de la

première et deuxième guerre mondiales ont renforcé l‟union autour d‟une identité

britannique415

.

Cependant, les tenions engendrées par les attentats de Londres ont soulevé

de nouveau le débat sur l‟identité britannique dans les médias et au sein de la

classe politique. Depuis l‟arrivée au pouvoir du New Labour, avec la dévolution de

compétences à des assemblés galloise et écossaise, le concept „‟Britishness „‟

représente un enjeu politique pour les différents partis. Dans un article paru dans le

Daily Telegraph, le 25 mars de 2008, l‟ancien premier ministre Gordon Brown

met l‟accent sur les avantages de l‟union et de valeurs partagées. L‟introduction par

les travaillistes après les attentats de 2005 des cours de la citoyenneté dans les

écoles publiques et les cérémonies de la naturalisation sont des initiatives censées

renforcer le sentiment d‟appartenance et de citoyenneté.

414

Rapport de la Commission on the Future of Multi-ethnic Britain (CFMEB) 415

P. Ward, Britishness since 1870, p.172.

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Le gouvernement britannique a publié en juillet 2006 A Green Paper- The

Governance of Britain, qui, en ce qui concerne l‟identité britannique et la

citoyenneté, accentue la diversité ethnique et raciale de la société britannique et le

besoin de définir des valeurs communes :

„Il est important d'être clair sur ce que signifie être

britannique, ce que signifie appartenir à la société britannique et,

surtout, d'être résolu en mettant en évidence que cela implique un

ensemble de valeurs qui ne doivent pas être seulement partagés,

mais également acceptées. De multiples et différentes identités

peuvent être célébrés, mais aucune de ces identités ne doit être au

dessus des valeurs démocratiques fondamentales qui définissent ce

que signifie être britannique. Un citoyen britannique, pleinement

assumant un rôle dans la société britannique, doit agir en

conformité avec ces valeurs416

Ces valeurs communes doivent fédérer la nation britannique et ses diverses

communautés ethniques et culturelles. Ainsi, la britannité, selon l‟ancien ministre

britannique Jack Straw, „‟pourrait fournir des valeurs communes telles que la

liberté, la tolérance et l‟Etat de droit…. elle est une identité pour les anglicans,

les catholiques, les juifs, les musulmans, les sikhs, les hindous et ceux des autres

religions, et l‟élément central de cette identité est le principe que chacun a la liberté

de pratiquer sa foi non pas comme une question de la tolérance, mais de droit417

.‟‟

Dans ce contexte, Tarik Modood met en grade contre une marche arrière qui

peut balayer les acquis du multiculturalisme qui a évolué en Grande-Bretagne. Il

prône plutôt de repenser l‟Europe et ses nations pour inclure les musulmans comme

416

A Green Paper- The Governance of Britain, p.57. „‟It is important to be clearer about what it means to be

British, what it means to be part of British society and, crucially, to be resolute in making the point that what

comes with that is a set of values which have not just to be shared but also accepted. There is room to celebrate

multiple and different identities, but none of these identities should take precedence over the core democratic

values that define what it means to be British. A British citizen, fully playing a part in British society, must act in

accordance with these values‟‟ 417

http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/6110798.stm [consulté le 12 aout 2010] „‟Britishness could

provide common values such liberty, tolerance and the rule of law…..Britishness is thus an identity available to

Anglicans, Catholics, Jews, Muslims, Sikhs, Hindus and those of other religions and a central element of that

identity is the principle that everyone has the freedom to practice their faith not as a matter of tolerance but of

right.‟‟

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une partie de „‟ nous‟‟ et non pas d‟ „‟eux 418

‟‟ dans le cadre, comme le sociologue

anglais John Rex le souligne, d‟un multiculturalisme égalitaire dominé par le

respect mutuel entre les tenants de la culture commune et les tenants des cultures

minoritaires419

.

C‟est ce que l'héritier de la couronne britannique, le prince Charles, a

d‟ailleurs souligné dans son discours en 1993 au Centre d‟Oxford pour les Etudes

islamiques quand il a mis l‟accent sur le fait que „„l'islam fait partie de notre passé

et de notre présent à plus d‟un titre. Il a contribué à la création de l'Europe moderne

et fait donc partie intégrante et indissociable de notre patrimoine‟‟.

C‟est une manière pour faire barrage aux adeptes du choc des

civilisations qui s'activent à allumer un brasier en propageant l‟idée qu‟Enoch

Powell avait raison dans son rejet catégorique de la diversité culturelle et l‟appel à

l‟imposition de l‟homogénéité culturelle et à combattre l‟immigration. Le

rapprochement intercommunautaire est tributaire de la célébration de la diversité et

de la compréhension même s‟il existe, certes, des courants radicaux qui s'efforcent

de perturber la cohésion communautaire.

Le déchirement du multiculturalisme britannique ses dernières années est

relié largement à des forces extérieures, notamment l‟incidence des problèmes

géopolitiques sur la situation interne. On pourrait donc se demander si le

développement de la connaissance est suffisant pour amortir aujourd‟hui le choc né

de la diversité culturelle, des perceptions, et des représentations des uns et des

autres. Il s‟avère que les rapports intercommunautaires dans une société multi-

culturelle ne peuvent pas être dissociés du contexte international.

L‟établissement des rapports interculturels harmonieux passe également par

le politique. Si le terme „‟Community Cohesion’’ est récurrent actuellement dans

les débats sur les relations raciales en Grande-Bretagne, il ressort que la montée de

l‟intolérance, de la xénophobie, et de l‟extrémisme qui marque notre ère de la

418

T. Modood, „Multicultural Citizenship and Making Space for Muslims, Cycnos, volume 25, n° 2, 2008. 419

J. Rex, Ethnic minorities in the Modern Nation, p.29.

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mondialisation influe sur les rapports intergroupes et contribue à l‟affaiblissement

de la socialisation. Les guerres élargissent l‟écart entre les différentes civilisations

et sèment les graines de la haine entre les individus et les groupes. Elles ont

toutefois une influence importante sur la perception et l‟interaction avec l‟autre,

dont il faut tenir compte si l‟on veut promouvoir des relations culturelles fécondes

entre les différentes communautés culturelles.

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Journal of Social Sciences, vol. 5, n° 3, pp.91-107.

Samad, Yunas (1998), “Media and Muslim Identity / Intersections of Generation and

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Journaux arabes (consultés en ligne 2007-2008)

-Al-Quds Al-Arabi

-Al-Charq Al-Awsat

-Al-Hayat

Thèses de doctorat

Ahrazem, Abdelouahid (1993), L'Image de l'Occident dans le roman marocain,

Université Paris III. (directeur de thèse: Tomiche Nada)

Ali Abdel Rahman, Y. (1992), Images of the West as Portrayed in the Political

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Michael (2002), Explaining Change in Established migration systems/. The Movement

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Moajeb, Sais Alzahrani. (1990), L'Image de l'Occident dans le roman arabe

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Sitot, Dominique (2000) La construction de l'identité /. De l'interculturalité à

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Annexe A Interview schedule for the Arab community

A -Background information

-You are: Male Female

- Age

-Occupation:

-Qualification:

B-Cultural identity

-How do you define your identity?

-Arab –Muslim

- Arab and Muslim

-Other

-How important do you feel it is for your children to know something about the history

of your country of origin?

-How important do you feel it is for your children to follow Arab customs and ways of

life?

-How important do you feel it is for your children to celebrate Arab holidays?

C- Language Use

-What language (s) do you read and speak?

-Arabic only -English only - Arabic more than English

-both equally

-What language(s) do you usually speak with your friends?

-Arabic only

-English only

- Arabic more than English

-both equally

- What language(s) do you usually speak at home?

- Arabic only

-English only - Arabic more than English

-both equally

-In what languages(s) are the movies, TV, and radio programmes you listen to?

- Arabic only

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-English only - Arabic more than English

-both equally

D- Integration Scale

-Social integration

-Are you in favour of marriage to a person from a different religion?

-Are you in favour of marriage to a person of a different national origin?

-Do you accept the idea of marrying without the consent of your parents?

-What do you think of sexual relations without marriage?

- Do you accept the idea of living in cohabitation?

-Would you accept your son living in cohabitation?

-Would you accept your daughter living in cohabitation?

- Do you like the domestic role distribution in Arab culture?

-Do you like the parent-child relationship in the Arab family?

-Do you like the husband-wife relationship in the Arab family?

- Do you like the boyfriend-girlfriend relationship in British culture?

- Political participation

-Are you a member of any Arab club, committee, or organisation?

-If you take part in gatherings, why are you interested in such gatherings?

-Do you take part in demonstrations or boycotts?

-Are you affiliated to a political party?

-Are you registered to vote?

-Did you vote in the last election?

-Do you feel inclined to vote?

- Do you trust British institutions?

-Do you feel at home here?

E- Acculturation scale/ ways of balancing cultures

- As an Arab in Britain, you choose to

-Maintain your own heritage while also adopting British culture

-Give up your culture of origin for the sake of adopting British culture

- Maintain you r culture of origin without mixing it with British culture

- Whether maintaining your culture of origin or adopt British culture makes no

difference.

F -Media preference and cultural practice

-How often do you watch Arab TV?

-always

-occasionally

-seldom

-never

-How often do listen to Arab radio?

-always

-occasionally

-seldom

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-never

-How often do you watch British TV?

-always

-occasionally

-seldom

-never

-How often do you listen to British Radio?

-Always

-occasionally

-seldom

-never

-How often do you read Arabic newspapers/ magazines?

-Always

-Occasionally

-seldom

- Never

-How often do you read British newspapers/ magazines?

-Always

-Occasionally

-seldom

- Never

-How often do you listen to Arab music / watch Arab movies?

-Always

-Occasionally

-seldom

- Never

-How often do you listen to British music?

-Always

-Occasionally

-seldom

- Never

-How often do you go to the theatre, cinema, and museums?

- Always

-occasionally

-seldom

- Never

-How often do you participate in British cultural activities?

-always

-occasionally

-seldom

- Never

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G -Interpersonal relations

Your close friends are:

-all Arabs

-more Arabs than British

-both equally

-more British than Arabs

-all British

-The people you visit or who visit you are:

-all Arabs

-more Arabs than British

-both equally

-more British than Arabs

-all British

-You like going to parties/ gatherings at which people are:

-all Arabs

-more Arabs than British

-both equally

-more British than Arabs

-all British

- Cultural difference is an obstacle to contact: -I agree

-I strongly agree

-I disagree

-I strongly disagree

How favourable are you towards cultural diversity?

-very favourable

- fairly favourable

-very unfavourable

-fairly unfavourable

Your contact with British people (if existing) is perceived as:

- positive

- very positive

-negative

-very negative

-Have you been victim of racial harassment?

-yes

-no

- If yes, what type of harassment?

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Annexe B Interview schedule for mainstream society

A- Background information

-You are : Male Female

- Age

-Occupation

-Qualification

B- acculturation/ Attitudes

- I think Arab immigrants should:

- maintain their heritage while also adopting British culture

-give up their culture of origin for the sake of adopting British culture

- can maintain their culture of origin as long as they do not mix it with British culture

-are free to either adopt their culture of origin or British culture

C- Perception and Intergroup contact

Would you like to have a member of the Arab community as your friend, neighbour?

-yes

-why not

-no

- not at all

Do you have close friends from the Arab community?

-yes

- no

Do you exchange visits with members of the Arab community?

-yes

-no

This contact (if existing) is perceived as:

-very positive

- positive

-negative

-very negative

Cultural difference is an obstacle to contact: -I agree

-I strongly agree

-I disagree

-I strongly disagree

The family values held by Arabs are not compatible with those of British citizens?

-I agree

- I strongly agree

- I disagree

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-I strongly disagree

How favourable are you towards cultural diversity?

-Very favourable

- Fairly favourable

-very unfavourable

-fairly unfavourable

- Your opinion of Arabs is:

-Very positive

-positive

-negative

-very negative

Do you think asylum seekers among them should be allowed to stay?

-yes

-no

-do not know

Which of the following do you think should happen to them?

-they should all be deported

-they should be allowed to stay if they work

-they should be allowed, irrespective of whether they work or not

D -Knowledge of Arab culture

How much do you feel you know about Arab community?

-a great amount

-not very much

-nothing

- a great deal

Which of these is your biggest single source of information about Arabs?

-TV and newspapers

- Arab friends

- Reading

-other

How much do you feel you know about Arab history, culture?

-a great amount

- not very much

-nothing

-a great deal

How much do you feel you know about Islam?

-very knowledgeable

-not very knowledgeable

-not at all knowledgeable

- Which comes closest to your view about Arab culture and Islam?

-different

-monolithic

-menacing

-fanatic

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Annexe C Structured Interview Questions

Interviewee: ------------------------------Age--------------------Sex

---------------------Education-----------------------employment

Do you have links with people (Arabs / British) outside the neighbourhood?

What is the nature of those links?

How would you characterize your relationship with Arab / British group?

Do you feel the need to establish collaboration/links with them?

Do you enjoy living among people of different lifestyles?

Do you have any English/British friends?

What nationality are your closest friends?

What are the perceived barriers for an interaction?

When you think of the different types of connection you have with people (Arab/

British), what do you think you get out of those connections?

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Profil des répondants

Arabes Nombre

Age

18-27 146

29-40 137

40-54 119

55-65 98

Femme 216

Homme 284

Origine nationale

Algérie 68

Egypte 95

Irak 131

Liban 92

Maroc 76

Somalie 20

Yémen 18

Britannique

Age

18-27 116

29-40 152

40-54 128

55-65 104

Homme 273

Femme 227