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DeboutCIV N°7
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moment où il venait d’y entrer pour tra-vailler un peu, comme si ses ennemismaîtrisaient ses mouvements.» Mirac-uleusement, Gbagbo s’en sort, et re-tourne au sous-sol. L’atmosphère estapocalyptique dans ce que les médias oc-cidentaux appellent «le bunker» .
Les veillées de prière se succèdent. «Onn’espérait qu’en Dieu seul», se souvientce témoin. Le dimanche 10 avril, en mi-lieu d’après-midi, l’amiral Vagba Faussig-naux annonce que les forcesinternationales vont venir chercher l’am-bassadeur d’Israël, et demande aux sol-dats de ne pas tirer sur leurs hélicos. Il est16h40. Très rapidement, une intense cam-pagne de bombardements – la plus terri-ble! – est engagée. Et Sidiki Bakaba, quise trouve dans la cour, au niveau de laguérite, à l’entrée de la Résidence, estpris pour cible, contrairement à un canonbitube, qui ne se trouve pas trop loin. Etest provisoirementépargné. Une caméra ac-cusatrice est sans douteune arme lourde bien plusmenaçante…
«Je sens quelque chosed’animal. Je me dis: «Cethélico va me tirer dessus».Je rentre dans le poste decontrôle. Je me couche parterre, et le mur s’effondre.Je suis comme projeté enl’air. Je retombe par terre.Je psalmodie. «Il n’y a deDieu que Dieu». Trois fois.Je me lève : une de mesjambes ne répond plus. Jesautille. Je me traînejusqu’à l’infirmerie. Monsang gicle de partout. Ils es-saient de me soigner. Maismon instinct de survie mepousse à ramper jusqu’au bâtiment prin-cipal.
Je veux aller y mourir dignement. Là-bas,les médecins commencent à m’inciseravec des rasoirs, sans anesthésie. Ils sor-tent des éclats d’obus tout noirs de moncorps. C’est atroce. J’ai des moments deperte de connaissance. Et des fois jereprends connaissance. Je dis des choses,je les chante. Je répète que cette in-dépendance réelle, dont ces jeunes quisacrifient leurs vies rêvent, deviendraréalité un jour. A titre personnel, je suispersuadé que je vais mourir. Des rideauxbrûlent. Les personnes les plus religieusesparmi nous semblent partagées entretranse et peur. Je sens que c’est fini, avecla force des explosions. J’accepte leprincipe de ma mort. Je me dis que j’aiatteint plus de 60 ans, sur un continentoù l’espérance de vie est de moins de 50ans. Je n’ai ni le sentiment d’être unhéros ni celui d’être un lâche, mais unhomme qui meurt dignement».
Des incendies provoqués délibérémentLes incendies, méticuleusement provo-qués par les frappes françaises pour fairesortir les «rats» de leur tanière, se multi-plient dans le sous-sol. Héroïquement, lesultimes compagnons de Laurent Gbagboluttent pour éteindre le feu qui menacede les dévorer, prient et se remettent àl’ouvrage. Bakaba est hors jeu. Sa caméran’a pas survécu. Lors de ses moments deconscience, il sent l’affection forte d’unhomme qu’il ne connait pas vraiment,mais dont les paroles affectueuses ten-tent de le maintenir en vie : il s’agit deDésiré Tagro (photo), qui ne sait pas qu’ilvit lui-même ses dernières heures.
Notre témoin raconte. «Le lundi 11, lesbombardements ont repris avec une forceinédite. Trente chars français et six héli-cos. Ce sont les chars qui détruisent leportail d’entrée à la résidence. Les héli-cos crachent leur déluge de flammes… et
le sous-sol prend feu à nouveau. On veutremonter par la buanderie. Mais un com-mandant de l’armée nous dit que si on lefait, ils vont nous canarder. Nous sommescoincés dans un tunnel. Avec le chef del’Etat, son épouse, les ministres. Il n’y apas d’issue de secours. Le portail de sec-ours est bloqué. Celui qui en avait les clésa disparu avec les clés. Notre seul choix :mourir canardés ou asphyxiés. Pendantprès de trente minutes, le commandantmitraille ce portail. Il réussit à le défon-cer. Nous cachons le chef de l’Etat dansun endroit pas loin de la bibliothèque.C’est à ce moment-là que Désiré Tagroappelle les Français pour demander l’ar-rêt des tirs. On lui remet un drapeaublanc pour qu’il sorte négocier. Quand ilsort, on lui tire dessus. Il revient pour direau chef de l’Etat : «ils vont nous tuer».Cinq minutes après, des rebellespénètrent dans la Résidence.»
Le carnaval de violence commence, mal-gré le fait qu’Hervé Touré dit «Vétcho»,
s’oppose à l’assassinat des civils. Des per-sonnes ont été tuées au rez-de-chaussée.Des coups de kalach, des coups decouteau, des balles dans les fesses… Lesnouveaux «prisonniers», y compris les re-ligieux, mis entièrement nus, sans lemoindre cache-sexe, doivent chanter,sous la menace des armes, «on va in-staller ADO». Certaines personnes sontmitraillées dans la cour. Et tombent.Mortes ? Très probablement. Les autresn’ont pas le temps de voir s’ils sontrécupérables. Un homme filme sansrelâche ce spectacle macabre. C’est unmilitaire français, un Blanc, le seul qui estfranchement visible aux côtés des FRCI,qui est descendu des chars avec eux. Cesont ses images à lui qui seront présen-tées par le ministre de la Défensefrançais, Gérard Longuet, comme ayantété prises par la troupe d’Alassane Ouat-tara.
Sauvé par Paul Madys et unmilitaire français QuandSidiki Bakaba reprend con-science -avant de s’é-vanouir à nouveauquelques temps après –, ilest face à trois personnes,habillées en treillis. Cha-cune est coiffée d’un bon-net et d’une plume sur latête. L’un d’entre eux dit,comme dans une scène dewestern : «Ah ! Sidiki Bak-aba, toujours fidèle !Fidèle jusqu’au bout ! Moi,j’aime les gens fidèles !» Ila un drôle de sourire auxlèvres. Il informe une per-sonne, par téléphone etpar talkie walkie, de laprésence du premier di-recteur général du Palaisde la Culture d’Abidjan.
«Au moins, il me connaît», se dit Bakaba.Le plus jeune des trois hommes en treillisdévisage le «kôrô» mal en point, inca-pable de se défendre, à l’article de lamort.
«Il m’insulte en malinké, soulève la crossede sa kalach, me donne un coup violentsur la tête,puis en plein dans l’arcadesourcilière, me promettant de mebousiller un œil. Malgré mon état, jesens une agression terrible. Il me prendma montre et un talisman en argent. Il neme reste que le chapelet de ma mère»,raconte Bakaba. Qui retombe dans lespommes. Après avoir entendu dire : «Onl’a attrapé, on le tient maintenant,Gbagbo».
Quand l’artiste se réveille, il est dans unebrousse qu’il ne parvient pas à distinguer.En réalité, il se trouve à proximité de labrigade de gendarmerie en contrebas dela Résidence de Madame Thérèse
POLITIQUE 8