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Chapitre 12 Les systèmes d’information hospitaliers P. Degoulet Après avoir lu ce chapitre, vous devriez : pouvoir expliquer quels sont les objectifs d’un système d’information hospitalier et lister les principales fonctions pouvant faire l’objet d’une informatisation ; savoir analyser la circulation, dans un hôpital, des informations relatives aux examens biologiques ou radiologiques et connaître les principales étapes qui peuvent bénéficier au mieux d’une informatisation, d’une automatisation ; savoir analyser la circulation, dans un hôpital, des informations relatives aux prescriptions thérapeutiques ; quelles étapes peuvent bénéficier au mieux d'une informatisation, d’une automatisation ? pouvoir citer les principaux sous systèmes et ensembles de fonctions d’un SIH ; pouvoir citer les avantages et les inconvénients des architectures horizontales (par processus métier), verticales (par structures) et mixtes ; pouvoir citer les bénéfices que l’on peut attendre d’un système d’information hospitalier ; savoir quels sont les principaux problèmes liés à la mise en œuvre d’un SIH. 12.1 Introduction – Historique Un Système d’Information Hospitalier (SIH) peut être défini comme un système informatique destiné à faciliter la gestion de l’ensemble des informa- tions médicales et administratives d’un hôpital 1 . Il s’agit d’améliorer la qualité 1. Degoulet P, Fieschi M (1998) Informatique médicale, 3 e éd. Paris, Masson. P. Degoulet () – Université Paris 5 – E-mail e d Venot A, Burgun A, Quantin C (rédacteurs). Informatique médicale, e-Santé. Fondements et applications. Paris: Springer-Verlag 2013; pp. 307-330. : [email protected]

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Chapitre 12

Les systèmes d’information hospitaliers

P. Degoulet

Après avoir lu ce chapitre, vous devriez :

!!pouvoir expliquer quels sont les objectifs d’un système d’information

hospitalier et lister les principales fonctions pouvant faire l’objet d’une

informatisation ;

!!savoir analyser la circulation, dans un hôpital, des informations relatives

aux examens biologiques ou radiologiques et connaître les principales

étapes qui peuvent bénéficier au mieux d’une informatisation, d’une

automatisation ;

!!savoir analyser la circulation, dans un hôpital, des informations relatives aux

prescriptions thérapeutiques ; quelles étapes peuvent bénéficier au mieux

d'une informatisation, d’une automatisation ?

!!pouvoir citer les principaux sous systèmes et ensembles de fonctions d’un

SIH ;

!!pouvoir citer les avantages et les inconvénients des architectures

horizontales (par processus métier), verticales (par structures) et mixtes ;

!!pouvoir citer les bénéfices que l’on peut attendre d’un système d’information

hospitalier ;

!!savoir quels sont les principaux problèmes liés à la mise en œuvre d’un SIH.

12.1 Introduction – Historique

Un Système d’Information Hospitalier (SIH) peut être défini comme un système informatique destiné à faciliter la gestion de l’ensemble des informa-tions médicales et administratives d’un hôpital1. Il s’agit d’améliorer la qualité

1. Degoulet P, Fieschi M (1998) Informatique médicale, 3e éd. Paris, Masson.

P. Degoulet ( ) – Université Paris 5 – E-mail

pouvoir citer les bénéfices que l’on peut attendre d’un système d’information

Venot A, Burgun A, Quantin C (rédacteurs). Informatique médicale, e-Santé. Fondements et applications.

Paris: Springer-Verlag 2013; pp. 307-330.

: [email protected]

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des soins distribués dans l’hôpital tout en augmentant son efficience. Un SIH est par vocation intégrateur et l’on pourrait tout aussi bien parler de système intégré de communication et de traitement de l’information hospitalière.Le développement des premiers SIH, essentiellement aux États-Unis et dans quelques pays d’Europe comme les Pays-Bas, la Suède ou la Suisse, remonte au milieu des années 1960. Il a suivi l’évolution générale des technologies de l’information (TI) (fig. 1) : développement des ordinateurs centraux, appa-rition des mini-ordinateurs pouvant être reliés en réseau, arrivée des micro-ordinateurs, développement de l’internet puis du « cloud computing ». C’est ainsi que les premiers SIH, développés pour des ordinateurs centraux (« main frames »), ont permis de fédérer autour de bases de données centralisées de dossiers patients et d’applications des centaines de terminaux dits « passifs » car ne disposant pas de capacités locales de traitement. Le développement des mini-ordinateurs et en particulier du système d’exploitation Unix voit apparaître de multiples applications départementales dédiées à des structures plus petites qu’un hôpital, en particulier au niveau des plateaux techniques (biologie, pathologie, imagerie, pharmacie) et de quelques spécialités médi-cales. L’arrivée des premiers micro-ordinateurs démocratise l’accès aux fonc-tions informatiques et permet le développement d’interfaces plus conviviales que celles des terminaux passifs. Le micro-ordinateur est à la fois un outil d’accès au SI et de travail personnel (« Personal Computer ») et bureautique. Les capacités de traitement multimédia des PCs apparaissent en particulier comme une chance pour la médecine de plus en plus dépendante de la produc-tion d’images ou de signaux complexes. Les années 2000 correspondent à l’in-tégration en réseau des ordinateurs personnels avec les ordinateurs centraux

Fig. 1 – Évolution des concepts en matière de systèmes d’information en santé. SI = Système d’information ; DI = Dossier informatique ; TI = Technologie de l’information.

Les systèmes d’information hospitaliers 309

ou départementaux. Avec le développement de l’internet haut débit, l’accès à des applications à distance sur la toile (« Cloud computing ») devient possible et les serveurs informatiques peuvent en théorie quitter les salles machines des hôpitaux. L’informatique hospitalière peut s’ouvrir vers l’extérieur et parti-ciper à la constitution de dossiers partagés à un niveau régional, national ou international.Alors que plusieurs centaines de SIH sont commercialisées dans le monde, peu d’hôpitaux ont atteint un niveau d’intégration et de maturité suffisant pour faciliter le partage entre professionnels de santé des données individuelles des patients et l’accès aux connaissances contextuelles nécessaires à l’application des règles de bonne pratique de la médecine. La diversité des tâches à assurer, des acteurs impliqués, des organisations existantes et la complexité de la conduite du changement expliquent cette situation. Malgré ces difficultés, la mise en place d’un SIH apparaît désormais comme une nécessité et bénéficie d’un large consensus de la part des différents acteurs du système de santé et tout particu-lièrement des décideurs.La réussite d’un SIH est soumise à plusieurs conditions. Parmi les plus impor-tantes, citons :

– la mise en œuvre d’une gouvernance informatique adaptée à la complexité des tâches d’informatisation ;

– un plan d’urbanisation du système d’information de l’hôpital à partir d’une analyse fine des processus métiers ;

– une informatisation par étapes progressives avec des calendriers de mise en œuvre réalistes et une stratégie de conduite du changement ;

– une estimation juste des ressources nécessaires au déploiement puis à l’ex-ploitation du SIH ;

– une bonne compréhension de la sociologie des organisations de l’hôpital et une bonne communication, interne entre les différents acteurs de l’hô-pital et externe avec son environnement ;

– une analyse des risques et un plan précis de continuité de service.

12.2 Le plan de gouvernance informatique

12.2.1 Le concept d’e-Gouvernance

Les scandales financiers des 20 dernières années comme celui de la société Enron en 2001 aux États-Unis ou plus récemment de la Société Générale (2008) en France ont montré la nécessité d’organiser de façon formelle la gouvernance des entreprises et de mettre en œuvre des processus d’audit et de contrôle internes et externes. La loi Sarbanes-Oxley (SOX), votée en 2002 par le Congrès américain, a donné lieu à de nombreuses déclinaisons nationales ou interna-tionales et a fourni un cadre pour mieux garantir la transparence des comptes et le développement de processus d’alertes. La gouvernance informatique ou gouvernance IT (Information Technology) ou encore eGouvernance est la

310 Informatique médicale, informatique de santé

déclinaison au niveau informatique des principes de la gouvernance d’entre-prise. Sept principes fondateurs peuvent être considérés2 : l’alignement straté-gique IT, le management IT, la gestion des ressources IT, la maîtrise des risques IT, la gestion de la performance et des services IT, l’audit et le contrôle IT, la valeur IT, la maturité IT.Les référentiels COSO, CobiT et ITIL constituent trois exemples de réfé-rentiels complémentaires fournissant un cadre de bonne pratique pour l’e-Gouvernance3.

12.2.2 L’alignement stratégique IT

L’alignement stratégique IT consiste à aligner les objectifs du SI sur les objectifs de l’entreprise, à savoir soigner au mieux et au moindre coût pour un établissement hospitalier (tableau I).

Tableau I – Objectifs des systèmes d’information hospitaliers.

Objectifs principaux Objectifs contributifs

Amélioration de la qualité et de la continuité des soins

Uniformisation des pratiquesAide à la prise de décisionsRéduction de la iatrogénie médicaleAmélioration des résultats (Outcome)

Maîtrise des coûts Optimisation des processus médicauxRéduction des tâches administrativesRéduction de la durée des séjoursMise à disposition d’outils de pilotage médico-économique

La qualité des soins est définie par l’Institut de médecine (IOM) aux États-Unis comme « la capacité des services de santé destinés aux individus et aux popula-tions d’augmenter la probabilité d’atteindre les résultats de santé souhaités, en conformité avec les connaissances professionnelles du moment ». Le développe-ment d’outils d’aide à la décision médicale est un élément contributif majeur de la qualité et peut être utile à toutes les étapes de la démarche médicale (préven-tive, diagnostique, thérapeutique, pronostique). Il s’agit, à la fois, d’améliorer les résultats (outcome) et de réduire la iatrogénie médicale. Avec l’augmentation de la durée de vie et l’apparition de nouvelles thérapeutiques, la maîtrise des coûts de santé devient un paramètre essentiel dans la décision d’informatiser les processus de santé.L’alignement stratégique IT est la première étape d’un processus visant à créer de la valeur pour une entreprise, ce qui pour un hôpital peut se traduire par une plus grande attractivité et/ou une plus grande efficience (fig. 2).

2. Georgel F (2009) IT Gouvernance. 3e éd. Paris, Dunod.3. Moisand D, Garnier de Labareyre F (2010) CobiT. 2e éd. Paris, Eyrolles.

Les systèmes d’information hospitaliers 311

12.2.3 Le management IT

De nombreux hôpitaux subissent une dualité informatique dans laquelle l’informatique dite administrative (facturation des séjours, paie du personnel, gestion économique) est séparée de l’informatique dite médicale (fig. 3, colonne de gauche). L’analyse du système d’information de l’hôpital montre que le maintien de cette dualité est antagoniste des objectifs même d’un SIH. Une information, par exemple l’âge d’un malade, est une donnée administra-tive ou médicale suivant l’usage qui en est fait. Dans les hôpitaux universitaires en particulier, les différentes phases de réalisation d’un SIH doivent également bénéficier de l’apport d’équipes de recherche.

Fig. 3 – Les structures de management IT.

Fig. 2 – L’alignement stratégique du système d’information génère de la valeur. (d’après Georgel, 2009).

312 Informatique médicale, informatique de santé

Pour une structure hospitalière, le management IT doit être défini par un comité de gouvernance IT (ou comité de pilotage), lui-même rattaché au comité de gouvernance de l’entreprise et garantissant l’alignement de l’informatique de l’entreprise sur sa stratégie d’ensemble. Le comité de pilotage définit la stratégie de conduite du changement qui sera nécessaire lors de la mise en œuvre du SIH. La commission informatique est le lieu ou les décideurs informatiques peuvent discuter avec les représentants des utilisateurs des modalités de mise en œuvre du plan d’informatisation. Des groupes « ad hoc » sont constitués autant que de besoin et en fonction des projets informatiques.

12.3 Le plan d’urbanisation du SI

12.3.1 Le modèle des quatre cadrans

Sous le terme d’urbanisation du SI, on regroupe habituellement différentes étapes de mise en œuvre allant de l’analyse du système d’information à la sélec-tion des composants informatiques et des conditions de déploiement (fig. 4) :

– la compréhension des finalités de l’entreprise concernée (ici l’hôpital) et des acteurs concernés (intra- et extrahospitaliers) ;

– l’analyse des activités et de l’enchaînement des tâches (processus métiers) ;– l’analyse des données et informations échangées ;– l’analyse du choix d’applications informatiques pouvant servir de support

aux processus métiers et à leur intégration ;– le choix d’une stratégie de conduite du changement et de déploiement.

Fig. 4 – Le modèle des quatre cadrans (d’après Le Roux B (2009) La transformation stratégique du système d’information. Paris, Lavoisier). Les activités en dessous de la ligne en pointillés ont une forte connotation informatique.

Les systèmes d’information hospitaliers 313

12.3.2 L’environnement du système d’information, la vue externe

Dans un modèle d’environnement, l’entreprise est considérée comme une boîte noire (black box) en partenariat avec le système d’information de santé systèmes (médecine libérale ou organismes d’assurance par exemple). Les consultations, les admissions ou les sorties, les avis médicaux représentent les interactions principales liées au cœur du métier hospitalier.La figure 5 illustre la diversité des acteurs impliqués de façon directe ou indi-recte par le système d’information hospitalier4. Les acteurs extérieurs se situent au niveau des organismes de tutelle mais également des assurances, des indus-triels ou des médias. Les patients interviennent comme clients de l’entreprise traités en interne mais également comme groupes de pression externes au travers d’associations de patients ou des réseaux sociaux. Les missions de l’hô-pital sont à l’évidence le soin mais également l’enseignement et la recherche pour les hôpitaux universitaires.

Fig. 5 – Les acteurs d’un système d’information hospitalier (SIH). (D’après Degoulet P, Fieschi M (1998) Informatique médicale. 3e édition. Paris, Masson.)

12.3.3 La vue interne, les structures et les processus métier

Au niveau interne de l’hôpital, les acteurs sont à l’évidence les personnels de soins (médecins, personnels infirmiers, paramédicaux, pharmaciens et biologistes, ingénieurs biomédicaux, etc.) et les personnels administratifs et logistiques.L’analyse structurelle considère l’entreprise comme une boîte de verre (« glass box ») et fournit une représentation détaillée de l’organisation, des ressources

4. Degoulet P, Fieschi M (1998) Informatique médicale, 3e éd. Paris, Masson.

314 Informatique médicale, informatique de santé

matérielles et humaines5. La France est caractérisée par une dépendance étroite entre des structures matérielles et humaines fortement hiérarchisées (pôles, services, unités fonctionnelles), à l’inverse des pays nord-américains où les ressources matérielles (lits, plateaux techniques) sont plus volontiers partagées par des ensembles de ressources humaines (départements) (fig. 6).

Fig. 6 – Les structures hospitalières. (D’après Degoulet P, Fieschi M (1998) Informatique médicale. 3e édition. Paris, Masson.)

En principe, un service médico-technique n’est pas, comme une unité de soins classique, destiné à prendre en charge le suivi des malades. En pratique, l’expérience des dernières années montre que la distinction entre service médico-technique et service clinique n’est pas toujours nette. Un laboratoire peut prendre en charge des catégories particulières de malades (par exemple des hémophiles ou des malades sous anticoagulants pour un service d’héma-tologie). Inversement, il arrive qu’un service clinique développe une activité d’exploration pour le reste de l’hôpital ou pour des structures extérieures (par ex. échocardiographie, endoscopie...). En termes d’analyse du système d’information, chacune de ces structures, médicales ou médico-techniques, devient une ressource mise à la disposition des autres structures ou de l’exté-rieur, générant des actes, produisant de l’information et consommant d’autres ressources. L’analyse fonctionnelle part de l’activité hospitalière pour en déduire des circuits de gestion de l’information qui permettront de déterminer les différentes fonc-tions du SI puis de choisir celles qui feront l’objet d’une informatisation.

5. Id.

Les systèmes d’information hospitaliers 315

On appelle processus un ensemble d’activités ou d’opérations permettant d’atteindre l’un des objectifs de l’entreprise. Certains processus dits processus de réalisation sont directement liés au cœur du métier de l’entreprise (prise en charge médicale des patients dans un hôpital). D’autres processus dits processus de supports ont pour objet de faciliter les processus de réalisa-tion (approvisionnement, comptabilité, gestion des ressources humaines, etc.). Enfin, les processus de management sont liés au pilotage de l’entreprise (évaluation, gestion médico-économique, aide à la recherche).La réalisation effective d’un processus (le « comment ») nécessite qu’une organisation appropriée soit mise en place. Une bonne analyse des objectifs et des processus peut dès lors remettre en cause les structures médico-admi-nistratives existantes. Dans un système complexe, il est fréquent que certaines structures évoluent pour leur propre compte alors même que leur finalité est éloignée ou sans rapport direct avec la finalité globale du système (place exagérée, par exemple, de certains services logistiques) ou qu’au contraire des structures indispensables soient tardivement mises en place (insuffi-sance, par exemple, des structures de pilotage du système d’information).Le regroupement de ces trois grandes catégories de processus permet de définir trois grands ensembles ou sous-systèmes d’information d’un SIH : le système d’information clinique, le système d’information logistique et le système de pilotage (fig. 7). Ce chapitre est essentiellement centré sur le sous-système d’in-formation clinique.

Fig. 7 – Les sous-systèmes d’un système d’information hospitalier.

L’urbanisation du SI s’intéresse tout particulièrement aux processus trans-verses impliquant une multitude d’acteurs et de structures d’une entreprise.

316 Informatique médicale, informatique de santé

Un exemple particulièrement significatif est celui de la prescription connectée de biologie. La figure 8 en illustre les différentes étapes au sein des trois structures concernées :

– les unités de soin pour la prescription médicale, les prélèvements et le retour des résultats ;

– les laboratoires pour l’analyse et la production des résultats ; – les services administratifs pour la facturation et l’analyse d’activité.

Fig. 8 – Le circuit de la prescription en biologie. Méd = Tâche effectuée par un médecin ; Inf = Tâche effectuée par un personnel infirmier ; Biol = Tâche effectuée par un biologiste.

La phase d’analyse des résultats bénéficie tout particulièrement de l’informa-tisation et de l’automatisation. Les résultats d’examens sont transmis dans les unités de soin.Le circuit des examens d’imagerie présente de nombreuses similitudes avec le circuit de la biologie comme le montre la figure 9. Toutes les étapes peuvent bénéficier de l’informatisation. Le pilotage de certains appareils de prise d’image (scanneurs, résonance magnétique) bénéficie à la fois d’outils d’automatique et d’informatique. Lors de l’étape d’interprétation, certains programmes informa-tiques facilitent la visualisation, la construction d’images en trois dimensions (3D) à partir de coupes étagées, la reconnaissance automatique de certaines zones (calcifications associées à un cancer du sein) ou la réalisation de mesures (longueur, volume, densité, etc.). Les outils informatiques de dictée et de recon-naissance vocale facilitent la saisie directe des comptes rendus par les radiologues.

Les systèmes d’information hospitaliers 317

Fig. 9 – Le circuit de la prescription en imagerie. Méd = Tâche effectuée par un médecin ; Rad = Tâche effectuée par un radiologiste.

Le circuit du médicament est l’un des plus complexes, en particulier en France ou l’ensemble des prescriptions médicales hospitalières doit être validé par un pharmacien. S’ensuit une étape éventuelle de discussion et d’adaptation entre médecins et pharmaciens (fig. 10). Les médicaments sont administrés aux patients par les personnels infirmiers. Toutes les étapes peuvent bénéficier de l’informatisation. Différents robots peuvent être utilisés pour la préparation des médicaments et/ou leur transport.L’analyse par processus permet de regrouper les activités de prescription dans un processus plus global de gestion des actes qui fera alors l’objet d’un compo-sant informatique intitulé gestion des actes (Computerized Provider Order Entry ou CPOE). Ce regroupement est d’autant plus justifié que des actes de diffé-rente nature sont souvent regroupés dans un même protocole de prescription (médicaments et surveillance clinique ou biologique ou radiologie et biologie par exemple). S’y ajoutent en particulier les actes infirmiers et de surveillance qu’ils soient prescrits par les médecins ou les personnels infirmiers dans le cadre de leur rôle propre.

12.3.4 La vue informationnelle

À chacune des étapes d’un processus, des informations sont générées, utilisées ou échangées. La vue informationnelle fournit un modèle concep-tuel des objets métiers individualisés lors de la modélisation des processus

318 Informatique médicale, informatique de santé

métier et des interactions entre ces objets. Un objet métier est un concept abstrait ayant un sens pour les acteurs (une structure de soin, une observation médicale, une prescription, etc.). Chaque objet métier possède des propriétés statiques ou attributs (une date de début, une dose pour une prescription médicamenteuse) et des propriétés dynamiques décrivant le comportement des objets et leurs interactions avec les autres objets métiers. Le langage UML (« Unified Modelling Language ») est le plus utilisé actuellement pour décrire les propriétés statiques et dynamiques des objets métiers.

12.4 La stratégie d’informatisation

12.4.1 Le processus d’informatisation

La transformation des objets métiers en composants ou applications informatiques constitue l’étape suivante de la démarche d’urbanisation. Elle conditionne la qualité et la pérennité du futur SIH. Il s’agit de regrouper des ensembles de fonctions ou de processus dans des applications informatiques qu’il sera nécessaire alors de faire communiquer entre elles. Des approches inappropriées peuvent conduire à des impasses technologiques, à des blocages organisationnels et finalement à des dépenses inutiles.

Fig. 10 – Le circuit du médicament. Méd = Tâche effectuée par un médecin ; Pharm. = tâche effectuée par un pharmacien ; Inf. = Tâche effectuée par un personnel infirmier.

Les systèmes d’information hospitaliers 319

12.4.2 Approches verticale, par structures

Cette approche, fréquemment utilisée en France dans les années 1980-90, consiste à calquer les applications sur les structures de l’hôpital (fig. 11). Pour le système d’information clinique, elle revient à distinguer les différentes applications de gestions des unités de soins de celles des plateaux techniques (biologie, radiologie, pharmacie etc.). Calquée sur l’organisation de l’hôpital, cette stratégie a directement inspiré dans les unités de soin le développement des dossiers médicaux de spécialité. Elle facilite, dans ce cadre, le regroupe-ment de données de plusieurs unités de même spécialité pour des analyses épidémiologiques ou d’évaluation de la qualité des soins. Elle éclate par contre le dossier du patient entre les différents dossiers de spécialité, ce qui ne faci-lite ni la coordination ni la continuité des soins. Elle va conduire au dévelop-pement d’applications redondantes (par exemple, les différentes fonctions de gestion de demandes d’examens, d’applications de gestions d’unités de soins ou de plateaux techniques) voire incohérentes (incompatibilité, par exemple, entre différents dossiers de spécialité).

Fig. 11 – Informatisation des structures et application « verticales ».

Le nombre Nb d’interfaces à réaliser pour intégrer n applications verticales augmente avec le carré de n avec plus exactement :

Nb = n*(n-1)/2si l’on considère que chaque application doit être reliée à chacune des applica-tions restantes (n-1) et que relier une application A à une application B permet également de relier B à A. La complexité augmente très significativement lors du regroupement de deux hôpitaux en une seule structure puisqu’aux applica-tions nA de A s’ajoutent les applications nB de B.

320 Informatique médicale, informatique de santé

12.4.3 Approches horizontales, par processus

L’approche horizontale consiste à individualiser les processus devant faire l’objet d’une informatisation puis à « outiller » ces processus dans des compo-sants informatisés (fig. 12). Si le nombre n’ de processus à informatiser reste faible (n’<<n), alors le nombre d’interfaces à réaliser reste contrôlable. Surtout le nombre de processus à informatiser reste stable lors du regroupement de plusieurs hôpitaux en une structure unique, les processus cliniques restant identiques d’un hôpital à l’autre. Les risques humains et techniques (sécurité, confidentialité par exemple) augmentent avec le nombre de sites concernés et doivent faire l’objet d’une attention toute particulière.Si la gestion du dossier patient est considérée comme un processus, le SIH résultant sera alors centré sur le patient et le dossier patient unique et partagé pourra servir de support à la prise de décisions et d’outil de coordination et de continuité des soins. Si la gestion des rendez-vous est partagée au niveau d’un hôpital ou de plusieurs hôpitaux, alors il sera possible d’optimiser les trajec-toires des patients au sein des hôpitaux.

Fig. 12 – Informatisation par processus et application « horizontales ».

12.4.4 Approches mixtes horizontales et verticales

Elles consistent, de façon simplifiée, à suivre une approche horizontale pour les unités de soins et verticale pour les plateaux techniques (fig. 13). L’approche horizontale pour les unités de soins permet de bénéficier d’un outil unique au niveau d’un ou de plusieurs hôpitaux pour le dossier patient, la prescription des actes et la prise de rendez-vous (consultations, hospitalisations, investiga-tions, interventions, etc.). L’approche verticale au niveau des plateaux techniques permet d’effectuer les prétraitements spécifiques et d’y gérer les automates de

Les systèmes d’information hospitaliers 321

production de résultats ou d’acquisition d’images. Les résultats d’examen ou les images produites sont transmis au dossier patient intégré au moyen de messages standardisés. Les fonctions transversales des applications des plateaux techniques (prise de rendez-vous en radiologie par exemple) sont par contre désactivées et confiées aux composants transversaux. En cas de panne majeure du système d’information clinique les applications des plateaux techniques peuvent éventuel-lement être utilisées de façon autonome jusqu’à la reprise d’un fonctionnement global. La complexité d’intégration est intermédiaire de celle des deux approches précédentes dans la mesure où le nombre d’applications à intégrer n’’ est habi-tuellement compris entre n et n’. Cette approche est souvent recommandée par les organisations internationales, l’informatisation des plateaux techniques représen-tant alors une première phase d’informatisation globale de l’hôpital.

Fig. 13 – Approche mixte « horizontale » et « verticale ».

12.5 Les composants métiers d’un système d’information clinique

12.5.1 Les composants « soins »

La figure 14 illustre les principaux composants informatiques retrouvés dans les principaux systèmes d’information clinique6.Certains composants dits « composants soins » dans la figure 4 sont spécifiques de l’environnement hospitalier. D’autres sont plus génériques et peuvent être retrouvés dans d’autres secteurs d’activité.

6. Van de Velde R, Degoulet P (2003) Clinical Information Systems. A Component-Based Approach. New York, Springer-Verlag.

322 Informatique médicale, informatique de santé

Fig. 14 – Les principaux composants d’un système d’information clinique.

La gestion des identités et des mouvements permet de constituer pour chaque patient un dossier unique qui le suivra en consultation ou en hospitalisation. Des outils de recherche d’identité proches (nom, prénoms, sexe, etc.) permettent de limiter la création de doublons. En cas d’impossibilité d’identifier un malade (urgence par exemple), une identité provisoire est fournie. Le dossier créé devra par la suite être mis à jour ou fusionné avec un dossier préexistant de patient.Le dossier patient partagé et unique est l’élément central du système d’infor-mation clinique. Il permet de recueillir et d’enregistrer l’ensemble des infor-mations quelle qu’en soit la source (administrative, médicale, infirmière) ou la nature (clinique, biologie, imagerie, soins, traitements, etc.). Des procédures de protection et d’accès (droits d’accès) sont définies en fonction des utilisateurs (médecin/secrétaire, infirmière, etc.), de la nature des informations accédées et de la présence ou non du malade dans l’établissement. Le composant de gestion du dossier assure la traçabilité des accès.Le composant de gestion des actes (« Computerized Provider Order Entry » ou CPOE) permet, en fonction de l’utilisateur (médecin, infirmière, etc.), de prescrire des actes individuels (ex. : le potassium sanguin), regroupés dans un ensemble d’actes ou « order set » (ex. : l’ionogramme) ou dans des regroupe-ments cliniques (protocoles) spécifiques d’une situation clinique (ex. : hospita-lisation pour dilatation coronarienne) ou d’une pathologie donnée (protocole de chimiothérapie). Les soins infirmiers associées à des prescriptions sont considérés comme des actes. Les demandes d’actes sont stockées dans le dossier patient et permettent de générer les plannings des différents acteurs (ex. : plan-ning infirmiers, planning d’examens interventionnels, plannings opératoires).

Les systèmes d’information hospitaliers 323

Le composant gestion des ressources et des rendez-vous permet de gérer de façon unifiée pour un malade des rendez-vous uniques ou des ensembles de rendez-vous des malades (ex. : séances de radiothérapie ou de dialyse). L’utilisation d’un outil unique au niveau d’un hôpital ou d’un groupe d’hôpitaux permet d’optimiser les ressources et de tenir compte au mieux des contraintes des patients. Les produits les plus sophistiquées permettent d’optimiser l’enchaînement des rendez vous en tenant compte de la disponibilité des ressources, de la durée de déplacement des patients entre les structures et des contraintes plus spécifiques des patients.

12.5.2 Les composants génériques

Non spécifiques du secteur de la santé, ils sont indispensables pour assurer le fonctionnement intégré du SI de l’hôpital et son intégration avec le système d’information de santé.Lorsqu’il s’agit de coder un diagnostic ou de prescrire un acte, les SI doivent s’appuyer sur des référentiels spécifiques du domaine, internationaux lorsqu’ils existent et à défaut nationaux. Ainsi, par exemple, le codage des causes de décès repose sur la 10e révision de la classification internationale des maladies de l’OMS (CIM-10). LOINC est le standard recommandé pour la classification des actes de biologie. La nomenclature SNOMED est la classification recommandée en anatomopathologie, malheureusement souvent remplacée en France par la classification dite ADICAP. La nomenclature SNOMED-CT riche de plusieurs dizaines de milliers de termes couvre de nombreux domaines médicaux. Ces différentes terminologies sont traitées en détail dans les chapitres spécifiques de cet ouvrage. Dans le domaine des échanges entre composants et/ou applica-tion les deux standards de formats de messages standardisés sont DICOM pour l’imagerie et HL7 pour les autres types de messages.

12.6 La conduite de projet

12.6.1 Les étapes d’informatisation d’un hôpital

L’informatisation d’un hôpital est une procédure longue (3 à 10 ans) et diffi-cile car bouleversant les habitudes de travail des utilisateurs. Elle doit se faire par étapes ou phases en suivant les recommandations des organismes natio-naux ou internationaux7. Chaque étape définit un état d’avancement du SI. Les étapes suivantes correspondent aux recommandations du groupement HIMMS aux États-Unis. Elles doivent bien sûr être adaptées en fonction du contexte local de départ et des applications informatiques retenues :

– stade 0 : pas d’informatisation ;– stade 1 : information des plateaux techniques biologie, imagerie, pharmacie ;

7. Degoulet P, Fagon JY (2004) Stratégies de mise en œuvre des systèmes d’information cliniques. Gestions Hospitalières. p. 793-800.

324 Informatique médicale, informatique de santé

– stade 2 : gestion des identités et mouvements, dossier patient partagé alimenté par les plateaux techniques et basé sur un référentiel commun ;

– stade 3 : documentation médicale et infirmière, génération de pancartes et plans de soins. mise en place du PACS ;

– stade 4 : système de gestion des actes (CPOE) associé aux outils de décision ;

– stade 5 : prise en charge du circuit complet des médicaments (de la pres-cription à la distribution) ;

– stade 6 : PACS généralisé sur l’hôpital, recueil de données par formulaires spécialisés possible ;

– stade 7 : SI ouvert sur l’extérieur.En 2010, le groupe HIMMS estimait que 67,5 % des hôpitaux avait atteint le stade 3 et 17,8 % le stade 4 correspondant à la mise en place d’un CPOE couplé à des outils d’aide à la décision. Seulement 6,7 % des hôpitaux ne disposaient que des trois systèmes principaux de gestion des plateaux technique sans dossier patient intégré (stade 1).À chaque stade, le déploiement doit être le plus global possible (fig. 15, partie droite) afin d’éviter la constitution d’îlots informatiques qui disposeraient d’un maximum de fonctionnalités, les autres unités restant à un niveau inférieur de leur informatisation. Elle est également préférable pour la formation des professionnels qui retrouveront le même niveau d’informatisation dans chacun des services où ils seront conduits à intervenir.

Fig. 15 – Les modalités de déploiement.

Les systèmes d’information hospitaliers 325

12.6.2 Ressources nécessaires

L’estimation des coûts de mise en place et de fonctionnement d’un SIH et leur évolution sont difficiles à cerner. Les hôpitaux, même les plus informatisés, sont encore dans une phase de forte croissance de leur informatique : accroisse-ment du nombre de postes de saisie de l’information, accroissement du volume des communications avec l’apparition des transferts d’images, accroissement des capacités d’archivage. Le budget de fonctionnement moyen des hôpitaux français consacré à l’informatique, de l’ordre de 1,5 %, reste largement inférieur aux budgets observés aux États-Unis, voisin de 4 %. La prise en compte des ressources humaines est l’une des conditions les plus importantes de succès d’un SIH. Il faut pouvoir assurer une intégration harmo-nieuse des compétences administratives, hospitalières et universitaires, dégager les ressources humaines nécessaires au développement et au bon fonctionne-ment d’un SIH et enfin préparer l’ensemble des personnels à son utilisation.

12.6.3 Les e$ets inattendus et l’analyse des risques

La mise en place d’un SIH modifie l’organisation des entreprises et les rela-tions entre professionnels. Elle peut être à l’origine d’effets inattendus voire de rejets de la part de certains groupes d’utilisateurs qu’il importe de minimiser et/ou de gérer8. Les changements suivants sont parmi les plus significatifs :

– possibilité de travailler de façon désynchronisée (par rapport au mode synchronisé des visites en salle par exemple) : un médecin effectuant une prescription à distance du malade n’a pas l’assurance que la prescription sera bien comprise par le personnel soignant et/ou le patient ;

– augmentation de la charge de travail pour certaines tâches : une prescrip-tion par ordinateur peut être plus longue qu’une prescription papier ;

– de nouvelles erreurs sont possibles (erreurs de frappe), difficiles à prévenir si le résultat est cohérent par rapport aux habitudes médicales (ajout d’un zéro pour une prescription d’héparine par exemple) ;

– les modifications permanentes demandées aux systèmes informatiques sont génératrices de frustrations (délai de réalisation), d’erreurs (bogues informatiques qu’il importe de corriger au plus vite) ou de régressions fonctionnelles (une fonction utilisée en routine se met à dysfonctionner) ;

– la facilité plus grande des professionnels les plus jeunes pour utiliser une application informatique peut être mal perçue par les professionnels les plus âgés, en situation de décideurs ;

– des réactions émotionnelles inappropriées car exagérées sont fréquentes lorsqu’une nouvelle technologie est mise en place.

La prise en compte des effets inattendus possibles doit s’analyser dans une analyse plus globale des risques liés à l’introduction de nouvelles technologies.

8. Campbell EM, Sittig DF, Ash J, Guappone K, Dykstra R (2006- Types of unintended consequences related to computerized order entry. J Am Med Inform Assoc 13: 547-56.

326 Informatique médicale, informatique de santé

Les risques IT sont d’ordre humains (erreurs intentionnelles ou non inten-tionnelles) et technologiques (perte de disponibilité du SIH, perte d’intégrité des données, perte de confidentialité des informations nominatives stockées dans le SIH). Le plan de gestion des risques doit être réalisé avant la mise en œuvre d’un SIH, de même qu’un plan de crise (panne complète ou partielle du SIH) et des procédures écrites de reprise sur incident. Les risques IT augmentent avec le nombre d’unités et d’hôpitaux concernés par le même SIH.

12.6.4 La conduite du changement

La conduite du changement regroupe toutes les démarches visant à faciliter la transition d’une institution pour passer d’un état A à un état B de son système d’information. Les éléments suivants sont considérés comme des facteurs favo-risant le succès d’un SIH :

– la mise en place d’une structure d’e-Gouvernance visible ;– la participation des utilisateurs dès les phases de sélection d’une offre SIH ;– l’individualisation de « leaders d’opinion » pouvant porter le projet ;– une présentation objective des bénéfices et des difficultés attendues ;– la constitution d’équipes mixtes « ingénieurs – professionnels de l’infor-

matique médicale – utilisateurs » ;– une formation adaptée à chaque profession avec l’individualisation dans

chaque structure de l’hôpital de « super-utilisateurs » mieux formés et pouvant servir de relais auprès de leurs collègues de travail ;

– une évaluation permanente de la satisfaction des utilisateurs ;– une bonne réactivité des équipes informatiques pour répondre aux

demandes des utilisateurs et réparer les matériels en panne.

12.7 L’évaluation des systèmes d’information hospitaliers

12.7.1 Les niveaux d’utilisation d’un SI

Les statistiques, telles que celles fournies par le HIMMS aux États-Unis, montrent des taux d’informatisation croissant dans les hôpitaux. Le fait qu’un SIH soit disponible ne signifie pas pour autant qu’il soit utilisé, et s’il est utilisé qu’il soit utilisé de façon adéquate (fig. 16). Il est important, par exemple, que les fonctions de prescription médicale soient utilisées par les médecins eux-mêmes et non déléguées à d’autres catégories de profession-nels (personnels infirmiers, secrétaires par exemple). La production régulière d’indicateurs d’utilisation est importante pour suivre en interne le processus de déploiement des applications et motiver les utilisateurs les plus hostiles à l’utilisation des TI, mais également pour effectuer des comparaisons à un échelon national ou international (benchmarking).

Les systèmes d’information hospitaliers 327

Fig. 16 – Les niveaux d’utilisation d’un SI.

12.7.2 Le retour sur investissement

Une utilisation adéquate et efficiente d’un système d’information doit se traduire sous forme de bénéfices clinique, organisationnels et financiers. Certains bénéfices sont tangibles et quantifiables, d’autres plus difficiles à mesurer (fig. 17).

Fig. 17 – Le retour sur investissement TI. (D’après Meyer R, Degoulet P (2008) Assessing the capital efficiency of healthcare information technologies investments: an econometric perspective. Meth Inf Med 47 suppl 1: 114-27.)

Sur le plan clinique, des résultats significatifs ont été observés en matière de réduction de la iatrogénie médicale et tout particulièrement de celle liées aux erreurs de prescription thérapeutiques ou d’investigation. L’utilisation de

328 Informatique médicale, informatique de santé

protocoles de soins informatisés facilite l’adhérence des professionnels aux bonnes pratiques médicales. Le SIH peut être utilisé pour coupler les données du patient avec une connaissance médicale validée et faciliter la production de documents pédagogiques à destination des patients.Les fonctions de communications intégrées réduisent les erreurs de transcrip-tion, accélèrent le cycle des examens complémentaires (de la prescription au rendu des résultats) et de fait la durée des séjours.Les bénéfices financiers et/ou organisationnels peuvent, dans certains cas, être traduits en équivalents monétaires, et intégrés dans des études de retour sur investissement. Les études financières les plus récentes semblent indiquer :

– que les bénéfices financiers ne sont pas immédiats mais décalés (3 à 5 ans) après la phase initiale de déploiement et d’appropriation généralement considérée comme contre-productive ;

– qu’il pourrait exister un seuil de d’investissement en deçà duquel l’infor-matisation serait contre-productive ;

– que les bénéfices en termes d’activité facturée sont positivement corrélés au capital TI (personnels et investissements TI tenant compte des amor-tissements des matériels et logiciels)9.

12.8 Résumé et conclusions

Les systèmes d’informations hospitaliers, développés au cours des 40 dernières années, ont démontré leur efficience et fait preuve d’une maturité suffisante pour envisager leur généralisation. Se pose dans ces conditions la question de la ou des stratégies les plus adaptées pour choisir, déployer et assurer la maintenance d’un SIH intégré en prenant en compte les dimensions techniques, financières et organisationnelles d’un tel projet. Dans un contexte économique difficile, une décennie peut représenter la bonne échelle de temps pour mener à bien un tel projet. L’informatisation des plateaux techniques reste considérée comme l’étape préalable à la mise en œuvre d’un dossier patient partagé et des outils de prescription. Elle doit être suivie par la mise en œuvre d’un dossier patient électronique partagé puis des outils de prescription d’actes et de gestion des rendez-vous.

12.8 Pour en savoir plus

Degoulet P, Fieschi M (1998) Informatique médicale. 3e édition. Paris, Masson. [Avec lequel ce chapitre partage une partie de l’introduction, les figures 5 et 6 et de nombreuses idées élaborées au cours de 20 ans de collaboration scientifique]http://www.himss.org/ASP/index.asp [Site de l’Association HIMMS (Healthcare

Information and Management Systems Society), principale organisation

9. Meyer R, Degoulet P (2010) Choosing the right amount of healthcare information technologies investments. Int J Med Inform 79: 235-31.

Les systèmes d’information hospitaliers 329

consacrée au développement des SIH. Organise des congrès sur les diffé-rents continents].

http://www.himssanalytics.org/hc_providers/emr_adoption.asp [Description des niveaux d’adoption des dossiers électroniques en milieu hospitalier et de l’état de l’offre et de déploiement des SIH aux États-Unis et dans certains pays européens].

http://healthit.hhs.gov/portal/server.pt/community/healthit_hhs_gov__home/1204 [Site du Coordinateur national pour les Technologies de l’Infor-mation en Santé aux États-Unis. Permet de télécharger les documents sur les critères d’utilisation significative (Meaningful Use) des dossiers patients électroniques].

Longépé C (2009) Le projet urbanisation du S.I. 4e édition. Paris, Dunod.Lorenzi NM, Riley RT (2010) Organizational Aspects of Health Informatics.

Managing Technological Change. New York, Springer-Verlag [Aborde les différents aspects organisationnels de la mise en œuvre d’un SIH].

Tomas JL (2007) ERP et PGI : Sélection, déploiement et utilisation opération-nelle. 5e édition. Paris, Dunod. [Définit une méthode de mise en œuvre d’un progiciel de gestion intégré applicable au secteur de la santé].

Van de Velde R, Degoulet P (2003) Clinical Information Systems. A Component-Based Approach. New York, Springer-Verlag. [Fournit une analyse détaillée des principales fonctionnalités des composants d’un SIH ainsi que des modalités d’échanges et d’interaction entre ces composants].

12.9 Exercices d’application

Q1Un hôpital de 700 lits dispose des applications informatiques suivantes : un système de gestion administrative des patient (identité/mouvements, facturation) développé en interne, deux systèmes de gestion de labo-ratoires (biologie, d’une part, bactériologie et immunologie de l’autre) déversant leurs résultats sur un serveur de résultats développés tous trois en interne, un logiciel de gestion de la pharmacie permettant la saisie des prescriptions thérapeutiques, un système de gestion de la radiologie avec son outil propre de gestion des rendez vous, un logiciel spécialisé de gestion des urgences. Proposez une stratégie de poursuite de l’infor-matisation à 5 ans. Quels composants faut-il conserver, supprimer ou envisager de supprimer à terme ?

R1La situation décrite dans cet exercice est une situation fréquente dans les hôpitaux français avec un début d’informatisation du circuit admi-nistratif et des principaux plateaux techniques. Le développement en interne d’applications d’informatique hospitalière est progressive-ment abandonné remplacé par l’achat et le paramétrage de progiciels

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intégrés. Les sous-ensembles applicatifs pouvant être amenés à disparaître à court ou moyen termes sont les suivants : le module de gestion des iden-tités remplacé par le composant identité/mouvement du SIH, le serveur de résultats et le logiciel des urgences remplacés par le dossier patient intégré, le composant gestion de rendez-vous de radiologie remplacé par un composant générique de gestion des ressources de l’hôpital, la partie prescription du logiciel de pharmacie remplacée par un composant général de gestion des actes. Le remplacement des deux logiciels internes de gestion des laboratoires par un produit industriel conforme aux normes d’échange internationales (HL7) doit être effectué au plus tôt.Une fois une solution retenue pour le système d’information clinique, le déploiement informatique est habituellement planifié en deux ou trois phases. Pendant le déploiement d’une phase, le paramétrage des progi-ciels pour les phases suivantes peut être effectué en parallèle. Les quatre grandes étapes ci-dessous constituent un exemple de stratégie validée. Le calendrier réel doit bien sûr tenir compte du choix exact de la solution retenue et du niveau d’investissement, puis adapté en fonction des retours des utilisateurs dès les premiers déploiements.

!!Étape 1 (12-18 mois) : définition de la structure d’e-Gouvernance, mise en place d’une équipe de projet chargée de la réalisation du plan d’urbanisation, de la rédaction du cahier des charges et du dépouillement des offres. Choix d’une stratégie de gestion des infrastructures informatique (en interne ou externalisée sur un site sécurisé et agréé).

!!Étape 2 (6-12 mois) : paramétrage des fonctions de base du SIH (identités/mouvements, dossier patient intégrant les données des plateaux techniques, codage PMSI). Formation des utilisateurs aux fonctions de bases.

!!Étape 3 (12-18 mois) : déploiement des fonctions de base. Paramétrage d’un second ensemble de fonctionnalités (prescrip-tion des actes simples et composés, rendez-vous). Formation des utilisateurs aux fonctions avancées. Corrections des bogues sur les fonctions de base.

!!Étape 4 (12-18 mois) : déploiement de la seconde phase. Paramétrage de fonctions avancées (par exemple protocoles complexes, outils d’aide à la décision, dossiers de spécialités). Correction des bogues sur les fonctions avancées.

Certains systèmes d’information cliniques intègrent leur propre outil de gestion de laboratoires (approche horizontale décrite dans ce chapitre). Si tel est le cas paramétrage du système du système de laboratoire sera conco-mitant de celui du dossier patient (Étape 2). Il en est de même du système de communication et d’archivage des images (PACS). Le déploiement des fonctions du PACS peut être planifié au cours des étapes 3 et 4 du projet.