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Les États-Unis et la stratégie alimentaire mondiale

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Les États-Unis et la stratégie alimentaire

mondiale

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ALAIN REVEL CHRISTOPHE RIBOUD

Les États-Unis et la stratégie alimentaire

mondiale

CALMANN-LÉVY

Page 5: Les États-Unis et la stratégie alimentaire mondiale

ISBN 2-7021-0387-1

C CAI.MANN-LFVV, 1981 Imprimé 01 France

Page 6: Les États-Unis et la stratégie alimentaire mondiale

ABRÉVIATIONS UTILISÉES

C.C.C. : Commodity Credit Corporation, organisme d'interven- tion agricole et de financement des exportations de U.S.D.A.

C.E.E. : Communauté économique européenne à neuf. S : dollar.

E.R.S. : Service économique de l'U.S.D.A. (Economie Research Service, nouvellement appelé E.S.C.S., Economic, Statistic and Cooperative Service).

F : franc.

F.A.O. : Organisation de l'Agriculture et de l'Alimentation (Food and Agriculture Organisation).

F.A.S. : Service international de l'U.S.D.A. (Foreign Agricultural Service).

G.A.T.T. : Accord Général sur les Tarifs et le Commerce (General Agreement on Tariff and Trade). ha : hectare. hl : hectolitre. Mha : Millions d'hectares. MT ou Mt : million de tonnes.

O.P.E.P. : Organisation des pays exportateurs de pétrole. P.A.A. : produits agricoles et alimentaires. P.A.C. : politique agricole commune de la C.E.E. P.V.D. : pays en voie de développement ou P.E.D. : pays en déve-

loppement. q/ha : rendement en quintal par hectare. U.S.A. : États-Unis d'Amérique (United States of America). U.S.D.A. : ministère de l'Agriculture des États-Unis (United States

Department of Agriculture).

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INTRODUCTION

L'alimentation a été durant des millénaires l'objectif essentiel de l'activité des hommes. Puis, avec la révolution agraire, qui a précédé la révolution industrielle du siècle dernier, les problèmes sociaux liés à la création de grandes entreprises industrielles et à l 'urbanisation semblaient être devenus leur préoccupation principale. La terrible envolée des prix agricoles intervenue de 1972 à 1975 pose à nouveau la question : le monde va-t-il en cette fin du XXe siècle affronter une crise alimentaire majeure? Va-t-il donner raison aux inquiétudes exprimées par un certain nombre d'économistes qui, comme Mal- thus, comparait les taux de croissance de la production agricole avec ceux de la population?

Si cette interrogation est inquiétante pour les pays solvables importateurs d'aliments tels l 'Europe, le Japon, les pays de l'O.P.E.P., elle devient angoissante pour les pays en voie de dévelop- pement (P.V.D.) démunis de pétrole, car elle peut se traduire pour eux par un mot dramatique, la famine.

A cette question majeure s'ajoute, depuis le mois de juin de l'année 1973 où le monde sidéré a vu les États-Unis décréter un

embargo sur ses exportations de soja, une inquiétude sur le pouvoir croissant pris par ce pays dans le domaine de l'alimentation des hommes de l'an 2000. La Communauté économique européenne (C.E.E.) et le Japon, déjà soumis aux pressions de détenteurs de l'or noir, vont-ils devoir affronter aussi le pouvoir vert des producteurs de céréales et d'oléoprotéagineux?

A cette double inquiétude il fallait tenter d'apporter une réponse.

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Celle de cet ouvrage est claire : le pétrole vert existe et un pays semble avoir trouvé le moyen d'en réguler à sa guise la production. Aussi, le modèle agro-alimentaire américain mérite qu'on en analyse à la fois les performances et les outils.

Pour préciser leur réponse, les auteurs ont utilisé les données des études les plus sérieuses et ont contrôlé les hypothèses sous-jacentes à leur élaboration. Ce travail n'est pas facile tant est récent l'intérêt porté à ces problèmes au niveau mondial : les premières recherches en la matière ont été réalisées il y a moins de dix ans.

Aussi, l'investigation a-t-elle été concentrée sur le cœur de la chaîne alimentaire : le complexe céréales-oléagineux-viande. Ces produits représentent l'essentiel du commerce mondial et la base de toutes les productions dérivées : farine, aliment du bétail, produc- tion de viande bovine, porcine, avicole, produits laitiers. Bien sûr, cette approche ne permet pas d'étudier des productions aussi impor- tantes que les fruits, les légumes, les vins et alcools, non plus que les produits tropicaux tels le café, le cacao et le thé, ou certains produits méditerranéens tels le mouton ou l'huile d'olive. Mais il fallait se limiter aux produits stratégiques de l'alimentation des hommes.

Ces études du complexe céréales-protéines-viande ont en général été réalisées à l'horizon 1985. Leurs principales conclusions sem- blent cependant pouvoir être prolongées jusqu'en 1990 et même jusqu'à la fin du siècle. Il est en effet maintenant admis que le taux de croissance de la population mondiale, est stabilisé à un niveau inférieur à 2 % l'an. Les réserves de productivité des agricultures des pays développés et des P.V.D. sont de leur côté plus importantes que ne le laissaient espérer les analyses réalisées à partir de 1974. Ces deux inflexions permettent de confirmer pour 1990 et 2000 les conclusions tirées en 1974 pour l'année 1985 : l'équilibre global sera réalisé, avec certaines contraintes toutefois pour les P.V.D. et pour la consommation de viande.

Bien entendu, est écarté tout accident mondial majeur pouvant conduire à l'arrêt des courants d'échanges nord-sud et est-ouest. Un contexte pacifique est essentiel pour que se réalise le difficile ajuste- ment de l'offre agricole à la demande mondiale.

Le lecteur qui veut approfondir ce problème fondamental pour l'avenir de l'humanité trouvera dans la première partie l'évolution de l'équilibre agro-alimentaire analysée dans son contexte mondial

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(chapitre premier), puis dans sa composante européenne (cha- pitre II) et américaine (chapitre m). Le rôle central des États-Unis sera ainsi mis en évidence malgré l'importance de ses « challengers » brésilien et argentin, ou celle des anciens dominions blancs, grâce à l'accélération provoquée par les besoins inéluctables des pays de l'Est.

La deuxième partie traitera alors de la politique et de la situation agricoles de l'Amérique car l'efficacité et la capacité de réaction d'un tel ensemble méritent une réflexion nouvelle dégagée des préju- gés courants. Alors que la crise de l'énergie semble toucher profon- dément les ressorts de l'économie américaine, ses performances font de son agriculture un secteur clé de son avenir.

Cet avenir est aussi doublement le nôtre : directement, car l'Europe n'a pas encore dit son dernier mot en matière agricole; et indirectement, car l'alimentation correcte des P.V.D. devrait être un des objectifs prioritaires de la communauté internationale d'ici la fin du siècle.

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PREMIÈRE PARTIE

L'ÉQUILIBRE AGRO-ALIMENTAIRE

MONDIAL

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CHAPITRE PREMIER

Équilibre global et déséquilibres partiels

à l'horizon 2000

D EUX événements politiques survenus dans le courant de l'année 1972 ont été à l'origine de ce que certains ont appelé la grande

crise alimentaire. Celle-ci à son tour a poussé sur le devant de la scène internationale la question agricole qui jusqu'alors n'avait jamais suscité un intérêt à la hauteur du problème.

Le premier événement fut le rapprochement soviéto-américain de 1972. Il a conduit l'U.R.S.S. à accepter de devenir acheteur de céréales sur le marché américain, ce qu'elle avait jusqu'alors soi- gneusement évité, se contentant de quelques contrats avec le Canada.

Le second s'est produit la même année. Un nouveau ministre de l'Agriculture avait été nommé par le président Nixon car le précé- dent, M. Cliffort Harding, était tenu pour responsable des voix perdues par le parti républicain dans le Midwest agricole. M. Earl Butz avait comme mission d'inciter financièrement les agriculteurs américains à réduire leurs emblavements afin de diminuer les stocks

et de relever les prix du marché des céréales. Cinq millions d'hec- tares étaient ainsi retirés de la culture, ce qui correspondait à une baisse volontaire de production de 20 Mt de céréales.

Les conséquences de ces deux événements en apparence disjoints ont été considérables pour les marchés agricoles.

Une mauvaise récolte conduisait les Soviétiques à acheter massi- vement aux États-Unis. Les exportations américaines de céréales à destination de tous pays passaient entre la campagne 1971/1972 et celle de 1972/1973, de 44 à 73 Mt dont 14 Mt à destination de l'U.R.S.S.

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A ce déséquilibre momentané est venu s'ajouter la sécheresse intervenue en 1974 sur le Corn Belt réduisant d'un quart les rende- ments de maïs. Le prix de cette céréale qui avait augmenté de 45 % entre 1971 et 1972, a encore grimpé de 62 96 entre 1972 et 1973 et de 19 % de 1973 à 1974.

Au total, les prix des céréales américaines avaient quasiment tri- plé en trois ans. On apprendra, mais plus tard, que l'or vert était ainsi né un an avant que les pays producteurs de pétrole ne songent, à créer leur or noir.

En 1973, et pour la première fois depuis bien longtemps, un vent de panique a soufflé parmi les experts : allons-nous retrouver la famine? La vulnérabilité du monde aux aléas climatiques est apparue plus grave qu'on ne l'imaginait jusqu'alors. Il fallait donc reprendre les calculs prospectifs et réexaminer l'avenir à la lumière des développements récents du commerce céréalier mondial.

Ceci a conduit à la convocation du 5 au 16 novembre 1974, à Rome, de la Conférence mondiale de l'Alimentation. Proposée par le Secrétaire d'État des États-Unis, Henry Kissinger, cette initiative, qui n'était pas dépourvue d'arrière-pensée, correspondait à une prise de conscience générale des problèmes agricoles par le monde politique.

Celui-ci découvrait à cette occasion qu'aucune étude prévision- nelle détaillée n'avait été réalisée pour éclairer la situation alimen- taire du monde à la fin du xxe siècle. Cette absence d'efforts sérieux de modélisation économétrique prenait une importance particulière en agriculture.

La question posée par les hommes politiques était en effet d'im- portance : la situation de 1973 était-elle accidentelle ou au contraire un signe précurseur d'une crise profonde de sous-production pour le dernier quart de siècle? Pour y répondre, deux types de raisonne- ments s'opposaient.

Le premier, fondé sur les intuitions d'experts et à la mode pen- dant un temps, consistait à projeter selon une tendance les princi- paux déterminants de l'offre et de la demande de produits agricoles : population, revenu, besoins caloriques ou protéiniques, surfaces uti- lisables... On arrivait à la conclusion qu'il y aurait un manque global de nourriture pour assurer à chaque individu sur terre une ration calorique décente à moyen terme. Cette situation est ana-

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logue à celle de l'énergie. Dans ces conditions, le problème écono- mique spécifique des marchés agricoles (quels seront les prix relatifs des différents produits) perd de son importance. Ce sont des substi- tuts aux produits ou aux producteurs actuels qu'il faut trouver, coûte que coûte.

A l'inverse, un second type de raisonnement commençait à émer- ger, et qui arrivait à la conclusion opposée : il y aura pour certaines spéculations, trop de production. Cela va entraîner des modifica- tions de prix (apparents ou duaux, c 'est-à-dire prix du marché ou coût des interventions publiques) qui vont à leur tour influencer la demande. C'est donc à un niveau de prix déterminé que l'équilibre de l'offre et de la demande mondiales s'établira. Toute variation, même faible, de la demande va entraîner une variation de prix qui va à son tour modifier l'offre et ainsi de suite 1.

Il est intéressant de cerner les raisons pour lesquelles ce type d 'analyse, qui reconnaît les interdépendances entre les agrégats économiques, a mis aussi longtemps à se faire entendre.

Pour analyser correctement ce type de situation, il est indispen- sable de disposer d'un instrument d'analyse économétrique qui soit apte à expliquer le comportement des principaux producteurs dans le monde, et particulièrement de ceux capables de modifier leur production en fonction de la demande mondiale. La construction de ces modèles, décrivant une structure de production, est déjà difficile lorsqu'il s'agit du court terme et d'un seul produit. Elle devient encore plus complexe lorsque l'étude porte sur le long terme car il faut alors aussi prévoir l'effet du progrès technologique.

A cela s'ajoute l'impératif de prendre en compte un ensemble de produits complémentaires car la même exploitation agricole peut produire diverses denrées végétales, voire s'orienter plus ou moins vers certains types d'élevage.

Enfin, par-delà des difficultés techniques dont les solutions com- mençaient alors à émerger grâce aux efforts faits à l'occasion de la construction des modèles macro-économiques nationaux, il res-

1. Il s agit du problème, bien connu des économistes, de la « simultanéité »> our ce qui est des marchés agricoles, celle-ci présente certains caractères propres

liés au décalage dans le temps entre l'ensemencement et la récolte et au rythme annuel de la majorité des cultures.

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tait un dernier obstacle à franchir. L 'économètre, lorsqu 'il construit

son modèle, est obligé de faire des choix. Parmi ceux-ci, le plus cru- cial concerne l'objet même de son effort : faut-il construire un ins-

trument qui offre la meilleure prévision possible des prix ou faut-il pouvoir, à un niveau de prix donné, expliquer au mieux les ajuste- ments structurels (localisation des productions, spécialisation des

produits, etc.)? En l'état actuel des connaissances économétriques, il est impos-

sible de réunir les deux approches dans un même modèle, fût-il de

taille importante. On comprend dans ces conditions que les gouvernements et les

diverses institutions intéressées par les problèmes du devenir agri- cole aient hésité jusqu'en 1973 à financer ces travaux.

I. - LES RÉSULTATS DES PROJECTIONS DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE AGRICOLE À L ÉCHÉANCE 1985

Les économistes avaient depuis longtemps le désir de réaliser ce

type d'étude mais en avaient été empêchés avant 1973, car le coût de ces « modèles » est élevé. La crise alimentaire de 1972-1974 leur

a permis de satisfaire leurs ambitions. Nous avons pu localiser six de ces études dont les résultats sont consignés dans le tableau 1.

Deux de ces études se contentent d'établir des bilans quantitatifs : celle de la F.A.O.2 faite en 1974 et celle de l'Université de Cali- fornie 3. Elles sont assez proches, conceptuellement, de la méthode

des « projections tendancielles », quoique la F.A.O. ait, par la suite, développé un modèle économétrique. Deux autres sont plus écono- miques : celle de l'O.C.D.E. 4 et celle du Département américain de l'Agriculture 5. Pour les deux dernières, le rapport de l'Université de

2. F.A.O., Assesment of the World Food Situation Present and Future, United Nation World Food Conférence, Rome, novembre 5-16, 1974. Cette étude a été complétée en juillet 1979 par une mise à jour Agriculture, Horizon 2000, qui ne modifie pas fondamentalement les conclusions de 1974.

3. University of California, A Hungry World : The Challenge to Agriculture, July 1970.

4. O.C.D.E., Étude des tendances de l'offre et de la demande mondiale des pri'n cipaux produits agricoles, Paris, 1976.

5. U.S.D.A., Alternative Future for World Food in 1985, vol. 1, Foreign Agri- cultural Economie Report, n" 146, \X'ashington D.C., a\ril 1978.

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l ' I o w a 6 e t c e l u i d e l ' I n t e r n a t i o n a l F o o d P o l i c y R e s e a r c h I n s t i t u t e 7 ,

n o u s n ' a v o n s p u a v o i r u n a c c è s d i r e c t à l e u r p u b l i c a t i o n m a i s s e u l e -

m e n t à c e l u i d e l e u r s r é s u l t a t s .

L e s c o n s é q u e n c e s d e c e s d i f f é r e n t e s a p p r o c h e s s e r e t r o u v e n t à

l ' e x a m e n d e s r é s u l t a t s g l o b a u x d e s é t u d e s c i t é e s r e g r o u p é e s d a n s l e

t a b l e a u 1 . L ' u n e d ' e l l e s p r é v o i t u n d é f i c i t a l i m e n t a i r e d e s p a y s e n

v o i e d e d é v e l o p p e m e n t ( F . A . O . ) , s a n s s ' e n g a g e r s u r l e d é s é q u i l i b r e

a u n i v e a u m o n d i a l . D e u x a u t r e s ( U . S . D . A . e t C a l i f o r n i e ) p r é v o i e n t

q u ' e n 1 9 8 5 , l ' o f f r e s e r a j u s t e é g a l e à l a d e m a n d e . E n a d d i t i o n n a n t

l e s p r é v i s i o n s d e l ' O . C . D . E . p o u r c h a q u e r é g i o n , c ' e s t u n s u r p l u s

m o n d i a l a s s e z i m p o r t a n t q u i s e d é g a g e .

L a p r e m i è r e c o n c l u s i o n à t i r e r , c ' e s t q u e l ' u n a n i m i t é n e s e f a i t p a s

f a c i l e m e n t . L e p r e m i e r m o u v e m e n t a l a r m i s t e a v a i t é t é l a n c é p a r l a

F . A . O . q u i p r é v o y a i t p o u r l e s p a y s e n v o i e d e d é v e l o p p e m e n t u n

d é f i c i t d e 8 5 M t d e c é r é a l e s . C e t o r g a n i s m e i n t e r n a t i o n a l v o u l a i t

s u r t o u t a t t i r e r l ' a t t e n t i o n s u r l ' a m p l e u r d e c e d é f i c i t a l i m e n t a i r e e t

s u r l a d i f f i c u l t é d ' y f a i r e f a c e s a n s d e s h a u s s e s d e p r i x t r o p f o r t e s

p o u r l e s b u d g e t s n a t i o n a u x d e s p a y s l e s p l u s p a u v r e s . M a i s i l e s t

a u s s i e x a c t q u e l e s p r o j e c t i o n s d e l ' o f f r e f a i t e s p a r l a F . A . O . é t a i e n t

t r è s f l o u e s e t l e s e n t i m e n t d e m a l n u t r i t i o n g é n é r a l i s é e s ' é t a i t

r é p a n d u p l u s à p a r t i r d ' u n e i n t u i t i o n q u e d ' u n e c o m p a r a i s o n

s é r i e u s e d e l ' o f f r e e t d e l a d e m a n d e 8 . D e p u i s , l a F . A . O . a f a i t d e s

é t u d e s c o m p l é m e n t a i r e s s u r l ' o f f r e e t e l l e s e m b l e r e j o i n d r e l e s o p i -

n i o n s g é n é r a l e m e n t a d m i s e s q u i s e r é s u m e n t a i n s i :

1 ° i l n ' y a u r a p a s d e d é f i c i t a l i m e n t a i r e g l o b a l e n 1 9 8 5 o u m ê m e

e n 2 0 0 0 . A u c o n t r a i r e , i l p o u r r a i t m ê m e y a v o i r d e s s u r p l u s i m p o r -

t a n t s . C e c i e s t p l u s v r a i p o u r l e s c é r é a l e s q u e p o u r l a v i a n d e . C ' e s t

u n p o i n t i m p o r t a n t s u r l e q u e l n o u s r e v i e n d r o n s e n d é t a i l ;

2 ° l e d é f i c i t v a s ' a g g r a v e r p o u r l e s p a y s e n v o i e d e d é v e l o p p e -

6. BLAKESLEE, L . , HEADY, E. et FRAMINGHAM, C . , W o r l d F o o d P r o d u c t i o n a n d

T r a d e , C e n t e r f o r A g r i c u l t u r a l a n d R u r a l D e v e l o p m e n t , A m e s , U n i v e r s i t y o f I o w a , 1 9 7 3 .

7. I n t e r n a t i o n a l F o o d P o l i c y R e s e a r c h I n s t i t u t e , M e e t i n g F o o d N e e d s in t h e D e v e l o p i n g W o r l d , W a s h i n g t o n D . C . , f é v r i e r 1 9 7 6 .

8. U n e n o t e d u G . E . P . I . a v a i t d é j à f a i t a p p a r a î t r e les f a i b l e s s e s d e l ' a n a l y s e d e

l a F . A . O . : P r o b l è m e s a c t u e l s e t p e r s p e c t i v e s d e l a r é p a r t i t i o n a l i m e n t a i r e m o n -

dia le , P a r i s , 1 9 7 4 e t l ' U . S . D . A . a v a i t dès 1 9 7 3 p r o p o s é des p r é v i s i o n s s e m b l a b l e s à

celles d e 1 9 7 8 d a n s T h e W o r l d F o o d S i t u a t i o n a n d P r o s p e c t s t o 1 9 8 5 ( E c o n o m i c

R e s e a r c h S e r v i c e U . S . D . A . , n o v e m b r e 1 9 7 3 ) .

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ment. Mais même à l'intérieur de ce groupe des disparités impor- tantes se feront sentir, selon leur solvabilité (pays de l'O.P.E.P.) ou selon la plus ou moins grande réussite de leur politique agricole (Brésil, Argentine, Thaïlande, Inde par exemple);

3° le surplus des pays développés va s'accroître, mais là encore ce n'est pas vrai pour tous. Les conséquences économiques de ces disparités sont au moins aussi importantes que les précédentes.

TABLEAU 1 PRÉVISION DE LA DIFFÉRENCE DE L'OFFRE

ET DE LA DEMANDE EN 1985 (en millions de tonnes de céréales ou de viande)

(le signe + signifie un excédent exportable pour la zone, le signe — implique un déficit à compenser par des importations,

de l'aide alimentaire ou des restrictions)

fa > I, II, III et IV correspondent aux quatre scénarios retenus par l'L'SD.A pour faire tourner leur modèle « GOL ». Schématiquement elles correspondent à : 1 : hypothèse de statu quo, Il . hypothèse de libre-échange; III : hypothèse protccllonm5le; IV : hypothèse de Révolution verte

En ce qui concerne la situation globale, une première observation paraît importante, en liaison avec les remarques sur le problème de

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la simultanéité. Certaines études prévoient un surplus de l'ordre de 50 (O.C.D.E.) ou même 100 Mt (Iowa) de céréales. D'autres, au contraire, prévoient un équilibre où l'offre serait juste égale à la demande, résultat qui découle de la construction même d'un modèle d'équilibre. L'approche qui privilégie le rôle régulateur des prix (par opposition à la méthode des projections) prend alors toute son importance. En effet, la production de céréales passera dans les deux cas (surplus ou équilibre) par des circuits économiques où les prix joueront un rôle essentiel, car ils détermineront à leur tour l'état d'un marché très important, celui de la viande.

Pour mieux comprendre ce rôle, il faut introduire une notion fon- damentale qui a bouleversé l'appréhension des problèmes alimen- taires mondiaux. Jusqu'à un passé récent, les céréales étaient en priorité destinées à l'alimentation humaine : blé, riz, seigle, essentiel- lement. Avec l'extraordinaire développement de la culture du maïs et l'apparition des compléments de protéines apportés par le soja, l'alimentation des animaux a progressivement pris le pas dans les bilans céréaliers mondiaux sur l'alimentation des hommes. Dans les

pays développés, une grande partie de la production ou des impor- tations de céréales est ainsi utilisée en association avec le soja ou d'autres protéines végétales pour la production de viande de porc, de volaille ou, dans une moindre proportion, de viande bovine. Cette utilisation animale porte non seulement sur le maïs, l'orge, l'avoine et le sorgho, mais aussi sur une partie des récoltes de blé et de riz dont la qualité est insuffisante ou sur les résidus (sons, etc.). Dans les pays en voie de développement, l'urbanisation rapide et les change- ments d'habitude alimentaire des populations les plus aisées ont entraîné de fortes importations de viande que les autorités locales essaient de remplacer par des productions animales à partir de céréales et de soja importés.

On comprend mieux alors pourquoi les prix joueront un rôle majeur dans la répartition de la consommation entre céréales et viandes. Le rapport des prix de ces produits sera l'indicateur de la répartition de la production mondiale entre consommation humaine et consommation animale.

Le tableau 2, établi par l'U.S.D.A., montre dans toutes les zones

développées, sauf dans la C.E.E., une augmentation sensible des prix de la viande de bœuf et un accroissement beaucoup plus limité

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des prix de la viande de porc. Politique céréalière et politique de la viande sont très étroitement interdépendantes par le biais des prix et à la source des stratégies des pays producteurs d'agriculture expor- table.

TABLEAU 2 RAPPORTS DE PRIX ENTRE LA VIANDE ET LE MAÏS

Sources : U.S.D.A., op. CIe., note 5. 1. Belgique, France, R.F.A., Italie, Luxembourg, Pays-Bas 2. Danemark, Irlande, Grande-Bretagne. La différence de prix avec le reste de la C FF tient

à la période de référence choisie qui est antérieure à la fin de la période transitoire , depuis 1978 les prix de la C.E.E. sont aussi ceux des trois pays adhérents et les résultats indiqués pour 1985 n'ont donc pas de portée pratique pour ce groupe

Le fait que les politiques céréalières auront un effet décisif pour les producteurs de viande ne va pas sans poser de graves problèmes. En effet les éleveurs ont deux handicaps majeurs par rapport aux céréaliculteurs. D'abord, les cycles de production sont beaucoup plus longs. Pour reconstituer un cheptel bovin, il faut au moins trois ans et au moins dix-huit mois pour un cheptel porcin. Ensuite, ils

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sont beaucoup plus sensibles aux variations de la demande. En termes économiques, cela signifie qu'ils opèrent avec en face d'eux une demande des consommateurs beaucoup plus sensible aux varia- tions de prix que pour les céréaliers. Les pays exportateurs de viandes ou d'aliments pour bétail vont donc vivre dans un monde plus incertain et plus interdépendant.

Ce lien entre les marchés des céréales et ceux de la viande a été particulièrement étudié par le modèle de l'U.S.D.A. Il est d'ailleurs dénommé « Modèle GOL » à partir des initiales des mots grains (céréales), oilseeds (graines oléoprotéagineuses), livestock (élevage). Son rôle est d'envisager l'effet des différentes stratégies du com- merce mondial sur les prix et à partir de ces prix, sur les quantités produites dans différentes régions du globe.

Le modèle GOL envisage quatre scénarios principaux à partir desquels il établit ses prévisions :

Le scénario I (statu quo) prévoit la continuation des principales politiques nationales pour chaque grand groupe de pays. Les pra- tiques protectionnistes en vigueur et les barrières au commerce international sont maintenues, sans que l'autarcie complète soit réa- lisable. Une certaine perméabilité des échanges continue.

Le scénario II (libre-échange) est fondé sur des taux de croissance élevés dans le monde avec une progression forte de la demande d'im- portation dont l'expression est facilitée par une disparition des pra- tiques protectionnistes actuelles.

Le scénario III (protectionnisme) repose sur l'hypothèse d'un ralentissement généralisé de la croissance. Les importations sont en baisse sensible et les politiques protectionnistes fonctionnent par- tout avec une agressivité bien supérieure à celle postulée dans le scé- nario I.

Le scénario IV (révolution verte) teste surtout l'hypothèse d'une accélération brutale de la productivité dans les pays en voie de déve- loppement où la révolution verte serait définitivement réussie.

A partir des quatre scénarios du modèle GOL et des réflexions précédentes sur les autres études, nous pouvons affiner les conclu- sions très générales précédentes :

1° il est à peu près certain qu'il n'y aura pas de déficit global céréalier en 1985 et même après;

2° au rapport de prix actuel viande-grain, il y aura probablement

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un déficit de viande. Une hausse de 30 % de ce ratio dans les grands pays producteurs de viande semblerait assurer l'équilibre de l'offre et de la demande;

3° il est très improbable que les pays en voie de développement en général, et ceux de l'Asie en particulier (sauf l'Inde), atteignent une autosuffisance céréalière. S'ils ne peuvent pas générer assez d'exportations pour pouvoir payer leurs besoins en céréales, étant donné l'organisation actuelle des marchés, le problème de l'aide alimentaire se posera avec une acuité croissante dans les années à venir ;

4° si les taux de croissance du revenu des pays importateurs (développés ou non) ne sont pas assez élevés, ceux-ci seront tentés de s'isoler à l'intérieur de barrières douanières. Ce sera pour eux une façon de minimiser le déficit. Le coût social d'une telle décision sera très élevé pour les pays exportateurs qui n'auront alors que le choix entre le soutien des cours ou la baisse de la production ;

5° des accords globaux, portant à la fois sur le blé, les céréales secondaires et la viande sont indispensables. Pour en tracer les grandes lignes, il faudrait évaluer avec une certaine précision les besoins en viande, à long terme, des pays en voie de développement. A notre connaissance, ceci n'a pas été fait alors qu'il existe de nom- breux'rapports pour les pays développés.

II. — LES CONDITIONS D'UN ÉQUILIBRE ALIMENTAIRE MONDIAL

Les conclusions relativement optimistes des différents scénarios de l'étude américaine reposent sur un certain nombre d'hypothèses fondamentales qui sont autant de conditions à respecter pour atteindre les résultats énoncés.

Tout exercice de prévision sur l'équilibre de l'offre et de la demande de produits agricoles doit porter sur quatre facteurs essen- tiels : l'évolution de la population et de son revenu du côté de la demande, l'évolution des surfaces cultivées et des rendements par hectare du côté de l'offre. La plupart des études et des modèles con- sidèrent ces évolutions comme exogènes, c'est-à-dire déterminées en dehors du modèle, ce qui, en toute rigueur, est discutable. Comment, en effet, ne pas se rendre compte que le nombre d'habitants

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d'un pays dépend des conditions de son alimentation et que les surfaces réellement cultivées par les paysans dépendent des ren- dements qu'ils obtiennent et des prix relatifs du produit, ainsi que des moyens de production?

Ceci ne doit pas nous empêcher de poser la question essentielle : les prévisions relativement optimistes sur l'équilibre agro- alimentaire mondial sont-elles conditionnées par la réalisation des hypothèses concernant ces facteurs exogènes?

Le taux de croissance de la demande alimentaire est gouverné par le rythme auquel évolue la population.

Le taux de croissance annuel de la population mondiale a été révisé en baisse par les statisticiens de l'organisation des Nations unies et se stabiliserait au niveau de 1,94 % par an jusqu'à la fin du siècle. Notre planète compterait alors 5 milliards d'habitants en 1985 et un peu moins de 7 milliards en l'an 2000 alors que les éva- luations généralement admises il y a quelques années tablaient sur un taux de croissance égal ou même légèrement supérieur à 2 % par an. Ce chiffre moyen de 1,94 % recouvrirait en fait une grande dis- parité entre le taux de croissance de la population développée (y compris l'Europe de l'Est) qui tomberait de 1,1 % en 1970 à 0,8 % par an et celui de la population en voie de développement qui passe- rait de 2,5 % en 1970 à 2,7 %. Les pays développés compteraient ainsi 1,1 milliard d'habitants en 1977, 1,2 en 1985 et 1,4 en l'an 2000 tandis que la population en voie de développement passerait de 3 milliards en 1977 à 3,7 en 1985 et à 5,5 en 2000 (voir tableau 3).

L'expérience a montré dans les années récentes que tant que le taux de croissance annuel de la population des pays en voie de déve- loppement (P.V.D.) ne dépasse pas 2,9 %, la production agricole devrait pouvoir progresser plus rapidement que la population mal- gré les faibles moyens mis en œuvre dans ces pays. Les besoins ali- mentaires en énergie et en protéines seraient donc satisfaits en prin- cipe dans les P.V.D.

Il nous faut dès à présent dire quelques mots d'une question qui sera abordée bien plus en détail lors de la discussion des hypothèses économiques : celle de la distribution des revenus.

L'optimisme né d'un ralentissement relatif de la croissance démo- graphique n'exclut malheureusement pas un pessimisme profond pour une partie importante de la population. Comme l'a montré le

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rapport du directeur de la Banque mondiale à la conférence de Bel- grade en octobre 19799, environ 800 millions de personnes vivent dans un état de pauvreté absolue à travers le monde. Sur ce total, au moins 500 millions souffrent de carences alimentaires, surtout pro- téiniques. En 1979, près de 50 millions d'êtres humains, dont 17 mil- lions d'enfants, sont morts de faim dans des zones sinistrées par la guerre, les tremblements de terre, les inondations ou la sécheresse.

Peut-on dès lors parler décemment d'équilibre alimentaire mon- dial, de besoins satisfaits? Bien sûr que non. Les remarques qui ont été faites à ce sujet doivent être interprétées autrement. Elles démontrent que la baisse du taux de croissance de la population per- met, peut-être pour la première fois, d'équilibrer globalement l'offre et la demande. Encore restera-t-il à diriger la nourriture de là où elle est abondante vers ceux qui en ont le plus besoin. En 1980, il n'est pas contradictoire d'affirmer que l'Inde atteint l'autosuffisance céréalière alors qu'au même moment de nombreuses personnes y souffrent de malnutrition. Il est clair que seule une volonté délibérée des gouvernements pourra répartir ces céréales de telle sorte que cessent les carences alimentaires.

Il est malheureusement évident, comme nous allons le voir en examinant en détail ces hypothèses, que la réussite des politiques agricoles en P.V.D. n'est pas chose facile et que le maintien d'un taux de croissance de la production agricole proche de 4 % relève de la prouesse et suppose surtout une volonté peu commune de la part des gouvernements concernés.

La situation mondiale de l'an 2000 sera donc caractérisée par la cohabitation de deux constatations contradictoires. Il y aura globa- lement assez de nourriture pour le monde mais sa répartition géo- graphique et sociale sera difficile à améliorer. En particulier pour les P.V.D., une alimentation correcte dépend surtout de la distribution des revenus entre les diverses couches sociales.

L'espoir de voir l'offre augmenter régulièrement est-il aussi grand que celui suscité du côté de la demande par la baisse du taux de croissance démographique?

9. Discours prononcé devant le Conseil des gouverneurs par M. Robert S. Mac Namara, président de la Banque mondiale à Belgrade (Yougoslavie , 2 octobre 1979, Banque mondiale, bureau européen.

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Toutes les études examinées ici (sauf celle de l'U.S.D.A.) consi- dèrent trois hypothèses déterminantes pour la production comme parfaitement exogènes : les ressources en terre arable, la producti- vité et le climat. Il est facile de démontrer que seule la dernière, le climat, est, dans l'état actuel de nos techniques de contrôle météoro- logique, vraiment indépendante de l'environnement économique tel qu'il est caractérisé par le niveau des prix. C'est ici qu'il faut être clair et préciser les notions utilisées. Les ressources en terres arables sont une donnée physique. Compte tenu des possibilités techniques concernant l'irrigation et le contrôle des eaux, nous pouvons établir quelle superficie pourrait être disponible pour la culture si le besoin s'en faisait sentir. Toutefois, le calcul de la production que l'on pourrait en retirer n'est pas aussi simple et dépend de l'intensité avec laquelle on applique les inputs nécessaires. Cette intensité elle-

TABLEAU 3 LES DIFFÉRENTS SCÉNARIOS DU MODÈLE « GOL « EN TERMES DE TAUX

DE CROISSANCE ANNUEL DES PRINCIPAUX PARAMÈTRES {%) (ensemble du monde (b)

Source : U.S.D.A., op. cit., 5. (a) L'offre agricole est le produit de la surface par le rendement. Compte tenu de la faible valeur des

taux de croissance annuels de ces divers éléments, le taux de croissance de l'offre est approximativement la somme des taux de croissance des surfaces et des rendements.

(b) On trouvera en Annexes i et il les résultats des différents scénarios pour les pays développés et en développement.

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même va dépendre du coût unitaire des inputs et du prix unitaire de l'output. C'est en ce sens que la disponibilité en terres arables n'est qu'un indicateur très approximatif de l'offre potentielle.

Malgré cette mise en garde, un exercice reste utile : celui qui consiste à essayer de tracer des frontières technologiques. La ques- tion est alors : si le besoin s'en faisait sentir avec une grande acuité (c'est-à-dire si les prix de vente des productions devenaient très enlevés), pourrait-on trouver les ressources en inputs de base pour produire? Voici d'une façon très schématique les réponses des études sur la situation alimentaire en 1985.

Les surfaces disponibles de terres arables sont très importantes. La F.A.O. et l'université de Californie vont même jusqu'à estimer que seulement 46 % des terres arables disponibles sont actuellement utilisées dans le monde.

Pour certains pays cependant, la limite maximale est atteinte. C'est le cas, par exemple, de l'Inde, du Bangladesh ou de Java. Par ailleurs, et cela est vrai d'une manière générale de l'Europe et du Japon, toutes les terres disponibles ne le sont pas pour n'importe quel usage. C'est ainsi que, d'après l'O.C.D.E., les possibilités d'ex- tension des bonnes terres céréalières sont très limitées dans les pays développés.

Sur ce sujet, l'étude Californie indique que si toutes les terres dis- ponibles étaient cultivées avec les rendements moyens actuels, on pourrait nourrir sans problème 8 milliards d'hommes. L'hypothèse de « rendements moyens actuels » mérite plus d'attention. Car il est évident que si les rendements croissent assez vite, il ne sera même pas utile d'augmenter les surfaces cultivées pour nourrir 5 milliards d'hommes en 1985. Mais cette « augmentation de rendement » doit être définie avec précision 10.

L'input fixe, la surface cultivée en l'occurrence, sert à donner l'échelle (scale). Lorsqu'un chiffre est avancé pour « l'augmentation des rendements », c'est donc pour une surface donnée, c'est-à-dire celle qui est utilisée aujourd'hui. Le fait que la productivité margi- nale des terres supplémentaires soit, en général, inférieure à celle des surfaces déjà cultivées, n'empêche absolument pas une augmentation

10. Voir Annexe III pour une analyse plus détaillée de cette notion complexe du « rendement » en quintal par hectare d'une terre donnée.

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très substantielle des rendements. Toute amélioration de l'efficacité, c'est-à-dire des rendements, à un niveau donné d'un input fixe, doit être encore plus élevée lorsque l'input fixe augmente, tant que la pro- ductivité marginale de cet input fixe est positive.

Dans tous les pays qui ont encore de larges réserves de terres arables, la mesure des gains de rendements est donc par définition sous-estimée, car lorsqu'il y a des surfaces cultivables disponibles, les rendements moyens conservent un potentiel de croissance élevé.

Toutes les études concordent d'ailleurs pour dire que l'augmenta- tion globale des rendements ne devrait poser aucun problème, alors que celui des surfaces cultivées ne peut intervenir que dans un envi- ronnement de prix agricoles très élevés.

Si les conditions climatiques ne changent pas, le modèle « Californie » indique qu'une augmentation annuelle moyenne de 2 % des ressources en terre et de 2 % des rendements suffirait large- ment pour produire dans les P.V.D. la quantité de nourriture demandée. Ce n'est pas le cas actuellement comme le montre l'an- nexe II . les surfaces ne croissent que de 1 % par an et les rende- ments atteignent + 1,6 % par an. Les quatre scénarios de l'U.S.D.A. n'envisagent d'ailleurs pas pour les P.V.D. que l'augmentation de la surface cultivée puisse de beaucoup dépasser le taux actuel de 1 % par an. L'O.C.D.E. fait même l'hypothèse que l'augmentation des surfaces cultivées ne sera pas nécessaire tant les gains de producti- vité sont potentiellement plus importants et plus faciles à mettre en œuvre que la mise en culture de terres nouvelles : celle-ci n'inter- viendrait d 'ailleurs, selon l'étude de l'U.S.D.A., à un taux de 2 % par an dans les pays exportateurs, que dans les scénarios de libre- échange (II) ou à une moindre intensité (+ 1,7 96/an) et dans les P.V.D. exportateurs seulement, dans le scénario de révolution verte (IV).

Par conséquent la croissance de l'offre viendra surtout des trans- ferts de technologie aux pays en voie de développement. Une amé- lioration sensible dans les techniques de sélection des semences et de conservation après la récolte permettrait déjà, et très rapidement, un bond en avant 11.

11. En Inde, on estime que plus de 30 % des stocks annuels sont détruits par de mauvaises conditions d'entrepôt.

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Et pourtant, le décollage des pays les plus pauvres en matière agricole tend à se faire attendre. L'évolution récente montre que ces pays ont un grand retard et surtout qu'ils ont beaucoup de mal à le combler. C'est ce qui ressort du tableau 4, extrait de l'étude de l 'O.C.D.E

TABLE AL' 4 VARIATION EN DIX ANS (1961-1963/1971-1973) EN %

ET NIVEAU EN QUINTAL/HA (1971-1973 moyenne) DES RENDEMENTS (a)

(a) Les chiffres moyens s'appliquent à l'ensemble des pays de chacune des trOIs zones. Ceux cités individuellement ne le sont qu'à titre d'exemples.

Source : O.C.D.T.., op. cit., 4.

Ces hypothèses de croissance des rendements potentiellement élevée dans les P.V.D. sont très agrégées et sans qu'il y ait contra- diction au niveau global, l'examen de quelques cas particuliers en mesure la fragilité. Si certains pays en voie de développe- ment ont un niveau de rendement qui s'améliore (Inde, Pakistan, Indonésie), d'autres au contraire stagnent. C'est le cas dramatique

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TABLE DES MATIÈRES

ABRÉVIATIONS UTILISÉES 7

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE

L'ÉQUILIBRE AGRO-ALIMENTAIRE

MONDIAL

CHAPITRE PREMIER. — É q u i l i b r e g l o b a l e t dé séqu i l i b r e s p a r t i e l s à l ' h o r i z o n 2 0 0 0 15

CHAPITRE II. — L e d i l e m m e agr i co le de la F r a n c e e t de l ' E u r o p e 53

CHAPITRE m . — L e rôle d o m i n a n t des É t a t s - U n i s d a n s l ' é c o n o m i e

ag r i co le m o n d i a l e 71

DEUXIÈME PARTIE

LA POLITIQUE ET LA STRATÉGIE AGRICOLE DES ÉTATS-UNIS

CHAPITRE IV. — Les object i fs e t les i n s t r u m e n t s de la p o l i t i q u e agr i - cole 115

CHAPITRE V. — L e complexe a g r o - i n d u s t r i e l 165

CHAPITRE VI. — L e m o d è l e a m é r i c a i n 191

CONCLUSION — L ' e n j e u e t les p e r s p e c t i v e s . . . . . . . . . . . . . . . . 251

ANNEXES 263

TABLE DES TABLEAUX ET DES GRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295

INDEX DES NOMS PROPRES ET COMMUNS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291