31
Sous la direction de YONA JÉBRAK et BARBARA JULIEN Collection Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM LeS tempS de L’eSpace pubLic urbain : construction, transformation et utilisation Extrait de la publication

Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Sous la direction de

Yona Jébrak et barbara Julien

LeS

tem

pS d

e L’

eSpa

ce p

ubLi

c ur

bain

: co

nstr

uctio

n, t

rans

form

atio

n et

util

isat

ion

Collection Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM

Fondée sur une claire distinction entre espace privé et espace public, la ville ancienne s’est imposée aux temps modernes avec son bâti homogène, ses places et les jardins de ses souverains, désormais accessibles au public. Malmené par l’industrialisation, mis au ban par les adeptes des nouvelles fonctionnalités urbaines, l’urbanisme classique a fait long feu aux 19e et 20e siècles.

Mais tant les préoccupations hygiénistes que les utopies sociales ont jalousement couvé le souvenir d’espaces urbains généreux, celui aussi des grandes plages vertes léguées par l’histoire. En effet, s’il est apparu évident qu’il fallait réinventer l’habiter pour loger plus et mieux, ce qui a souvent donné lieu à une tabula rasa, la relation entre les creux et les pleins de la ville n’a cessé d’interpeller les créateurs et acteurs de la polis. À tous ceux-là, les développements de la science aidant, l’espace public s’est plutôt posé comme « lieu de » représentation et d’appropriation que comme figure urbaine canoniquement figée.

Depuis lors, l’espace public urbain est devenu une notion équivoque, englobant de nombreuses réalités, convoquant autant d’images que d’imaginaires. Aujourd’hui, un fait s’impose : la ville du xxie siècle se définira par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants révélateurs identitaires.

Par-delà les approches disciplinaires, cet ouvrage propose de (re)penser les rapports entre le bâti et la société. Les auteurs des textes montrent en effet à quel point la réflexion sur les espaces publics urbains est plus que jamais d’actualité ; ils soulignent la place que ces lieux d’ancrage occupent dans les constructions identitaires, révèlent les discours interprétatifs auxquels ils donnent lieu en explorant, notamment, le lien qui, en ces lieux, unit créativité et quotidienneté. Du Québec au Viêt-nam en passant par la France et l’Angleterre, chaque auteur livre un regard neuf sur la ville et ses espaces.

ISBN 978-2-89544-115-1

3

Collection dirigée par luC noppenLeS tempS de L’eSpace

pubLic urbain : construction,

transformation et utilisation

Couv.indd 1 23/01/08 11:13:33

Extrait de la publication

Page 2: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Collection dirigée par Luc Noppen

Dans le monde entier, le patrimoine, les constructions et les représentations patri­moniales occupent aujourd’hui une place de choix dans la recherche universitaire. Les Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM font écho, depuis Montréal, aux questionnements et aux explorations que ce vaste domaine soulève, dans le but de mieux comprendre les mécanismes qui engendrent les ancrages identitaires et qui pavent la voie aux constructions mémorielles.

Études et analyses sur les objets, les traces, les usages, les savoir­faire, mais aussi sur les représentations et sur les mémoires concourent ici à une définition élargie de la notion de patrimoine qui échappe aux cloisonnements disciplinaires ; le patrimoine apparaît ici comme outil sociétal de projection dans l’avenir plutôt que comme l’encensoir d’un passé glorifié.

L’Institut du patrimoine de l’UQAM offre cette collection aux recherches de la relève, autant celle qui évolue dans ses murs que celles qui, ailleurs dans le monde, se consacrent à cette réinvention du patrimoine. Au fil des projets et des propositions, les titres des Cahiers baliseront les travaux en cours et un réseau d’échanges et de collaborations, anciennes ou nouvelles.

Collection Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM

Temps de l’espace public.indd 2 23/01/08 10:41:52

Page 3: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Les temps de L’espace pubLic urbain :

ConstruCtion, transformation

et utilisation

Temps de l’espace public.indd 3 23/01/08 10:41:52

Page 4: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Page couverture : Photo de Jacques Lachapelle

Révision des textes : Micheline Giroux-Aubin

Cette édition des Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’Université du Québec à Montréal a bénéficié de l’apport financier du Programme des Chaires de recherche du Canada (CRSH), grâce à la contribution de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain (ESG-UQAM) et, d’autre part, du Programme de soutien aux équipes de recherche du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC), dans le cadre du programme de recherche « Les paysages de la métropolisation (2004-2008) » (Lucie K. Morisset, dir.).

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

Les temps de l’espace public urbain : construction, transformation et utilisation

(Collection Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQÀM ; 3)

Textes présentés lors d’un colloque tenu en mai 2006 à l’Université McGill dans le cadre du 74e Congrès de l’ACFAS.

Comprend des réf. bibliogr.

Publ. en collab. avec: Institut du patrimoine, Université du Québec à Montréal.

ISBN 978­2­89544­115­1

1. Espaces publics – Congrès. 2. Urbanisme – Congrès. 3. Rénovation urbaine – Congrès. 4. Paysage urbain – Congrès. I. Jébrak, Yona. II. Julien, Barbara. III. Université du Québec à Montréal. Institut du patrimoine. IV. Congrès de l’ACFAS (74e : 2006 : McGill University). V. Collection.

NA9053.S6T45 2008 711’.55 C2008­940128­X

Temps de l’espace public.indd 4 23/01/08 10:41:52

Extrait de la publication

Page 5: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Sous la direction de

Yona Jébrak et Barbara Julien

Les temps de L’espace pubLic urbain :

ConstruCtion, transformation

et utilisation

Temps de l’espace public.indd 5 23/01/08 10:41:52

Extrait de la publication

Page 6: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Distribution en librairie au CanaDa

PRoLoGUE InC. 1650, boul. Lionel-Bertrand Boisbriand (Québec) J7H 1n7 CAnADA

Téléphone : 450 434-0306 Tél. sans frais : 1 800 363-2864 Télécopie : 450 434-2627 Téléc. sans frais : 1 800 361-8088 [email protected] http://www.prologue.ca

Distribution en FranCe

LIBRAIRIE DU QUéBEC 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris FRAnCE

Téléphone : 01 43 54 49 02 Télécopie : 01 43 54 39 15 [email protected] http://www.librairieduquebec.fr

Distribution en belgique

LA SDL CARAvELLE S.A. Rue du Pré aux oies, 303 Bruxelles BELGIQUE

Téléphone : 0032 2 240 93 00 Télécopie : 0032 2 216 35 98 [email protected] www.SDLCaravelle.com

Distribution en suisse

SERvIDIS SA chemin des chalets 7 CH-1279 Chavanne-de-Bogis SUISSE

Téléphone : (021) 803 26 26 Télécopie : (021) 803 26 29 [email protected] http://www.servidis.ch

© éditions MultiMondes, 2008 ISBn 2-89544-115-1 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2008 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 2008

ÉDitions MultiMonDes930, rue Pouliot Québec (Québec) G1v 3n9 CAnADA

Téléphone : 418 651-3885 Téléphone sans frais depuis l’Amérique du nord : 1 800 840-3029 Télécopie : 418 651-6822 Télécopie sans frais depuis l’Amérique du nord : 1 888 303-5931 [email protected] http://www.multim.com

Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition. Elles remercient le Conseil des Arts du Canada pour l’aide accordée à leur programme de publication. Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son aide à l’édition et à la promotion.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – gestion SODEC.

IMPRIMé AU CAnADA/PRInTED In CAnADA

Imprimé avec des encres végétales sur du papier dépourvu d’acide et de chlore et contenant 50 % de matières recyclées dont 15 % de matières post-consommation.

50 %

Temps de l’espace public.indd 6 23/01/08 10:41:54

Extrait de la publication

Page 7: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

vii

Préface – De « l’espace public » aux « espaces publics ». Considérations étymologiques et généalogiques ....................................................................................ix

Thierry Paquot

introduction – l’espace public urbain : une introduction ........................................................................1

Yona Jébrak et Barbara Julien

Partie I : Le temps de la constructionDéclin et survie des espaces publics canadiens au 20e siècle .................................................................. 11

Ron F. Williams

entre la rue et le jardin : l’espace public dans la cité-jardin ...................................................................27

Barbara Julien

Pragmatisme et symbolisme des espaces publics reconstruits à Coventry .............................................45

Yona Jébrak

Partie II : Le temps de la transformationla « place paysage » : le dernier temps d’aménagement de la place publique à Montréal ....................... 75

Jonathan Cha

le rôle de la rue comme générateur de l’urbain à Ha-nôi, Viêt-nam .....................................................99

Vinh Dao

Table des matières

Temps de l’espace public.indd 7 23/01/08 10:41:55

Page 8: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

viii

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

Partie III : Le temps de l’utilisationÀ propos du patrimoine urbain des communautés culturelles : nouveaux regards sur l’espace public .................................................................................................. 123

Annick Germain, Mabel Contin, Laurence Liégeois et Martha Radice

la place publique comme constellation interstitielle : parcours historique et expérimentations ........ 145

Luc Lévesque

l’art et l’expérience de l’espace public ................................................................................................ 171

Nicole Valois

Temps de l’espace public.indd 8 23/01/08 10:41:55

Extrait de la publication

Page 9: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Préface De « l’espace public » aux « espaces publics ». considérations étymologiques et généalogiquesThierry Paquot

« Espace public » ; voilà une expression française à manier avec infiniment de précaution. Son pluriel ne correspond aucunement à son singulier, du moins dans le langage ordinaire, le sens commun. En effet, l’« espace public » relève de la philosophie politique et les « espaces publics » de l’urbanisme ; il paraît bien opportun d’en relater la genèse, d’établir les liens historiques qui se nouent entre ces deux dénominations et de lever quelques équivoques quant à leurs divers usages dans des champs théoriques et des pratiques professionnelles totalement distincts.

L’espace public 1

C’est en 1961 que Jürgen Habermas (né en 1929) soutient sa thèse en sciences politiques sur l’opinion publique (Strukturwandel der Öffenlichkeit) à l’université de Marbourg ; elle sera publiée en 1962. Préalablement, en 1954, il avait présenté sa thèse de philosophie à l’université de Bonn sur Schelling (Das Absolute und die Geschichte) et poursuivit une carrière, de plus en plus internationale, d’universitaire apparenté à l’école de Francfort (Adorno, Horkheimer, Marcuse…). Traduit en plusieurs langues et régulièrement réédité en Allemagne, cet ouvrage ne paraît en français qu’en 1978, sous le titre L’espace public.

Temps de l’espace public.indd 9 23/01/08 10:41:55

Extrait de la publication

Page 10: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

x

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise1. L’auteur explique que les expressions « la sphère publique », « le public » ou encore « l’opinion publique », font l’objet d’« une pluralité de significations concurrentes ». C’est pour cela qu’il propose d’emblée de qualifier « de ’publiques’ certaines manifestations lorsque, au contraire de cercles fermés, elles sont accessibles à tous ».

Son ouvrage raconte justement l’histoire de l’émergence de cet « espace public » dans les sociétés occidentales à l’époque moderne, qui n’est autre que l’histoire de la constitution et de l’affirmation de l’opinion publique, d’une opinion publique différenciée de la sphère privée. Habermas focalise sur la bourgeoisie qui se forme progressivement à partir des 16e et 17e siècles, au rythme des avancées d’un nouveau système économique, le capitalisme, qui s’impose dans la ville, ne pouvant pas encore prétendre pénétrer la Cour. En effet, l’individualisme produit et est produit par le capitalisme et aussi par l’exigence démocratique qui s’affirme chaque jour davantage, en Europe, en opposition au despotisme plus ou moins éclairé du monarque. Chacun de ces processus avance à son pas et celui-ci varie d’un état à l’autre, d’une société à l’autre, selon les traditions politiques des uns et le pouvoir religieux des autres. Si le capitalisme profite de l’éthique du protestantisme, pour reprendre les propos de Max Weber, la demande sociale de démocratie repose sur une certaine laïcité, un certain détachement de la cléricature. nous constatons que les mots « privé », « public », « publicité », « opinion » sont à peu près contemporains et cela, dans les principales langues européennes (Dictionnaire historique de la langue française2). Le 17e siècle semble être décisif dans la réalisation d’une opposition précise entre « sphère privée » et « sphère publique ». C’est aussi l’époque où la presse se développe (Théophraste Renaudot crée La gazette de France en 1631) et où l’échange épistolaire se multiplie (Guez de Balzac, Madame de Sévigné…), avec son corollaire, la poste.

Quel est le sens de « privé » et de « public » ? « Privé » vient du latin privatus (« parti-cu lier, propre, individuel ») et évoque le domaine de l’intimité, du familier. C’est vrai-semblablement au cours du 17e siècle que ce mot s’applique à ce qui n’est pas « officiel »

1. Habermas, Jürgen, [1978] 1993, L’Espace public, avec une préface inédite de l’auteur, traduit de l’allemand par Marc B. de Launay, Paris, Payot, 327 p. D’autres ouvrages du même auteur traitent de la communication : Morale et Communication. Conscience morale et activité communicationnelle, [1983] 1986, traduction et introduction de Christian Bouchindhomme, Paris, Cerf, 212 p. ; De l’éthique de la discussion, [1991] 1992, traduit de l’allemand par Mark Hunyadi, Paris, Cerf, 202 p. ; et Droit et démocratie. Entre faits et normes, [1992] 1997, traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz et Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 551 p., en particulier le chapitre VIII, « Le rôle de la société civile et de l’espace public politique », p. 355-414. Lire aussi, 1987, « Habermas, l’activité communicationnelle », Les Cahiers de Philosophie, no 3, hiver 1986-1987 et Jean-Marc Ferry, 1987, Habermas, une éthique de la communication, Paris, Presses universitaires de France, 587 p.

2. Rey, Alain (dir.), 1992, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert.

Temps de l’espace public.indd 10 23/01/08 10:41:55

Page 11: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xi

ou « public ». « Public » a une origine étymologique intéressante ; en effet, publicus en latin à la fois dérive de pubes (« pubis ») et englobe la population masculine en âge de délibérer, et de poplicus, adjectif qui renvoie à populus, le « peuple ». Ainsi le « public » caractériserait tout ce qui est commun à la collectivité, comme dans « place publique », expression française du début du 16e siècle. on trouve également dans « république » (en latin Res publica, littéralement : « chose » et « publique ») cette idée de ce qui appartient au domaine de l’état, ou encore à celui de la collectivité. Le terme de « publicité » s’apparente à la même filiation et acquiert, justement, au 17e siècle le sens d’« action de porter à la connaissance du public ». Quant au mot « opinion », en latin opinio, traduction du grec doxa qui veut dire « rumeur », il correspond à l’« ensemble des opinions communes aux membres d’une société ».

Avec le libéralisme, la « sphère publique » veille à ne pas empiéter sur la « sphère privée » et inversement. L’état libéral se veut le garant de la liberté de l’individu et de la propriété privée. La propriété est alors la condition de la liberté, comme l’exposera la Déclaration des droits de l’Homme. Le citoyen est ainsi celui qui possède un bien et, le possédant, peut envisager de participer à la gouvernance du bien commun. L’économie politique va se construire, avec et à partir d’Adam Smith (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776), sur le calcul individuel de la meilleure rationalité. L’homo œconomicus est fils du capitalisme marchand et du libéralisme politique. L’opinion publique correspond à la somme des positions individuelles de la même manière que la richesse d’une nation résulte de l’addition des enrichissements personnels et égoïstes (lire à ce propos la célèbre Fable des abeilles de Mandeville). Le débat d’idées, la contradiction, la discussion font partie de l’idéal démocratique et de la contestation de la monarchie. La presse, d’une part, et la publication de pamphlets ou de libelles, d’autre part, alimentent « l’espace public », c’est-à-dire la polémique. Celle-ci ne peut se cacher ; elle doit, afin de satisfaire son ambition, se déployer au grand jour, se faire connaître avec une certaine publicité. Elle sort des salons, elle s’émancipe du caractère privé des correspondances des Confessions ou des Journaux intimes pour affronter les publics. La société hiérarchique de l’époque rêve d’égalité… Seul l’échange de paroles peut abolir, pour un temps, les inégalités de statuts et les privilèges de la naissance. Ces paroles sont l’expression même de la démocratie active. Les idées parlées se révèlent bien difficiles à embastiller. Elles circulent partout et contaminent tous les esprits. La démocratie se nourrit de ces paroles. Encore faut-il organiser les flux, à défaut de les endiguer. De nombreux règlements vont, au cours des 17e et 18e siècles, tenter de les canaliser, de les surveiller, d’en désamorcer la teneur. La place publique, entendue comme une portion de ville entre plusieurs rues qui se croisent, n’aspire pas à devenir un espace public. Celui-ci n’est pas le lieu de la

Préface

Temps de l’espace public.indd 11 23/01/08 10:41:55

Page 12: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xii

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

foule ou des manifestations, mais d’abord et avant tout la publicité de l’opinion, quelle qu’elle soit. L’expression de cette opinion passe par une formulation du message (écrite, orale, codée, dessinée, etc.) et par sa diffusion. C’est cette extériorisation qui lui confère la qualité de « publique ».

Sortir du privé, se faire connaître au-delà de sa demeure, participer à la sphère publique, voilà le propre de l’opinion. nombreux sont les spécialistes en sciences humaines et sociales, comme l’historien Marcel Roncayolo, qui regrettent la traduction littérale de « sphère publique » en « espace public ». Celui-ci s’interroge : « Sur la notion d’espace public, je ne sais pas finalement si Habermas nous a rendu service, car je crains que le passage permanent d’un usage abstrait des mots par métaphore, très souvent d’ailleurs d’espace géographique à l’abstraction d’un espace public, nous pose plus de problème qu’il n’en résout3 ».

L’espace public 2

Dans l’imaginaire occidental, la place publique et l’opinion publique se confondent ou se superposent dans le terme grec d’agora. Ce dernier mot vient du verbe ageirein, qui veut dire « rassembler ». Ainsi l’agora désigne à la fois un rassemblement et l’endroit où il se tient. Mais cette agora, à Athènes par exemple, n’a pas d’autres limites physiques, matérielles, que celles données par la foule rassemblée. Autant dire que cette forme est changeante et dépend du nombre des participants et de la configuration de leur groupement. L’agora d’Athènes est un marché et parfois, lorsque nécessaire, l’emplacement où se regroupent les citoyens afin de discuter des affaires de la Cité. Une petite borne, à peine visible, marque le lieu et porte une simple inscription le désignant comme agora. Comme le précise Pierre vidal-naquet, « le premier exemple que l’on ait d’une agora civique […] est celle de Megara Hybléa, en Sicile. […] dès le viiie siècle, on avait réservé un espace, une sorte de grand carré, que l’on ne bâtit pas tout de suite, comme zone publique par opposition aux terrains privés4 ». Ceux qui jouissaient du statut de citoyen délibéraient et prenaient un certain nombre de décisions qui engageaient toute la population. Imagine-t-on dans des démocraties largement plus peuplées de réunir tous les citoyens sur une même place ? Les élections permettent à chacun de se faire représenter par la personne qui est élue.

3. Marcel Roncayolo en réaction à l’exposé d’Isaac Joseph, 2002, dans Espaces publics et cultures urbaines. Actes du séminaire du CIFP de Paris 2000-2001-2002, sous la dir. de Michèle Jolé, Lyon, Certu, p. 43. Vincent Berdoulay, Paulo da Costa Gomez et Jacques Lolive (2004) font la même réserve dans leur introduction à l’ouvrage qu’ils coordonnent, L’espace public à l’épreuve. Régressions et émergences, Pessac (France), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, p. 10.

4. Vidal-Naquet, Pierre, 1998, « L’invité, entretien avec Thierry Paquot », Urbanisme, no 299.

Temps de l’espace public.indd 12 23/01/08 10:41:56

Page 13: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xiii

Cette démocratie parlementaire, par délégation et représentation, n’est pas incompatible avec certaines formes de démocratie directe, grâce aux technologies informationnelles et télécommunicationnelles. Encore doit-on en préciser les règles et en décrire les procédures. L’« agir communicationnel » que conceptualise Jürgen Habermas vise à construire une relation entre sujets qui repose sur un langage partagé. C’est du reste sur le sens de ce « langage » que la démonstration du philosophe allemand reste fragile. De quel « langage » s’agit-il ? Peut-il être traduit ? Exige-t-il le « face-à-face » entre les locuteurs ? Accepte-t-il la médiation de certains procédés techniques ? Peut-il s’accommoder du « avec » sans le « parmi » ou inversement ?

La démocratie participative que décrit le politologue canadien C.B. Macpherson5 ignore ces procédés interactifs, mais s’élabore à partir d’un capitalisme conciliable avec la reconnaissance de l’« intérêt général » qui vise à réduire les inégalités sociales – et économiques – afin de promouvoir un plus grand engagement de chacun pour le devenir de la Cité. La participation à la vie politique résulte souvent d’un certain « bien-être » général. La précarité sied peu à un activisme politique, qui, éventuellement, entraîne davantage un militantisme correctif…

La plupart des philosophes du politique (de Montesquieu à Etienne Balibar, de Rousseau à Max Weber, de Marx à Julien Freund, de Bodin à Blandine Kriegel, de Tocqueville à Rosanvallon, de Machiavel à Gauchet, pour ne citer que quelques noms parmi bien d’autres) arc-boutent leurs positions sur une construction bien particulière de l’économique et du juridique. Les uns privilégient le contrat et le droit, les autres le conflit et la responsabilité, mais tous s’accordent à ne pas isoler, artificiellement, le politique de l’économique et du juridique. Penser la démocratie participative à l’heure des nouvelles technologies induit l’analyse spécifique de l’économie de ce secteur « industriel » – secteur peu matérialisé et de plus en plus mondialisé… – et de ses répercussions sur le droit, national et international. L’espace public dans ce cas de figure apparaît déterritorialisé et devient « flottant », « suspendu », « hors-sol ». C’est un espace a-spatialisé, mais ancré

5. Macpherson, C.B., 1985, Principes et limites de la démocratie libérale, avant-propos de Thierry Paquot, traduit de l’anglais par André D’Allemagne, Montréal, La Découverte Boréal, 155 p.

Place Georges Pompidou, Paris, France.France St­Jean, octobre 2007

Préface

Temps de l’espace public.indd 13 23/01/08 10:41:56

Page 14: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xiv

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

dans le temps. C’est le temps qui garantit la qualité « publique » de cet « espace » de la démocratie virtuelle. Comme les technologies nouvelles idolâtrent la vitesse, la rapidité des interconnexions, l’instantanéité des décisions, le « temps réel », il semble obligatoire et urgent de définir les règles du jeu de cette cyberconcertation et d’attribuer aux contradictions, à la controverse, au questionnement, de l’hésitation, de l’erreur éventuellement et, surtout, du temps disponible, libre, tout en sachant, par ailleurs, qu’une telle cyberdémocratie accompagnera des pratiques plus traditionnelles du débat politique, in situ. L’une ne va pas se substituer à l’autre, mais les deux vont certainement cohabiter. L’« agir communicationnel » à inventer va considérer ces diverses manifestations du politique et modeler les espaces les plus favorables à leur déploiement.

Est-ce donc la fin de l’« espace public » ? Entendu comme une opposition physique et géographique entre le « privé » et le « public », la réponse est « oui ». J’ouvre ma « sphère privée » au public en dialoguant au moyen de mon ordinateur et je privatise la place publique en m’y promenant pour moi tout seul, dans l’anonymat le plus délicieux et intime qui soit. Ce n’est pas la fin du politique, mais l’épuisement d’une certaine mise en scène de son existence. Le « dehors » et le « dedans », de même que « le proche » et le « distant », ne recouvrent plus du tout les mêmes réalités, ni territorialement, ni imaginairement. Ces notions sont libérées du sens ancien – pas entièrement à dire vrai, car il existe toujours un décalage entre une situation et sa perception – et se vêtent d’un nouvel habillage à ajuster, à faire.

L’espace public 3

À côté de cette approche philosophique de la notion d’espace public, on constate, dès le début des années 1980, un usage urbanistique. De plus en plus de professionnels (architectes, urbanistes, personnes élues, fonctionnaires territoriaux ou municipaux, sociologues…) utilisent cette expression comme synonyme de réseau viaire, de voirie. En feuilletant quelques dictionnaires on s’aperçoit qu’elle n’apparaît pas dans les 323 citations sur l’urbanisme que Robert Auzelle, Jean Gohier et Pierre vetter réunissent en 19646. L’article « Espace public » rédigé par Pierre Merlin et Patrice noisette, dans le Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, commence ainsi : « D’usage assez récent en urbanisme, la notion d’espace public n’y fait cependant pas toujours l’objet d’une définition rigoureuse. on peut considérer l’espace public comme la partie du domaine public non bâti, affectée à des usages publics. L’espace public est donc formé par une propriété et par une affectation

6. Auzelle, Robert, Jean Gohier et Pierre Vetter, 1964, 323 citations sur l’urbanisme, Paris, Éditions Vincent Fréal et Cie, 864 p.

Temps de l’espace public.indd 14 23/01/08 10:41:56

Extrait de la publication

Page 15: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xv

Préface

d’usage7 ». Les auteurs insistent sur le caractère juridique « public » et ne considèrent pas que des endroits privés peuvent avoir un usage collectif qui ainsi pourrait être qualifié de « public ». Plus loin, ils complètent leur définition en listant divers « espaces publics » : « En tant que composé d’espaces ouverts, ou extérieurs, l’espace public s’oppose, au sein du domaine public, aux édifices publics. Mais il comporte aussi bien des espaces minéraux (rues, places, boulevards, passages couverts) que des espaces verts (parcs, jardins publics, squares, cimetières…) ou des espaces plantés (mails, cours…). » Ils retracent à grands traits l’histoire récente de l’urbanisme (en gros du baron Haussmann à Jane Jacobs, en passant par Camillo Sitte et Ebenezer Howard ou Raymond Unwin) afin de repérer la « chose » sans le « mot ». Et de conclure prudemment :

Quels que soient les solutions adoptées et les efforts tentés pour rétablir une polyfonctionnalité des espaces publics, il n’en demeure pas moins que la notion même d’espace public – en admettant qu’elle ait encore un sens – demande, avec la notion corrélative de pratique sociale collective, à être repensée dans le contexte historique actuel des sociétés occidentales et appelle, de la part des urbanistes, une grande circonspection.

Dans le volume consacré aux « notions philosophiques » de l’Encyclopédie philosophie universelle8, Louis Quéré présente, certes succinctement, l’entrée « Espace (public) », mais en s’attachant à l’essentiel. Il rappelle la distinction entre « privé » et « public » chez les Grecs, puis insiste sur l’individu qui s’affirme au siècle des Lumières, fait référence bien évidemment à Habermas et définit l’espace public comme « la sphère intermédiaire qui s’est constituée entre la société civile et l’état, à savoir le lieu où le public s’assemble pour formuler une opinion publique ». Il ne dit rien à propos de l’urbanisme. Une fois encore, l’expression est associée à l’ouvrage au titre éponyme.

La définition du « dictionnaire critique » dirigé par Roger Brunet, Les mots de la géographie9, est particulièrement lapidaire : « étendue ouverte au public et entretenue ou équipée à cette fin : place, espace vert, jardin, square, promenade, parc. » volontiers impertinents et parfois lyriques, là, les auteurs restent secs. Ce n’est pas le cas du Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés10, conçu et coordonné par Jacques Lévy et Michel Lussault, qui marque d’emblée la difficulté à s’entendre sur cette expression,

7. Merlin, Pierre et Patrice Noisette, 1988, « Espace public », Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, Presses universitaires de France, p. 320-322.

8. Jacob, André, 1998, Encyclopédie philosophique universelle : l’univers philosophique, 2000, tome 1, Presses universitaires de France, p. 845.

9. Brunet, Roger, 1992, Les mots de la géographie, Paris, Reclus/La Documentation française, p. 81. 10. Lévy, Jacques et Michel Lussault (coord.), 2003, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris,

Belin, p. 333, 336 et 339.

Temps de l’espace public.indd 15 23/01/08 10:41:57

Page 16: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xvi

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

puisqu’il propose trois textes explicatifs écrits par les éditeurs du volume. Michel Lussault, avec finesse, expose comment un stéréotype est né à la croisée de la géographie et d’une certaine interprétation de l’ouvrage d’Habermas, faisant de l’espace public « un espace vertueux de la citoyenneté, porteur intrinsèquement des vertus de l’échange interpersonnel ». Montrant que le statut juridique ne suffit pas pour le circonscrire, il émet l’idée de parler d’« espace commun », entendu comme « un agencement qui permet la coprésence des acteurs sociaux, sortis de leur cadre domestique ». Il démontre que

c’est la normativité institutionnelle de l’espace public qui détermine l’espace privé, puis il oppose l’intime à l’extime et enfin souligne la dépendance de l’individuel au social, du moins à sa norme intériorisée. Ainsi en arrive-t-il à privilégier l’« espace commun », qui enveloppe l’« espace public », devenu « une des modalités d’organisation possible de l’interaction spatiale ». Jacques Lévy se place sur un autre plan et fait de l’accessibilité la qualité première d’un espace public et de l’extimité la garantie de se frotter à autrui sans brader son intimité ni l’exposer au regard des publics. L’anonymat, par exemple, renforce l’extimité. Jacques Lévy note avec sagesse que « Le caractère ‘public’ de l’espace, vient de ce que, peu ou prou, du politique y circule, le plus souvent sous forme de civilité, c’est-à-dire sous la figure de la retenue silencieuse et de l’évitement circonspect plutôt que de la ‘publicité’ citoyenne. » Ces précisions effectuées, l’auteur peut affirmer que « l’existence et le fonctionnement effectif d’espaces publics constituent un enjeu urbanistique et, au-delà, un point nodal des modèles d’urbanité ». Là, nous retrouvons l’échelle des urbanités chère à Jacques Lévy et surtout son opposition entre le « modèle d’Amsterdam », qui ne cesse d’améliorer ses espaces publics, de les requalifier, et le « modèle de Johannesburg », dépourvu d’espaces publics dignes de ce nom. Michel Lussault revient sur le titre du livre d’Habermas et l’équivoque que sa traduction française a générée. « Compte tenu de ses ambiguïtés, écrit-il, il serait sans doute judicieux de systématiser l’emploi de sphère publique pour désigner la scène délibérative et le domaine de l’opinion publique et de réserver celui d’espace public pour analyser les caractéristiques spatiales d’objets spécifiques (places, rues, jardins, etc.) ».

Place de la Gare, Rennes, France.

France St­Jean, octobre 2007

Temps de l’espace public.indd 16 23/01/08 10:41:57

Page 17: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xvii

Quant au Dictionnaire la ville et l’urbain, sa longue notule se veut généraliste et tente de tenir à la fois la philosophie, la sociologie et l’urbanisme. Comme j’en suis l’auteur, je me permets d’en reproduire les questions que je posais au lecteur :

En ce qui concerne l’urbanisme, la notion d’‘espace public’ qui se substitue à ‘place publique’, ‘lieu public’, est récente (1960) et peu précise. Elle superpose à un statut juridique de propriété un usage particulier, ainsi à l’espace public correspondrait un usage public, mais comment délimiter ce qui relève du ‘commun’, du ‘collectif ’, et pas seulement du ‘public’ ? Et que dire des usages privés de certains morceaux de territoires publics et d’usages collectifs de certains domaines privés11 ?

J’ajouterais à présent une suggestion : celle d’appeler « lieux publics » ce que les urbanistes nomment « espaces publics » et de ne conserver « espace public » que pour la formulation, la diffusion, la réception, la discussion des opinions privées. Sachant que le salon, le café, le journal, la Chambre des députés, la place publique, etc., ne sont plus ce qu’ils étaient au 18e siècle et qu’il paraît raisonnable de comprendre ce qui dorénavant « fabrique » l’opinion publique. Le sociologue belge Jean Rémy parle de « nouveaux lieux urbains12 ». « notre hypothèse, confie-t-il, est que la rue et la place sont des formes d’architecture urbaine fondamentales pour créer des lieux d’urbanité, mais qu’elles ne sont plus l’élément de base assurant la connexion de ces lieux entre eux. » La rue qui facilite la rencontre permet aussi de la refuser et ce dispositif de « sociabilité possible » et « non imposée » appartient à la ville et pas à l’urbain diffus, où pourtant réside une grande partie de la population urbaine.

L’espace public 4

La ville est pleine de rues, de places, de parvis, de vides, de squares, de jardins, d’entre-deux, de terrains vacants plus ou moins en friche, plus ou moins en attente d’une destination particulière, et pas toujours « fonctionnelle »… Ces territoires, aux différents statuts juridiques (« privé », « public », « commun », « collectif »…), héritent d’histoires entremêlées des souvenirs de certains habitants à la mémoire plus ou moins vaillante et accueillent divers usages. Longtemps ils ont été considérés comme des « communaux » accessibles à tous ou de la voirie entretenue par la municipalité. Le couple « privé/public »

11. Pumain, Denise, Thierry Paquot et Richard Kleinschmager, 2006, Dictionnaire la ville et l’urbain, Paris, Économica, p. 107-109.

12. Rémy, Jean, 2005, « Nouveaux lieux d’urbanité et territorialités partagées : architecture urbaine et comportements collectifs. Réflexions à partir de Louvain-la-Neuve », dans La Rue, sous la dir. de Jeanne Brody, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, p. 103-120 ; et aussi Rémy, Jean, 1994, « Multiplicité des lieux et sociabilité englobante », Les cahiers de sociologie de la famille, no 1, Association internationale des sociologues de langue française, Liège.

Préface

Temps de l’espace public.indd 17 23/01/08 10:41:58

Extrait de la publication

Page 18: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xviii

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

n’a pas toujours existé et encore à présent dans certaines cultures n’a guère de signification. « L’intimité », la « pudeur », la « sphère domestique » ne sont pas des synonymes et résultent d’un long processus historique où se combinent les croyances, les mythes, les structures familiales, les rapports à la nature, l’organisation des relations sociales, les pratiques politiques, etc. C’est en ville que s’autonomise le sujet, que s’affirme l’individu et que se manifeste le public. Après Descartes et son fameux « je pense donc je suis », et Locke et « la conscience de soi » (self ), c’est au tour des Lumières de valoriser « l’individu » et de prêter attention au « public ». Ce terme désigne d’abord les lecteurs puis les spectateurs. Le livre, la presse, le théâtre réclament l’approbation de leurs destinataires. Ceux-ci forment des publics, attentifs ou capricieux, fidèles ou contestataires, mais c’est par leur présence que le point de vue d’un auteur, d’un éditorialiste, d’un intellectuel prend consistance13.

En 1990, pour la 17e édition allemande, Jürgen Habermas rédige une longue préface où il analyse les réactions provoquées par son essai. Il constate que, à partir du milieu du 19e siècle, la presse se commercialise et la publicité se neutralise dans l’appel à la consommation. En d’autres termes, et paradoxalement, l’expression du public est parasitée par le déploiement des moyens de communication. Le « trop d’opinions » tue ainsi le débat et en lamine les disparités. « Tout vaut tout » et si possible en temps réel ! L’espace public de la démocratie nécessite une qualité d’écoute qui à son tour réclame du temps. S’informer, évaluer, rectifier, formuler un point de vue, discuter, peser le pour et le contre, etc., sont des opérations qu’il faut pratiquer prudemment, lentement. Cet « espace public » ou « sphère publique » se distingue de l’espace privatif, de la « sphère privée », du « chez soi », sans qu’ils soient imperméables l’un à l’autre – ils le sont, du reste, de moins en moins avec la diffusion planétaire du téléphone cellulaire, d’Internet et de la téléréalité… Richard Sennett, dans un essai discuté, Les Tyrannies de l’intimité, considère que l’architecture et l’urbanisme fonctionnels associent « esthétique de la visibilité et isolement social », ce qui revient à condamner à mort l’espace public… Il a cette puissante formule : « L’espace public est devenu un dérivé du mouvement14 ». Ainsi, d’un côté, le « commun » de la Cité se dilue dans le factice, l’entre-soi, l’urbanité sélective, la mobilité généralisée et, de l’autre côté, l’urbanisme classe, ségrègue, stigmatise les populations et leurs activités. Pourtant, les inventeurs de l’urbanisme (Cerdà, Stübben, Sitte, Unwin, Buls…) sont attentifs au traitement des rues, des places, des parcs et des jardins publics, comme si la vie collective d’une population nécessairement composite requérait des territoires de

13. Masseau, Didier, 1994, L’invention de l’intellectuel dans l’Europe du xviiie siècle, Paris, Presses universitaires de France, 172 p.

14. Sennett, Richard, 1979, Les Tyrannies de l’intimité traduit de l’américain par Antoine Berman et Rebecca Folkman, Paris, Éditions du Seuil, 282 p.

Temps de l’espace public.indd 18 23/01/08 10:41:58

Page 19: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xix

confrontation, de rencontre, de cohabitation et aussi d’évitement, d’anonymat15. À cette voirie soignée et équipée d’un mobilier urbain amène, s’ajoutent des terrains non encore affectés, que les Anglo-Saxons nomment alors open spaces. Lorsque la démolition de la fortification Thiers sera à l’ordre du jour, cette expression anglaise servira pour désigner la zone enfin libérée de la construction militaire. Au Musée social, en 1908, Robert de Souza fait le point sur « Les espaces libres. Résumé historique », tandis que, en 1909, se crée une « Ligue pour les espaces libres, l’assainissement et les sports », sur l’initiative de Louis Dausset. Peu de temps après, les partisans de l’architecture moderne déclarent la guerre aux rues courbes et aux places pittoresques et ils militent activement pour le zonage, la séparation des voies selon les moyens de transport, la fin des « rues corridors ». L’« automobilisation » de la société génère une urbanisation de plus en plus éparpillée, une dislocation des territoires et un individualisme de consommateur et non pas de citoyen. Face aux Modernes, Jacques d’Welles, par exemple, élabore un Plaidoyer pour la rue16 avec des « enclos de silence et d’air pur » en pleine ville et Roger Puget défend les Espaces verts, espaces libres17 pour les promenades, les jeux, les foires… L’expression « espaces publics » si prisée des professionnels de l’urbanisme et des élus est récente ; elle date de la fin des années 1970 et n’est banalisée qu’au cours des années 1990. La rue de l’enclave résidentielle, le mail du centre commercial, l’autoroute urbaine, ont des allures d’« espaces publics », mais n’en sont pas. Ce n’est pas le seul régime juridique de la propriété du sol qui décide de la destination d’un terrain, mais les pratiques, les usages et les représentations qu’il assure. Il nous faut par conséquent parler de rue et de voirie et aussi inventer de nouveaux termes.

L’espace public 5

on connaît la condamnation sans appel de la rue par Le Corbusier et ses épigones au nom de l’hygiénisme, des embouteillages, de la promiscuité et les solutions de rechange préconisées, la rue intérieure de l’unité d’habitation, l’urbanisme de dalle qui sépare

15. Parmi une littérature finalement abondante, on lira les « classiques » de l’urbanisme : Cerda, Idelfonso, 1867, La Théorie générale de l’urbanisation, présenté et adapté par Antonio Lopez de Aberasturi, préface de Françoise Choay, première édition au Seuil en 1979, nouvelle édition par Les éditions de l’Imprimeur en 2005 ; Sitte, Camillo, 1889, L’Art de bâtir les villes. L’urbanisme selon ses fondements artistiques, traduit de l’allemand par Daniel Wieczorek, préface de Françoise Choay, Paris, Livre & Communication, 1980 ; Smets, Marcel, 1995, Charles Buls. Les principes de l’art urbain, Liège, Mardaga ; Kahn, Gustave, 1901, L’Esthétique de la rue, Paris, Eugène Fasquelle, réédition In-Folio, 2008. Sur ces auteurs, on se reportera à : Paquot, Thierry, octobre 2006-mars 2007, « Éloge de la rue ou quand l’art urbain soigne les dehors », Flux, no 66/67, p. 127-133 et à mon essai, Des Corps urbains. Sensibilités entre béton et bitume, 2006, Paris, Autrement.

16. d’Welles, Jacques, 1951, « Plaidoyer pour la rue », Urbanisme, nos 3-4. 17. Puget, Roger, 1952, « Espaces verts, espaces libres », Urbanisme, nos 3-4.

Préface

Temps de l’espace public.indd 19 23/01/08 10:41:58

Page 20: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xx

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

et hiérarchise les voies selon les moyens de transport, l’enfouissement des autoroutes et l’architecture sur pilotis libérant le sol pour la promenade, le jeu et le jardin… Le Corbusier imaginait même d’aménager ce qu’il nommait joliment la « cinquième façade », le toit terrasse, en solarium, cour de récréation pour l’école localisée au dernier étage, ou moins poétiquement, en élément d’une vaste autoroute, dont les immeubles seraient les piliers. Georges Candilis, à Toulouse Le-Mirail, n’arrête pas l’ascenseur à chaque étage, afin de faire se croiser les habitants, ce qui permet au résident qui loge au-dessus ou au-dessous de l’étage bénéficiant d’un arrêt de franchir un escalier avec ses achats volumineux ou lourds, la poussette des enfants, la bicyclette de l’aîné, le cartable du plus petit, etc. ; une intention généreuse de socialisation, vécue comme un inconvénient fâcheux, une lubie d’architecte. L’ascenseur est certainement le moyen de transport le plus utilisé chaque jour sur terre avec des milliards de mini-voyages. Le claustrophobe préfère l’escalier. Les autres résidents se résignent à l’attendre, plus ou moins patiemment. Car l’ascenseur est capricieux et plus le logement est social, plus l’ascenseur s’apparente à un luxe. « En dérangement » est, dans certaines cités, un pléonasme pour dire « ascenseur ». Les incivilités sont, malheureusement, souvent la réponse désespérée à des pannes répétitives et l’ascenseur devient source de différends entre usagers soucieux d’être véhiculés, sans encombre. Les habitants se plaignent au gardien qui le dit au bailleur,

qui attend que le calme revienne… Il faut un mort pour que la réaction s’accélère et que l’ascenseur se trouve modernisé… jusqu’au prochain incident.

Cette circulation verticale ressemble au mouvement d’un ludion. C’est un parcours limité et invariable qui conduit du sous-sol au dernier étage, pas toujours habité du reste. Parfois, en effet, on y a installé des séchoirs, dorénavant abandonnés aux oiseaux ou transformés en grenier collectif accueillant des malles usagées, des lots de vêtements, des restes de bricolage. Des enfants s’y donnent rendez-vous et y inventent de « belles histoires à dormir debout ». Quant au sous-sol, dénommé « cave », il adhère à la forme labyrinthique et du fait de son éclairage alternatif devient le terrain d’aventure des adolescents. C’est un lieu de flirts, mais aussi de tensions entre bandes rivales. on y stocke des marchandises à l’origine aussi douteuse que leur destination. on y découvre un monde insoupçonné, des orchestres y répètent, des revendeurs y écoulent leur came, des trafiquants y entreposent leur butin, des sans-abri y dorment, des sans-papiers s’y cachent… Les courses-poursuites entre les « jeunes » et les policiers empruntent fréquemment les toits et les caves, les premiers profitent de leur bonne connaissance des lieux pour échapper à leurs poursuivants, dépités. Il y a aussi les coursives qui facilitent les échanges et les

Immeuble de la reconstruction,

rue J. Delvallez, Dunkerque, France.

Yona Jébrak, février 2004

Temps de l’espace public.indd 20 23/01/08 10:41:58

Extrait de la publication

Page 21: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xxi

Préface

écheveaux de couloirs à la lumière tamisée qui aboutissent aux halls que squattent les inactifs, au grand dam des actifs. Un perron accueillant, un hall confortable avec des sièges et des miroirs, une cage d’escalier éclairée par la lumière du jour, un ascenseur entretenu, des couloirs propres, des coursives avec des plantes vertes, des locaux communs non détériorés, des salles communes pour diverses réunions et activités collectives, voilà la voirie intérieure d’un grand ensemble « normal ».

Des espaces verts, des cheminements piétons judicieusement éclairés, des aires de stationnement correctement aménagées, des rues et des trottoirs serpentant dans le domaine du grand ensemble et venant se brancher sur la voirie de la commune, voilà un confort urbain « élémentaire »18. Pourquoi ce « normal » et cet « élémentaire » sont-ils exceptionnels ? Partager, responsabiliser, associer, voilà les verbes à conjuguer dans ces cités, pour que la règle du « bien vivre ensemble » se généralise.

L’espace public 6

Depuis quelques années, de nouvelles formes de sociabilités investissent de nouveaux emplacements qui ainsi deviennent des « espaces publics » ou, plus précisément, des « lieux publics » : l’école, le campus universitaire, la plage, le sentier de randonnée, le parcours du patin à roues alignées, la piste cyclable, le voyage touristique, la sortie en classe, les brocantes…19. L’essentiel ne réside aucunement dans le statut juridique de ce territoire pratiqué par un groupe à un moment donné, mais par cette activité elle-même qui fait « collectif » et confère à cet endroit une dimension collective. L’abondante et récente littérature géographique, sociologique et anthropologique consacrée à ces « espaces publics » inédits affectionne surtout la description à défaut d’une

18. Sur ces thèmes, consulter : « Espace(s) public(s) », Urbanisme, no 346, janvier/février 2006 ; « Espaces ordinaires », Urbanisme, no 351, novembre/décembre 2006 et « Rues des Cités », Urbanisme, no 352, mars/avril 2007 ; je reprends ici certaines des formulations de mes contributions à ces numéros.

19. Parmi de nombreux exemples, citons : Frankignoulle, Pierre et Édith Bodson, 1996, « Le campus universitaire comme espace public : des représentations aux pratiques », Bulletin du CERTEIC, Université Lille 3, p. 61-88 ; Augustin, Jean-Pierre, 2002, « Corps sportifs en ville », Urbanisme, no 325, juillet/août, p. 38-40 ; Debary, Octave et Arnaud Tellier, 2003, « Les marchés de la mémoire : grande braderie de Lille et vide-greniers », Urbanisme, no 331, juillet/août, p. 67-68 ; Augustin, Jean-Pierre, 2006, « Par les chemins et les plages », Urbanisme, no 346, janvier/février, p. 46-49 ; et Coralli, Monica, 2007, « La plage de Cotonou, un lieu pour se montrer », Urbanisme, no 355, juillet/août, p. 34-38.

La rue­corridor corbuséenne, la Cité Radieuse de Marseille, France.Josée Laplace, octobre 2007

Temps de l’espace public.indd 21 23/01/08 10:41:59

Page 22: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

xxii

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

théorisation pourtant indispensable. Si le pluriel de la notion d’« espace public » ne correspond aucunement à son singulier, ce qui est fâcheux, un autre handicap vient également la perturber, au pluriel comme au singulier. Il s’agit de la communication, car en définitive ce qui associait ces deux acceptions dépendait du domaine de la liaison. La voie reliait, tout comme l’article de presse. Dans les deux cas, « ça communiquait ». or, la privatisation affichée ou rampante de nombreuses rues et places limite l’accessibilité – et la gratuité – des « lieux communs » et le contrôle de l’information (depuis sa conception par des agences de presse internationales jusqu’à sa diffusion par des opérateurs privés ou publics qui en contrôlent la circulation) réduit considérablement la part du « public » dans cette opinion de plus en plus formatée. Quant à la ville – cette incroyable alchimie des rencontres et des évitements –, elle est concurrencée par un urbain diffus et éparpillé qui ne se préoccupe guère de cohérence territoriale et de cohésion sociale et culturelle. Reste à espérer que la gouvernementalité qui se cherche réactive tant la communication par les voies de circulation pacifiée que le débat public, auquel chaque citoyen est invité à prendre la parole.

thierry Paquot est philosophe de l’urbain, professeur des universités (Institut d’urbanisme de Paris – Paris XII), éditeur de la revue Urbanisme, auteur de nombreux ouvrages, dont : Terre urbaine. Cinq défis pour le devenir urbain de la planète (La Découverte, 2006) et Habiter, le propre de l’humain. Villes, territoires et philosophie (ouvrage collectif, avec Michel Lussault et Chris Younès, La Découverte, 2007).

Temps de l’espace public.indd 22 23/01/08 10:42:00

Page 23: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

InTroDucTIon L’espace public urbain : une introductionYona Jébrak et Barbara Julien

Espace public : le génitif et son épithète renvoient, dans la ville, à une zone de rencontre, d’interaction ou de déambulation, ouverte à tous. Places, rues, squares et jardins : l’espace public se répand dans la trame urbaine à la manière d’une coulée de vide entre les espaces bâtis. Il pénètre même, parfois, à l’intérieur des édifices, tels les gares et les autres atriums à usage collectif. Alors que le vocable est d’emploi assez récent1, l’idée et la fonction réfèrent pourtant aux anciennes civilisations gréco-latines avec l’agora et le forum. Jadis lieu physique où les affaires publiques étaient discutées, il est, pour les uns, un espace social de la libre rencontre avec autrui2. Il est, pour d’autres, un espace creux, c’est-à-dire un espace vide qui structure la ville, l’emplit de son urbanité et contribue à forger son identité3. L’espace public serait ainsi un espace éminemment vécu.

notion à la délimitation imprécise dans la ville, l’espace public se définit donc de manière équivoque. Le géographe, le sociologue, l’historien ou l’urbaniste l’investissent de sens propres à leur discipline tandis que le politicien et l’usager lui donnent une signification toute différente. La notion aurait été tellement élargie qu’elle se détacherait de sa matérialité pour se dissoudre dans le virtuel. Dans l’ouvrage L’architecture des villes,

1. Merlin, Pierre et Françoise Choay (dir.), 2005, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, Presses universitaires de France, 963 p.

2. Habermas, Jurgen, 1978, L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 324 p.

3. Thiberge, Claude, c. 2002, La ville en creux, Paris, Éditions du Linteau, 335 p.

Temps de l’espace public.indd 1 23/01/08 10:42:00

Extrait de la publication

Page 24: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

2

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

Ricardo Bofill et nicolas véron soutiennent même que le terme serait galvaudé, usé, abusé, d’un usage périlleux4.

L’espace public urbain a souvent été traité selon deux modes disjoints : la perspective architecturale (qualité architecturale et formelle de l’espace, construction matérielle du cadre bâti) et la perspective sociologique insistant sur les modes de vie. Longtemps, la relation entre ces deux cas relevait généralement soit de la traduction de l’espace urbain comme ref let d’une structure sociale, soit de la détermination, la structure urbaine déterminant les relations sociales. Aujourd’hui, une nouvelle tendance semble se dessiner. Il s’agit alors de penser le rapport de connaturalité entre les formes construites et sociales et de mettre en évidence le travail de configuration spécifique de l’espace et des pratiques. Dès lors l’approche unidimensionnelle n’a plus de sens et une dimension transdisciplinaire semble nécessaire afin de cerner un phénomène en évolution. Si, comme le soutient Ghorra-Gobin, on peut considérer que le 20e siècle a négligé, pour des raisons complexes et multiples, les espaces publics, on peut en revanche caractériser le siècle qui s’amorce comme celui du retour de cette notion5.

Peut-on dire qu’aujourd’hui ces espaces publics sont les lieux d’expression d’un discours binominal, la quête à la fois d’une forme et d’un sens ? Palimpsestes de l’urbanité et de l’histoire urbaine, à travers ces espaces, c’est également l’identité urbaine qui se dévoile, une identité qui est avant tout un « objet de représentation […] dans sa genèse, dans son mécanisme comme dans sa forme objectale6 ». Mais n’est-ce pas justement là le paradoxe même des espaces publics ? Dans un même lieu, dans un même discours, se trouvent deux logiques, celle de singularité et celle d’universalité. Ce paradoxe se construirait en trois temps organisés en un système, dont les composantes sont les temps de la construction, de la transformation et de l’utilisation.

L’espace public devient donc un enjeu qui dépasse la simple question de l’aménagement physique urbain. Comprendre ce que peut être cet espace suppose donc que l’on cherche à décortiquer son paradoxe. Tel est l’objectif de ce collectif dont les textes font suite au colloque « L’espace public dans la ville » organisé par Jonathan Cha, Martin Drouin, Yona Jébrak et Barbara Julien, qui s’est tenu en mai 2006 à l’Université McGill à Montréal, à l’occasion du congrès de l’ACFAS (Association francophone pour le savoir,

4. Bofill, Ricardo et Nicolas Véron, 1995, L’architecture des villes, Paris, Éditions Odile Jacob, 293 p. 5. Ghorra-Gobin, Cynthia (dir.), 2001, Réinventer le sens de la ville : les espaces publics à l’heure globale, Paris,

L’Harmattan, 261 p. 6. Morisset, Lucie K. et Luc Noppen (dir.), 2003, Identités urbaines. Échos de Montréal, Québec, Éditions Nota Bene,

p. 5.

Temps de l’espace public.indd 2 23/01/08 10:42:00

Page 25: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

3

anciennement Association canadienne-française pour l’avancement des sciences). nous tenons d’ailleurs à remercier Jonathan et Martin de leur soutien ainsi que l’Institut du patrimoine de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et plus particulièrement Luc noppen. Cette publication nous donne également l’occasion de remercier les auteurs et les participants du colloque : l’exposé de leurs arguments et les discussions suscitées ont alimenté de riches réflexions autour des trois temps du paradoxe de l’espace public. Finalement, nous remercions Thierry Paquot, qui a clôturé le colloque et qui préface cet ouvrage en proposant une lecture polysémique de l’espace public.

Construction

Premier temps du paradoxe, l’étape de la construction du projet, depuis son élaboration jusqu’à sa réalisation, illustre l’idée d’un atterrissage dans un contexte particulier. C’est le passage du projet idéel, le « projet de papier » pour reprendre l’expression de Lucie K. Morisset7, à un projet à deux puis à trois dimensions. Cet aboutissement dépend de facteurs, tant temporels et physiques que socioéconomiques, qui confèrent alors au projet sa quatrième dimension, celle de l’investissement de sens dans l’objet. À un questionnement général sur ce que doit ou devrait être l’espace public dans la ville, plusieurs réponses sont possibles. Et même si quelques-unes seulement sont retenues, l’atterrissage n’est pas toujours heureux : les places avortées, oubliées et boudées côtoient celles qui sont réussies, célébrées et fréquentées.

Ce premier bloc de textes propose de comprendre le modus operandi de la construction de ces espaces dans différents contextes géo-temporels. Les auteurs cherchent à établir les liens qui unissent celui qui a pensé l’espace public et celui qui l’a réalisé.

Dans son texte « Déclin et survie des espaces publics canadiens au 20e siècle », Ron Williams rappelle l’importance qu’avaient pour les villes canadiennes la qualité et la vivacité de leurs espaces publics. Les déclinaisons multiples de ces espaces encadrés par une vaste gamme d’activités et une grande variété d’équipements et d’aménagements ont toutefois connu un long déclin avec la Première Guerre mondiale : le nombre de nouveaux espaces créés ralentit, l’entretien du stock diminue. Même les mesures prises dans les années 1930 ne parviennent pas à relancer le mouvement. Il faut attendre les années 1960 et 1970 pour que ces espaces soient réinventés. D’après Williams, ce sont les concepts de « people places », d’abord, de « récréation linéaire », ensuite, qui donnent aujourd’hui une nouvelle appréciation de « l’histoire du lieu ».

7. Morisset, Lucie K., 1998, Arvida, cité industrielle. Une épopée urbaine en Amérique, Sillery (Québec), Éditions du Septentrion, 251 p.

Introduction

Temps de l’espace public.indd 3 23/01/08 10:42:00

Extrait de la publication

Page 26: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

4

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

Barbara Julien, dans « Entre la rue et le jardin : l’espace public dans la cité-jardin », explore les liens à la fois théoriques et pratiques de la cité-jardin et de l’espace public urbain. La cité-jardin repose sur deux principes spatiaux fondamentaux : le concept d’interrelation spatiale et celui de l’espace public sous forme de coopération. Depuis la parution de son livre en 1898 jusqu’à aujourd’hui, la Garden City d’Ebenezer Howard a connu une fortune critique considérable et semé des émules, plus ou moins proches de ses idéaux et de ses premières concrétisations britanniques. Ce constat laisserait supposer que le modèle développé par Howard fait preuve d’une grande capacité d’adaptation selon les contextes, notamment en ce qui concerne les formes d’espaces publics. Barbara Julien en propose une lecture en trois temps. Le premier, celui de la théorie, où il s’agit de comprendre comment Howard concevait la notion d’espace public dans la Garden City. Dans un deuxième temps, l’analyse de l’espace public dans les cités-jardins au moment de leur édification met en lumière les différentes caractéristiques relatives aux contextes variés. Enfin, elle s’interroge sur le principe d’espace public dans les cités-jardins d’aujourd’hui où, dans la majorité des cas, les maisons ont été vendues à de multiples propriétaires.

Lorsqu’il s’agit de récréer des espaces détruits, Yona Jébrak, pour sa part, démontre dans son texte « Pragmatisme et symbolisme des espaces publics reconstruits à Coventry » que l’espace urbain est investi d’une valeur symbolique qui insiste sur son unicité plus que sur les différences qui le caractérisent. La reconstruction devient alors un enjeu tant national que local, les modèles urbains choisis venant mettre en exergue des idéologies urbanistiques et architecturales. L’espace public devient le lieu où les valeurs pragmatiques et symboliques de la société sont révélées, parfois imposées. Par le biais de l’exemple du centre-ville de Coventry en Angleterre, l’auteure analyse comment l’espace public, à toutes les échelles géographiques, est le point de départ du processus de reconstruction. Il sert de représentation pour ceux qui n’habitent pas la ville et de rassemblement pour les résidents.

Transformation

Empruntant aux lectures de la théorie de la réception de Jauss faites par les auteurs de La réception de l’architecture8, l’étape de la transformation de l’espace public urbain constitue le deuxième temps du paradoxe. on peut émettre l’hypothèse d’un horizon d’attente entre celui qui réalise l’espace public et celui qui l’utilise, entre formes et usages. Cette attente, double puisqu’elle intervient dans le temps et sur les pratiques, influence

8. Klein, Richard et Philippe Louguet (dir.), 2002, La réception de l’architecture, Lille, École d’architecture de Lille et Jean Michel Place, éditeur, Cahiers thématiques architecture, histoire/conception, 267 p.

Temps de l’espace public.indd 4 23/01/08 10:42:01

Extrait de la publication

Page 27: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

5

Introduction

la réception des espaces publics. L’espace public est-il f lexible ? Est-il caduc ou encore obsolète ? Entre désynchronisation et conversion constante, l’espace public doit s’adapter pour assurer sa pérennité fonctionnelle.

Jonathan Cha, dans « La ‘place paysage’ : le dernier temps d’aménagement de la place publique à Montréal », propose de revisiter l’histoire des parcs, des places, des squares et des jardins à Montréal. Selon lui, chaque époque a proposé un langage paysager et des significations spécifiques aux espaces publics. L’année 1990 marquerait toutefois une rupture importante avec la conception de la place Berri par les architectes paysagistes Peter Jacobs et Phillippe Poullaouec-Gonidec : modèle hybride saisissant à la fois les considérations d’identité, d’attractivité, d’esthétisme, de patrimoine, de nature et de cadre de vie, le concept de « place paysage » venait d’apparaître. Cha évalue la portée et l’évolution théoriques de la « place paysage » et son application aux projets d’espaces publics récents dans la métropole. La rétrospection qu’il entreprend permet de mieux comprendre l’effervescence actuelle autour du « paysage » en ville et de saisir les enjeux contemporains liés à la transformation des espaces publics.

vinh Dao nous offre un voyage au viêt-nam, dans les rues du quartier historique de Ha-nôi, avec son texte « Le rôle de la rue comme générateur de l’urbain à Ha-nôi, viêt-nam ». Dépeints comme de véritables marchés habités, denses et vivants, les quartiers traditionnels marchands fascinent. Au-delà de cet exotisme, toutefois, la rue est un lieu éminemment investi, symboliquement et fonctionnellement, par l’ensemble de la population vietnamienne. Dao propose de lire la rue hanoienne non pas comme une simple voie de passage, mais comme un espace de vie et de pratiques sociales, constitutives d’une culture spécifique. Selon lui, la rue combine activités commerciales et domestiques dans des frontières flexibles et perméables. Le couple « privé-public » paraît n’avoir guère de signification et la rue devient plutôt le possible réceptacle de multiples appropriations. Puisque la rue hanoienne semble encore aujourd’hui participer pleinement à la définition de son urbanité, et ce, même en dehors des limites des quartiers traditionnels, l’auteur pose la question du rôle de la rue comme élément fondateur de l’urbain à Ha-nôi.

Utilisation

Dernier temps du paradoxe, mais également amorce d’un nouveau cycle des espaces publics urbains, la compréhension de l’utilisation de ces espaces est fondamentale. L’étape de l’utilisation permet de retracer la relation qui unit l’utilisateur au concepteur, entre celui qui les fréquente et celui qui les a pensés. L’espace urbain n’est jamais neutre ; il est toujours associé à des enjeux d’expressions identitaire, politique, artistique et culturelle.

Temps de l’espace public.indd 5 23/01/08 10:42:01

Extrait de la publication

Page 28: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

6

LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation

Cyclique, l’utilisation de ces espaces peut évoluer dans le temps ; leur signification première se transforme au gré des politiques, des contextes et des usagers. À partir de ce temps des modifications, une seconde vie leur est impulsée. De l’abandon à la reconversion, le spectre du devenir de l’espace public urbain participe au genius loci de la ville9.

Dans « À propos du patrimoine urbain des communautés culturelles : nouveaux regards sur l’espace public », Annick Germain, Mabel Contin, Martha Radice et Laurence Liégeois posent la question de l’espace public comme lieu stratégique de l’expression du patrimoine de communautés culturelles. Ce patrimoine serait au centre des préoccupations : plusieurs institutions culturelles n’arriveraient pas à rejoindre l’ensemble des communautés culturelles. Les auteures émettent l’hypothèse que cette difficulté dériverait d’un déficit de reconnaissance des contributions des communautés culturelles à Montréal. or, cette reconnaissance serait une condition préalable pour établir des liens entre leur expérience de la ville et les produits culturels présentés et exposés. Si ce patrimoine est encore en construction, force est de constater qu’un certain nombre de gestes ont déjà été portés : places publiques commémoratives, reconnaissance du boulevard Saint-Laurent, etc. Germain et al. jettent un regard critique sur ces initiatives en proposant une lecture qui tienne compte des particularités du contexte montréalais, tant sur le plan urbain que sur celui de sa multiethnicité.

Par le biais de trois projets expérimentaux menés au cours de l’atelier d’exploration urbaine SYn-, Luc Lévesque, dans « La place publique comme constellation interstitielle : parcours historique et expérimentations », propose quelques pistes de réflexion quant à l’utilisation artistique des espaces publics. À Montréal, le projet Hypothèses d’amarrages vise à scruter le territoire métropolitain à la recherche de sites sous-utilisés, mais propices à la halte. À Gatineau, le projet Hypothèses d’insertions poursuit la recherche en expérimentant des durées d’activation plus courtes où la situation prime sur le site. Finalement, à Montréal encore, le projet Prospectus explore les marges d’appropriation disponibles et suggère de nouvelles attitudes par rapport à cet environnement. Par la combinaison d’interventions légères et une utilisation de ces espaces pour des durées variables, Lévesque propose donc une nouvelle approche de l’espace public, celle de l’utilisation des espaces interstitiels.

9. Norberg-Schulz, Christian, 1981, Genius Loci, paysage, ambiance, architecture, Liège, Pierre Mardaga éditeur, 213 p.

Temps de l’espace public.indd 6 23/01/08 10:42:01

Page 29: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

7

Finalement, « L’art et l’expérience de l’espace public » de nicole valois explore la signification des événements d’art visuel dans l’espace urbain. L’auteure démontre, à l’aide d’exemples montréalais, comment la déprogrammation de l’espace public par ce type d’événements aide à faire le point sur l’existence d’un lieu et sur ce lieu dans la ville. Leur capacité à susciter l’interrogation, à générer une mémoire du lieu et à participer à l’ancrage de la collectivité en est la principale caractéristique. Les codes qui permettent de reconnaître chaque espace public, de les distinguer de l’espace privé et de les différencier les uns des autres, même s’ils sont contigus, imbriqués et fondus, seraient infléchis par ces événements d’art visuel. La rue devient alors la scène ; les parcs des lieux d’exposition ; les parcelles abandonnées des lieux de performance. Pour valois, en occupant momentanément l’espace public, l’événement d’art visuel déprogramme le lieu, sème l’imprévu, puis transforme les échanges et le regard au profit d’un questionnement sur la nature de l’urbanité et des paysages de la ville.

Introduction

Temps de l’espace public.indd 7 23/01/08 10:42:01

Extrait de la publication

Page 30: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Temps de l’espace public.indd 8 23/01/08 10:42:01

Extrait de la publication

Page 31: Les temps de l'espace public urbain: construction ...€¦ · par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants

Sous la direction de

Yona Jébrak et barbara Julien

LeS

tem

pS d

e L’

eSpa

ce p

ubLi

c ur

bain

: co

nstr

uctio

n, t

rans

form

atio

n et

util

isat

ion

Collection Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM

Fondée sur une claire distinction entre espace privé et espace public, la ville ancienne s’est imposée aux temps modernes avec son bâti homogène, ses places et les jardins de ses souverains, désormais accessibles au public. Malmené par l’industrialisation, mis au ban par les adeptes des nouvelles fonctionnalités urbaines, l’urbanisme classique a fait long feu aux 19e et 20e siècles.

Mais tant les préoccupations hygiénistes que les utopies sociales ont jalousement couvé le souvenir d’espaces urbains généreux, celui aussi des grandes plages vertes léguées par l’histoire. En effet, s’il est apparu évident qu’il fallait réinventer l’habiter pour loger plus et mieux, ce qui a souvent donné lieu à une tabula rasa, la relation entre les creux et les pleins de la ville n’a cessé d’interpeller les créateurs et acteurs de la polis. À tous ceux-là, les développements de la science aidant, l’espace public s’est plutôt posé comme « lieu de » représentation et d’appropriation que comme figure urbaine canoniquement figée.

Depuis lors, l’espace public urbain est devenu une notion équivoque, englobant de nombreuses réalités, convoquant autant d’images que d’imaginaires. Aujourd’hui, un fait s’impose : la ville du xxie siècle se définira par ses espaces publics. Leurs figures spécifiques et les pratiques urbaines auxquelles la ville se prête sont de puissants révélateurs identitaires.

Par-delà les approches disciplinaires, cet ouvrage propose de (re)penser les rapports entre le bâti et la société. Les auteurs des textes montrent en effet à quel point la réflexion sur les espaces publics urbains est plus que jamais d’actualité ; ils soulignent la place que ces lieux d’ancrage occupent dans les constructions identitaires, révèlent les discours interprétatifs auxquels ils donnent lieu en explorant, notamment, le lien qui, en ces lieux, unit créativité et quotidienneté. Du Québec au Viêt-nam en passant par la France et l’Angleterre, chaque auteur livre un regard neuf sur la ville et ses espaces.

ISBN 978-2-89544-115-1

3

Collection dirigée par luC noppenLeS tempS de L’eSpace

pubLic urbain : construction,

transformation et utilisation

Couv.indd 1 23/01/08 11:13:33

Extrait de la publication