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LES TERRITOIRES ET L'ESPRIT DE DEFENSE COLLOQUE Organisé le vendredi 29 mars 2013 au Palais du Luxembourg En partenariat avec le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale et l'Institut de la Gouvernance Territoriale et de la Décentralisation 1

LES TERRITOIRES ET L'ESPRIT DE DEFENSE©gralité... · Table ronde n° 1 « Modernisation de ... interviendra sur les grands axes du projet de loi de décentralisation et de réforme

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LES TERRITOIRES

ET L'ESPRIT DE DEFENSE

COLLOQUE

Organisé le vendredi 29 mars 2013

au Palais du Luxembourg

En partenariat avec

le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale

l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale

et l'Institut de la Gouvernance Territoriale et de la Décentralisation

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Sommaire

Accueil

par Mme Laurence LEMOUZY, directrice scientifique de l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation et de la revue Pouvoirs locaux……………….…………………..…………..…p.4

Exposé introductif :

« Les grands axes du projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique »

par M. Serge MORVAN, directeur général des collectivités locales………………………………..p.5

Table ronde n° 1

« Modernisation de l’action publique et esprit de défense »

Présidée par M. Arnaud RICHARD, député des Yvelines, membre de l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation ………………………..……………………………………..…p.14

« La transformation du ministère de la défense »

Par M. Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l'administration………………………………...p. 16

« Quelles conséquences sur les services et les personnels de la fonction publique territoriale ? »

Par M. Philippe LAURENT, maire de Sceaux et président du CSFPT………………………….….p.20

« L’impact sur la réserve militaire. Quel rôle possible ? »

Par le Contre-amiral Antoine de ROQUEFEUIL, secrétaire général du CSRM……………………p.23

Table ronde n° 2

« Enjeux territoriaux et acteurs de la réserve militaire »

Présidée par le Général de corps d'armée Jean-Marc DUQUESNE, directeur de l'IHEDN et de l'Enseignement militaire supérieur…………………………………………………………………..p.32

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« Quelles applications territoriales sur les enjeux de défense nationale ? »

Par M. Jean-Pierre BOUQUET, maire de Vitry-le-François……………………………….……….p. 34

« Le cas particulier de la gendarmerie nationale : un modèle ? »

Par le Général de division Jean-Philippe DANEDE, délégué aux réserves de la gendarmerie nationale……………………………………………………………………………………………..p.38

Retours sur des initiatives locales

Témoignages :

LCL Marc LOCATELLI, DMD de la Lozère……….……………….…………………………... p. 41

LCL Philippe PERRET, DMD des Côtes d'Armor………………………………………………… p.42

Clôture des débats

Par le Général d'armée André HELLY, ancien officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, ancien gouverneur militaire de Lyon………………………………………………………p.47

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Accueil

Antoine de Roquefeuil1

Je vous remercie d’être venus assister à ce colloque, intitulé « Les territoires et l’esprit de défense », organisé en prélude à la grande Journée Nationale du Réserviste 2013 qui aura lieu le jeudi 4 avril, sur le thème de « La réserve militaire, les territoires et la cohésion nationale ». Environ 250 activités seront organisées à cette occasion sur l’ensemble du territoire national 2 (métropole, départements et territoires d’Outre-mer) : rallyes citoyens, cérémonies, conférences-débats, JDC exceptionnelles etc., l'objectif de cette journée étant de mettre à l'honneur les citoyens qui ont choisi de consacrer une partie de leur temps à la défense de notre pays en souscrivant un engagement à servir dans la réserve militaire.

Je laisse la parole à Madame Laurence Lemouzy, la modératrice de ce colloque, avant que M. Serge Morvan ne prenne la parole.

Laurence Lemouzy3

Avec votre efficacité coutumière, Amiral, vous avez dit en deux secondes ce que je prévoyais de dire en cinq minutes.

Je vous souhaite à tous la bienvenue au nom du Conseil Supérieur de la Réserve Militaire et de son Secrétaire général. À ce message se joignent les partenaires de cette rencontre : le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale, l'Institut des Hautes études de la Défense Nationale et l'Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation.

Je suis un peu émue d’intervenir devant cet auditoire qui fait ressurgir les souvenirs de l’enfant qui, sur le chemin de l’école, longeait les murs de la caserne du 7 ème régiment de Génie parachutiste de Montauban. J’étais alors très impressionnée par les uniformes ; quelques années plus tard, c’est encore le cas. Comme l’a rappelé l’Amiral, le Ministère de la Défense organise une journée annuelle consacrée à la réserve militaire. Le thème choisi cette année par Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, « La réserve, les territoires et la cohésion nationale » veut montrer l’implantation territoriale du réserviste et son poids dans le paysage local.

Pour paraphraser le prochain article du Contre-amiral Antoine de Roquefeuil dans la revue « Pouvoirs locaux » à paraître4, je dirai que les manifestations qui vont se dérouler dans la France entière le 4 avril 2013 témoignent de l’engagement de citoyens, civils et militaires, en faveur de leur

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armée mais aussi de leur territoire. Les évolutions permanentes de l’organisation de la défense depuis plusieurs années donnent en effet un poids grandissant aux initiatives et aux responsabilités locales des réservistes.

Les débats de cet après-midi seront articulés en trois temps :

Dans un exposé introductif, le directeur général des collectivités locales, M. Serge Morvan, interviendra sur les grands axes du projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique 5.

La première table ronde s’attachera à définir, à établir les liens et à esquisser les interdépendances entre l’organisation territoriale de la République et l’esprit de défense.

La seconde table ronde sera nourrie par des témoignages sur les enjeux territoriaux et les acteurs de la réserve militaire.

Ces deux tables rondes s’enchaîneront « au pas militaire » parce que nous veillerons à ce que les interventions à la tribune soient à la fois synthétiques et précises pour nous permettre d’échanger avec l’auditoire et laisser une place la plus importante possible aux questions.

Nous accueillerons enfin pour une intervention de clôture le Général d'armée André Helly.

Je vous propose de débuter immédiatement par l’exposé de M. Serge Morvan.

Monsieur le directeur général, l’avant-projet de loi de réforme de décentralisation de l’action publique a été transmis au Conseil d’État. Il devrait être présenté en Conseil des ministres le 10 avril avant d’entamer son parcours parlementaire au Sénat 6 puisqu’il s’agit d’un texte qui intéresse les collectivités. J’ai parcouru et lu presque intégralement les 204 pages, les 124 articles de ce texte très dense dont l’axe principal est de rétablir la confiance entre l’État et les collectivités territoriales en posant les règles d’une nouvelle gouvernance territoriale. Mais ceci sera votre propos, Monsieur le directeur général.

Exposé introductif

Serge Morvan

Les grands axes du projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique

Merci beaucoup de m’avoir invité. Comme vous, Madame, je suis toujours impressionné par les uniformes. D’abord parce que mon père était militaire et ensuite parce que j’ai fait mon service « militaire » (à l’époque, il ne s’appelait pas encore service national) dans la cavalerie, au 2 ème

régiment de hussards7.

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J’essaierai d’être bref même si le texte est dense. Certains le disent « touffu » mais les critiques sont inévitables sur un tel texte, qui traite d’un sujet fondamental, sociétal : l’organisation et les liens entre nos pouvoirs publics nationaux ou locaux. 1 800 000 fonctionnaires de la fonction publique territoriale sont concernés, directement ou indirectement, par ce projet de loi qui concerne aussi les 36 500 communes, les 101 départements - dont ceux d’Outre-mer -et les 26 régions de France, sans parler d’environ 3000 intercommunalités8.

Pourquoi un projet de loi de décentralisation ?

Ce n’est pas le premier et ce n’est peut-être pas le dernier.

Plusieurs raisons, plusieurs constats sont à l’origine de ce projet de loi de décentralisation :

On ne peut ignorer les difficultés récentes à établir un dialogue confiant entre l’État et les collectivités territoriales. Les collectivités territoriales reprochent à l’État des réformes brutales et non concertées, notamment en matière financière. L’État reproche aux collectivités territoriales de ne pas participer aux efforts que lui-même a consenti au niveau national. Il arrive même que les collectivités locales se plaignent de la « concurrence » de l’État, lui reprochant sa présence, son existence même sur les territoires. Ce constat global ne vaut pas pour tous les élus, toutes les collectivités territoriales, tous les services d’État ni tous les représentants de l’État mais il est indéniable qu’une confiance réciproque est à restaurer.

La situation de la France, d’un point de vue économique, budgétaire et financier est aujourd’hui très délicate : des dizaines de mois de hausses consécutives du chômage, une croissance économique en berne. Le modèle de fonctionnement et les compétences concernant le développement économique sont à revoir. Peut-être faudrait-il, plus qu’aujourd’hui, s’appuyer sur les territoires décentralisés, les régions, les départements, les grandes agglomérations de notre pays (le mot « métropoles » est peut-être un peu connoté).

Quels sont les grands axes du projet de loi ?

Nécessité de restaurer la confiance, problème économique de croissance, d’emploi, de jeunesse, d’avenir : ces deux constats principaux sont à l’origine des grands axes d’un projet de loi dont l’intitulé initial « décentralisation et réforme de l’action publique » veut montrer qu’il ne s’agit pas simplement de décentraliser les compétences, les moyens, les effectifs vers les collectivités territoriales mais bien de réfléchir ensemble à une action publique commune.

Aujourd’hui, plus de 90% des politiques initiées par l’État, dans tous les domaines, même ceux qui paraissent les plus régaliens, font appel à un moment ou à un autre aux collectivités territoriales. De ce fait, la « puissance publique » désigne aujourd’hui l’État et les collectivités territoriales (non pas l’État contre les collectivités locales, ni à côté des collectivités locales).

Si cela paraît aller de soi, les problèmes de confiance que je viens d’évoquer imposent la nécessité d’institutionnaliser le dialogue, de le rendre possible, de simplifier, de clarifier l’exercice des diverses compétences, tant entre collectivités territoriales qu’avec l’État pour assurer un dialogue qui ne dépende pas des personnes mais qui soit institutionnel, donc systémique.

Il faut trouver les moyens de faire travailler ensemble tant l’État et les collectivités territoriales que les collectivités territoriales entre elles. En effet, la libre administration des collectivités territoriales9 est un principe fondamental de notre Constitution. S’y ajoute le principe de non tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre10.

Est-on en train de transformer la France en État fédéral ?

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Les régions pourraient être redécoupées pour devenir des provinces, comme en Espagne ou en Italie. On pourrait édifier des matriochkas russes en instituant la tutelle de la région sur les départements, du département sur les communes. Pourquoi pas ? Intellectuellement c’est possible mais ce n’est pas le choix du Président de la République ni celui du Premier ministre. Ce n’est pas le choix de la société française aujourd’hui. Ce n’est pas le choix de la France. Ce projet de loi n’instaure pas un État fédéral ni même confédéral. Il faut en tirer les conséquences.

Il convient d’être « moderne ». Si on est ringard, on parle de communes, de départements, d’État. Si on est moderne, on ne connaît que l’« interco » (intercommunalité), la région, l’Europe. Il faudrait donc supprimer le département, niveau de collectivité territoriale inutile et coûteux . Il suffit de lire les travaux de quelques universitaires ou les éditoriaux de la presse nationale non spécialisée qui affirment que la vraie réforme, la vraie économie consisterait à alléger le « millefeuille » territorial. Vous l’avez lu, vous l’avez entendu, vous l’avez peut-être déjà pensé…

Vous aurez compris que je ne reprends pas du tout ces affirmations à mon compte.

Je ne suis pas d’accord parce que la France est forte de son histoire, de ses institutions. Il ne suffit pas d’être « moderne » et de changer les choses pour qu’elle aille mieux.

Je ne suis pas d’accord parce que le département, par exemple, assure des fonctions, des missions qu’aucun autre niveau de collectivité territoriale n’assure vraiment. Je parle des solidarités sociales et territoriales. Si tout le monde participe aux solidarités territoriales, si les communes participent aux solidarités sociales par le biais des CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), le département est le véritable pilote de l’action sociale. Il est en charge des routes départementales (comme leur nom l’indique…), on a d’ailleurs transféré une partie des routes nationales au niveau départemental. Il est en charge des collèges. En supprimant le département, on pourrait économiser quelques postes de directeurs généraux de services, peut-être quelques postes d’adjoints. Mais les missions sociales, les missions assurées aujourd’hui par le département, seront assurées par d’autres ! Selon une étude – peut-être discutable- de l’Assemblée des départements de France (ADF), la suppression du département coûterait 6 milliards d’euros… Mais à part de grandes envolées lyriques sur les gains espérés, je n’ai pas vu d’étude évaluant ce qu’on gagnerait si on supprimait le département…

Remplacer la commune par les intercommunalités ? Mais la France n’a pas envie de supprimer la commune, brique de base de notre démocratie, parce que le maire est tout à la fois un gestionnaire, l’assistante sociale, le chef de la police municipale - quand il y en a une -, c’est à lui qu’on s’adresse en cas de problème. J’aperçois quelques maires dans la salle, je pense qu’ils se reconnaîtront facilement.

Le parti pris n’est donc pas de céder aux sirènes fédéralistes ni de sacrifier des niveaux de collectivités territoriales mais au contraire de s’appuyer sur ce qui existe sans nier d’éventuels « doublons » générant non pas des gaspillages mais une moindre économie. Il faut certainement organiser cela.

Le projet de loi essaie de répondre à toutes ces préoccupations. C’est peut-être la raison pour laquelle il est aussi dense.

Un premier titre vise à « libérer les énergies » des territoires en leur donnant des compétences nouvelles, notamment aux régions, essentiellement en matière de développement économique, de formation professionnelle, d’orientation, d’apprentissage, mais également en matière de transports pour assurer les conditions d’un développement économique tiré par les régions , aux sens institutionnel et géographique du terme.

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Ce premier titre doit être mis en relation avec celui de la reconnaissance du fait urbain. Aujourd’hui la France compte une quinzaine d’agglomérations de plus de 400 000 habitants qui concentrent toutes les fonctions particulières de développement économique (souvent appuyé sur les nouvelles technologies). Elles représentent plus de 500 000 habitants et disposent d’atouts incontestables pour développer l’économie de leur territoire. Le but est évidemment que cette énergie rayonne sur l’hinterland.

C’est la création des métropoles.

La loi du 16 décembre 201011 avait déjà créé ces catégories d’intercommunalités particulières que sont les métropoles. Mais le projet de loi va plus loin, en leur donnant des compétences en matière de développement économique sur leur territoire complémentaires de celles de la région et les compétences d’accompagnement qui y sont liées.

C’est le pari du développement économique de la région qui superpose à la vision stratégique et déjà péréquatrice entre les divers territoires la vision plutôt « locomotive », « force de frappe » des métropoles.

Paris, Lyon, Marseille présentent des spécificités. Lyon, notamment, est érigée non plus en groupement de communes mais en collectivité territoriale à statut particulier. À Paris, contrairement au reste du territoire national, l’intercommunalité n’est pas achevée. Le projet de loi prévoit l’achèvement de l’intercommunalité à un horizon de deux ou trois ans pour qu’effectivement, en petite et en grande couronnes, on puisse s’appuyer sur l’intercommunalité et pas uniquement sur les communes isolées (même si la taille et la population de beaucoup des communes de la Région Ile-de-France peuvent entraîner des modifications).

C’est du moins ce que dispose le projet de loi en l’état. On en est encore [à la date à laquelle se tient le colloque] à la présentation devant le Conseil d’État, certaines dispositions peuvent changer entre le Conseil d’État et le Conseil des ministres et le débat parlementaire peut changer beaucoup de choses, il suffit de lire les dépêches… Mais pour autant le principe devrait rester le même.

Le premier titre, avec la régionalisation d’un certain nombre de compétences toutes liées à l’emploi, à l’économie, la jeunesse, la formation professionnelle, et la création des métropoles, vise donc à lier « l’horizontal et le vertical ».

Le projet de loi traite ensuite des solidarités territoriales.

Il ne faut pas oublier les territoires qui peuvent être dans une situation défavorisée : territoires ruraux, territoires relevant de la « politique de la ville » dans lesquels l’accès aux services publics, voire l’accès aux services au public n’est pas suffisant. Or le département est historiquement - et reste aujourd’hui - le chef de file des solidarités territoriales.

Il faut donc donner au département des compétences nouvelles :

- en matière de solidarité sociale, (particulièrement en matière de handicap) pour achever le bloc de compétences.

- en matière de solidarité territoriale, pour permettre, grâce à des schémas d’accès, un meilleur accès aux services publics. La notion technocratique de « schéma » n’a en effet d’intérêt que si ce schéma fonde des politiques publiques, une politique territoriale. D’où ces compétences transférées notamment au département.

Une fois effectués ces transferts de compétences -cette évolution institutionnelle en faveur de l’intercommunalité dans les grandes agglomérations- après avoir vérifié que l’évolution des territoires

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n’oublie aucun territoire, aucune population, la question se pose de savoir comment clarifier, simplifier cet édifice tout en prenant en compte la nécessité de contenir, voire de réduire les dépenses publiques au sens large du terme. En effet, nos finances publiques sont aujourd’hui dans une situation très délicate, au niveau national comme au niveau local, avec certains décalages au niveau local. Une situation financière qui, au fil des années, devient de plus en plus difficile pour les collectivités territoriales dont les ressources stagnent et dont les dépenses croissent mécaniquement. Telles les trois allocations de solidarité individuelle, APA (allocation personnalisée d’autonomie), PCH (prestation de compensation du handicap), RSA (revenu de solidarité active) dont l’évolution, traduisant les difficultés de notre économie et le vieillissement de notre population, connaît une augmentation annuelle alors que les ressources ne suivent pas.

Pour réaliser ces objectifs, deux options se présentaient :- la loi du 16 décembre 2010, qui visait, dans l’esprit au moins, une fusion à terme du conseil régional et des conseils généraux ; mesure qui, comme je vous l’ai dit, ne semble pas propre à accroître la démocratie ni à faire de véritables économies.

- le choix inverse qui consiste à s’appuyer sur les niveaux de collectivités territoriales existants en essayant de les faire travailler ensemble. C’est la genèse des conférences territoriales de l’action publique. Ce pacte de gouvernance territoriale peut paraître très complexe, peut-être trop complexe, mais une lecture plus attentive montre qu’il permet simplement à des collectivités « chefs de file », sur des compétences particulières identifiées par la loi, de pouvoir travailler avec les autres dans un lieu particulier institutionnalisé, la conférence territoriale de l’action publique, où tous les élus sont représentés ou présents pour organiser l’exercice de compétences au niveau de la région géographique :

- spécialisation de l’exercice des compétences par d’éventuelles délégations de compétences entre les collectivités territoriales.

- mutualisation éventuelle de services communs, comme le service d’instruction des demandes de subventions, pour la rationalisation des interventions financières et budgétaires en déterminant qui va intervenir au soutien de telle commune ou de telle collectivité sur telle donnée.

Ce pacte de gouvernance territoriale est le « bocal » qui enserre sur cinq ou six compétences la nécessité prévue dans la loi que les collectivités territoriales et l’État travaillent ensemble pour déterminer un exercice de compétences rationnel, efficace et efficient, avec quelques mesures incitatives. Certains parlent, à tort, de sanctions (si le pacte de gouvernance n’est pas conclu, il n’y a plus de possibilité de faire des subventions croisées, il n’y a plus de délégation de compétences possible et le maître d’ouvrage doit augmenter son ticket modérateur). Mais c’est le pari sur « l’intelligence des territoires » qui leur permettra de travailler ensemble et de se mettre d’accord sur un exercice de compétences, avec, éventuellement, une petite incitation du législateur.

L’essentiel du projet de loi réside dans les mesures propres à assurer le développement économique (emploi, formation professionnelle, orientation etc.) et dans ce mode d’organisation interne aux régions géographiques, pour lesquelles on restaure un travail commun entre collectivités territoriales (lorsqu’il n’existait pas) et entre les collectivités territoriales et l’État, avec, c’est vrai, quelque complexité d’écriture juridique dans le cadre des contraintes constitutionnelles qui sont les nôtres.

Pour le reste, il prévoit un meilleur contrôle par la population des documents budgétaires, des rapports de la chambre régionale des comptes.

Ceci ne peut pas se faire au détriment des agents de l’État ni des agents des collectivités territoriales. D’où les mesures spécifiques qui reprennent pour une bonne partie ce qui a déjà été mis en place lors des lois de décentralisation antérieures en matière de transfert de personnels de l’État aux

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collectivités territoriales mais qui innovent un peu plus en matière d’éventuel transfert de personnels entre collectivités territoriales.

Il prévoit quelques mesures financières mais la plupart des mesures financières fiscales et budgétaires relèvent de la loi de finances. D’où la nécessité de mener en même temps ce projet de loi et la loi de finances.

De même, il est nécessaire de mener en même temps les lois sur les divers scrutins et, éventuellement, sur le non cumul des mandats.

On peut parler d’une approche globale dont le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique n’est qu’un des éléments.

Une autre mesure, un pas supplémentaire dans la construction intercommunale en donnant des compétences nouvelles, obligatoires ou facultatives, aux intercommunalités, soulève le débat. En effet, l’équilibre nécessaire entre les communes et les intercommunalités doit être préservé. Le gouvernement pense que cette étape supplémentaire va dans le bon sens. Les élus, locaux et nationaux, sont plus réservés sur cette « montée en gamme ». Le débat parlementaire permettra de trouver, j’en suis sûr, le juste milieu.

La loi sera ce que la procédure législative en fera. Et je suis sûr que le projet de loi en sortira amélioré. Je ne dis pas cela parce que nous sommes réunis au Sénat mais parce que j’ai pu le vérifier tout au long de ma carrière. Le texte adopté est toujours meilleur que le projet, non pas dans une approche technocratique ou universitaire, mais parce qu’il est plus applicable. Un ancien directeur général des collectivités locales auprès de qui j’ai commencé ma carrière me disait : « La meilleure réforme, c’est quand même celle qui est adoptée, celle qui est mise en œuvre ». En effet, on peut, sur le papier, prévoir des dizaines de réformes plus intelligentes les unes que les autres mais si elles sont inapplicables, si les élus, relais de la population, n’en veulent pas, cela ne sert à rien.

Si quelques-uns des 124 articles du projet de loi font débat et seront peut-être supprimés ou améliorés, l’idée générale, me semble-t-il, répond aujourd’hui aux difficultés constatées et à la nécessité d’une action publique résolue, des collectivités locales comme de l’État, en faveur de la France.

Laurence Lemouzy

Monsieur le Directeur général, merci. Je sais que des impératifs vous amèneront à nous quitter rapidement mais peut-être avez-vous le temps de répondre à quelques questions.

Dans la salle

Dans le projet que vous avez évoqué on a l’impression que l’État est un peu absent.

Vous parlez de dialogue mais ce que vous avez présenté laisse peu de place au dialogue.

Pouvez-vous nous expliquer quel sera le rôle de l’État dans cette décentralisation ?

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Serge Morvan

Si j’ai donné cette impression c’est que je n’ai pas parlé d’une importante disposition spécifique nationale qui est la création du Haut conseil des territoires, présidé par le Premier ministre, qui regroupera au niveau national des représentants des élus nationaux et locaux et les ministres concernés et débattra en amont de tout projet de loi intéressant les collectivités locales. Il donnera lieu à un débat sur un rapport spécifique créé dans le projet de loi, un rapport de la Cour des comptes sur l’évolution des finances locales préalable aux lois de finances. Il s’agira de tirer parti de ce rapport de la Cour des comptes pour mieux fonder et mieux débattre en amont des dispositions intéressant les finances locales.

Je ne suis pas rentré dans le détail du fonctionnement de la conférence territoriale de l’action publique au niveau local, mais le préfet y sera présent, notamment lorsque la discussion portera sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Il y aura donc un dialogue et une prise en compte réciproque des difficultés ou des questions qui intéressent à la fois l’État et les collectivités territoriales.

Je pourrais prendre l’exemple de la formation professionnelle. Aujourd’hui, l’État garde pour l’essentiel la responsabilité de la politique de l’emploi alors que la politique de la formation professionnelle est totalement régionalisée par le projet de loi (jusqu’à présent, la formation professionnelle des publics difficiles, spécifiques et fragiles restait de la compétence de l’État). Le projet de loi ne fait pas que décentraliser la formation professionnelle aux régions, il prévoit aussi des projets de gouvernance commune entre les services de l’État et les services des régions, notamment pour assurer une liaison étroite entre la formation professionnelle et la politique de l’emploi, au niveau local comme au niveau national. Si le projet de loi, en l’état, s’intitule « décentralisation et réforme de l’action publique », c’est bien qu’il veut prendre en compte les questions qui intéressent à la fois l’État et les collectivités territoriales et, de manière générale, la modernisation des politiques publiques et de l’action publique. Ceci étant dit, beaucoup de dispositions concernant l’État sont de niveau réglementaire et non législatif. Elles ne peuvent donc pas être intégrées à un projet de loi mais elles doivent être menées parallèlement, y compris en termes d’évaluation des politiques publiques. Je vous renvoie aux prochaines conclusions du comité interministériel sur la modernisation de l’action publique qui sera tenu par le Premier ministre le 2 avril prochain 12 et qui, sur des sujets qui concernent la maîtrise des normes et les évaluations de politiques publiques, fait bien le lien entre collectivités territoriales et modernisation de l’action publique. Comme je le disais tout à l’heure, la démarche est une démarche globale, non celle d’un seul projet de loi pris isolément. J’espère avoir répondu à votre question.

Alain Geiss13

Monsieur le Directeur général, je me permets de me présenter, je suis correspondant régional entreprises-défense pour la Champagne-Ardenne et trésorier de la Chambre de commerce de la même région.

J’ai entendu avec intérêt ce que vous avez exposé au niveau de l’accroissement des pouvoirs des conseils régionaux en matière de développement économique. Comment percevez-vous la synergie et la complémentarité avec les chambres de commerce ? Sur le terrain, nous vivons cela de façon, sinon conflictuelle, au moins complexe étant donné que ces sujets entrent dans nos compétences. De plus, des agences de développement économique se créent dans les collectivités territoriales, dans les groupements d’agglomérations, au conseil général… ce qui fait qu’au niveau du développement économique on ne sait plus trop qui fait quoi !

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Serge Morvan

Votre remarque justifie les deux articles du projet de loi sur le développement économique et sur la clarification des compétences entre la région et d’autres niveaux de collectivités territoriales : les métropoles mais aussi les chambres de commerce. Si on ne peut revenir sur le fait que les chambres de commerce sont des établissements publics d’État (et pas des établissements publics régionaux) et qu’une collectivité territoriale n’a pas la compétence de coordonner l’État, des dispositions du projet de loi prévoient les conditions d’un travail en commun pour garantir que les schémas et les politiques des uns et des autres soient coordonnées. Je ne peux pas rentrer dans le détail de ces dispositions mais sachez que cet élément-là n’a pas été oublié. De même sont prévues des agences de développement économique régionales, des comités d’expansion économique départementaux etc. D’où la nécessité d’identifier un chef de file, « un chef dans tout ça », pour employer une expression qui, ici, résonne.

Dans la salle

J’ai été sensible à votre souci de dialogue entre les institutions mais le dialogue passe aussi par les hommes, pas seulement les élus mais les fonctionnaires d’État, territoriaux etc.

Comment stimuler ces mobilités inter-fonctions publiques, éventuellement avec des systèmes d’alternance des uns et des autres ? Il serait utile que les uns (fonctionnaires d’État) et les autres (fonctionnaires territoriaux) puissent échanger et se connaître.

Serge Morvan

C’est un sujet difficile, vaste. Dommage que vous n’ayez pas été là le mercredi 27 mars au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale14 (dont je salue l’arrivée du président et reconnais dans la salle un certain nombre de membres). Nous avons eu de longs débats sur ce sujet, comme nous en aurons au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État le 2 avril prochain15 puisque nous avons une consultation prévue sur ces dispositions.

C’est un sujet complexe parce que les deux « volets » de la fonction publique (je mets de côté le volet hospitalier) que sont la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale, subissent - plutôt qu’elles n’y sont associées - ces modifications régulières et fréquentes. Les transferts sont parfois traumatisants, en tout cas difficiles, pour certains et le fait de ne pas savoir ce qui va se passer, de plonger dans l’inconnu, peut inquiéter beaucoup d’autres.

À cela, plusieurs réponses sont apportées.

Un bilan peut être effectué des transferts, beaucoup plus massifs qu’ils n’avaient été prévus par la loi du 13 août 200416 (qu’on appelle parfois « l’acte II » de la décentralisation). Le nombre des transferts de compétences (personnels, techniciens et ouvriers, des services des collèges et des lycées, personnels des services de l’équipement) prévus par cette loi a été dépassé, touchant des dizaines de milliers de personnels. Beaucoup d’entre eux ont été contraints et forcés même si un certain nombre de dispositions garantissaient leurs droits le plus possible. La plupart d’entre eux ne l’ont pas regretté. Je parle d’expérience : statutairement fonctionnaire de l’État, j’ai moi-même été détaché dans des collectivités territoriales à de multiples reprises dans ma carrière, notamment comme directeur général des services de deux conseils généraux (Saône-et-Loire et Seine-Maritime). Les conditions d’exercice et de travail des fonctionnaires, qu’ils soient détachés, ou mis à disposition ou de la fonction publique territoriale ou des collectivités publiques territoriales, se rapprochent aujourd’hui des conditions de

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travail des fonctionnaires de l’État dans les services de l’État territoriaux. Parfois, certains emplois, certaines fonctions bénéficient même de quelques avantages supplémentaires dans certaines collectivités territoriales.

L’expérience nous montre qu’il faut informer et associer le plus possible les fonctionnaires concernés aux décisions qui vont les concerner. Ce n’est pas toujours le plus facile. Mais il faut essayer de le faire le plus et le mieux possible. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale joue un double rôle, dans la prise de décisions mais aussi dans cette information. Mais l’information doit être institutionnelle, assurée par les services de l’État, par le ministre.

Il faut aussi assurer une neutralité de ces passerelles en termes de garanties minimum et d’intérêt des emplois. Sur l’intérêt des emplois, je ne m’inquiète pas. Je garde un souvenir fort de postes extraordinaires dans les collectivités territoriales.

Entre collectivités territoriales, cela se révèle parfois un peu plus complexe (50 000 employeurs !). Les conditions sont à la fois encadrées par la loi et individuellement définies. Il faut là aussi arriver à des garanties suffisantes assurées dans de bonnes conditions. Il en est de même en matière d’information et d’association, que ça soit entre collectivités territoriales ou entre l’État et les collectivités territoriales.

Il reste que ce sont des choix politiques forts faits par la loi, par la décision des élus, qui donnent forcément lieu à des obligations. Ce n’est jamais agréable mais c’est le lot des fonctionnaires.

J’espère avoir répondu à vos questions. Ce type de rencontre est aussi l’occasion d’informer et d’échanger.

Merci beaucoup à vous et bonne continuation dans votre colloque.

Table ronde N° 1

« Modernisation de l’action publique et esprit de défense »

Laurence Lemouzy

Pour présider cette table ronde, Arnaud Richard, député des Yvelines, remplace au pied levé M. Jean-Pierre Balligand, co-président de l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation, conseiller général de l'Aisne, qui a dû se rendre au Familistère Godin à Guise en raison d’une visite ministérielle. Il vous prie de bien vouloir l’en excuser.

Arnaud Richard, j’imagine que la conclusion du Directeur général des collectivités territoriales ne vous a pas laissé de marbre. Il est plein d’espérance dans le rôle du Parlement pour parfaire le texte. J’imagine que vous n’y manquerez pas. Vous avez particulièrement appréhendé le fait urbain dans vos fonctions précédentes, lorsque vous étiez conseiller parlementaire auprès de Jean-Louis Borloo, alors ministre de la Ville. Vous avez participé à la construction du Plan de cohésion sociale, à la naissance

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du Programme national de rénovation urbaine. Vous avez travaillé sur des enjeux financiers comme la Dotation de solidarité urbaine et le Programme de réussite éducative. Et enfin, vous avez participé au Grenelle de l’environnement. Vous savez donc ce que sont les principes de bonne gouvernance territoriale !

Merci pour votre présence. Merci pour votre « force d’intervention rapide », si je peux me permettre, qui vous permet d’être avec nous pour ouvrir cette table-ronde.

Arnaud Richard

Merci. Bonjour à tous.

Je veux d’abord saluer le sénateur André Dulait, membre du Conseil supérieur de la réserve militaire, qui nous fait le plaisir de nous accueillir dans sa maison.

Mesdames et Messieurs les officiers généraux, Monsieur le Maire de Vitry-le-François, Mesdames et Messieurs les représentants des partenaires sociaux et des associations de réservistes, cher Philippe Laurent, Mesdames, Messieurs.

J’ai effectivement la rude tâche de remplacer au pied levé Jean-Pierre Balligand, retenu dans l’Aisne.

En acceptant d’être partenaire de ce colloque organisé sous l’autorité du Contre-Amiral de Roquefeuil, l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation manifeste une première conviction, celle de considérer que la décentralisation, après trente ans de bons et loyaux services, réforme après réforme, risquait de se trouver dans une impasse. Je n’ai pas voulu interrompre le Directeur général tout à l’heure mais je garde le souvenir de premiers ministres qui, animés par une véritable ambition pour la décentralisation, virent sortir des débats parlementaires (en particulier au Sénat) un texte qui n’avait plus rien à voir avec le projet de loi. La loi d’août 2004 17 n’était pas exactement le projet du Premier ministre de l’époque !

Il manifeste une autre conviction qui concerne l’évolution de nos sociétés, à savoir que la décision publique n’est plus dans la seule verticalité de l’autorité mais procède de la capacité à créer des dynamiques entre l’ensemble des acteurs tout en respectant leur légitimité. Vous qui êtes des hommes et des femmes de réseaux, vous savez combien ces dynamiques collégiales sont importantes aujourd’hui dans la société française. En effet, j’ai eu la grande chance, auprès de Jean-Louis Borloo, de connaître la « force de frappe » du Grenelle de l’environnement quand on arrive à rassembler l’ensemble des acteurs autour d’une table.

En participant à ce colloque, l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation manifeste aussi l’idée que le temps des choix est venu, car l’État est ruiné. Il faudra tenir bon sur les réformes et, très certainement, modifier massivement l’organisation institutionnelle de notre pays pour plus d’efficacité, d’efficience et de rationalité. À cet égard, l’institut de la Décentralisation considère que la réforme de l’État doit être faite sur le principe de la subsidiarité. Son nom-même : « Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation » est l’expression de cette volonté.

À cet égard, quelques points saillants sur lesquels le Directeur général s’est déjà exprimé :

Faut-il perpétuer un cumul des mandats souvent excessif ? Il ne faut pas aller dans l’excès dans la disparition du cumul des mandats. Et ce ne sont pas toujours les élus nationaux les plus cumulards !

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À notre sens il faut faire du Sénat la vraie chambre des collectivités territoriales qu’elle est déjà, pourquoi pas en y plaçant de droit les présidents de régions et ceux des grandes agglomérations ?

Il est nécessaire, à notre sens, d’orienter notre pays vers une inflexion régionale, comme l’a dit le Directeur général, en donnant à la région un chef de file mais surtout en confiant un pouvoir normatif à cette gouvernance.

Un sujet me tient à cœur, c’est la démocratisation de l’intercommunalité par l’élection au suffrage universel direct du président de l’intercommunalité. Cela paraît ambitieux mais on y viendra.

Il faut encore spécialiser et hiérarchiser les interventions des collectivités en souci d’efficience et de rationalité et repenser la péréquation financière, ce qui est extrêmement compliqué : tout le monde est d’accord pour le faire depuis toujours mais quand on se retrouve au comité des finances locales, chacun des types de collectivités (bourgs centres, villes de montagne, villes en zone urbaine sensible, villes en zone rurale, grandes communes…) veut favoriser sa DGF (dotation globale de fonctionnement). Cette péréquation horizontale commence à voir le jour (grâce, notamment, à la réforme de la DSU18, l’un des plus grands « hold-up » qu’on ait réussi pour les dotations de l’État avec Jean-Louis Borloo et, à l’époque, le soutien du Sénat) mais il reste beaucoup à faire.

Je crois important d’adopter une vision de la République où le principe d’égalité ne serait pas simplement géré par l’uniformité de la règle - la République est tout sauf uniforme – mais plutôt par des institutions territoriales qui prendraient davantage en compte les réalités de terrain.

Le directeur général nous a présenté ce texte de façon assez convaincante, c’est pourquoi j’ai hâte de découvrir la teneur des 124 articles. Nous considérons, à l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation, qu’il faut éviter l’écueil du localisme et de la défense de l’intérêt de tel ou tel type ou catégorie de collectivité locale. La situation financière du pays ne nous permet plus ce genre d’exercice. Nous sommes dans une situation où l’unité de l’action publique, la cohérence des politiques publiques et l’efficience de l’intérêt général doivent être mises en avant. Il faut se recentrer sur les valeurs profondes de notre République et sur les aspirations essentielles des Français.

Il est en effet important de rétablir la confiance entre les acteurs, les producteurs de la décision publique et de l’action publique sur le territoire. Faut-il passer par le Haut conseil des territoires, par la Conférence territoriale de l’action publique ? Je ne sais pas car je n’ai pas compris exactement ce que c’était. J’imagine que ce sera formidable… En tout cas, retrouver la fonction de commissaire du gouvernement du préfet ne peut être qu’une bonne chose.

Faut-il institutionnaliser le dialogue autant que vous le dites ? Je me pose la question. Il est des territoires où les choses se passent admirablement : je pense à l’Alsace qui a toujours le souci de la dépense publique et veille à ce que l’ensemble des niveaux de collectivités locales se parlent et dépensent à bon escient. En tout cas, tout ce qui permettra de rationaliser et de rendre plus efficace et efficiente la dépense publique me paraît aller dans le bon sens, dans le cadre de la libre administration des collectivités, jugé très important dans cette maison. On se souvient du très gros rapport de Michel Mercier19 qui dit tout sur le sujet.

Sous le mot de « décentralisation » contenu dans l’avant-projet de loi dont nous aurons bientôt connaissance, on discerne la projection territoriale de l’État : nous sommes encore dans une culture de la délégation. Le directeur général l’a reconnu. L’évolution du discours au plus haut niveau est un vrai sujet. Si l’État a fait un pas en acceptant l’idée de donner un pouvoir réglementaire aux régions, il faut aller un peu plus loin. Par la « substantifique moelle » qui est celle de l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation, nous sommes très attachés à cette idée.

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J’ai hâte de voir le texte sur les métropoles, sur les compétences et les délégations données aux « interco ». Nous sortons, il faut bien le dire, d’un épisode assez difficile, surtout en Ile-de-France, avec la mise en place de carte de l’ « interco ». Faut-il aller plus loin si vite, dès 2016 ? Tout cela me paraît un peu rapide. Pour autant j’ai beaucoup apprécié le principe des « carottes », des mesures incitatives, en fait des contraintes, qui n’étaient pas dans les usages de la DGCL (Direction générale des collectivités locales) dans les anciennes modifications des intercommunalités, puisqu’il y a là une bonification de la DGF (Dotation globale de fonctionnement).

La table ronde qui s’ouvre doit nous permettre de commencer à trouver entre nous des réponses à trois questions :

Quelles seront les conséquences de ce texte sur la relation entre la présence militaire territorialisée, son impact sur la cohésion sociale et le développement économique des territoires ? C’est un sujet majeur pour notre pays et l’industrie de défense est un sujet majeur.

Comment sera mené le dialogue dans le cadre de la prochaine loi d’orientation, qui ne sera pas neutre de conséquences pour notre pays ? Nous avons eu quelques semblants de réponses concernant le dialogue entre l’État, les régions, les départements et les agglomérations.

Quelles vont être les conséquences sur l’esprit de défense, sur la réserve et sur les effectifs des collectivités territoriales après cette réforme qui s’avère importante pour notre pays ? Amiral, vous nous en parlerez, j’imagine, avec Philippe Laurent.

Merci de votre écoute. Je tenais à vous dire deux ou trois mots au nom de l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation et de Jean-Pierre Balligand que je vous prie de bien vouloir excuser à nouveau.

Laurence Lemouzy

Monsieur le député, merci. Vous avez annoncé les questions qui vont articuler cette table ronde.

Monsieur Jean-Paul Bodin. Vous êtes secrétaire général pour l’administration, membre du corps des contrôleurs généraux des armées. Les thèmes de la réforme de l’État et les réalités territoriales ne vous sont pas inconnus dans la mesure où vous avez exercé une période au Commissariat à la réforme de l’État de 1995 à 1997 comme chargé de mission pour la réforme de l’administration territoriale et de la déconcentration. J’imagine que vous avez été sensible à la phrase de Serge Morvan énonçant que la puissance publique était l’addition de l’État et des collectivités locales.

Nous vous avons demandé de mettre en perspective « l’acte 3 » et les transformations du ministère de la Défense. Merci

Jean-Paul Bodin

« La transformation du ministère de la défense »

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Monsieur le sénateur, Monsieur le député, Messieurs les maires, Messieurs les officiers généraux, Mesdames et Messieurs.

Je vais essayer de restituer la réforme que vit le ministère de la Défense depuis 2008 par rapport aux sujets évoqués. Certains d’entre vous pourraient d’ailleurs en parler mieux que moi, notamment sur le thème de la relation entre les armées et les collectivités territoriales.

J’ai vécu cette période à travers les fonctions que j’ai occupées auprès des trois ministres successifs comme directeur adjoint de cabinet et comme secrétaire général pour l’administration. Pour avoir suivi, auprès d’Hervé Morin, Alain Juppé et Gérard Longuet, le dossier des restructurations territoriales et m’être souvent déplacé sur le territoire, je peux apporter quelques témoignages sur cette période et sur la façon dont les choses se sont réglées, notamment avec les collectivités locales, avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de réussite. Je crois qu’on peut en tirer quelques enseignements.

Cette réforme est parfois présentée comme la plus importante depuis 1962. En fait, le ministère de la Défense est en réforme permanente depuis les années soixante et nous avons essayé de franchir une nouvelle étape, extrêmement lourde, extrêmement forte, qui se traduit, après les travaux menés dans le cadre d’un Livre blanc, par une loi de programmation militaire prévoyant la suppression de plus de 54 000 postes. Fin 2012, 37 474 postes avaient été supprimés.

Des efforts extrêmement importants ont été demandés au ministère :

Des réductions d’effectifs contre l’engagement que les économies réalisées seraient intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel et des équipements. La situation des finances publiques depuis 2010 est telle que le retour n’est pas celui que le ministère attendait. Mais la situation du budget de l’État est ce qu’elle est et il faut bien que la défense contribue aux recherches d’économies.

Une transformation très importante en termes d’organisation et d’implantation territoriale. Plus de 80 suppressions d’unités (18 régiments, 19 bâtiments de combat, 8 bases aériennes), 48 transferts d’unités ont été effectués.

Et le passage à un système interarmées, notamment avec la création des bases de défense. Monsieur le sénateur, vous avez produit un rapport sur les bases de défense20 dont nous essayons de tirer profit mais c’est une réorganisation complète du soutien, donc du fonctionnement des armées au quotidien que cette réforme met en place.

Ces dissolutions, ces réorganisations ont des conséquences pour le territoire.

Aujourd’hui, en France, 25 départements n’ont plus de présence militaire en dehors du délégué militaire départemental (DMD) et de la gendarmerie, ils n’ont plus d’unité militaire en tant que telle. Certaines régions (l’Ouest, la Normandie…) sont devenues des déserts militaires.

Cet effacement a nécessairement des conséquences sur notre relation avec la population, avec les collectivités locales, sur notre implantation sur les territoires. Il peut avoir des conséquences sur le « lien armée-nation » dans lequel la réserve joue un rôle important. Je reviendrai sur la façon dont nous sommes organisés pour en tirer les conséquences pour les territoires.

Au sein du ministère de la Défense lui-même, des exercices de réorganisation interne importants ont été effectués dans le cadre de la RGPP21, dont l’objectif est une réorganisation des services de l’État en vue de réaliser des économies. «Modernisation de l’action publique», « réforme de l’État », « révision générale des politiques publiques », ont un objectif unique : essayer de faire mieux fonctionner l’État avec moins de moyens.

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Cet exercice a concerné tous les domaines du ministère. Il s’est traduit par une réorganisation de la fonction financière : réorganisation de la fonction gestion des ressources humaines, création de nouvelles structures interarmées (tel le service du commissariat des armées unique), agence unique de reconversion des militaires … et beaucoup d’autres mouvements que vous connaissez.

Nous évaluons les économies réalisées à environ 1 600 millions d’euros qui ont été réutilisés pour financer des mesures en faveur du personnel. En effet, la mise en place de nouvelles grilles indiciaires au profit du personnel militaire, annoncée en 2007, n’était pas financée et il a fallu la financer dans le cadre de la mise en œuvre de la programmation militaire. Ces nouvelles grilles se sont traduites par deux grilles pour les sous-officiers. Des mesures catégorielles furent aussi financées (78 millions d’euros par an en moyenne).

Ces économies ont aussi abondé les dépenses d’équipement qui ont beaucoup augmenté durant cette période (commandes prévues par la loi de programmation et arrivée d’un certain nombre de matériels). Nous avons bénéficié de quelques « coups de pouce », tel le plan de relance qui a permis l’arrivée d’un BPC (bâtiment de projection et de commandement) supplémentaire et l’achat de matériels dans les différentes armées, notamment des matériels nécessaires pour les OPEX.

Je viens de décrire une réforme globale, avec des restructurations extrêmement importantes, extrêmement difficiles. Si, globalement, les choses se sont plutôt bien mises en place, il subsiste quelques difficultés, notamment dans le domaine des systèmes d’information . Les incidents que nous avons connus depuis quelques mois en raison de la mise en place du système d’information relatif au paiement de la solde22 montrent bien qu’on a beau essayer de tout prévoir, des difficultés surgissent et elles ne sont pas toujours très faciles à régler.

Je voudrais revenir sur les conséquences territoriales, puisque c’est le thème de ce colloque.

Cette réforme, je vous l’ai dit, a des conséquences lourdes : non seulement 25 départements n’ont plus de présence militaire mais des territoires ont été frappés dans leur économie par l’évolution de nos structures. Le transfert d’un régiment a, pour une ville comme Noyon, des conséquences importantes. Il en est de même pour Arras quand on y ferme la dernière unité militaire ou pour Reims quand elle perd sa base aérienne.

Il a fallu accompagner ce plan de réorganisation, de restructuration, de mesures économiques de soutien des territoires.

Un dispositif a été mis en place, annoncé dès 2008 par le Premier ministre de l’époque. Il prévoyait la mise en place des contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD), des plans locaux de redynamisation (PLR) et une enveloppe de 320 millions d’euros, destinée à aider les territoires à supporter ce choc.

Au bilan, un peu plus de 50 contrats et plans ont été signés (48) ou vont être signés. Fin 2012, l’objectif était quasiment atteint. Quelques difficultés subsistent outre-mer.

Dans certains départements, tel le vôtre, Monsieur le député, les choses furent relativement faciles. Les Yvelines ont supporté la fermeture du 5ème régiment du Génie à Versailles avec un minimum de difficultés réglées par des négociations avec la ville de Versailles sur le devenir du patrimoine immobilier de la ville.

Dans d’autres départements, nous avons tenté, lors de la mise en place de ces contrats, une double action : développer des activités nouvelles et aider les entreprises existantes à créer des emplois.

Je prends l’exemple du contrat signé pour Laon-Couvron (Aisne), où le transfert du 1er RAMa (1er

régiment d’artillerie de marine) à Châlons-en-Champagne s’est traduit par la perte d’environ 900

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emplois. Les deux sénateurs de ce département se sont beaucoup impliqués dans les discussions menées pendant plusieurs mois avec le Conseil général et la ville de Laon afin de décider de l’utilisation de cette emprise très vaste, au départ une base aérienne de l’OTAN récupérée ensuite pour installer un régiment, donc des terrains pollués et mal desservis. 350 hectares sur les 470 libérés deviendront le site d’un circuit dédié à la pratique du sport automobile dans un but ludique et touristique. L’État apportera 10 millions dans ce projet évalué à 38 millions d’euros, les deux tiers venant de la Défense. On espère créer 730 emplois. C’est un exemple extrêmement concret de type de mesure que l’on a pu mettre au point.

Autre exemple : à Arras, qui a connu une présence militaire extrêmement importante au fil des siècles, nous avons libéré plus de 70 hectares dans le centre-ville, notamment la Citadelle. Avec la ville, nous avons contribué, notamment au sein de la Citadelle, à installer des services administratifs mais aussi à faire du logement étudiant et à créer un site d’accrobranche. Nous participons également au développement d’un pôle nautique.

Donc, des actions très différentes les unes des autres, avec des résultats plus ou moins forts selon les territoires et plus ou moins porteurs en termes de création d’emplois.

Quels enseignements peut-on en tirer ?

La réussite dépend beaucoup de l’implication des collectivités locales. Je pense à une base aérienne de Champagne où nous avons les pires difficultés à réunir les élus autour de la table pour trouver une solution, deux petites communes réussissant à bloquer la mise en place de tout projet.

Il est essentiel, pour réussir à aboutir, d’avoir en face de nous les collectivités locales bien structurées, bien organisées. On ne peut pas se contenter d’un dialogue avec une commune. La base aérienne de Cambrai, par exemple, sise sur deux départements, avec quatre ou cinq communautés de communes, nécessite une structure de dialogue qui dépasse la communauté de communes stricto sensu. Il faut souvent mettre autour de la table la région et le département si on veut que les choses avancent. Cela fonctionne bien quand les collectivités locales acceptent de se structurer, de dépasser les antagonismes politiciens, électoraux, et essaient de travailler avec nous de façon très étroite. De même, l’implication du préfet ou du secrétaire général pour les affaires régionales est très importante pour faire aboutir les choses.

Il faut nuancer ce bilan :

Nous avons eu très peu d’aides pour la reconversion de nos personnels . La mobilité entre les collectivités publiques est faible. Très peu d’agents du ministère (je pense notamment aux personnels civils) ont pu être repris par des collectivités locales, bien que le ministère fût prêt à prendre à sa charge la différence de salaire. S’il y a eu quelques actions de reconversion en faveur du personnel militaire qui arrive en fin de contrat, cela reste modeste.

Un problème de reconversion se pose pour les très vastes emprises, comme les bases aériennes. Reconvertir 450 ou 500 hectares souvent pollués, bombardés, est difficile.

Enfin, les mois qui viennent verront inévitablement d’autres restructurations. Dans cette perspective, il faut que nous soyons plus exigeants dans le financement de projets. Ne devront être financés que les projets qui permettent de reprendre nos emprises. En effet, même cédées pour l’euro symbolique, ces emprises n’intéressent pas toujours les collectivités locales. Il est donc impératif de soumettre le financement à la reprise des emprises dans le cadre de projets qui en font un facteur de redéveloppement économique.

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Laurence Lemouzy

Merci. Le tour de table continue.

Philippe Laurent. Maire de Sceaux, président du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale, vous êtes un expert averti de l’action publique, un inspirateur de la revue « Pouvoirs locaux » et aussi d’un certain nombre d’idées portées par l’Institut de la décentralisation. Vous êtes aussi enseigne de vaisseau de première classe de réserve, une raison de plus, s’il en fallait une, pour vous remercier de votre présence.

Je vous donne la parole pour traiter des conséquences du texte à venir sur les services et les personnels de la fonction publique territoriale.

Philippe Laurent

« Quelles conséquences sur les services et les personnels de la fonction publique territoriale ? »

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Je veux d’abord saluer cette initiative du Conseil supérieur de la Réserve militaire, qui a choisi comme thème de ce colloque « Territoires et esprit de défense » et remercier son secrétaire général, le contre-amiral Antoine de Roquefeuil, de son invitation. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) ont récemment relancé une collaboration positive, précisément pour examiner les conditions dans lesquelles nous pourrions améliorer et développer cette mobilité à laquelle nous aurions tous à gagner.

C’est pour moi une grande joie et un honneur de participer à cet événement et d’y associer les membres du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale ici présents avec lesquels, mercredi dernier, nous avons examiné pendant neuf heures les dispositions de l’avant-projet de loi « de décentralisation » qui concernent la fonction publique territoriale.

Pour répondre à la question qui m’est posée, je rappellerai rapidement le contexte actuel du monde local, en insistant sur l’articulation de plus en plus forte entre territoires et personnels, je préciserai enfin quelques enjeux de ces évolutions des territoires pour les personnels et leur gestion.

Les questions de territoires et de personnels sont de plus en plus liées.

Ce thème, alors que nous entrons dans une nouvelle phase de décentralisation et de réorganisation en profondeur du monde local, est de la plus grande pertinence. Vous avez rappelé combien la Défense nationale est concernée et impliquée dans les questions complexes, difficiles, parfois douloureuses, de réorganisation et de restructuration qui ont touché les personnels et les territoires.

Vous avez rappelé l’apparition dans notre pays de « déserts militaires ». 25 départements n’ont plus de présence militaire du fait de la fermeture d’unités ou d’établissements. Mais il est fort probable qu’ils correspondent à autant de « déserts publics » car tout est lié. De nombreux services publics disparaissent des territoires. Le risque de la raréfaction de la présence publique menace notre pays. Ce risque est dénoncé de manière récurrente par les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France et l’Association des petites villes de France qui se battent contre cette tendance malheureuse de la raréfaction de la présence publique, dont on peut comprendre les causes, mais qui pose véritablement un problème dans l’organisation même de la société française.

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Il m’est arrivé de participer, dans différentes instances, à des réunions de « réflexion prospective » (où j’étais souvent le seul élu local présent) où l’on prédisait que l’ « i-administration » allait permettre la disparition des implantations de services publics puisque toutes les démarches et formalités se feraient désormais par internet. Je suis maire d’une ville de 20 000 habitants (Sceaux) qui n’est pas réputée pour abriter une population spécialement défavorisée, située en plein cœur de l’agglomération parisienne, assez bien reliée, malgré les difficultés du RER, aux communes voisines et à Paris. Je peux vous assurer que la simple hypothèse d’une diminution des horaires d’ouverture de la mairie, de nombreuses démarches pouvant s’effectuer via internet, soulève un tollé ! En effet, beaucoup de personnes viennent chercher aussi à la mairie une forme de relation sociale, un contact humain, un conseil personnalisé qu’elles ne trouveraient pas devant un écran…et je ne pense pas seulement aux personnes âgées !

Cet aspect humain est extrêmement important et nous devons le garder à l’esprit lorsque nous sommes tentés de « rationaliser » le service public. Dans ce cadre, le rôle des personnels de la fonction publique territoriale est absolument primordial. C’est un rôle de proximité, un rôle d’accompagnement des personnes et des familles. À la différence d’une partie de la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale a un rôle de prestation de services . C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les agents de catégorie C sont très largement majoritaires au sein de cette fonction publique territoriale. Les collectivités locales, notamment les communes, à un moindre degré les intercommunalités et les départements sont, avec un fonctionnement particulier, des entreprises de prestation de services. Et nous sommes tenus à un résultat de qualité et d’accessibilité de ce service à l’ensemble de nos concitoyens. La fonction publique territoriale a le rôle primordial de tisser du lien social et d’assurer un relais avec les citoyens qui trouvent ainsi, en tout cas nous l’espérons, un interlocuteur privilégié.

C’est la raison pour laquelle nous, élus locaux, sommes toujours très affectés par les critiques récurrentes sur la question des effectifs des collectivités locales.

En effet, depuis un certain nombre d’années, il est de bon ton, dans une certaine presse, de dénoncer l’inflation des effectifs des collectivités territoriales. Ceci nous a conduit, à la demande des associations d’élus (AMF, ADF, ARF), à examiner avec objectivité et sérieux cette question des effectifs. Pourquoi les effectifs ont-ils augmenté, en dépit de la décentralisation et des transferts de compétences rappelés tout à l’heure ? Cette évolution est-elle aussi importante qu’on l’a dit ?

Après six mois de travail, un rapport a été produit à la fin du mois de février 23. Je salue Jean-Pierre Bouquet – que nous entendrons tout à l’heure - qui a été l’animateur de ce groupe de travail au sein du CSFPT.

Nous avons identifié les causes de cette augmentation des effectifs. C’est d’abord le développement des services publics de proximité. Quand nous créons une crèche de 50 berceaux, nous devons embaucher 20 à 22 agents. Oui, nous avons créé des crèches ces dernières années. Il n’est pas certain que nous puissions continuer à le faire dans les années qui viennent, compte tenu des circonstances et des tensions budgétaires. Lorsque nous pallions ce qu’il faut bien appeler un des engagements de l’État, en matière de sécurité et de police, nous créons des postes de police municipale, non sans que ceci pose des questions de fond pas toujours très bien réglées, malgré, Monsieur le sénateur, un excellent rapport24 de vos collègues sur la question. Nous avons des questions et des problématiques à nous poser collectivement sur cette question de la police.

Surtout, nous avons démontré que l’augmentation du nombre d’agents publics territoriaux doit s’apprécier à l’aune de la mesure en équivalent temps plein. Et nous avons constaté, ces dernières années, en équivalent temps plein, une baisse des effectifs des collectivités territoriales. En effet, la diversification des activités, notamment dans le domaine de l’animation, de l’accompagnement scolaire etc., fait qu’il y a beaucoup de personnel à temps partiel dans les collectivités locales, beaucoup plus que dans la fonction publique d’État ou dans la fonction publique hospitalière. En

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mesurant les équivalents temps plein nous avons montré que l’augmentation globale des effectifs, c’est-à-dire de la force de travail, n’était pas aussi importante que ce qui était dit. Notre rapport a été assez bien accueilli et a fait l’objet d’un certain nombre de reprises et de publications.

À terme, l’un des objectifs est d’aboutir à un outil d’observation partagé qui permettra de mettre en relation les effectifs territoriaux avec le développement des services locaux, les taux d’activité et la démographie des territoires.

Dans le contexte actuel d’évolution permanente des territoires, il est nécessaire de disposer d’un outil précis de suivi des effectifs.

L’ « Acte III » de la décentralisation accentue cette mutation.

Le texte qui nous est proposé ne tranche pas, une fois de plus, le nœud gordien de la décentralisation à la française.

Seul l’ « Acte I », la loi Defferre25, fut une vraie loi de rupture. Présentée quelques jours après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, elle fut déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale au lendemain de l’élection de la nouvelle Assemblée nationale, débattue dès juillet et adoptée au mois de janvier suivant. En quelques mois les choses étaient dites et faites. Et c’était tant mieux parce qu’on sait bien que dans ce type de démarche de rupture, dès lors qu’on attend trop, toutes les forces d’influence se mettent en mouvement et on aboutit à un résultat parfois assez peu lisible (je crois malheureusement que c’est le cas de ce texte). La loi Defferre a généré une quarantaine de lois très importantes (chambres régionales des comptes, fonction publique territoriale, transferts de compétences…) qui ont mis quatre ou cinq ans à être élaborées.

Il y eut ensuite ce qu’on appelle en général l’ « Acte II » qui était en fait un acte de transfert de compétences qui ne remettait pas véritablement en cause la structure des pouvoirs. C’est pourquoi j’ai dit que ce n’était pas vraiment un acte de décentralisation.

Si on veut parler d’un véritable acte de décentralisation, je citerais la loi Chevènement de 1999 26 qui a fait « exploser » la démarche intercommunale. Elle a apporté quelque chose de plus qui est la prise en compte du territoire. Tout à l’heure vous parliez fort justement de la nécessité de structures appropriées pour négocier dans un cadre plus large que celui de la commune. Justement, la loi Chevènement a fait émerger ce nouvel acteur qui était là, sous-jacent : le territoire. Et les élus locaux s’en sont saisis. C’est une loi très bien faite qui permet d’avancer selon les territoires, selon l’histoire des territoires, la culture des élus… La loi Chevènement a vraiment permis un grand progrès et je dirais qu’elle constitue le véritable « Acte II ».

Avec ce projet de loi, nous n’avons pas affaire à un « Acte III », c’est autre chose. Je ne peux pas vraiment le qualifier.

Encore une fois, il ne tranche pas le nœud gordien qu’est notre éternelle hésitation entre un jacobinisme tempéré et un fédéralisme modéré :

Il y a des tentations fédéralistes avec une forme de prééminence qu’on souhaite plus ou moins donner aux régions, mais on ne revient pas sur le principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Il y a aussi une forme de jacobinisme parce que l’État n’a pas transféré les compétences, il a délégué les compétences, gardant le pouvoir de normer, conservant la compétence des compétences. Il n’a pas abandonné l’idée qu’il devrait revenir sur certaines de ces compétences si, d’aventure, les collectivités ne les exerçaient pas de manière suffisamment assumée.

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Le seul apport positif et nouveau du texte, me semble-t-il, sans rentrer dans le détail des 200 pages, est la reconnaissance que l’organisation territoriale et institutionnelle du pays peut différer d’un territoire à l’autre. Mais la mise en œuvre de cette reconnaissance est extrêmement lourde et requiert de nouvelles institutions (Haut conseil aux territoires, Conférence territoriale de l’action publique etc.).

Je vous ai livré mon appréciation globale sur le texte.

Un certain nombre des dispositions qu’il contient vont accentuer les mutations territoriales (création des métropoles, promotion des services communs ou des services mutualisés…) qui suscitent une grande inquiétude chez les agents territoriaux. C’est la raison pour laquelle le CSFPT a énormément travaillé sur ces questions (quantité, organisation, recrutement).

Ce sont des défis importants qui sont ainsi posés à la fonction publique territoriale, une fonction publique à la fois de stratégie et de prestation de services dont le revenu est en moyenne plus faible que celui des autres fonctions publiques.

Si tout le monde est conscient de la nécessité des mutations, celles-ci ne laissent pas de susciter inquiétude et appréhension.

En tout cas, dans notre modeste rôle de Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, nous avons essayé d’éclairer nos gouvernants pour que les choses se passent le mieux possible et avec le moins de frustrations possible.

Laurence Lemouzy

Merci.

Amiral, vous allez prendre la parole en forme de clôture de cette table ronde avant l’échange avec l’auditoire.

Permettez-moi de rappeler votre parcours pour nos invités. Vous êtes, depuis 2011, secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire, au ministère de la Défense. Issu de l’école navale, spécialiste de la détection et de la guerre des mines, vous avez notamment participé à la première guerre du Golfe. Depuis 1997, vous alternez le commandement de bâtiments avec les relations internationales et la gestion de ressources humaines, servant alternativement l’état-major des armées et la direction des personnels militaires de la Marine nationale.

Le thème de votre intervention commence à poindre : Quel impact et quel rôle possible de la réserve militaire dans ce moment particulier de réforme de la Défense et de réforme territoriale qui s’annonce.

Antoine de Roquefeuil

« L’impact sur la réserve militaire. Quel rôle possible ? »

Monsieur le Sénateur, Messieurs les élus, Messieurs les officiers généraux, Mesdames, Messieurs,

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J’ai entendu que le développement des services publics dans les collectivités locales était trop coûteux. Grâce à un excellent journaliste27, on sait maintenant que les réservistes travaillent de façon bénévole… La réserve, au moins, ne peut se voir imputer des coûts supplémentaires ! (…)

Plus sérieusement, je vais vous parler de l’implantation territoriale des réservistes en adoptant un point de vue rétrospectif, même si, à la fin de mon exposé, j’apporterai quelques propositions.

L’implantation territoriale des réservistes est une réalité depuis que la réserve existe, depuis l’arrière-ban de la période féodale jusqu’à la loi portant sur l'organisation de la réserve militaire adoptée par le Parlement le 22 octobre 1999, en passant par la création d’un corps d’officiers de réserve, les ORSEM, en 1872.

Churchill disait qu’un réserviste est « doublement citoyen », civil attaché à son territoire, militaire attaché à la Défense nationale. Lorsqu’on rapproche les termes de « territoires » et d’ « esprit de défense », comme dans le titre de ce colloque, on pense très rapidement à la réserve militaire. Si les élus et de nombreux acteurs de la fonction publique territoriale font un travail remarquable pour l’esprit de défense, la réserve militaire reste le gardien de la défense et de l’esprit de défense.

1° Des institutions aident le réserviste à être proche des territoires.

Les associations de réservistes

Les réservistes aiment l’associatif : 450 associations de réservistes en France ! Je ne parle pas des associations d’anciens combattants mais bien des associations de réservistes. 400 d’entre elles au moins sont territoriales. Vous avez certainement entendu parler des AOR (Association des officiers de réserve) et des ASOR (Association des sous-officiers de réserve). Ces 400 associations constituent un excellent relais pour la défense et les armées en diffusant des connaissances sur nos missions, nos capacités etc.

La Journée de Défense et de Citoyenneté

Si l’enseignement dispensé lors des JDC est national, l’implantation territoriale des centres JDC et le réseau local des instructeurs rattachent indéfectiblement ces JDC aux territoires.

L’implication des réserves y est double : les JDC évoquent la réserve et, surtout, de nombreux instructeurs sont des réservistes locaux. Leur témoignage auprès des jeunes est la démonstration d’un engagement local dans la réserve. Le rôle du réserviste est donc important.

Le correspondant-défense

Depuis 2001, un correspondant-défense est institué dans chaque mairie. Nous avons environ 40 000 correspondants-défense en France. Souvent peu coutumiers des pratiques militaires, ils ont besoin, eux aussi, de conseils, d’orientations, d’initiatives. Je sais quel est le rôle joué par les réservistes auprès de ces correspondants-défense afin de les aider à mener les actions de défense dans les communes.

Les trinômes académiques

Le général Duquesne parlera tout à l’heure de ces trinômes académiques qui permettent aux enseignants d’avoir une meilleure information sur la défense. Je sais que de nombreux réservistes y sont impliqués, permettant, là aussi, de diffuser les connaissances de défense.

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2° Une réforme de grande ampleur

Le Secrétaire général pour l’administration, M. Bodin, a déjà évoqué notre grand acte interne de décentralisation ou de réorganisation : la restructuration consécutive au Livre blanc de 2008 et surtout à la RGPP mise en place la même année.

Cette révision, qui a généré au sein des armées une réforme d’une énorme ampleur, a été, paradoxalement, plutôt favorable à la réserve militaire. En effet ce changement profond d’organisation imposé à l’armée a nécessité une analyse détaillée de l’apport de chacun dans une armée réduite (amputée déjà de 36 000 hommes sur les 54 000 prévus). Et depuis 2008 l’emploi des réservistes a été fortement optimisé, permettant aux armées de garder un bon niveau opérationnel . L’apport opérationnel des réservistes dans les armées a été mis en lumière. Aujourd’hui, les chefs militaires reconnaissent qu’ils ne peuvent pas remplir leur contrat opérationnel sans les réservistes, une phrase qu’on n’entendait pas il y a cinq ou six ans. L’optimisation de l’emploi des réservistes a renforcé leur motivation, leur qualification et leur engagement.

J’aimerais revenir sur deux grandes conséquences de cette réorganisation RGPP des armées :

La mutualisation du soutien

Les armées sont désormais organisées en une soixantaine de bases de défense. Le soutien a toujours été un domaine d’emploi des réservistes. De ce soutien de proximité qui était fait armée par armée, on est passé à un soutien géographique interarmées, donc territorial. Dans cette approche logistique nouvelle, plus territoriale, l’apport professionnel des réservistes et surtout la souplesse de fonctionnement qu’ils permettent sont essentiels. En effet, le statut des militaires d’active ne prévoit pas de temps partiel. En revanche, les « militaires professionnels à temps partiel » que sont les réservistes militaires permettent de mieux répondre, lors des pics d’activité, aux sollicitations des unités. J’ai la conviction que cette réforme des bases de défense et de leurs groupes de soutien a été et sera facilitée par l’apport des réservistes.

La désertification militaire

Plusieurs orateurs ont rappelé que dans 25 départements français la présence militaire se résume à la gendarmerie, le délégué militaire départemental (DMD) et une équipe de réservistes. Cette situation confère au réserviste un devoir nouveau au sein de l’armée et auprès de la société civile. Il lui revient d’activer tous les relais qui lui permettent de faciliter sa mission.

Comment faire dans ces départements pour continuer à recruter, pour rester présents dans les esprits de concitoyens qui ne rencontrent plus aucun militaire (à l’exception des gendarmes) si ce n’est lors de la trop brève Journée de Défense et Citoyenneté ? Il revient aux réservistes, autour du DMD, de réinventer la présence de la défense. Le secrétaire général de l’administration a cité quelques initiatives mais il y en a sûrement d’autres.

La réserve de sécurité nationale

Inscrite dans la suite du Livre blanc de 2008, cette composante de la réserve a été particulièrement mise en relief lors des crises graves que nous avons connues, comme celle de Fukushima. Depuis la loi sur les réserves de 1999, tous les textes relatifs à la réserve mettent en avant l’importance de la réserve pour la défense du territoire. C’est la priorité des différents états-majors lorsqu’ils étudient les postes confiés aux réservistes. Nombreux sont ceux qui sont affectés dans la chaîne de défense du territoire, la chaîne OTIAD (Organisation Territoriale Inter-Armées de Défense).

Sans trahir de grand secret, je crois pouvoir dire que, au moins sur ce point, le futur Livre blanc devrait s’inscrire dans la continuité. Les travaux qui ont été menés dans cette maison (Rapport du

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Sénat sur l’emploi de la réserve en cas de crise grave 28) donnent au réserviste une nouvelle dimension locale.

Dans ce cadre, la première responsabilité consiste à préparer un déploiement local pour faire face à une crise majeure. La loi sur la réserve de sécurité nationale votée en juillet 201129, nous fait franchir une nouvelle étape en permettant au Premier ministre de décréter le rappel de tous les réservistes d’une zone (département, région, territoire national). Elle met les réservistes en première ligne. Il leur revient au quotidien, dans la préparation, de coopérer avec les instances civiles pour préparer les conditions d’intervention face à une crise grave. Le CEMA garde bien sûr toutes ses attributions comme commandant opérationnel mais des délégations sont données localement pour que les travaux de planification, en coopération avec l’État, permettent à l’État d’affronter une crise majeure grave. Là, les réservistes ont un rôle majeur. On peut regretter que cette loi qui favorise la décentralisation et l’organisation locale ne soit pas mise en œuvre… faute de décret d’application ! Mais cette loi montre bien l’emploi essentiel que le législateur veut confier au réserviste. L’emploi local est le symbole de la résilience de la nation.

3° Quel peut être l’impact pour le réserviste de ce nouvel acte qui donnera plus de responsabilités aux départements et aux régions ?

J’ai parlé de résilience. Pour que cette résilience soit efficace aujourd’hui et le reste demain, il faudra adapter nos structures et notre organisation à ce nouvel équilibre des pouvoirs. Avec un pouvoir local plus fort, plus étendu, les tâches, les responsabilités accordées aux représentants locaux des armées et services, militaires d’active comme de réserve, doivent être renforcées.

Il n’est pas question de faire une armée par région mais, sans toucher à l’aspect purement opérationnel, nous avons beaucoup d’adaptations à faire qui nous permettront d’être plus forts.

Quelques perspectives

Plus concrètement, en me focalisant sur la réserve militaire, je vois deux axes sur lesquels on pourrait évoluer :

Le Parcours citoyen

Un constat s’impose : le nombre croissant de citoyens français n’ayant pas accompli de service national éloigne de facto la population de son armée. à cela s’ajoutent la désertification militaire et les sujets d’intérêt prioritaires de nos concitoyens (emploi, retraite etc.). On voit que la défense risque de sortir peu à peu du paysage sauf si des rappels réguliers sont bien opérés et permettent de relativiser les différents sujets régaliens de société.

Plus qu’une nécessité, l’amélioration du Parcours citoyen est une obligation.

L’enseignement de défense incombe aux collectivités territoriales, qui auront des responsabilités accrues dans ce domaine. Il incombe de favoriser la formation en association avec l’éducation nationale.

C’est là qu’intervient le rôle central du correspondant-défense. Il serait bon qu’il prenne plus de responsabilités dans le parcours citoyen de cette jeunesse, qu’il faut associer régulièrement, au cours de ce parcours, aux affaires de défense.

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Pour lui faciliter la tâche, je propose de renforcer les liens entre correspondants-défense et réservistes en attribuant systématiquement le poste à un élu réserviste quand c’est possible ou, en l’absence d’élu réserviste, désigner un réserviste de la collectivité, sorte de chargé de mission qui rendrait ce service en coopération avec les élus locaux.

La Réserve citoyenne.

Les réservistes citoyens sont des bénévoles, qui s’engagent auprès d’une armée pour la diffusion de l’esprit de défense et apportent leur expertise aux armées. Le recrutement de ces réservistes citoyens est actuellement fait en fonction de leur utilité pour l’armée, soit par les réseaux qu’ils représentent, soit par leur expertise. On pourrait faire évoluer ce recrutement en ciblant les citoyens qui sont à des postes charnières auprès des collectivités locales. Ils pourraient faire bénéficier leurs interlocuteurs habituels, les gens qui sont en charge des affaires locales et des territoires, de leur information complète sur l’armée, sur la défense.

Ce serait la meilleure façon, pour le ministère de la Défense, d’accompagner, par la réserve, l’Acte III de la décentralisation.

Voilà ce que je souhaitais dire sur l’implantation territoriale des réservistes et les quelques perspectives que l’on peut voir.

Laurence Lemouzy

Amiral, merci.

Nous allons pouvoir recueillir les questions de l’auditoire.

Roger Gruszka

Réserviste citoyen, après environ quarante ans de réserve opérationnelle, membre du CSRM, cadre supérieur à La Poste et en charge d’activités associatives et syndicales, j’ai apprécié l’intervention de l’amiral de Roquefeuil sur le lien entre réserve et correspondants-défense des municipalités.

Au terme « rayonnement », je préfère « lobbying défense » auprès de nos élus. Aujourd’hui nous avons des élus nationaux, députés et sénateurs, qui ont une faible connaissance des questions de défense. La plupart d’entre eux ont été élus locaux ou régionaux. C’est pourquoi je souhaiterais qu’on fasse davantage d’efforts pour ce « lobbying défense », ce rayonnement.

Je suis alsacien. En Région Terre-Nord-Est, à un moment donné, un détachement était chargé du rayonnement mais il a été rayé des tablettes faute de crédits. Des personnels de la Défense animaient le réseau des correspondants-défense pour leur faire connaître les évolutions et les enjeux de la défense. Ceux qui, parmi ces élus locaux, sont appelés à siéger au niveau national auront alors des connaissances en matière de défense. C’est donc un investissement de long terme qu’on devrait poursuivre. Je le dis en homme de terrain : j’ai participé à ces réunions avec les correspondants-défense. Ils étaient contents qu’on vienne en interarmées leur expliquer les évolutions de la défense. Et j’ai vu leur besoin de connaissances, de renseignements et d’interlocuteurs constants, ce qu’étaient les réservistes. En effet, les DMD changent tous les deux ans alors que le réserviste est présent en permanence et c’est un collègue de terrain.

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André Helly30

Lorsque j’étais officier général de zone défense, j’avais la responsabilité des 12 départements de Rhône-Alpes et d’Auvergne (et de 26 départements pour le soutien défense).

Votre enthousiasme fait plaisir à voir. Mais il faudrait déjà pouvoir identifier ces correspondants-défense qui, parfois, ne sont même pas désignés ! En 2011, j’ai été obligé d’écrire au préfet de région pour faire valoir le faible nombre de communes qui avaient désigné les correspondants-défense au sein de leurs conseils municipaux.

Tous les deux mois, j’allais dans les cantons soutenir mes DMD. Il m’arrivait, après une journée de route pour me rendre dans le Cantal, de me retrouver, en compagnie du sous-préfet, devant trois correspondants-défense… les militaires étaient plus nombreux que leur auditoire ! C’est la réalité du terrain, il faut regarder les choses en face. On ne peut pas forcer les élus, les maires, à s’occuper de défense. Il faut rester réaliste. Peut-être y a-t-il des régions, en Alsace, dans l’Est, où ça fonctionne mieux qu’en PACA ou à Bordeaux… Mais il faut constater une usure du système face à un répondant très faible.

Alexis Kummetat

Ma question établit un pont entre l’intervention de M. Bodin et celle de l’Amiral. Nous sommes tous très impatients de découvrir les résultats du Livre blanc. Sans déflorer la confidentialité du sujet, l’évolution des réserves va-t-elle accompagner l’évolution continuée du ministère de la Défense ?

Antoine de Roquefeuil

Nous ne savons rien du Livre blanc. Nous ignorons donc ce qu’il prévoit. Ce qui est demandé et ce qu’on espère, c’est une continuité par rapport à ce qui est fait aujourd’hui. Les derniers textes officiels en termes de calibrage de la réserve militaire prévoyaient 80 000 réservistes en 2015, 40 000 côté gendarmerie, 40 000 côté armée. Des raisons budgétaires ont entraîné un petit ralentissement dans la progression mais ces 80 000 correspondaient aux besoins qu’avaient exprimés les armées.

Nous espérons qu’on restera dans des proportions proches de ce qu’on a aujourd’hui.

Jean-Paul Bodin

En tant que membre de la commission du Livre blanc, je peux vous révéler qu’on a consacré à la réserve une séance de travail assez longue. Un certain nombre de communications ont été apportées, notamment par les états-majors, sur le rôle de la réserve, sur son évolution possible dans l’exécution des missions. Bien entendu - comment faire autrement ? - l’orientation est de continuer dans le fil du précédent Livre blanc, de ce que l’Amiral de Roquefeuil a décrit, dans une continuité absolument parfaite et avec une volonté affichée. Sans préjuger de sa traduction en termes de décisions et de crédits, je peux témoigner d’une volonté affichée de renforcer le rôle de la réserve, notamment de la réserve opérationnelle.

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Vincent Joly

Correspondant régional Entreprise Défense (CRED) pour la Réserve Nord-Pas-de-Calais, dans le civil je dirige une entreprise.

Aujourd’hui, dans notre fonction de CRED (Correspondant Régional Entreprise Défense pour la Réserve), nous sommes en contact avec les entreprises et les différentes municipalités. J’observe que lorsqu’il y a un réserviste dans l’entreprise la porte s’ouvre, des vieux souvenirs resurgissent et nous avons un contact relativement privilégié. Malheureusement cet esprit défense tend à s’effacer : plus de service militaire, désertification… Quand nous nous présentons en qualité de CRED, si la personne n’a aucun lien avec la défense, nous nous contentons d’un accueil poli.

Dans ma municipalité, on a élu un correspondant-défense qui n’a pas connu l’époque du service national. Il n’a donc aucune connaissance de la défense. Il m’a reçu sur la demande de M. le maire mais ça s’est arrêté là.

Dans ma fonction de CRED, je suis interarmées mais je suis avant tout réserviste gendarmerie. Un des premiers métiers de la gendarmerie était le rapprochement entreprises-défense-intelligence économique. J’ai eu la chance de participer au démarrage de l’intelligence économique dans la région Nord-Pas-de-Calais et nous avons vu les entreprises se fédérer autour de la défense.

Amiral, vous parliez des réservistes citoyens. Les réservistes citoyens qui sont cadres dans les entreprises sont des gens qui ont envie d’apporter quelque chose à la défense. Il serait bon aujourd’hui de reconquérir des chefs d’entreprises au travers de la Réserve citoyenne, de reconstruire un réseau avec les municipalités et le DMD (qui, c’est vrai, change tous les deux ans). Si nous pouvions, dans les collectivités, mobiliser en priorité des réservistes qui prendraient des fonctions de référents, cela nous permettrait d’animer un réseau pérenne entre l’intelligence économique, le DMD et les différentes armées.

Olivier Trapani

Élève manager public en master à l’ISMaPP (Institut supérieur du management public et politique), je poserai, si vous le permettez, deux questions.

J’ai 22 ans, j’ai fait ma JAPD il y a cinq ans à Nice. Pendant cette journée on nous parlait de défense, de service militaire, de réserve. Mais nous en sortions avec une idée assez floue de ce qu’était vraiment la réserve. Pour autant, on perçoit l’idée de « double citoyenneté » dont vous parliez, Amiral, au contact des militaires. Quelle stratégie essayez-vous de développer pour développer des stratégies de communication, notamment auprès des jeunes, pour leur faire comprendre ce qu’est l’esprit de défense, ce qu’est la réserve ?

Ma deuxième question porte sur l’Union européenne et la construction européenne. Aujourd’hui on entend plusieurs critiques sur la force militaire française. Je vous entends parler de tendance au fédéralisme à propos des nouveaux actes de décentralisation. On sait que cette tendance fédéraliste nous vient de l’Allemagne et du modèle des Länder. À quel point cette construction européenne pourrait-elle nous influencer ? Une puissance militaire française et un esprit de défense ne pourraient-ils pas se concrétiser via une construction européenne ?

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Laurence Lemouzy

Qui souhaite répondre à la première question : Quelle stratégie de communication vers la jeunesse ?

Antoine de Roquefeuil

J’ai répondu à cette question en parlant du Parcours citoyen. Nous avons la chance d’avoir dans la salle la conseillère « défense et cohésion nationale » du ministre. Je pense qu’elle a bien entendu ce qui a été dit. Mais je crois que du travail se fait sur le Parcours citoyen. Je ne veux pas parler à la place des politiques mais je crois que c’est un domaine qui est porté. Il y a une prise de conscience très nette des besoins. Et c’est parce que nous sommes conscients de ce qui se passe que je disais que l’enseignement de défense, l’amélioration du parcours citoyen, plus qu’une nécessité, est une obligation.

Jean-Paul Bodin

En complément, je peux vous indiquer que nous sommes en train de travailler à un nouveau protocole entre la défense et l’éducation nationale. Le protocole précédent remonte à 2007 31. Ce protocole vise notamment à organiser l’enseignement de défense en classes de Troisième et de Première, dans le cadre du parcours de scolarité des collégiens et des lycéens. Il doit aussi mieux organiser l’action des trinômes académiques mais aussi toute une série d’actions montées en relation avec des enseignants et financées par le ministère de la Défense (actions de découverte du monde de la défense, journée dans une unité militaire pour des collégiens ou des lycéens, conférences etc.).

Nous avons aussi signé un protocole avec l’université où un certain nombre d’actions en faveur de la défense sont menées. Je me suis rendu à un événement défense-université à l’université d’Amiens. Pendant deux jours une série de colloques autour de la défense se sont tenus.

Une série d’actions de ce type sont montées pour essayer d’améliorer l’enseignement défense - dont l’Amiral a souligné l’impérieuse nécessité - en complément de la Journée Défense et Citoyenneté (qui a remplacé la JAPD).

Nous sommes en train de réfléchir au contenu de cette JDC. Le problème étant que de nombreux organismes (don du sang, égalité hommes-femmes, secourisme etc.) souhaitent également profiter de cette journée pour faire passer des messages aux jeunes. La JDC devient une journée où il est difficile de trouver une cohérence pour délivrer un message autour de la défense. Mais il y a une volonté d’améliorer tout cela.

Lors des travaux de la commission du Livre blanc, on a pris conscience que de plus en plus de décideurs publics ignorent ce qu’est la défense. Et la commission a repris des sujets qui figuraient dans le précédent Livre blanc : Comment faire en sorte qu’un certain nombre de futurs décideurs publics (élèves de l’école Nationale d’Administration, futurs magistrats…) puissent recevoir dans leur cursus une formation sur les questions de défense ? L’entrée dans la fonction publique type policier doit-elle être précédée par un passage au sein de la défense ? (c’est le cas dans un certain nombre de pays, par exemple en Italie). Ces questions se sont imposées à la commission du Livre blanc devant le risque imminent d’une coupure complète entre la défense et les jeunes Français.

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Le second sujet que vous avez évoqué est extrêmement complexe, un peu éloigné de notre colloque. Il y a une volonté forte, affichée par le Président de la République et par le ministre, de relancer l’Europe de la défense. On a vu, à l’occasion de l’affaire malienne, un certain nombre de commentaires assez sévères sur la participation des autres pays européens. En effet, nous avons eu le sentiment, dans les premières semaines, d’être un peu seuls. Mais on ne peut pas rester seuls très longtemps parce que nos moyens sont limités. Aujourd’hui, une contribution de plusieurs pays européens, notamment pour soutenir nos avions, pour gérer le problème du ravitaillement, du transport, a été mise en place. L’Europe de la défense a effectivement quelques difficultés à bien embrayer. Je ne sais pas si on peut parler d’Europe de la défense quand deux pays, la France et le Royaume-Uni, sont dans une position plus forte que les autres. Les autres sont d’ailleurs très attentifs à ce que nous allons décider en matière de loi de programmation militaire parce que si nous baissons la garde un peu trop fortement, cela pourrait avoir un effet d’entraînement dans les pays européens. Il n’y a pas d’Europe de la défense sans budget permettant d’avoir des forces armées à un niveau crédible. Le message doit être passé auprès de nos élus…

Philippe Laurent

À Sceaux, le correspondant-défense est ma première adjointe, épouse d’un officier supérieur et ancienne auditrice de l’IHEDN. C’est dire qu’elle maîtrise à peu près la chose. Ce n’est pas pour autant que les initiatives locales se multiplient. Il faut être conscient que la défense est un sujet qui ne passionne pas le plus grand nombre de nos concitoyens, sauf lorsqu’il y a un corps expéditionnaire, comme au Mali. Les questions de défense ne sont abordées qu’à l’occasion des commémorations qui rassemblent et intéressent les jeunes, surtout dans les écoles primaires. On les emmène sur des sites, ils participent au ravivage de la Flamme… cela fonctionne très bien, les jeunes sont assez sensibles. Après cela se perd un peu.

Nous avons mené une action avec la police et avec la justice dans les établissements scolaires. J’ai la chance d’avoir une grande cité scolaire (collège et lycée Marie Curie), où nous entretenons des relations très étroites avec les proviseurs. C’est dans ce cadre que nous organisons très régulièrement des conférences avec l’officier de prévention du commissariat de police, un agent de police nationale spécialisé dans l’explication d’un certain nombre de phénomènes (la drogue, internet, facebook, etc.). Il intervient devant les classes pendant une heure ou deux. Cela fonctionne très bien. Il se trouve que cet officier de prévention, comme les précédents d’ailleurs, est de grande qualité, qu’il a reçu une formation, cette présence de la police nationale dans les établissements a donc eu, je crois, un effet très positif.

Nous avons des initiatives un peu comparables avec la justice. Des groupes d’élèves participent régulièrement à des audiences au tribunal de Nanterre.

Ne pourrait-on imaginer, sur ce modèle, des interventions régulières de représentants de la défense devant les classes ? Je pense que ce serait tout à fait intéressant pour expliquer aux jeunes, dans leur collège ou dans leur lycée, ce qu’est la défense nationale. Si on ne le fait pas, nous n’éviterons pas la rupture du lien.

Laurence Lemouzy

Il est temps de remercier les orateurs de la première table ronde qui vont céder leur place à celle que préside le Général Jean-Marc Duquesne, directeur de l'IHEDN, sur les enjeux territoriaux et les acteurs de la réserve militaire.

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Table ronde N° 2

« Enjeux territoriaux et acteurs de la réserve militaire »

Laurence Lemouzy

Cette table ronde, intitulée « Enjeux territoriaux et acteurs de la réserve militaire », sera présidée par le Général Jean-Marc Duquesne.

Permettez-moi, Général, de rappeler quel a été votre parcours jusqu’aux fonctions que vous occupez aujourd’hui. Après le Prytanée militaire de La Flèche puis l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, (promotion "Capitaine de Cathelineau" 1976 à 1978), vous choisissez l’armée blindée cavalerie. L’essentiel de votre carrière opérationnelle s’est déroulée dans les unités parachutistes. Au sein des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, vous êtes chargé des études puis, après une formation à l’École de guerre allemande de Hambourg, vous développez des compétences dans les domaines de la sécurité européenne, de la coopération militaire franco-allemande, de l’adaptation des doctrines et des équipements face à l’évolution des menaces. Enfin, le 1er septembre 2012, vous êtes nommé directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale et de l’Enseignement militaire supérieur.

C’est à ce titre que vous présenterez à notre auditoire la mission de valorisation de l’esprit de défense qui est celle de l’IHEDN et ses actions en région.

Jean-Marc Duquesne

Je remercie les organisateurs de ce colloque de m’offrir l’occasion d’intervenir sur le sujet passionnant des enjeux territoriaux et des acteurs de la réserve militaire.

En qualité de directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale et de l’Enseignement militaire supérieur, je déclinerai, de façon un peu plus locale, la territorialisation, au travers des différents acteurs que sont le maire, le délégué aux réserves à la gendarmerie et les délégués militaires départementaux qui interviendront par la suite pour dresser un bilan et des perspectives, afin de valoriser cet esprit de défense qui a été largement évoqué. Je voudrais aussi revenir sur le Parcours citoyen. Ces deux sujets sont des préoccupations chères à l’IHEDN. La diffusion de l’esprit de défense est en effet le cœur de métier de l’IHEDN, l’Institut n’étant qu’un élément du Parcours citoyen.

Qu’est-ce que l’IHEDN ?

Plate-forme interministérielle unique en son genre qui forme et fédère civils et militaires, l’IHEDN est le lieu de convergence naturel de la compréhension des enjeux de défense et de sécurité et s’adresse aux responsables de la société par des formations au niveau national et régional.

L’autre point fort de l’IHEDN est son maillage territorial. Par ses sessions en régions, il forme, en moyenne sur les cinq dernières années, un peu moins de 2000 auditeurs et dispose de 42 associations thématiques ou régionales32. Ainsi, l’IHEDN irrigue l’ensemble du territoire par ses formations, contribuant ainsi à la diffusion de l’esprit de défense et à la réflexion stratégique française.

Ces associations jouent un rôle de levier pour la promotion des connaissances en matière de défense, de stratégie, d’armement, d’économie de défense. Véritables « réserves », à la fois

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intellectuelles, professionnelles, sociales, nos associations sont un maillon essentiel de la construction de cet esprit de défense.

Un autre terme important a été employé : la résilience nationale. En touchant un nombre important de nos concitoyens, nos associations y contribuent. Le réseau qu’elles forment constitue une force au service de l’esprit de défense sur l’ensemble de nos territoires.

L’avenir des associations régionales IHEDN.

Ces associations ont leur histoire. Dans le cadre de la réflexion sur leur avenir, nous examinons avec la plus grande circonspection l’hypothèse de les ramener sur des structures plus porteuses d’avenir que le niveau zonal. Mais il convient d’agir avec précaution et sans précipitation.

C’est la volonté d’investir sur l’avenir - la question de notre jeune camarade va dans ce sens – qui nous dicte une action déterminée en direction des jeunes de toutes catégories :

Les trinômes académiques.

Sous l’autorité du Recteur, le trinôme académique met en œuvre la défense (DMD), l’éducation nationale et les associations d’auditeurs de l’IHEDN. Son efficacité, après quelques années d’expérience (cette organisation originale a été mise en place en 1987), semble avérée même si elle est très liée à l’implication des différents acteurs.

Les séminaires-IHEDN-Jeunes

Il s’agit d’une action que nous développons au bénéfice des 18-30 ans. Ces séminaires-jeunes d’une semaine se déroulent en internat (au sens de la collectivité, de manière à poursuivre et approfondir les discussions le soir). Ils permettent aux jeunes participants de réfléchir à l’esprit de défense, selon la pédagogie IHEDN : un tiers de conférences de bon niveau, un tiers de travaux de groupes et un tiers de visites sur le terrain.

Les séminaires « Cohésion nationale et citoyenneté »

Enfin, nous organisons, en direction des jeunes plus défavorisés, des séminaires de cohésion nationale et de citoyenneté où nous sommes plutôt dans la fonction de formateurs de formateurs. Nous allons vers les villes qui en expriment le besoin (nous l’avons fait à Lille, à Marseille-Nord, au Havre, nous allons le faire bientôt à Nantes) pour aider les personnes impliquées dans les actions auprès de ces jeunes (« grands frères », associations locales…) à réfléchir et à créer un réseau dans ce domaine de la cohésion nationale et de la citoyenneté.

Nous développons depuis quelques temps une action résolue en direction du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est un des points importants du prochain protocole défense-éducation nationale qui associera ce ministère - lequel a désormais sa vie propre - afin qu’il reste impliqué dans nos actions. Cela ne se fait pas sans difficulté et l’autonomie des universités complique les contacts.

Je citerai une dernière une initiative territoriale. Avec le président de l’Union des associations de l’IHEDN, j’ai proposé au début de l’année à deux associations régionales (Lorraine et Pays de Loire) de définir l’identité stratégique de leur région. Il s’agira d’inventorier les différents marqueurs de cette identité stratégique en tenant compte des spécificités de la région. En proposant des pistes de valorisation des potentiels régionaux, cette étude doit permettre d’apporter une valeur ajoutée à la prise de décision des autorités publiques régionales ou nationales dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale. Si cette expérimentation est concluante nous l’étendrons aux autres régions en 2014.

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Je n’ai pas cité les réserves, citoyennes et opérationnelles. Une bonne partie des acteurs de l’IHEDN sont des réservistes citoyens, des réservistes opérationnels qui nous apportent une aide précieuse.

J’entendais les précédents orateurs déplorer que les décideurs publics, nationaux ou régionaux, ne connaissent plus la défense. C’est la raison pour laquelle, depuis la suspension du service national et face aux insuffisances, dans ce domaine de l’éducation nationale, un certain nombre de sessions sont organisées en direction des futurs décideurs politiques et administratifs nationaux et régionaux au sein de l’IHEDN.

Permettez-moi maintenant de présenter les quatre intervenants de cette table ronde :

M. Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François dans la Marne, interviendra sur les implications territoriales des enjeux de défense. La Marne est un département très lié au monde militaire, avec le camp de Mourmelon-Suippes de l’armée de Terre, la Base aérienne 113 de Saint-Dizier et l’établissement de ravitaillement sanitaire des armées (ERSA) de Vitry-le-François. La fermeture de la Base aérienne 112 de Reims, évoquée par M. le secrétaire général de l’administration du ministère de la Défense, est évidemment un des points d’intérêt pour M. le maire.

Nous entendrons ensuite le Général de division Jean-Philippe Danède, délégué aux réserves de la gendarmerie nationale. Il exposera le cas particulier de la gendarmerie qui cherche à développer une réserve moderne, nouvel instrument d’ancrage territorial pour faire face aux défis locaux et renforcer le lien avec la population dans le contexte de contrainte budgétaire que nous connaissons tous.

Enfin, nous accueillerons le témoignage de deux officiers qui, à l’inverse de M. le maire de Vitry-le-François, opèrent dans un « désert militaire », deux départements parmi les 25 en France qui ne connaissent plus aucune présence militaire. Je veux parler du Lieutenant-colonel Marc Locatelli, délégué militaire départemental de la Lozère et du Lieutenant-colonel Philippe Perret, DMD des Côtes d'Armor.

Sans plus attendre, M. le maire, je vous passe la parole.

Laurence Lemouzy

Maire, conseiller général, président de la communauté de communes de Vitry, vous avez, Monsieur le maire, une connaissance très fine de l’action territoriale. Vous avez été député et surtout vous êtes administrateur territorial. Vous maîtrisez donc tant l’aspect politique que l’aspect action publique des thèmes que nous développons aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle vous aborderez deux sujets : le rôle de la réserve par rapport aux territoires et la résilience de la nation.

Jean-Pierre Bouquet

Quelles applications territoriales sur les enjeux de défense nationale ?

Mon général, Messieurs les officiers généraux, Monsieur le sénateur, Mesdames et Messieurs, d’abord, c’est un plaisir que d’être à vos côtés.

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J’assumerai deux rôles, sous deux casquettes. J’ai la chance de représenter le Président Pélissard, président de l’Association des maires de France, qui m’a mandaté pour porter la parole de l’AMF au sein de ce colloque. Et je porterai le témoignage de l’élu du département marnais.

L’AMF, qui rassemble l’ensemble des maires du pays, est concernée par la défense.

Les maires sont des citoyens aussi responsables que d’autres, parfois un peu plus que d’autres puisque, porteurs du mandat de représentation qui leur a été confié par la population, ils sont investis de la légitimité du suffrage universel. Cette responsabilité les sensibilise particulièrement aux questions de défense. Cette sensibilité est inégalement partagée, nous venons de l’entendre, selon la taille des communes et les centres d’intérêt des conseils municipaux. Mais les maires de France sont extrêmement attachés à la défense et à la réserve militaire. C’est pour eux un sujet d’observation, un objet d’attention. L’objectif du Livre blanc : 80 000 réservistes (actuellement une soixantaine de milliers d’hommes et de femmes) fait de la réserve militaire un élément de poids sur notre territoire qui contribue au lien nation-armée. Le maillage de défense territorialisée est animé par ces « doubles citoyens », civils mais aussi intégrés dans l’institution militaire.

La résilience est la capacité à résister et à réagir à des événements : les guerres, mais aussi le terrorisme, les pandémies, les catastrophes, toute forme d’agression qui vient percuter le vivre ensemble. La résilience est une question de citoyenneté. Le lien armée-nation concerne les citoyens de la République.

Lorsqu’on aborde ces questions, il faut se garder de confondre « nation » et « nationalisme ». La nation est notre lieu de vie commun, ce qui nous lie, ce qui fait que nous vivons ensemble, que nous partageons des intérêts, une Histoire. Cette Histoire fait de nous des Français, placés sous notre drapeau, et nous intime le devoir de défendre notre souveraineté.

En tant qu’élus, au sein de l’AMF, nous sommes depuis longtemps amenés à aborder la question des déserts médicaux… mais nous voici confrontés aux déserts militaires. Face à cette situation, il faut trouver des formes d’organisation qui mettent la société, en particulier les citoyens les plus jeunes, en relation avec l’institution défense, représentée par les militaires.

Dans beaucoup d’endroits, et c’est heureux, nous gardons des contacts avec la gendarmerie, une des données importantes de la présence de sécurité sur le territoire. Les gendarmes restent attachés à leur statut militaire et les élus locaux, les maires en particulier, sont très attachés aux gendarmes, qui concilient statut militaire et ancrage sur le territoire. En effet, le gendarme a un lien presqu’ombilical avec le maire, un lien de confiance. Dans la conception initiale de la gendarmerie, telle qu’exprimée par l’empereur Napoléon 1er, le gendarme et le maire échangeaient leurs informations : Le gendarme devait être présent, il devait tout entendre, tout écouter et faire le tri afin de renseigner les autorités sur l’état d’esprit des populations de manière à anticiper les problèmes. Même si les choses ont beaucoup évolué, le maire garde des attentes vis-à-vis de la gendarmerie. Lorsque les relations se distendent entre maires et gendarmerie, notamment dans le cadre des communautés de brigades de gendarmerie, les maires expriment le besoin d’avoir un correspondant. Le commandement de la gendarmerie a intégré l’idée qu’il fallait un correspondant par commune de façon à ce que chaque maire puisse identifier un interlocuteur . Cela exprime fortement la nécessité du lien entre la nation et ses forces de sécurité.

On peut tirer des leçons des catastrophes qui se sont produites hors de nos frontières. De ce point de vue, le tsunami qui a frappé Fukushima, avec ses conséquences, est riche en enseignements. La manière dont la société japonaise a réagi face au drame est un exemple de résilience. Il y a certainement des leçons à en tirer et des stratégies à développer pour développer la résilience de notre pays.

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L’enjeu majeur est celui de la protection des populations face à des agressions extérieures ou intérieures. Mais la résilience, c’est aussi la capacité à réagir face à des catastrophes civiles . Je pense à la mobilisation face à la pandémie de H1N1qui, si elle a été quelque peu décriée, a quand même montré notre capacité à organiser une campagne de vaccination de grande ampleur. Après coup il est toujours facile de déclarer qu’elle était inutile mais le « principe de précaution » (désormais inscrit dans le préambule de notre constitution…) entraîne un certain nombre de conséquences avec lesquelles il faut s’habituer à vivre.

Sur ce terrain de la résilience, je veux souligner la nécessité d’un lien de confiance et saluer, au sein de la réserve, le civisme de ces citoyens engagés dans la défense de la nation dans une conception large de celle-ci.

Le devoir de mémoire y participe, bien sûr, il y a les monuments aux morts mais il y a aussi les actions en direction des populations jeunes.

Sans être nostalgique de l’époque du service national obligatoire, je crois qu’il y avait beaucoup à tirer de cette expérience. Nous étions jeunes, on nous sortait de l’université ou de nos écoles, nous avions l’impression de perdre un an… mais, réflexion faite, avec le recul, avec l’expérience de la responsabilité, nous en discernons tout l’intérêt. Il était naturel que des jeunes, à qui la nation avait offert la possibilité de faire des études supérieures, donnent quelques mois à leur pays. Cela paraît un juste retour des choses parce nous appartenons à cette nation qui nous protège. Cela a évolué mais la réserve offre la possibilité d’accomplir ce devoir.

L’éducation citoyenne des jeunes est une nécessité absolue. Je peux en témoigner pour avoir affronté à deux reprises des « révoltes urbaines » (qui avaient d’ailleurs des causes complètement différentes). Je tiens à remercier ici, publiquement, devant ses pairs, le Général Danède, qui était à la manœuvre, pour son efficacité et son sang-froid. C’était une expérience.

Je vais maintenant vous livrer le témoignage de l’élu marnais.

Jeune député à Vitry-le-François, j’eus l’occasion de recevoir le Général Foret, en visite au centre mobilisateur de la ville. « ça ne tiendrait qu’à moi, je vous le ferme tout de suite ! » m’asséna-t-il, « Voyez-vous, continua-t-il, si on a besoin de mobiliser nos forces armées, on a les camps de Champagne : Je rassemble des civils dans un grand hangar, quand ils sortent, ils sont soldats ! Il faut de la continuité et ces petits centres dispersés ne sont pas efficaces. »

Ce centre fut l’un des premiers sites à fermer. Comme fermeront les casernes en 1992.

Dès 1994, nous lancions le programme du prolongement du centre-ville (le « cinquième quart ») sur les espaces libérés.

Créée par François 1er33, avec un architecte italien (Girolamo Marini), Vitry-le François fut conçue sur un carré de 612 mètres de côté où toutes les artères se croisent à angle droit autour d’une place centrale. Bombardée et détruite pendant la Deuxième guerre mondiale (construite en pans de bois comme le centre de Troyes, elle ne résista pas aux obus incendiaires), la ville fut reconstruite selon le carré historique. Mais les casernes, situées de l’autre côté de la Marne, n’avaient pas été détruites. Elles abritaient initialement un régiment de cavalerie. En 1934-36, dans le cadre du réarmement, une nouvelle caserne fut reconstruite sur l’ancien régiment de cavalerie. Les travaux furent achevés par les occupants, c’est dire que c’étaient des constructions solides !

Aujourd’hui, ce site militaire est devenu un quartier d’habitation, un quartier mixte , l’équivalent d’un quart de la ville.

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Comme l’a dit le Général Duquesne, Vitry-le-François est l’un des rares endroits où l’armée construit. 30 000 mètres carrés de stockage vont être créés pour l’ERSA (pharmacie des armées) à Vitry-Marolles.

Nous dépendons de la base de défense de Saint-Dizier-Chaumont. Les relations sont bonnes. Les colonels successifs qui commandent la base Saint-Exupéry s’obligent à entretenir un lien avec notre ville.

Mais les suites de la fermeture de la base aérienne Marin la Meslée, la base 112, à Reims 34 sont l’exemple même de ce qu’il ne faudrait pas faire :

Le ministère de la Défense fit un choix - dont chacun prit acte - qui se traduit par la perte de 2000 emplois. Mais cela constituait l’opportunité, pour l’agglomération rémoise, de reconquérir un peu plus de 400 hectares, seule possibilité d’extension de l’agglomération. Pour la Champagne-Ardenne, l’agglomération rémoise est importante. C’est la ville la plus importante du département et de la région. Les villes secondaires, comme Châlons-en-Champagne, et les villes moyennes et petites, comme Vitry-le-François ou épernay, travaillent en réseau avec Reims dans le cadre d’un pôle métropolitain (le seul, avec Nancy-Metz, entre Paris et Strasbourg). Nous sommes donc concernés par ce qui se passe autour de cette base aérienne. Or, ce qui pouvait être une chance s’est transformé en impasse faute de cohérence territoriale au niveau de l’intercommunalité de l’agglomération. En effet, deux petites communes situées en limite de la base aérienne, dont Courcy, village de 400 à 700 habitants, font blocage, refusant de rentrer dans l’agglomération. Une part de responsabilité revient au préfet de région qui a dessiné la carte issue de la loi du 16 décembre 2010 (réforme des collectivités territoriales). Il ne restait au département de la Marne qu’à tenter de « faire du lien » entre les protagonistes en créant un syndicat mixte qui mettrait tout le monde d’accord et permettrait d’avancer en attendant la révision des périmètres prévue par la loi après 2016. Mais le préfet a requis l’accord des maires dans le cadre de la constitution de ce syndicat et les maires n’ont pas honoré leur parole… Nous sommes donc devant une sorte d’ectoplasme difficile à gérer.

C’est l’exemple de ce qu’il ne faudrait pas faire.

Merci de votre attention.

Laurence Lemouzy

Merci, Monsieur le maire.

Nous allons nous tourner vers le Général Jean-Philippe Danède.

Général, issu de l’école militaire supérieure de Saint-Cyr, vos fonctions opérationnelles vous ont conduit à servir dans plusieurs territoires, en France métropolitaine, notamment comme commandant de la région de gendarmerie de Champagne-Ardenne, et dans la plupart des départements et territoires ultramarins. Vous êtes aujourd’hui délégué aux réserves de la gendarmerie nationale.

Le thème de votre intervention pose la question de la gendarmerie nationale comme modèle.

Est-ce un modèle sur l’articulation des enjeux territoriaux et des acteurs de la réserve ?

C’est sans doute ce que vous allez aborder.

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Jean-Philippe Danède

Le cas particulier de la gendarmerie nationale : un modèle ?

Messieurs les élus, Monsieur le sénateur, Monsieur le maire, Mesdames et Messieurs, Messieurs les officiers généraux, mes chers camarades, mes chers amis,

Remplaçant au pied levé le directeur général de la gendarmerie nationale, empêché, je vais essayer de le représenter dignement.

La réserve de la gendarmerie peut-elle constituer un modèle ?

Les étapes de l’ancrage territorial de la gendarmerie

Nous réfléchissons aujourd’hui sur l’enjeu des territoires. Il se trouve que c’est précisément le fil conducteur de toute l’évolution historique de la gendarmerie.

Je ne remonterai pas aux origines de sa longue histoire, ce qui nous ramènerait huit siècles en arrière, quand la maréchaussée surveillait les « gens de guerre et pillards » et rendait la justice aux armées. L’extension de la compétence de la maréchaussée à l’ensemble de la population du territoire, c’est-à-dire l’implantation réelle des gendarmes sur le terrain, remonte aux XV ème et XVIème siècles35. L’implantation des bases de structures actuelles date de 172036.

On voit que le passé explique le présent.

L’histoire montre que la gendarmerie a constamment renforcé son ancrage territorial pour assurer toujours plus efficacement sa mission, la sécurité des personnes et des biens.

Son maillage est actuellement fort de 3300 implantations sur l’ensemble du territoire, chaque implantation pouvant regrouper plusieurs unités (escadron de gendarmerie mobile, brigade territoriale, brigade des recherches, brigade motorisée etc). Cela équivaut à une moyenne de 33 implantations par département, réparties en métropole et outre-mer. Ce maillage garantit la couverture de notre espace national et la présence de la gendarmerie auprès des populations. Je rappelle que 95% du territoire national est aujourd’hui placé sous la responsabilité directe de la gendarmerie nationale.

Par tradition et par construction la gendarmerie s’impose ainsi comme le service de sécurité de proximité sur l’ensemble du territoire français. Mon souhait est qu’elle le reste. Chaque unité de gendarmerie incarne la représentation de l’autorité de l’État et de la communauté militaire. J’insiste sur ce dernier point. « Je ne manque jamais, à chaque fois que je commence une réunion, de rappeler de façon extrêmement forte que la gendarmerie appartient intégralement à la communauté militaire et que ceci n’est pas négociable. » : je cite le directeur général de la gendarmerie nationale dont je partage pleinement la conviction. Jusqu’aux confins les plus reculés, je pense à la Guyane qui représente, en superficie, le cinquième du territoire français métropolitain, la présence de la gendarmerie est essentielle. On le constate, par exemple, à Camopi 37 où elle est appuyée en permanence par une section de la Légion étrangère (3ème régiment étranger d’infanterie).

La gendarmerie nationale est fondée sur l’humain, sur une présence visible, rassurante et dissuasive.

Cet ancrage n’est bien sûr jamais définitivement acquis. Le dispositif a dû être continuellement adapté. On le voit actuellement avec la disparition d’un certain nombre d’unités et les

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regroupements, les communautés de brigades - dont Monsieur le maire a parlé - qui ont entraîné la nécessité de désigner des référents afin que chaque maire ait toujours « son » gendarme, ce qui est très important.

La réserve pour une meilleure adaptation du dispositif

Dans le prolongement de ces étapes marquantes, la construction d’une réserve moderne au cours de la dernière décennie constitue un nouvel instrument d’ancrage au sein de notre zone de compétence.

Nous disposions autrefois d’une réserve « de masse », conçue pour riposter à une éventuelle attaque venant des pays de l’Est. La gendarmerie passait alors de 100 000 à 250 000 hommes environ. Les armées, elles aussi, multipliaient au moins par 2,5 leurs effectifs pour affronter le Pacte de Varsovie.

Changement de portage !… vous connaissez les chiffres.

La réserve permet une meilleure adaptation de notre dispositif territorial aux exigences du terrain et surtout un lien renforcé avec la population. N’oublions pas que le but premier de la réserve n’est pas d’aider les troupes « d’active » mais de renforcer le lien armée-nation38.

Le succès de la réserve de la gendarmerie nationale est une réalité reconnue. Cette force d’appoint est devenue indispensable au fonctionnement de nos unités de terrain. En effet, dans sa quote-part RGPP, la gendarmerie a perdu plus de 10% de ses effectifs, dont 15 escadrons de gendarmerie mobile.

La réserve participe aussi directement à la performance de la gendarmerie sur la totalité du spectre des missions de sécurité intérieure. La réserve de la gendarmerie est donc véritablement intégrée à l’emploi des unités d’active. D’ailleurs, sur le terrain, on ne peut faire aucune différence entre un gendarme d’active et un gendarme réserviste. Nous y tenons.

Elle s’ancre profondément dans le territoire parce qu’elle renforce un dispositif permanent lui-même solidement enraciné. Pour être véritablement significatif, l’ancrage territorial ne peut relever d’une construction ex nihilo. La réserve suppose des unités de terrain capables de les employer sur place. Nous disposons actuellement de 26 000 gendarmes réservistes pour un modèle de gendarmerie à 96 000 personnels. Chaque département compte environ 250 réservistes, effectif qui peut être monté à plus de 400 réservistes dans les départements plus importants, telles l’Isère et la Gironde. Dans ces départements - plus particulièrement la Gironde où, en période estivale, la population est multipliée par 5, voire, dans certains endroits par 10 ou 20 - la réserve est un apport indispensable pour assurer le métier.

Il faut souligner que la réserve constitue une précieuse capacité de montée en puissance.

Elle représente une véritable souplesse stratégique pour notre institution en permettant de mieux prendre en compte nos zones de délinquance les plus marquées (Monsieur le maire de Vitry-le-François rappelait à ce propos notre expérience commune) et les pics d’activité saisonnière. Aux mois de juillet et août, les flux de personnes, de véhicules et de scélérats impactent de plein fouet la zone gendarmerie.

Dans la gestion des événements programmés (G8, G20), l’emploi de la réserve de la gendarmerie a été plus qu’optimum et optimisée.

Enfin, elle permet l’adaptation à l’intensité et à la durée des crises qui peuvent survenir.

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En moyenne, actuellement, environ 1 400 réservistes sont engagés chaque jour sur le terrain. En situation de crise majeure, nous considérons que la réserve de sécurité nationale (à laquelle la gendarmerie est très largement partie prenante) est en mesure d’engager en l’espace d’une semaine 15 000 réservistes qui viendraient renforcer l’active. Ce n’est pas neutre.

Le mois prochain, nous allons tourner une nouvelle page pour essayer d’améliorer encore notre dispositif avec la création du site internet MINOT@UR39 (dont j’espère qu’il ne rencontrera pas Thésée…) dédié à la formation et à l’emploi de nos réservistes. Cet outil nous permettra de gérer notre réserve opérationnelle.

La réserve, garantie du lien armée-nation

Nos 26 000 réservistes sont représentatifs de la population. Au-delà des 96 000 personnels d’active, ils étendent et relèvent notre présence et notre influence. Ils sont de véritables sources d’informations et de contact direct avec la population dans laquelle ils sont immergés. Par leur connaissance des réalités de notre zone, ils permettent de mieux appréhender les diverses attentes de la population et d’ajuster plus finement notre action.

Je note à ce propos qu’on a oublié de parler, parmi les réservistes, des précieux RLJC 40.

Notre politique de recrutement et de fidélisation et d’emploi privilégie cette approche locale . Nous avons ainsi tenu à ce que plus des deux tiers (78% actuellement) de notre réserve soient constitués de jeunes directement issus du civil. C’est le choix d’une orientation que nous allons poursuivre dans les années qui viennent. L’année dernière, par exemple, nous avons formé 3 400 jeunes Français en préparation militaire gendarmerie ; ceux-ci, dans la foulée, ont effectué entre deux et trois semaines de travail au profit des unités de terrain. De plus ils constituent de véritables vecteurs de diffusion de l’esprit de défense auprès de leurs camarades.

Au moment de conclure mon propos, je voudrais revenir sur l’intitulé de l’intervention : « Le cas particulier de la gendarmerie, un modèle ? ».

En suivant les traits les plus spécifiques, je vous ai donné un aperçu synthétique de notre réserve. Nous ne prétendons pas avoir développé un modèle exemplaire qui aurait vocation à être reproduit par d’autres services de l’État. Ce serait une gageure et même une erreur. Nous avons en revanche la conviction de disposer d’un outil efficace et complètement adapté aux enjeux de la sécurité intérieure de nos territoires dont nous avons la responsabilité. C’est au nom de cette même conviction qu’il me paraît essentiel de maintenir à un niveau suffisant les crédits d’emploi de la réserve. En effet, l’impact budgétaire est très fort. Malgré les contraintes budgétaires sans précédent que nous traversons actuellement et dont les armées mesurent toute la douleur, il convient de préserver cette souplesse stratégique et cet instrument de proximité.

Je vous remercie de votre attention.

Laurence Lemouzy

Nous nous tournons vers les colonels Marc Locatelli et Philippe Perret pour la partie témoignage de ce colloque.

Le colonel Philippe Perret va nous parler de ce qui se passe en Côtes-d’Armor au regard de l’expérience qui est la sienne.

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Le colonel Marc Locatelli décrira ensuite les fonctions du DMD de Lozère.

Philippe Perret

Délégué militaire départemental, j’appartiens à la Chaîne OTIAD 41 (Organisation Territoriale Interarmées de Défense) et exerce mes fonctions dans un département que je ne souhaite pas qualifier de « désert militaire » en raison de la connotation négative de cette expression qui ne peut que nuire à la réserve. Comme vous l’avez souligné, Mon général, nous côtoyons dans tous nos départements de très nombreux gendarmes qui ont tous - pour l’instant - le statut militaire.

« Mon » département dispose d’une quarantaine de réservistes des trois armées.

Nous bénéficions, dans les Côtes-d’Armor, d’une préparation militaire marine qui s’effectue chaque week-end sur six à sept mois. Parmi les 200 candidatures annuelles, une trentaine de jeunes hommes et femmes ont la chance de suivre cette préparation militaire marine. Et une dizaine d’entre eux, l’été qui suit, remplissent, dans les quatre sémaphores costarmoricains, une mission très importante (Vigipirate, sûreté maritime).

L’armée de l’Air elle-même a décidé d’être présente en nos Côtes-d’Armor, ce qui est très important, même en termes de relations civilo-militaires : les Côtes-d’Armor doivent accueillir un champ éolien qui comptera une centaine d’éoliennes off-shore dans la baie de Saint-Brieuc. Il est donc utile que le Préfet trouve, au sein de la délégation militaire départementale, en la personne du correspondant Air, un interlocuteur pertinent.

Les réservistes des trois armées participent à l’organisation des Journées de Défense et Citoyenneté (ex-JAPD) et interviennent dans les lycées briochins.

Enfin, le Centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) se rend dans les établissements, avec l’accord des proviseurs et principaux d’EPLE, pour traiter exclusivement du recrutement. Dans ce cadre, nos équipes de recrutement interarmées vont parler de la réserve.

Enfin, je dispose sur le département d’un réserviste qui, coiffé par le CRED (correspondant régional entreprises-défense), s’occupe des relations entreprises-défense.

Au-delà de la réserve opérationnelle, mon département compte deux réservistes citoyens.

L’un d’entre eux est en train de basculer vers la RLJC (Réserve locale à la jeunesse et à la citoyenneté). Il a été choisi parce que, salarié d’une entreprise de RH (ressources humaines), il est très fortement impliqué dans le monde associatif, notamment auprès de la MJC (Maison des jeunes et de la culture) du Plateau, à Saint-Brieuc, fréquentée par 1 200 jeunes. Sa mission consiste à susciter ou entretenir l’esprit de la défense chez ces jeunes en leur apportant des informations sur les armées et les formes d’engagement.

Le deuxième réserviste citoyen est un enseignant impliqué au sein de l’Université catholique de l’Ouest à Guingamp où il a déjà fait du bon travail : lors d’un exercice POLMAR42 maritime, à Saint-Quay-Portrieux en septembre dernier, une section technique de l’UCO (Université catholique de l’Ouest) a été chargée du maquillage des personnes figurant les victimes visées par les secours.

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Ayant un passif et un passé de communicant, lorsque j’ai eu la chance d’être affecté à la DMD 22, j’ai eu l’idée de créer une synergie entre des mondes complètement différents qui se côtoient peu.

Ma première initiative, en cours de réalisation, sera peut-être remise en cause par l’État-major des armées car elle touche le domaine délicat de la communication : il s’agit de mettre sur le site internet de la Préfecture des Côtes-d’Armor, après l’accord du Préfet Thuau, des liens en miroir avec le site de la défense, dont le lien sur la réserve. L’objectif est de permettre au public qui se rend sur le site de la préfecture d’accéder facilement aux sites de la gendarmerie nationale, des armées, de la réserve.

Ma deuxième initiative fut le contact avec les 373 correspondants-défense du département.

Par souci d’économie, je privilégie internet pour ma communication. Or beaucoup de correspondants-défense (dont la moyenne d’âge est élevée) ne disposent pas d’internet. Lorsque j’envoie une invitation dans le cadre du cycle de conférences « les jeudis de la défense costarmoricains » monté en partenariat avec le Trinôme académique, celle-ci s’arrête souvent au secrétariat de la mairie sans atteindre le correspondant-défense….

Enfin, avec l’éducation nationale, les réservistes ont un rôle à jouer dans l’organisation des « Classes de défense et de sécurité globales43 ». Celles-ci relèvent du Plan égalité des chances et s’adressent prioritairement à des lycées professionnels ou à des collèges d’excellence. C’est un travail difficile qui demande de la persévérance. À cet égard, sachez que l’Amiral Guillaud, CEMA, a demandé à ce que le poste de délégué militaire départemental soit prolongé (sur une durée de quatre ans) et rajeuni (ce ne sera plus un poste terminal). Ceci répond à une préoccupation exprimée ici. Ces classes de défense et de sécurité globales associent les élèves soit avec un bâtiment de surface de la Marine nationale (c’est le cas à Guingamp avec le lycée Jules Verne et le Laplace 44) soit avec un régiment (comme à Dinan, avec le Lycée de Fontaine des eaux et le 11ème RAMa45).

Mon réserviste citoyen commence une session IHEDN régionale, dès lundi, entre la France et la Grande-Bretagne.

C’est ainsi que se créent les synergies.

La difficulté consiste à pérenniser ces actions. C’est une histoire de volonté, c’est une histoire d’hommes et de relationnel entre des personnes qui viennent d’horizons différents et n’ont pas toujours la même culture.

C’est un énorme pari et il y a des gens de bonne volonté partout. Je trouve remarquable l’esprit des réservistes qui, en plus de leur travail, assument leur rôle de militaires à temps plein pendant leurs périodes de service et, parfois, sacrifient momentanément leur vie familiale.

Nous pouvons leur tirer notre chapeau.

Merci.

Marc Locatelli

Sans vouloir jouer les diablotins, je témoignerai d’une réalité un peu différente de celle décrite par mon camarade.

La Lozère est un désert militaire… mais pas seulement : il y a peu de médecins, peu de magasins, pas d’unité militaire à part la délégation militaire départementale (hormis les gendarmes). 78 000

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habitants (la moitié de la ville de Nîmes), la Lozère est un département assez atypique où, sans la réserve, je ne suis rien.

Trois mots guident ma mission : cohérence (dans les actions), sens (croire à ce que l’on fait) et résilience (à expliquer pour entretenir le lien Armée-Nation).

Quand je suis arrivé en Lozère, je ne connaissais pas le métier de DMD. J’ai donc analysé ce que l’on attendait de moi pour donner un sens à ma mission. J’ai découvert qu’elle était triple :

Je suis le conseiller militaire du préfet.

Lorsque le préfet est confronté à une crise grave dans son département, il organise les secours avec les moyens dont il dispose. Quand ces moyens sont inadaptés, indisponibles ou insuffisants, il se tourne vers l’armée que je représente afin d’obtenir de l’aide. Cela conduit bien souvent à l’arrivée de renforts militaires que je prends alors en charge. Cette mission de « protection civile » est ma mission principale.

Je participe au rayonnement de l’armée.

Rayonnement, un mot dont la signification diffère, même en haut lieu… Pour moi, cela signifie parler de l’armée, la faire connaître, dire et montrer ce qu’elle fait.

Enfin, j’organise les cérémonies officielles lorsqu’elles comportent des militaires en armes.

Je participe au devoir de mémoire.

J’ai alors tenté d’établir un état des lieux pour remplir ces trois missions. Avec combien de militaires? Deux ! Un sous-officier supérieur et moi-même, plus un secrétaire civil. Et des réservistes.

J’ai 11 réservistes : 4 sont lozériens, dont un Mendois, (Mende est le chef-lieu), les autres habitent hors du département (l’un vit à Cerbère, à la frontière espagnole). Ce sont soit d’anciens militaires, soit d’anciens appelés. Ils ont passé un contrat à servir dans la réserve et sont payés en fonction de leur grade pour travailler au centre opérationnel de ma délégation militaire.

J’ai deux réservistes citoyens, ce sont des citoyens bénévoles dont la mission principale est de contribuer à la diffusion de l’esprit de défense.

Enfin, j’ai un RLJC (réserviste local à la jeunesse et la citoyenneté), porte-parole de la défense auprès des jeunes, en particulier les plus défavorisés.

Sans réservistes, il me serait impossible d’accomplir ces trois missions.

Alors des exemples :

Le crash d’un avion algérien a eu lieu en Lozère un vendredi soir. Il faisait nuit, mon adjoint était en vacances, j’étais seul. J’ai appelé des réservistes qui ont répondu immédiatement présents. Grâce à eux, la délégation militaire a pu jouer pleinement son rôle, répondant ainsi au souhait du préfet et concourant à la réussite de la mission sous le regard attentif du consul algérien. Une crise mal gérée aurait été très mal perçue par le diplomate étranger.

Sur le plan rayonnement, mes 2 réservistes citoyens, tous deux enseignants, dispensent à leurs élèves un esprit de défense en faisant découvrir des valeurs qu’on n’apprend pas dans les manuels de l’éducation nationale. Le RLJC, anciennement de Marseille, intervient quant à lui dans un ERS

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(établissement de réinsertion scolaire) qui accueille des gamins exclus des établissements scolaires des départements voisins. Mon « spécialiste » des banlieues leur parle d’avenir, de métiers, de valeurs et tente de leur donner des repères.

Je suis aussi chargé des relations avec les 185 correspondants défense de Lozère. Sur ce sujet, je rejoins le général Helly. C’est parfois une relation difficile à entretenir. Ne serait-ce que pour avoir une liste à jour. Sur les 185 élus désignés, beaucoup ont appris par la délégation qu’ils étaient correspondants-défense. De fait, l’armée n’est pas le principal souci de ces conseillers municipaux (souvent chefs d’entreprise ou agriculteurs), surtout dans le marasme actuel. Toutefois c’est un réseau qu’il faut essayer de maintenir de par son maillage. Certes, les questions militaires ne sont pas toujours leur priorité, aussi est-ce bien souvent le DMD qui va à leur rencontre. Pour éveiller leur intérêt, le DMD les a associés au plan communal de sauvegarde de leur commune (en partenariat avec la préfecture). En effet sur le plan opérationnel, la DMD s’appuie sur le réseau qu’ils représentent, leur connaissance terrain et leurs relations pour prêter main forte aux détachements militaires quand ils interviennent dans leurs communes (en termes de logement, itinéraire et facilités de toutes sortes). Par ce biais, le DMD48 espère les rendre plus à l’écoute sur les questions militaires et développer le lien armée-Nation. Certains ont déjà adhéré.

Enfin, pour ce qui concerne le devoir de mémoire, je m’appuie sur les anciens combattants, l’Onac-vg, et mes réservistes. Parfois, nos concitoyens confondent les attributions de cet organisme avec la délégation militaire.

J’ai brossé rapidement ce qu’était le rôle d’un DMD en désert militaire. Il en résulte que sans la réserve, mes actions seraient très limitées.

L’absence de la défense sur le territoire (de la Lozère) peut avoir un impact sur le lien Armée-Nation, sur la compréhension et la légitimité des actions de notre armée au moment où des militaires français meurent sur des théâtres d’opérations extérieurs.

Alexis Kummetat

Je suis en charge d’une unité d’instruction dans un lycée.

Mon général, les 26 000 réservistes dont vous disposez sont loin de la cible théorique (40 000). Les colonels qui se sont exprimés ont remarqué que tout repose sur un certain nombre de personnels volontaires.

Est-ce une préoccupation pour vous ?

La difficulté d’atteindre cette cible tient-elle à une difficulté de budget ? Quid du budget que vous ne consommez pas quand vous ne pouvez pas convoquer vos réservistes ?

La difficulté de recruter est-elle liée à la nature des missions (peu motivantes) ? Ou est-ce un problème de « vivier » qui fait qu’on ne trouve pas des jeunes pour entrer dans la réserve opérationnelle ?

Jean-Marc Duquesne

Bien qu’amateur de rugby, je ne botterai pas en touche mais, en tant que directeur de l’IHEDN, je ne suis pas en charge de la gestion des réserves.

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Je vais toutefois vous donner ma perception : les quelques difficultés budgétaires ne me semblent pas la difficulté majeure. La difficulté majeure, c’est qu’on n’a pas « changé le logiciel » après la fin du service national.

Un travail de réflexion est en cours à ce sujet. Comment créer une réserve dans une population en élargissant la base de recrutement au-delà des anciens militaires ? Comment former, entraîner ces réservistes ?

De mon point de vue de l’IHEDN et à la lumière de mes fonctions opérationnelles précédentes, notamment en tant qu’ancien commandant de brigade parachutiste, je suis convaincu de la nécessité de cette réserve et je pense que nous avons un réservoir de citoyens désireux de s’engager. Je le vois très clairement chez ceux que je rencontre par le biais de l’IHEDN.

C’est à nous, acteurs de la défense, de mener et concrétiser une réflexion dans ce domaine.

Vincent Joly

Monsieur le maire, Messieurs les généraux, Mesdames Messieurs,

Je ferai un constat très rapide et poserai une question à Monsieur le maire.

La réserve opérationnelle fonctionne très bien.

Je connais surtout, depuis 22 ans, celle de la gendarmerie. C’est vrai, Mon général, nous rencontrons toujours un véritable accueil au niveau des personnels de la gendarmerie active et, sur le terrain, on ne voit pas la différence entre réserve et active.

C’est un mariage réussi parce qu’on s’apporte mutuellement énormément de choses.

Nous, réservistes, apprenons beaucoup de la gendarmerie au niveau des compétences, telle la prise de décision stratégique.

Et nous apportons à l’active des compétences du privé (gestion de performance, formation etc.).

Au niveau des jeunes cela fonctionne très bien. La JDC consacre pratiquement une demi-journée à l’information sur la réserve. Les préparations militaires fonctionnent bien. Les jeunes sont employés dans les différentes armées, plus particulièrement la gendarmerie, que je connais.

On sent une véritable volonté, au niveau de l’État, de rapprocher l’entreprise de la défense au travers du Conseil supérieur de la réserve militaire et des conventions entreprises-défense . Je veux souligner particulièrement, Mon général, le succès des formations IHEDN destinées aux référents-défense. Cela facilite la tâche du CRED (correspondant régional entreprise défense) qui peut les proposer aux entreprises.

Malgré tout cela, le réserviste a du mal à « sortir du bois ». Les jeunes réservistes n’osent pas parler à leur employeur de leur engagement. On a du mal à identifier les réservistes dans les entreprises.

Je salue le courage des DMD qui font tout ce qu’ils peuvent mais sont parfois contraints à une véritable traversée du « désert ».

En dépit de notre motivation, nous-mêmes, CRED, rencontrons des difficultés.

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Ma question est la suivante : Aujourd’hui, les réservistes interviennent beaucoup au profit des communes, des départements, des régions, en particulier au niveau des brigades de gendarmerie. Les entreprises font partie de ces communes, départements, régions. Monsieur le maire, serait-il possible aujourd’hui de mobiliser ces collectivités locales, territoriales, pour nous aider à harmoniser cette action commune autour de la défense ?

Jean-Pierre Bouquet

Cela doit pouvoir se faire. Un très bon réseau peut se mettre en place à partir de l’Association des maires de France qui, fédérant les maires de toutes les communes de France, est certainement en capacité de mobiliser.

J’emploie moi-même plusieurs gendarmes et militaires et j’en suis extrêmement satisfait. Cet exemple montre que les anciens militaires deviennent d’excellents cadres dans la fonction publique territoriale.

Nous avions mis en place l’action « Jeunes auxiliaires de gendarmerie », qui, pendant plusieurs années, a rencontré un certain succès dans les quartiers (les jeunes venaient aux cérémonies etc.). Lorsque le financement a été supprimé nous avons supporté cette action avec les crédits du Contrat de cohésion urbaine, qui, lui-même, a pris fin. Cette action s’est donc arrêtée faute de crédits. Je le déplore car, pour un coût insignifiant, elle constituait une bonne accroche pour la brigade de prévention de délinquance des jeunes.

Je vais faire remonter votre question auprès du Président Pélissard et du bureau de l’AMF afin qu’une réflexion soit menée et que vous ayez une réponse précise. Un correspondant-défense, adhérent à l’AMF, est présent dans la salle. Nous serons donc deux pour porter votre suggestion.

Clôture des débats

Laurence Lemouzy

Je vais maintenant donner la parole au Général André Helly qui prononcera l’intervention de clôture de ce colloque.

Permettez-moi, Général, de rappeler votre parcours militaire. Issu de l’école spéciale de Saint-Cyr (promotion « Capitaine de Cathelineau »), vous avez servi notamment au 8ème RPIMa de Castres, au 3ème RPIMa de Carcassonne, au 2ème RPIMa de Saint-Pierre de la Réunion. Vous avez participé à de nombreuses opérations, au Gabon, en République Centrafricaine, au Tchad, en Bosnie-Herzégovine. Vous avez commandé les Forces terrestres de Nouvelle-Calédonie et occupé des postes à responsabilité en relation avec les systèmes d’information et de communication. Enfin, jusqu’en 2012, vous avez été Gouverneur militaire de Lyon, officier général de zone de défense et de sécurité sud-est.

C’est à tous ces titres que vous témoignez.

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André Helly

Tout a été dit sur les territoires, sur l’esprit de défense. Un mot manque : la modernisation, afin que les réservistes puissent opérer dans les meilleures conditions possibles au profit de la défense et de la sécurité du pays.

Comment les réserves peuvent-elles contribuer à la défense et au développement de l’esprit de défense ?

Hier, en qualité d’officier général de zone de défense, à Lyon, j’assumais, pour la zone sud-est (26 départements) la responsabilité du soutien défense et celle de la coordination et de la cohérence du rayonnement des armées.

Aujourd’hui, réserviste de la Défense en mission pour l’état-Major des armées, dans la continuité de mes missions antérieures, je contribue, par un certain nombre d’actions, à développer l’esprit de défense. Par exemple, en dehors de missions rémunérées en tant que consultant conseil pour EDEN 46, j’apprends, dans un esprit citoyen, ce qu’est la défense au délégué d’EDEN Bretagne qui, âgé de vingt-huit ans, n’a pas fait son service national.

Le réserviste opérationnel, un militaire à part entière

On a parlé de la préparation militaire, de la surveillance du territoire et de la participation à la sécurité générale, de la lutte contre la pollution, des interventions en cas de catastrophes industrielles ou naturelles et de l’assistance à la population, avec des réservistes spécialisés ou non (Vigipirate).

La réserve opérationnelle permet à l’armée, en appui des forces d’active, d’assumer sa mission opérationnelle.

La réserve opérationnelle de niveau 1 (RO1) est constituée d’anciens militaires ou de civils volontaires pour servir dans la réserve au sein de différentes unités de réserve, spécialisées ou non, en emplois individuels (état-major, Centres Opérationnels de crise, Opex, Services, …).

Je citerai deux créations récentes :

La réserve Guépard TN (théâtre national) 800, une réserve nationale, des bras immédiatement disponibles pour renforcer tout département en cas de besoin.

Le Bataillon réserve IDF 2011 (actuellement 30 000 réservistes pour 22 jours d’activité par an, sur un objectif de 40 000 réservistes pour 25 jours d’activité par an) qui intervient en région parisienne, (plan inondation par exemple). En effet, l’Ile-de-France est un désert militaire particulier où les forces sont absentes (mais qui concentre les états-majors et les directions).

Le réserviste, militaire à part entière, est considéré comme un soldat entraîné et immédiatement utilisable.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la place du citoyen

Pour avoir des réservistes il faut les recruter. Les effectifs de la réserve ont tendance à baisser parce les anciens appelés se font rares.

Il faut donc former les citoyens à l’esprit de défense.

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C’est l’objectif du Parcours citoyen, de la JDC et du protocole défense-éducation nationale -université, déjà évoqués.

C’est la fonction de l’IHEDN et des diverses associations : formation des élus locaux, des enseignants (Trinômes académiques, classes défense).

C’est le rôle des correspondants-défense.

Les jeunes désireux de s’engager peuvent choisir les préparations militaires, le service civique, le service national volontaire (un an renouvelable trois fois), la réserve, sans oublier les 150 000 réservistes pompiers.

La réserve opérationnelle de niveau 2 (RO 2).

C’est à ce titre que je viens aujourd’hui témoigner, en qualité de réserviste rappelé pour une mission particulière de contribution des armées. Tout militaire ayant quitté le service actif a une obligation de disponibilité de cinq ans (j’ai quitté le service actif à 57 ans, je serai réellement en retraite à 62 ans). En cas de crise majeure, de scénario extrême, 74 000 hommes et femmes sont ainsi mobilisables.

RO1, RO2, le réserviste opérationnel est un militaire à part entière.

Le réserviste citoyen : un civil, collaborateur volontaire bénévole au service des armées

La réserve citoyenne apporte son concours au travail de mémoire par la participation aux cérémonies et des initiatives diverses (Exposition photo sur les grilles du parc de la tête d’Or «hommage aux morts pour la France ».).

Elle participe à la transmission et l’enseignement de l’esprit de défense (comprendre les risques et les menaces) et soutient l’information et la connaissance des forces armées au sein de la société civile

Elle apporte son expertise dans les domaines utiles à la défense.

Elle intervient dans le cadre du Parcours citoyen et de la Journée défense et citoyenneté.

Elle soutient des actions sociétales: : chantiers d’insertion, actions de solidarité, lutte contre l’illettrisme : lors des Journées de défense et de citoyenneté, le test de capacité de lecture, validé par l’éducation nationale, est un très bon indicateur socio-économique qui permet d’enclencher une action (établissements publics d’insertion de la défense, intervention de réservistes citoyens) pour tenter de ramener ces jeunes dans le giron de l’éducation nationale. Des organismes, comme la Caisse d’épargne, la Fondation Bébéar, peuvent aussi aider ces jeunes à retrouver des compétences en lecture et écriture, notamment pour pouvoir aborder un emploi ou une formation.

Comment développer l’esprit de défense ?

Le Livre blanc cite l’information à destination du grand public.

Cela demande du temps et des moyens. J’ai évoqué tout à l’heure mes pérégrinations dans ma zone de responsabilité, quand je passais de longues heures sur les routes pour me rendre dans les communes éloignées.

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L’esprit de défense se transmet à travers le développement de la politique de mémoire et lors des célébrations nationales. Les élus, les préfets le font parfaitement avec la participation des classes aux cérémonies.

Il faut aller un peu plus loin : Des actions peuvent être menées avec les régiments. On a parlé des classes défense (binômages de classes pendant un an).

D’autres actions sont réalisées grâce à des réservistes citoyens et RLJC :

Je citerai le « Livret de découverte pédagogique des lieux de mémoire de Lyon et alentours » qui a mobilisé pendant un an une classe et un instituteur à l’école St Joseph des Brotteaux. Cette action, financée par le conseil régional, la mairie de Lyon et le conseil général, met en lumière l’imbrication entre les armées et le territoire.

Je citerai encore l’association « Des souvenirs pour tous », la « Caravane des Dix mots », « les mots qui rassemblent » : en 2011, des jeunes de la banlieue lyonnaise avaient été accueillis à l’hôtel du Gouverneur pour découvrir un élément du patrimoine lyonnais mais aussi pour rencontrer le Gouverneur militaire. Après cette visite, j’étais reconnu par tous les jeunes quand je me promenais dans Lyon.

Je terminerai en citant l’Amiral Guillaud : « J’encourage toute action qui favorise le développement de l’esprit des défense ». (Il s’adressait en 2010 aux officiers généraux de zone de défense et de sécurité).

Il appartient à chacun de serrer les rangs. Il ne faut pas se décourager. Il faut continuer à aller voir les correspondants défense ! Mais il y a quand même une usure du système.

Enfin, je citerai des éléments de modernisation :

La modernisation exige de pérenniser les budgets défense pour avoir un objectif de RO 1 de l’ordre de 40 000 hommes pour 25 jours de convocation pour la défense hors gendarmerie.

Dans l’esprit de la loi de juillet 2011 (loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure), il faut aussi moderniser l’administration, pérenniser les convocations et les rendre plus faciles.

Il faut permettre aux réservistes qui se déplacent vers les unités de bénéficier d’un accès plus facile au mess (les sujétions ne sont pas bien prévues ni bien consolidées dans les budgets et dans l’aspect administratif des choses).

Si on veut des réservistes, il faut les recruter, aller les chercher, travailler avec les entreprises. Je citerai l’exemple d’une entreprise, près de Saint-Brieuc, au sein de laquelle travaillent deux réservistes qui étaient partis en Afghanistan. Ce fut vraiment extrêmement compliqué, trop compliqué, au point de compromettre l’emploi de ces réservistes en OPEX.

C’est sur cette modernisation qu’il faut faire un effort. Et les lois françaises ne sont pas toujours très simples, leurs décrets d’application encore moins.

En ce qui concerne la Réserve citoyenne, il serait bon de faciliter le regroupement en associations de ces réservistes citoyens souvent orphelins de directives. L’emploi de réservistes citoyens suppose un contrat, une évaluation, un accompagnement et, peut-être, un peu une sujétion, en tout cas un défraiement qui leur permette de mener à bien leur action, même s’ils sont bénévoles.

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Laurence Lemouzy

Au nom de l’Institut de la gouvernance territoriale, je remercie le Conseil supérieur de la Réserve militaire et nos partenaires, l’IHEDN et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (en la personne de M. Jean-Robert Massimi47) pour cette belle rencontre, cette collaboration efficace qui a donné lieu à cette journée. Je me permets d’associer à ces remerciements le capitaine Irène Pucci (chef du bureau Communication et Rayonnement du CSRM) pour la fluidité qu’elle a pu apporter dans l’organisation de cette journée. Elle nous a aussi fait une suggestion, que nous avons transmise au ministre de la Défense : permettre à plus de 80 étudiants en management public d’effectuer une période militaire pendant leur parcours d’études qui les destine aux carrières du service public.

Antoine de Roquefeuil

À mon tour je leur adresse mes remerciements.

Je veux aussi remercier tous les intervenants.

Du Directeur général des collectivités locales, qui nous a éclairés sur les orientations de la société, jusqu’aux témoignages « du terrain » des délégués militaires de deux départements, nous avons décliné toutes les strates, toutes les étapes des relations entre territoire et défense.

Tous ont montré à quel point la réserve nous renforce et à quel point nous avons tout intérêt, civils comme militaires, à renforcer et à développer la réserve.

Je remercie aussi les participants.

Nous avons ouvert beaucoup de portes, entamé une vraie réflexion. Cette opération ne doit pas s’arrêter aux partenaires de ce colloque.

Belle vie aux réservistes !

Merci

1 le Contre-amiral Antoine de ROQUEFEUIL est le Secrétaire général du CSRM.

2 http://www.defense.gouv.fr/reserves/monde-de-la-reserve/la-journee-nationale-du-reserviste/jnr-2013-programme-national-des-activites

3 Madame Lemouzy est la directrice scientifique de l’Institut de la Gouvernance territoriale et de la Décentralisation et de la revue Pouvoirs locaux.

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4 Voir Territoire, décentralisation et réserve militaire, par le Contre-amiral Antoine de ROQUEFEUIL, p. 3 du numéro 96 de la revue « Pouvoirs locaux » (Stratégies territoriales Régions & métropoles) paru en avril 2013.

5 Projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0190.asp)

6 Texte de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, déposé au Sénat le 10 avril 2013, amendé et adopté par le Sénat le 6 juin 2013, transmis à l'Assemblée nationale le 7 juin 2013, amendé et adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet, transmis au Sénat le 23 juillet 2013 pour deuxième lecture.

7 Créé à Strasbourg en 1735, le 2e régiment de hussards (2eRH) a acquis sa réputation sous les ordres du marquis de Chamborant entre 1761 et 1791. Fidèle à son histoire, le 2e RH est resté un régiment de cavalerie légère dont les hussards sont toujours recrutés pour leur capacité à survivre en zone d’insécurité, à renseigner sur l’ennemi et à le harceler.

8 Au 1er janvier 2012, notre territoire compte 35 303 communes regroupées au sein de 2 581 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. On dénombre désormais 15 communautés urbaines et une métropole, 202 communautés d’agglomération, 2 358 communautés de communes, 5 syndicats d’agglomération nouvelle (SAN).

9 La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a établi le principe de l’organisation décentralisée de la République.

« La loi détermine les principes fondamentaux :…de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; …» (in Constitution Titre V : Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement, article 34, modifié par Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2003)

10 « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. » (in Constitution, Titre XII : Des collectivités territoriales, article 72, modifié par Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003)

11 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (JORF n°0292 du 17 décembre 2010 page 22146 ; NOR: IOCX0922788L).

12 Voir http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/dp-cimap_02-04-2013.pdf

13 Le CRC1 (H) Alain GEISS est CRED Champagne-Ardenne (commissaire de réserve honoraire de 1ère classe).

14 Le mercredi 27 mars 2013, à l'ordre du jour de la séance plénière du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale figurait le projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique. À cette occasion, Marylise Lebranchu, Ministre en charge de ce dossier, était venue présenter les grandes lignes de ce texte et sa vision de la "fonction publique du XXIème siècle".

Ce projet de loi a fait l'objet de 69 amendements émanant des membres du Conseil supérieur, chacun ayant été attentivement examiné par la Direction générale des collectivités locales, représentant le gouvernement au cours de cette séance.

Voir http://www.csfpt.org/documents/042013/0204131500133Communiqudepressedu27mars2013.pdf

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15 Au cours de sa séance plénière du 2 avril 2013, le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État a émis un avis défavorable au projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique. Voir http://www.fonction-publique.gouv.fr/fonction-publique/la-fonction-publique-france-9

16LOI n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (NOR: INTX0300078L)

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000804607&dateTexte=&categorieLien=id

17 M. Richard fait allusion à la Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, présentée en Conseil des ministres en octobre 2003 et définitivement adoptée par le Parlement le 30 juillet 2004. 1311 amendements et 3 motions avaient été déposés au Sénat en première lecture (811 amendements et 3 motions en deuxième lecture). Pour la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, avait engagé, le 23 juillet 2004, la responsabilité du gouvernement. Un recours ayant été déposé devant le Conseil constitutionnel par plus de 60 députés le 3 août 2004, celui-ci, dans sa décision, rendue le 12 août, censura l’article 203 reportant, dans les académies d’outre-mer, le transfert aux départements et régions des « personnels techniques, ouvriers et de services de lycées et collèges » mais déclara tout le reste du texte conforme à la Constitution.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales fut promulguée le 13 août 2004

18 Jean-Louis Borloo a fait voter en 2005 une réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU).L'article 59 du projet de loi de cohésion sociale prévoyait notamment une augmentation du montant global de cette dotation de péréquation. Sur la période 2005-2009, la DSU devait en effet augmenter de 120 millions d'euros par an.

19 Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité

Michel Mercier (Rapport d'information 447 tome 1 (1999-2000) - Mission commune d'information)

http://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-1.html

20 « Bases de défense : une réforme à conforter » Rapport d'information n° 660 (2011-2012) de MM. Gilbert Roger et André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 11 juillet 2012

21 La révision générale des politiques publiques (analyse des missions et actions de l'État et des collectivités, mise en œuvre de scénarios de réformes structurelles avec comme objectifs déclarés la réforme de l’État, la diminution des dépenses publiques et l’amélioration des politiques publiques), annoncée par une communication en conseil des ministres le 20 juin 2007, avait été officiellement lancée le 10 juillet 2007. Un premier rapport avait été présenté le 4 avril 2008. Le 18 décembre 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a lancé la modernisation de l'action publique (MAP) en lieu et place de la RGPP.

22 Depuis son raccordement, en 2011, aux systèmes de gestion de ressources humaines (SIRH) du Service de Santé des Armées (SSA), de la Marine nationale et de l’armée de Terre, le Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois) a provoqué d’innombrables dysfonctionnements dans le paiement des soldes des militaires.

23 Réunissant des représentants du CSFPT, de l’Observatoire du Centre national de la fonction publique territoriale, de la Fédération nationale des centres de gestion et de la Direction générale

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des collectivités locales, un groupe de travail sur les effectifs des collectivités, mis en place au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) à la demande des trois présidents des principales associations d’élus (AMF, ADF, ARF), a rendu, le jeudi 28 février 2013, ses préconisations pour clarifier et harmoniser les données disponibles (« État des lieux des effectifs de la fonction publique territoriale » et tableaux inédits d’effectifs nationaux et régionaux).

24 De la police municipale à la police territoriale : mieux assurer la tranquillité publique. Rapport d'information de MM. François Pillet et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois n° 782 (2011-2012) - 26 septembre 2012.

25 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État *loi Defferre*.

26 Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

27 Le contre-amiral de Roquefeuil fait allusion à l’article de Jean Guisnel « Les réservistes appelés à passer au bénévolat » paru dans Le Point du 26 mars 2013 (http://www.lepoint.fr/editos-du-point/jean-guisnel/les-reservistes-appeles-a-passer-au-benevolat-26-03-2013-1645698_53.php)

28 « Pour une réserve de sécurité nationale » Rapport d'information n° 174 (2010-2011) de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 14 décembre 2010

29 LOI n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

30 Le Général de corps d’armée (2S) André Helly fut officier général de zone de défense et de sécurité sud-est.

31Le ministère de la défense et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ont signé le 31 janvier 2007 un protocole définissant de nouvelles orientations au partenariat Défense-Éducation nationale.

Faisant suite aux précédents protocoles de 1982, 1989 et 1995, ce document a redéfini, après la suspension de l'appel sous les drapeaux, les actions communes aux deux ministères afin de faire de tout jeune Français un citoyen formé, inséré socialement et professionnellement, et engagé dans la vie de la nation.

Le plan d'action élaboré par les deux ministères se décline autour de trois objectifs majeurs :

• Donner à l'enseignement de défense sa juste place dans la formation des futurs citoyens et dans la vie intellectuelle de notre pays ;

• Contribuer à l'emploi des jeunes et à l'égalité des chances ;• Créer un dispositif de suivi et d'évaluation complet et cohérent.

Pour la première fois, le protocole s'étend également aux coopérations en matière d'enseignement supérieur et de recherche.

Le protocole d'accord du 31 janvier 2007 constitue une feuille de route pour le partenariat "Défense - Éducation nationale" dans le respect des nombreuses initiatives locales nouées depuis de nombreuses années entre les autorités militaires et les autorités académiques.

32 Les associations régionales (AR), regroupent les auditeurs des sessions régionales de l’IHEDN ainsi que des auditeurs des sessions nationales et des cadres résidant en province. L’engagement des auditeurs se poursuit au-delà des sessions régionales et affiche trois objectifs :

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- maintenir et renforcer les liens entre les auditeurs de l’IHEDN;

- développer l’esprit de défense dans la nation;

- contribuer à la réflexion sur la défense nationale et apporter son concours à l’Institut pour l’accomplissement de sa tâche.

33 François 1er décida de reconstruire Vitry en Perthois, détruite par les soldats de Charles Quint, sur l'emplacement du village de Maucourt. Cette nouvelle cité va se nommer Vitry-le-François. Girolamo Marini, architecte italien, s'est trouvé devant une feuille blanche et entièrement libre pour dessiner Vitry. Il avait le choix entre différentes figures géométriques. La ville est finalement un carré de 612 mètres de côté associé à une disposition en damier : la place centrale est carrée et la ville est d'abord scindée par deux grandes rues qui se croisent à angle droit, formant quatre carrés dont chacun est divisé en quatre parties par des rues.

34 Conséquence de la réforme de la carte militaire, près de 83 ans après sa création officielle, la base aérienne 112 “Marin-la-Meslée” a été officiellement fermée, le 30 juin 2011, par le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Jean-Paul Paloméros.

35 L'édit de Paris, en 1536, confie à la maréchaussée la répression des crimes de grand chemin, étendant ses attributions au-delà du domaine militaire.

36 L'édit de mars 1720 réorganise profondément la maréchaussée et accentue son caractère territorial. Il crée dans chacune de trente-six provinces un tribunal prévôtal et une compagnie de maréchaussée. Les prévôtés sont divisées en lieutenances, elles-mêmes divisées en brigades réparties le long des grandes routes. Chaque brigade doit surveiller une vingtaine de kilomètres de route de part et d'autre de son siège. L'"arrondissement" ou "district" d'une brigade comprend également plusieurs dizaines de paroisses rurales plus ou moins éloignées.

37 Commune de l’Est Guyanais située sur les bords du fleuve Oyapock qui marque la frontière entre le Brésil et la France en Guyane française.

38 « La réserve a pour objet de renforcer les capacités des forces armées dont elle est une des composantes, d'entretenir l'esprit de défense et de contribuer au maintien du lien entre la nation et ses forces armées. » (LOI no 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense. Titre 1er, chapitre 1er, section 1, article 1er)

39 Moyen d'INformation Opérationnelle et de Traitement AUtomatisé de la Réserve http://www.minotaur.fr/

40 Par leur engagement, les Réservistes Locaux à la Jeunesse et à la Citoyenneté sont le lien privilégié entre les armées et la jeunesse dans les secteurs urbains sensibles. Le RLJC, c’est la « main tendue » de la Défense vers les jeunes, en particulier ceux de milieu défavorisé. Clés de voûte du plan « Égalité des chances » du ministère de la Défense, ils sont chargés de le faire connaître dans leur entourage.

41 En cas de crise sur le territoire national, la chaîne de commandement de l'OTIAD (Organisation Territoriale Interarmées de Défense) se met en place en parallèle de la chaîne civile à chacun de ses niveaux dans un même cadre géographique, le territoire national, réparti en "zones de défense" (ZD). Dans ces zones de défense, cette coordination est assurée sur le plan militaire par un officier général de zone de défense (OGZD), assisté d'un état-major interarmées et représenté, à l'échelon du département, par un délégué militaire départemental (DMD). Afin de maintenir l'unicité de l'action gouvernementale, les OGZD, avec les préfets de zone, et les DMD avec les préfets de département établissent des relations étroites de façon à développer une véritable compréhension mutuelle entre les différents niveaux de responsabilité.

42 Le plan POLMAR (pollution maritime) est un plan d'intervention français qui est déclenché en cas de pollution marine accidentelle.

43 Par une convention cadre signée en commun le 8 mars 2011, les ministères en charge de la Défense et l’Éducation nationale ont convenu d’encourager le développement des "classes de défense et de sécurité globales".

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S’appuyant sur une convention particulière entre un collège et une unité militaire, ce dispositif est particulièrement adapté à des jeunes collégiens scolarisés dans des établissements classés "réseau ambition réussite (RAR) / Collège et lycées pour l’innovation, l’ambition et la réussite (CLAIR)".

Ce partenariat (non exclusif d’autres partenariats) comprend généralement :

- une correspondance régulière sous forme électronique, qui se poursuit lorsque l’unité militaire est en opération ;

- une visite annuelle de la classe au sein de l’unité militaire.

- le témoignage épisodique de personnels de l’unité militaire, invités au sein de la classe, en fonction de leur spécialité et du thème abordé, qui peut toucher finalement de nombreux aspects de la vie de l’unité.

L’essentiel des relations se faisant par mels ou par des visites ponctuelles, il mobilise peu de moyens militaires, que ce soit en personnel, en temps ou sur le plan budgétaire et peut s’affranchir des contraintes de proximité géographiques, constituant une réponse au maintien d’un lien armées-nation dans les "déserts militaires".

Il ne s’agit ni de faire de pré-recrutement pour les armées, ni de "militariser" l’enseignement : ce partenariat a uniquement vocation à constituer un "fil rouge" et un support permettant de donner du sens aux enseignements. En provoquant des émotions, ce partenariat suscite en effet une motivation des élèves qui facilite les apprentissages.

44 Placé sous le commandement opérationnel du chef d'état-major de la marine, le bâtiment hydrographique Laplace navigue au profit de la mission hydrographique de l'Atlantique (MHA). Il opère généralement le long des côtes françaises de la façade Atlantique où il effectue des sondages bathymétriques, des recherches d'épaves et d'obstructions nécessaires à la mise à jour des cartes marines, ou des travaux océanographiques de haute mer.

45 Au sein du 11e régiment d'artillerie de marine, installé à 25km de la ville de Rennes, 1000 hommes et femmes servent les moyens artillerie et renseignement les plus modernes des forces françaises.

46 EDEN, European Defense Economic Network, cluster de Défense, Sécurité, Sûreté a été fondé en 2008 par cinq entrepreneurs rhônalpins. Devenu en 2011 une Fédération nationale, EDEN compte trois associations régionales : en Rhône-Alpes, Bretagne et région Centre.47 Jean-Robert Massimi est le directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

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