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formation | 14 OptionBio | Lundi 18 juillet 2011 | n° 458 L e cancer du sein reste un des problèmes les plus pré- occupants de santé publique, même s’il tend à diminuer en France depuis 1990, alors que le cancer du poumon augmente. Passer des statistiques à l’individu Sur un plan statistique, les marqueurs prédictifs sont les récep- teurs aux estrogènes et à la progestérone, l’amplification de HER2, les marqueurs pronostiques étant l’âge et la taille de la tumeur. Il ne faut cependant pas oublier que l’évaluation des risques à la hauteur d’une population est différente de l’évaluation du risque pour un individu unique. Dans ce cas, l’âge et l’atteinte ganglionnaire sont alors les marqueurs pronostiques le plus souvent utilisés. Pourtant 30 % auront une récidive à 5 ans, et le bénéfice absolu de tout traitement par chimiothérapie est de l’ordre de 15 %. On a toujours cherché à combiner les marqueurs pour aider à la prise en charge des patients (patientes) : Nottingham indice, et plus récemment Adjuvant on line qui est un modèle mathé- matique combinant l’âge et les différents facteurs en un calcul de probabilités. Mais le problème majeur reste de savoir où se situe le patient (la patiente) parmi ces approches statistiques. C’est le pronostic individuel qu’il faut encore améliorer. Toujours l’importance du pré-analytique Depuis les années 1990 existe un engouement autour des techniques microarray, prometteuses pour identifier des profils génétiques. En Hollande, une étude est menée à l’aide du Mam- maPrint ® (70 gènes) et des marqueurs les plus importants. Sur 800 patientes, 400 seulement purent être étudiées. En effet, la technique impose de travailler sur l’ARN, donc sur des tissus frais, et force est de constater que, là encore, la qualité du prélè- vement et/ou les modalités d’acheminement impactent de façon très importante sur la qualité de la technique. Un essai européen est en cours actuellement... Résultats dans 5 à 10 ans. Il faut savoir raison garder... De nombreuses “signatures génétiques” sont actuellement pro- posées dans le cadre du cancer du sein, témoignant de l’intérêt suscité par “ce marché” auprès des différentes compagnies industrielles. Toutefois, les différents problèmes de qualité de prélèvement, de méthodologie, de répétabilité doivent inciter à la plus grande prudence. De plus, si l’on a affaire à une tumeur de petite taille (inférieure à 1 cm), il faut un minimum de tissu en paraffine pour l’anato- mopathologie, et l’extraction de l’ARN, fragile, reste une étape très limitante (30 % environ des prélèvements sont perdus en moyenne). Des essais sont actuellement en cours pour utiliser les fragments sous paraffine, mais ces microarrays se heurtent encore à de nombreux problèmes techniques à résoudre. Le risque, en effet, serait que la recherche appliquée veuille aller plus vite que la recherche fondamentale. Il paraîtrait plus sage tout d’abord de “chercher à comprendre” avant d’évoquer la notion de marqueur, et comparer la signature candidate à ce qui existe déjà en matière de marqueurs (et retravailler ces signatures en tenant compte des trois groupes issus des résultats quant aux récepteurs estrogènes, progestérone et ERB2 ?) avant d’affirmer que telle signature apportera un plus... Un deuxième risque pour- rait être de surtraiter, entraînant d’importants effets secondaires, négatifs pour la personne, et responsable pour la société d’un surcoût important. | ROSE-MARIE LEBLANC consultant biologiste, Bordeaux (33) [email protected] L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en lien avec cet article. Les tests pronostiques de cancer du sein Les marqueurs prédictifs du cancer du sein diffèrent selon que l’évaluation du risque est réalisée à la hauteur d’une population ou à l’échelle d’un individu. Aujourd’hui, c’est le pronostic individuel qui reste à améliorer. De nombreuses “signatures génétiques” sont ainsi proposées par les industriels mais la prudence s’impose : la voie de la recherche fondamentale resterait plus sage qu’une recherche appliquée “précipitée”. | Cellule de cancer du sein. Micrographie électronique à balayage (MEB). © Phanie/Photo Researchers Source Communication de F. Reyal, Paris, lors du 26 e colloque Corata, juin 2009, Marne-la- Vallée (77).

Les tests pronostiques de cancer du sein

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14 OptionBio | Lundi 18 juillet 2011 | n° 458

Le cancer du sein reste un des problèmes les plus pré-occupants de santé publique, même s’il tend à diminuer en France depuis 1990, alors que le cancer du poumon

augmente.

Passer des statistiques à l’individuSur un plan statistique, les marqueurs prédictifs sont les récep-teurs aux estrogènes et à la progestérone, l’amplification de HER2, les marqueurs pronostiques étant l’âge et la taille de la tumeur.Il ne faut cependant pas oublier que l’évaluation des risques à la hauteur d’une population est différente de l’évaluation du risque pour un individu unique. Dans ce cas, l’âge et l’atteinte ganglionnaire sont alors les marqueurs pronostiques le plus souvent utilisés. Pourtant 30 % auront une récidive à 5 ans, et le bénéfice absolu de tout traitement par chimiothérapie est de l’ordre de 15 %.On a toujours cherché à combiner les marqueurs pour aider à la prise en charge des patients (patientes) : Nottingham indice, et plus récemment Adjuvant on line qui est un modèle mathé-matique combinant l’âge et les différents facteurs en un calcul de probabilités. Mais le problème majeur reste de savoir où se situe le patient (la patiente) parmi ces approches statistiques. C’est le pronostic individuel qu’il faut encore améliorer.

Toujours l’importance du pré-analytiqueDepuis les années 1990 existe un engouement autour des techniques microarray, prometteuses pour identifier des profils génétiques. En Hollande, une étude est menée à l’aide du Mam-maPrint® (70 gènes) et des marqueurs les plus importants. Sur 800 patientes, 400 seulement purent être étudiées. En effet, la technique impose de travailler sur l’ARN, donc sur des tissus frais, et force est de constater que, là encore, la qualité du prélè-vement et/ou les modalités d’acheminement impactent de façon très importante sur la qualité de la technique. Un essai européen est en cours actuellement... Résultats dans 5 à 10 ans.

Il faut savoir raison garder...De nombreuses “signatures génétiques” sont actuellement pro-posées dans le cadre du cancer du sein, témoignant de l’intérêt suscité par “ce marché” auprès des différentes compagnies industrielles. Toutefois, les différents problèmes de qualité de prélèvement, de méthodologie, de répétabilité doivent inciter à la plus grande prudence.De plus, si l’on a affaire à une tumeur de petite taille (inférieure à 1 cm), il faut un minimum de tissu en paraffine pour l’anato-mopathologie, et l’extraction de l’ARN, fragile, reste une étape très limitante (30 % environ des prélèvements sont perdus en moyenne). Des essais sont actuellement en cours pour utiliser les fragments sous paraffine, mais ces microarrays se heurtent encore à de nombreux problèmes techniques à résoudre.Le risque, en effet, serait que la recherche appliquée veuille aller plus vite que la recherche fondamentale. Il paraîtrait plus sage tout d’abord de “chercher à comprendre” avant d’évoquer la notion de marqueur, et comparer la signature candidate à ce qui existe déjà en matière de marqueurs (et retravailler ces signatures en tenant compte des trois groupes issus des résultats quant aux récepteurs estrogènes, progestérone et ERB2 ?) avant d’affirmer que telle signature apportera un plus... Un deuxième risque pour-rait être de surtraiter, entraînant d’importants effets secondaires, négatifs pour la personne, et responsable pour la société d’un surcoût important. |

ROSE-MARIE LEBLANC

consultant biologiste, Bordeaux (33)

[email protected]

L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en lien avec cet article.

Les tests pronostiques de cancer du sein

Les marqueurs prédictifs du cancer du sein diffèrent selon que l’évaluation du risque est réalisée à la hauteur d’une population ou à l’échelle d’un individu. Aujourd’hui, c’est le pronostic individuel qui reste à améliorer. De nombreuses “signatures génétiques” sont ainsi proposées par les industriels mais la prudence s’impose : la voie de la recherche fondamentale resterait plus sage qu’une recherche appliquée “précipitée”.

| Cellule de cancer du sein. Micrographie électronique à balayage (MEB).

© P

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SourceCommunication de F. Reyal, Paris, lors du 26e colloque Corata, juin 2009, Marne-la-Vallée (77).