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10 formation dossier dossier Actualités pharmaceutiques n° 470 Janvier 2008 A ujourd’hui, les cancers constituent en France, comme dans la plupart des pays développés, un problème majeur de santé publique : les tumeurs malignes représentent la première cause de mortalité chez les hommes (30 % de l’ensemble des décès en 2004) et la seconde chez les femmes, après les maladies cardiovasculaires (25,2 % de l’ensemble des décès en 2004). Elles sont responsables également de 40 % de la mortalité prématurée entre 35 et 65 ans chez les hom- mes et de 48 % chez les femmes. Ces chiffres prennent toute leur importance dans le contexte de vieillissement de la population que connaît actuellement la France. Le nombre de nouveaux cas de cancers en France était estimé à 161 000 chez les hommes et 117 000 chez les femmes en 2000. Les localisations les plus fréquentes sont le sein chez la femme (42 000 cas), la prostate chez l’homme (40 000 cas), le côlon et le rectum (36 250 cas) et le poumon (27 700 cas). La probabilité pour un Fran- çais d’avoir un cancer au cours de sa vie est actuel- lement évaluée à 47 % pour les hommes (soit près d’1 homme sur 2) et 37 % pour les femmes (soit plus d’1 femme sur 3). Prise en charge des toxicités des anticancéreux La chimiothérapie, utilisée seule ou associée à la radio- thérapie et/ou à la chirurgie, dans les traitements anti- cancéreux présente souvent des effets secondaires néfastes, parfois extrêmement pénibles. Traitements visant à traiter les toxicités aiguës La toxicité aiguë des anticancéreux apparaît de quel- ques heures à quelques jours après l’administration et dure de quelques heures à 2 mois. Elle est en général réversible. Toxicité hématologique La toxicité hématologique résulte de la destruction des cellules souches hématopoïétiques en voie de différen- ciation. Elle est réversible, non cumulative et le plus sou- vent dépendante de la dose administrée. C’est la toxicité la plus précoce et la plus fréquente des toxicités aiguës des anticancéreux. Elle est due à l’effet myélosuppressif des agents cyto- toxiques entraînant une diminution de l’activité médul- laire avec baisse de la production de lignées cellulaires. L’association de plusieurs produits est susceptible de majorer cette toxicité. Une leuconeutropénie (diminution du nombre des globules blancs), complication la plus fréquente, est susceptible d’entraîner des complications infectieuses. Sa gravité va dépendre de sa sévérité et de sa durée. Elle se manifeste en général du 8 e au 10 e jour de la cure et est potentiellement plus sérieuse si elle s’accompagne de fièvre, ce qui peut nécessiter une hospitalisation. Un traitement approprié sera nécessaire en cas d’une numération de leucocytes inférieure à 1 500/mm 3 . Le pronostic vital sera engagé en cas de polynucléaires neutrophiles inférieurs à 500/mm 3 . L’administration en sous-cutané de facteurs de crois- sance granulocytaire (Granulocyte colony stimulating factors ou G-CSF) permet de diminuer la durée de cette baisse des leucocytes et les complications associées : filgrastim (Neupogen ® , médicament présenté en page 57) et lénograstim (Granocyte ® ). Notons qu’il existe également une forme pégylée : le pegfilgrastim (Neulasta ® ) dont la manipulation paraît Savoir gérer les toxicités en pratique Écouter les patients. Adapter les posologies sans nuire à l’efficacité. Évaluer objectivement les toxicités. Savoir prendre en charge l’anxiété. À savoir À savoir Le cancer reste l’un des grands défis de notre époque. Si les traitements ont fait de gros progrès et si la fréquence de certains cancers a tendance à diminuer, d’autres sont en augmentation constante. À savoir À savoir Les traitements adjuvants à la chimiothérapie anticancéreuse Il existe de nombreux traitements adaptés pour calmer la douleur chronique du cancéreux, diminuer les nausées et vomissements chimio-induits, pallier la toxicité hématologique de certains médicaments, voire prévenir les effets secondaires graves les plus fréquents de certaines molécules. Il est alors question de chimioprotection. Sébastien Faure Sébastien Faure

Les traitements adjuvants à la chimiothérapie anticancéreuse

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Actualités pharmaceutiques • n° 470 • Janvier 2008

Aujourd’hui, les cancers constituent en France, comme dans la plupart des pays développés, un problème majeur de santé publique : les tumeurs

malignes représentent la première cause de mortalité chez les hommes (30 % de l’ensemble des décès en 2004) et la seconde chez les femmes, après les maladies cardiovasculaires (25,2 % de l’ensemble des décès en 2004). Elles sont responsables également de 40 % de la mortalité prématurée entre 35 et 65 ans chez les hom-mes et de 48 % chez les femmes. Ces chiffres prennent toute leur importance dans le contexte de vieillissement de la population que connaît actuellement la France. Le nombre de nouveaux cas de cancers en France était estimé à 161 000 chez les hommes et 117 000 chez les femmes en 2000. Les localisations les plus fréquentes sont le sein chez la femme (42 000 cas), la prostate chez l’homme (40 000 cas), le côlon et le rectum (36 250 cas) et le poumon (27 700 cas). La probabilité pour un Fran-çais d’avoir un cancer au cours de sa vie est actuel-lement évaluée à 47 % pour les hommes (soit près d’1 homme sur 2) et 37 % pour les femmes (soit plus d’1 femme sur 3).

Prise en charge des toxicités des anticancéreuxLa chimiothérapie, utilisée seule ou associée à la radio-thérapie et/ou à la chirurgie, dans les traitements anti-

cancéreux présente souvent des effets secondaires néfastes, parfois extrêmement pénibles.

Traitements visant à traiter

les toxicités aiguës

La toxicité aiguë des anticancéreux apparaît de quel-ques heures à quelques jours après l’administration et dure de quelques heures à 2 mois. Elle est en général réversible.

Toxicité hématologiqueLa toxicité hématologique résulte de la destruction des cellules souches hématopoïétiques en voie de différen-ciation. Elle est réversible, non cumulative et le plus sou-vent dépendante de la dose administrée.C’est la toxicité la plus précoce et la plus fréquente des toxicités aiguës des anticancéreux.Elle est due à l’effet myélosuppressif des agents cyto-toxiques entraînant une diminution de l’activité médul-laire avec baisse de la production de lignées cellulaires. L’association de plusieurs produits est susceptible de majorer cette toxicité.• Une leuconeutropénie (diminution du nombre des globules blancs), complication la plus fréquente, est susceptible d’entraîner des complications infectieuses. Sa gravité va dépendre de sa sévérité et de sa durée. Elle se manifeste en général du 8e au 10e jour de la cure et est potentiellement plus sérieuse si elle s’accompagne de fièvre, ce qui peut nécessiter une hospitalisation.Un traitement approprié sera nécessaire en cas d’une numération de leucocytes inférieure à 1 500/mm3. Le pronostic vital sera engagé en cas de polynucléaires neutrophiles inférieurs à 500/mm3.L’administration en sous-cutané de facteurs de crois-sance granulocytaire (Granulocyte colony stimulating factors ou G-CSF) permet de diminuer la durée de cette baisse des leucocytes et les complications associées : filgrastim (Neupogen®, médicament présenté en page 57) et lénograstim (Granocyte®).Notons qu’il existe également une forme pégylée : le pegfilgrastim (Neulasta®) dont la manipulation paraît

Savoir gérer les toxicités en pratiqueÉcouter les patients. Adapter les posologies sans nuire à l’efficacité.

Évaluer objectivement les toxicités. Savoir prendre en charge l’anxiété.

Savoir gérer les toxicités en pratiqueÉcouter les patients. Adapter les posologies sans nuire à l’efficacité.

Évaluer objectivement les toxicités. Savoir prendre en charge l’anxiété.

Le cancer reste l’un des grands défis de notre époque.

Si les traitements ont fait de gros progrès et si la fréquence

de certains cancers a tendance à diminuer, d’autres sont

en augmentation constante.

À savoirÀ savoir

Le cancer reste l’un des grands défis de notre époque.

Si les traitements ont fait de gros progrès et si la fréquence

de certains cancers a tendance à diminuer, d’autres sont

en augmentation constante.

À savoirÀ savoir

Les traitements adjuvants

à la chimiothérapie anticancéreuse

Il existe de nombreux traitements adaptés pour calmer la douleur chronique

du cancéreux, diminuer les nausées et vomissements chimio-induits, pallier

la toxicité hématologique de certains médicaments, voire prévenir les effets

secondaires graves les plus fréquents de certaines molécules. Il est alors question

de chimioprotection.Sébastien FaureSébastien Faure

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beaucoup plus simple dans le cadre de la prévention des neutropénies sévères après chimiothérapie.Les effets secondaires de ces facteurs de croissance sont le plus souvent mineurs. Il est maintenant parfai-tement établi que ces produits permettent d’améliorer l’observance des protocoles de chimiothérapie conven-tionnelle et même d’augmenter l’intensité des doses de certaines combinaisons, contribuant ainsi à améliorer les résultats thérapeutiques.Un traitement antibiotique puissant (avec par exem-ple des fluoroquinolones comme la ciprofloxacine, Ciflox® et/ou un glycopeptide comme la vancomycine, Vancocine® et/ou un aminoside comme l’amikacine, Amiklin® et/ou une céphalosporine de 3e génération comme la céfépime, Axépim®...), antiviral (valaciclo-vir, Zélitrex®) et antifongique (fluconazole, Triflucan®) pourra être envisagé par l’équipe traitante en fonction de l’hémogramme.• Une lymphopénie engendrant une immunosuppres-sion augmente le risque infectieux, en diminuant les défenses propres de l’organisme. La récupération est lente (jusqu’à 1 an). Dans ce cas, il convient d’adapter la posologie et l’intervalle des cures en fonction de la tolérance hématologique.• Une thrombopénie (baisse du nombre des plaquettes sanguines), augmentant le risque hémorragique, peut être corrigée si elle est importante (lorsque le nombre de plaquettes est inférieur à 20 000/mm3) par des concen-trés plaquettaires (en particulier en cas de signes hémor-ragiques graves comme des pétéchies, des hématuries, des hémorragies au fond d’œil, des gingivorragies...). En effet, il n’existe actuellement pas de facteur de crois-sance plaquettaire disponible. Il faut donc gérer une thrombopénie en reportant les cures de chimiothérapie ou en adaptant les doses car il ne faut pas oublier que les transfusions de concentrés plaquettaires n’ont d’intérêt que pour passer un cap, en raison de la courte durée de vie des thrombocytes (48 heures). Il est donc important que la moelle osseuse puisse “prendre le relais”.• Une anémie peut exister, se manifestant le plus sou-vent après plusieurs cures de chimiothérapie (en particu-lier après les traitements à base de sels de platine).En cas de taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/dL, elle pourra être corrigée et prévenue par de l’érythropoïétine

recombinante (darbépoétine alpha, Aranesp®, époétine alpha, Eprex®, époétin bêta, Néorécormon®) en sous-cutanée associée auparavant à une correction d’un déficit en fer ou en folates. Dans le cas d’un taux d’hémoglobine inférieure à 8 g/dL, une transfusion de culots globulaires iso-groupe et iso-rhésus devra être instaurée, même si cette dernière doit être évitée au maximum. L’efficacité des érythropoïétines pour limiter les anémies et les besoins transfusionnels lors de chimiothérapie est démon-trée ; elle est à l’origine de leur autorisation de mise sur le marché dans cette indication en cancérologie.

Toxicité gastro-intestinale• Des nausées et vomissements par stimulation du cen-tre de vomissement peuvent survenir, touchant préférentiel-lement les femmes (le cisplatine est souvent en cause).Les nausées et vomissements chimio-induits demeu-rent des effets indésirables parmi les plus redoutés des patients.L’arrivée de nouveaux médicaments a apporté une amé-lioration majeure dans la prévention et le traitement des nausées et vomissements. Cependant, de nombreux patients sont encore gênés par cet effet secondaire qui altère leur qualité de vie.Les vomissements répétés peuvent induire des effets secondaires sévères et interférer avec le bon déroule-ment du traitement :– ulcération et/ou hémorragie digestive ;– troubles métaboliques avec déshydratation ;– dénutrition.Il est donc essentiel de prévenir et de traiter le plus effi-cacement et le plus rapidement possible ces troubles digestifs, et ce dès le premier cycle.Plusieurs niveaux d’anti-émétiques peuvent être utili-sés en fonction des molécules cytotoxiques utilisées, du type du cancer traité et de l’intensité des nausées et vomissements induits. Mais, dans la plupart des cas, des anti-émétisants puissants à forte dose devront être employés.– Niveau 1Antagonistes des récepteurs H

1 (antihistaminiques).

Antimuscariniques.Benzodiazépines : chlorazépate dipotassique (Tran-xène®), bromazépam (Léxomil®), alprazolam (Xanax®).

Pour lutter contre la toxicité hématologique de certains

anticancéreux qui nécessitent une intensification

thérapeutique comme le méthotrexate, pour lequel

la posologie peut passer de 10 mg à 10 g/m2, qui

présente une toxicité temps-dépendante et nécessite

une surveillance des concentrations plasmatiques, il

est possible d’administrer l’andidote, qui est le folinate

de calcium (Lederfoline® ou génériques).

• Dans le cas d’une dose de méthotrexate

inférieure à 1,5 mg/m2, le folinate de calcium sera

administré à raison de 12,5 mg/m2, toutes les 6 h

pendant 48 h, à débuter au plus tard 6 h après la fin

de la perfusion du méthotrexate.

• En cas de dose de méthotrexate supérieure à

1,5 mg/m2 ou d’insuffisance rénale, le folinate de

calcium sera administré à 25 mg/m2 toutes les 6 h

jusqu’à l’obtention d’une concentration plasmatique

de méthotrexate inférieure à 10-7 M.

Le folinate de calcium ne doit pas être associé

avec le phénobarbital (Gardénal®) ou la phénytoïne

(Di-Hydan®) car il diminue leurs taux plasmatiques.

Après reconstitution, la solution peut être

conservée 7 jours à + 4 °C et 12 h à température

ambiante.

À noterÀ noter

Pour lutter contre la toxicité hématologique de certains

anticancéreux qui nécessitent une intensification

thérapeutique comme le méthotrexate, pour lequel

la posologie peut passer de 10 mg à 10 g/m2, qui

présente une toxicité temps-dépendante et nécessite

une surveillance des concentrations plasmatiques, il

est possible d’administrer l’andidote, qui est le folinate

de calcium (Lederfoline® ou génériques).

• Dans le cas d’une dose de méthotrexate

inférieure à 1,5 mg/m2, le folinate de calcium sera

administré à raison de 12,5 mg/m2, toutes les 6 h

pendant 48 h, à débuter au plus tard 6 h après la fin

de la perfusion du méthotrexate.

• En cas de dose de méthotrexate supérieure à

1,5 mg/m2 ou d’insuffisance rénale, le folinate de

calcium sera administré à 25 mg/m2 toutes les 6 h

jusqu’à l’obtention d’une concentration plasmatique

de méthotrexate inférieure à 10-7 M.

Le folinate de calcium ne doit pas être associé

avec le phénobarbital (Gardénal®) ou la phénytoïne

(Di-Hydan®) car il diminue leurs taux plasmatiques.

Après reconstitution, la solution peut être

conservée 7 jours à + 4 °C et 12 h à température

ambiante.

À noterÀ noter

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– Niveau 2Antagonistes des récepteurs D

2 (“antidopamine” ou

neuroleptiques) :– phénothiazines : chlorpromazine (Largactil®), métopi-mazine (Vogalène®) ;– benzamides substitués : alizapride (Plitican®), dompé-ridone (Motilium®), halopéridol (Haldol®).Corticostéroïdes, très efficaces dans les vomissements chimio-induits :– dexaméthasone (Soludécadron®) ;– méthylprednisolone (Solumedrol®).– Niveau 3Antagonistes des récepteurs D

2 et 5HT

3 : benzamide

substitué (métoclopramide, Primpéran®).Antagonistes des récepteurs 5HT

3 :

– ondansétron (Zophren® cp 4 et 8 mg, lyocs 4 et 8 mg, sirop 4 mg/5 mL, suppositoire 16 mg, inj. 4 et 8 mg) ;– granisétron (Kytril® cp 1 et 2 mg, sol. buv. 200 μg/mL, inj. 3 mg) ;– tropisétron (Navoban® gélules 5 mg, inj. 2 mg) ;– dolasétron (Anzemet® cp 200 mg, inj. 100 mg).Le principal effet des antagonistes des récepteurs 5HT3 est de s’opposer aux vomissements provoqués par les médicaments antinéoplasiques, tels que le cisplatine et

la doxorubicine, qui sont cytotoxiques et libèrent de la sérotonine à partir du tube digestif qui en contient beau-coup. La sérotonine ainsi libérée stimule les récepteurs 5HT3 des terminaisons vagales à l’origine d’influx ner-veux ascendants ainsi que ceux de l’area postrema, ce qui entraîne des vomissements incoercibles. Les anta-gonistes spécifiques des récepteurs 5HT3 inhibent de manière efficace ces vomissements. L’efficacité des antagonistes 5HT3 est supérieure à celle du métoclo-pramide, antagoniste dopaminergique qui n’a qu’un faible effet 5HT3.Ces médicaments s’administrent le plus souvent en injection intraveineuse lente (durée de 15 à 30 minutes) avant le début d’une chimiothérapie très émétisante, elle-même administrée en perfusion intraveineuse. Les présentations orales ont les mêmes indications mais sont destinées au traitement des nausées et des vomis-sements de moindre intensité que les précédents ou à la prévention des vomissements retardés. Leurs effets indésirables le plus souvent signalés sont : céphalées, asthénie, somnolence, hypertension ou hypotension artérielle, bradycardie, hoquet, constipation.Antagonistes sélectifs des récepteurs neurokinine

NK-1 de la substance P

L’aprépitant (Emend®), inhibant les récepteurs NK-1 de la substance P, a un effet anti-émétique. C’est la pre-mière molécule de ce groupe à être commercialisée dans l’indication prévention des nausées et des vomissements provoqués par une chimiothérapie émétisante. Il n’est pas utilisé seul mais en complément d’un traitement anti-émétique standard reposant sur l’association d’un cor-ticoïde (dexaméthasone) et d’un antagoniste 5HT3. L’aprépitant s’administre par voie orale, et est commer-cialisé sous forme de gélules à 80 et 125 mg (posologie 1 à 2/jour). Il est métabolisé principalement par les cyto-chromes CYP3A4 qu’il inhibe partiellement, ce qui peut entraîner des interactions médicamenteuses qu’il est nécessaire de prendre en compte.• Mucite, stomatite (souvent due au 5-fluorouracile)

et destruction de l’épithélium buccal doivent être pré-venues par une hygiène buccale régulière. Il est essentiel

Le traitement des vomissements

chimio-induits en bref• Les médicaments anti-émétiques sont plus efficaces

en traitement préventif.

• L’association de granisétron (Kytril®), d’un corticoïde et

d’un anxiolytique (benzodiazépine) reste efficace dans

la plupart des cas.

• Il est aussi possible d’anticiper cette complication par

des anxiolytiques.

Le traitement des vomissements

chimio-induits en bref• Les médicaments anti-émétiques sont plus efficaces

en traitement préventif.

• L’association de granisétron (Kytril®), d’un corticoïde et

d’un anxiolytique (benzodiazépine) reste efficace dans

la plupart des cas.

• Il est aussi possible d’anticiper cette complication par

des anxiolytiques.

Variations de l’intensité et de la fréquence des nausées

et vomissements• Facteurs de risque liés au patient :

– mauvaise tolérance des chimiothérapies précédentes ;

– sexe féminin ;

– jeunesse ;

– nausées pré-existantes ;

– mauvais état général ;

– faible consommation d’alcool.

• Facteurs de risque liés aux drogues administrées :

– potentiel émétisant propre à chaque drogue (tableau 1) ;

– mono- ou polychimiothérapie ;

– dose et modalités d’administration.

Tableau 1 : Pouvoir émétisant des anticancéreux

Groupe I

important (> 90 %)

Carmustine

Cisplatine

Cyclophosphamide

Dacarbazine

Dactinomycine

Méchloréthamine

Streptozotocine

Groupe II

moyen (30-90 %)

Carboplatine

Cytarabine

Daunorubicine

Doxorubicine

Épirubicine

Fludarabine

Idarubicine

Ifosfamide

Irinotécan

Oxaliplatine

Groupe III

faible (10-30 %)

Bortézomib

Capécitabine

Cétuximab

5-fluorouracile

Docétaxel

Étoposide

Gemcitabine

Hydroxycarbamide

Méthotrexate

Mitomycine

Mitoxantrone

Paclitaxel

Pémétrexed

Tomudex

Topotécan

Trastuzumab

Groupe IV

minime (< 10 %)

Bévacizumab

Bléomycine

Busulfan

Fludarabine

Rituximab

Vinblastine

Vincristine

Vinorelbine

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Les traitements adjuvants à la chimiothérapie anticancéreuse

© Fotolia/Ruslan Bustamante

d’effectuer tous les soins dentaires nécessaires avant un traitement anticancéreux, afin de limiter au maximum les problèmes ultérieurs. Le brossage des dents sera réalisé avec une brosse douce ultra-souple de type chirurgicale (Inava®).Il faudra s’efforcer de maintenir l’humidité de la bouche en buvant de l’eau, en suçant ou mastiquant des cubes d’ananas, des gommes à mâcher, de l’eau gélifiée ou des glaçons, en appliquant des compresses humides sur les lèvres et de l’eau en brumisation.Le pharmacien pourra proposer un spray aromatisé en cas d’halitose, de sensation de mauvais goût ou d’odeur résiduelle même après un soin de bouche.Des bains de bouche avec des antiseptiques (chlorhexi-dine, Eludril®) et du bicarbonate de sodium 1,4 % (voire avec des antifongiques à large spectre comme l’ampho-téricine B, Fungizone® et/ou de la lidocaïne, Xylocaïne®) devront être pratiqués 6 fois par jour dès le début du traitement. Des bains de bouche à la morphine peuvent être pratiqués en cas de douleurs intenses.Les lésions herpétiques seront traitées par de l’aciclovir (Zovirax®) par voie générale.Les aphtes nécessiteront un traitement local par des corticoïdes.Le traitement des candidoses par un antifongique devra être complété par un antifongique systémique en cas d’inefficacité.La survenue d’ulcères gastroduodénaux pourra être prévenue par l’administration d’inhibiteurs de la pompe à protons comme le lansoprazole (Ogast®) ou l’ésomé-prazole (Inéxium®).• Troubles du transit

Des diarrhées (souvent dues au 5-FU) par stimulation du péristaltisme avec atteinte de la muqueuse intes-tinale peuvent survenir. L’hospitalisation peut s’avé-rer nécessaire en cas de déshydratation importante. Ces diarrhées nécessitent parfois la diminution de la posologie. Après l’élimination d’une fausse diar-rhée liée à un fécalome, l’administration de lopéra-mide (Imodium®) s’impose après chaque selle liquide, voire en cas d’échec de racécadotril (Tiorfan®). Dans tous les cas, compte tenu de la fuite hydrique poten-tiellement importante, une bonne réhydratation est primordiale (NaCl 0,9 % en perfusion). De plus, des soins d’hygiène et des changes répétés ainsi qu’une protection de la peau du périnée et de l’anus par des crèmes adéquates sont à conseiller.Des épisodes de constipation peuvent apparaître par neurotoxicité périphérique (alcaloïdes de la pervenche). Il est alors courant d’utiliser des laxatifs :– lubrifiants (paraffine, Lansoyl®, Lubentyl®) ;– osmotiques (lactulose, Duphalac®, sorbitol, macrogol, Forlax®, Transipeg®, Movicol®) ;– de lest (ispaghul, Spagulax®).

Il est tout de même préférable d’éviter les laxatifs stimu-lants ou irritants (anthracéniques ou bisacodyl, Dulco-lax®), sauf en cas de constipation liée aux opioïdes.

Toxicité rénaleLa toxicité rénale est en particulier due au cisplatine. Elle sera prévenue par une hydratation suffisante et des apports sodés avant et pendant la perfusion.Le cisplatine peut entraîner une nécrose tubulaire pour laquelle il existe un chimioprotecteur qui est l’amifostine (Ethiol®) (voir chapitre “Chimioprotecteurs”).Le méthotrexate est susceptible d’engendrer une préci-pitation tubulaire, laquelle peut être atténuée par hyper-diurèse alcaline.

Toxicité vésicaleLes cystites hémorragiques induites par le cyclophospha-mide ou l’ifosfamide peuvent être prévenues par le mesna (Uromitexan®) (voir chapitre “Chimioprotecteurs”).

Toxicité dermatologique, l’alopécieL’alopécie est souvent due au paclitaxel (Taxol®). Il est important de bien rappeler au patient qu’elle est toujours réversible. Il est nécessaire d’aborder franchement le problème avec le malade, sans sous-évaluer l’impact psychologique de cet effet secondaire.Le port d’un casque réfrigérant du cuir chevelu pendant la perfusion permet de modérer l’importance de l’alopé-cie, même s’il reste parfois difficile à supporter.

La prévention de la constipation repoLa prévention de la constipation repoose sur des règles ssimplesose sur des règles simples

• Surveillance : présence de selles et facilité d’exonération• Surveillance : présence de selles et facilité d’exonérationn.n.

• Activité physique régulière.• Activité physique régulière.

• Consommation de fibres alimentaires.• Consommation de fibres alimentaires.

• Hydratation orale suffisante.• Hydratation orale suffisante.

• Prévention des effets constipants de certains médicame• Prévention des effets constipants de certains médicameents ents

(opioïdes, anticholinergiques, imipraminiques...) par un lax(opioïdes, anticholinergiques, imipraminiques...) par un laxxatif.xatif.

• Respect des habitudes de défécation.• Respect des habitudes de défécation.

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Une prothèse capillaire (perruque) peut parfois s’avé-rer nécessaire pour les personnes, en particulier les femmes, qui acceptent mal la perte de leurs cheveux, mais elle peut être mal supportée. Le coût, parfois onéreux, de ces prothèses peut être pris en charge au moins en partie par l’Assurance maladie. Des solutions simples, telles que le port d’une casquette (pour les hommes) ou d’un fichu (pour les femmes), peuvent se révéler acceptables pour le patient, après discussion. Dans tous les cas, il conviendra de cou-per assez courts les cheveux des patients débutants une chimiothérapie alopéciante afin d’en minimiser les effets psychologiques.

Réactions allergiques Il peut se produire une hypersensibilité aiguë avec le paclitaxel et un choc anaphylactique avec l’asparaginase (Kidrolase®).Ces réactions aux médicaments de la chimiothérapie peuvent être atténuées par l’utilisation de corticoïdes ou d’antihistaminiques H1 injectables tels que la dexchlor-phéniramine (Polaramine®).

Extravasation Une phlébite superficielle, survenant sous vinorelbine (Navelbine®) et anthracyclines en particulier, peut se manifester au point d’injection de la perfusion. Elle sera traitée par des anti-inflammatoires locaux et justifiera la pose d’un cathéter, surtout en fonction des produits injectés plus ou moins agressifs pour la veine.

Traitements visant à traiter

les toxicités tardives

Ces toxicités se retrouvent de manière très inconstante et sont incomplètement réversibles, ce qui explique que peu de traitements soient efficaces à ce niveau.

Toxicité cardiaque (anthracyclines)La toxicité cardiaque est cumulative (par exemple au-delà de 550 mg/m2 d’adriamycine). Elle peut entraîner une insuffisance cardiaque irréversible.Ces complications cardiaques peuvent être traitées par la digoxine (Digoxine Nativelle®) et il existe aussi, pour y pallier, un chimioprotecteur : le dexrazoxane (Car-dioxane®) (voir chapitre ”Chimioprotecteurs”).

Fertilité, fonctions gonadiques La fertilité et les fonctions gonadiques sont surtout alté-rées par les alkylants. Chez l’homme, une oligo-azoo-spermie sera souvent définitive, sans qu’il n’y ait de per-turbation de la fonction endocrine. La seule solution que l’on pourra proposer aux patients est la conservation du sperme avant le début du traitement.

De même chez la femme, une aménorrhée ou une méno-pause chimio-induites, fonction de l’âge, peut apparaître. Le seul recours sera la conservation d’ovocytes, voire d’embryons.

Les chimioprotecteursLes chimioprotecteurs représentent une classe médi-camenteuse récente dont l’objet est de permettre une réduction sélective de la toxicité des chimiothérapies vis-à-vis des tissus sains. Ainsi, un chimioprotecteur est susceptible d’améliorer la tolérance d’un cytotoxique en minorant la toxicité qu’il engendre sur les cellules normales. Pour constituer un bon candidat à la chimio-protection, une molécule doit répondre dans l’absolu à trois principaux critères :– exercer une action sélective sur les cellules saines et ne pas cibler les cellules tumorales ;– posséder des caractéristiques pharmacocinétiques qui n’interfèrent pas ou peu avec celles des médicaments cytotoxiques ;– ne générer que peu d’effets indésirables propres.Chimiquement, les chimioprotecteurs regroupent des médicaments de structures très variées que l’on peut classer ainsi :– les générateurs de fonction thiol ;– les capteurs de radicaux libres ;– des médicaments divers parmi lesquels nous citerons certains dérivés cortisoliques ou des peptides tels que le A68828 (analogue du peptide natriurétique atrial).Ces médicaments se différencient de façon théorique des facteurs de croissance hématopoïétiques, notamment le G-CSF, par leur cytoprotection exercée envers les tissus sains de l’organisme et par le fait que leur action ne favo-rise pas le renouvellement des tissus lésés par la chimio-thérapie mais protège en amont les cellules normales de l’action cytotoxique des agents anticancéreux.

Médicaments générateurs de fonction thiol

De nombreux dérivés à fonction thiol ont fait l’objet d’un déve-loppement clinique. Parmi eux, le mesna ou l’amifostine.

Le mesnaLe mesna (2-mercaptoéthanesulfonate, Uromitexan®, solution injectable 400 mg, 1 g, 5 g), réservé à l’usage hospitalier, a été développé dans les années 1980 après que l’on ait pour la première fois démontré chez l’ani-mal l’effet protecteur du groupement thiol (-SH) de la N-acétylcystéine vis-à-vis de la toxicité vésicale induite par l’acroléine, métabolite urinaire toxique de l’ifosfa-mide (Holoxan®) et du cyclophosphamide (Endoxan®). La N-acétylcystéine avait été abandonnée en tant que telle en raison de sa faible élimination urinaire après injection IV et de la baisse d’activité cytotoxique qu’elle engendre vis-à-vis du cyclophosphamide.

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Les traitements adjuvants à la chimiothérapie anticancéreuse

Ainsi, le mesna est indiqué dans la prévention des cystites hématuriques induites par les oxazophosphorines.Après injection intra-veineuse, le mesna est transformé au niveau plasmatique en quelques minutes en un composé stable, le dimesna (deux molécules de mesna reliées par un pont disulfure) incapable de sortir du compartiment vasculaire et incapable d’interagir avec les nombreux métabolites du cyclophosphamide ou de l’ifosfamide. Après réduction dans les tubules rénaux, le mesna peut à nouveau réagir avec l’acroléine en formant un thioéther inactif, mais surtout non toxique pour la muqueuse vésicale.En général, la posologie est de 100 % (à 160 % en pédiatrie) de la dose totale d’oxazophosphorine admi-nistrée, répartie par tiers avant, pendant et après l’ad-ministration de l’agent alkylant, sachant que pour des doses supérieures à 2 g/m2/jour, la pharmacologie est méconnue. La dilution est effectuée classiquement dans du NaCl 0,9 % et le médicament est stable plusieurs jours en mélange, en particulier avec l’ifosfamide (ce qui peut être intéressant pour des protocoles intéressant les patients ambulatoires).La tolérance est globalement excellente. Néanmoins, les présentations commerciales à 1 et 5 g contiennent une forte proportion d’alcool benzylique (520 mg/50 mL pour la forme à 5 g), ce qui peut conduire à des accidents de type anaphylactoïde.

L’amifostineL’amifostine (WR 27-21, Ethyol®, poudre pour solution pour perfusion 500 mg) est issue de la recherche de l’armée américaine sur des substances protégeant de fortes doses de radiations ionisantes. C’est ainsi qu’a été découvert le WR 27-21, composé sulfhydrilé. Chez l’animal, il protège les tissus sains de la toxicité du cis-platine (Cisplatyl®), du cyclophosphamide, des nitroso-urées et de la L-phénylalanine. Il améliore de 1,5 à 2 fois la tolérance rénale du cisplatine et la tolérance hémato-poïétique du cyclophosphamide.Le mécanisme d’action de l’amifostine n’est pas parfai-tement connu, mais plusieurs hypothèses sont évoquées comme la captation des radicaux libres, le transfert d’ato-mes d’hydrogène aux radicaux de l’ADN, la déplétion de l’oxygène près de l’ADN ou encore l’augmentation des mécanismes biochimiques de réparation de l’ADN.L’amifostine est une prodrogue qui doit être biotransfor-mée en WR1065, forme active, par déphosphorylation grâce à une phosphatase alcaline membranaire. Cette enzyme est notamment présente sur les cellules endo-théliales des petits vaisseaux et la bordure des cellules des tubes contournés proximaux du rein. Son activité au niveau des cellules saines est supérieure à son activité au niveau des cellules tumorales, ce qui explique l’effet cytoprotecteur différentiel.

L’amifostine est administrée par voie IV rapide (15 minu-tes) à la dose de 740 mg/m2. Elle sort du compartiment central vasculaire très rapidement, puis est déphospho-rylée avant d’être incorporée sous forme métabolisée active au niveau tissulaire. Compte tenu des paramè-tres pharmacocinétiques d’élimination, des doses mul-tiples d’amifostine seront nécessaires pour obtenir un effet cytoprotecteur vis-à-vis des cytotoxiques à longue demi-vie. Le métabolisme ultérieur du métabolite actif est inconnu.À ce jour, l’amifostine est indiquée dans la prévention du risque de neutropénie et de ses conséquences, notamment infectieuses dues à l’utilisation combi-née du cyclophosphamide et du cisplatine chez des patientes atteintes de carcinome ovarien avancé, dans la prévention de la néphrotoxicité cumulative du cisplatine quand les doses unitaires de celui-ci sont comprises entre 60 et 120 mg/m2, en associa-tion à des mesures d’hydratation adéquates chez les patients présentant des tumeurs solides avancées non germinales.Deux effets indésirables majeurs ressortent :– un effet émétogène important qui nécessite une prémédication systématique par la triade benzodiazépines-corticoïdes-sétrons ;– un risque d’hypotension parfois grave (18 % des patients), qui impose une surveillance tensionnelle régulière pendant la perfusion, d’arrêter tout traitement antihypertenseur 24 heures avant, un respect strict des modalités d’administration, voire l’arrêt de la perfusion en cas de faible débit cérébral et d’une baisse de la pres-sion artérielle systolique supérieure à 20 % par rapport à sa valeur basale.Des cas d’hypocalcémie ont été rapportés exceptionnel-lement dans la littérature par inhibition de la sécrétion de la parathormone ou inhibition de la résorption du calcium osseux.Le lyophilisat est à reconstituer avec 9,5 mL de NaCl 0,9 % et peut se conserver 24 heures à + 4 °C. Le vo-lume final recommandé est 50 mL. L’amifostine est contre-indiqué chez les insuffisants rénaux ou hépa-tiques, les enfants et les malades de plus de 70 ans compte tenu de la pauvreté de l’expérience clinique avec ces populations.L’amifistine est donc un produit intéressant pour prévenir la néphrotoxicité cumulative du cisplatine. Malheureusement, ses effets indésirables propres et la nécessité d’une surveillance stricte en limi-tent l’intérêt en pratique clinique. Concernant son effet myéloprotecteur, des études prospectives de phase III comparées ou en association avec les G-CSF ou GM-CSF devraient être conduites prochai-nement afin d’en évaluer plus précisément le rapport bénéfices/risques.

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Médicaments capteurs de radicaux libres

La toxicité myocardique constitue le principal facteur limitant de l’utilisation des anthracyclines en clinique. Elle est établie de façon statistique et assez bien connue pour la doxorubicine (doses supérieures à 550 mg/m2) et ses dérivés comme l’épirubicine (900 mg/m2). Sont dis-tinguées une toxicité aiguë à type de troubles du rythme, généralement réversibles et transitoires, et une toxicité tardive à type d’insuffisance cardiaque congestive (58 % des patients présentant une cardiomyopathie décéderont dans un tableau d’insuffisance cardiaque). Les mécanis-mes en cause sont encore mal connus mais plusieurs auteurs ont démontré que les anthracyclines génèrent des radicaux libres oxygénés et des ions hydroxyles. Ces dérivés hautement réactifs feraient intervenir une peroxydation des lipides du réticulum sarcoplasmique. La génération d’oxydants semble majorée en présence d’ions fer et la liaison anthracycline-fer peut catalyser la formation d’une plus grande quantité de radicaux oxygénés.

Le dexrazoxaneLe dexrazoxane (Cardioxane® lyophilisat 500 mg) est un chélateur intracellulaire qui a démontré une acti-vité cytoprotectrice contre la doxorubicine. C’est un composé bis-dioxopipérazinique de structure pro-che de l’EDTA qui a été initialement développé chez l’homme comme agent antinéoplasique. Il agirait comme agent chélateur du fer et diminuerait aussi la formation de radicaux libres oxygénés responsables de la cardiotoxicité.Le complexe fer-anthracycline provoque la formation par hydrolyse d’un dérivé capable de capter le fer métal lié aux anthracyclines. La protection cellulaire conférée semble limitée aux cellules myocardiques et ne permet pas de réduire la toxicité médullaire des anthracyclines ou la fréquence des alopécies.Le dexrazorane est indiqué dans la prévention de la cardiotoxicité chronique cumulative liée à la doxoru-bicine chez des malades atteints de cancers avancés et/ou métastasés, ayant déjà reçu un traitement com-portant une anthracycline. Donc, dans l’état actuel des

connaissances, le recours au Cardioxane® ne peut être envisagé que chez des malades justifiant une chimio-thérapie par doxorubicine de deuxième ligne après échec d’autres protocoles. L’effet protecteur n’est démontré que pour la doxorubicine (Adrablastine® et génériques) bien que, dans certaines études, des malades aient reçu de l’épirubicine (Farmorubicine® et génériques) ou de la mitoxantrone (Novantrone® et génériques).Le dexrazoxane est perfusé à la dose de 500 mg/m2 en 15 minutes en association avec 50 mg/m2 de doxo-rubicine. La demi-vie d’élimination est de 2,5 heures et la clairance urinaire représente 34 % de la clairance totale, ce qui suggère la nécessité d’une adaptation posologique en cas d’insuffisance rénale. Ce produit doit être manipulé avec les mêmes précautions qu’un agent cytotoxique classique. Il est à reconstituer avec de l’eau pour préparations injectables (EPPI, 25 mL), puis à diluer avec une solution de Ringer Lactate® (200-500 mL). Il est stable jusqu’à 24 heures après recons-titution à + 4 °C.

La rasburicaseLa rasburicase (Fasturtec®) est indiquée dans le traite-ment et la prophylaxie dans le cadre de la prévention de l’insuffisance rénale aiguë en rapport avec un syndrome de lyse tumorale lors de l’initiation de la chimiothérapie d’une hémopathie avec forte masse tumorale. Des effets à type de rash, bronchospasme et réactions d’hypersen-sibilité peuvent être observés. La rasburicase est admi-nistrée à la dose de 0,2 mg/kg/jour en une perfusion de 30 minutes pour une durée de 5 à 7 jours. Elle est à reconstituer avec la totalité du solvant du conditionne-ment. Ensuite, le volume nécessaire reconstitué doit être dilué dans une solution de NaCl 0,9 % afin d’atteindre un volume total de 50 mL. Cette dilution peut être conservée 24 heures à + 4 °C. Il faut noter qu’il convient d’utiliser une tubulure différente de celle destinée à la chimiothé-rapie (ou cette dernière doit être rincée abondamment avec du sérum physiologique avant l’administration de la chimiothérapie).

Amélioration de l’état général et du confort du patientL’amélioration de l’état général du patient s’opère essen-tiellement par une bonne hydratation, des apports ali-mentaires adaptés, une prise en charge de la douleur et des troubles psychologiques. Le pharmacien a un rôle à jouer à chacun de ces niveaux.

Traitement de la douleur cancéreuse

La douleur est présente dans 30 à 60 % des cas au début de la maladie et dans 75 % des cas dans sa phase avancée. Elle est encore insuffisamment prise en

Les chimioprotecteurs représentent une classe de médicaments dont l’association aux

chimiothérapies devrait permettre de diminuer la fréquence et la sévérité des effets toxiques.

L’agent chimioprotecteur idéal n’existe pas. Toutefois, il est démontré que les agents utilisés

en clinique n’exercent aucune action protectrice vis-à-vis des cellules tumorales.

Les 2 médicaments qui semblent les plus prometteurs à court terme sont : l’amifostine vis-

à-vis des toxicités rénale et neurologique induites par les sels de platine ; le dexrazoxane

vis-à-vis de la cardiotoxicité des anthracyclines.

En brefEn bref

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Les traitements adjuvants à la chimiothérapie anticancéreuse

compte, sous-estimée par les soignants et souvent non déclarée par les patients. Il est pourtant démontré qu’un patient qui a un traitement antalgique bien équilibré tire un meilleur bénéfice des traitements spécifiques anticancéreux.La douleur cancéreuse est, comme les autres douleurs chroniques, inutile et destructrice. Elle nécessite une évaluation et une prise en charge globale, les méca-nismes générateurs étant plurifactoriels et évolutifs. Elle doit se comprendre comme une douleur nocicep-tive qui dure, ce qui a des incidences importantes sur la prise en charge médicamenteuse basée sur les antalgiques.• Les principales causes de douleur chez une per-sonne atteinte de cancer sont liées :– au cancer lui-même et à son évolution ;– aux traitements et gestes à visée diagnostique ou thérapeutique ;– à une altération de l’état général du patient ;– à d’autres raisons non en rapport avec le cancer (10 %).• Les conséquences de la douleur sont multiples :– physiques, avec une diminution des capacités fonc-tionnelles, de la force et de la résistance et un sommeil de mauvaise qualité ;– psychologiques, avec morosité, perte d’intérêt, anxiété, peur, dépression, sensation de détresse, perte d’autonomie, angoisse de mort ;– sociales, avec diminution des activités relationnelles, baisse de la libido, diminution de l’affectivité, altération de l’image corporelle, dépendance accrue ;– spirituelles, avec perte du sens donné à la vie, aug-mentation de la souffrance et réévaluation des croyances religieuses.L’identification des mécanismes de la douleur est un temps essentiel qui va permettre le choix du traitement antalgique symptomatique. Les douleurs nociceptives sont distinguées des douleurs neuropathiques qui relè-vent de traitements différents.

Douleur nociceptiveLes douleurs sont classiquement graduées par l’Orga-nisation mondiale de la santé (OMS) en 3 paliers, pour lesquels un certain niveau d’antalgie est indiqué.• Niveau I = douleur faible à modérée, qui amènera à

utiliser des antalgiques non opioïdes :

– aspirine ;– paracétamol ;– anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène...).• Niveau II = douleur moyenne (antalgiques opioïdes fai-

bles pouvant être associés aux antalgiques de niveau I) :

– codéine (dans Efferalgan codéine®) ;– dextropropoxyphène (Antalvic®) ;– tramadol (Topalgic®).• Niveau III = douleurs fortes :

– morphine (Skénan® LP) et ses derivés (hydromorphone-Sophidone® LP, fentanyl, Durogésic® dispositif transder-mique à renouveler toutes les 72 heures).La morphine est véritablement la pièce maîtresse du traitement de la douleur dans le cancer. Il est capital de faire comprendre au patient que son utilisation est liée à l’intensité de la douleur, et non pas à la gravité de la maladie. Son utilisation ne signifie pas l’approche de la phase terminale. Elle peut être utilisée temporairement si la douleur diminue du fait des traitements spécifiques.Son arrêt doit toujours être progressif et elle peut être prescrite à nouveau si la douleur réapparaît à un moment ou un autre de l’évolution de la maladie.Il n’y a pas de dépendance à la morphine utilisée à visée thérapeutique dans un contexte de douleur.Cependant, les effets secondaires existent ; ils doivent être prévenus et expliqués aux patients :– nausées et vomissements inconstants et temporaires (38 %) ;– constipation constante (84 %) ;– somnolence transitoire (76 %) ;– prurit (30 %).

Tableau 2 : Mécanismes de la douleur

Type de douleur Nociceptive Neuropathique

Physiopathologie Stimulation

des nocicepteurs

Lésion nerveuse périphérique

ou centrale

Sémiologie Rythme mécanique

(augmenté par

l’activité physique)

ou inflammatoire

(réveil nocturne)

Douleur continue (brûlure)

Douleur fulgurante

(décharges électriques)

Fourmillements, picotements

Topographie Régionale Compatible

avec une origine

neurologique périphérique

ou centrale

Examen clinique Examen neurologique

normal

Hypoesthésie, anesthésie

ou allodynie

Sensibilité à la morphine Forte Très variable

Tableau 2 : Mécanismes de la douleur

Type de douleur Nociceptive Neuropathique

Physiopathologie Stimulation

des nocicepteurs

Lésion nerveuse périphérique

ou centrale

Sémiologie Rythme mécanique

(augmenté par

l’activité physique)

ou inflammatoire

(réveil nocturne)

Douleur continue (brûlure)

Douleur fulgurante

(décharges électriques)

Fourmillements, picotements

Topographie Régionale Compatible

avec une origine

neurologique périphérique

ou centrale

Examen clinique Examen neurologique

normal

Hypoesthésie, anesthésie

ou allodynie

Sensibilité à la morphine Forte Très variable

Un patient qui a un traitement antalgique bien équilibré tire un meilleur bénéfice des traitements anticancéreux.

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Aucune dépression respiratoire ne survient chez le patient douloureux si les doses de morphine sont ajus-tées progressivement.L’évaluation de l’efficacité se fait en 24 heures. En cas d’inefficacité, il conviendra de passer au palier supérieur car il est souvent inutile de changer pour un produit du même palier.

Douleur neuropathiqueLes antidépresseurs tricycliques, qui sont les médica-ments de la douleur continue à type de brûlure liée à une atteinte neurologique, ont une action antalgique indépendante de leur action antidépressive, ce qui a été particulièrement démontré pour l’amitryptilline (Laroxyl®) ou la clomipramine (Anafranil®).Dans ce type de douleur sont ensuite utilisés les anti-épileptiques (gabapentine, Neurontin®) et, plus rarement, les morphiniques.D’autres moyens sont utiles pour lutter contre la dou-leur chez le patient atteint de cancer. Il peut s’agir de moyens médicamenteux (corticoïdes, biphosphonates comme l’acide pamidronique, Arédia®, l’acide ibandro-nique, Bondronat®, l’acide clodronique, Clastoban®, l’acide zolédronique, Zométa®), de la radiothérapie (métastases osseuses) et parfois même de la chirur-gie. Des thérapeutiques non médicamenteuses, comme l’écoute, la relaxation, l’acupuncture ou autres, peuvent, par ailleurs, aider au soulagement du patient.Dans la prise en charge de la douleur, le travail en équipe est particulièrement important, l’objectif restant tou-jours de préserver la meilleure qualité de vie du patient. Les différentes options thérapeutiques devront être dis-cutées avec le patient et son entourage.

Traitement de la dénutrition

Les patients cancéreux sont fréquemment dénutris (30 à 60 % des cas environ, mais avec des extrêmes très éloi-gnés de 3 à 80 % des cas). Leur prise en charge nutri-tionnelle ne s’impose pas d’une manière systématique, mais devient nécessaire en cas de grande dénutrition, afin de réduire la sévérité des complications lorsqu’elles surviennent. La nutrition joue également un rôle impor-tant lors des soins palliatifs de fin de vie.

Origine de la cachexie cancéreuseLa cachexie a pu être reliée à plusieurs causes, qui sur-viennent en associations ou isolément. Trois d’entre elles sont primordiales :– l’anorexie, très fréquente (33 à 75 % des patients) ;– les modifications métaboliques ;– les effets secondaires des traitements antitumoraux.Les autres causes peuvent être, entre autres, la douleur, les complications intercurrentes (en particulier infectieu-ses) et un état dépressif.

En conséquence, la perte de poids est fréquente chez les malades cancéreux, soit en dehors de tout traitement du fait des perturbations métaboliques, soit le plus souvent à la suite de la première cure de chimiothérapie. Il existe en général une fonte de la masse maigre associée à une fonte de la masse grasse. La synthèse des protéi-nes de la nutrition est fréquemment abaissée, soit par l’action de la chimiothérapie, soit lors d’une anorexie sévère isolée.Le bilan azoté est négatif, c’est-à-dire que les pertes azo-tées sont supérieures aux apports, ce qui fait qu’au total, les possibilités de cicatrisation sont altérées, ainsi que les synthèses viscérales. Ceci est particulièrement important au niveau du tube digestif, qui représente une forte masse de tissus immunitaires, et un lieu privilégié d’entrée des bactéries, virus et champignons dans l’organisme.

Prise en chargeLa nutrition parentérale exclusive peut empêcher la dégradation de l’état nutritionnel lors des chimiothéra-pies, notamment chez les malades déjà dénutris. Dans ce cas, le substrat glucidique est toujours le glucose.• L’azote est apporté sous forme d’acides aminés avec un rapport essentiels/totaux d’environ 45 %.• Les lipides sont administrés sous forme d’émulsion à 20 %, à partir d’huile de soja (Intralipide®, Ivelip®) ou d’huile d’olive (Clinoléic®) qui apportent des triglycérides à chaînes longues ; certaines émulsions apportent aussi des triglycérides à chaînes moyennes (Médialipide®).• Les apports électrolytiques peuvent être réalisés au moyen de mélanges prêts à l’emploi (Lonitan®). On dispose maintenant de mélanges (poches uni- ou multi-compartimentées) nutritifs binaires (glucides-acides aminés, Clinimix®, Aminomix®) ou ternaires (glucides, acides aminés et lipides, Kabimix®, Cli-nomel®), de niveau calorique variable. Les mélanges nutritifs industriels en poche d’éthyl-vinyl-acétate d’un volume unitaire de 2 à 4 litres et de 1 200 à 2 500 kcal contiennent rarement une quantité suffi-sante et adaptée de l’ensemble des minéraux et des oligo-éléments essentiels, et jamais, pour des raisons de stabilité, les vitamines : une supplémentation est donc indispensable.Chez les patients devant subir une chirurgie et présen-tant une dénutrition sévère (perte de poids supérieure ou égale à 10 % par rapport au poids usuel et/ou effon-drement des protéines de la nutrition), la renutrition pré-opératoire est impérative (Nutrison®), car elle diminue les complications post-opératoires.Si la nutrition entérale est utilisée, des formules adaptées pour les malades atteints de cancer, comme Fortimel Care®, enrichies en arginine, en ARN, en acides gras polyinsaturés de la série n-3 (acide linolénique), peuvent être bénéfiques.

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Les traitements adjuvants à la chimiothérapie anticancéreuse

• Une supplémentation en glutamine réduit la durée de séjour et le nombre d’infections car elle favoriserait le métabolisme du tractus digestif, sans stimuler la croissance tumorale. La supplémentation est actuellement possible :– soit en donnant per os ou en intraveineuse un précur-seur de la glutamine, comme le monohydrate de céto-glutarate d’ornithine (Cétornan® et génériques) ;– soit en nutrition parentérale en apportant des acides aminés sous forme de dipeptides précurseurs de la glu-tamine (n(2)-L-alanyl-L-glutamine, Dipeptiven®).La conduite à tenir doit être fixée au cas par cas, en fonction du traitement envisagé.Elle est standardisée si le malade doit être opéré, en envi-sageant les deux périodes : pré- et post-opératoires.Si la chimiothérapie et/ou la radiothérapie sont choisies, il s’agit, avec les données actuelles :– d’éviter, chez les malades sévèrement dénutris, la perte de poids, génératrice d’une réduction de la masse viscé-rale ; pour cela sont utilisées des supplémentations orales, une nutrition entérale si le malade ne peut pas avaler, une nutrition parentérale si le tube digestif est inutilisable ;– de lutter contre l’anorexie ; dans un premier temps, une amélioration de l’ordinaire ou du régime peut être suffisante, mais en cas d’impossibilité ou d’échec, on peut envisager d’utiliser des stimulants de l’appétit.• Divers produits stimulants ont été testés comme :– les corticoïdes qui ont des effets positifs sur l’appétit, mais qui s’épuisent en 3 à 4 semaines. De plus, des effets secondaires néfastes sont possibles ;– les stéroïdes anabolisants, les inhibiteurs de la néo-glucogenèse et de la sérotonine, qui sont peu ou pas efficaces ;– l’acétate de mégestrol (Mégace®), à raison de 160 à 800 mg/jour au maximum, qui semble être le plus intéressant.• Enfin, une assistance nutritionnelle est souvent

recommandée en fin de vie, dans le cadre de soins pal-liatifs, sous forme de nutrition entérale ou parfois de nutri-tion parentérale, à domicile. Le but est alors de permettre à un malade dont l’état est encore relativement conservé de retrouver son milieu habituel, voire de reprendre une activité modérée, des déplacements autonomes, plutôt que de rester à l’hôpital. Il est donc attendu là, à la fois, un moindre coût pour les organismes de Sécurité sociale et un bénéfice en termes de confort de vie.

L’accompagnement du malade et de son entourage par le pharmacienLe parcours de traitement du patient atteint de cancer est éprouvant. De par son expertise scientifique asso-ciée à une proximité avec l’entourage du patient, le pharmacien a les moyens de jouer un rôle majeur dans l’accompagnement du traitement du malade atteint de cancer. L’officine est proche et facile d’accès pour le

patient. Son mode d’accès est plus direct et informel que le cabinet médical et le temps d’attente pour accéder à l’expert qu’est le pharmacien est court, sans nécessité de rendez-vous. Le pharmacien connaît bien son client et son environnement, tout comme l’histoire de ses patho-logies et aussi éventuellement son histoire personnelle telle que sa situation sociale et familiale.Le patient atteint de cancer, inquiet, se sent bien souvent perdu. Il arrive que les effets secondaires qu’il subit ne soient pas suffisamment pris en charge par le méde-cin hospitalier. Ce patient “abandonné” se tourne donc naturellement vers le professionnel de santé qui, à ses yeux, est à la fois le plus accessible et le plus compétent, afin d’obtenir des réponses, voire le soulagement de ses symptômes. En effet, pour le grand public, le médecin généraliste et le pharmacien d’officine sont les interlocu-teurs du patient en ville qui représentent la science. Cette caution, concernant même des aspects non médicaux et non médicamenteux, est recherchée par les patients qu’elle rassure indéniablement.Ces différentes dimensions favorisent l’instauration d’un lien de confiance, essentiel dans l’accompagnement. Le pharmacien d’officine peut être un interlocuteur pri-vilégié pour le patient atteint de cancer, d’autant qu’en parallèle, médecins et soignants hospitaliers ont souvent de moins en moins de disponibilités.Le pharmacien acquiert une dimension nouvelle d’ac-compagnement du malade. Il doit cependant rester conscient de ses limites afin de s’adapter au mieux à la situation rencontrée.Tout d’abord, même s’il connaît bien l’environnement du malade, le pharmacien manque encore trop souvent d’informations précises sur sa pathologie pour qu’il puisse efficacement lui répondre et adapter son dis-cours. De plus, accueillir et renseigner un patient atteint de cancer ou sa famille demande beaucoup plus de temps qu’en exigent la plupart des situations en officine.

La pharmacie d’officine doit être un lieu accueillant et rassurant pour le patient cancéreux qui, après avoir reçu son traitement à l’hôpital, se retrouve bien souvent très seul pour affronter sa maladie et les effets secondaires de son traitement.

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Or, le temps peut faire défaut. Le pharmacien se doit donc d’anticiper ces situations pour se rendre disponible au maximum pour ces personnes venant chercher son aide. Il est cependant aisé de remarquer que bon nombre d’officines ne disposent pas d’un local indépendant sus-ceptible d’accueillir les patients en toute confidentialité, ce qui limite forcément l’expression des questions déli-cates au sujet desquelles ils viennent souvent consulter l’officinal. Le pharmacien peut avoir de bonnes qualités rela-tionnelles et l’envie de les exploiter. Il peut cependant être limité par son manque de formation en matière de psychologie et de communication, aspects qui font souvent défaut aux études de pharmacie. Enfin, cer-taines situations ou questions peuvent le déstabiliser. Ces limites peuvent même le conduire à éviter certains échanges de peur de ne pouvoir répondre de manière adaptée ou de ne pas savoir interrompre le dialogue si nécessaire.Le capital confiance dont jouit le pharmacien en offi-cine le désigne pour apporter un soutien psychologique ponctuel. Cette aide se décline en trois temps : accueil, écoute et réassurance.

L’accueil

L’accueil est fondamental et détermine souvent la qua-lité de l’échange à venir. Les pharmaciens d’officine qui reçoivent de la clientèle y sont souvent attachés : l’agencement des locaux, l’attitude empathique des pro-fessionnels derrière leur comptoir sont les critères d’un accueil de qualité. En adoptant une position d’“aidant”, le pharmacien prolonge la notion d’accueil. Il convient de :– proposer un temps et un lieu, tel un espace confiden-tiel, d’échanges significatifs ;– se mettre en position d’écoute : gestion du stress, de la posture, du positionnement, de l’environnement ;– toujours envisager que, dans cette situation, le patient peut être psychologiquement fragile.

L’écoute

L’écoute consiste à être disponible, à ne pas juger, à être bienveillant, à gérer ses émotions, à ne pas donner d’avis

personnel, à laisser l’interlocuteur exprimer totalement son propos, à trouver et conserver la bonne distance relationnelle, à savoir encourager, limiter, interrompre le discours de manière fluide, à adapter son discours et à répondre au cas par cas.

La réassurance

Le capital confiance du pharmacien lui confère aussi le pouvoir de rassurer son patient confronté à de véritables angoisses.En dehors des états dépressifs, assez fréquents en can-cérologie, les états d’anxiété sont quasiment systémati-ques (et bien compréhensibles) chez les patients comme chez leurs proches. Peur de la maladie, peur de la mort, peur des traitements, peur des effets secondaires de ces derniers, peur pour l’avenir des siens... Les sources d’inquiétude sont nombreuses. Les patients atteints de cancer, mais aussi leurs proches, ont donc principale-ment besoin d’être rassurés.Rassurer, c’est être présent et savoir calmer les angois-ses sans avoir forcément réponse à tout. C’est pourquoi la réassurance est essentielle, même si le pharmacien ne peut pas augurer de l’avenir du diagnostic, ni garantir une bonne tolérance aux traitements.Accompagner le malade, c’est aussi savoir lui propo-ser des solutions adaptées à ses problèmes comme lui conseiller du matériel (un lit médicalisé en cas de dimi-nution de l’autonomie par exemple).Malgré ses limites, dont il doit avoir conscience pour offrir un accompagnement adapté, le pharmacien d’of-ficine est un interlocuteur privilégié du patient atteint de cancer. Toujours investi d’un rôle de conseiller, il peut, s’il le souhaite, tenir une place essentielle dans l’accompagnement du patient au sein des réseaux ville-hôpital. �

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

• L’écoute est active. Écouter n’est pas uniquement se taire et

laisser la parole au patient.

• Écouter peut être thérapeutique. Le soulagement ne vient

pas forcément de la réponse mais du fait d’avoir pu exprimer

ses difficultés. Nombre de patients remercient leur pharmacien

de les avoir écoutés et du soulagement que le fait d’exprimer

leurs craintes et leurs souffrances a pu leur procurer.

À noterÀ noter

• L’écoute est active. Écouter n’est pas uniquement se taire et

laisser la parole au patient.

• Écouter peut être thérapeutique. Le soulagement ne vient

pas forcément de la réponse mais du fait d’avoir pu exprimer

ses difficultés. Nombre de patients remercient leur pharmacien

de les avoir écoutés et du soulagement que le fait d’exprimer

leurs craintes et leurs souffrances a pu leur procurer.

À noterÀ noter

Pour en savoir plusDe Ciccio M, Panarello G,

Fantin D, Veronesi A,

Pinto A, ZagonelL V,

Monfardini S, Testa V.

Parenteral nutrition

in cancer patients

receiving chemotherapy:

effects on toxicity

and nutritional status.

JPEN 1993; 17: 513-8.

Dictionnaire Vidal 2007.

Ganem G, Grollier C,

Tournigand C, Voog E.

Chimiothérapie et autres

traitements médicaux

du cancer. Elsevier 2006 :

239 p.

Gralla RJ, Osaba D, Kris M.

Recommendations for

the use of antiemetics:

evidence-based, clinical

practice guidelines.

J Clin Oncol 1999; 17(9):

2971-94.

Gunnars B. Assessment

in healt care. Assessement

of quality of life during

chemotherapy, Acta Oncol

2001: 40: 175-84.

Institut national de veille

sanitaire (ministère de la

Santé, de la Jeunesse et

des Sports). Programme

national nutrition santé

(PNNS) 2006-2010.

Quelles sont les dispositions à mettre en place

dans la relation pharmacien/patient ?

• Rassurer le patient sur les compétences du médecin et des services qui le suivent.

• Lui garantir que des tentatives seront faites pour le soulager des effets secondaires.

• Lui assurer de sa disponibilité, si le besoin se fait sentir pour lui ou sa famille, de venir

parler de sa maladie.

• Ne pas hésiter à renouveler des explications afin de lui permettre une meilleure

compréhension.

• Appeler un professionnel, à la demande du patient, afin de lui faire préciser des éléments.

• Le réconforter sur le fait que chacun a des ressources pour faire face.