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Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 18 dossier thématique Rein : traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer  du rein : facteurs de risque histologiques Adjuvant therapy in renal cell carcinoma: histologic prognostic factors N. Rioux-Leclercq* *Service d’anatomie et de cytologie patho- logiques, CHU de Rennes. Points forts highlights » Les facteurs histologiques sont indispensables à la détermination du pronostic d’une tumeur rénale. » Il s’agit principalement de la taille tumorale, du grade de Fuhrman, du stade TNM, de la nécrose tumorale, des emboles vasculaires microscopiques et de la présence d’une composante sarcomatoïde. » Ils sont utilisés classiquement après la chirurgie mais également, depuis peu, avant une thérapie ciblée pour définir au mieux la réponse thérapeutique et/ou cibler les patients candidats au traitement. » Après thérapie ciblée, de nouveaux facteurs histologiques pronostiques doivent être définis pour apprécier l’efficacité du traitement. Mots-clés : Cancer du rein – Histologie – TNM – Pronostic. Histologic factors are needed to determine the renal tumor prognosis. These prognostic factors include tumor size, Fuhrman grade, TNM stage, tumor necrosis, microscopic vascular invasion, and a sarcomatoid component. Histologic factors are used after surgery but also in case of antiangiogenic therapy to define a response or resistance to targeted therapy. New histologic factors must be defined to determine the efficacy of antiangiogenic therapy. Keywords: Renal cell carcinoma – Histology – TNM – Prognosis. L a classification OMS 2004 des tumeurs a défini plus de 30 sous-types histologiques de tumeurs du rein, mais la quasi-totalité des tumeurs malignes de l’adulte est représentée par 3 sous-types histologiques du carcinome à cellules rénales (CCR) : le carcinome à cellules claires (CCCR) [70 % des cas], le carcinome tubulopapillaire (CTP) [15 %] et le carcinome à cellules chromophobes (10 %) [1]. Le cancer du rein présente une évolution extrêmement variable, allant de la petite tumeur indolente de décou- verte fortuite à la maladie agressive localement avancée ou d’emblée métastatique, situation observée dans près d‘un tiers des cas. Ce risque évolutif hétérogène rend nécessaire l’identification de facteurs pronostiques fiables, afin de mieux guider la stratégie thérapeutique (2). Le traitement principal du cancer du rein localement avancé ou métastatique était jusqu’à présent chirurgical, toutes les formes de cancer du rein étant résistantes à la radiothérapie et à la chimiothérapie. Le traitement médical des cancers du rein métastatiques était jusqu’en 2005 limité à l’immunothérapie (IFNα ou IL-2) : une réponse objective était relevée chez environ 15 % des patients mais une mauvaise tolérance au traitement lui était associée. La prise en charge de ces tumeurs évoluées a été modifiée par l’émergence en cancérologie des thérapies ciblées, avec, dans le cancer du rein, le développement de traite- ments principalement à visée antiangiogénique, actuel- lement validés en situation métastatique, même si des essais en situation adjuvante sont en cours. L’apparition de ces nouveaux traitements et surtout leur développement futur a priori en situation adjuvante rendent nécessaire la détermination de meilleurs facteurs pronostiques, en par- ticulier histologiques. Les coûts importants et l’éventuelle toxicité de ces médicaments incitent ainsi les oncologues à définir la thérapie ciblée la plus adaptée à un patient et à une tumeur donnés (3, 4). Facteurs pronostiques histologiques classiques Taille tumorale La taille tumorale apparaît comme une valeur pro- nostique continue. La classification TNM a choisi des valeurs frontières de 7 cm entre T1 et T2, de 4 cm entre les stades T1a et T1b, et de 10 cm entre les stades T2a et T2b. La taille apparaît également comme un facteur pri- mordial pour la discussion d’une néphrectomie partielle afin de sauvegarder la fonction rénale des patients (5). Grade de Fuhrman Le grade nucléaire de Fuhrman, utilisé depuis près de 30 ans, est le facteur pronostique le plus ancien. Il est validé pour les 3 sous-types histologiques principaux,

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Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 201118

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Rein : traitements adjuvants

Traitements adjuvants dans le cancer du rein : facteurs de risque histologiquesAdjuvant therapy in renal cell carcinoma: histologic prognostic factorsN. Rioux-Leclercq*

*Service d’anatomie et de cytologie patho­

logiques, CHU de Rennes.

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» Les facteurs histologiques sont indispensables à la détermination du pronostic d’une tumeur rénale.

» Il s’agit principalement de la taille tumorale, du grade de Fuhrman, du stade TNM, de la nécrose tumorale, des emboles vasculaires microscopiques et de la présence d’une composante sarcomatoïde.

» Ils sont utilisés classiquement après la chirurgie mais également, depuis peu, avant une thérapie ciblée pour définir au mieux la réponse thérapeutique et/ou cibler les patients candidats au traitement.

» Après thérapie ciblée, de nouveaux facteurs histologiques pronostiques doivent être définis pour apprécier l’efficacité du traitement.

Mots-clés : Cancer du rein – Histologie – TNM – Pronostic.

Histologic factors are needed to determine the renal tumor prognosis.

These prognostic factors include tumor size, Fuhrman grade, TNM stage, tumor necrosis, microscopic vascular invasion, and a sarcomatoid component.

Histologic factors are used after surgery but also in case of antiangiogenic therapy to define a response or resistance to targeted therapy.

New histologic factors must be defined to determine the efficacy of antiangiogenic therapy.

Keywords: Renal cell carcinoma – Histology – TNM – Prognosis.

L a classification OMS 2004 des tumeurs a défini plus de 30 sous-types histologiques de tumeurs du rein, mais la quasi-totalité des tumeurs

malignes de l’adulte est représentée par 3 sous-types histologiques du carcinome à cellules rénales (CCR) : le carcinome à cellules claires (CCCR) [70 % des cas], le carcinome tubulopapillaire (CTP) [15 %] et le carcinome à cellules chromophobes (10 %) [1].Le cancer du rein présente une évolution extrêmement variable, allant de la petite tumeur indolente de décou-verte fortuite à la maladie agressive localement avancée

ou d’emblée métastatique, situation observée dans près d‘un tiers des cas. Ce risque évolutif hétéro gène rend nécessaire l’identification de facteurs pronostiques fiables, afin de mieux guider la stratégie thérapeutique (2).Le traitement principal du cancer du rein localement avancé ou métastatique était jusqu’à présent chirurgical, toutes les formes de cancer du rein étant résistantes à la radiothérapie et à la chimiothérapie. Le traitement médical des cancers du rein métastatiques était jusqu’en 2005 limité à l’immunothérapie (IFNα ou IL-2) : une réponse objective était relevée chez environ 15 % des patients mais une mauvaise tolérance au traitement lui était associée. La prise en charge de ces tumeurs évoluées a été modifiée par l’émergence en cancérologie des thérapies ciblées, avec, dans le cancer du rein, le développement de traite-ments principalement à visée antiangiogénique, actuel-lement validés en situation métastatique, même si des essais en situation adjuvante sont en cours. L’apparition de ces nouveaux traitements et surtout leur développement futur a priori en situation adjuvante rendent nécessaire la détermination de meilleurs facteurs pronostiques, en par-ticulier histologiques. Les coûts importants et l’éventuelle toxicité de ces médicaments incitent ainsi les oncologues à définir la thérapie ciblée la plus adaptée à un patient et à une tumeur donnés (3, 4).

Facteurs pronostiques histologiques classiques

Taille tumoraleLa taille tumorale apparaît comme une valeur pro-nostique continue. La classification TNM a choisi des valeurs frontières de 7 cm entre T1 et T2, de 4 cm entre les stades T1a et T1b, et de 10 cm entre les stades T2a et T2b. La taille apparaît également comme un facteur pri-mordial pour la discussion d’une néphrectomie partielle afin de sauvegarder la fonction rénale des patients (5).

Grade de FuhrmanLe grade nucléaire de Fuhrman, utilisé depuis près de 30 ans, est le facteur pronostique le plus ancien. Il est validé pour les 3 sous-types histologiques principaux,

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Figure 1. A. Grade I de Fuhrman avec petits noyaux réguliers non nucléoles ; B. Grade II de Fuhrman avec noyaux plus volumineux et irréguliers, avec nucléole à peine visible ; C. Grade III de Fuhrman avec noyaux irréguliers et nucléoles proéminents ; D. Grade IV de Fuhrman avec noyaux pléomorphes.

A

C

B

D

Traitements adjuvants dans le cancer du rein : facteurs de risque histologiques

même si, pour les CTP ou les carcinomes chromo-phobes, il tend à être remis en question.Il s’agit d’un grading nucléaire simple et reproductible, fondé sur l’aspect du noyau et du nucléole au grossis-sement × 20. Quatre grades sont ainsi définis, corres-pondant à des pronostics de plus en plus défavorables. Le grade I correspond à des noyaux ronds, réguliers, d’environ 10 µm, avec un nucléole mal visible ou absent ; le grade II correspond à des noyaux ronds, un peu plus irréguliers, d’environ 15 µm, avec un nucléole à peine visible, de petite taille ; le grade III correspond à des noyaux irréguliers, d’environ 20 µm, avec un nucléole large et proéminent ; le grade IV correspond à des noyaux pléomorphes ou multilobés de plus de 20 µm, avec un nucléole proéminent et une chromatine irré-gulière (figure 1). Le grade de Fuhrman doit être défini selon le contingent le plus élevé, quelle que soit son importance relative au sein de la tumeur (par exemple, un CCR avec un grade III de Fuhrman estimé à 90 %, associé à un territoire de Fuhrman IV estimé à 10 %, sera au total classé grade IV de Fuhrman) [6].Le grade de Fuhrman possède une forte valeur pro-nostique, indépendante de celle des autres facteurs histologiques. Bien que certains auteurs lui reprochent un manque de reproductibilité interindividuelle, il reste reconnu comme la méthode la plus fiable de grading histologique. N. Rioux-Leclercq et al. ont comparé, sur une cohorte de 5 453 patients opérés d’un CCCR, dif-férents schémas de grading nucléaire afin de tenter de simplifier ce grade et de diminuer la variabilité inter- ou intra-observateur : grades I + II versus grades III + IV, ou grades I + II versus III versus IV, ou schéma I versus II versus III versus IV. Si fusionner les grades de Fuhrman I et II ne modifie pas l’évaluation du pronostic, il n’apparaît en revanche pas légitime de fusionner les grades III et IV, le grade IV de Fuhrman ciblant un groupe de tumeurs de pronostic beaucoup plus péjoratif que les CCR de grade III de Fuhrman (7).

Composante sarcomatoïdeLa présence d’une composante sarcomatoïde fait classer la tumeur en grade IV de Fuhrman. Il convient d’estimer le pourcentage de cette composante sarcomatoïde, certains protocoles thérapeutiques définissant le seuil de 50 % comme correspondant à une entité à prendre en charge de façon spécifique (8).

Stade TNMLe stade TNM différencie le stade tumoral en fonction de l’évolution locale, régionale et métastatique, et ce quel que soit le sous-type histologique de la tumeur. Il évolue régulièrement pour s’adapter aux nouvelles

connaissances en matière de définition du pronostic ainsi qu’aux nouvelles techniques chirurgicales. Par rapport à la classification TNM 2004, dans la dernière version TNM 2009, le stade T a été modifié, mais les stades N et M sont restés identiques (tableau, p. 20). Les tumeurs localisées au rein sont classées pT1 ou pT2. Les tumeurs pT1 mesurent jusqu’à 7 cm, avec une sous-clas-sification pT1a et pT1b pour, respectivement, les tumeurs ≤ 4 cm et > 4 cm. Quant aux tumeurs pT2, leur taille peut varier de 7 à 10 cm, avec une sous-classification pT2a pour les tumeurs de 7 à 10 cm et un stade pT2b pour les tumeurs > 10 cm. Un autre paramètre important pris en compte dans la classification TNM est la présence d’un thrombus tumoral veineux, que ce soit au niveau de la veine rénale ou de la veine cave. L’atteinte veineuse et son niveau (veine rénale ou l’une de ses branches mais comportant une paroi musculaire) conduisent à classer la tumeur en pT3a, une extension à la veine cave sous-diaphragmatique en stade pT3b et une extension à la veine cave sus-diaphragmatique ou une infiltration de la paroi de la veine cave en stade pT3c. Il faut également différencier l’envahissement de la graisse périrénale de la graisse hilaire, même si, dans les 2 cas, la tumeur est également classée pT3a. Dans la dernière classification TNM 2009, l’infiltration par contiguïté de la surrénale est dorénavant classée pT4, mais est considérée comme métastatique M1 si cette atteinte surrénalienne se fait sans contiguïté avec la tumeur rénale (9).

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Rein : traitements adjuvants

Envahissement des cavités pyélocaliciellesLa valeur pronostique de cette atteinte semble moins importante que celle de la taille, de l’atteinte de la graisse périrénale ou de l’atteinte surrénalienne, ce qui justifie que l’envahissement des cavités pyélocali-cielles soit absent de la classification TNM. Ce caractère pronostique apparaîtrait plus marqué pour les stades précoces (T1) que pour les stades plus avancés (10).

Nécrose tumoraleLa nécrose tumorale, jugée au niveau de l’examen macroscopique et confirmée histologiquement, apparaît également comme un facteur pronostique indépendant. Il convient donc de la spécifier dans la conclusion et d’en réaliser une estimation quantitative, souvent dictée par l’examen macroscopique, même si seule la présence ou l’absence de nécrose a une valeur reconnue (11). En effet, l’estimation de la nécrose après thérapie ciblée sera sans doute nécessaire à l’avenir.

Emboles vasculaires microscopiquesLa présence d’emboles vasculaires microscopiques doit figurer dans la conclusion (c’est un facteur pronostique pris en compte dans certains protocoles thérapeutiques, en particulier en cas de thérapie ciblée en situation adjuvante). Mais, si ces emboles vasculaires micro-scopiques peuvent être présents dans le hile rénal, ils

ne permettent pas à eux seuls de classer la tumeur en pT3a, d’autant plus que leur paroi ne contient pas de plan musculaire visible.

Nouveaux facteurs pronostiques

Dans le carcinome rénal à cellules clairesLe traitement médical du CCCR a été récemment révolu-tionné par la meilleure compréhension des mécanismes de sa carcinogenèse. Ces progrès ont été facilités par l’étude de la maladie héréditaire à transmission auto-somique dominante de von Hippel-Lindau, causée par la mutation germinale du gène VHL. Des anomalies de ce gène (mutations, délétions, inactivation par hyper-méthylation du promoteur) sont présentes dans plus de la moitié des carcinomes à cellules claires sporadiques. La protéine pVHL codée par ce gène conduit à la dégra-dation de la protéine HIF via le protéasome. HIF est un facteur de transcription impliqué dans l’expression de facteurs liés à l’hypoxie tels que le VEGF, le PDGF, le TGFβ ou la CA IX. En cas d’hypoxie ou d’inactivation de VHL (comme c’est le cas dans le carcinome à cellules claires), ces facteurs apparaissent surexprimés, le VEGF et le PDGF étant alors responsables d’une néo-angio-genèse tumorale importante, favorisant la croissance tumorale et l’extension à distance. D’autre part, HIF est stabilisée en parallèle par la protéine mTOR, impli-quée également dans une autre voie moléculaire de la carcino genèse rénale.Ces voies sont ciblées par les médicaments récemment développés dans le cancer du rein (12) : d’une part, le VEGF et son récepteur à activité tyrosine kinase, le VEGFR, sont ciblés par le bévacizumab (anticorps anti-VEGF humanisé recombinant), le sunitinib (inhibiteur de tyrosine kinase à large spectre, ciblant notamment le VEGFR) et le sora-fénib (inhibiteur de tyrosine kinase à large spectre, ciblant notamment le VEGFR) ; d’autre part, la protéine mTOR est ciblée par le temsirolimus. Le bévacizumab, le sunitinib et le sorafénib sont actuellement autorisés pour le traitement des carcinomes à cellules claires métastatiques de bon pronostic ou de pronostic intermédiaire ; le temsirolimus pour les carcinomes à cellules rénales métastatiques de mauvais pronostic, quel que soit le sous-type histologique. Ces molécules sont actuellement testées en situation adjuvante ou néo-adjuvante, afin d’améliorer la survie des patients opérés à visée curative.L’émergence de ces traitements interroge sur la valeur pronostique des facteurs liés à l’angiogenèse. Surtout, il apparaît important de développer des facteurs de pré-diction de la réponse ou de la non-réponse à ces traite-ments, de façon à mieux adapter ceux-ci en fonction des

Tableau. Classification TNM révisée en 2009.AJCC/TNM (2009) StatutTumeur (T) Tx Le statut tumoral ne peut être défini

T0 Aucune tumeur retrouvéeT1a Tumeur localisée au rein, ≤ 4 cmT1b Tumeur localisée au rein, > 4 cm et ≤ 7 cmT2

T2aT2b

Localisée au rein, > 7 cmTumeur localisée au rein, > 7 cm et ≤ 10 cmTumeur localisée au rein, > 10 cm

T3a Tumeur envahissant le tissu adipeux périrénal et/ou le tissu adipeux hilaire (mais pas le fascia de Gerota) et/ou la veine rénale ou l’une de ses branches (avec paroi musculaire)

T3b Tumeur s’étendant macroscopiquement dans la veine cave sous le diaphragme

T3c Tumeur s’étendant macroscopiquement dans la veine cave au-dessus du diaphragme ou envahissant la paroi musculaire de la veine cave

T4 Tumeur dépassant le fascia de Gerota ou infiltrant par contiguïté la glande surrénale

Extension dans les ganglions lymphatiques régionaux (N)

Nx Le statut ganglionnaire ne peut être définiN0 Aucune métastase ganglionnaire régionaleN1 Métastase dans un ganglion lymphatique régionalN2 Métastase dans plus d’un ganglion lymphatique régional

Métastase à distance (M) Mx Le statut métastatique ne peut être définiM0 Aucune métastase à distanceM1 Métastase à distance

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Figure 3. Expression du VEGF dans un carcinome rénal à cellules claires comportant des zones de Fuhrman 4 (à droite) et de Fuhrman 2 (à gauche). Une surexpression est observée dans les zones de haut grade (immuno-histochimie avec anticorps anti-VEGF).

Figure 2. A. Forte densité vasculaire microscopique avec de nombreux petits vaisseaux anastomosés ; B. Faible densité vasculaire microscopique avec de grands vaisseaux espacés et peu nombreux.

A B

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différences biologiques des tumeurs. Plusieurs facteurs pronostiques histologiques ont été proposés mais ne sont actuellement pas utilisés en routine (13).

La densité vasculaire microscopiquePlusieurs méthodes existent pour estimer la densité vasculaire microscopique (MVD) dans une tumeur. La plus utilisée est la méthode de Chalkley, utilisant un mar-quage immunohistochimique des cellules endo théliales, à la suite de quoi un décompte des vaisseaux dans 3 zones de plus forte densité vasculaire à fort grossisse-ment est réalisé. La MVD déterminée par la méthode de Chalkley semble corrélée au pronostic dans les cancers du rein, mais certains auteurs critiquent son manque de reproductibilité et la discordance des résultats entre différentes études (14). Des méthodes alternatives plus fiables paraissent donc nécessaires (figure 2).

Le VEGFLe VEGF peut être étudié soit dans le plasma du patient (taux plasmatique du VEGF), soit en immuno-histo-chimie (IHC) afin de définir son expression intratumorale. Dans les 2 cas, plusieurs études semblent lui accorder une valeur pronostique, dont le caractère indépen-dant des autres facteurs pronostiques n’est pas encore certain (15). Il fait actuellement l’objet d’études en tant que facteur prédictif de réponse, une forte expres-sion intracytoplasmique du VEGF étant un facteur de mauvais pronostic, indépendant pour la survie (figure 3).

Autres facteursPlusieurs autres facteurs de la voie VHL/HIF/VEGF ont été étudiés comme facteurs pronostiques. Parmi eux, les altérations du gène VHL ainsi que l’expression en IHC de pVHL (protéine VHL), HIF et CAIX semblent jouer un rôle pronostique indépendant de celui des autres facteurs classiques. Ainsi, une surexpression intratumorale de HIF a été retrouvée associée à un mauvais pronostic et à une moins bonne réponse aux thérapies ciblées. La présence d’une inactivation du gène VHL semble être associée aux tumeurs de plus petit stade TNM et de plus faible grade de Fuhrman. Les séries restent cependant de petite taille, et ces résultats doivent être confirmés par de nouvelles études indépendantes. Il conviendra également d’étudier ces facteurs en tant que facteurs prédictifs de réponse aux traitements anti-angiogéniques sur des cohortes homogènes (16, 17).

Cas particuliers des néphrectomies après thérapie cibléeIl n’y a actuellement aucun consensus sur la prise en charge macroscopique et histologique des

néphrectomies totales ou partielles après thérapie ciblée. La tumeur présente souvent un aspect macrosco-pique nodulaire avec des zones hémorragiques sombres ou nécrotiques (figure 4, p. 22). Lors de la prise en charge macroscopique, inclure une tranche entière de la tumeur semble intéressante et permettrait d’estimer le pour-centage de nécrose tumorale, celui de tumeur viable et celui de remaniements post- thérapie ( remaniements fibrocollagènes, inflammatoires, histiocytaires, etc.). Le grade de Fuhrman peut être estimé, mais il n’est a priori pas adéquat si la tumeur a été traitée. Le stade TNM doit être rapporté dans la conclusion. Il faut également faire une analyse du rein non tumoral pour évaluer d’éven-tuelles lésions des antiangiogéniques (microangiopathie thrombotique, lésions glomérulaires minimes, etc.).

Dans le carcinome rénal tubulopapillaireC’est pour ce sous-type histologique que le grade de Fuhrman est remis en question par certains auteurs ; mais, en l’absence actuelle de consensus international, il est préférable de maintenir le grade de Fuhrman pour tous les carcinomes à cellules rénales.

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Rein : traitements adjuvants

Figure 4. Néphrectomie totale après thérapie antiangiogénique : aspect nodulaire, focalement nécrotique, remanié, avec des zones tumorales très hémorragiques.

1. Eble J, Sauter G, Epstein J I , S e s t e r h e n n I A (e d s ) . World Health Organization Classification of Tumors. Pathology and genetics of tumours of the urinary sys-tem and male genital organs. Lyon: IARC Press, 2004.

2. Patard JJ, Leray E, Rioux-Leclercq N et al. Prognostic value of histologic subtypes in renal cell carcinoma: a multicenter experience. J Clin Oncol 2005;23:2763-71.

3. Costa LJ, Drabkin HA. Renal cell carcinoma: new developments in molecular biology and potential for tar-geted therapies. Oncologist 2007;12:1404-15.

4. Choueiri TK, McDermott D, Sheng Duh M et al. Costs associated with angioge-nesis inhibitor therapies for metastatic renal cell carci-noma in clinical practice: Results from a medical chart review study. Urol Oncol 2010 ; sous presse.

Retrouvez  l’intégralité  

des références  bibliographiques  

sur notre site  www.edimark.fr

R é f é r e n c e sEn revanche, il apparaît indispensable de préciser, outre les facteurs pronostiques classiques précédemment cités, quel est le sous-type histologique 1 ou 2 du carcinome tubulopapillaire, du fait des conséquences pronostiques et donc de prise en charge thérapeutique.Le CCR tubulopapillaire de type 1 se caractérise par une architecture papillaire prédominante faite de nombreuses papilles centrées par des amas d’histiocytes spumeux. Les papilles sont généralement tapissées d’une seule assise de petites cellules cubiques d’aspect basophile à noyaux peu ou pas nucléolés, correspondant le plus souvent à un grade I ou II de Fuhrman. Quelques calci-fications peuvent être observées dans l’axe des papilles. Le CCR tubulopapillaire de type 1 est de bon pronostic.Le CCR tubulopapillaire de type 2, de pronostic plus péjoratif, présente une architecture tubulaire plus com-pacte, avec de plus rares papilles. Les amas d’histiocytes spumeux sont rares, voire absents. Les cellules sont plus cylindriques, d’aspect éosinophile, avec stratification nucléaire, atypies nucléaires et présence de nucléoles proéminents, correspondant majoritairement à un grade III, voire IV, de Fuhrman (18).Une approche transcriptomique plus récente ayant comparé les profils d’expression génique sur une série de CCR tubulopapillaires de type 1 ou 2 a permis de reclasser ces 2 sous-types en 4 sous-types de pronostic différent : CCR tubulopapillaires de bon pronostic, corres-pondant au type 1 ; à un type 2 de bas grade ; à une forme mixte associant type 1 et type 2 de bas grade ; CCR tubulopapillaire de mauvais pronostic, correspondant à

un type 2 de haut grade et se présentant d’emblée avec des métastases, surtout ganglionnaires, ou évoluant rapidement selon un mode métastatique. Ces sous-types histologiques se traduisent également par une expression différente de gènes régulant le cycle cellu-laire : inactivation des gènes contrôlant le passage de la phase G1 à la phase S du cycle cellulaire et surexpression de la cytokératine 7 dans les CCR tubulopapillaires de bon pronostic ; inactivation des gènes contrôlant le passage de la phase G2 à la phase M du cycle cellulaire, avec hyperexpression de la topo-isomérase α (19), dans les formes de haut grade.Les CCR tubulopapillaires sont, depuis peu, inclus dans les essais cliniques utilisant les thérapies ciblées soit à visée antiangiogénique, soit bloquant la voie mTOR. Il apparaît donc indispensable de définir, tout comme le CCR à cellules claires, de nouveaux marqueurs pré-dictifs du pronostic ou de la réponse ou non-réponse à ces thérapies ciblées.Actuellement, les 2 voies moléculaires identifiées dans le CCR tubulopapillaire proviennent des connaissances que nous avons des voies impliquées dans les CCR tubulo papillaires héréditaires.Le CCR papillaire héréditaire de type 1 est bilatéral et multifocal, associé à une mutation du gène MET, loca-lisé sur le chromosome 7q31-34. Cette mutation du gène MET responsable d’une hyperexpression dans les cellules tumorales de C-MET n’est observée que dans 13 % des CCR papillaires sporadiques, mais cette voie n’est pas à négliger, car certaines thérapies ciblées anti-angiogéniques ont montré leur rôle dans la diminution de l’expression intratumorale de C-MET.Le CCR tubulopapillaire héréditaire de type II s’associe à des léiomyomes multiples utérins. Il est lié à une inacti-vation du gène situé sur le chromosome 1q42.3 codant pour la fumarate hydratase (FH), enzyme clé contrôlant le cycle de Krebs. Le gène MET est considéré comme un gène suppresseur de tumeur. Quand l’activité de la FH diminue par inactivation de son gène, une surexpression de la succinate est observée, qui permet alors la stabili-sation de HIF donc l’hyperexpression du VEGF, d’où un intérêt également pour les thérapies antiangiogéniques.

Conclusion

Les facteurs histologiques restent indispensables à l’évaluation pronostique d’une tumeur rénale, que ce soit avant ou après une thérapie ciblée, ou pour décider d’une thérapie antiangiogénique, et il semble néces-saire d’adapter ces facteurs à l’utilisation des nouvelles molécules antiangiogéniques. ■

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