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Les transmissions écrites des aides-soignantes : qu’en est-il ? Sous la direction de : Christine PHILIP Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé et du master (1ère année) « Économie sociale et solidaire – santé et médico-social » Anne-Sophie ENOS Promotion Rogers : 2018 - 2019 Date du Jury : juin 2019 INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTÉ SAINTE-ANNE

Les transmissions écrites des aides-soignantes : qu’en est

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Les transmissions écrites des aides-soignantes :

qu’en est-il ?

Sous la direction de : Christine PHILIP

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé

et du master (1ère année) « Économie sociale et solidaire – santé et médico-social »

Anne-Sophie ENOS

Promotion Rogers : 2018 - 2019

Date du Jury : juin 2019

INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTÉ

SAINTE-ANNE

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Les transmissions écrites des aides-soignantes :

qu’en est-il ?

Sous la direction de : Christine PHILIP

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé

et du master (1ère année) « Économie sociale et solidaire – santé et médico-social »

Anne-Sophie ENOS

Promotion Rogers : 2018 - 2019

Date du Jury : juin 2019

INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTÉ

SAINTE-ANNE

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« Ce n’est pas la profession qui honore l’homme, mais c’est l’homme qui honore la profession »

Louis Pasteur

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R e m e r c i e m e n t s

Je tiens avant tout à exprimer toute ma gratitude à Christine Philip pour avoir accepté de

m’accompagner pour ce travail de recherche. Je la remercie pour ses conseils, son implication

et son soutien.

Merci également à Monique Pengam, ma référente pédagogique, pour son accompagnement

bienveillant et constructif, ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe pédagogique de l’institut de

formation des cadres de santé de Sainte-Anne.

Merci à Mickael Salaun, pour le partage de ses connaissances en méthodologie de recherche et

son accompagnement.

Merci aux aides-soignantes pour leur implication lors de ce travail d’enquête.

Merci à mes deux filles Léa et Maëlle pour leur soutien et leurs encouragements.

Enfin, merci à mon époux pour sa patience, sa compréhension et son aide tout au long de

l’année.

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L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s

AS : aide-soignante

ASH : agent de service hospitalier

BEP : brevet d’études professionnelles

CAFAS : certificat d’aptitude aux fonctions d’aide-soignante

CAP : certificat d’aptitude professionnelle

DAR : données actions résultats

DPAS : diplôme professionnel des aides-soignantes

HAS : haute autorité de santé

IDE : infirmière diplômée d’État

IFAS : institut de formation aides-soignants

IFCS : institut de formation des cadres de santé

INSEE : institut national de la statistique et des études économiques

SSR : soins de suite et de réadaptation

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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T a b l e d e s

m a t i è r e s

INTRODUCTION ........................................................................................................ 5

PREMIÈRE PARTIE ................................................................................................... 7

1 DU CONTEXTE DE LA RECHERCHE À LA PROBLÉMATIQUE ...................... 7

1.1 Un constat issu de mon parcours professionnel................................................7

1.2 Un questionnement, un temps de réflexion ........................................................9

1.3 L’élaboration d’une question de départ ............................................................10

1.4 Qu’en est-il des prénotions identifiées ? ..........................................................10

1.5 Ce thème est-il pertinent ? .................................................................................11

1.6 La question de recherche ...................................................................................14

1.7 Les hypothèses ...................................................................................................15

1.8 De l’objet de recherche à la problématique.......................................................15

DEUXIÈME PARTIE ................................................................................................. 17

2 LE CADRE THÉORIQUE .................................................................................. 17

2.1 L’histoire d’un métier : aide-soignante ..............................................................17

2.2 Des transmissions aux transmissions ciblées .................................................20

2.3 Les écrits, la qualité et la sécurité des soins ....................................................21

2.4 Le rôle du cadre de santé ...................................................................................22

3 LE CADRE CONCEPTUEL DE RÉFÉRENCE .................................................. 25

3.1 Le concept d’identité ..........................................................................................25 3.1.1 L’identité individuelle et collective à l’identité sociale .................................................... 25 3.1.2 L’identité pour soi et pour autrui ................................................................................... 26 3.1.3 La construction de l’identité professionnelle.................................................................. 27 3.1.4 Aide-soignante : choix d’une profession par vocation ................................................... 27

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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3.2 La reconnaissance d’un métier ......................................................................... 29 3.2.1 Qu’est-ce que la reconnaissance ? .............................................................................. 29 3.2.2 Un besoin de reconnaissance ...................................................................................... 31 3.2.3 La place des représentations sociales dans la reconnaissance .................................... 32 3.2.4 La reconnaissance et le « sale boulot »........................................................................ 33

3.3 L’écriture ............................................................................................................ 34 3.3.1 L’écriture et ses significations ...................................................................................... 34 3.3.2 L’entrée dans le monde de l’écrit .................................................................................. 35

TROISIÉME PARTIE ................................................................................................ 37

4 MÉTHODOLOGIE D’UN D’APPRENTI CHERCHEUR ..................................... 37

4.1 De la vision théorique à la vision empirique .................................................... 37 4.1.1 L’enquête de terrain ..................................................................................................... 37 4.1.2 Le cadre des enquêtes ................................................................................................ 37 4.1.3 Le contexte des entretiens ........................................................................................... 39 4.1.4 Les limites et les biais de l’enquête .............................................................................. 39

5 RÉSULTATS ET ANALYSE DES ENTRETIENS .............................................. 41

5.1 Thème 1 : du parcours des aides-soignantes à l’écriture professionnelle .... 41 5.1.1 D’une trajectoire de vie au choix professionnel ............................................................. 41 5.1.2 Du parcours scolaire aux transmissions écrites ............................................................ 43 5.1.3 Les origines sociales influencent-elles le parcours scolaire ?........................................ 44 5.1.4 Une connotation juridique ............................................................................................ 44 5.1.5 La lecture des transmissions écrites ............................................................................. 46

5.2 Thème 2 : du travail de l’aide-soignante au « sale boulot » ............................ 47 5.2.1 Aide-soignante : une profession dans la collaboration .................................................. 48 5.2.2 De la répartition de tâches à « l’invisibilité » du travail .................................................. 49 5.2.3 La délégation du « sale boulot »................................................................................... 51

5.3 Thème 3 : les transmissions écrites ................................................................. 53 5.3.1 La place des transmissions orales et écrites dans l’organisation du travail.................... 53 5.3.2 Le « prendre soin » dans les transmissions écrites ....................................................... 55 5.3.3 Les outils utilisés : un outil informatique uniforme peu efficient ..................................... 56 5.3.4 Une utilisation complexe .............................................................................................. 58 5.3.5 Les transmissions écrites : les points facilitants, les points difficiles .............................. 60 5.3.6 De la culture orale à la culture écrite ............................................................................ 61 5.3.7 La considération de l’écoute dans les interactions soignantes ...................................... 62

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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5.4 Thème 4 : des transmissions écrites à la qualité et la sécurité des soins ......64 5.4.1 La complexité d’un vocabulaire .................................................................................... 64 5.4.2 La qualité et la sécurité des soins au travers des transmissions écrites ........................ 65

6 DISCUSSION .................................................................................................... 67

CONCLUSION .......................................................................................................... 73

Bibliographie ........................................................................................................... 75

Annexe I : Guide d’entretien

Annexe II : Entretien retranscrit

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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INTRODUCTION Le module 3 « initiation à la recherche et analyse des pratiques » abordé en formation cadre de

santé permet d’expérimenter la posture de chercheur par la mise en œuvre d’une démarche de

recherche en sciences sociales et la rédaction d’un mémoire. Ainsi, pour y parvenir nous avons

fait le choix d’intégrer le master « Économie sociale et solidaire-santé et médico-social » en

partenariat avec l’université Paris-Est Marne La Vallée. Notre intérêt se porte sur une approche

sociologique du rapport à l’écriture des aides-soignantes1 dans le cadre des transmissions

écrites.

Au cours de notre carrière professionnelle, nous avons exercé dans un premier temps dans les

services de soins en collaboration avec les aides-soignants, puis dans un second temps nous

avons exercé la fonction de formateur dans un institut de formation d’aides-soignantes. Ces

deux expériences nous ont permis d’appréhender de manière différente le rapport

qu’entretiennent ces professionnelles de santé avec l’écriture. Nous avons remarqué que dans

les deux cas, le passage à l’écriture lors des transmissions n’est pas aisé pour elles, pour

différentes raisons.

Pour conséquent, nous expérimentons un travail de recherche et tentons de comprendre la

problématique suivante : en quoi, le rapport à l’écriture des aides-soignantes peut-il avoir un

impact sur la qualité et la sécurité des soins ?

Nous construisons notre recherche en nous appuyant sur deux hypothèses :

• L’origine sociale, le parcours scolaire et professionnel des aides-soignantes sont un frein

au passage à l’écrit.

• Le travail de l’aide-soignante considéré comme étant « ingrat » peut expliquer le

manque d’intérêt de le tracer.

1 Nous avons fait le choix en dépit de la règle grammaticale d’utiliser le féminin pour qualifier les aides-soignantes

afin de coïncider avec la réalité du terrain où la population aide-soignante est essentiellement féminine. Cependant

ce travail de recherche peut être transposé au masculin.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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Pour mener à bien ce travail, nous utilisons une méthode compréhensive à partir de références

théoriques et de concepts puis, nous menons une enquête qualitative à l’aide d’entretien semi-

directif.

D’autre part, ce travail de recherche peut être transposé dans deux domaines d’exercice de la

fonction cadre de santé. En effet, ce phénomène concerne aussi bien les élèves, et les étudiants

en formation que les professionnels sur le terrain. Ainsi, il peut être réinvesti en tant que futur

cadre de santé formateur ou en tant que futur cadre de santé de proximité.

Ce travail de recherche s’articule autour de trois étapes. La première partie porte sur

l’interpellation issue de notre expérience professionnelle où nous validons la pertinence de

l’objet et du questionnement à partir de concepts et d’entretiens exploratoires auprès d’un cadre

de santé, d’une aide-soignante et d’un sociologue. La seconde partie porte sur une approche

théorique afin de situer l’objet de recherche dans son environnement ainsi qu’une approche

conceptuelle en approfondissant trois concepts qui porte sur la notion d’identité, la notion de

reconnaissance et la notion d’écriture. Après ces approches théoriques et conceptuelles, la

troisième partie est consacrée à une enquête qualitative de terrain. Nous nous attacherons à

expliquer notre méthodologie. Puis, notre troisième partie porte sur l’analyse des résultats de

l’enquête ainsi qu’une discussion afin de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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PREMIÈRE PARTIE Cette première partie consiste à délimiter l’objet de ce travail de recherche issu de notre

expérience professionnelle, d’en comprendre les contours grâce à une approche théorique et des

entretiens exploratoires.

1 DU CONTEXTE DE LA RECHERCHE À LA PROBLÉMATIQUE

1.1 Un constat issu de mon parcours professionnel Dès le début de ma carrière, lors du travail en binôme avec les aides-soignantes (AS), j’ai

observé qu’elles réalisaient peu de transmissions écrites. En effet, c’était souvent moi qui

écrivais pour elles. Pourtant, dans l’approche des soins quotidiens, elles mènent des actions

d’observation et de surveillance de l’état clinique du patient. Elles recueillent souvent des

confidences importantes à considérer dans la prise en soin. Néanmoins, ces faits ne sont pas

toujours retranscrits dans le dossier de soins, il semble que ce rôle de relai d’informations soit

minimisé.

Aussi, pour obtenir leur diplôme d’État d’aide-soignante, les élèves doivent depuis 2005 valider

le module 7 intitulé « transmission des informations ». Cet enseignement porte sur des cours

théoriques et des travaux dirigés d’application, il est ensuite évalué au cours d’un stage. Il s’agit

de les mettre en situation professionnelle pour évaluer leur capacité à réaliser des transmissions

écrites et orales, et ainsi évaluer la qualité de leur soin. Il est attendu qu’elles écrivent dans le

dossier de soins du patient sur deux supports pré établis : le diagramme de soins et la feuille de

transmissions ciblées. Ces outils répondent au cadre réglementaire fixé par la loi du 4 mars

2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. J’ai remarqué à maintes

reprises que les diagrammes sont remplis car il existe un système de pré cochage mais nous

retrouvons très peu de transmissions ciblées rédigées. Il semble que le passage à l’écriture soit

difficile. Au travers ce reporting, elles semblent réaliser les soins de confort sans en mesurer la

valeur lors des transmissions. Elles n’arrivent pas toujours à passer à l’écriture linéaire dans les

cas où il est nécessaire de le faire. Pouvons-nous l’expliquer par un manque de confiance en

elles ? En leurs compétences ? Ou est-ce une « stratégie » pour ne pas recourir à l’écriture. En

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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ont-elles conscience ? Par ailleurs, ce diagramme de soins uniformisé peut-il toujours se

« calquer » à la singularité du patient ?

Mon expérience en institut de formation auprès des élèves aides-soignantes m’a permis de

rencontrer un public très hétérogène : certaines d’entre elles sont en difficulté pour écrire

(orthographe, syntaxe, dyslexie, maitrise de la langue française à l’écrit…) alors que d’autres

ont des capacités d’écriture. Mais, elles n’investissent davantage les transmissions lors de leur

prise de poste. Est-ce par peur du jugement ? Est-ce en lien avec une difficulté antérieure

d’apprentissage ? Se considèrent-elles suffisamment pour investir l’écriture ? Quelles

représentations ont-elles de leur rôle dans les transmissions ?

J’ai particulièrement été interpellée lors d’une pratique professionnelle auprès d’une élève aide-

soignante. Celle-ci venait de recevoir l’enseignement théorique. Or, lors de l’évaluation au sein

du service de médecine, l’élève présente le patient qu’elle a pris en soin, elle verbalise que

depuis quelques jours l’état général du patient s’est dégradé, qu’il a perdu beaucoup en

autonomie, qu’il n’est plus en capacité de se mobiliser. La cadre de santé confirme les propos

de l’élève. Au cours de l’évaluation, nous sommes amenées à consulter le dossier de soins et

après lecture du diagramme de soins, nous constatons deux problématiques : les transmissions

réalisées les jours précédents par des aides-soignantes du service sont imprécises dans la mesure

où l’altération de l’état général du patient n’apparaît pas. Il y a une incohérence entre l’oral et

l’écrit. Le diagramme de soins n’est pas rempli et aucune cible n’a été ouverte. Pourtant, les

soins ont été effectués et elles ont identifié un changement de son état clinique. Ainsi, des

informations importantes pouvant porter à conséquence sont perdues. Cette situation permet de

constater les difficultés autour des transmissions écrites pour les aides-soignantes et la perte

d’informations utiles à la qualité des soins. Aussi, je me questionne sur les raisons de cette

attitude.

C’est pourquoi, j’ai fait le choix de ce thème car, de mon point de vue, les aides-soignantes ne

bénéficient pas de la place qu’elles devraient occuper. Par ce manque de traçabilité, leur travail

est invisible pour l’institution, la hiérarchie et les collaborateurs, pourtant, elles occupent une

place primordiale auprès du patient. C’est la catégorie professionnelle qui passe le plus de temps

auprès du patient. Elles sont au contact de l’intimité. Je pense qu’elles ont beaucoup d’éléments

à apporter en termes de transmissions pour assurer la prise en charge globale du patient mais le

passage à l’écrit semble être un frein. C’est pourquoi, il m’est essentiel de comprendre ce

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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phénomène et les facteurs qui influencent l’écriture de ces soignants. J’aspire à analyser et

comprendre les difficultés qu’elles rencontrent. Je souhaite aborder ce fait au travers du rapport

qu’elles entretiennent avec l’écrit. J’ai perçu au sein de cette catégorie un sentiment de

dévalorisation, voire de honte, de gêne et d’humiliation lors de la rédaction des transmissions

ciblées.

Cette situation et mon attrait pour ce thème m’ont amené à orienter mon questionnement vers

trois notions.

1.2 Un questionnement, un temps de réflexion ð Impact de l’histoire du métier

En premier lieu, je m’interroge sur ce groupe professionnel : Quelle est son histoire ? Quel est

le poids de l’histoire sur les aides-soignantes d’aujourd’hui ? Comment construisent-elles leur

identité professionnelle ? Quelle est la place de l’aide-soignante dans une équipe pluri

professionnelle et par rapport à sa hiérarchie ? Comment leur travail est-il défini ? Quelles sont

les compétences requises pour occuper la fonction aide-soignante ? Quelle représentation ont-

elles de leur fonction ? Quelles sont les représentations du métier d’aide-soignante ? En quoi

l’imprégnation de la culture de l’oral peut-elle avoir un impact sur la culture de l’écrit ?

ð Quelle reconnaissance ont-elles ? Quelle identité sociale ?

En outre, la reconnaissance est pour moi un autre questionnement car je pense qu’elle peut avoir

des conséquences sur la réalisation des transmissions écrites des aides-soignantes. Quels sont

les facteurs qui peuvent expliquer le manque de reconnaissance ? Cela déstabilise-t-il leur

reconnaissance identitaire ? Pourquoi réduisent-elles leur rôle au soin d’hygiène et de confort ?

L’ensemble de leurs tâches est-il connu et reconnu ?

ð Quel rapport avec l’écrit ?

Enfin, mon expérience en institut de formation me permet d’interroger le rapport qu’elles

entretiennent avec l’écriture. Depuis quand les aides-soignantes sont-elles sollicitées pour écrire

dans les dossiers de soins ? La culture de l’aide-soignante est basée depuis de nombreuses

années sur l’oralité mais quels sont les facteurs limitant l’écriture ? Quels sont les statuts des

écrits ? En quoi l’évolution du statut des écrits peut-il expliquer le manque de transmissions

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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écrites ? Quel est le paradoxe avec les tâches subalternes ? En quoi ce manque de transmissions

peut-il avoir des conséquences sur la qualité et la continuité des soins ?

Ce questionnement et l’émergence de ces trois notions me paraissent prédominantes et

permettent d’identifier la question de départ.

1.3 L’élaboration d’une question de départ Les transmissions écrites font partie de l’apprentissage et des tâches que l’aide-soignante doit

réaliser. Elles sont l’aboutissement d’un soin, d’un acte de réflexion et d’un engagement.

L’aide-soignante est responsable de ses écrits. Mais, il semble que cet écrit ne soit pas

correctement investi. Aussi, l’écrit a des limites, il nécessite une prise de risque, une maitrise

de la langue française, du vocabulaire professionnel, de même qu’une utilisation optimale des

outils en vigueur au sein des structures.

L’infirmière est responsable de l’exactitude de ce qui est écrit dans le dossier de soins car l’aide-

soignante n’a pas de rôle propre. Cependant, l’aide-soignante reste responsable de ses actes.

Chaque protagoniste, au regard de sa fonction va réaliser des transmissions écrites avec ses

compétences, ses perceptions et ses observations. Cette complémentarité favorise la qualité et

la continuité des soins.

Ainsi, ce cheminement nous amène à la question de départ suivante et à l’identification de

quelques prénotions :

Quel est le statut octroyé par les aides-soignantes à l’écriture dans le dossier de soins ?

1.4 Qu’en est-il des prénotions identifiées ?

Selon Arborio, « l’organisation du métier d’infirmière est sans doute la première étape

marquante d’un processus de division du travail dont la catégorie d’aide-soignante semble par

contrecoup, un demi-siècle plus tard, le produit » (Arborio, 2002, p.25). Elle met en évidence

que ces deux métiers sont intimement liés par leur histoire et leur passé au-delà de leur création

règlementaire. Depuis la naissance de leur profession, chacune est en quête de séparation mais

aussi de reconnaissance. Les différents décrets, arrêtés, circulaires en sont le témoignage. La

loi du 8 avril 1946 marque l’obligation de posséder le diplôme d’État pour exercer en tant

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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qu’infirmière. Les personnes exerçant jusque-là les soins infirmiers sans diplôme d’État sont

reléguées au titre de « servante ». Leur identité au travail définie comme un « processus

relationnel de construction de soi à travers le monde professionnel » (Dollo, Lambert & Parayre,

2017, p.187) était, par conséquent, ébranlée. Quelques années plus tard, l’arrêté du 10 janvier

1949 marque la création du grade « aide-soignante ». Ainsi, tous ces protagonistes exerçant

sans diplôme infirmier ont bénéficié d’un statut et d’une reconnaissance de leurs activités. Il

existe une incontestable interdépendance entre ces deux catégories de professionnelles. Dans

les représentations, les aides-soignantes sont souvent réduites aux soins dits « sales » d’hygiène

et de confort. Un certain nombre de tâches qu’elles réalisent n’est pas reporté et reste invisible

faute de traçabilité. Ces tâches sont-elles considérées comme ingrates ? Pouvons-nous parler ici

du « sale boulot » comme l’évoque dans l’un de ses articles Arborio, (1995).

Aussi, elles entretiennent une relation complexe avec l’écriture. En m’appuyant sur mon

expérience et les travaux d’Arborio, (2002), j’ai observé que la majorité des aides-soignantes

ont souvent un rapport à l’école difficile. Elles l’ont pour certaines quitté précocement ou vécu

un parcours scolaire chaotique. Écrire dans un dossier de soins peut donc s’avérer être une tâche

complexe pour elles. Pourtant, le métier qu’elles vont exercer, l’accompagnement des patients

dans leur quotidien, est au cœur de la prise en soin et capital pour suivre l’évolution de la

symptomatologie. Elles sont au centre de la prise en charge globale du patient, œuvrant en

étroite collaboration avec l’infirmière. Il semble qu’elles soient affectées par le regard des autres

et par ce que leurs écrits pourraient renvoyer d’elles-mêmes.

Il est donc primordial après ces quelques recherches d’interroger la pertinence du thème.

1.5 Ce thème est-il pertinent ? ð Des statistiques sur le parcours des aide soignants

Tout d’abord, il est intéressant de visualiser statistiquement le rapport que les aides-soignantes

entretiennent avec l’écrit. Une étude réalisée en Haute Normandie par l’Institut national de la

statistique et des études économiques (INSEE), menée auprès de personnes âgées de 18 à 65

ans d’octobre à décembre 2011, montre que 17% de ces personnes éprouvent des difficultés à

communiquer par écrit. Cette enquête vise à apprécier le niveau de compétences des adultes à

l’écrit, en calcul et en compréhension orale. Sur ces 17%, 12% présentent des difficultés qu’elle

qualifie de graves ou fortes. Il est affirmé dans cette enquête que les difficultés à l’écrit

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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deviennent plus rares quand le niveau de qualification de l’emploi s’élève. Or, les aides-

soignantes ont une qualification sanctionnée par un diplôme d’État suite à une formation de dix

mois. Aussi, une enquête effectuée par l’INSEE entre 2007 et 2009 présente le niveau de

diplôme des aides-soignantes de moins de 30 ans en France métropolitaine. Pour 45% elles

possèdent un certificat d’aptitude professionnelle (CAP), un brevet d’études professionnelles

(BEP) ou un autre diplôme, pour 34 % un baccalauréat, brevet professionnel ou une

équivalence, pour 5 % un baccalauréat plus deux années d’études et 13,3% n’ont pas de diplôme

(ou un brevet des collèges).

En effet, nous retrouvons au sein de cette formation professionnelle des parcours diversifiés et

variés. Elles peuvent soit provenir du système scolaire, être en reconversion ou en réinsertion

professionnelle avec de véritables enjeux personnels et professionnels associés à de fortes

inégalités d’apprentissage.

Nous convenons maintenant, de chercher par l’intermédiaire d’une enquête exploratoire de

potentielles pistes de travail que nous n’aurions pas perçu ?

ð Une enquête exploratoire pour valider le questionnement

Afin d’affirmer notre questionnement au contexte du terrain, il nous parait intéressant de

prendre l’avis de deux professionnels, un cadre d’un service d’établissement d’hébergement

pour personnes âgées dépendantes et d’une aide-soignante en secteur de psychiatrie. Deux

entretiens semi directifs ont été réalisés. Le choix de réaliser ces entretiens auprès de deux

catégories de professionnelles différentes était souhaité afin de recueillir le vécu et l’expérience

d’une aide-soignante utilisant les transmissions écrites dans son quotidien d’une part, et auprès

d’une cadre de santé afin de disposer d’une appréciation des tâches réalisées par les aides-

soignantes, d’autre part. Dans ces deux établissements elles ont à disposition le dossier de soins

patient sous la forme informatisée dans lequel elles utilisent le diagramme de soins et les

transmissions ciblées.

L’aide-soignante relate que l’utilisation de l’outil informatique est complexe, peu adaptée à la

spécificité du service et à la singularité du patient. Selon elle, les aides-soignantes manquent de

formation et ne mesurent pas la valeur du « cochage » des soins réalisés répertoriés sur le

diagramme de soins. Spontanément, elle évoque que beaucoup de transmissions restent orales.

Elle verbalise que les aides-soignantes diplômées depuis peu de temps réalisent des

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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transmissions écrites avec plus d’aisance que les collègues plus expérimentés. Elle ajoute, « ce

n’est pas dans la culture des anciens ». Il apparait dans ses propos un sentiment de

dévalorisation : « les infirmiers ont davantage l’habitude que nous aides-soignantes ». Ou, se

sentent-ils concernés par les transmissions écrites ? Dans son service, la lecture des

transmissions écrites, réalisées par les aides-soignantes dans les dossiers de soins, reste brève

par les infirmiers et inexistante par les médecins, elle évoque à ce sujet un sentiment de

frustration. Elle relate que ses difficultés d’orthographe et de syntaxe sont un frein car, elle a

parfois honte et doit demander de l’aide pour la rédaction et pour l’usage de l’outil. Elle précise

qu’avec le dossier de soins en format papier c’était moins compliqué. Elle argumente ses propos

par peur du jugement au travers de ses écrits. « Qu’est-ce que les autres vont penser de moi ? ».

Les aides-soignantes adoptent une stratégie de communication des informations significatives,

elles utilisent une « feuille de route » pour chaque journée travaillée où figurent les

transmissions mais chaque jour cette feuille est détruite. Elles évoquent également identifier

l’auteur de la transmission sans même regarder la signature car au travers de l’écrit elles

apprécient les émotions, la bienveillance, l’empathie et la personnalité de ses collègues.

De son point de vue, la cadre de santé exprime, quant à elle que les aides-soignantes ne sont

pas imprégnées de la culture de l’écrit. Elles sollicitent souvent les infirmiers ou le cadre de

santé pour faire valider leurs transmissions écrites. Elle ajoute qu’une relation de dépendance

s’est d’ailleurs installée. Pour argumenter son propos elle reconnait avoir identifié un manque

de confiance en elles. Elles ont peur du jugement. Selon elle, les aides-soignantes restent en

retrait car elles n’affirment pas leurs propos et leurs observations. Elle verbalise également que

les jeunes diplômées sont plus à l’aise avec les transmissions écrites que les professionnels plus

anciens. Bien que parfois la rédaction des transmissions écrites est laborieuse, elle ajoute que

l’aide-soignante ne transmet que ce qu’elle a fait de concret dans le diagramme de soins (une

toilette par exemple). Elle complète son propos en soulignant que la réflexion et les

observations ne s’y retrouvent pas. En cela, le diagramme de soins est enfermant et ne facilite

pas la rédaction de transmissions.

Afin de venir enrichir ces deux entretiens, il a semblé approprié de recueillir le point de vue

d’Anne-Marie Arborio, sociologue, au cours d’un entretien téléphonique. Elle a, à plusieurs

reprises, étudiée cette catégorie professionnelle. Elle argumente en faveur d’une

communication complexe entre les protagonistes. Effectivement, il est souligné aux aides-

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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soignantes de ne pas utiliser le vocabulaire professionnel à l’écrit tout en interrogeant le

décalage entre l’assimilation et la mise en application de ce vocabulaire. Il est souvent évoqué

que le niveau en formation baisse alors même que le nombre de bacheliers entrant en formation

ne cesse d’augmenter. Par conséquent, il serait peut-être intéressant d’étudier leur niveau de

qualification, leur parcours scolaire, puis professionnel, leurs origines sociales et enfin leurs

motivations à exercer cette profession. En outre, elle met en exergue la notion de domination et

de pouvoir qui émerge au sein des équipes.

Cette phase exploratoire nous permet d’orienter notre question de recherche.

1.6 La question de recherche

Le constat de départ et les entretiens réalisés confirment cette difficulté d’écriture lors des

transmissions, nous pouvons donc consolider l’idée de travailler sur cette problématique. Les

transmissions écrites peuvent être considérées comme « l’aboutissement » d’un soin. Elles

permettent d’assurer la continuité et la qualité de celui-ci. La loi du 4 mars 2002 relative aux

droits des malades et à la qualité du système de santé a favorisé la mise en place d’outils de

traçabilité. L’institution et les organisations ont dû s’adapter aux évolutions et notamment à la

législation relative aux droits des usagers facilitant l’accès au dossier médical. Comment les

aides-soignantes ont-elles été accompagnées dans l’application de ces activités ? Il est étonnant

de constater qu’un certain nombre d’actes réalisés par les aides-soignantes ne soit pas reporté

dans le dossier de soins ou retranscrit sur le diagramme de soins. Une partie de leur travail reste

« invisible » or, la traçabilité implique l’équipe pluri-professionnelle. Est-ce que tous les acteurs

reconnaissent le travail d’écriture des aides-soignantes ? L’absence de rôle propre aide-

soignante favorise le lien de dépendance entretenu avec les infirmières. On peut observer

qu’elles construisent leur identité professionnelle en parallèle des infirmiers.

Ce cheminement complété d’investigations auprès de professionnels de terrain permet

d’identifier la question de recherche :

En quoi, le rapport à l’écriture des aides-soignantes peut-il avoir un impact sur la

qualité et la sécurité des soins ?

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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Ainsi, il nous semble important d’analyser les deux hypothèses ci-après afin d’apporter des

éléments de réponse à la question de recherche.

1.7 Les hypothèses La première hypothèse s’appuie sur une catégorie professionnelle aide-soignante très disparate.

Certaines, sont issues de reconversion professionnelle suite à une succession d’emploi ou après

des « accidents biographiques ». Le rôle du manager ne se limite pas à contrôler l’efficience

des transmissions mais, il doit comprendre quels sont les facteurs qui peuvent freiner ce passage

à l’écriture. Aussi, est-ce que :

1 - L’origine sociale, le parcours scolaire et professionnel des aides-soignantes pourraient être

un frein au passage à l’écrit.

La deuxième hypothèse s’appuie sur les tâches de l’aide-soignante. Au quotidien, les aides-

soignantes sont au plus près du patient accompagnant tous les gestes de la vie quotidienne, il

en résulte une relation de confiance entre le soignant et le soigné. Ces soins apportent des

informations riches et nécessaires pour la prise en charge globale du patient et il est

préjudiciable pour la qualité des soins de ne pas écrire toutes ces informations. Pourtant, c’est

la catégorie professionnelle qui écrit le moins dans le dossier de soins. Est-ce en lien avec une

forme de banalisation des soins dits « sales » ? Tous les acteurs de soins portent-ils de l’intérêt

à ces soins ? Aussi est-ce que :

2- Le travail de l’aide-soignante considéré comme étant « ingrat » pourrait expliquer le manque

d’intérêt de le tracer.

1.8 De l’objet de recherche à la problématique Il ne s’agit pas, par le biais de ce travail, d’apporter des solutions aux difficultés que rencontrent

les aides-soignantes dans la réalisation des transmissions écrites mais d’analyser le phénomène.

C’est pourquoi, nous aborderons la notion d’identité professionnelle et de reconnaissance de

l’aide-soignante sous un angle de recherche clinique, pédagogique et managérial afin de

comprendre le retentissement qu’elles peuvent avoir dans l’exercice d’écriture.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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DEUXIÈME PARTIE La seconde partie porte sur une approche théorique afin de situer l’objet de recherche dans son

environnement ainsi, qu’une approche conceptuelle afin d’approfondir trois concepts clés qui

porte sur la notion d’identité, la notion de reconnaissance et la notion d’écriture.

2 LE CADRE THÉORIQUE

Nous abordons ici, la naissance de la profession aide-soignante au travers son histoire mais

également les différentes approches qui ont fait évoluer les pratiques d’écritures des soignants.

Enfin, nous appréhendons la place du cadre de santé dans le management de l’équipe pour

réaliser les transmissions.

2.1 L’histoire d’un métier : aide-soignante La réalisation de l’historique du métier d’aide-soignante est une étape essentielle afin de

comprendre sa naissance, sa construction au sein des différentes époques, d’appréhender le

processus de division du travail avec l’infirmière et d’identifier la hiérarchisation des groupes

de professionnels à l’hôpital.

Selon Benlahouès, (2008), au début du XIXème siècle, le personnel soignant à l’hôpital est

composé de deux catégories. D’un côté les religieuses membres de congrégations confiées aux

hôpitaux et de l’autre les « servants » et les « servantes ». Ceux-ci exercent avec les religieuses

au sein des hôpitaux ou dans des établissements laïcs. Les religieuses ont tendance à laisser aux

« servantes » le service direct aux malades. À cette époque, le personnel est majoritairement

« ignorant » et « grossier » (Benlahouès, 2008, p.14) avec un champ d’actions vaste où les

tâches de ménage et de soins sont mêlées. Selon Hamilton, A. et Regnault, F., médecins, une «

servante » peut être amenée à « nettoyer les vases, balayer la salle, porter le linge sale et donner

au malade les soins les plus minutieux et les plus délicats » (Benlahouès, 2008, p.14). À cette

époque, le recrutement des infirmières se fait parmi les filles de la campagne, les enfants

assistés, les personnes porteuses de handicap et les vieilles femmes n’ayant reçu aucune

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éducation et instruction. Ces personnes choisissent cette activité par dépit afin de travailler pour

vivre. Lors du recrutement, la qualité du personnel n’est alors pas privilégiée. Il apparait

clairement que les tâches de servante soient dédiées aux plus pauvres dans l’échelle sociale.

Le début du XXe siècle marque une évolution majeure, la médecine progresse, les médecins se

regroupent, réclament des réformes hospitalières et une reconnaissance du personnel hospitalier

dans le but d’obtenir une aide. Ils pensent nécessaire d’encourager la spécialisation infirmière

et d’établir une hiérarchisation professionnelle au sein du personnel. La première école

d’infirmières ouvre sous la responsabilité du Dr Bourneville. Les élèves sont issues de

catégories socio professionnelles pauvres, associées aux servantes. Aussi, ce changement est

dû à l’évolution des notions d’hygiène et des progrès médicaux. Les infirmières doivent être

déchargées des soins inférieurs de ménage. C’est alors que deux groupes distincts se dessinent

à l’hôpital : les infirmières comme aide des médecins à part entière et les « servantes »

cantonnées à des tâches d’entretien et d’hygiène. Par ailleurs, en 1922, Léonie Chaptal milite

pour une reconnaissance professionnelle infirmière et impulse la création d’un brevet de

capacités professionnelles avec le titre d’infirmière diplômée d’État. Il faudra attendre de

nombreuses années, à savoir la fin de la seconde guerre mondiale pour que les infirmières

diplômées d’État obtiennent le droit exclusif d’exercer la profession (loi n°46-630 du 8 avril

1946). Néanmoins, dans cette période d’après-guerre et face à la pénurie de personnel, nous

retrouvons dans les hôpitaux des « infirmières » exerçant sans diplôme. Ainsi, l’administration

hospitalière va créer provisoirement le grade d’aide-soignante des hôpitaux publics. Les

infirmières faisant fonction deviennent aides-soignantes. À l’époque, il n’est pas envisageable

de se séparer de ce personnel exerçant les mêmes gestes mais sans diplôme. Elles seront les

premières à obtenir un grade d’aide soignantes dans les hôpitaux publics. C’est en 1949, devant

la pression des partenaires sociaux, que cette catégorie de professionnelles est conservée et que

le grade d’aide-soignante sera définitivement adopté. Il est alors attribué par le médecin-chef

du service en fonction de l’ancienneté de l’agent auprès des malades.

Puis, sept ans plus tard, l’arrêté du 23 janvier 1956 marque la création du certificat d’aptitude

aux fonctions d’aide-soignant (CAFAS). En 1960, le CAFAS devient obligatoire pour pouvoir

exercer. Mais, le recrutement en formation aide-soignante n’attend pas de prérequis particuliers.

C’est pourquoi apparaît une filière de préparation pour les métiers de services aux personnes,

le brevet d’études professionnelles (BEP) « Sanitaire et Social » afin d’anticiper la formation.

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Ensuite, plusieurs arrêtés marquent l’évolution de la formation aide-soignante avec une

alternance théorique et pratique et définissent les contours, notamment le travail de

collaboration. Ainsi, l’arrêté du 22 juillet 1994 stipule que « l’aide-soignante se situe au sein

d’une équipe, qu’elle contribue à la prise en charge des personnes, qu’elle participe aux soins

dans le cadre du rôle propre infirmier, en collaboration avec lui et sous sa responsabilité »

(legifrance, 1994). Ce n’est qu’en 1996, que les rôles et les missions de l’aide-soignante sont

redéfinis. Le décret du 12 août 1996 marque la fin du CAFAS et institue le diplôme

professionnel des aides-soignantes (DPAS).

Enfin, l’arrêté du 22 octobre 2005, présente un nouveau référentiel de formation s’appuyant sur

huit compétences chacune évaluée en stage. Ce référentiel définit l’aide-soignante comme une

personne qui

« exerce son activité sous la responsabilité de l’infirmier, dans le cadre du rôle propre

dévolu à celui-ci, conformément aux articles R. 4311-3 à R.4311-5 du code de la santé

publique. Dans ce cadre, l’aide-soignant réalise des soins liés aux fonctions d’entretien

et de continuité de la personne ou d’un groupe de personnes. Son rôle s’inscrit dans une

approche globale de la personne soignée et prend en compte la dimension relationnelle

des soins. L’aide-soignante accompagne cette personne dans les activités de sa vie

quotidienne, il contribue à son bien-être et à lui faire recouvrer, dans la mesure du

possible, son autonomie. Travaillant le plus souvent dans une équipe pluri

professionnelle, en milieu hospitalier ou extrahospitalier, l’aide-soignant participe, dans

la mesure de ses compétences et dans le cadre de sa formation, aux soins infirmiers

préventifs, curatifs ou palliatifs. Ces soins ont pour objet de promouvoir, protéger,

maintenir et restaurer la santé de la personne, dans le respect de ses droits et de sa

dignité » (ministère des affaires sociales et de la santé, 2014, p.20).

En 2007, les aides-soignantes se verront reconnaître leur diplôme comme diplôme d’État

(legifrance, 2007).

Au cours de son histoire, la profession aide-soignante a connu nombreuses évolutions mais,

comment a-t-elle adapté ses pratiques au quotidien et plus particulièrement ses transmissions

écrites ?

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2.2 Des transmissions aux transmissions ciblées Nous nous attachons ici à comprendre la mise en place des transmissions écrites et plus

précisément les transmissions ciblées. Ainsi, étymologiquement, transmettre vient du latin

« transmitterre », qui signifie « envoyer par-delà, transporter, faire passer » (Clavanier, 2014,

p.25). Longtemps, les infirmiers se sont inscrits dans une culture orale. Jusque dans les années

quatre-vingt, les transmissions sont narratives, non structurées et consignées dans un cahier

commun à tous les patients. La création du dossier de soins en 1984 structure les transmissions

écrites. Parallèlement, les travaux de Virginia Henderson, infirmière, enseignante et chercheuse

font prendre une toute autre dimension à la prise en charge des patients. En effet, celle-ci prend

en compte diverses composantes de l’être humain notamment les aspects : psychologique,

culturel et social. Elles s’appuient sur quatorze besoins fondamentaux. Cette évolution permet

d’harmoniser les pratiques autour des observations et d’assurer la traçabilité des soins relevant

du rôle propre de l’infirmière.

La septième conférence de l’association Nord-Américaine des diagnostics infirmiers en 1986

marque une étape décisive quant à la rédaction des transmissions écrites. Lampe et Hitchcock,

professeurs en soins infirmiers à l’université de Minneapolis proposent un nouveau système

pour rédiger les dossiers de soins. En effet, jusqu’à cette date, il est observé une insuffisance et

des failles dans les transcriptions relatives au rôle propre infirmier.

En France, c’est Boisvert, C., infirmière, (titulaire d’une maîtrise en sciences infirmières à

Washington et formatrice au groupe de recherche et d’intervention pour l’éducation permanente

des professionnels de la santé) qui introduit une nouvelle méthode de rédaction des

transmissions écrites. Ainsi, les transmissions ciblées apparaissent. Elles sont composées de

deux outils. Tout d’abord, le diagramme de soins qu’est défini comme « un document

standardisé permettant d’enregistrer les actes de soins par l’équipe soignante. Les rubriques du

diagramme sont déterminées en fonction des soins les plus couramment effectués dans le

service » (Terrat, 2009, p.17). Puis, dans un deuxième temps, une fiche de transmissions ciblées.

Elle fixe :

« un mode d’organisation et d’enregistrement de la partie narrative des informations

transcrit dans le dossier de soins infirmiers, afin de mettre en évidence les changements

dans l’état de santé du patient, les priorités d’action et les résultats obtenus. Elles

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permettent d’identifier les problèmes nouveaux du patient au moment où ils

apparaissent, de réajuster le projet de soins en fonction de l’évolution du patient, de

permettre aux soignants de se centrer sur la personne malade plutôt que sur la maladie,

d’éviter les retranscriptions répétitives et enfin d’assurer la continuité des soins dans une

logique commune » (Terrat, 2009, p.16).

Celles-ci doivent permettre d’améliorer la transcription et permettre une collaboration plus

grande avec les aides-soignantes.

Les circulaires de 1996 et 1997 précisent les principes de cette collaboration où il convient

d’associer les AS à l’élaboration des projets de soins. Ainsi, il leur appartient de consigner dans

le dossier de soins les observations constatées lors des soins. La circulaire du 19/01/96 relative

au rôle et aux missions des AS, insiste sur la nécessité de former les aides-soignantes aux

nouvelles formes de transmissions, notamment les transmissions ciblées. Comment les aides-

soignantes les réinvestissent dans leurs écrits ?

2.3 Les écrits, la qualité et la sécurité des soins À l’hôpital, la traçabilité des soins reprend les écrits des soignants dans un dossiers de soins

individualisé. Dans un article de Cloarec, (2008), la traçabilité occupe une place primordiale

dans le domaine des soins et dans la gestion des risques car elle permet d’assurer la continuité

des soins en rendant compte des observations sur les soins réalisés auprès de la personne. La

traçabilité dans les soins aujourd’hui a une réelle valeur juridique et entre dans les critères

qualité des certifications de la haute autorité de santé (HAS).

En nous intéressant au cadre législatif nous observons que la réforme hospitalière du 31 juillet

1991 et les ordonnances de 1996 ont officialisé la démarche qualité et impulsé une culture de

gestion des risques. Dorénavant, tous les établissements de santé ont l’obligation de s’inscrire

dans une démarche de certification. Celle-ci, vise à assurer que les conditions de sécurité et de

qualité des soins soient réunies. Aujourd’hui, cette certification est délivrée par la haute autorité

de santé (HAS). En effet, en reprenant le manuel de certification nous constatons que certaines

des recommandations concernent la tenue du dossier de soins.

« Le dossier du patient assure la traçabilité de toutes les actions effectuées. Il est un outil

de communication, de coordination et d'information entre les acteurs de soins et avec

les patients. Il permet de suivre et de comprendre le parcours hospitalier du patient. Il

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est un élément primordial de la qualité des soins en permettant leur continuité dans le

cadre d'une prise en charge pluri-professionnelle et pluridisciplinaire. Le rôle et la

responsabilité de chacun des différents acteurs pour sa tenue doivent être définis et

connus » (HAS, 2014).

Aussi, selon la loi du 4 mars 2002, la traçabilité des soins est une obligation réglementaire et

permet aux patients d’accéder aux informations contenues dans son dossier. Elle donne une tout

autre dimension à la qualité et à la sécurité des soins. Le patient peut dorénavant consulter son

dossier médical sur demande. Cette loi engage la responsabilité des soignants et attend des écrits

objectifs. Quel retentissement cette loi peut avoir sur les écrits des soignants ? Quel rôle joue le

cadre de santé au sein d’un service de soins quant à la mise en place de la qualité et de la sécurité

des soins ?

2.4 Le rôle du cadre de santé Le cadre de santé occupe une place centrale dans une équipe. Il a un rôle fédérateur et favorise

une collaboration en équipe pluri professionnelle. Selon Mintzerg, H. le cadre occupe trois

rôles : un rôle « décisionnel », « interpersonnel » et de « communication » (Jacques, 2016, pp.

220-221). Il est également important de souligner que le cadre de santé a un rôle d’articulation

entre les différents protagonistes dont les préoccupations, les objectifs des uns et des autres

peuvent être différents voire contradictoires mais, tous travaillent directement ou indirectement

autour du même projet de soin pour la personne. Celui-ci doit être attentif aux interactions, à la

communication au sein de l’équipe tout en prenant en compte la notion d’individualité et de

groupe. Cependant, quel lien peut être fait avec l’objet de recherche de ce travail ?

Dans la situation de départ, il est à noter que l’aide-soignante s’exprime peu ou rarement

spontanément et surtout ne retraduit pas par écrit les observations. Pourtant, sa contribution en

relatant le vécu, le comportement du patient est nécessaire à une prise en charge individualisée

et globale. Selon nous, le rôle du cadre de santé est de donner de la valeur à la parole, aux

activités de chacun des membres de l’équipe pluridisciplinaire ? Le cadre de santé a un rôle

fondamental pour permettre une réelle collaboration entre les aides-soignantes et les infirmières

autour du rôle propre et porter une attention particulière à la qualité des transmissions entre

ceux-ci. Selon Azémard, il est « fondamental de garder à l’esprit que chaque acteur est

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indispensable à une prise en charge globale, personnalisée, pluridisciplinaire et que le regard

de l’aide-soignante doit s’illustrer au travers d’une prise de parole reconnue » (Azémard, 2015,

p.20).

Ces recherches théoriques permettent de clarifier l’aspect historique du statut de l’aide-

soignante, d’apprécier la mise en place des transmissions ciblées en structure de soins et de

définir le rôle du cadre de santé. Ainsi pour étayer notre réflexion, nous avons fait le choix de

développer trois concepts : l’identité, la reconnaissance et l’écriture en nous appuyant sur

différents auteurs en philosophie, sociologie et anthropologie.

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3 LE CADRE CONCEPTUEL DE RÉFÉRENCE

3.1 Le concept d’identité

3.1.1 L’identité individuelle et collective à l’identité sociale

Sainsaulieu, a introduit l’identité au travail en 1977, il l’a défini comme la « façon dont les

différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité au

travail est fondée sur des représentations collectives distinctes ». Il évoque la recherche du

pouvoir social par l’individu car il risque dans toute relation la perte de reconnaissance de soi.

L’identité individuelle quant à elle, est liée au pouvoir car elle dépend des moyens de lutte que

l’individu trouve dans son expérience sociale pour imposer et faire respecter sa différence, nous

pouvons alors l’apparenter à des stratégies. Sainsaulieu, (1977) évoque un lien existant entre

les pratiques sociales et la personnalité. Mais, quelle place prend l’aide-soignante au sein de

l’institution ?

Durkheim, aborde l’identité en terme d’identité sociale comme produit de l’éducation. Il l’a

défini comme un « système d’idées, de sentiments, d’habitudes qui expriment en nous, non pas

notre personnalité, mais le groupe ou les groupes différents dont nous faisons partie »

(Jankélévitch, 2003, p.1). L’identité sociale résulte d’une transmission, d’une génération à

l’autre, des « croyances religieuses, pratiques morales, traditions nationales ou

professionnelles, opinions collectives de toute sorte » (Dubar, C. 1992, p.506). En effet,

l’identité soignante se caractérise par un groupe de soignants avec une histoire commune, des

valeurs humaines partagées. Or, l’histoire de la profession aide-soignante n’a-t-elle pas un

impact sur la construction de son identité sociale ?

Bourdieu, (1967), place la notion d’habitus au centre de la construction identitaire des

individus. « Habitus » signifie en latin « manière d’être » (Dollo, Lambert & Parayre 2017,

p.179), « il permet aux individus de construire leurs représentations sociales à partir de

l’éducation, de l’organisation sociale dans laquelle nous grandissons et de l’expérience que

nous en faisons » (Dollo, Lambert & Parayre 2017, p.186). Sous ce terme, il reprend les

perceptions, les appréciations d’actions, les interactions et les stratégies misent en place depuis

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l’enfance. Cet habitus va permettre aux individus l’inscription dans un processus commun avec

des pratiques basées sur une matrice commune car ils appartiennent à la même classe sociale.

En effet, l’aide-soignante reste un être singulier avec ses particularités appartenant à un groupe

social porteur d’un historique de soignants.

Les aides-soignantes construisent leur identité professionnelle autour de l’identité individuelle

et collective, mais comment s’y adaptent-elles ?

3.1.2 L’identité pour soi et pour autrui

Dubar, (2002) reconnait que l’identité professionnelle est « le résultat de relation de pouvoir et

d’appartenance à des groupes ». Il souligne que la construction identitaire dépend de la

reconnaissance que l’individu reçoit de ses savoirs, de ses compétences et de son image » (Fray

& Picouleau, 2010, p.76). Il distingue l’identité pour « soi » et l’identité pour « autrui ».

L’identité pour « soi » s’appuie sur l’histoire de vie et les contextes dans lesquels la personne a

évolué. L’individu fait appel à ce qu’il souhaite être avec ses valeurs personnelles. Puis,

l’identité pour « autrui » reprend la perception de l’individu par son entourage où les valeurs

professionnelles peuvent intervenir. Cependant, il aborde que « l’identité pour soi et l’identité

pour autrui sont à la fois inséparables et liées de façon problématique. » (Dubar, 2009, p. 108).

L’individu, pour se construire, a besoin d’établir une relation avec autrui. « On ne fait pas

l’identité des gens malgré eux et pourtant on ne peut se passer des autres pour se forger sa

propre identité » (Dubar, 2009, p 119). Il met en évidence que cette relation entraine des enjeux

de reconnaissance. Effectivement, il est impossible pour l’individu de percevoir la réaction

d’autrui par rapport à sa propre perception. Chaque être est singulier et les interactions seront

en perpétuel mouvement. Dubar, reprend : « l’identité n’est jamais donnée, elle est toujours

construite et à (re)reconstruire dans une incertitude plus ou moins grande et plus ou moins

durable ». (Dubar, 2009, p. 108).

Comment l’aide-soignante peut-elle mettre en relation ses valeurs personnelles et ses valeurs

professionnelles au sein d’un service de soins ? Comment ce phénomène va-t-il se décliner

autour des différentes interactions ?

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3.1.3 La construction de l’identité professionnelle

Sainsaulieu, en 1985 exprime que l’identité professionnelle repose sur la façon dont les groupes

vont s’identifier les uns aux autres. Elle est « fondée sur des représentations collectives

distinctes, et est le résultat d’une identification à l’autre en fonction de l’investissement de soi

dans les relations sociales » (Fray & Picouleau, 2010, p.76).

Dubar, (2002), précise que « construire une identité professionnelle, c’est continuellement

s’engager dans des négociations complexes avec les autres et avec soi-même pour se faire

reconnaître » (Gonnin & Dubar, 2002, p.132). Il énonce le postulat que la construction

identitaire est en perpétuel mouvement et basée sur les interactions sociales entre les personnes

et entre les groupes. Il évoque également que l’identité professionnelle serait « plurielle, dans

un espace d’activités différent, l’identité du sujet évolue dans le monde professionnel »

(Ledesma, 2014, p.4). Il ajoute qu’elle serait basée sur un socle commun : les valeurs et les

repères professionnels avec une articulation autour de l’identité biographique (formation,

trajectoire, profession, projets de carrière, de vie) et des relations entre les individus. Est-ce une

construction d’identité de soignant ? L’aide-soignante se construit dans un groupe de soignants

avec les mêmes valeurs et la même intention d’être utile aux personnes.

Osty, (2008), qualifie l’identité professionnelle comme une identité de métier. Elle va permettre

à l’individu de combler un besoin d’intégration sociale par le biais d’une reconnaissance de soi.

Cette identité reprend l’usage des pratiques, du vocabulaire et des gestes communs. Cette

identité de métier permet de comprendre les motivations des soignants à choisir ce métier. Or,

cette notion va permettre d’explorer pourquoi l’aide-soignante a besoin de faire valider ses

écrits ? L’histoire de chaque individu a-t-elle un retentissement sur ses pratiques

professionnelles ?

3.1.4 Aide-soignante : choix d’une profession par vocation

Aide-soignante, en nous intéressant à la signification de ces deux mots nous constatons

qu’étymologiquement « aider » vient de « adjutare » qui signifie « aider », « soulager ».

« Soignant » est défini selon Le Larousse comme « une personne qui donne des soins ». Selon

Lahire, ce terme « aider » relate une ambiguïté : « être une aide, c’est passer en second mais

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c’est aussi aider quelqu’un qui n’y arrive pas seul » (Lahire, 1993, p 13). Quel sens donne une

aide-soignante à sa profession ?

Au sens courant le terme « profession » désigne « le métier ou l’emploi occupé par un

individu » (Dollo & Lambert, 2017, p. 295). Dubar, (1998), qualifie la profession comme une

fonction, une compétence reconnue au sein d’une organisation. Selon Osty, « le travail a pour

but premier d’apporter une rémunération » (Fray, Picouleau & Parayre 2010, p.77) mais, ce

phénomène est actuellement en évolution. Aujourd’hui, l’individu à travers l’exercice de sa

profession cherche une reconnaissance : de la société, d’autrui et de lui-même. Hughes, affirme

que « le métier d’un homme est l’une des composantes les plus importantes d’identité sociale,

de son moi et même de son destin dans son unique existence » (Fray, Picouleau, 2010, p.77).

Ainsi, sa personnalité, ses aspirations, ses capacités et ses expériences viennent orienter son

choix. Cependant, en explorant l’historique de la profession aide-soignante nous avons observé

que ce métier a longtemps été exercé par nécessité, par charité ou par vocation. Actuellement,

cette profession est en mouvement. En effet, nous constatons une baisse du nombre de candidats

se présentant aux concours des instituts de formation d’aides-soignantes de près de 30 %

(Béguin, 2018). Est-ce une crise des vocations ?

Dans leur article, Boudesseul et Grelet, précisent que l’individu choisit son métier en fonction

de l’attrait qu’il a à l’égard du contenu de celui-ci. Cependant, ils ajoutent que « le registre des

valeurs semble s’opposer à un registre de l’utilité, lui-même porté par des normes de délai pour

trouver un emploi, de salaire, et de condition permissive pour accéder à un emploi »

(Boudesseul & Grelet, 2010, p.29). Ils exposent dans cet article que :

« cette opposition traverse aussi les origines sociales et les niveaux de diplômes des

parents : les plus diplômés, les cadres et professions intermédiaires trouvent leurs

enfants plutôt du côté de la valorisation de la flexibilité et de l’attrait, alors que les

ouvriers, agriculteurs et artisans voient plutôt les leurs du côté de la sécurité et de

l’installation » (Boudesseul & Grelet, 2010, p.29).

L’origine sociale peut-elle expliquer le choix de ce métier ? Goblot, soutient l’idée que si :

« Une famille s’élève de la classe populaire à la bourgeoisie, elle n’y arrive pas en une

seule génération. Elle y arrive quand elle a réussi à faire donner à ses enfants

l’instruction secondaire et à leur faire passer le baccalauréat. […] Le diplôme ne portera

pas trace, ni des notes, ni des tentatives multiples : la mention elle-même n’y est pas

inscrite. Le diplôme efface à tout jamais les inégalités qu’on a soigneusement constatées

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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pendant tout le cours des classes par des compositions et des prix. Il assimile aux

meilleures études les études faites sans goût, sans travail, sans intelligence et sans profit.

Des différences de mérite personnel que ces études ont manifestées, rien ne doit

subsister quand on sort du lycée pour entrer dans la vie, où seule compte la distinction

des classes. Le baccalauréat est à la fois barrière et niveau » (Boudesseul & Grelet, 2010,

p.1).

Actuellement, selon l’arrêté du 22 octobre 2005 modifié relatif à la formation conduisant au

diplôme d’État d’aide-soignante pour entrer en IFAS, il n’est pas nécessaire de posséder un

diplôme alors que les infirmières doivent être titulaire d’un baccalauréat ou d’une équivalence.

L’obtention du diplôme est-il le reflet de l’origine sociale des aides-soignantes ?

Selon Arborio, A.M., « beaucoup d’aides-soignantes, « produites » par l’école, y voient le signe

d’une réussite scolaire longtemps attendue mais bien réelle » (Arborio, 2012, p.157).

Cependant, elle a pu analyser que l’exercice de cette profession n’est pas toujours un choix.

Elle précise que Pinto, en 1990 évoque que le choix d’un métier peut être associé au « destin

subi » (Arborio, 2012, p.158). Ce choix doit être mis en lien des contraintes diverses (échecs

scolaires, difficultés persistantes d’entrée sur le marché du travail, chômage, bouleversement

de la situation familiale imposant de trouver rapidement un emploi).

Au travers de ces quelques approches nous pouvons observer plusieurs notions. Tout d’abord,

le fait que l’identité professionnelle se construise autour de l’identité individuelle et collective.

Les situations de soins et les interactions entre les membres d’une équipe soignante vont

renforcer ce phénomène d’interdépendance avec une notion d’enjeux de reconnaissance dans

les relations aux groupes de soignants. Ainsi pour construire une identité professionnelle il

apparait le besoin de reconnaissance. De quoi s’agit-il ?

3.2 La reconnaissance d’un métier

3.2.1 Qu’est-ce que la reconnaissance ?

La reconnaissance est définie comme le « processus par lequel un individu est reconnu comme

possédant des compétences et des qualités » (Dollo, Lambert & Parayre 2017, p. 310). Honneth,

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(2013), évoque que la reconnaissance est étroitement liée à la socialisation des individus. « Les

individus ne se constituent en personnes que lorsqu’ils apprennent à s’envisager eux-mêmes, à

partir du point de vue d’un « autrui » approbateur ou encourageant comme des êtres de qualités

et de capacités positives » (Dollo, Lambert & Parayre 2017, p. 310). Selon lui, l’individu prend

en considération de manière volontaire ou non ce que lui renvoient les autres. Aussi, les aides-

soignantes réalisent des activités dans l’intime, dans la relation au corps, les soins d’hygiène et

de confort qui relèvent du quotidien. Ces tâches ne sont pas considérées dans les représentations

sociales comme nobles. Il existe une validation par le jugement des autres.

Selon Honneth, (2000), la relation à autrui s’inscrit autour de trois niveaux de reconnaissance.

Tout d’abord, la reconnaissance affective, marquant les liens affectifs et émotionnels qui

rattachent un individu à une communauté. Ensuite, la reconnaissance sociale permettant à

l’individu de s’insérer dans un tissu de règles, de rituels, de conventions, de droits et de devoirs

afin d’être reconnu comme sujet d’un ensemble social. Et enfin, la reconnaissance du sujet

comme personne unique et singulière. Cet ensemble de reconnaissance suppose écoute et

considération. Cette dernière favorisera l’estime de soi et le sentiment de sa propre valeur en

tant qu’être singulier. En quoi, l’aide-soignante est-elle considérée par l’équipe pluri-

professionnelle et par la société ?

Goffman, (1974) attache de l’importance à la construction de l’estime de soi qu’il évoque sous

la notion de « face ». Pour ce dernier, il s’agit de « la valeur sociale positive qu’une personne

revendique à travers la ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adopté au cours d’un

contact particulier » (Le Goff, 2013, p376). Il s’est concentré sur l’étude des règles de

« circulation » (Le Goff, 2013, p.376) des interactions sociales. Il reprend que l’individu peut

« sauver la face » (Le Goff, 2013, p.376) c’est à dire, adopter une pratique afin d’éviter les

situations embarrassantes, ou mettre en place des échanges réparateurs afin d’établir un

équilibre d’ordre interactionnel.

Ainsi, le besoin de reconnaissance s’appuie sur le jugement des autres. Qu’en est-il pour l’aide-

soignante au quotidien ?

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3.2.2 Un besoin de reconnaissance

ðUn besoin de reconnaissance : une adaptation au travail réel

Au quotidien, les aides-soignantes sont soumises à des situations de soins imprévus, elles ne

peuvent pas toujours anticiper leur charge de travail. Elles font preuve d’adaptabilité. Ainsi,

selon Dejours, (2012) il existe « une irréductibilité de l’écart entre le travail prescrit et le travail

réel » (Dejours, 2012, p.76). Il précise qu’« indépendamment de la précision des consignes et

des prescriptions données par l’organisation du travail, surviennent toujours des

dysfonctionnements, des incidents ou des imprévus » (Dejours, 2012, p.76). L’individu fait

ainsi preuve « d’ingéniosité, d’initiative et d’inventivité » (Dejours, 2012, p.76) pour y faire

face. Ainsi, pour s’adapter au travail réel, les aides-soignantes utilisent par exemple des

« feuilles de route » comme alternative aux transmissions écrites dans le dossier de soins. Elles

ont la volonté de transmettre l’information mais utilise d’autres biais pour le faire. Qu’est ce

qui peut expliquer le manque d’implication des aides-soignantes pour les transmissions écrites

dans les dossiers de soins ?

Selon Dejours, (2012) la détermination du sujet lui permet de s’impliquer dans la tâche et de

s’engager dans un travail de qualité. Il relit cette détermination à l’origine de l’individu. Ainsi,

il soutient que :

« ce qui mobilise les gens dans le travail prend ses racines dans les énigmes laissées par

l’enfance. Ce qu’il y a de plus fragile dans l’individu est également à l’origine du

pouvoir de se mobiliser dans le travail en vue de surmonter, grâce à l’épreuve du travail,

les « ratés » de l’histoire singulière » (Dejours, 2012, p.78).

Nous observons que la construction de l’identité individuelle joue un rôle essentiel dans

l’implication, l’investissement dans leur travail. Pour Dejours, « par l’intermédiaire de la

reconnaissance de la qualité du travail effectué, l’identité singulière peut se voir consolidée. À

l’inverse, quand cette reconnaissance est refusée ou retirée, cela s’accompagne de risques de

déstabilisation de l’identité » (Dejours, 2012, p.76). Ces difficultés creusent-elles l’écart entre

le travail réel et le travail prescrit. Est-ce en lien avec la peur du jugement ?

ðUn besoin de reconnaissance : une crainte du jugement

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Dejours, (2012) s’intéresse à l’adaptation des individus face aux situations déstabilisantes,

toutes ces situations qui ne peuvent pas être anticipées. Selon lui, la reconnaissance s’articule

autour de deux axes, la reconnaissance du travail réel avec l’inclusion des risques et des efforts

déployés pour sa réalisation (il y intègre la partie invisible des efforts qui doivent être produits

pour arriver au résultat voulu). Ensuite, il aborde la reconnaissance consécutive à un jugement

porté sur le travail accompli et ses résultats. Il l’a défini par le « jugement d’utilité » et le

« jugement de beauté » (Gernet & Dejours, 2012, p.13). La reconnaissance du travail est

attendue par les employés comme une « rétribution symbolique » (Gernet & Dejours, 2012,

p.13) de leur investissement. Le jugement d’utilité est formulé par la hiérarchie alors que le

jugement de beauté est formulé par les pairs. Ils jugent si le travail est réalisé dans les « règles

de l’art ». Ceci, va permettre à l’individu qui le reçoit d’appartenir à un collectif de travail. C’est

ainsi que nous verrons apparaître un « truchement portant sur la qualité du travail que

l’invention de nouvelles manières de faire, échappant aux procédures standardisées ou

classiques, peuvent être ainsi intégrées dans le registre des « techniques » admises, voire

institutionnalisées » (Dejours, 2012, p.76). Effectivement, nous pouvons observer parfois que

les aides-soignantes vont utiliser des biais pour obtenir ce jugement qu’il soit d’utilité ou de

beauté sans pour autant appliquer les recommandations en vigueur concernant la rédaction des

transmissions écrites.

Les aides-soignantes sont dans l’attente de reconnaissance à travers le jugement d’autrui

cependant ce jugement est -il influencé par les représentations sociales ?

3.2.3 La place des représentations sociales dans la reconnaissance

Le Lexique de sociologie définit les représentations sociales en s’appuyant sur Moscovici,

comme « des représentations construites dans le cadre des pratiques quotidiennes et partagées

par l’ensemble d’un groupe social au-delà des particularités individuelles ». (Dollo, Lambert &

Parayre, 2017, p. 321). Alors, Abric, (1987), définit la représentation sociale comme « le

produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu où un groupe reconstitue

le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique » (Jovic, 2009, p.236).

Durkheim, en 1898 évoque que la représentation collective impulse une idée de contrainte sur

l’individu : « la représentation impose à l’individu des manières de penser et d’agir, et se

matérialise dans les institutions sociales » (Jouet Le Pors, 2006). Mais, quelle place prend

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l’aide-soignante en tant qu’être singulier ? Moscovici, précise que « les représentations sont des

formes de savoir naïf, destinées à organiser, les conduites et orienter les communications »

(Jouet Le Pors, 2006). Cette notion de communication va permettre aux individus d’interagir

ensemble sur un matériau commun. Mais, cette liberté de communication est-elle freinée par le

collectif ? Existe-t-il un décalage entre les représentations sociales des différentes catégories

professionnelles ? En effet, les médecins, les infirmières et les aides-soignantes travaillent sur

les mêmes patients. Cependant, ils peuvent avoir des représentations divergentes. Ces

divergences de représentations peuvent-elles venir en conflit avec l’attente de reconnaissance ?

De même, les représentations de leurs tâches ont-elles un retentissement sur leur

reconnaissance ?

3.2.4 La reconnaissance et le « sale boulot »

En 1951, Hughes, s’intéresse au travail à l’hôpital. Il se pose alors la question suivante :

« pourquoi telle tâche est accomplie par l’infirmière plutôt que par quelqu’un d’autre, ou par

quelqu’un d’autre plutôt que par l’infirmière ? » Il étudie ainsi les frontières entre les postes et

cette notion de délégation. C’est alors qu’il évoque la notion de sale boulot ou « dirty-work ».

Selon Hughes, les tâches qui relèvent du « dirty work » sont les activités qui se situent « au bas

de l’échelle des valeurs sociales parmi toutes les tâches à accomplir dans un métier donné, qui

sont jugées, fastidieuses voir dégradantes et ne procurent aucun prestige social, exposant ceux

qui les réalisent au mépris des autres ». (Catanas, 2008).

Arborio, (1995) a repris cette notion de « sale-boulot » chez les aides-soignantes. Elle évoque

que cette délégation d’actes est le retentissement de l’évolution des métiers de soins. Mais,

comment l’aide-soignante interprète-t-elle cette délégation, ressent-elle un sentiment de fierté,

voire de valorisation ?

Cette notion de « sale boulot » questionne également sur la position hiérarchique. Peneff,

(1992), précise que « le contact avec ce qui est sale comme indice de la position hiérarchique

de ses différents membres ». (Arborio, 2012, p. 124). Arborio, définit le travail de l’aide-

soignante comme le « sale boulot absolu » (Arborio, 2012, p. 122) car la majorité de ces tâches

sont en lien avec les déchets corporels. Elle précise que ces tâches sont « reconnues comme

dégradantes et laissées aux catégories sociales les plus basses » (Arborio, 2012, p. 122). Ainsi,

certaines catégories professionnelles comme les médecins s’excluent du « dirty work » absolu.

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Effectivement, dans les services l’aide-soignante organise les soins afin que le patient soit

« présentable » et « propre » pour la visite du médecin. Cependant, c’est au cours de ces tâches

dites « dégradantes » que l’aide-soignante instaure une relation de confiance que nous pourrions

qualifier d’intime. C’est elle qui passe le plus de temps auprès du malade. Cette relation

privilégiée lui donne-t-elle du prestige ?

En conséquence, la reconnaissance est donc basée sur les rapports humains faisant appel aux

valeurs professionnelles et humaines que possède chaque personne. Elle est singulière et fondée

sur la contribution des travailleurs au quotidien. Elle peut être formelle ou informelle,

individuelle ou collective. De plus, la reconnaissance peut avoir une valeur importante et

intervient dans le processus de construction identitaire et donner du sens à leur travail. Elle peut

être traduite par la valorisation afin de les identifier comme être unique au sein d’un groupe,

des interactions et d’une institution en mouvement permanent.

Comment se traduit la reconnaissance et l’identité professionnelle au travers des écrits ? Que

va-t-il en découler ? Pour cela, il convient d’interroger le concept d’écriture.

3.3 L’écriture

3.3.1 L’écriture et ses significations

Goody, (2010) évoque que « l’écriture permet une construction plus rationnelle de l’expression

de la pensée. Elle rend possible le développement des mathématiques et de la logique ainsi que

la structuration de la langue par la formalisation de la grammaire, de la syntaxe » (Honet, 2010).

Elle permet aux individus de mettre des pensées en perspectives et de réfléchir au sens qu’ils

donnent à leurs actions. Effectivement, l’aide-soignante pourrait en écrivant s’inscrire dans une

attitude réflexive et ainsi valoriser ses actions. Jean Pierre Jaffre, l’a défini comme :

« l’ensemble des activités humaines qui impliquent l’usage de l’écriture, en réception

et en production. Elle met un ensemble de compétences de base, linguistiques et

graphiques, au service de pratiques, qu’elles soient techniques, cognitives, sociales ou

culturelles. Son contexte fonctionnel peut varier d’un pays à l’autre, d’une culture à

l’autre, et aussi dans le temps » (Honet, 2010).

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Il met ainsi en évidence que l’évolution des différents supports d’écritures peuvent influencer

les interactions. Comment le cadre de santé a-t-il impliqué l’aide-soignante dans les

changements impulsés par la loi du 4 mars 2002 ?

Gosjean et Lacoste, (1997), évoquent que « la complexité de l’action dans les organisations

donne au traitement de l’information un caractère stratégique. L’écrit se généralise, devient le

support de l’action et apporte une protection juridique » (Sicot, Mercardier & Lacoste, 2014,

p.149). Elles ajoutent que « l’écrit bénéficie dans notre culture d’une aura de sérieux et de

crédibilité » (Sicot, Mercardier & Lacoste, 2014, p.151). Or, les aides-soignantes ont elles

conscience de la portée juridique des écrits ?

L’écriture n’est pas qu’un alignement de symboles mais un mode de communication. Elle

permet de mettre des mots sur les actions mais également sur les processus de réflexivité.

L’individu écrit avec ce qu’il est et en fonction de ses rapports aux autres. Même si elles relatent

des faits, les aides-soignantes écriront avec leur personnalité et leurs affects.

Jack Goody (2010) représente le soignant comme être unique possédant des difficultés ou des

facilités à l’égard de l’écriture. Il appuie ses propos par la mise en danger que peut ressentir les

protagonistes : le danger d’être lu et la peur de dévoiler son intimité. En effet, les aides-

soignantes réalisent des soins avec leurs émotions mais, est-il aisé de les retranscrire sans se

dévoiler ?

Nous constatons que l’écriture est le reflet de la singularité des individus. Comment les aides-

soignantes se sont-elles inscrites dans l’apprentissage de l’écriture ?

3.3.2 L’entrée dans le monde de l’écrit

Anis, (1993), évoque la notion de « naturalité » de la langue parlée et « d’artificialité » de la

langue écrite. Il reprend que la langue orale s’apprend spontanément au sein de la cellule sociale

alors que la maitrise de l’écriture vient que plus tardivement avec l’entrée à l’école au sein

d’une institution. Par ce constat, pouvons-nous questionner l’origine sociale des aides-

soignantes ? Celle-ci influence-t-elle les apprentissages ?

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Bernardin, affirme que dès lors de leur apprentissage certains élèves jugent qu’il n’est pas aisé

d’écrire car « il faut veiller à ce que les phrases soient correctes, choisir un vocabulaire précis,

être explicite et rester soucieux des marques orthographiques et de ponctuation, car elles

peuvent être sources d’ambiguïté » (Anis, 1993, p.33) Alors que pour d’autres, c’est une

pratique sans finalité particulière mais qui doit répondre aux exigences scolaires, ils l’associent

à l’inné, ce qui pourrait expliquer que parfois les efforts apparaissent inutiles. Cependant,

l’écriture permet un autre « rapport au temps et à l’espace, elle est un outil privilégié de la

réflexivité. Écrire permet d’extérioriser, de poser devant soi. Ce qui facilite la prise de distance,

aide à ressaisir le vécu, à y voir plus clair » (Anis, 1993, p.34).

Vygotski, précise que « bien des indices montrent qu’ils restent dans l’ordre de l’oral (pour les

enseignants, « ils écrivent comme ils parlent »), sans conscience du fait que « la structure du

langage n’est pas le simple reflet, comme dans un miroir, de celle de la pensée », que le langage

« ne sert pas d’expression à une pensée toute prête » (Anis, 1993, p.35). Ces propos pourraient-

ils expliquer pourquoi les aides-soignantes restent dans l’oralité ? Est-ce que la retranscription

en utilisant du vocabulaire professionnel n’est pas un frein ?

À travers les recherches théoriques et l’approche des concepts d’identité, de reconnaissance et

d’écriture nous visualisons davantage en quoi, le rapport à l’écriture des aides-soignantes

peut avoir un impact sur la qualité et la sécurité des soins ?

Ainsi, l’objectif de notre troisième partie est de conforter notre réflexion à une enquête de

terrain.

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TROISIÉME PARTIE Cette troisième partie est consacrée dans un premier temps à la présentation de la méthodologie

d’enquête de terrain. Puis, dans un second temps à l’analyse des résultats récoltés pour

appréhender enfin une discussion dont l’objectif est de confirmer ou d’infirmer les hypothèses.

4 MÉTHODOLOGIE D’UN D’APPRENTI CHERCHEUR

4.1 De la vision théorique à la vision empirique

4.1.1 L’enquête de terrain

La technique d’observation choisie est l’entretien semi directif. Cette méthode nous semble

pertinente dans cette étude pour « analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux

événements dont ils on pu être témoins actifs : lorsque l’on veut mettre en évidence les systèmes

de valeurs et les repères normatifs actifs : lorsque l’on veut mettre en évidence les systémes de

valeurs et les repères normatifs à partir desquels ils s’orientent et se déterminent » (Blanchet et

Gotman, 2015 p.24). La perspective est de recueillir les perceptions, les représentations en

favorisant « la production d’un discours sur un thème donné au moyen de stratégies d’écoute et

d’intervention » (Blanchet, Gotman, 2015, p.27).

Nous souhaitons mener nos entretiens auprès d’aides-soignantes pratiquant les transmissions

ciblées en unité de soins.

4.1.2 Le cadre des enquêtes

Nous faisons le choix d’enquêter dans un service de médecine ou de soins de suite et de

réadaptation (SSR) auprès de neuf aides-soignantes volontaires afin de recueillir des

informations qualitatives. Nous avons demandé à rencontrer des professionnelles récemment et

anciennement diplômées ayant des niveaux scolaires différents. Il nous semble approprié de les

réaliser dans un centre hospitalier qui ne dépend pas de notre établissement d’origine afin de ne

pas être influencée par la connaissance du terrain et des professionnels.

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Ainsi, nous tenons compte de l’offre de soins de l’établissement car nous ciblons notre étude

au sein d’un service de médecine ou de soins de suite et de réadaptation (SSR) afin de rester

centrée sur l’objet de recherche et d’être en corrélation avec notre constat de départ. Cependant,

avant de demander les autorisations il a semblé pertinent d’identifier si cet établissement utilise

les transmissions ciblées. Le choix s’est porté sur un centre hospitalier public tri-site.

Nous avons adressé au préalable une demande par courriel à la directrice des soins afin de

réaliser neuf entretiens semi-directifs. Cette demande est accompagnée de notre guide

d’entretien. Rapidement, nous avons obtenu l’autorisation pour mener l’enquête exploratoire et

avons convenu la réalisation de ces neuf entretiens. La cadre de pôle et les deux cadres de santé

concernés ont organisé les rendez-vous de la façon suivante : sept entretiens sont prévus en

service de médecine polyvalente qui utilise les transmissions ciblées à l’aide de l’outil

informatique (logiciel « Sillage ») et deux entretiens en service de SSR qui utilise l’outil

informatique mais qui ne bénéficie pas du logiciel permettant d’effectuer des transmissions

ciblées. Ainsi, ce service de SSR n’a pas à disposition de diagramme de soins. De prime abord,

nous n’avons pas émis ce souhait mais à postériori, cette condition peut permettre d’enrichir

l’analyse.

ðÉchantillon des personnes entretenues :

Service Prénom Age Diplôme AS

Ancienneté dans le service

Profession du père

Profession de la mère Niveau scolaire

Médecine Julie 24 2017 1 semaine Ouvrier Aide-ménagère BAC ST2S

Médecine Christelle 32 2012 5 ans ½ Agriculteur Agricultrice BAC pro vente

Médecine Véronique 49 2006 15 ans Agriculteur Femme de ménage BEP CSS

Médecine Florence 32 2016 3 ans Ouvrier Mère au foyer BEP CSS

Médecine Elodie 28 2018 9 mois N’a pas

connu son père

Ouvrière BEP CSS

Médecine Delphine 42 2014 4 ans Cadre supérieur

Sans profession

BAC action communication

commerciale Médecine Sylvia 64 2005 12 ans Restaurateur Restauratrice BEP CSS

SSR Eléonore 58 1999 7 ans Militaire IDE BAC + 2 années à l’université

SSR Sandrine 44 2012 7 ans Maitre-chien Secrétaire BEP CSS

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4.1.3 Le contexte des entretiens

En ce qui concerne le service de médecine, la cadre de santé a présélectionné les aides-

soignantes à interviewer. Elle a déterminé les jours, les horaires des entretiens et a réservé une

salle au sein du service. Étant donné qu’elle a organisé les entretiens, elle a prédéfini le temps.

Ainsi, nous disposons d’une durée de 45 minutes par entretien.

En ce qui concerne le service de SSR, la cadre de santé a également proposé en amont la

participation à notre enquête, à deux aides-soignantes. Toutefois, nous sommes allée au

préalable dans le service nous présenter, recueillir leur accord et fixer un rendez-vous.

Les entretiens se sont déroulés dans un environnement calme et sans interruption. En préambule

de chaque entretien, nous rappelons son déroulement, la durée approximative et les règles de

confidentialité afin de recueillir le consentement des professionnelles enquêtées. Les entretiens

sont enregistrés à l’aide d’un outil d’enregistrement après accord des personnes interviewées.

Les aides-soignantes n’ont pas eu connaissance de la trame d’entretien. Ceux-ci se sont déroulés

dans un climat de confiance, ce qui a permis aux aides-soignantes d’aborder plus librement les

questions personnelles. Ils ont duré entre 25 minutes et 60 minutes. A l’issue des entretiens, les

interviewées ont verbalisé la satisfaction de l’intérêt porté à leur catégorie professionnelle.

4.1.4 Les limites et les biais de l’enquête

Tout d’abord, notre inexpérience quant à la conduite d’entretien semi-directif, nous a invité au

fait de rester vigilant à ne pas influencer notre interlocuteur. Ainsi, notre discours s’est montré

moins spontané.

Puis, en ce qui concerne le guide d’entretien, nous avons dû reformuler, à l’oral, les questions

incomprises. Parfois des questions n’ont pas pu être posées car elles étaient anticipées par

certaines réponses. Il nous a été parfois nécessaire de recentrer la discussion sur le thème. De

plus, à de nombreuses reprises nous avons reformulé, demandé d’expliciter ou de définir les

termes employés pour s’assurer d’une bonne compréhension.

Appréhendons maintenant les résultats de l’enquête de terrain.

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5 RÉSULTATS ET ANALYSE DES ENTRETIENS

Nous allons ici présenter une analyse thématique de l’enquête de terrain. Elle s’appuiera sur les

éléments recueillis lors des différents entretiens. L’objectif de cette analyse est d’apporter en

complément de nos recherches théoriques et conceptuelles des éléments de réponses venant du

terrain afin de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses.

5.1 Thème 1 : du parcours des aides-soignantes à l’écriture professionnelle L’écriture professionnelle est au quotidien un vecteur d’information. Cependant, ce vecteur

semble altéré par des difficultés que peuvent rencontrer les aides-soignantes pour la rédaction

des transmissions écrites. Ainsi, nous allons examiner les causes potentielles ? Nous aborderons

cette thématique sous plusieurs angles : de la trajectoire de vie au choix professionnel mais

aussi, du parcours scolaire aux transmissions écrites. Puis, nous nous attarderons sur l’influence

de l’origine sociale sur le parcours scolaire des aides-soignantes. Et si finalement ce n’était que

la connotation juridique et la lecture des transmissions qui influencent le passage à l’écrit.

5.1.1 D’une trajectoire de vie au choix professionnel

Selon Arborio, (2012), l’exercice de cette profession « n’est parfois qu’un prolongement de leur

scolarité ou bien, à d’autres moments du cycle de vie, une opportunité pour se reconvertir,

offerte à celles qui sont en peine sur le marché du travail. » (Arborio, 2012, p.154). Nous

observons par le biais de notre échantillon que sept aides-soignantes sur neuf sont issues d’une

reconversion. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Tout d’abord, deux d’entre elles

relèvent un défaut d’orientation. Elles l’associent également à leur secteur d’origine : « je n’ai

jamais été trop dirigée, moi je viens du collège du Neubourg, c’est un peu paumé » (Christelle).

Pour les autres nous remarquons qu’il s’agit de réparer un évènement vécu. En nous intéressant

à leur histoire biographique respective nous constatons que l’origine du choix de ce métier fait

soit suite à une trajectoire professionnelle chaotique, ou soit en lien avec une histoire de vie

difficile.

« J’ai fait des petits boulots intérimaires droite gauche. Je me suis cherchée parce que

en fait je me suis rendue compte que ce n’était pas ce que je voulais faire. Ensuite je me

suis occupée de mes parents, de ma sœur qui était malade voilà ce qui m’a pris du temps

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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dans ma vie. Et puis un jour j’ai eu une révélation, je ne sais plus comment, que je

voulais faire aide-soignante » (Véronique)

Et après bon (bah) mes parents à un moment donné de ma vie mon père est tombé

malade (…) après ça été ma mère qui était en réa et là franchement je me suis dit je vais

un peu reprendre l’école et puis j’ai travaillé auprès des gens. » (Sylvia)

Par ces témoignages nous observons que la reconversion professionnelle pour le métier d’aide-

soignante peut se faire tardivement dans une carrière. Pour cela, nous allons reprendre leur point

de vue quant à leur reconversion respective et ainsi apprécier la construction de leur identité

individuelle. Ainsi, dans les différents entretiens, à plusieurs reprises les aides-soignantes

associent leur reconversion à un « échec », l’emploi de ce mot revient régulièrement. Cet échec

est assimilé à un parcours scolaire vécu comme difficile. Julie évoque « c’est comment que ça

s’appelle, un bac ST2S à l’époque. Bon sauf que je n’avais pas le niveau ». Delphine reprend

« je suis partie à la fac faire une année de langues étrangères appliquées, c’était difficile

aussi ». Certaines auraient préféré devenir infirmière diplômée d’État (IDE) mais n’ont pas pu

faire cette formation pour de multiples raisons. Julie précise « j’ai essayé enfin j’ai passé mes

concours d’infirmière que je n’ai pas eu et du coup ». Le discours d’Éléonore reprend des

termes similaires : « du coup j’ai passé quand même les deux concours, j’ai fait le concours

IDE et j’ai fait celui d’AS mais j’ai pas eu le concours IDE ». Pour Delphine « c’est vrai qu’au

départ ce n’est pas ce que, ce n’est pas mon parcours scolaire, c’est par la suite que j’ai appris

le métier, j’ai su l’apprécier. » Ce n’est que dans un deuxième temps, lorsqu’elles évoquent

l’obtention de leur diplôme d’État d’aide-soignante qu’elles parlent de réussite et

d’aboutissement. Pour certaines, elles expriment revenir à leur choix d’orientation

professionnel initial qu’elles n’avaient pas pu faire aboutir à la sortie du système scolaire et

pour d’autres, elles relatent la réussite d’un diplôme malgré leurs échecs au concours IDE. Dans

notre échantillon, il apparait qu’elles ont des parcours scolaires et professionnels différents

pourtant elles exercent le même métier, le métier d’aide-soignante. Ainsi pour comprendre cette

hétérogénéité nous allons nous intéresser à leurs motivations afin de comprendre si des

similarités les animent.

À notre question sur l’appréciation quant à l’exercice de leur métier, elles mettent toutes en

évidence sans exception des mots comme « communiquer avec le patient », « le contact avec

le patient », « la proximité du patient » et « le relationnel avec le patient ». Elles évoquent une

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place privilégiée auprès du patient par rapport aux infirmières et aux médecins : « les patients

se confient beaucoup plus à nous qu’à l’infirmière ou qu’à un médecin » (Christelle), « cette

relation que les médecins n’ont pas, que les IDE n’ont pas donc c’est ça que j’apprécie

beaucoup » (Delphine). Elles insistent sur cette relation, principalement « verbale » qu’elles

ont avec le patient, toute la partie activité en lien avec les soins de confort et d’hygiène

n’apparait pas. Mais, en même temps, comme évoqué précédemment les aides-soignantes ont

exprimé ne pas tracer les soins relationnels. Leur parcours scolaire peut-il expliquer le fait de

privilégier la communication verbale ?

5.1.2 Du parcours scolaire aux transmissions écrites

L’objectif de cet item, est d’apprécier si leur parcours scolaire peut avoir un retentissement sur

les écrits professionnels. Ainsi, selon Jorro, (2012) les pratiques d’écritures de l’adulte

proviennent des acquisitions ou des lacunes, des enseignements scolaires et/ou supérieurs. Mais

qu’en est-il de l’échantillon ? Quatre aides-soignantes verbalisent ne pas rencontrer de difficulté

en orthographe et en syntaxe, trois d’entre elles possèdent un baccalauréat issu de filière

générale ou technologique. La quatrième n’a pas de baccalauréat mais une autre variable vient

s’associer, l’âge avec l’obtention du certificat d’études. D’ailleurs, Sylvia relève « je fais partie

d’une génération où l’orthographe était importante pour avoir son certificat d’études ». Mais,

nous ne pouvons pas nous arrêter à ces variables, trois aides-soignantes évoquent des

traumatismes en lien avec leurs scolarités. Elles relatent qu’aujourd’hui encore, quand elles

écrivent elles y pensent : « moi je me rappelle à l’école c’était surtout sur le temps, la

conjugaison (…) le professeur m’a beaucoup réprimandée (…) ça m’a marqué ». (Delphine),

« quand on va passer un examen il y a toujours le français et le français (bah) c’est bien mais

si tu fais des fautes d’orthographes (bah) tu perds des points et des points ». (Elodie)

Un sentiment de dévalorisation persiste de par leur parcours scolaire et la possession ou non du

baccalauréat. Ainsi, Sandrine révèle « moi j’ai un simple apprentissage et je vois la différence

avec une personne qui a son bac ». Ce groupe semble souffrir des représentations et du regard

que portent les autres soignants sur leurs difficultés orthographiques. Spontanément elles font

le lien avec leur parcours scolaire. Afin de comprendre ces éléments, nous allons nous intéresser

à l’origine sociale de cet échantillon.

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5.1.3 Les origines sociales influencent-elles le parcours scolaire ?

En nous intéressant à l’origine sociale de ces aides-soignantes, nous constatons que sur cet

échantillon plusieurs variables sont à prendre en considération. Tout d’abord la profession des

parents, les deux aides-soignantes ayant suivi un enseignement supérieur sont issues de familles

dont l’un des deux parents occupe un poste à responsabilité. Il est à noter que ces deux aides-

soignantes exercent cette profession suite à un arrêt précoce de leurs études en lien avec des

grossesses. Cette décision résulte du choix de leur conjoint. « Mon époux me disait si on peut

lui donner un petit frère. Je me disais si je me lance dans les études d’infirmière, ça va être

long. Donc j’ai suivi son avis » (Éléonore). Quant aux autres aides-soignantes, elles sont issues

de parents ouvriers ou employés, elles se sont arrêtées à un diplôme de niveau V. Elles

l’expliquent par des parcours de vie chaotique, des mauvais choix d’orientation, l’influence de

leur conjoint, un besoin de travailler pour s’assumer financièrement ou un accès aux écoles

difficiles en lien avec le manque d’accessibilité (ruralité). Ainsi, Florence témoigne « moi j’ai

arrêté car mes parents ne pouvaient plus payer l’école, et j’en avais marre. L’école d’aide-

soignante j’ai attendu d’avoir un financement ».

Ainsi, nous constatons que la poursuite de la scolarité, le choix du métier est influencé par leur

origine sociale. Alors que selon Hughes, (1951), l’individu choisit son métier en fonction de sa

personnalité, de ses aspirations, de ses capacités et de ses expériences. Or, notre échantillon

montre que les choix des aides-soignantes quant à leur parcours scolaire ont été influencés par

leur origine sociale. Toutefois, malgré ces difficultés, les aides-soignantes doivent œuvrer pour

assurer la qualité et la sécurité des soins. Comment l’investissent-elles au quotidien ?

5.1.4 Une connotation juridique

Nous souhaitons maintenant comprendre ce que l’écrit représente pour l’échantillon. Ainsi,

selon Jorro, (2002) le passage à l’écriture est défini comme « le moment précis de la dynamique

de production des textes où le scripteur est face à une feuille blanche qu’il a pour projet de

couvrir. Il suppose un engagement de l’auteur, une mobilisation de toute sa personne. »

(Strauss-Raffy, 2012, p.15). Lors de nos entretiens, l’ensemble des aides-soignantes expriment

rencontrer des difficultés lors du passage à l’écrit. De prime abord nous sommes tentée de

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l’associer à des difficultés orthographiques. Et si la préoccupation des aides-soignantes n’était

qu’une question de compréhension ?

Au regard des entretiens nous remarquons qu’elles sont soucieuses du sens qu’elles donnent à

leurs écrits : « je fais très attention, oui, et c’est important que les gens puissent comprendre du

premier coup ce que je veux expliquer » (Véronique), « qu’elle ait compris en fait ce que je

voulais dire » (Florence). Elles attendent par la compréhension de leurs écrits une forme de

reconnaissance, elles craignent le « jugement de beauté » (Gernet & Dejours, 2012, p.13) que

pourraient porter leurs pairs dans le cas inverse. Nous identifions également un autre

phénomène, elles rencontrent des difficultés pour se détacher de l’action et s’inscrire dans un

processus de réflexivité : « C’est compliqué avec nos propres mots par rapport à la situation

du patient » (Florence), « c’est compliqué en fait de ne pas extrapoler, de ne pas oublier des

choses, c’est vrai que des fois pour nous ça a un sens » (Christelle).

Mais, ce qui leur semble complexe c’est d’écrire avec leur identité, leurs particularités tout en

respectant des consignes d’écriture professionnelle tout en donnant du sens à leurs écrits. Aussi,

Sylvia précise « des fois il s’est passé quelque chose avec un patient il faut savoir tourner une

phrase sans bah en restant dans la ligne ». Ainsi, le respect des règles de traçabilité impose une

autre dimension à l’écriture. Dorénavant, depuis la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des

malades et à la qualité du système de santé, le patient a la possibilité de visualiser son dossier

de soins. Cette loi semble avoir un retentissement sur les transmissions écrites. Ainsi, Elodie

précise faire très attention à la tournure de ses phrases car « voilà on sait que ça va être répété

à la famille ». Aux yeux des aides-soignantes les écrits ont une connotation juridique. Lors des

entretiens, nous identifions qu’elles appréhendent cette lecture car en parallèle, pour se

dédouaner des oublis, elles relatent un manque de temps pour réaliser leurs transmissions écrites

en lien avec une charge de travail croissante. Elles ont toutes mis en avant cette problématique

pour justifier un écart entre le travail prescrit et le travail réel.

Est-ce que des difficultés orthographiques et de syntaxe peuvent également expliquer cet écart ?

La maitrise de l’orthographe et de la syntaxe n’est pas une difficulté pour toutes les aides-

soignantes. Quatre d’entre elles sur neuf verbalisent rencontrer des lacunes en orthographe.

Ainsi Sandrine relate « je fais beaucoup de fautes », Elodie évoque des propos similaires « moi

je fais beaucoup de fautes ». Mais pour pallier cette problématique, elles précisent demander

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de l’aide à leur collègue dès qu’elles ont besoin ou utiliser d’autres stratégies comme de regarder

sur internet l’orthographe du mot. Ainsi, ce phénomène entraine un lien de dépendance vis à

vis de leurs collègues. Dans ces deux services, les aides-soignantes en difficulté avec

l’orthographe expriment avoir peur du jugement car le dossier est accessible à tous. Trois aides-

soignantes dont deux qui verbalisent être à l’aise avec l’orthographe citent des exemples où

elles ont repéré des fautes d’orthographes ou entendu des remarques formulées aux personnes

en difficulté : « Moi j’en ai vu plein et ce n’est pas pour autant (euh) après j’ai vu beaucoup de

personnes se braquer à ce niveau-là » (Julie), « souvent je vois les fautes même avec les

collègues et tout, je corrige un tout petit peu ou je fais une proposition » (Eléonore). Lors des

entretiens, nous constatons que certaines aides-soignantes expriment des souffrances, le

discours d’Elodie en témoigne « c’est qu’il y en a on va dire, on va faire une faute, il y a des

moqueries ». Face à cela, elles adoptent plusieurs stratégies, l’absence de transmissions écrites,

du reporting dans le diagramme de soins, ou elles demandent à d’autres soignants. Ainsi,

Florence révèle sa stratégie « j’ai peur d’être jugée, c’est pour ça que quand je fais mes

transmissions il y a ma collègue à côté, je lis ma phrase en fait et elle me dit (bah) non marque

plutôt ça. Enfin je fais mine d’échanger. » Elles expriment craindre le regard des autres sur

leurs écrits mais savent-elles qui lit ces transmissions ?

5.1.5 La lecture des transmissions écrites

En service de médecine, cinq aides-soignantes sur sept associent en première intention la lecture

des transmissions écrites au médecin :

« Je ne sais pas parce que moi je ne pense pas que les médecins les lisent. J’ai posé la

question au médecin il m’a dit je n’ai pas que ça à faire, j’ai déjà les transmissions

infirmières, j’ai pas de temps à perdre en plus à lire les vôtres. » (Véronique),

« Je sais très bien que les ¾ des trucs ce n’est pas lu on le voyait déjà avec nos

transmissions écrites quand on avait l’ancien logiciel. On disait bah on là mis dans nos

transmissions ça fait 3 jours. Ce n’était pas lu. » (Sylvia),

« S’ils les lisent je ne peux pas vous dire mais en tous les cas tout le monde à accès. »

(Delphine).

Ces éléments montrent la souffrance par rapport au manque de reconnaissance. En effet, le

processus de reconnaissance des aides-soignantes est ébranlé par deux facteurs. Tout d’abord,

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elles ont le sentiment que les médecins n’accordent pas d’intérêt pour leur travail car ils ne

prennent pas en compte leurs remarques pour les prises en soin des patients. Ensuite, nous

pouvons aussi constater que ce phénomène est aussi accentué par le manque d’interaction entre

les médecins et les aides-soignantes. Nous observons que ces deux catégories professionnelles

travaillent autour des mêmes patients mais ils se rencontrent peu pour échanger. Néanmoins, le

manque de reconnaissance de la part des médecins entraine un sentiment de frustration chez les

aides-soignantes : « dans les transmissions c’est marqué mais il n’a pas été le lire. Ils ne m‘ont

pas lu. Voilà c’est tout ça des fois c’est frustrant on n’est pas entendue et c’est frustrant. Nous

aide-soignant voilà ». Selon Arborio, (1995), « le partage d’un même matériau, dans un même

espace, avec des personnels dotés d’un fort prestige, d’une part offre la possibilité de se glorifier

de ce contact (…) avec le sommet de la hiérarchie » (Arborio, 2012). La déclaration d’Eléonore

en service de SSR où le personnel échange beaucoup avec les médecins illustre ce besoin de

reconnaissance par les médecins.

« Tout à fait elle nous félicite, là à peine ce matin on a eu les félicitations elle nous a

dit : je suis contente on a telle patiente elle avait 9 en protéinurie là elle est arrivée à

23. (…) Mais ça c’est vraiment un succès quoi tout le monde on est content d’avoir fait

ça et le médecin était content de nous parce que le médecin il prescrit, derrière il faut

que ça suive ».

Nous relevons que les aides-soignantes attendent la reconnaissance de l’équipe médicale. Dans

ces deux services la reconnaissance venant de la cadre de santé et des infirmières passe en

second plan. Cela, peut avoir un retentissement sur le manque d’intérêt pour les transmissions

écrites puisqu’elles attendent de la reconnaissance du médecin alors qu’il ne lit pas les écrits

des aides-soignantes.

5.2 Thème 2 : du travail de l’aide-soignante au « sale boulot » Dans ce thème nous appréhendons la place qu’occupe l’aide-soignante au sein de l’équipe afin

d’identifier les enjeux de reconnaissance entre les aides-soignantes et l’équipe pluri

professionnelle dans le but de définir sur quel phénomène social repose la délégation des tâches.

Ainsi nous allons examiner le travail de collaboration au sein de ces deux services afin de

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comprendre comment la répartition des tâches s’effectue. Sur quels critères s’appuient cette

délégation de tâches ?

5.2.1 Aide-soignante : une profession dans la collaboration

L’objectif est ici de comprendre comment cet échantillon investit l’équipe mais aussi

d’identifier si des facteurs influencent la répartition des tâches. Avant de débuter l’étude de cet

item définissons ce qu’est une équipe. Selon Cauvin, (1997), « une équipe est le lieu où se

développent les solidarités, où se renforcent les actions de chacun par le jeu des échanges, où

s’unifie l’activité, où se crée un esprit commun. » (Formarier, 2009, p.169). Dans le cas des

aides-soignantes, elles travaillent autour du patient et occupent une place intermédiaire au sein

d’une équipe. Comment se situe notre échantillon ?

En première intention, les aides-soignantes vivent l’équipe à travers les relations qu’elles

entretiennent avec les IDE. Elles évoquent : « on est très fusionnelles avec les filles », « bonnes

relations avec l’équipe », « tout va bien avec l’équipe », « les IDE on travaille ensemble ».

Elles défendent, ici, leur appartenance à ce groupe qui est le personnel paramédical. Est-ce une

conséquence de leur passé historique ?

En effet, en 1922, Léonie Chaptal a milité pour l’identité professionnelle infirmière et

l’autonomie vis à vis du corps médical sachant qu’à cette époque la séparation AS / IDE n’avait

pas encore eu lieu. Est-ce à ce moment qu’il s’est créé deux groupes ? En ce qui concerne notre

échantillon, ces deux groupes apparaissent. D’un côté l’équipe paramédicale et de l’autre

l’équipe médicale avec des statuts sociaux, des rôles et des attentes vis-à-vis des uns et des

autres différents. Leurs témoignages reflètent une opposition à cette équipe médicale : « non

les médecins, ils sont à part », « tout va bien avec l’équipe mais par contre c’est juste les

médecins, c’est compliqué ». Également, dans le service de SSR, où les deux aides-soignantes

verbalisent avoir de bonnes relations avec les médecins, nous identifions également ces deux

groupes. Ainsi, Sandrine relate « bon les médecins c’est les médecins mais ils sont sympas avec

nous, ils ne font pas de discrimination ». Par l’appartenance au groupe paramédical les aides-

soignantes défendent leur identité collective. Toutefois, à l’intérieur de ces groupes, chaque

individu en tant qu’être unique à ses particularités et son identité individuelle. Dans leurs

interactions, cette identité individuelle vient se confronter à leur identité collective avec parfois

l’émergence de différences et de conflits. Dans notre échantillon, elles expriment le besoin de

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préserver cette identité collective en favorisant le dialogue pour désamorcer leurs désaccords

sur leurs pratiques professionnelles : « quand j’ai un truc, j’en parle », « il faut juste se dire les

choses ».

Toutefois, en ce qui concerne leur place au sein de l’équipe nous avons remarqué, au cours des

différents entretiens, que seulement deux aides-soignantes évoquent les agents de service

hospitalier (ASH) en tant que membres du collectif. La majorité des aides-soignantes

interviewées, se rattachent à la catégorie socio professionnelle des soignants, mais plus

rarement, avec les ASH. Cette catégorie professionnelle est davantage en contact avec les

activités ménagères qu’avec le patient. Pourtant, les aides-soignantes et les agents de service

hospitalier peuvent avoir des tâches communes ou similaires. Dans les représentations les ASH

sont associés aux tâches ménagères. En n’évoquant pas cette catégorie professionnelle, les

aides-soignantes fuient consciemment ou inconsciemment cette association et ce

rapprochement avec les tâches ménagères. Florence évoque « sinon moi tout va bien avec

l’équipe même avec les ASH mais elles sont à part, elles font l’entretien (euh) c’est tout on ne

travaille pas beaucoup ensemble. » Dans notre échantillon, nous observons une identification

aux tâches relevant du champ des soins infirmiers et un détachement des activités jugées

fastidieuses ou dégradantes comme les tâches ménagères relevant de l’entretien des locaux.

Ainsi, nous avons observé que les aides-soignantes occupent une place intermédiaire dans

l’équipe pluri professionnelle. Interrogeons la répartition des tâches au sein de ces services et

leur articulation ?

5.2.2 De la répartition de tâches à « l’invisibilité » du travail

Nous souhaitons ici appréhender la répartition des tâches afin d’identifier si des éléments

organisationnels ou si leur rapport au travail influence la délégation des tâches. Ainsi, selon

l’ensemble des aides-soignantes, leurs tâches se résument à quelques activités : « faire les

températures », « faire les toilettes », « on répond aux sonnettes », « on sert et dessert les

repas ». Excepté la prise de température, elles apparentent leurs tâches au travail domestique en

lien avec la saleté. Par l’évocation de la toilette nous avons ce corps sale, par la sonnette nous

avons la mise aux toilettes avec l’évacuation des excrétas par le retrait des plateaux repas nous

avons l’évacuation des déchets. En parallèle, elles associent le travail de l’infirmière à la

réalisation de pansements et à la distribution de médicaments. Nous pensons ici à Catanas, qui

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cite Péneff (1992): « le contact avec la saleté est un critère essentiel pour évaluer la position

hiérarchique et les différences de statut » (Catanas, 2008, p.190). Mais aussi à Lhuillier, (2010)

pour qui :

« La division morale du travail à l’hôpital offre un autre exemple de la construction

psychosociale de l’invisibilité du travail. Elle est ordonnée autour d’une répartition

clivant les activités au service de la vie (activités thérapeutiques, celles des médecins et

des infirmières) et les activités au service de l’épuration des traces de la mort (aides-

soignantes et agent des services hospitaliers » (Bourret, 2010, p.37)

De plus, dans les deux services étudiés, les organisations imposent un clivage entre la profession

infirmière et la profession aide-soignante reposant sur l’histoire du service. Les organisations

se transmettent de soignant en soignant au fur à mesure des arrivés des nouveaux agents. En

effet, sur neuf aides-soignantes seulement deux précisent avoir eu connaissance d’une fiche de

poste mais, elles ajoutent ne pas savoir où cette fiche se trouve actuellement. Julie relate « bah

c’est mes collègues qui m’ont transmis ce que je devais faire et à quel moment je devais le

faire ». Au sein des deux services, nous constatons que ce clivage est présent mais pas inter

professionnel. Ainsi, le binôme aide-soignante infirmière ne se met en place que si l’infirmière

à besoin, c’est à sa demande : « si elle a besoin pour un pansement on va avec elle en chambre.

On fait les soins ensemble, ça s’arrête là en fait » (Véronique), « c’est assez rare c’est plus si

l’infirmière elle a un soin » (Christelle). Nous pouvons identifier que l’aide-soignante se rend

disponible pour l’infirmière. Comme le nom de leur profession l’indique, elles « aident » le

patient, elles « aident » l’infirmière. Elles évoquent le souhait d’être aidées par les IDE en

retour. Ainsi Sandrine témoigne :

« On aurait bien aimé un binôme infirmier mais avec la charge de travail des infirmières

c’est pas faisable. On aimerait bien mettre ça en place. Parce que rien que pour nous

ce serait plus valorisant on ferait les tensions, les pansements avec les infirmières »

Cinq aides-soignantes sur neuf verbalisent qu’elles ne peuvent pas travailler en binôme avec

les infirmières car celles-ci ont trop de travail. Cependant, au travers de leur discours respectif,

il semble qu’elles ont conscience de leur propre charge de travail et du rôle qu’elles occupent

dans le service de soins mais, malgré cela, elles se montrent « serviables ». Dans leur

témoignage elles s’oublient, elles rendent leur travail invisible. Selon Bourret,

« la visibilité du travail est aussi fonction du statut et de la place des travailleurs dans

l’organisation sociale du travail. La visibilité est dans ce cas liée au prestige de la

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fonction, à la place dans l’échelle hiérarchique, à la valeur sociale. » (Bourret, 2010,

p.35)

De ce fait, nous observons que ce groupe d’aides-soignantes à ses propres représentations

sociales, elles reconstituent le travail réel selon leur propre signification. Nous remarquons

également que les facteurs organisationnels et historiques viennent accentuer ce phénomène

mais, dans lesquels elles se placent en infériorité. La division du travail et l’invisibilité de celui-

ci sont-elles liées à la nature des tâches à réaliser ?

5.2.3 La délégation du « sale boulot »

L’objectif est maintenant de comprendre les jeux de reconnaissance inhérents aux tâches dites

« ingrates ». Ainsi, la question de la délégation des tâches intervient quand la charge de travail

donnée augmente pour une catégorie professionnelle. Or, nous avons observé précédemment

que les infirmières avaient une charge de travail importante. Lorsque Hughes, (1951) s’est

intéressé au travail à l’hôpital, il a émis la notion de « dirty work », il entendait les tâches situées

au bas de l’échelle des valeurs sociales, avec peu de prestige exposant les personnes qui les

réalisent au mépris. Ainsi, dans notre échantillon, six aides-soignantes sur neuf expriment avoir

dans leur quotidien des tâches plus ingrates que les autres. Elles associent ces tâches à la gestion

des excréments corporels : « ah, oui, bassin, emmener aux toilettes, ça c’est des tâches ingrates,

(…) c’est signé aide-soignante » (Elodie), « les mises sur les bassins, les mises sur les toilettes,

les chaises percées. Ça les infirmières elles ont beaucoup de mal. Elles nous sonnent ou elles

viennent nous chercher pour nous dire qu’il y a un bassin à mettre » (Sandrine). Cette notion

de « sale boulot » prend tout son sens ici, les aides-soignantes expriment qu’elles réalisent les

tâches que l’infirmière trouvent « physiquement dégoutantes ou symbolisant quelque chose de

dégradant et d’humiliant » (Bourret, 2011, p.36).

Cependant, les trois aides-soignantes, ayant la plus grande ancienneté dans le service affirment

qu’elles n’ont pas de tâches ingrates. Pour elles, les infirmières sont les premières à réaliser ces

tâches : « euh non, les infirmières sont les premières à mettre un bassin, à vider une chaise pot

elles ne vont pas nous appeler pour nous dire tiens il y a la chaise pot à vider, elles vont le

faire ». (Sylvia). Nous avons évoqué précédemment qu’une relation asymétrique s’était

installée au sein de ces équipes. Ainsi, la délégation des tâches relevant du « sale boulot »

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semble dépendre du statut social et du rôle que l’aide-soignante occupe au sein du groupe.

Éléonore témoigne « (bah) il y a certaines infirmières souvent c’est des nouvelles mais

maintenant c’est le temps qu’elles s’adaptent ». Il apparaît que le « sale boulot » peut être relié

à une question de prestige.

Selon Bourret, « l’invisibilité spécifique liée au travail de soin ne tient aussi à la nature de ce

dernier et au prestige qu’il confère à la personne qui le réalise » (Bourret, 2010, p.36). Cet

échantillon d’aides-soignantes exprime quant à l’exercice de cette fonction un sentiment de

fierté ambivalent. Ainsi, elles mettent en avant les aptitudes qu’elles possèdent pour exercer ce

métier car selon elles tout le monde n’est pas en capacité de le faire. Mais en parallèle, elles

souffrent aussi des représentations de leur fonction auprès du grand public. Sandrine écrit à ce

sujet « une aide-soignante c’est mal perçu : ah bah tu mets tes mains dans le « caca » tu essuies

les fesses des personnes âgées enfin voilà c’est perçu comme ça », Julie ajoute « oui on me dit

oui aide-soignante c’est juste fait pour changer les gens ». Ainsi, ce manque de reconnaissance

pour leur travail réel ne favorise pas la satisfaction de ce besoin de valorisation.

Par conséquent, les questions en lien avec la notion de « sale boulot » ont suscité des hésitations,

une gêne chez certaines aides-soignantes. Elles avaient besoin de se justifier : « oui et non parce

qu’on va dire c’est un peu mon rôle » (Elodie), « mais c’est notre rôle » (Florence), « je me dis

bon bah c’est comme ça c’est le métier que j’ai choisi » (Véronique). Elles craignent de remettre

en question leur rôle auprès du patient mais aussi leur identité. D’autant plus, nous avons

constaté précédemment qu’elles attendent beaucoup de reconnaissance de cette proximité du

patient. Cette notion de « sale boulot » entraîne un conflit entre ce besoin de reconnaissance et

leur identité professionnelle. Ainsi, en première intention elles font passer sous silence ces

activités pour présenter des tâches plus respectables comme le relationnel. Elles ont besoin

« d’enjoliver » consciemment ou inconsciemment la réalité pour maîtriser le travail réel.

D.Lhuillier écrit à ce sujet « La sécurité trouvée dans une représentation du monde ordonné et

prévisible est un puissant moteur à l’entretien de cette quête infinie d’ordonnancement et de

maîtrise du réel. » (Lhuillier, 2010, p.45).

Et si l’écriture était un vecteur « significatif » de l’invisible dans le soin ?

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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5.3 Thème 3 : les transmissions écrites Initialement, les transmissions s’effectuaient oralement puis, au fil du temps l’écrit à pris sa

place et s’est structuré. Ainsi, pour comprendre si cette évolution de l’oral vers l’écrit à un

retentissement sur notre phénomène social nous nous intéressons dans un premier temps à la

place qu’occupe les transmissions orales et écrites dans l’organisation du travail de notre

échantillon. Rapidement, nous observerons que les aides-soignantes privilégient le « prendre

soin » à la rédaction des transmissions écrites qu’elles trouvent cette activité chronophage. Cette

notion de temps, nous impose de prendre en considération l’outil informatique d’un point de

vue logistique et dans son utilisation. Mais, l’utilisation de ces outils uniformes (diagramme de

soins, fiche transmissions ciblées) viennent se confronter à la transcription des soins

relationnels dans des services où la culture de l’oral occupe une place prédominante. Enfin,

pour terminer nous apprécions les enjeux de l’écoute sur le passage à l’écrit.

5.3.1 La place des transmissions orales et écrites dans l’organisation du

travail

Par l’intermédiaire de cet item, nous souhaitons comprendre comment s’insèrent les

transmissions écrites et orales dans l’organisation du travail. Initialement, nous avons fait le

choix de centrer notre objet de recherche sur les transmissions écrites. Mais, rapidement nous

avons constaté à travers les réponses de notre échantillon que les transmissions orales et écrites

ne peuvent pas être dissociées en totalité pour comprendre ce phénomène social.

Incontestablement, l’oral, vient alimenter, commenter, éclaircir et resituer l’écrit dans un

contexte. Lacoste & Grosjean, (1999), explicitent ce point de vue en affirmant que l’écrit et

l’oral se co-construisent mutuellement.

Ainsi, nous observons que les transmissions écrites et orales font partie intégrante du soin, elles

s’inscrivent dans l’organisation du travail du service. Reprenons le temps d’admission du

patient dans le service pour expliciter ces propos. En effet, nous constatons que dans les deux

services investigués il est effectué par l’infirmière une macro-cible d’entrée dans le dossier de

soins afin de réaliser une présentation synthétique. Une aide-soignante explique que c’est le

début des « …transmissions écrites pour le patient… ». Dans les deux services, les aides-

soignantes ne sont pas associées à cette activité ce qui leur semble altérer la « bonne »

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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connaissance du patient par cette catégorie de personnel. Ainsi, Christelle relate « nous ne

connaissons pas le patient car nous ne participons pas à l’écriture des transmissions

d’entrée… ». Toutefois, une aide-soignante explique qu’elle peut avoir accès aux informations

détaillées grâce au logiciel utilisé dans le service. Cependant, nous observons des pratiques

distinctes entre les deux unités étudiées. Aussi, pour pallier à ce manque d’informations, dans

le service de SSR, les infirmières présentent oralement le patient aux aides-soignantes alors que

dans le service de médecine aucune présentation n’est effectuée. Cependant, dans ce même

service elles précisent également ne pas se référer aux transmissions écrites par manque de

temps. Elles réalisent les soins sans prendre connaissance de l’état clinique du patient.

Cette notion de temps interpelle car elle revient de façon récurrente au cours des différents

entretiens mais, plus particulièrement au sein du service de médecine. Une aide-soignante

diplômée depuis un an relate avoir conscience qu’elle devrait procéder autrement en réalisant

une lecture des transmissions écrites au moment de sa prise de poste. Elle verbalise, que cela

ne fait pas partie des habitudes du service, ses collègues ne lisent pas les dossiers de soins avant

de prendre un patient en charge. De plus, l’organisation ne le permet pas car les aides-soignantes

prennent leur poste à des horaires différents et n’assistent pas aux transmissions orales inter

équipe. Une autre aide-soignante diplômée depuis moins d’un an exprime le même constat.

Pour relativiser, l’aide-soignante Julie argumente sa pratique « Bon après en général

l’infirmière est avec nous dans le couloir et moi je demande pourquoi la personne est là. » Elle

cherche à s’adapter face à ce manque d’informations et établir un équilibre entre son bien-être

physique et psychologique. Aussi, les aides-soignantes relatent ne pas être en accord avec leurs

représentations quant à l’exercice de cette profession. Selon Tremblay, (1992), « l’adaptation

psychosociale est l’équilibre entre le bien-être interne et le bien-être externe dans certaine

situation données » (Jouteau Neves, 2009, p.50). L’aide-soignante Elodie note qu’elle

« …j’essaie d’aller plus vite mais du coup j’ai l’impression de bâcler mon travail donc des fois

c’est un peu stressant », elle argumente ces termes en ajoutant « parce que en fait je vais pas

bâcler sur mon soin mais je vais bâcler sur (bah) je vais faire vite à faire le lit, je vais bâcler

les transmissions en fait, pas le patient mais tout l’environnement. ». Ainsi, nous observons que

les aides-soignantes sont dans le « prendre soin ». Pour elles, il n’est pas envisageable de rogner

ce « prendre soin », mais, comment le représentent-elles dans les transmissions écrites ?

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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5.3.2 Le « prendre soin » dans les transmissions écrites

Lors des entretiens, nous avons voulu, par l’intermédiaire des questions, comprendre comment

s’inséraient les transmissions écrites dans l’organisation du travail, c’est alors que cette notion

de « prendre soin » s’est imposée.

Dans un premier temps, nous avons identifié que les aides-soignantes définissent les contours

de leur identité professionnelle par la notion du « prendre soin ». Hesbeen, (1997) l’explique

comme l’intention de « porter une attention particulière à une personne qui vit une situation qui

lui est particulière et ce dans une perspective de lui venir en aide, de contribuer à son bien-être,

à sa santé » (Hesbeen, 2009). En effet, la prise en soin du patient reste aux yeux des aides-

soignantes une priorité. Cependant, sept d’entre elles, n’intègrent pas les transmissions écrites

à leur soin. Elles verbalisent ne pas prendre les informations nécessaires pour appréhender le

patient. L’aide-soignante Elodie, explique qu’elle y va à l’aveugle précisant comment elle

adapte le soin à ce manque d’information.

« Je demande, j’essaie de voir mais souvent je me fais arnaquer parce que le monsieur

il me dit qu’il ne marche pas ou alors qu’en fin de compte il va très bien à la salle de

bain donc, mais j’ai compris un peu les astuces : les chatouilles aux pieds s’il bouge les

jambes c’est bon il peut y aller (rigole) ».

Cette prise en soin très « personnelle » du patient montre la singularité de la relation entre le

soignant et le patient. Chaque situation n’est pas identique ni standardisée tel que pourrait le

présenter le travail prescrit. En effet, comme le précise Dejours, (2012), il y a une part

d’irréductibilité de l’écart entre le travail prescrit et le travail effectif. Il ajoute que pour parvenir

à l’exécution des tâches le « travailleur doit faire preuve d’ingéniosité, d’initiatives et

d’inventivité ». (Dejours, 2012, p.76) Cette adaptation permanente se traduit par des

transmissions écrites avec une contenance variable selon les situations et les individus.

Puis, dans un deuxième temps nous avons remarqué qu’elles attendent de ce « prendre soin »

de la reconnaissance de la part du patient. En effet, lors des entretiens, les neuf aides-soignantes

mettent en évidence le soin relationnel, le contact et la proximité avec le patient. Une aide-

soignante précise « qu’il soit content qu’il a le petit mot à dire : vous êtes gentille. (Bah) là

c’est bon je suis contente » (Elodie), une autre relate « moi quand le patient me dit : merci vous

êtes gentille, je suis satisfaite » (Sandrine). Selon Wenner, (2001), pour être reconnus « les

acteurs doivent « faire savoir » ce qu’ils savent et ce qu’ils font, c’est à dire communiquer »

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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(Wenner, 2001, p.59). Or, les aides-soignantes assouvissent ce besoin de reconnaissance auprès

des patients dans le « prendre soin ». Cependant, nous retrouvons peu de traces écrites de ce

« prendre soin ». Historiquement, les transmissions ciblées ont été mises en place afin de

synthétiser les écrits dans le but d’avoir une visualisation rapide de l’évolution du patient et

d’optimiser le temps soignant pour la retranscription de tous les soins répétitifs. Le diagramme

de soins reprend les soins reconnus comme fréquents dans le service pour tous les patients or,

comme évoqué précédemment « le prendre soin » fait appel à la singularité du patient et du

soignant. Cet outil uniformisé vient contrecarrer ce qu’attendent les aides-soignantes du

« prendre soin ». De plus, en parallèle, nous avons vu l’outil informatique prendre une place

considérable à l’hôpital ces dernières années. Cet outil est-il efficient ?

5.3.3 Les outils utilisés : un outil informatique uniforme peu efficient

L’hôpital dans lequel nous avons mené nos entretiens déploie progressivement au sein des

services un logiciel de transmissions ciblées. Nous n’avions pas émis le souhait d’axer notre

recherche sur l’utilisation de l’outil informatique. Cependant, quand nous avons posé la

question « comment faites-vous vos transmissions écrites ? » nous avons mesuré qu’en fonction

des réponses apportées il était nécessaire de l’aborder dans notre analyse pour comprendre notre

phénomène social. Toutefois, notre échantillon est réparti sur deux services avec des pratiques

différentes.

En premier lieu, le service de médecine dispose de ce nouveau logiciel depuis un an. Ainsi, il a

été attribué des ordinateurs pour chaque catégorie professionnelle. Les sept aides-soignantes de

ce service verbalisent qu’ils sont en quantité suffisante et qu’elles peuvent y accéder à tout

moment. Dans ce service, six aides-soignantes sur sept évoquent qu’il est nécessaire d’ouvrir

de nombreuses fenêtres avant d’accéder aux informations nécessaires, qui plus est, avec des

délais de téléchargement qui peuvent se montrer chronophage. Elles relatent le manque de

visibilité des informations importantes. Ainsi, l’aide-soignante Sylvia affirme « Franchement,

le logiciel c’est long, il faut ouvrir des fenêtres, des fenêtres pour voir les informations et encore

on a les informations que de la veille. ».

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En deuxième lieu, les aides-soignantes du service de SSR utilisent, quant à elles, l’ancien

logiciel. Elles reconnaissent qu’il est difficile d’accéder aux ordinateurs parce qu’ils sont soit,

utilisés par les médecins soit par les infirmières.

Sandrine exprime, « on n’a pas de PC à disposition il faut attendre qu’il soit libre (….)

c’est très compliqué entre nous, les infirmières, les médecins. Si on a un truc important

à mettre on le note sur nos feuilles de transmissions papier ».

Les deux aides-soignantes interrogées dans ce service relatent deux difficultés majeures : un

temps de connexion long et l’absence de possibilité de se connecter à deux utilisateurs

simultanément. Effectivement, les transmissions écrites doivent être nominatives pour cette

raison chaque agent possède un code personnel pour se connecter contribuant ainsi à la sécurité

des soins tracés.

De plus, cet hôpital est tri-site avec un éloignement de 30 km entre chaque site. Le logiciel est

tributaire du réseau public et par conséquent subit de nombreuses coupures. Cet élément est

évoqué par les neuf aides-soignantes. Elles verbalisent qu’elles utilisent une feuille papier sur

laquelle sont répertoriées le nom, la chambre des patients ainsi que les informations les

concernant. L’aide-soignante Delphine précise « …je note sur mon papier mes poids, la mise

des barrières pour pouvoir si le réseau revient… ». À ma question de savoir si le réseau ne

revient pas avant la fin de votre temps de travail, comment faites-vous ? elle répond : « Bah je

le note pas, je mets mon papier à la poubelle. ».

Nous constatons que des difficultés logistiques viennent entraver l’utilisation de l’outil

informatique et la réalisation des transmissions écrites. Ainsi, les aides-soignantes des deux

services mettent en place des stratégies pour s’adapter au travail réel. Nous constatons au

décours des différents entretiens réalisés le recours très fréquent aux transmissions écrites sur

des supports qui n’incrémentent pas le dossier papier. Selon Clot, (2010), le travail réel exige

d’être inventif et s’effectue par défaut. Nous constatons que l’outil informatique n’est pas

toujours efficient mais qu’en est-il de son utilisation ?

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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5.3.4 Une utilisation complexe

Nous avons examiné dans la partie précédente tout l’aspect logistique quant à l’outil

informatique. Maintenant, nous allons nous intéresser aux pratiques professionnelles relatives

à l’utilisation de cet outil informatique puis, à la formation reçue pour les utiliser.

ðDes pratiques et des outils différents mais des problématiques identiques

Comme abordé précédemment, un des services investit les transmissions écrites ciblées alors

que le deuxième reste sur un modèle de transmissions linéaires. Dans les deux cas, l’ensemble

des aides-soignantes relatent des oublis illustrés par deux exemples issus des deux services :

« On a eu des soucis quand même parce qu’il y a des faits qu’on se disait ça c’est acquis

je ne mets pas jusqu’à ce qu’il y ait un petit souci parce qu’on avait une patiente qui

avait chuté ou quoi je sais pas c’était plusieurs mois qui étaient passés et sa famille a

porté plainte pourtant tout était mis en place mais malheureusement aucune de nous

n’avais coché ce qu’il fallait faire que voilà par exemple refus de ça ». (Éléonore, AS,

service SSR)

« On a eu un souci il n’y a pas si longtemps que ça avec une patiente qui est décédée

d’occlusion, les selles c’était pas retranscrit sur l’ordinateur » (Florence, AS, service

de médecine)

Tout d’abord, dans le service de médecine, en première intention les aides-soignantes

remplissent le diagramme de soins en cochant. Huit aides-soignantes sur neuf verbalisent

cocher uniquement les soins. Christelle relate « Je mets « effectué » ou « non effectué » en

fonction des prescriptions effectuées par mes collègues ». Quatre aides-soignantes précisent

qu’elles cochent les soins réalisés et ensuite elles complètent à l’oral. Véronique ajoute

« c’est simple on a tous les soins qui apparaissent sur le diagramme patient par patient

on va dessus et on valide ce qu’il faut valider. ». Florence exprime « (Bah) avec le

nouveau logiciel c’est mieux. Par exemple on peut juste cocher. »

Ainsi, nous observons que les aides-soignantes font principalement du reporting. Aussi, une

autre aide-soignante, ajoute ouvrir une cible que si le patient présente un problème sinon elle

met « un commentaire ». L’utilisation de cette fonction « commentaire » entraine des difficultés

pour les visualiser ultérieurement car le logiciel n’offre pas la possibilité d’avoir une vue

d’ensemble de ceux-ci. Le témoignage d’Elodie, aide-soignante vient soutenir ces propos.

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« Et puis ça le souci c’est qu’il faut toujours recliquer, retourner et puis ça on ne le voit

pas, c’est au jour le jour sur sillage donc le souci c’est pareil c’est que ça nous prend

trop de temps à chaque fois à aller. Si les personnes ne font pas de cibles nous on n’a

rien. ».

Ensuite dans le service de SSR, les aides-soignantes n’utilisent pas le diagramme de soins, elles

utilisent la forme linéaire. Une des aides-soignantes verbalise faire un tri des informations à

notifier dans le dossier de soins. « Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas retranscrit sur le

PC c’est les choses importantes du matin qu’on écrit ». (Sandrine, AS, service SSR). L’aide-

soignante Éléonore, appuie les propos de sa collègue en ajoutant que dans son service ils ne

notent que les problèmes. « Ici, les aides-soignantes ont tendance à noter que les problèmes ».

Intéressons maintenant à la formation des soignants aux transmissions ciblées.

ðQu’en est-il de la formation aux transmissions ciblées ?

Sept aides-soignantes sur neuf ont été formées aux transmissions ciblées en formation initiale.

Dans les recommandations de la HAS, l’information se transmet sous forme de cible en

« Données-Actions-Résultats (DAR) ». Les deux aides-soignantes diplômées depuis moins de

deux ans utilisent cette méthode. Les aides-soignantes Elodie et Julie relatent respectivement

« ça me met mon DAR j’ai tout : ma donnée, mon action et mon résultat », « moi, je fonctionne

en DAR ». Ce qui nous conduit à identifier un décalage entre l’acquisition des compétences

nécessaires pour la validation de leur diplôme et la mise en application au quotidien sur le long

terme. Selon Le Boterf, « la compétence d’un professionnel se reconnaît à sa capacité à gérer

efficacement un ensemble de situations professionnelles » (Morel, 2009, p.108). Dans le cas de

ces deux aides-soignantes, la mise en application de leurs compétences semble être confrontée

à leur besoin d’identification au collectif et d’appartenance à l’équipe aide-soignante. Ainsi,

elles n’investissent pas leurs compétences acquises en formation.

D’autre part, l’utilisation des transmissions ciblées requiert l’acquisition d’une méthodologie

pour la rédaction de celles-ci. Dans le cas présent, le dossier de soins informatisé présent en

service de médecine se compose en deux volets. Chaque volet est lui-même composé de

plusieurs pages. En effet, cette présentation n’encourage pas les aides-soignantes à les

parcourir. Ainsi, nous observons qu’elles privilégient la saisie du diagramme de soins au

détriment des cibles. Cette pratique entraîne une perte d’information avec des conséquences sur

la qualité et la sécurité des soins.

Page 70: Les transmissions écrites des aides-soignantes : qu’en est

Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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5.3.5 Les transmissions écrites : les points facilitants, les points difficiles

À la question « pensez-vous que l’ensemble des soins est retranscrit dans son intégralité ? ».

L’ensemble des aides-soignantes évoque rencontrer des difficultés pour mettre des mots sur les

soins relationnels à retranscrire. Selon Tschopp, l’écriture professionnelle « risque de figer,

d’objectiver, de conceptualiser, alors que la réalité est émotion, corps, énigme, sensibilité,

mouvement, complexité » (Berton & Millet 2014, p.12).

En effet, l’aide-soignante Véronique relate qu’elle rencontre des difficultés à retranscrire les

émotions du patient. « Si parce que des fois on ne sait pas l’émotion exacte que le patient ressent

aussi. Parce que des fois on n’a pas tous le même ressenti ». Elle ajoute « pour moi, c’est

compliqué, je pose avant et puis après je mets ce que j’ai à mettre. L’affect joue beaucoup. Il y

a des gens qui nous touchent plus que d’autre » Delphine vient enrichir ce discours en ajoutant

« les soins relationnels sont plus compliqués. Il faut prendre les mots du patient déjà, il faut

savoir tourner la phrase, il faut bien mettre la situation en place et ce n’est pas évident ». La

prise de recul vis-à-vis des situations semble être une réelle contrainte pour passer ensuite à

l’écrit. Comme l’évoque Goody, (2010), l’individu a besoin de mettre ses pensées en

perspectives afin de réfléchir au sens qu’il donne à ses actions. L’AS Véronique joint à ses

arguments « non ce n’est pas évident du tout ça demande vraiment de la grosse concentration

enfin pour moi c’est compliqué ».

À travers leurs écrits, elles dévoilent leur personnalité, leurs émotions et leurs affects. Delphine

précise « par rapport aux émotions, si quand même c’est compliqué (silence) (euh). Ça peut

nous mettre en difficulté pour les retranscrire, je coche juste, je ne vais pas plus loin, je mets

juste que ça été fait ». Face à ces situations déstabilisantes elles s’adaptent mais elles semblent

craindre le jugement porté par leurs pairs. Ainsi Elodie évoque « peut-être le regard de mes

collègues, oui, oui, j’ai un peu de, (silence), oui le regard de mes collègues (…). Leur jugement

c’est important ». Un élément émerge de ce phénomène, la déstabilisation de leur identité par

la peur du jugement par leurs pairs. Dejours, exprime que :

« le jugement de beauté, jouent un rôle majeur pour l’identité, en conférant au travailleur

son appartenance à une communauté, à une équipe ou à un collectif de travail. Par

l’intermédiaire de la reconnaissance de la qualité au travail effectué, l’identité singulière

peut se voir consolidée. » (Gernet & Dejours, 2012, p.13)

Or, ici les aides-soignantes font le choix de s’abstenir quant à la réalisation de transmissions

écrites. Pour les remarques d’ordre psychologique, l’utilisation des transmissions orales semble

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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faciliter la transmission des échanges. Ainsi, la prégnance de la culture de l’oral à l’hôpital

vient-elle renforcer ce phénomène ?

5.3.6 De la culture orale à la culture écrite

L’objectif de cet item est d’apprécier la place qu’occupe l’oral aujourd’hui à l’hôpital. En effet,

nous avons vu qu’historiquement les soins infirmiers héritent d’une culture orale. Elle a persisté

de longues années. Clavagnier, (2014) reprend dans son article que le passage à l’écrit a connu

de nombreuses résistances de la part du personnel médical et paramédical. Mais, selon elle

écrire c’est « affirmer son utilité et son identité professionnelle » (Clavagnier, 2014, p.2). Mais

où se situe notre échantillon entre la culture orale et la culture écrite ?

Ainsi, sept aides-soignantes sur neuf exposent faire une sélection des informations à transmettre

en fonction du degré d’importance. « Je retranscris s’il a un couac, si la personne est agressive

des choses comme ça et c’est là que je fais une traçabilité » (Delphine). « Ouais c’est de la

banalisation un petit peu je pense, ça reste banal en fait ces choses, si un patient est petit peu

perturbé ou si (bah) je ne sais pas enfin, je sais plus on ne juge pas assez utile de le noter »

(Véronique) « Enfin moi je n’écris pas, enfin j’écris que ce qui ne va pas. » (Sylvia). Ces

éléments montrent l’incompréhension des aides-soignantes face aux transmissions écrites. Les

propos tenus soulignent qu’elles n’investissent l’écrit qu’en cas de problèmes pour le patient.

Les informations témoignant de l’évolution du patient ne sont pas prises en compte.

L’utilisation des transmissions ciblées n’explique pas ce phénomène car les deux aides-

soignantes du service de SSR expriment les mêmes idées. Pourtant, selon Grosjean & Lacoste

« de nombreux passages des relèves orales sont des commentaires, des demandes

d’éclaircissement, des discussions, qui se construisent à propos et par rapport aux transmissions

écrites » (Grosjean & Lacoste, 1999, p.116). Ainsi, cette absence de passage à l’écrit entraîne

une perte d’informations. Cependant, dans les deux services étudiés l’oralité prédomine

l’écriture. Les aides-soignantes semblent entretenir cette culture de l’oral ? Lors des échanges

nous avons noté une construction identitaire fragile qui freine le passage à l’écrit. Le

témoignage de Florence explicite ces propos « Bon après moi j’ai un problème avec moi-même.

Enfin, de confiance, j’ai pas encore confiance. » Elodie relaie un discours identique « moi

personnellement pour les patients je ne peux pas encore prendre trop d’initiative ». Nous

observons ce type de discours chez les aides-soignantes récemment diplômées, leur identité

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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professionnelle semble fragile. Elles verbalisent avoir besoin de temps pour prendre confiance

en elle. Ici, en nous appuyant Dubar, (2009), nous pouvons repérer que la construction

identitaire des aides-soignantes est en mouvement et fondée sur les interactions sociales entre

les personnes et entre les groupes. Nous relevons que l’oralité occupe une place prédominante

dans ces deux services, où la construction du processus identitaire semble venir s’immiscer

avec des jeux de reconnaissance. Quand les aides-soignantes sont dans l’oralité qu’en est-il de

ces interactions ? Quels en sont les enjeux ?

5.3.7 La considération de l’écoute dans les interactions soignantes

Lors de nos entretiens, nous nous sommes intéressée à l’écoute que pouvait recevoir les aides-

soignantes afin d’identifier les jeux de reconnaissance entre les aides-soignantes et les membres

de l’équipe pluri professionnelle. Ainsi, à la question, « vous sentez-vous écouté par vos

collègues IDE, CDS et médecin ? » Les réponses ne sont pas unanimes. Certaines évoquent ne

pas être écoutées, d’autres verbalisent être écoutées mais ne pas ressentir l’intérêt de leur

interlocuteur à leur égard, elle le relie au fait d’occuper le grade aide-soignante. Ainsi, Sylvia

évoque :

« c’est à dire l’aide-soignante qui n’est pas infirmière qui voilà qui a plein de choses à

dire parce qu’elle connaît le patient et elle est capable de dire des choses et elle sait et

elle sent les choses et tout et on sent que on est que l’aide-soignante ».

Cependant, nous observons que trois phénomènes viennent se confronter, tout d’abord la

majorité verbalise être écoutée par les infirmières. Ensuite, au travers de leurs discours nous

pouvons percevoir au sein de cet échantillon une légitimité naturelle acquise avec le nombre

d’années d’exercice dans le service. En conséquence, les trois aides-soignantes plus anciennes

n’évoquent aucune problématique en lien avec cette écoute, pour elles il est normal d’être

écoutées car elles sont en poste depuis de nombreuses années. Le témoignage de Véronique

explicite ces propos :

« Étant donné qu’on est ancienne. Quand on a déjà plusieurs années elles sont

beaucoup plus à l’écoute. Nous on sait de quoi on parle car depuis tant d’année et on

sent qu’elles sont bien à l’écoute. Même les médecins on sent qu’ils nous écoutent

beaucoup. » (Véronique)

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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L’aide-soignante Sylvia en parlant d’un médecin : « Il faut qu’elle apprenne à nous connaître

nous les aides-soignantes parce que c’est vrai qu’on est là depuis longtemps » (Sylvia). Nous

observons qu’une relation asymétrique s’est installée en fonction du nombre d’années

d’expérience dans le service. Ainsi, les aides-soignantes avec une plus grande expérience dans

le service ont cette capacité d’imposer leur volonté et d’être écoutées par les autres catégories

professionnelles avec le souhait de modifier les comportements sans que la réciproque soit

vraie.

Enfin, nous nous sommes questionnée sur leur ressenti quant à la place qu’elles prenaient ou

qu’on leur laissait pour favoriser cette écoute ? Trois d’entre elles verbalisent qu’il est difficile

de s’imposer et d’être écouté. Sandrine explique « c’est l’infirmière qui cause en fait si nous on

a quelque chose à rajouter il faut le faire très vite dans la lancée ». Florence ajoute « moi je

vais plus au staff car quand on prend la parole les médecins parlent entre eux et nous écoutent

pas. » Ainsi, nous identifions que la prise de parole est une difficulté, au sein du groupe pluri

professionnel, elles n’arrivent pas à s’imposer. Pour ne pas s’infliger cette difficulté, elles

préfèrent fuir ces temps d’échange. Mais, nous observons aussi que les infirmières ou les

médecins accordent peu ou pas d’importance à leurs transmissions et indirectement à leur

travail.

En recroisant ces trois phénomènes, nous pensons à Sainsaulieu, (1977) il met en lien l’identité

personnelle et la reconnaissance. Au sein de cet échantillon, les aides-soignantes écoutées,

verbalisent être moins en difficulté dans leurs interactions car en étant écoutée elles reçoivent

une forme de reconnaissance en tant qu’être singulier. Ainsi, elles communiquent plus aisément

sur l’état clinique du patient et sur les soins qu’elles effectuent alors que pour les autres c’est

plus compliqué.

Pour conclure ce thème, nous pouvons dire que les aides-soignantes s’inscrivent dans le

« prendre soin ». Elles défendent leur place auprès du patient, ce rôle qu’elles jouent dans la

relation communication. Pourtant, nous avons peu de trace de ces soins, les supports écrits sont

faits pour ordonner et tracer les informations tout en mettant en évidence la réflexion du

soignant. Mais, nous avons remarqué que de nombreux facteurs viennent entraver cette

réflexion et cette retranscription. Cependant, l’analyse de cette partie nous a permis de mettre

en évidence que nous ne pouvions pas dissocier les transmissions écrites et orales.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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5.4 Thème 4 : des transmissions écrites à la qualité et la sécurité des soins

Ce thème nous permet d’apprécier les représentations des aides-soignantes concernant la qualité

et la sécurité des soins. Deux axes seront privilégiés :

• La complexité d’un vocabulaire

• La qualité et la sécurité des soins au travers des transmissions écrites

5.4.1 La complexité d’un vocabulaire

La définition internationale de la qualité est la suivante : « ensemble de caractéristiques d’une

entité qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés et implicites » (Ballé, 2004,

p.24). Pour la HAS « la qualité d’un système de santé augmente lorsque les soins prodigués

sont aussi efficaces, sûrs, accessibles » que possible, dans des conditions aussi équitables et

efficientes que possible ». (Berton, 2014, p.57). L’objectif de cet item est d’appréhender le

regard des aides-soignantes sur la qualité et la sécurité des soins. Mais, au-delà de ce

vocabulaire très technique qu’en pense les aides-soignantes ?

Cet échange autour de la qualité a mis les aides-soignantes en difficulté, elles l’ont traduit par

de longs silences. Certaines, ont soufflé ou verbalisé qu’elles ne savaient pas. Mais, leurs

réponses restent très disparates. Quatre d’entre elles évoquent que la qualité dépend des moyens

et des ressources qu’elles ont à disposition : « tout ce qu’il vous faut pour travailler, tous les

outils et le nombre de soignants, là on peut dire qu’on fait du travail de qualité » (Éléonore),

« qualité (euh) un peu plus de personnel » (Florence). Trois aides-soignantes relient la qualité

à la satisfaction qu’elles éprouvent après avoir réalisé leur travail dans les conditions qui

correspondent à leurs valeurs professionnelles. Ainsi, Véronique relate que « la qualité c’est

d’arriver, non je ne sais pas, c’est d’arriver à faire son travail correctement, d’avoir pris mon

temps, d’avoir pu répondre aux besoins du patient, d’être satisfait de soi ». Pour finir, deux

aides-soignantes évoquent la qualité de leur travail à travers le jugement du patient : « que le

patient soit satisfait de nous » (Christelle). Nous constatons par le biais de tous ces verbatims

que les aides-soignantes ne mettent pas les mêmes significations derrière ce mot qualité. Mais,

elles s’appuient sur leur identité individuelle, leurs valeurs pour la définir. Nous observons là

aussi qu’elles sont dans l’attente d’une reconnaissance du patient.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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En ce qui concerne la sécurité, cinq aides-soignantes sur neuf ont évoqué ne pas savoir la

définir : « sécurité, confort ouais mais non je ne sais pas, j’arrive pas là » (Véronique), « la

sécurité je ne sais pas » (Sandrine). Les aides-soignantes qui ont mis des mots sur ce terme, le

relient à la sécurité physique du patient et d’elle-même « faire attention, les barrières, les freins,

les fauteuil » (Christelle), « la sécurité c’est faire attention à mon patient et à mon dos surtout »

(Elodie), « la sécurité c’est mettre la personne et nous-mêmes en sécurité » (Sandrine).

Sur les dernières années les établissements de santé ont participé à l’accréditation, il en est

ressorti de nombreuses recommandations. Pour celle-ci, la HAS a présenté des indicateurs, des

outils d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Tous ces mots ont circulé dans les

couloirs des hôpitaux, pourtant, nous observons un décalage entre ce vocabulaire et les

personnes exerçant sur le terrain qui participent activement à cette démarche qualité. Comment

intègrent-elles la qualité et la sécurité des soins aux transmissions écrites ?

5.4.2 La qualité et la sécurité des soins au travers des transmissions écrites

Selon l’ensemble des aides-soignantes les transmissions écrites font partie de la qualité et de la

sécurité des soins. Certaines ne savent pas l’argumenter mais au cours des entretiens elles

utilisent des exemples pour l’expliciter. Elles abordent la qualité et la sécurité des soins dans

les transmissions écrites selon deux axes. Tout d’abord, elles expriment un besoin de protection

pour elle. Ainsi, Éléonore explique « oui parce que c’est une couverture. Les écrits restent, les

paroles s’envolent. Tu sais que tu as fait quelques choses au moins il y a un support et c’est on

peut vérifier que ça été fait ». Sandrine ajoute « je pense, si jamais il y a un problème avec un

patient c’est retranscrit ». Nous remarquons ici, qu’il s’agit des deux aides-soignantes du

service de SSR. Il est important de souligner, que dans ce service, ils ont rencontré des

difficultés avec une famille qui avait déposé plainte ainsi, elles ont été sensibilisées à la qualité

et la sécurité des soins. A l’inverse dans le service de médecine, les aides-soignantes évoquent

la continuité des soins en première intention. Elles priorisent la transmission des informations

pour le patient afin de le prendre en charge dans sa globalité sans rien oublier : « oui oui pour

la continuité des soins car on transmet et comme ça la personne qui va nous relayer va savoir

ou est ce qu’on en est. C’est pour avoir un meilleur résultat après ». (Delphine). « oui parce que

si on loupe une info enfin ça peut être dangereux pour le patient, il ne faut pas faire n’importe

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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quoi ». (Florence). Toutefois, en nous rapprochant de leur référentiel de formation issu de

l’arrêté du 22 octobre 2005 modifié relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-

soignante nous remarquons, qu’aucun des savoirs associés théoriques et procéduraux ne

reprend la notion de qualité et de sécurité des soins à part entière. Nous la devinons par

l’intermédiaire des objectifs de formation.

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6 DISCUSSION

Les résultats de notre enquête permettent d’apporter des éléments de réponse à notre question

de recherche : en quoi, le rapport à l’écriture des aides-soignantes peut-il avoir un impact sur la

qualité et la sécurité des soins ?

Afin de pouvoir y répondre deux hypothèses avaient été formulées ainsi, nous allons les

confronter à l’analyse de l’échantillon.

1 - L’origine sociale, le parcours scolaire et professionnel des aides-soignantes pourraient

être un frein au passage à l’écrit.

L’analyse thématique a mis en relief des parcours scolaires et professionnels variés, bien que

pour la majorité, exercent ce métier suite à une reconversion professionnelle. La poursuite de

leur scolarité et le choix de leur profession sont influencés par l’origine sociale notamment, par

le métier des parents. Toutefois, au sein de notre échantillon d’autres éléments sont à prendre

en compte tel « l’influence du conjoint ». Nous aurions pu croire qu’elles retirent une plus-

value de leur reconversion mais il n’en est rien. En effet, les aides-soignantes n’expriment pas

avoir développé des compétences au contraire, elles mettent davantage en évidence la notion

d’échec. Par conséquent, il en ressort un manque d’estime de soi qui se retrouve sur le terrain

pour la rédaction des transmissions écrites. Effectivement, elles n’osent prendre l’initiative

d’écrire dans le dossier de soins. Toutefois, elles vivent l’obtention du diplôme d’État d’aide-

soignante comme une « reconnaissance sociale » car il leur permet de développer une identité

professionnelle et d’occuper une place méritée dans le monde du travail. Face à ce constat, il

est intéressant d’en comprendre les causes. Il semble que leur exposition aux divers « échecs »

scolaires fragilise leur construction identitaire. Celle-ci se traduit par un manque de confiance

en soi. De plus, l’identité sociale, qui selon Durkheim est le produit de l’éducation, conditionne

les choix professionnels des aides-soignantes. En effet, il existe une congruence entre le niveau

professionnel des parents et le niveau scolaire des aides-soignantes.

Quant à la maitrise de la syntaxe et de l’orthographe nous pensions que c’était le premier frein

au passage à l’écrit. Or, il émerge un autre facteur, la compréhension des écrits par leurs pairs.

Elles craignent le « jugement de beauté » (Gernet & Dejours, 2012, p.13) de leurs collègues.

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Ainsi, elles préfèrent ne pas réaliser de transmissions écrites plutôt que de s’exposer aux

jugements. De plus, en lien avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la

qualité du système de santé, elles craignent de se mettre en danger par un contre sens. Pour s’en

préserver, elle se censure car le dossier de soins peut être lu et « jugé » par des personnes

extérieures à l’équipe pluri professionnelle. Toutefois, en ce qui concerne l’orthographe et la

syntaxe, nous devons nuancer notre propos car l’ensemble de l’échantillon n’entretient pas le

même rapport à l’écriture en fonction de leur parcours scolaire respectif. En référence à

Bernardin, nous identifions qu’au travers des différents témoignages, que les aides-soignantes

n’ont pas les mêmes capacités d’apprentissages. De ce fait, certaines craignent le regard des

autres porté sur leurs écrits. Pour ne pas s’y exposer, elles vérifient l’orthographe des mots sur

internet, elles s’arrangent pour réaliser les transmissions écrites à deux ou elles se limitent à ne

faire que du reporting dans le diagramme de soins. Aussi, il semble que la reconnaissance et

plus précisément le jugement qui en découle soit un élément de réponse. Elles ont besoin d’être

mise en confiance pour passer à l’écrit. Ainsi leur identité professionnelle est consolidée et leur

besoin d’intégration sociale qu’elles obtiennent par la reconnaissance comblé.

Aussi, l’analyse des entretiens fait apparaître un autre aspect : l’aspect organisationnel. Dans

ces deux services, les pratiques professionnelles se transmettent d’un soignant à l’autre. Les

aides-soignantes récemment diplômées n’osent pas imposer leurs pratiques aux aides-

soignantes en poste depuis de nombreuses années. C’est pourquoi, les compétences acquises en

formation initiale concernant les transmissions écrites ne sont pas réinvesties en totalité car elles

craignent d’être mise à l’écart du groupe. Il semble que l’identité au travail et plus précisément

le sentiment d’appartenance soit ici un élément de réponse. En effet, elles privilégient ce besoin

d’appartenance à l’équipe pour développer leur identité professionnelle afin de se faire

reconnaître.

Nous validons donc notre hypothèse sur le fait que l’origine sociale, le parcours scolaire et

professionnel est un frein au passage à l’écrit. Cependant, devant un échantillon restrictif nous

devons nuancer nos conclusions. Pour étayer notre analyse il aurait été favorable d’appréhender

d’autres variables en lien avec l’origine sociale. Par exemple, approfondir avec la profession du

conjoint et la situation géographique d’origine afin d’approfondir l’origine sociale

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2- Le travail de l’aide-soignante identifié comme étant « ingrat » pourrait expliquer le

manque d’intérêt de tracer

Tout d’abord, les aides-soignantes définissent leurs tâches par les activités en lien avec les soins

d’hygiène. Elles présentent des activités relevant du « faire ». Quand elles passent à l’écrit, nous

constatons que la sélection des informations à transmettre est « aide-soignante dépendante ».

En effet, elles écrivent dans le dossier de soins uniquement si le patient présente un problème,

tous les autres soins relevant du quotidien sont banalisés car elles ne souhaitent pas exposer

leurs activités les moins nobles aux yeux de tous.

Ainsi, la déstabilisation de leur identité professionnelle par les représentations sociales de leur

profession, qui est souvent associée aux tâches domestiques, peut expliquer ce phénomène.

Néanmoins, pour garder une certaine prestance, elles précisent être fière de faire ce métier car

tout le monde n’est pas en capacité de le réaliser. Ce qui explique la mise sous silence de

certaines activités pour présenter des tâches plus respectables. A ce sujet, Goffman, (1988)

soutient la notion de « face ». En effet, elles expriment le besoin de s’identifier aux professions

plus « prestigieuses ». Pour la majorité des aides-soignantes de cet échantillon elles, ne

s’associent pas aux agents de service hospitalier mais aux infirmières voire aux médecins bien

que cela crée un déséquilibre entre ce qu’elles attendent des médecins et le manque de

reconnaissance qu’ils leurs témoignent.

Ce manque de reconnaissance du corps médical est un point majeur de cette analyse. En effet,

il semble être un frein à la traçabilité écrite et se manifeste de plusieurs manières. Tout d’abord

par un manque d’écoute envers les aides-soignantes lors des temps de transmissions orales est

exprimé de même qu’un manque de lecture de leurs transmissions écrites. Ce manque de

reconnaissance les dévalorise car elles ne se sentent pas impliquées dans la prise en charge des

patients. Ainsi, elles se questionnent sur l’intérêt que leur porte l’équipe médicale et donc, sur

l’intérêt d’écrire dans le dossier de soins puisque les médecins ne lisent pas leurs transmissions

écrites.

Cependant, les aides-soignantes ne prennent pas forcément la place qui leur est offerte en lien

avec une identité sociale fragile et un manque d’estime d’elles-mêmes. Par conséquent, elles ne

s’investissent pas dans la transcription de leur travail de réflexion et d’analyse qu’elles réalisent

pour prendre en charge les patients au quotidien.

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Les résultats de l’analyse font ressortir qu’il existe un clivage au sein des professions

paramédicales. Ces clivages favorisent la délégation des tâches des infirmières vers les aides-

soignantes. Un point sensible en ressort, celui de « la gestion des excréments ». Cependant,

nous avons identifié une nuance dans la délégation des tâches en lien avec le temps d’expérience

professionnelle dans le service. En effet, une relation asymétrique s’impose naturellement à

l’arrivée des nouveaux professionnels. Ceux-ci s’investissent dans cette relation car ils

souhaitent appartenir à l’équipe et développer ainsi leur identité collective.

Néanmoins, elles sont très attachées à leur métier. Elles relatent avec beaucoup de fierté

s’inscrire dans le « prendre soin », et entretenir une relation privilégiée avec le patient. La

notion de « face » selon Goffman, (1988), prend de nouveau ici tout son sens. Elles défendent

ce « prendre soin » pour ne pas mettre en évidence toutes les tâches dites « ingrates ».

Cependant, tout le « prendre soin », la relation soignant soigné, et leurs pratiques pourraient

témoigner de la qualité et de la personnalisation de leurs prises en charge mais tout cela restent

« invisible » dans le dossier de soins faute de trace écrite. Ici, la reconnaissance qu’elles

attendent ne vient pas de l’équipe pluri professionnelle mais du patient c’est pourquoi elles ne

mesurent pas l’intérêt de le tracer.

Ainsi, nous validons l’hypothèse que le travail de l’aide-soignante identifié comme étant

« ingrat » explique le manque d’intérêt de le tracer.

En ce qui concerne notre question de recherche : en quoi, le rapport à l’écriture des aides-

soignantes peut-il avoir un impact sur la qualité et la sécurité des soins ?

Le passage à l’écrit est l’aboutissement de tout un processus. Avant d’écrire, elles ont besoin

de la reconnaissance de la qualité de leur travail, de consolider leur identité singulière et d’être

valorisées.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malade et à la qualité du système de santé a favorisé

la mise en place d’outils de traçabilité cependant les aides-soignantes se sont concentrées

exclusivement sur l’aspect juridique sans considérer l’ensemble de cette loi.

Enfin, les aides-soignantes sont animées par le « prendre soin » et les soins relationnels mais

ne les mettent pas en valeurs par l’intermédiaire des transmissions écrites de craintes d’être

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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incomprise par l’équipe pluri disciplinaire. Pourtant, elles occupent une place centrale auprès

du patient et sont source d’informations pour le prendre en soins dans sa globalité.

Cependant, il faudrait une enquête plus exhaustive pour consolider nos hypothèses. En effet,

elle n’a qu’une portée restreinte en lien avec notre échantillon. Toutefois, pour approfondir

notre objet de recherche, il serait intéressant de l’aborder sous un autre angle. Ici, nous avons

choisi le prisme lecture de l’aide-soignante or le prisme du cadre de santé nous semble

complémentaire. Toutefois, suite à cette enquête nous nous interrogeons sur la place du cadre

de santé au sein d’un service. En effet, lors des entretiens, les aides-soignantes interviewées

l’ont peu évoqué. Toutefois, il occupe une place centrale dans l’accompagnement d’une équipe

dans la réalisation des transmissions écrites il est amené à donner du sens aux actions. Il

contribue également activement à créer des conditions favorables pour transmettre en

s’appuyant sur la bienveillance et le respect. Cette population a besoin d’être accompagnée et

valorisée pour prendre confiance en elle et passer à l’écrit.

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CONCLUSION Ce travail de recherche, est l’aboutissement d’une année de formation. Il nous a permis une

prise de distance par rapport aux situations vécues et a fait émaner un travail de réflexion. Ce

cheminement, permet désormais de nous projeter en tant que future cadre de santé au sein d’un

service de soins. Ainsi, nous avons pu mettre en évidence qu’il est primordial de prendre en

compte l’individu en tant qu’être singulier au sein d’un groupe mais aussi d’observer et surtout

d’analyser les interactions sans être influencée par nos à priori.

Cette démarche d’apprenti chercheur concernant les aides-soignantes et les transmissions

écrites nous ont permis d’identifier que plusieurs composantes pouvaient intervenir pour

expliquer un phénomène social. Au départ, nos préjugés nous imprégnaient, nous pensions que

le passage à l’écrit était simplement freiné par des difficultés d’orthographe et de syntaxe. Or,

nous n’avions pas mesuré que ce phénomène était bien plus complexe. En effet, cet exercice

nous a permis d’être plus nuancé et plus objectif au fur et à mesure des différentes étapes.

Pour mener à bien cette démarche de recherche, nous avons exploré différentes étapes. Ainsi,

la contextualisation de notre objet de recherche a enrichi notre questionnement. Une revue

littéraire associé à une enquête exploratoire auprès d’un cadre de santé, d’une aide-soignante et

d’une sociologue nous a permis d’apprécier la pertinence de cet objet et de définir sous quel

angle nous voulions aborder ce phénomène social. Nous avions alors tous les éléments pour

définir notre problématique et notre question de recherche. Ainsi, notre cheminement a évolué

vers trois concepts clés : l’identité, la reconnaissance et l’écriture.

L’enquête empirique, menée auprès de neuf aides-soignantes exerçant en service de médecine

et de SSR a permis d’appréhender les deux hypothèses. Afin de pouvoir y répondre nous avons

mené une enquête qualitative en nous appuyant sur des entretiens semi-directifs au sein de deux

services utilisant les transmissions écrites. Ainsi, nous avons apporté des éléments de réponses

et valider nos hypothèses.

L’analyse des entretiens nous a permis d’avoir un nouveau regard sur ce phénomène. Ainsi,

nous avons constaté que la construction identitaire et le besoin de reconnaissance étaient

intimement liés avec un retentissement sur le passage à l’écrit. Nous retrouvons le besoin de se

construire une identité collective afin d’appartenir à l’équipe. Mais, deux des éléments majeurs

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ressortent de cette enquête : le manque de reconnaissance pour leur travail par l’équipe médicale

et le retentissement des représentations sociales pour leur fonction. Cependant pour contrecarrer

ce phénomène elles mettent en avant le « prendre soin ».

Toutefois, nous nous interrogeons sur le sens donné aux transmissions écrites, à la qualité et à

la sécurité des soins car il semble exister un écart entre les recommandations de la HAS et les

pratiques sur le terrain. Lors de notre stage module 4 « fonction d’encadrement », nous avons

pu nous rendre au sein du département d’information médicale d’un centre hospitalier

intercommunal et mesurer l’importance de tracer l’ensemble les soins quel que soit la catégorie

professionnelle. En effet, la mission principale de ce service est d’analyser chaque dossier

patient dans le but de justifier sa prise en charge et de valoriser le séjour afin de répondre au

mode de financement actuel. Lors d’un entretien avec le chef de service, il a conforté l’idée que

les soignants écrivent peu dans les dossiers de soins. En filigrane, si le dossier n’est pas valorisé,

les budgets seront moindres avec un retentissement sur les moyens dans les services et le

sentiment de manque de reconnaissance qui l’accompagne. Nous pouvons nous interroger sur

le manque de connaissance qu’ont les aides-soignantes des enjeux d’une traçabilité exhaustive

du dossier de soins. Ces éléments peuvent également être utilisés pour argumenter l’intérêt et

peuvent renforcer les leviers d’action utilisés par le cadre de santé.

Cette approche d’apprenti chercheur nous a permis d’identifier que tout n’était pas fluide au

sein des services de soins et qu’en tant que future cadre de santé il nous revient la responsabilité

de donner du sens aux transmissions écrites au quotidien avec la recherche constante de la

qualité et la sécurité des soins.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

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Page 93: Les transmissions écrites des aides-soignantes : qu’en est

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Annexe I

Annexe I : Guide d’entretien

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018 – 2019

Annexe I

Guide d’entretien

Thème 1 : Prise de connaissance avec l’AS

Objectifs :

• Appréhender le parcours scolaire et professionnel de l’aide-soignante.

• Identifier les contours de l’identité professionnelle de l’aide-soignante.

Questions :

• Quel est votre parcours scolaire ?

• Avez-vous choisi d’être aide-soignante ? Pourquoi ?

• Quand avez-vous fait votre formation ?

• Quel est votre parcours professionnel ?

• Qu’appréciez-vous quant à l’exercice du métier d’aide-soignante ? Et à l’inverse qu’est-

ce que vous n’appréciez pas ?

• Ressentez-vous un sentiment de fierté quant à l’exercice de cette fonction ?

Thème 2 : L’AS au sein du service

Objectifs :

• Appréhender la place qu’occupe l’aide-soignante au sein de l’équipe.

• Identifier les jeux de reconnaissance entre les aides-soignantes et les différents membres

de l’équipe pluri-professionnelle.

Questions :

• Que diriez-vous de votre place au sein de l’équipe ?

• Vous sentez vous écoutée par vos collègues IDE ? Si oui en quoi, sinon pourquoi ?

• Par le cadre de santé, le médecin … ?

• Vous sentez vous soutenue, reconnue dans votre travail, si oui en quoi et par qui, sinon

pour quoi ?

Question de relance :

• Comment s’organise la communication au sein de votre service entre les différentes

catégories professionnelles ?

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018 – 2019

Annexe II

Thème 3 : Le travail de l’AS

Objectif :

• Identifier où se situe l’aide-soignante entre le travail prescrit et le travail réel.

Questions :

• Comment êtes-vous organisée dans le service ?

• Travaillez-vous en Binôme ?

Questions de relance :

• Comment connaissez-vous les tâches que vous devez réaliser ?

• Pensez-vous avoir des tâches plus « ingrates » que les autres ? Si oui, pouvez-vous me

donner quelques exemples ?

Thème 4 : Les transmissions écrites

Objectifs :

• Apprécier l’utilisation des transmissions écrites au sein d’un service de médecine.

• Appréhender les difficultés que peuvent rencontrer les aides-soignantes quant à

l’utilisation des transmissions écrites.

Questions :

• Comment faites-vous vos transmissions ?

• Quelles seraient vos difficultés dans ces transmissions ?

Questions de relance :

• Pensez-vous que l’ensemble des soins sont retranscrit dans leur intégralité ?

• Est- ce qu’il y a des tâches qui vous semblent plus difficiles à retranscrire que les autres ?

Thème 5 : L’écriture et ses difficultés

Objectifs :

• Identifier les difficultés que peuvent rencontrer les aides-soignantes pour la rédaction

des transmissions écrites.

• Examiner qu’elles peuvent en être les causes.

Questions

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018 – 2019

Annexe III

• Avez-vous été formée à la démarche de soins ? Est-ce que ça vous aide à faire vos

transmissions écrites ? Si oui pourquoi ? Si non pourquoi ?

• Avez-vous eu une formation aux transmissions ciblées ?

• Comment faites-vous les transmissions écrites dans votre service ? Comment sont

organisés les temps de transmissions écrites et orales dans votre service ?

• Trouvez-vous que c’est difficile de faire des transmissions, si oui pourquoi ? Si non,

précisez votre réponse.

Question de relance :

• Quel rapport entretenez-vous avec l’écriture ?

• Pensez-vous que des difficultés d’orthographe, de syntaxe pourraient être un frein à la

rédaction de transmission écrite ? (Question sensible)

• D’après vous qu’est ce qui pourrait empêcher une aide-soignante de retranscrire ses

observations ?

• Ne pensez-vous pas que notre parcours scolaire peut avoir un impact sur nos écrits ?

Thème 6 : Qualité et sécurité des soins

Objectif :

• Apprécier les représentations de l’aide-soignante concernant la qualité et la sécurité des

soins.

Questions :

• Comment concevez-vous vous la qualité et la sécurité des soins dans votre travail ?

• Pensez-vous que les transmissions écrites en font partie ?

Talon identitaire

• Age :

• Sexe :

• Date du diplôme d’État aide-soignante :

• Ancienneté dans le service :

• Niveau d’étude :

• Profession des parents :

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018 – 2019

Annexe IV

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Prénom NOM - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019 Annexe II

Annexe II : Entretien retranscrit

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

Annexe II- I

Entretien avec l’aide-soignante – Élodie

Service de Médecine

Je suis étudiante cadre de santé à l’Institut de formation Sainte Anne à Paris. Pour l’obtention

du diplôme de cadre de santé et pour la validation de mon master je réalise un travail de

recherche autour des transmissions écrites des aides-soignantes. Pour cela je vais vous posez

quelques questions si vous êtes toujours d’accord ?

L’AS Élodie : Je suis toujours d’accord.

Moi : Pouvez-vous me décrire votre parcours scolaire ?

L’AS Élodie : D’accord, tout mon parcours scolaire ?

Moi : Oui.

L’AS Élodie : En fait, moi en sortant de ma troisième j’avais demandé un BEP CSS (brevet

d’études professionnelles carrières sanitaires et sociales) sauf que, comme il n’y avait pas eu

beaucoup de place du coup ça été dans le deuxième choix de mes parents et j’ai fait hôtellerie

en fait. Mes premières études c’est hôtellerie jusqu’au bac pro et après j’ai travaillé dans les

cuisines et je me suis retrouvée une période de chômage donc du coup, c’est là que je me suis

dit qu’il fallait que je me lance à faire ce que je voulais faire dès le début. Du coup, j’ai passé

le concours et j’ai intégré l’école dès la première année de mon concours.

Moi : Depuis que vous êtes diplômée vous avez travaillé dans quel service ?

L’AS Élodie : (Bah) j’ai travaillé en médecine polyvalente.

Moi : Est-ce un métier qui vous plait ?

L’AS Élodie : Oui, j’ai vraiment trouvé ma voie.

Moi : Qu’est-ce qu’il vous plait dans ce métier ?

L’AS Élodie : L’aide à la personne, c’est surtout ça et puis enfin je trouve que dans ce service-

là on voit tellement de choses. On voit beaucoup de choses et ça nous apprend. Enfin, moi

personnellement ça m’apprend un peu plus la vie, en fait. C’est vrai que on voit des choses pas

faciles et du coup c’est là qu’on se dit que la vie vaut d’être vécu, voilà on a besoin de. Et puis

aider les personnes c’est ce que j’aime le plus donc voilà.

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

Annexe II- II

Moi : Que mettez-vous derrière ce mot « aider » ?

L’AS Élodie : (Silence), ah (souffle) je ne saurais pas trop vous dire (bah) peut-être la

gentillesse tout (bah) c’est enfin, ce n’est tellement pas pour moi (bah) moi ça m’apporte

beaucoup mais c’est surtout pour le patient en fait. C’est beaucoup pour eux. (Silence).

Moi : Et à l’inverse est ce qu’il y a des choses que vous appréciez moins dans ce métier ?

L’AS Élodie : Après c’est vrai que comme je suis dans le début de ma carrière, je pense qu’au

début enfin moi pour le moment il n’y a rien qui puisse me faire reculer parce que même on va

dire dans les moments de l’agressivité enfin je n’aime pas ça mais je m’y sens bien encore. Je

ne suis pas encore lassée des inconvénients de ce travail.

Moi : Que diriez-vous de votre place au sein de l’équipe ?

L’AS Élodie : D’aides-soignantes ou au sein de toute l’équipe ?

Moi : Au sein de l’équipe en général ?

L’AS Élodie : Toute l’équipe, (Bah) c’est vrai que dans ce service-là on travaille beaucoup en

binôme, on est beaucoup deux comme la nuit on travaille avec l’infirmière, les changes s’est

avec l’infirmière. Donc moi j’ai tellement bien été accueillie que j’y suis bien. Je trouve qu’on

a de l’entraide en fait que ce soit infirmière ou aide-soignante on a besoin, la personne elle est

là, elle nous aide tout de suite quoi, il y a vraiment de ça ici je trouve (euh) que l’équipe est

bien.

Moi : La journée aussi vous fonctionnez en binôme aide-soignante ?

L’AS Élodie : Non (euh) qu’aide-soignante oui. On est toujours deux. Voilà on est toujours

deux dans un secteur, dans un couloir. Les changes de l’après-midi et les toilettes du matin on

est toujours par deux. Après (bah) il y a des personnes qu’on peut faire tout seul (bah) on se

divise mais les personnes lourdes on est à deux. Toujours.

Moi : Vous vous sentez écoutée par vos collègues aides-soignantes ? infirmières ?

L’AS Élodie : Ouais après on va dire ça va dépendre des collègues, il y a des collègues avec

qui on peut plus parler que des collègues un petit peu moins. Un petit plus on va dire, ça fait

peut-être trop longtemps qui sont là donc du coup ils sont un petit peu plus lassés de peut-être,

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

Annexe II- III

d’entendre toujours la même chose un, je sais mais c’est vrai qu’il y a des collègues c’est plus

facile que d’autres.

Moi : Par la cadre de santé, le médecin vous vous sentez écoutée ?

L’AS Élodie : Le médecin on va dire c’est un peu plus compliqué. Il va dire les aides-soignantes

(euh).

Moi : Pourquoi c’est compliqué ?

L’AS Élodie : Ils vont nous écouter mais en fait (euh) on ne va pas avoir de retour en fait

vraiment. De mon ressenti à moi on est qu’aide-soignante même si eux ils ont quelque chose à

dire, ou quoique ce ne soit jamais, même si on est en train de s’occuper du patient jamais ils ne

vont nous en parler. Ils vont parler à l’infirmière et c’est tout, en fait. Par contre comparer à la

cadre de santé Mme P, franchement rien à dire elle est bien. Enfin, chaque fois où j’ai eu besoin

de parler, après moi je suis quelqu’un d’assez discrète et seule donc du coup je n’ai pas eu mais,

à chaque fois que j’ai eu besoin d’aller la voir j’ai toujours eu un bon retour sans problème.

Moi : Trouvez-vous frustrant le fait que le médecin ne s’adresse pas à vous directement ?

L’AS Élodie : Oui quand même parce que quand même. Même le matin lorsqu’il est dans le

couloir si nous on ne dit pas bonjour jamais il nous dit bonjour. Ça après est-ce que c’est moi

qui le ressens comme ça, parce qu’après, ils arrivent à parler avec les aides-soignantes qui sont

là depuis longtemps. C’est peut-être le temps que ça se fasse on va dire mais, c’est vrai que si

moi je ne vais pas voir un médecin pour quoi que ce soit, je n’ai aucun mot des médecins ici.

Moi : Pensez-vous que cela pourrait être un manque de reconnaissance par rapport à

votre travail ?

L’AS Élodie : (Silence). Je pense que d’un côté oui je pense que d’un côté ça fait comme, (euh)

ça fait comme une patiente qui a besoin de, ou qui a le bassin ou quoi, elle va voir l’infirmière

dans le couloir. (Bah) non elle va dire il faut appeler l’aide-soignante, il a besoin d’enlever un

bassin. Ça va être quelque chose comme ça après ils ne sont pas tous comme ça mais après le

problème c’est qu’ici ça tourne. Là j’espère qu’on a une équipe qui va rester stable mais c’est

vrai que on en a vu. C’est vrai que moi je suis là que depuis juillet et j’en ai vu un petit peu

passer quoi.

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Annexe II- IV

Moi : Trouvez-vous cela frustrant qu’on vous appelle pour mettre le bassin ?

L’AS Élodie : (Bah) oui et non parce qu’on va dire c’est un peu mon rôle mais après je pense

qu’une infirmière peut aussi le faire sans problème. Elle est censée pouvoir le faire. Après il y

en a, elles le font mais il y en a, elles vont t’appeler toi. (Silence).

Moi : Pensez-vous qu’on pourrait qualifier cela de tâches ingrates ?

L’AS Élodie : Oui, ah oui, bassin, emmener aux toilettes, ça c’est des tâches ingrates, changer,

ça c’est les tâches (euh) oui (silence) c’est les tâches. Après ils ne sont pas tous comme ça. Mais

c’est signé aide-soignante, c’est rare quand on va voir quelqu’un. Comme les sonnettes,

(silence) les sonnettes jamais enfin c’est rare qu’on voit une infirmière à la sonnette. Sinon, elle

va y aller mais elle va venir nous chercher pour nous dire (bah) là il faut l’emmener aux toilettes

alors qu’on va dire ça prend deux secondes, après qu’elle la pose et qu’après elle nous dise

(bah) écoute je l’ai mise aux toilettes et qu’après tu oui (bah) il n’y a pas de souci mais non il y

en a certaines qui vont nous appeler pour la mettre aux toilettes, pour alors qu’à la base c’est

son rôle propre.

Moi : Vous pensez que c’est dégradant cette distinction qui peut être faite ?

L’AS Élodie : Il y a certaine fois oui. (Bah) en fait on va le prendre mal. Moi je commence à

connaitre les infirmières et je sais qu’il y en a qui vont t’appeler car malheureusement elles

n’ont pas le temps après je peux comprendre les médicaments, les perfusions tout ça, mais il y

en a elles vont être en salle de pause, une sonnette, elles ne vont jamais répondre, elles ne vont

jamais répondre aux sonnettes donc c’est vrai que c’est un peu dégradant, enfin ça fait mais

bon, c’est le métier (rigole).

Moi : Au sein de cette équipe comment s’organise la communication ?

L’AS Élodie : (Bah) après la communication en gros se passe bien mais je trouve que nous en

tant qu’aide-soignante on n’a pas assez d’informations (euh) encore avant qu’on passe sur

Sillage on était sur feuille on avait encore les dossiers que là, le fait d’être sur ordinateur. Moi

Page 105: Les transmissions écrites des aides-soignantes : qu’en est

Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

Annexe II- V

personnellement, les transmissions du matin ou les transmissions du soir à par dire il a fait pipi,

les selles ont bien été ou quoique ce soit c’est tout. Moi personnellement, c’est frustrant

d’arriver le matin surtout quand j’arrive comme aujourd’hui, je fais 8–20h j’arrive à 8h, il n’y

a pas de transmissions c’est frustrant le fait de se dire on a rien. À chaque fois il faut aller dans

l’ordinateur sur le dossier mais on n’a pas le temps de le faire pour chaque patient donc du coup

pour ça c’est frustrant je trouve qu’il n’y a pas assez de, je pense qu’il y a des transmissions qui

devraient être faites avec les infirmières pour qu’on puisse avoir des informations. Pas tous les

matins, pas tous les soirs parce que ça prendrait trop de temps mais au moins une des deux que

ce soit fait avec les infirmières.

Notre organisation est sectorisée. Chaque matin on a le secteur A ou le secteur B avec le même

nombre de chambres et en fait ça va dépendre si on est là dès le premier matin c’est nous qui

choisissons et si c’est notre deuxième ou troisième jour on garde notre secteur par contre, sur

les jours d’affilées.

Moi : Il y a une infirmière par secteur ?

L’AS Élodie : C’est ça une infirmière par secteur et une infirmière de jour.

Moi : Il n’a pas été fait le choix de faire deux côtés de transmissions, un côté pour le secteur

A et un côté pour le secteur B ?

L’AS Élodie : Non le matin quand on arrive on est 2 à commencer à 7h donc en fait c’est là

avant que les transmissions commencent, on se dit (bah) on prend quel secteur ou on attend que

les transmissions soient terminées et après ils choisissent leur côté. Mais c’est vrai que…

Moi : Est-ce que pendant ces temps vous pouvez intervenir ?

L’AS Élodie : Oui sur ça, ça va ils sont quand même assez. Mais après le problème c’est qu’on

ne peut pas quand on a une collègue en face de nous qui nous dit (bah) tel patient rien à signaler,

rien à signaler. Parce qu’en fait souvent ils sont là (bah) est ce que tu les connais (bah) j’en

connais une partie on va dire bon (bah) elle rien à signaler. Mais tu n’es pas là des fois pendant

une semaine voire trois quatre jours mais sauf qu’il s’est passé des choses. En même temps si

tu connais, qu’on voit c’est qui, ça mais ça, on n’a pas. Moi je trouve qu’on manque

d’informations aux transmissions. Je pense qu’il faut vraiment faire un temps ou que ce soit la

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Annexe II- VI

personne qui arrive de nuit, l’AS qui arrive de nuit elle fasse avec les infirmières comme ça

elles le matin elle nous retransmettent tout.

Moi : Est-ce qu’avant d’aller faire vos soins vous prenez le temps d’aller visualiser le

dossier de soins ?

L’AS Élodie : Non il y a certains matins on ne peut pas. On ne peut pas se permettre en fait tout

dépend des toilettes. Moi j’aime bien aller regarder un petit peu mais le souci c’est qu’en plus

Sillage moi je suis encore en train de …-je sais valider mes soins mais c’est encore compliqué

de. Souvent je vais juste voir la macro cible d’admission : savoir pourquoi il est là ? Mais après

je n’ai pas les autres informations : si ça a changé depuis combien de temps ? Si elle a eu un

arrêt entre-temps enfin tout ça personnellement le matin je ne peux pas prendre le temps en fait

surtout quand on arrive à 8h on ne peut pas prendre le temps.

Moi : Vous évaluez directement avec le patient ?

L’AS Élodie : C’est ça moi j’y vais, je demande j’essaie de voir mais, souvent je me fais

arnaquer parce que le monsieur il me dit qu’il ne marche pas ou alors qu’en fin de compte il va

très bien à la salle de bain, donc. Mais, j’ai compris un peu les astuces : les chatouilles aux pieds

s’il bouge les jambes c’est bon il peut y aller (rigole). Si le patient est dément c’est compliqué,

ça c’est nous qui le constatons pendant notre soin. Après, ça dépend des AS je ne dis pas que

c’est toutes les AS mais on a certaines informations mais après, il y a des informations qu’on a

pas du tout en fait. Ou après, si c’est le travail des infirmières ou les informations du médecin

et sur certaines choses. Après c’est ce que je dis ce n’est pas tout le monde. Nous avons certaines

informations qui vont nous revenir mais à côté de ça il y en a les médecins ils leur disent à eux

point barre, ils ne nous disent pas à nous. Ou même les changements de traitement, un traitement

où il ne faut peut-être pas lever, où il faut faire attention qu’il ne saigne pas. Ça on ne va pas

l’avoir vraiment.

Moi : Après l’infirmière ne vient pas vous redonner l’information ?

L’AS Élodie : Voilà, pas toutes les infirmières.

Moi : Vous pensez que c’est lié à quoi ?

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Annexe II- VII

L’AS Élodie : Le manque de communication et je pense qu’il y a certaines infirmières pour qui

les AS c’est les AS. Eux elles sont passées infirmières, ces infirmières. Après ce n’est pas tout

le monde mais il y en a pour certaine, elles pensent que ça ne va rien nous changer dans les

soins.

Moi : Vous pensez qu’on différencie les grades ?

L’AS Élodie : Oui, il y en a certaine, oui, c’est dommage mais bon c’est comme ça.

Moi : Comment connaissez-vous les tâches que vous devez réaliser ?

L’AS Élodie : (Bah) le matin on y va les yeux fermés, le matin on entre dans une chambre on

essaie de voir avec le patient, après moi je suis quelqu’un de très observatrice. Donc en fin de

compte moi je vais arriver, je vais essayer de regarder tout le monde dans toutes les chambres,

je vais regarder mon ordinateur peut-être quand même. Après moi je regarde quand même mon

ordinateur par rapport aux tâches à faire : toilette au lit ou les changes tout ça, je regarde avant

mais je ne peux pas regarder le dossier tout ça ce n’est pas possible.

Moi : Est-ce que cela est déstabilisant ?

L’AS Élodie : Il y a des matins s’est frustrant. Comme là ce matin, je suis allée dans une

chambre d’un patient il était en refus total. C’est frustrant parce que si je l’avais vu dans le

dossier j’y serai allée autrement en fait. Parce que les soins sont complètement différents avec

quelqu’un qui est dans le refus ou quelqu’un qui… quelqu’un qui a des troubles cognitifs. Les

soins sont complètement différents donc du coup c’est frustrant parce que même si j’essaie d’y

aller j’ai réussi que cet après-midi à le raser mais je n’y serai pas allée de cette façon-là. J’aurai

fait le lit tranquillement je ne l’aurai pas bousculée en disant aller hop monsieur on va se lever

on va faire la toilette.

Moi : Est-ce que cela génère du stress ce manque de visibilité sur votre travail de la

matinée ?

L’AS Élodie : Ah (bah) je pense que oui car il y a des matins, là encore ce matin bon à part ce

monsieur là ça allait mais, c’est vrai qu’il y a des matins c’est frustrant. Alors il y a des matins

je me dis : est-ce que je vais assez vite par rapport à ma collègue aide-soignante parce que moi

qui viens d’arriver dans le service je commence simplement ma carrière donc du coup c’est un

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Annexe II- VIII

peu plus compliqué. Il y a des fois je me dis est ce que je vais assez vite ? est-ce que ? donc du

coup j’essaie d’aller plus vite mais du coup j’ai l’impression de bâcler mon travail donc des fois

c’est un peu stressant.

Moi : Quand vous dites j’ai l’impression de bâcler mon travail qu’est-ce que ça génère

chez vous ?

L’AS Élodie : Moi je ne suis pas bien, moi personnellement je… on va dire toute la journée je

vais tout le temps aller dans la chambre savoir si ça va savoir s’il a besoin de rien. Si (euh),

même si, la sonnette est à côté je vais regarder si j’ai bien remis la sonnette. Parce que en fait

je vais pas bâcler sur mon soin mais je vais bâcler sur (bah) je vais faire vite à faire le lit, je vais

bâcler les transmissions en fait, pas le patient mais tout l’environnement. Je vais retourner

regarder si je n’ai pas laissé un papier, pas laissé (euh). Donc du coup moi pour toute ma

journée, ou même pour le patient je vais me dire est ce que je ne l’ai pas trop bousculé ce matin.

En moi je vais toujours y repenser en fait, toute la journée, jusqu’à ce que je rentre chez moi.

En fait, j’ai le sentiment de me dire je n’ai pas fait l’aide-soignante que je devais faire.

Moi : C’est quoi pour vous une bonne aide-soignante ?

L’AS Élodie : C’est quelqu’un, enfin c’est, c’est bête parce qu’après il y en a avec qui on peut

prendre du temps ça va dépendre, le problème c’est que ça va dépendre du nombre de patients

et des autonomes qu’on a ou pas. Après c’est vrai que pour moi une bonne aide-soignante c’est

quelqu’un qui entre dans la chambre et que lorsqu’elle sort le patient est content, il est bien, il

est bien, il est confortable à sa place. Tu sors, il a le sourire, il est content voilà. Même si le soin

il peut avoir duré que 10 minutes mais, rien qu’il soit bien qu’il soit content qu’il a le petit mot

à dire « vous êtes gentille ». (Bah) là c’est bon je suis contente.

Moi : Comment dans ce service se passe les transmissions écrites ?

L’AS Élodie : (Bah) du coup on fait sur Sillage. Donc du coup à chaque fois on a une traçabilité

de tous nos soins en fait. Quand un patient arrive à son arrivée on met tous les soins là tout de

suite en place et après au fur et à mesure on peut changer en fin de compte. Ça va être une

toilette au lit, dès le premier jour ça va être une toilette au lit parce qu’on attend que le médecin

voit le patient pour pouvoir le lever, pour être sûr que ce soit une toilette au lit après, on ré

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Annexe II- IX

évalue à chaque fois et en fait on a toujours une traçabilité ou on peut mettre un commentaire

dire si on a effectué ou pas effectué et mettre un commentaire.

Moi : Rencontrez-vous des difficultés par rapport à ces transmissions ?

L’AS Élodie : (Silence). On va dire oui et non parce que le souci c’est qu’il y a certains

collègues ils vont effectuer mais ils ne vont pas mettre le petit commentaire (euh) : personne

déstabilisée aujourd’hui, ou personnes perturbées donc du coup pour le lendemain c’est. Et puis

ça le souci c’est qu’il faut toujours recliquer, retourner et puis ça on ne le voit pas, c’est au jour

le jour sur Sillage donc le souci c’est pareil c’est que ça nous prend trop de temps à chaque fois

à aller. Si les personnes ne font pas de cibles nous on n’a rien.

Moi : C'est-à-dire ? Les jours suivants vous ne pouvez plus visualiser les commentaires de

la veille ?

L’AS Élodie : On peut mais c’est toujours trop de temps pour aller voir. C’est ça le problème.

Si on fait ça à tout le monde on ne finit pas les toilettes avant 16 heures quoi.

Moi : Savez-vous qui lit vos transmissions ?

L’AS Élodie : Ça c’est une bonne question, franchement je ne sais même pas s’il y a quelqu’un

vraiment qui lit nos transmissions. (Rigole)

Moi : Qu’est-ce que ça génère ?

L’AS Élodie : (Bah) je ne me suis même pas posé la question de savoir qui lit nos transmissions.

Après il y a certaines infirmières, elles voient nos petits commentaires et nous posent des

questions. Mais je ne sais même pas si vraiment tout le monde lit ce que nous on met pendant

nos toilettes. Après moi je suis quelqu’un qui va tout transmettre oralement de toute façon.

Même tout ce que je mets, avant de le mettre, je vais voir l’infirmière je lui en parle et après

moi je transmets dans l’ordinateur.

Moi : Pourquoi allez-vous voir l’infirmière avant ?

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Annexe II- X

L’AS Élodie : Je veux être sûr qu’elle le voit, je veux son accord. Et je veux savoir s’il y a

quelque chose à mettre en place avant ou pas de pouvoir le mettre comme moi ça me met mon

DAR j’ai tout : ma donnée, mon action et mon résultat. (Rigole). Je suis sûr quand j’ouvre ma

cible comme ça au moins j’ai le problème, la solution, tout mis en place pour mes collègues

d’après c’est plus facile pour eux.

Moi : Est-ce un besoin de le faire valider par l’infirmière ?

L’AS Élodie : Oui c’est un besoin, moi personnellement pour les patients je ne peux pas encore

prendre trop d’initiative, non sur le médical non je ne veux pas.

Moi : Pourquoi ce besoin ?

L’AS Élodie : Je ne voudrais pas, par rapport au patient que ça s’aggrave. Par exemple, comme

des rougeurs ce matin, j’ai une collègue elle est là depuis longtemps donc des rougeurs, fait

voir, elle met « l’Éconazole » en place sans la prescription moi je ne peux pas, dans la

délégation des tâches qui regarde, qui me dise (bah) je prescris. Vous prescrivez et je mets après

même si je dois revenir déshabiller la dame ce n’est pas grave moi je suis obligée d’être sûr

qu’il y ait du monde enfin que ce soit validé, que ce soit ok, qu’il n’y ait pas de problème pour

la patiente.

Moi : Pensez-vous que l’ensemble des soins sont retranscrit dans leur intégralité ?

L’AS Élodie : Non, par exemple on va avoir une toilette au lit. On va valider la toilette au lit

mais on ne va pas dire tout ce qu’on a fait en plus. C’est vrai qu’on valide juste toilette au lit.

Moi : Que faites-vous en plus par exemple ?

L’AS Élodie : (Bah) par exemple : couper les ongles, raser après il y a certains patients où on

le met donc ça on peut le valider ou pas mais coiffer, il y a tellement de choses qu’on fait. Et ça

je pense que c’est dommage que ce ne soit pas écrit quoi.

Moi : Est ce qu’il y a des tâches qui vous semble plus difficile à retranscrire que d’autre ?

L’AS Élodie : Oui, comme quelqu’un qui arrive en incurie totale. On nettoie le vagin, des fois

on est vraiment…C’est des soins un peu plus, je vais passer au dakin, je vais faire la béta en

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Annexe II- XI

premier, et je vais passer le dakin parce que. Mais tout ça je ne me voie pas le marquer :

« nettoyer vagin dakin ».

Moi : Qu’est-ce qui vous gêne ?

L’AS Élodie : (Bah) c’est plus pour la patiente, je suis plus mal à l’aise pour la patiente.

Moi : Pourquoi ?

L’AS Élodie : Par rapport au regard de mes collègues envers la patiente, moi je sais que je n’ai

pas de jugement mais je sais qu’il y en a certaine elles vont voir ça. Ah (bah) « regarde (bah)

elle on l’a retrouvé, tu verrais de la mayo » donc c’est moi c’est plus par rapport à la patiente.

Moi : Vous parlez de jugement, ce jugement vous inquiète ? Vous faits peur ?

L’AS Élodie : (Bah) un peu des deux, moi j’ai peur du jugement enfin on va dire déjà rien que

le jugement envers la patiente. C’est vrai que quand tu es jugée enfin même si on ne le montre

pas sur nous, la patiente elle le ressent. Il y a quelque chose, il y a quelque chose qui a été dit,

enfin et même moi mon travail : ah (bah) l’autre (baisse d’un ton, le chuchote presque) elle a

mis du « dakin » (bah) oui mais il y a des fois on est obligée. « tu sais si la toilette avait été bien

faite le jour d’avant elle aurait vu ». Enfin c’est des choses toutes bêtes. Comme il y a des fois

on va faire une toilette debout (bah) c’est vrai que forcément on ne va pas bien voir et là le

lendemain la patiente elle n’était pas bien donc on a fait la toilette au lit donc là on a vu, mais

rien que le jugement (bah). « Hier c’est quand même elle qui l’a faite elle n’a pas vu ça ».

Moi : Ça, ça vous fait peur ?

L’AS Élodie : Oui.

Moi : Ça vous freine pour faire vos transmissions ?

L’AS Élodie : Un peu, il y a certaines transmissions c’est un peu plus gênant.

Moi : Alors du coup comment faites-vous ?

L’AS Élodie : Pour le patient, moi je mets tout au propre on va dire, pour la patiente je mets

tout au propre et puis (bah) voilà je dis bon (bah) : la toilette intime c’est moi l’ai faite elle a

été faite au lit mais je ne rentre pas dans les détails. Ou même pour mes collègues d’avant ça

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Annexe II- XII

peut arriver, il y en a certaine, ça leur est arrivé mais que « (bah) oui (bah) l’autre elle a pas fait,

tu as vu hier c’est elle qui s’en est occupée, elle a pas fait… » c’est un monde de filles donc

c’est compliqué.

Moi : Vous pensez que ce jugement vient plutôt de vos collègues AS ou de vos collègues

infirmières ?

L’AS Élodie : On va dire un peu des deux, ouais, ouais. Parce qu’il y a des infirmières aussi

c’est. Où nous on vient de poser, on est en salle de pause. Elles répondent à une sonnette limite

elles vont nous dire : « toute la journée j’ai répondu à vos sonnettes ». Tu as répondu à deux

sonnettes quoi. Rien que des fois c’est. Même pour nous on va dire c’est quand même un

jugement de te dire ah (bah) tu étais en salle de pause tu n’es pas allé à la sonnette quoi. C’est

vrai que des fois c’est frustrant.

Moi : Avez-vous la sensation qu’elle ne reconnaisse pas votre travail ?

L’AS Élodie : Oui, (bah) le truc que je ne comprends pas c’est que c’est plus celle qui était AS

avant qui sont devenues infirmière qui sont plus à nous juger, que les infirmières qui ont fait

juste infirmière c’est à dire qui n’ont pas été AS. Donc du coup c’est un peu plus compliqué.

Moi : Pensez-vous que les soins relationnels sont pas difficiles à retranscrire ?

L’AS Élodie : (Silence). Si c’est compliqué, c’est vrai le relationnel qu’on peut avoir avec

l’équipe ou avec les patients c’est compliqué, parce que nous on va entendre aux transmissions :

« lui il n’est pas possible alors qu’avec nous tout passe très bien ». Moi je ne me vois pas dire

à ma collègue ah (bah) « non moi c’est comme une lettre à la poste, je lui dis d’aller à la salle

de bain, il va à la salle de bain » parce qu’après ça peut être frustrant pour ma collègue. (Bah)

ça moi je ne veux pas en fait je ne veux pas qu’elle ait ce retour :(bah) « lui c’est à ma tête qu’il

ne m’aime pas alors du coup ». Non je ne veux pas. C’est comme le relationnel, après ça va

moi je m’entends avec toute l’équipe. Moi, je suis une personne très observatrice donc du coup

je regarde je ne dis rien mais après moi je suis ouverte à toute l’équipe donc je n’ai vraiment

pas de souci. Mais le relationnel dans l’équipe des fois. Voilà quoi s’est compliqué. (Silence)

Moi : Arrivez-vous à retranscrire le relationnel que vous avez vous avec le patient ?

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Annexe II- XIII

L’AS Élodie : (Bah) après ça va dépendre de quel patient dont on va parler, il y a des patients

oui je vais réussir et il y a des patients pour qui je ne veux pas. Donc je ne dis rien, je dis oui

d’accord, je laisse ma collègue faire la transmission (Rigole).

Qu’est-ce qui vous freine à ce moment là pour faire votre transmission ?

L’AS Élodie : Peut-être le regard de mes collègues, oui, oui, j’ai un peu de, (silence), oui le

regard de mes collègues j’ai encore un peu de mal en sachant que je suis jeune diplômée. Je

n’ai peut-être pas encore l’œil sur tout donc ouais c’est ça. Leur jugement c’est important.

Moi : Pensez-vous que cela est difficile de retranscrire les émotions ?

L’AS Élodie : Si c’est compliqué, moi ici je ne laisse rien paraître. C’est mon travail. Je viens

ici je fais mon travail et après je rentre à la maison. Là je parle de certaines choses que j’ai pu

voir ou quoi mais ici non ici je reste l’AS c’est tout.

Moi : C’est une protection ?

L’AS Élodie : Je pense, je pense qu’il faut.

Moi : Avez-vous été formée à la DDS ?

L’AS Élodie : Oui en formation AS.

Moi : Avez-vous été formée aux transmissions ciblées ?

L’AS Élodie : Oui.

Moi : Depuis votre diplôme avez-vous suivi une nouvelle formation concernant les

transmissions ciblées ?

L’AS Élodie : Non, c’était simplement en formation initiale.

Moi : Est-ce que c’est difficile pour vous de passer à l’écrit ?

L’AS Élodie : L’écrit oui, c’est un peu plus compliqué que l’oral. L’oral on a notre façon de

parler même si c’est avec l’équipe, comme on connaît l’infirmière on va parler familier mais

un peu plus simple. Alors qu’à l’écrit, il faut trouver les mots. C’est un peu plus compliqué pour

que ce soit vraiment diplomate ou que ce soit un problème avec un patient qui s’est passé. Voilà

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Annexe II- XIV

on sait que ça va être répété à la famille où en fait pour le mettre dans notre ordinateur je trouve

pour moi encore, c’est encore un petit peu plus compliqué vraiment de m’exprimer à l’écrit.

J’ai plus de mal à l’écrit qu’à l’oral.

Moi : Le choix des mots ?

L’AS Élodie : C’est ça le choix des mots parce qu’on veut tellement que ce soit professionnel

que en fait des fois ces certains mots qui nous manque où souvent on va faire une phrase et il

va y avoir trois fois le même mot et du coup on va essayer de trouver un synonyme, c’est ça en

fait.

Moi : Pensez-vous que le fait de chercher les bons mots, comment on doit l’écrire ça peut

être un frein à la réalisation des transmissions écrites ?

L’AS Élodie : (Bah) après moi ça, ça ne m’empêche pas de faire des transmissions mais,

certaine oui. J’ai certaines collègues qui font aucunes transmissions écrites, aucunes, mais moi

non. Moi on va dire je m’en fou que mes collègues, si je dis (bah) écoute je ne sais pas comment

dire sur ça je prends du recul, je vais voir mes collègues je dis (bah) écoute je ne sais pas

comment dire, comment tu dirais toi. Je n’ai pas honte à aller demander de l’aide à mes

collègues sur ça pour faire ma transmission écrite.

Moi : Quel rapport entretenez-vous avec l’écrire ?

L’AS Élodie : Oh là, (rigole)

On va dire ce n’est pas une grande histoire d’amour. Moi je fais beaucoup des fautes. Donc du

coup ça, ça me freine un peu. J’ai toujours ma petite collègue qui est sur mon épaule, elle me

dit « i » un « s ». Donc du coup comme je veux faire quelque chose de professionnel, je ne veux

pas marquer avec des fautes tout le temps, je demande. Souvent je dis à ma collègue (bah)

regarde, elle regarde.

Moi : Ça vous complexe ?

L’AS Élodie : Non, non pas particulièrement.

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Annexe II- XV

Moi : Pensez-vous que ces difficultés d’orthographes, de syntaxe pourraient empêcher vos

collègues de faire des transmissions écrites ?

L’AS Élodie : Je pense que certaine en fait le problème, c’est que il y a on va dire, on va faire

une faute, il y a des moqueries derrière même si c’est pas méchant mais ça va être : « oh regarde

comment tu as écrit ton mot », une fois que c’est fait c’est fait et moi j’ai déjà vu des collègues

rigoler sur une autre collègue qui a écrit même si elle a écrit à sa façon mais, non ça va pas donc

je pense qu’il y a certaines collègues oui ça les freine.

Moi : Pensez-vous que le parcours scolaire peut avoir un impact sur les écrits ?

L’AS Élodie : Oui parce que je pense que c’est par exemple, quand on va passer un examen il

y a toujours le français et le français (bah) c’est bien mais si tu fais des fautes d’orthographe

(bah) tu perds des points et des points. Du coup je pense que ça freine certain à faire plus que

ce qu’ils veulent en fait.

Moi : Comment concevez-vous la qualité et la sécurité des soins ?

L’AS Élodie : Après je pense que la qualité c’est être au plus près du patient, si le patient me

demande juste le torse et les aisselles (bah) moi mon travail de qualité ce n’est pas de me dire

je l’ai décapé de la tête au pied c’est de me dire que j’ai fait ce que lui voulais et qu’il lui se

sente bien comme ça, c’est comme ça. C’est ça, moi je pense la qualité de mon travail c’est que

mon patient il ne soit pas décapé de. Après certaine fois on est obligé. Mais un patient qui est

là et qui me dit aujourd’hui je ne suis pas très bien (euh) j’aimerais que vous me fassiez la

toilette intime, le torse mais vous me faite pas le dos aujourd’hui ou pas les pieds. (Bah) moi la

qualité de mon travail c’est de me dire que vraiment j’ai fait ce que lui il voulait il est bien et

voilà c’est ça la qualité de mon travail.

Moi : Et la sécurité ?

L’AS Élodie : La sécurité c’est faire attention à mon patient et à mon dos surtout.

Moi : Pensez-vous que les transmissions écrites font partie de la qualité et de la sécurité

des soins ?

L’AS Élodie : Oui ça fait comme, je reviens au même chose le monsieur de ce matin, c’est un

monsieur qui est arrivé très agressif il a été dé contorsionné sur plusieurs jours. Là il est dé

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Anne-Sophie ENOS - Mémoire de l'IFCS Sainte-Anne - Paris 2018– 2019

Annexe II- XVI

contorsionné il n’a plus la contention sauf que ce matin moi j’y suis allée et j’ai dit : « allez hop

on y va on va à la douche ». Sauf qu’on m’aurait dit que ce patient était dans le refus j’y serais

allée en douceur. Moi je n’ai pas insisté mais il y en a qu’insiste. Il serait capable de frapper et

là il n’y a plus de sécurité.

Moi : merci pour ce temps que vous m’avez accordé. Avez-vous des choses à rajouter ?

L’AS Élodie : Non

Talon identitaire :

Age : 28 ans

Date du diplôme : 2018

Niveau d’étude : BAC pro hôtellerie

Profession du père : décédé quand elle était petite

Profession de la mère : ouvrière

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ENOS Anne-Sophie Rogers

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé

et du master (1ère année) « économie sociale et solidaire santé et médico-social »

Les transmissions écrites des aides-soignantes : qu’en est-il ?

Sous la direction de : Christine Philip

Institut de formation des cadres de santé Ile de France – Sainte Anne Université Paris Est Marne la Vallée

Résumé :

Les transmissions écrites sont vectrices d’informations essentielles pour assurer la qualité et

la sécurité des soins. Cette écriture professionnelle fait dorénavant partie intégrante du travail

de l’aide-soignante. Pourtant, cette activité n’est pas investie de manière efficiente par cette

catégorie professionnelle.

Plusieurs aspects concourent à expliquer cela : l’histoire des aides-soignantes, la

reconnaissance, l’identité et leur rapport à l’écrit. Une enquête exploratoire confirmant notre

constat a permis d’identifier une question de recherche : en quoi, le rapport à l’écriture des

aides-soignantes peut-il avoir un impact sur la qualité et la sécurité des soins ?

Une enquête empirique sous forme d’entretien semi-directif de neuf aides-soignantes de

terrain confrontée à une approche théorique et conceptuelle permet de mettre en exergue que

la construction identitaire et le besoin de reconnaissance sont liés se répercutant sur le passage

à l’écrit. Ainsi, l’origine sociale, le parcours scolaire et professionnel sont des freins au passage

à l’écrit. Celles-ci sont renforcées par le retentissement des représentations sociales sur le

passage à l’écrit des tâches dites « ingrates ».

Mots clés (thésaurus BDSP) : Aide-soignante, Transmission écrite, Identité, Reconnaissance, Écriture, Représentation sociale, Qualité et sécurité des soins

<saisissez vos mots clés>

L'Institut de Formation des Cadres de Santé de Sainte-Anne (Paris) n'entend donner aucune approbation ni

improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs

auteurs.