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Les voies de recours ordinaires : Il arrive parfois que certaines décisions de justice soient entachées d’erreur ou d’injustice, ou encore c’est le plaideur lui- même qui n’est pas satisfait de ces décisions. Pour une meilleure garantie de justice, il existe plusieurs voies de recours qui permettent au plaideur ou aux justiciables de contester ou remettre en cause les décisions de justice rendues, qu’elles émanent d’une juridiction de premier degré, ou de second degré. Ces voies de recours se divisent en deux sortes : les voies de recours ordinaires, et les voies de recours extraordinaires. Notre exposé traitera simplement des voies de recours ordinaires. Quelles sont donc alors ces voies de recours ordinaires ? quand est-il possible d’y accéder ? comment se déroule la procédure ? Pour répondre à toutes ces questions, nous verrons séparément l’opposition, qui est la première voie de recours ordinaire, pour 1

Les Voies de Recours Ordinaires

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Page 1: Les Voies de Recours Ordinaires

Les voies de recours ordinaires   :

Il arrive parfois que certaines décisions de justice soient entachées d’erreur ou d’injustice, ou encore c’est le plaideur lui-même qui n’est pas satisfait de ces décisions. Pour une meilleure garantie de justice, il existe plusieurs voies de recours qui permettent au plaideur ou aux justiciables de contester ou remettre en cause les décisions de justice rendues, qu’elles émanent d’une juridiction de premier degré, ou de second degré. Ces voies de recours se divisent en deux sortes : les voies de recours ordinaires, et les voies de recours extraordinaires. Notre exposé traitera simplement des voies de recours ordinaires. Quelles sont donc alors ces voies de recours ordinaires ? quand est-il possible d’y accéder ? comment se déroule la procédure ? Pour répondre à toutes ces questions, nous verrons séparément l’opposition, qui est la première voie de recours ordinaire, pour ensuite enchaîner et finir avec l’appel, la seconde voie de recours.

I/ L’opposition :

C’est une voie de recours ordinaire dirigée contre les jugements par défaut. C’est aussi une voie de recours de rétraction : on demande au tribunal de revenir sur son propre jugement. On remet en question devant le même tribunal ou le même juge les points jugés par défaut pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. Nous verrons donc ses conditions et ses effets.

a) Les conditions de l’opposition :1-Les jugements susceptibles d’opposition

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En principe, les voies de recours ordinaires sont ouvertes à tous les plaideurs. Mais en ce qui concerne l’opposition, nous verrons qu’elle obéit à certaines règles.

Les exceptions : d’abord, l’article 130 du C.P.C stipule que « : Les jugements par défaut du tribunal de première instance, mais seulement lorsqu'ils ne sont pas susceptibles d'appel, peuvent être attaqués par voie d'opposition …». Donc, ce n’est que lorsque l’appel est écarté que le plaideur peut recourir à l’opposition. Le plaideur ne peut donc former d’opposition que lorsque les intérêts mis en jeu sont inférieurs à 3.000dh.L’opposition est aussi écartée :

devant les juridictions communales et d’arrondissement à l’encontre des arrêts de la Cour Suprême. à l’encontre des ordonnances de référé ou sur requête, des

ordonnances d’injonction de payer ou celles rendues en matière de baux commerciaux.

Contre les jugements rendus en matière d’immatriculation foncière

Finalement : le principe d’après lequel « opposition sur opposition ne vaut » persiste toujours. La partie opposante qui fait l’objet d’un nouveau jugement par défaut, n’est pas reçue à former une nouvelle opposition.

2-les délais d’opposition :

Les formes de l’opposition :o L’opposition est formée soit par moyen d’une requête

écrite similaire à celle prévue pour l’introduction des instances, soit par voie de déclaration orale consignée dans un procès-verbal établi par le greffe du tribunal compétent.

o Mais la voie orale n’est pas toujours admise, en l’occurrence lorsque la procédure suivie devant le tribunal de première instance est écrite. Cela est aussi valable contre les arrêts de la Cour d’appel.

D’après l’article 130 du C.P.C, le délai de l’opposition est de 10 jours seulement, alors qu’il est de 15 jours pour l’autre forme de

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voie ordinaire qui est l’appel. Malheureusement, ce délais n’est pas triplé comme l’est celui de l’appel pour les parties qui n’ont ni domicile ni résidence au Maroc.

b) Les effets de l’opposition :

L’opposition produit deux effets : un effet suspensif et un effet de rétraction.

1-l’effet suspensif :

Comme les voies de recours ordinaire, l’article 132 du C.P.C stipule que : « L'opposition suspend l'exécution à moins qu'il n'en ait été ordonné autrement par le jugement qui a statué par défaut ». Le délai d’opposition comme la formation de ce recours suspendent l’exécution, sauf si cette décision est dotée de l’exécution provisoire. Le même article stipule que : « si la partie condamnée en fait la demande, la chambre du conseil statue préalablement sur la défense à exécution provisoire en se conformant aux dispositions de I'article 147 ». C'est-à-dire comme pour l’appel. Rappelons juste que la «la chambre du conseil » dont il est question doit obligatoirement être une chambre collégiale.

Si l’exécution est suspendue, le jugement n’en est pas moins anéantit : si l’opposition est rejetée, les actes qui auraient été faits antérieurement en exécution du jugement resteront valables.

2-l’effet de rétractation :

Contrairement à l’appel qui est formé devant une juridiction supérieure, l’opposition fait revenir le procès devant la même juridiction ou le même juge qui a rendu la décision défaut.

Quelle que soit la personne qui a recourt à l’opposition, celui qui était défendeur garde son rôle de défendeur, même s’il est opposant. Les parties conservent donc leur rôle primitif, c’est la première instance qui continue.

c) La procédure :

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Les formes de l’opposition :o L’opposition est formée soit par moyen d’une requête

écrite similaire à celle prévue pour l’introduction des instances, soit par voie de déclaration orale consignée dans un procès-verbal établi par le greffe du tribunal compétent.

o Mais la voie orale n’est pas toujours admise, en l’occurrence lorsque la procédure suivie devant le tribunal de première instance est écrite. Cela est aussi valable contre les arrêts de la Cour d’appel.

Le tribunal statue sur la recevabilité de l’opposition : si l’opposant a respecté les formes et les délais,

Ensuite le tribunal statue sur le fond, c'est-à-dire sur les prétentions des parties.

En cas d’échec de l’opposant, ce dernier est débouté de son opposition (sa demande en justice est refusée).

En cas de réussite de l’opposant, c'est-à-dire si son opposition est acceptée, c’est le second jugement, ou le jugement rétractant, qui anéantit le premier jugement, ou le jugement frappé d’opposition. Plus clairement, c’est le jugement rendu sur opposition qui anéantit le jugement par défaut ou bien il y apporte juste des modifications.

II/ L’appel :

L’appel est une voie de réformation qui est introduite devant une juridiction hiérarchiquement supérieure à celle qui a rendu le jugement attaqué. On donne cependant une seconde chance aux plaideurs pour faire juger leur affaire. La règle du double degré de juridiction est, pour le plaideur, une garantie de bonne justice : on réduit les risques d’erreur ou d’arbitraire. Il existe deux sortes d’appel : l’appel principal, formé le premier par l’appelant, et l’appel incident, qui est formé par le défendeur à l’appel principal, ou intimé, contre le jugement déjà attaqué par l’appel.On étudiera progressivement les conditions d’appel, les effets de l’appel et enfin l’instance d’appel.

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a) Les conditions de l’appel :1-les jugements susceptibles d’appel :

L’article 134 du C.P.C qui dispose que : « L'appel est de droit dans tous les cas qui ne sont pas formellement exceptés par la loi ». Le principe est donc que toute décision judiciaire est susceptible d’appel, il faut un texte législatif pour l’écarter.

Si l’appel est un droit, il n’en demeure pas moins que quelques exceptions existent. L’appel est écarté dans les conditions suivantes :o A l’égard des affaires de faible importance comme les

sentences prononcées par les tribunaux communaux et d’arrondissement, et des jugements rendus en premier et dernier ressort par le tribunal de première instance jusqu’à valeur de 3.000 dh,

o Du fait de la nature de certaines affaires comme les ordonnances sur ordonnance de taxe d’un expert, les jugements sur contestations relatives aux indemnités temporaires en matière de réparation d’accident de travail, les relatifs à des contestations sur les voies d’exécution,

o Les jugements d’avant dire droit.

2-qui peut appeler contre qui ?

L’appelant : il faut 3 conditions pour être appelant :o Avoir été partie ou représenté au procès en première

instance,o Avoir intérêt à faire appel : l’appelant a succombé sur un

point en première instance,o Avoir capacité pour faire appel : c’est la même capacité

que pour introduire une nouvelle demande.

L’intimé : c’est toute personne qui a été l’adversaire de l’appelant à la première instance, comme partie principale ou intervenante, et qui bénéficie du jugement à entreprendre par voie d’appel. L’intimé peut renoncer à ce recours soit en laissant

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courir le délai d’appel, soit en le précisant dans un acte écrit. Mais elle ne peut être faite avant la naissance du litige. D’un autre côté, l’acquiescement au jugement comporte renonciation aux voies de recours.

3-le délai d’appel :

Le délai d’appel principal est de :o 30 jours, o 15 jours pour les ordonnances de référé, sur requête, pour

les jugements statuant sur les actions en faillite ou nées de la faillite ou s’y attachant nécessairement.

o Le délai d’appel principal est triplé pour les personnes qui n’ont ni domicile ni résidence au Maroc

le délai de comparution est de :o 2 mois si la partie convoquée demeure en Algérie, Tunisie

ou en Europe,o 3 mois pour ceux résident dans un autre Etat Africain, en

Asie ou en Amérique, o 4 mois pour ceux qui demeurent en Océanie.

L’appel incident peut être formé en tout état de cause. Il en est de même de l’appel provoqué, c’est-à-dire de celui qui émane, sur l’appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne même intimée ayant été partie en première instance. Mais l’appel provoqué ne peut, en aucun cas, retarder la solution de l’appel principal.

b) Les effets de l’appel : 1-effet suspensif :

Comme l’opposition, l’appel suspend l’exécution. C’est ce qui ressort de l’article 134 du C.PC : « Le délai d'appel et l'appel interjeté dans le délai légal sont suspensifs, à moins que l'exécution provisoire n'ait été ordonnée … ». C’est dire que le tribunal de première instance peut ordonner l’exécution provisoire de son jugement nonobstant appel. Si ce cas existe, l’appelant admis à former

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une défense à exécution provisoire devant la juridiction d’appel ou saisir le premier président, vu que c’est un juge des référés.

2- effet dévolutif : L’ensemble du dossier de l’affaire est soumis à la Cour d’appel

qui est appelée à l’apprécier sous tous ses aspects, en reprenant l’examen à la fois des questions de droit et des questions de fait.

Cet effet dévolutif connaît des limites : le rôle de la Cour d’appel se limite à examiner les dispositions du jugement qui sont contestées par l’appelant : « Il n’est dévolu qu’autant qu’il est appelé »

c) L’instance d’appel :1-procédure devant la Cour d’appel :

La formation de l’appel : o contrairement au tribunal de première instance qui permet

la le procédé de la déclaration, l’introduction de l’instance en appel est toujours une requête écrite. Elle doit contenir les informations nécessaires et les pièces justificatives contenues dans le dossier ou la requête.

o La formation de l’appel se fait devant le tribunal de premier degré dont le jugement est attaqué. Cet appel se fait près du greffe qui le note dans un registre spécial. Une copie de la requête est délivrée à l’appelant portant le timbre du greffe, ce qui prouve le respect des délais d’appel. Le transfert de cette requête vers la juridiction supérieure est sans frais, mais l’appelant doit s’acquitter des taxes judiciaires avant la fin du délai d’appel.

La constitution d’un avocat : l’appelant doit en principe constituer un défenseur. Vaut mieux se référer aux avocats qui connaissent mieux les points de droit. Mais il arrive que l’appelant demande au premier président d’ester lui-même en justice, ce dernier accepte généralement.

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L’instruction du procès :o Le rôle du conseiller rapporteur : c’est le premier président

qui désigne la chambre devant laquelle l’affaire sera portée. Cette chambre est forcément collégiale. Ensuite, l’instruction est suivie par un conseiller rapporteur, un magistrat, qui veille au déroulement loyal de la procédure. Lorsque l’instruction est complétée ou les délais de fourniture des réponses est expirée, le conseiller rapporteur se dessaisie de l’affaire et fixe la date de l’audience. Il prend donc une ordonnance de clôture ou de dessaisissement.

L’arrêt de la Cour : o Comme vu précédemment pour l’opposition, la Cour

d’appel statue d’abord sur la recevabilité de l’appel.o Ensuite, lorsque l’appel est recevable, la Cour statue sur le

fond. Elle peut confirmer ou infirmer, en tout ou en partie, la décision des premiers juges.

o L’appel ne préjudicie pas à son auteur.

L’exécution de l’arrêt : la Cour d’appel n’ayant pas de bureau des exécutions, c’est le tribunal de première instance qui s’en chargera. Mais l’exécution des arrêts de la Cour lui appartient lorsqu’elle infirme le jugement entrepris devant elle. Elle peut aussi déléguer cette tâche à une juridiction de premier degré.

2-procédure devant le premier président :

Ce haut magistrat peut dans tous les cas d’urgence ordonner en référé au cours de l’instance d’appel, toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut également ordonner l’exécution provisoire, il peut aussi l’arrêter dans certains cas quand elle a été ordonnée en première instance.

Sa saisine n’est régulière que si les demandes qui lui sont soumises sont liées à un appel interjeté dans la même affaire.

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Quant à la procédure, elle est relativement simple et rapide. Ce sont les mêmes dispositions relatives au référé devant le tribunal de première instance qui sont appliquées.

Driss BOUSSIF

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