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Article original Influence de l’espèce et de la saison sur la dégradabilité de l’azote des fourrages verts dans le rumen P Le Goffe 1 R Vérité JL Peyraud 2 H Hétault, M Texier 2 1 ENSAR, 65, rue de Saint-Brieuc, 35042 Rennes Cedex; 2 INRA, station de recherches sur la vache laitière, 35590 Saint-Gilles, France (Reçu le 29 novembre 1991; accepté le 21 août 1992) Résumé — La dégradabilité de l’azote (N) dans le rumen a été étudiée chez 9 plantes fourragères (4 ray-grass, 2 fétuques, 1 dactyle, 1 trèfle violet, 1 luzeme) au cours de 4 saisons (printemps pré- coce et tardif, juillet, septembre), en utilisant la méthode des sachets de nylon; 31 fourrages ont ainsi été récoltés à un stade précoce, entre le 3 avril et le 27 septembre, puis lyophilisés et broyés à la grille de 1,5 mm. La dégradabilité in vitro de N (solubilité, fermentescibilité) et la composition chi- mique (matière sèche, N total, parois, N des parois) ont également été mesurées. La dégradabilité théorique de N en sachets de nylon (DTN avec un taux de passage de 0,06 h- 1 ) varie peu selon l’es- pèce (80-86%). Cependant, des différences notables existent quant à la valeur de la fraction rapide- ment dégradée (élevée chez la luzeme et faible au contraire chez le trèfle violet et le dactyle); ces écarts s’expliqueraient par les variations de la proportion d’azote sous forme non protéique, connues par ailleurs. La vitesse de dégradation de la fraction lentement dégradable est également faible chez le dactyle, probablement en relation avec des parois plus importantes et plus lignifiées, de sorte que sa DTN est la plus faible. DTN présente une évolution saisonnière : maximum au printemps (87%), minimum en été (80%) et remontée à l’automne (82%); ces variations pourraient être en partie in- duites par la température moyenne pendant la pousse, qui agit notamment sur la lignification des parois. fourrage vert 1 azote 1 rumen 1 dégradabilité 1 sachet Summary — Influence of herbage species and harvest season on the rumen degradability of fresh forage nitrogen. Rumen degradability of feed nitrogen (N) was studied in 9 herbage plants (4 rye-grasses, 2 lescues, I cocksfoot, 1 red clover, 1 luceme) at 4 seasons (early and late spring, summer (July), autumn (September)), using the nylon bag technique. Thirty-one forages were har- vested at an early stage of maturity, between the April 3 and September 27, then freeze-dried and milled through a 1.5-mm screen. In vitro degradabilty (solubility and microbial fermentation) and chemical composition were also measured. Theoretical rumen degradability (TDN) of feed N in situ (TDN with outflow rate of 0.06 tr- 1 ) showed only limited variations between herbage species (86,80 ° l). However, noticeable differences were

l’espèce saison dégradabilité fourrages

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Page 1: l’espèce saison dégradabilité fourrages

Article original

Influence de l’espèce et de la saisonsur la dégradabilité de l’azote des fourrages verts

dans le rumen

P Le Goffe 1 R Vérité JL Peyraud 2

H Hétault, M Texier 2

1 ENSAR, 65, rue de Saint-Brieuc, 35042 Rennes Cedex;2 INRA, station de recherches sur la vache laitière, 35590 Saint-Gilles, France

(Reçu le 29 novembre 1991; accepté le 21 août 1992)

Résumé — La dégradabilité de l’azote (N) dans le rumen a été étudiée chez 9 plantes fourragères(4 ray-grass, 2 fétuques, 1 dactyle, 1 trèfle violet, 1 luzeme) au cours de 4 saisons (printemps pré-coce et tardif, juillet, septembre), en utilisant la méthode des sachets de nylon; 31 fourrages ontainsi été récoltés à un stade précoce, entre le 3 avril et le 27 septembre, puis lyophilisés et broyés àla grille de 1,5 mm. La dégradabilité in vitro de N (solubilité, fermentescibilité) et la composition chi-mique (matière sèche, N total, parois, N des parois) ont également été mesurées. La dégradabilitéthéorique de N en sachets de nylon (DTN avec un taux de passage de 0,06 h-1) varie peu selon l’es-pèce (80-86%). Cependant, des différences notables existent quant à la valeur de la fraction rapide-ment dégradée (élevée chez la luzeme et faible au contraire chez le trèfle violet et le dactyle); cesécarts s’expliqueraient par les variations de la proportion d’azote sous forme non protéique, connuespar ailleurs. La vitesse de dégradation de la fraction lentement dégradable est également faible chezle dactyle, probablement en relation avec des parois plus importantes et plus lignifiées, de sorte quesa DTN est la plus faible. DTN présente une évolution saisonnière : maximum au printemps (87%),minimum en été (80%) et remontée à l’automne (82%); ces variations pourraient être en partie in-duites par la température moyenne pendant la pousse, qui agit notamment sur la lignification desparois.

fourrage vert 1 azote 1 rumen 1 dégradabilité 1 sachet

Summary — Influence of herbage species and harvest season on the rumen degradability offresh forage nitrogen. Rumen degradability of feed nitrogen (N) was studied in 9 herbage plants (4rye-grasses, 2 lescues, I cocksfoot, 1 red clover, 1 luceme) at 4 seasons (early and late spring,summer (July), autumn (September)), using the nylon bag technique. Thirty-one forages were har-vested at an early stage of maturity, between the April 3 and September 27, then freeze-dried andmilled through a 1.5-mm screen. In vitro degradabilty (solubility and microbial fermentation) andchemical composition were also measured.Theoretical rumen degradability (TDN) of feed N in situ (TDN with outflow rate of 0.06 tr-1) showedonly limited variations between herbage species (86,80°l). However, noticeable differences were

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evidenced in the rapidly degradable fraction (higher with lucerne, and weaker with red clover andcocksfoot), which could have resulted from variations in the proportion of N in non proteic form. Therate of degradation of cocksfoot N was also low, in relation with higher and more lignified cell walls, in-ducing minimal TDN for cocks foot. TDN exhibited a seasonal change, probably partially related totemperature which could have influenced cell wall lignification: TDN was maximum in spring (8T!),minimum in July (80%) and increased again in September (82%).

herbage / nitrogen / rumen / degradability / nylon bag

INTRODUCTION

L’influence de l’espèce et de la saison surla composition chimique, la digestibilité etl’ingestibilité des fourrages verts, a été lar-gement étudiée (Demarquilly et Weiss,1970; Demarquilly et Jarrige, 1973; De-marquilly, 1982a). En revanche, l’effet deces facteurs sur la dégradabilité des four-rages verts dans le rumen a fait l’objetd’expériences peu nombreuses, réaliséessur des populations limitées de fourrages,et relati iement disparates quant à la na-ture du test de dégradabilité utilisé. Le

manque d’informations concerne la dégra-dabilité de l’azote et la teneur en matièresazotées non dégradables, mais égale-ment l’équilibre avec la dégradabilité desautres constituants, notamment les glu-cides.

L’objectif de notre travail était d’ac-croître les connaissances sur les varia-tions de la dégradabilité ruminale des

fourrages verts en fonction de l’espèce etde la saison, et de proposer des hypo-thèses d’explication de ces variations.Pour estimer la dégradation in vivo dansle rumen, nous avons retenu la méthodedes sachets de nylon. Notre travail visaitégalement à préciser les variations de lavaleur azotée des fourrages verts, princi-palement dans sa fraction non dégradéedans le rumen, en vue d’optimiser leur uti-lisation zootechnique (choix de l’espèce,rationnement, etc).

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel végétal

Au Rheu (Île-et-Vilaine, France), 7 graminées et2 légumineuses ont été récoltées à un stadeprécoce au cours de 4 périodes de l’année : auprintemps en 1985 (avril-mai : le, cycle, unique-ment feuillu chez les graminées) et en 1986

(mai-juin : 1e! cycle), en juillet 1985 (4e cyclepour les graminées, 2e ou 3e cycle pour les légu-mineuses) et en septembre 1985 (6e cycle pourles graminées, 3e ou 4e cycle pour les légumi-neuses). Les espèces étudiées comprenaientdes variétés de ray-grass italien (1), ray-grasshybride (1), ray-grass anglais (2), fétuque éle-vée (2), dactyle (1), trèfle violet (1) et luzerne(1 ). Toutes les espèces n’ont pu être récoltées àchaque saison. Au total, 31 fourrages ont étééchantillonnés et leurs caractéristiques sontdonnées dans le tableau I.

La fertilisation azotée des graminées a étéde 60 kg/ha en fin d’hiver et après chaquecoupe; les légumineuses n’ont pas reçu de fer-tilisation azotée. Après un déprimage (plantejeune uniquement feuillue), les graminées ontété exploitées en coupes fréquentes toutes les4 à 5 semaines, dans le but de simuler le pâtu-rage. Les légumineuses ont été exploitées à unrythme classique de fauche, au stade bour-geonnement. Pour caractériser les conditionsde croissance, la température moyenne (desmoyennes mini-maxi journalières) a été calcu-lée sur les 28 j précédant la coupe, ou sur lapériode de croissance si elle est inférieure à28 j.

Pour chacun des 31 fourrages, un échantillonmoyen de 2 kg frais a été prélevé à partir de larécolte de 5 blocs (micro-parcelles de 5,4 m2).

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Les échantillons ont été congelés à -35 °C dèsla récolte, stockés à -15 °C, puis lyophylisés etbroyés à la grille de 1,5 mm pour le passageen sachets. Cependant, les 9 fourrages duprintemps 1985 ont été broyés à la grille de 0,8mm, et parmi eux, les 7 graminées ont étécongelées dans l’azote liquide. La dégradabilitédes fourrages verts est peu affectée par cesmodifications de conditionnement (Le Goffe,1991 ).

Analyses chimiques

La teneur en matière sèche (MS) des fourragesfrais a été déterminée par passage à l’étuve à80 °C pendant 48 h. Les teneurs en matièresazotées totales (MAT), NDF (neutral detergentfiber: Van Soest et Wine, 1967), ADF (acid de-tergent fiber : Van Soest, 1963) et lignine (atta-que H2 S04 : Van Soest, 1963), azote (N) du

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NDF et de l’ADF ont été dosées sur des sous-échantillons broyés à la grille de 0,8 mm (re-broyage ou broyage direct). L’ADF a été obtenupar attaque directe au détergent acide, en re-vanche la lignine a été dosée après extractionpréalable au détergent neutre. La méthode deVan Soest a été automatisée sur Fibertect; lesrésidus sont déminéralisés.

Mesures de dégradabilité

Les solubilités (S) et fermentescibilités in vitro

(F) de N ont été déterminées (Vérité et Demar-quilly, 1978).

La mesure de la dégradation de MS et N ensachets de nylon, incubés 2, 4, 7, 10, 24 et 48 hdans le rumen, a été répétée sur 2 vaches pen-dant 3 j successifs. Les dosages d’azote ont étéeffectués après regroupement, à chaque duréed’incubation, des résidus de sachets sur les 3 jd’une même vache. La méthode décrite par Mi-chalet-Doreau et ai (1987) a été utilisée avecquelques modifications. Les vaches reçoiventune ration journalière de 8 kg de foin de trèfleviolet (16% MAT) complémenté en minéraux.Les variations de l’activité microbienne ruminalesont prises en compte par ajustement spécifiquedes cinétiques de dégradation de MS et N à unemême valeur de dégradation de MS d’un ali-ment de référence (luzeme déshydratée : 51 % à10 h), comme chez Vérité et ai (1989). La rela-tion d’ajustement de la dégradabilité théoriquede N est ainsi : DTN ajustée = DTN observée +0,43 (51 - dégr MS luz 10 h observée). Aprèsmodélisation des cinétiques de dégradation, enmoyenne par fourrage, selon le modèle mono-moléculaire (d[t] = a + b [1 - e--t]), les dégrada-bilités théoriques de MS (DTMS) et N (DTN)sont calculées selon la formule établie par Ors-kov et Mc Donald (1979) : DT a a + bc l (c + k),avec k = 0,06 h-1.

Les paramètres a, b et c représentent res-pec6vement les fractions immédiatement dégra-dées et lentement dégradables, et le taux ho-raire de dégradation de b. Les paramètres a + bet 100 - (a + b) correspondent respectivementaux fractions potentiellement dégradables et in-dégradables. Si l’on admet l’existence d’une pa-renté entre fractions indégradables dans lerumen et indigestibles dans l’intestin grêle, le

paramètre (a + b) - DT donne alors un indice dela fraction non dégradée dans le rumen et diges-

tible dans l’intestin grêle; pour l’azote, il a été uti-lisé sous le nom de fraction azotée alimentaire

digestible.Parallèlement, les MAT théoriquement non

dégradables dans le rumen (g/kg MS) peuventse diviser en MAT indégradables et MAT poten-tiellement dégradables; ces dernières consti-tuent peut-être un indice des MAT non dégra-dables susceptibles d’être digérées dans

l’intestin, c’est-à-dire un indice de la teneur enPDIA des fourrages verts. Cette distinction a

permis de déboucher sur un indice de la digesti-bilité dans l’intestin des MAT non dégradablesdans le rumen : 1 = (a t’-D7)/(100-DT).

Le rapport Ndégradé/MS dégradée a été cal-culé jusqu’à 4 h et entre 4 et 10 h de digestion.Ces 2 ratios ont été reliés à l’efficacité de la syn-thèse microbienne; Vérité et ai (1987) ont mon-tré que la captation optimale de N par les mi-crobes se situait à 25 g/kg de MOfermentescible chez la vache, soit environ 23 g/kg de MS fermentée pour une teneur en MO de90% de MS chez les fourrages verts.

Analyses statistiques

L’analyse de variance du schéma factoriel es-pèce x saison a été effectuée selon la procé-dure GLM du logiciel SAS (1988); il n’y a pas derépétitions. Les moyennes, ajustées pour lesdonnées manquantes, sont comparées par letest des ranges multiples de Duncan.

RÉSULTATS

Composition chimique

Quelle que soit la saison, les teneurs enMAT de la luzerne et surtout du trèfle violetsont plus faibles que celles des graminées.La teneur en MAT est plus faible en juilletqu’aux autres saisons (tableau 11).

Les ray-grass sont moins riches en

NDF, ADF et lignine que les fétuques etdactyles, les 3 fractions pariétales évoluantparallèlement chez ces espèces. En re-

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vanche, à même teneur en NDF que lesray-grass, le trèfle violet et surtout la lu-zerne sont beaucoup plus riches en ADFet en lignine. Les teneurs en NDF et ADFsont significativement plus faibles en avril-mai 1985 qu’en mai-juin 1986 et qu’auxautres saisons. Ceci est particulièrementmarqué pour la teneur en ADF chez lesgraminées et a pour origine l’exploitationtrès précoce au printemps 1985 (stadefeuillu du premier cycle contre stade épi à10 cm au printemps 1986). La teneur en li-gnine est significativement plus faible auprintemps qu’en juillet et en septembre.

La proportion de l’azote total liée auNDF est minimale chez la fétuque Clarine(8,6%) et la luzeme (10,6%) et maximalechez le dactyle (20,5%). La proportion del’azote total liée à l’ADF est plus élevée

chez les légumineuses (4%) que chez lesgraminées (1,5 à 2%). Les proportions del’azote total liées aux parois varient peuavec la saison.

Dégradabilité de la matière sèche

Les légumineuses sont dégradées plus ra-pidement que les graminées. Néanmoins,la DTMS de la luzerne est inférieure àcelle des autres espèces, car sa fractionlentement dégradable est plus faible, parsuite d’une proportion de MS indégradablemaximale (tableau III). À l’opposé, laDTMS élevée des ray-grass résulte de

l’importance de leurs fractions immédiate-ment et lentement dégradables. Les fétu-ques et le dactyle ont une DTMS intermé-

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diaire; elle est à relier chez les premières àune faible vitesse de dégradation, et chezle second à une fraction immédiatement

dégradée faible. Le classement des es-

pèces ne varie pas nettement avec la sai-son. L’évolution saisonnière du taux ho-raire de dégradation, et à un moindre

degré, celle de la dégradabilité potentielle,expliquent les différences de DTMS entresaisons. La DTMS est maximale en avril-mai 1985, diminue significativement enmai-juin 1986, puis plus fortement en juilletet remonte en septembre.

Dégradabilité de l’azote

S et F sont assez étroitement liées et leursvaleurs individuelles sont relativementproches (F = 0,85 S + 5,8; s = 4,9; f(2. =

0,62; N = 31). En moyenne, S et F sontfaibles chez le trèfle violet et le dactyle, etélevées pour la majorité des ray-grass;l’azote de la luzerne est également très so-luble, mais pour cette espèce et les fétu-ques le rapport F/S est faible (tableau IV).Les valeurs moyennes de S et F et leursvariations avec la saison sont très

proches. S et F sont maximales en avril-mai 1985, diminuent en mai-juin 1986 etrestent stables en juillet, puis diminuent ànouveau en septembre. Le classementdes espèces varie peu selon la saison, ce-pendant S remonte en septembre chez ledactyle surtout, et la luzerne.

La DTN varie peu selon l’espèce (de 80à 86%); le dactyle surtout et le trèfle violetont cependant une DTN significativementinférieure à celle des autres espèces (ta-bleau IV). Cette faible variation est due à

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une compensation entre les paramètres dela cinétique; en effet, les courbes de dé-gradation de N peuvent être assez diffé-rentes suivant les espèces (fig 1. et tableau

IV). Les légumineuses sont caractériséespar une fraction indégradable et une vi-

tesse de dégradation plus élevée quecelles des graminées. La plus faible DTNdu dactyle et du trèfle violet s’explique enpartie par une fraction immédiatement dé-gradée très faible, ce qui les oppose à laluzeme et aux autres graminées. La frac-tion b du dactyle est importante et se dé-grade avec une faible vitesse, ce quiconduit à une fraction azotée alimentaire

digestible maximale; c’est l’inverse chez laluzerne (fig 2).

La forme de la courbe de dégradationde N varie également selon la saison. Lafraction immédiatement dégradée est net-

tement plus faible en septembre qu’enjuillet ou au printemps, surtout en 1986. Lavitesse de dégradation diminue en juillet,mais non significativement. La proportionde N indégradable est significativementplus élevée en juillet qu’aux autres sai-

sons. L’évolution saisonnière de la cinéti-

que de dégradation se répercute sur laDTN qui est maximale au printemps, dimi-nue en juillet et remonte légèrement enseptembre. Cependant, la remontée de

septembre intervient surtout pour le trèfleviolet et le dactyle, et moins pour les

autres espèces (fig 3). Par ailleurs, la DTNdu trèfle violet au printemps semble dimi-nuée par une récolte tardive. Chez la plu-part des espèces, la DTN diminue lorsquela température moyenne de pousse aug-mente (DTN = 94,7 - 0,85 T s = 2,9; R20,56; n = 31 ).

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L’indice de la teneur en PDIA varie avec

l’espèce entre 12 (luzerne) et 41 g/kg deMS (dactyle); il est plus élevé en été qu’auprintemps (fig 4). L’indice de la digestibilitédes MAT non dégradables varie de 42%(luzerne) à 87% (dactyle et ray-grass an-glais Vigor); les autres espèces sont au-tour de 70% (fig 5). L’indice de digestibiliténe varie pas nettement avec la saison, ilest plus élevé en septembre.

En moyenne, au début de l’incubation,la luzerne surtout et les graminées s’ap-pauvrissent davantage en azote que letrèfle violet (fig 6); cela correspond à unratio N dégradé/MS dégradée jusqu’à 4 hplus faible chez le trèfle violet (30 glkg)que pour les autres espèces (41 à 48 g/kg). Ce ratio varie peu avec la saison, etses valeurs individuelles sont toujours su-périeures à 25 glkg chez le trèfle violet et à35 g/kg pour les autres espèces; il pré-sente une liaison positive étroite avec la te-neur en MAT (N/MS 0-4 h = 8,0 + 1,64

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DISCUSSION

La famille et l’espèce

Par rapport à celles des graminées, les ci-nétiques de dégradation de MS et N deslégumineuses et surtout de la luzerne sontcaractérisées par des valeurs élevées : 1 )de la vitesse de dégradation de la fractionlentement dégradable; 2) de la fraction in-dégradable. Des observations similairessur la vitesse de dégradation en sachetsavaient été faites par Osibe et ai (1987),Van Eys et Reid (1987), Vik-Mo (1989).Demarquilly et Jarrige (1973) avaient déjàsignalé la digestion plus rapide des légumi-neuses dans le rumen à même digestibili-té, et la digestibilité plus faible de la lu-zerne à même stade. La fraction azotée

indégradable plus élevée chez les légumi-neuses est à rapprocher de leur proportionde N liée à l’ADF supérieure à celle desgraminées. Cependant, sur les autres cri-tères de dégradabilité de. N, des diffé-rences existent davantage entre espècesqu’entre familles. Trois espèces ont descaractéristiques plus particulières : la lu-

zeme, le trèfle violet et le dactyle.Chez la luzeme, les fractions azotées

rapidement dégradables (S, F, fraction a)ont été généralement importantes, commel’avaient montré précédemment Osibe et ai(1987), Abdalla et ai (1988a), Sandersonet Wedin (1989). Cela est à mettre en rela-tion avec les proportions de N non protéi-que et d’acides aminés libres dans l’azote

totale, plus élevées chez la luzerne quechez les autres fourrages (Demarquilly etal, 1981; Mangan, 1982). Les différencesde DTN entre la luzerne et les graminéesobtenues par Osibe et ai (1987) sont plusimportantes et plus systématiques que lesnôtres. Mais dans cette étude, les légumi-neuses étaient exploitées plus précoce-ment que les graminées, et les fourrages

étaient séchés à l’étuve, méthode qui aug-mente les écarts de DTN par rapport à lalyophilisation (Kamoun et Thewis, 1989).

Le trèfle violet, à l’opposé de la luzerne,a été caractérisé par des fractions azotées

rapidement dégradables plus faibles quecelles des autres espèces, ce qu’avaientdéjà obtenu Syrjâlâ-Qvist et ai (1984),Osibe et ai (1987), Van Eys et Reid

(1987), Vik-Mo (1989), Sanderson et

Wedin (1989). Parallèlement, le trèfle vio-let ferait partie des fourrages possédant laplus faible proportion d’acides aminéslibres dans l’azote total (Mangan, 1982).Ces proportions d’azote soluble et immé-diatement dégradé faibles ont été compen-sées par une vitesse de dégradation plusélevée, de sorte que la DT du trèfle violetn’a pas été significativement différente decelles des ray-grass et de la luzerne. Van

Eys et Reid (1987) et Vik-Mo (1989) surensilage n’ont pas constaté de différenceentre la DT du trèfle violet et celles des

graminées.Chez le dactyle, les fractions azotées

rapidement dégradables, la vitesse de dé-gradation et donc la DTN ont toujours étéfaibles, comme l’avaient constaté antérieu-rement Glenn et ai (1985) et, mais moinsnettement, Abdalla et ai (1988b) et Osibeet ai (1989). Parallèlement, la proportionde N soluble dans le détergent neutre aété inférieure à celle de toutes les autres

espèces. Ces observations sont cohé-rentes avec les faibles proportions de Nsous forme non protéique ou d’acides ami-nés libres, déjà observées chez le dactyle(Glenn et al, 1985; Mangan, 1982). Parailleurs, le dactyle a été plus riche en NDF,ADF et lignine que les autres graminées(voir aussi Abdalla et al, 1988b). Cette plusgrande proportion de parois, probablementplus lignifiées, en diminuant l’accessibilitédes contenus cellulaires, explique peut-être également la moindre dégradabilité dudactyle.

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L’indice de la teneur en PDIA du dactyleest supérieur à celui des autres graminéeset plus encore à celui de la luzerne. Pourune vache ingérant de 12 à 15 kg de MS,l’écart maximal représenterait 350 à 450 gde PDIA, soit une différence importanted’apport azoté. Cependant, les écarts deDT et d’indice de PDIA entre fourragespourraient être modifiés si la vitesse detransit diffère selon la nature du fourrage.Ainsi, les légumineuses transitent probable-ment plus vite que les graminées, et les

ray-grass plus rapidement que les fétuqueset les dactyles, comme le suggèrent nos ré-sultats de dégradation de la MS, et aussiDemarquilly et ai (1981), Lindberg (1985),Ould-Bah (1989). L’indice de la teneur enPDIA des légumineuses serait donc sous-estimé par rapport à celui des graminées.

La saison

La vitesse de dégradation, la dégradabilitépotentielle et la DT de N en sachets, ainsique la proportion de N soluble dans le dé-tergent acide, ont présenté une évolutionsaisonnière caractéristique : maximum auprintemps, baisse en juillet et remontée enseptembre. Cette évolution se dessinait

déjà dans le regroupement des rares

études de dégradabilité consacrées à la

saison, bien qu’elles aient été réalisées àdes périodes différentes de l’année sur unnombre restreint d’espèces, et avec desméthodes très diverses (azote du NDF, so-lubilité, dégradation enzymatique, dégra-dation in vitro, méthode des sachets :Aman et Lindgren, 1983; Moré et Simon,1985; Hafley et al, 1987; Abdalla et al,1988b et c; Tamminga et al, 1991; LeGoffe et Vérité, 1992). En revanche, lescritères représentant la fraction rapidementdégradable (azote soluble dans le déter-

gent neutre, S, F, fraction a) ont eu uneévolution différente ou aléatoire, en contra-diction avec les données bibliographiques.

In vivo, Beever et al (1986) ont montré quela dégradabilité de l’azote (N15) était légè-rement mais significativement plus faibleen juillet qu’au premier cycle ou en sep-tembre, et Vérité et ai (1984) obtiennenten automne une concentration en ammo-niac ruminal qui suggère une dégradabilitéplus élevée qu’aux autres saisons.

L’évolution saisonnière de la DTN est à

rapprocher de celle de la digestibilité de lamatière organique qui serait principale-ment sous l’influence de la température(Demarquilly, 1982b). Les températuresélevées sont connues pour stimuler lacroissance de la plante (diminution dupourcentage de feuilles) et augmenter la li-gnification des parois (Deinum, 1984).L’augmentation de la teneur en lignineavec la température, alors que les consti-tuants pariétaux ne varient pas, a déjà étésignalée pour les fourrages tropicaux (De-marquilly, 1982b). Le minimum estival deDTN pourrait partiellement provenir de lamoindre accessibilité des contenus cellu-laires par suite de la lignification accruedes parois, comme le pensent Abdalla etai (1988b). Une autre explication partiellede l’élévation de la dégradabilité de l’azoteau printemps et à l’automne réside peutêtre dans l’accumulation des formes azo-tées solubles (notamment les nitrates), àlaquelle conduirait le ralentissement de laprotéosynthèse associé à la baisse de latempérature et du rayonnement (Moré etSimon, 1985).

Enfin, comme Abdalla et ai (1988b),nous obtenons une estimation des MATnon dégradables dans le rumen suscep-tibles d’être digérées dans l’intestin plusélevée en été qu’au printemps.

CONCLUSION

L’espèce et la saison influencent modéré-ment la dégradabilité de l’azote en sachets

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de nylon. La DTN est toujours élevée, etles pertes azotées en début de digestiondoivent être très importantes chez les ru-minants consommant des fourrages vertsjeunes. Toutefois, la fraction azotée rapi-dement dégradable varie notablementselon l’espèce, en relation avec des na-tures d’azote différentes (proportiond’azote non protéique notamment). En

agissant sur la lignification des parois, la

température déterminerait en partie l’évolu-tion saisonnière de la DT.

Les possibilité de manipuler la dégrada-bilité de l’azote des fourrages verts en

choisissant l’espèce semblent limitées;mais notre étude ne comportait pas deplantes riches en tannins telles les lotierset les sainfoins, dont les protéines seraientpeu dégradables. L’amélioration de la va-leur azotée des fourrages verts passepeut-être également par la sélection de

plantes à faible proportion d’azote non pro-téique et aux protéines peu dégradablesdans le rumen.

REMERCIEMENTS

Nous adressons nos sincères remerciements àl’ensemble du personnel (installations expéri-mentales, laboratoire et secrétariat) de la stationINRA de recherches sur la vache laitière.

RÉFÉRENCES

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