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Rapport intermédiaire 3 e TRIMESTRE 2013 L’état civil des Belges à l’étranger et les contestations de nationalité

L’état civil des Belges à l’étranger et les contestations … · 2014-12-17 · Conformément à l’article 15 de la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux,

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Rapportintermédiaire

3e TRIMESTRE

2013

L’état civil des Belges à l’étranger

et les contestations de nationalité

Bruxelles, le 15 juillet 2013

Monsieur le Président de la Chambre des représentants,Mesdames et Messieurs les députés,

Conformément à l’article 15 de la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux, nous avons l’honneur de vous remettre un rapport intermédiaire. Il porte sur l’état civil des Belges à l’étranger et les contestations de nationalité.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la Chambre des représentants, Mesdames et Messieurs les députés, à l’assurance de notre très haute considération.

Les médiateurs fédéraux,

Guido Schuermans Catherine De Bruecker

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les missions du SPF Affaires étrangères

TABLES DES MATIÈRES

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

1. Autour du droit des personnes : les missions du SPF Affaires étrangères. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2. L’attitude de l’administration à l’aune des règles de fair-play . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2.1. Appliquer correctement la réglementation, y compris ses propres circulaires (application conforme des règles de droit) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.2. Agir sans préjugés (impartialité) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92.3. Ne pas user de sa liberté d’appréciation de manière déraisonnable (raisonnable et

proportionnalité) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92.4. Agir dans un délai raisonnable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102.5. Adopter des lignes de conduites constantes et permettre aux citoyens de s’y �er (Sécurité juridique et con�ance légitime) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.6. Collaborer ef�cacement et loyalement avec les autres services publics impliqués

(coordination ef�cace) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.7. Prendre des décisions en connaissance de cause, en tenant compte de tous les éléments pertinents (gestion consciencieuse). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.8. Motiver ses décisions de façon compréhensible et adéquate (motivation adéquate). . . . . 132.9. Permettre au citoyen de faire valoir ses observations dans les affaires qui le concernent (droit d’être entendu) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.10. Respecter en toutes circonstances les règles élémentaires de politesse et adopter une attitude professionnelle (courtoisie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.11. Agir de manière transparente et informer spontanément le citoyen de manière claire,

complète et objective (information active et passive). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3. Concilier intérêt général et intérêt particulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

3.1. L’état civil des Belges à l’étranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

a) Lorsque la Direction Droit des Personnes conteste la validité d’un acte d’état civil étranger, elle doit rester raisonnable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

b) Un acte d’état civil belge ne peut être écarté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20c) L’article 316bis du Code civil ou l’établissement de la �liation paternelle lorsque les époux ne résident pas (encore) à la même adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21d) Lorsque le poste diplomatique dresse lui-même un acte d’état civil . . . . . . . . . . . . . . . 25

3.2. Quand la Direction Droit des Personnes conteste la nationalité belge d’une personne . . 27

a) Pour suspendre ou refuser la délivrance d’un passeport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27b) Pour retirer le passeport ou en refuser le renouvellement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30c) Phase administrative de la contestation de la nationalité belge : un vide juridique . . . 31

4. Recommandation �nale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

5. Annexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Avertissement

Tous les noms figurant dans le présent rapport sont fictifs.

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les missions du SPF Affaires étrangères

Introduction

Depuis début 2011, le Médiateur fédéral constate une recrudescence des réclamations concernant des décisions portant sur l’état civil ou la nationalité belge de citoyens, prises par la Direction Droit des Personnes de la Direction générale des Affaires consulaires du SPF Affaires étrangères (ci-après, dénommée Direction Droit des Personnes). L’examen de ces réclamations a révélé un manque signi-�catif de culture de service de la part de cette direction, entraînant une rupture du dialogue avec le citoyen, une perte de con�ance de celui-ci à l’égard de l’autorité en général et, dans certains cas, une atteinte sérieuse aux droits fondamentaux des personnes concernées : droit au respect de la vie privée et familiale, droit au mariage, intérêt supérieur de l’enfant, …

L’intervention du Médiateur fédéral a pu contribuer à dégager des solutions dans certains cas indivi-duels, avec la collaboration de l’administration. Trop de situations sont par contre restées bloquées en raison de l’intransigeance de la Direction Droit des Personnes. En�n, derrière ces cas individuels se dégagent des questions systémiques.

A�n de tenter de trouver une réponse à ces questions systémiques, le Médiateur fédéral a multiplié les réunions et les contacts avec la Direction générale des Affaires consulaires, le Président du Comité de Direction du SPF Affaires étrangères, la cellule stratégique du ministre des Affaires étrangères ainsi que la Direction générale de la Législation et des Libertés et Droits fondamentaux du SPF Justice. Ces entrevues n’ont pas permis de constater la perspective de mesures concrètes, à court voire moyen terme, qui permettraient d’éviter la répétition des problèmes rencontrés.

Le Médiateur fédéral estime donc nécessaire de faire rapport à la Chambre des représentants des problèmes identi�és car ceux-ci touchent à l’exercice des droits fondamentaux, entraînent des décisions inéquitables pour les citoyens concernés et induisent un sentiment général d’absence de fair-play de la Direction Droit des Personnes dans ses relations avec les usagers. Le rapport s’accompagne d’une série de recommandations qu’il considère utiles pour remédier aux dif�cultés constatées et renforcer la bonne administration.

En annexe �gurent par ailleurs les recommandations déjà émises précédemment par le Médiateur fédéral en lien avec le thème du présent rapport et le suivi qui leur a été réservé jusqu’ici.

Conformément à l’article 14, alinéa 3, de la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux, les ministres de la Justice et des Affaires étrangères ont reçu le 24 juin un exemplaire du projet de rapport1 les invitant à faire part de leurs commentaires éventuels. La Justice s’est réjouie du dialogue engagé entre le Médiateur fédéral et les Services Nationalité et Droit de la famille tout en s’accordant le temps nécessaire à une analyse approfondie du rapport. La réaction du ministre des Affaires étrangèrs, qui nous est parvenue  pendant les travaux d’impression du présent rapport, est reprise à l’annexe VII.

Ce rapport s’articule autour des normes de bonne conduite administrative que le Médiateur fédéral utilise pour l’évaluation des réclamations. Elles traduisent les attentes légitimes que le citoyen nourrit à l’égard de toute administration.

1 Ainsi que les présidents du SPF Affaires étrangères et du SPF Justice et les directeurs généraux des services concernés, confor-mément à l’article 6 du Protocole d’accord concernant les relations entre le Médiateur fédéral et les Services publics fédéraux pour le traitement des plaintes.

Les missions du SPF Affaires étrangères

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les missions du SPF Affaires étrangères

1. Autour du droit des personnes : les missions du SPF Affaires étrangères

Les réclamations qui sous-tendent ce rapport concernaient toutes des déci-sions de la Direction Droit des Per-sonnes portant sur l’état civil et/ou la nationalité d’une personne qui s’était adressée à un poste diplomatique ou consulaire belge.

Dans quels cas le SPF Affaires étrangères est-il amené à se prononcer sur l’état civil ou la nationalité d’une personne ?

Les agents diplomatiques et certains consuls belges chefs de postes à l’étran-

ger exercent les fonctions d’of�cier de l’état civil pour les Belges à l’étranger2. Ils délivrent des pas-seports, dressent des actes d’état civil3, mettent à jour les informations �gurant au Registre national concernant la nationalité, la �liation ou l’état civil de tous les Belges immatriculés auprès du poste et parfois des Belges de passage. Dans ce cadre, ils peuvent être amenés à se prononcer sur la validité d’actes d’état civil étrangers.

Dans toutes ces matières, les postes diplomatiques et consulaires sont soutenus et encadrés par la Direction Droit des Personnes. En cas de doute sur la nationalité ou l’état civil d’une personne, cette direction examine le dossier et donne des instructions aux postes.

A noter néanmoins que dans l’exercice de leurs fonctions d’of�ciers d’état civil, et notamment lorsqu’ils dressent un acte d’état civil, les chefs de postes diplomatiques et consulaires n’ont d’instructions à recevoir de personne, pas même du procureur du Roi. En cas de litige avec le citoyen, seul le tribunal de première instance peut trancher la contestation4.

2. L’attitude de l’administration à l’aune des règles de fair-play

Les réclamations parviennent au Médiateur fédéral généralement à un moment où le dossier a déjà été transmis par le poste à la Direction Droit des Personnes. L’examen de ces réclamations a révélé que là où le citoyen s’attend à un comportement loyal de l’administration, orienté vers la recherche d’une solution respectueuse tant de l’intérêt général que de son intérêt particulier, celle-ci se cantonne souvent à une approche strictement légaliste des questions, sourde à l’intérêt de la personne impliquée.

Certes, l’administration doit agir en conformité avec la loi mais elle doit également se montrer fair-play dans ses relations avec le citoyen. Faire preuve de fair-play implique de respecter non seulement la loi mais aussi les normes de bonne conduite administrative.

Dans cette partie, nous illustrons les normes de bonne conduite administrative par des cas concrets: à quelle attitude le citoyen est-il en droit de s’attendre de la part de la Direction Droit des Personnes ?

2 Articles 1 et 2 de la loi du 12 juillet 1931 relative à certains actes de l’état civil et à la compétence des agents diplomatiques et consulaires en matière d’état civil.

3 La loi du 12 juillet 1931 relative à certains actes de l’état civil et à la compétence des agents diplomatiques et consulaires en matière d’état civil précise quels actes peuvent être dressés : actes de naissance, actes de décès, acte de reconnaissance…

4 H. DE PAGE et J.-P. MASSON, Traité élémentaire de droit civil belge, Tome II, « Les personnes », volume I, Bruxelles, Bruylant, n° 269.

« On appelle ‘état civil’ d’une personne l’ensemble des éléments qui déterminent sa condition, sa situation dans la famille (status familiae) ou dans la cité (status civitatis). L’état civil des citoyens s’établit et se modi�e sous l’in�uence de faits juridiques (naissance, décès) ou d’actes juridiques (mariage, divorce, adoption, reconnaissance d’enfant, option de nationalité). […] On sait que la loi attache une importance consi-dérable à l’état des personnes. […]. De l’état, et des modi�cations qui l’affectent, découlent quantité de droits et d’obligations. […]. Il importe donc au plus haut point que les éléments de toute nature qui déter-minent ou modi�ent l’état des personnes soient constatés avec toute la sûreté désirable […]. » H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, Tome II, n° 257.

Les règles de fair-play

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Dans quelle mesure l’attitude de l’administration s’avère-t-elle injuste ou inéquitable ?

Nous ne reprenons pas toutes les normes de bonne conduite administrative qui forment la grille de lecture du Médiateur fédéral (au nombre de 15) mais uniquement celles qui sont méconnues de manière récurrente par la Direction Droit des Personnes. Nous illustrons chaque norme par des exemples issus des dossiers soumis au Médiateur fédéral.

2.1. Appliquer correctement la réglementation, y compris ses propres circulaires (application conforme des règles de droit)

Le petit Khalid est né au Maroc d’un père belge et d’une mère marocaine. Les parents sont mariés mais Mon-sieur Driss Bensaïdi vit en Belgique depuis une dizaine d’années alors que son épouse et Khalid résident toujours au Maroc en attendant de pouvoir le rejoindre. A la demande

de Monsieur Bensaïdi, l’of�cier d’état civil belge dresse un acte d’attribution de la nationalité belge pour l’enfant : il estime que la présomption de paternité (article 315 C.civ.) établit la �liation paternelle de Khalid puisque ses parents sont mariés. Pour quelle raison l’ambassade au Maroc refuse-t-elle dès lors de délivrer un passeport belge à Khalid ? La Direction Droit des Personnes prétend que la �liation paternelle de Khalid n’est pas établie et que l’acte d’attribution de la nationalité belge n’est donc pas valable car l’of�cier de l’état civil aurait dû écarter l’application de la présomption de paternité étant donné que les parents ne résident pas à la même adresse (article 316bis C.civ.). Pourtant le SPF Justice et l’of�cier de l’état civil assurent à Monsieur Bensaïdi que sa paternité envers Khalid est bien établie et qu’il est Belge : la simple résidence sépa-rée des époux ne fait pas obstacle à la présomption de paternité du mari ! La Direction Droit des Personnes informe Monsieur Bensaïdi qu’elle ne partage pas la lecture des articles 315 et 316bis du Code civil du SPF Justice… Elle refuse de donner effet à des actes d’attribution de la nationalité qui s’appuient sur une �liation établie sur pied de la présomption de paternité en cas de résidence séparée des époux. La Direction Droit des Personnes exige que Monsieur Bensaïdi reconnaisse Khalid. En attendant, Khalid reste bloqué au Maroc.

Madame Naïma Benhallal a sollicité auprès de l’Ambassade de Belgique à Tunis un certi�cat de non-empê-chement à mariage (CNEM) car elle compte épouser Monsieur Abal en

Tunisie. Ce document doit attester qu’elle remplit les conditions requises par la loi belge pour se marier. Le droit belge ne connaît pas le CNEM et ne dé�nit a fortiori pas les conditions et la procédure pour obtenir un CNEM. Le SPF Affaires étrangères a donc adressé à ses ambassades et consulats des instructions lesquelles prévoient notamment qu’en cas de soupçon de mariage de complaisance, l’avis du Parquet du Procureur du Roi doit être demandé. Si l’avis du Parquet est négatif, le CNEM est refusé. Or dans le dossier de Madame

Lorsqu’une loi reçoit une interprétation habituelle dans la jurisprudence et la doctrine et que cette interprétation est partagée par les différentes administrations chargées d’appliquer cette réglementation, le citoyen comprend mal qu’une autre administration y substitue sa propre inter-prétation, sans avoir égard aux conséquences de celle-ci sur l’exercice de ses droits fondamentaux.

Lorsque l’administration comble un vide juridique par une circulaire ou une instruction administrative, l’administration doit respecter les règles qu’elle s’est elle-même �xées.

Les règles de fair-play

Les règles de fair-play

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les missions du SPF Affaires étrangères

Benhallal, le Parquet avait estimé qu’il convenait de délivrer le CNEM. Alors pourquoi l’ambassade refuse-t-elle de délivrer le CNEM à Madame Benhallal5?

2.2. Agir sans préjugés (impartialité)

Monsieur Habana est belge et de-mande un passeport belge pour Mark et James, ses deux enfants résidant à l’étranger. Après avoir soulevé toutes sortes d’obstacles à la délivrance de ces passeports, liés à la validité des actes de reconnaissance des enfants

et des actes de déclaration d’attribution de la nationalité belge, la Direction Droit des Personnes �nit par soutenir qu’il manque un sceau sur les documents d’état civil produits, que ceux-ci sont donc des faux et qu’il existe un risque réel de contribuer à un transit illicite d’enfants ! En réalité, la Direction Droit des Personnes s’est prononcée hâtivement sur l’authenticité des documents en examinant uniquement les copies en sa possession, sur lesquelles un sceau sec n’est jamais visible. Ce sceau �gurait pourtant bien sur les documents originaux en possession de l’administration communale et Monsieur Habana l’avait signalé à la Direction Droit des Personnes. Celle-ci aurait dû véri�er avant de lancer des accusations non fondées. (Recommandation au SPF Affaires étrangères RO 11/05)6

2.3. Ne pas user de sa liberté d’appréciation de manière déraisonnable (raisonnable et proportionnalité)

Mariam a 11 ans. Elle est la �lle de Monsieur Konaté qui béné�cie d’une autorisation de séjour en Belgique. En 2009, elle et sa mère rejoignent son père. En 2012, Monsieur Konaté est naturalisé et Mariam acquiert la na-tionalité belge par effet collectif. Mais le couple se sépare et Mariam rentre en Guinée avec sa mère. Début 2013, celle-ci décède et Monsieur Konaté

demande donc un passeport belge pour Mariam a�n qu’elle puisse le rejoindre en Belgique. Alors qu’aucun doute n’avait jamais été émis sur la �liation paternelle de Mariam, la Direction Droit des Personnes se demande si l’acte de naissance de Mariam permet bien d’établir sa �liation paternelle en droit guinéen. Elle suspend donc la délivrance du passeport. Est-il bien raisonnable de suspendre la délivrance du passeport alors que Mariam est bloquée seule à l’étranger, qu’elle est mentionnée comme Belge au Registre national, qu’elle a vécu avec Monsieur Konaté pendant plusieurs années en Belgique et que l’Of�ce des étrangers et l’of�cier de l’état civil belge ont tous deux considéré plusieurs années auparavant que Mariam était bien sa �lle ?

5 Nous ne reviendrons pas dans la suite du rapport sur la problématique des certi�cats de non-empêchement à mariage (CNEM). En 2010, nous recommandions d’adopter sans délai une base légale en la matière (Recommandation RG 10/05, annexe VI). Depuis lors, nous continuons à recevoir régulièrement des réclamations concernant la pratique adoptée par le SPF Affaires étrangères en la matière. Un projet de loi modi�ant le Code civil, la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire, le Code pénal, le Code judiciaire et la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance a été adopté par la Chambre le 26 avril 2013 et insère une base légale pour la délivrance des CNEM. Cette loi doit encore être publiée.

6 Annexe II du présent rapport.

Le citoyen compte sur un traitement objectif de son dossier : si l’admi-nistration soupçonne le citoyen de vouloir éluder la loi, elle doit à tout le moins prendre la précaution de véri�er ses soupçons de manière impartiale avant de prendre une décision qui aura pour effet d’entraver l’exercice des droits fondamentaux du citoyen.

Lorsque l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation, elle doit en user avec discernement et faire un choix raisonnable. Elle ne peut avoir égard exclusivement à l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit : elle doit au contraire mettre en balance cet objectif avec l’intérêt particulier du citoyen et rechercher la solution la plus équitable pour l’administré. L’administration doit prendre en compte les droits fondamentaux du citoyen et l’intérêt supérieur de l’enfant, chaque fois qu’elle prend une décision le concernant.

Les règles de fair-play

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Monsieur Adama Mbendé a reconnu à leur naissance devant l’of�cier de l’état civil camerounais ses jumeaux nés en juillet 2010, Kynan et Erwin. En septembre 2010, il devient belge. L’of�cier de l’état civil de sa com-

mune lui indique que les actes de naissance et de reconnaissance établissent valablement la �liation de ses jumeaux et que ceux-ci sont donc devenus belges par effet collectif. La Direction Droit des Personnes refuse cependant de délivrer des passeports belges aux enfants car elle remet en cause la validité des actes étran-gers : l’of�cier de l’état civil camerounais n’aurait pas correctement appliqué les formalités prévues par le droit camerounais car les signatures des parents et des témoins ont été apposées dans le registre des recon-naissances et non pas sur l’acte lui-même. La Direction Droit des Personnes n’a pas pris en considération l’application faite par l’of�cier de l’état civil camerounais de son propre droit et n’a pas non plus véri�é si, en droit camerounais, le non respect des règles de forme invoquées entraîne la nullité de tout l’acte ! De plus, personne ne conteste que Monsieur Mbendé est bien le père des enfants et qu’il a reconnu ceux-ci avec le consentement de leur mère. L’intérêt des enfants à voir leur �liation paternelle établie n’aurait-il pas dû pré-valoir ? (Recommandation au SPF Affaires étrangères RO 12/02)7

2.4. Agir dans un délai raisonnable

Grégoire est né en 2001. Il est le �ls de Monsieur Grange, Français, et de Madame Sudré, Belge, qui ne sont pas mariés et résident à l’étranger.

Les actes de reconnaissance étrangers que les parents ont fait dresser pour établir la �liation paternelle de Grégoire ne sont pas valables au regard du droit belge, condition indispensable pour qu’il puisse porter le nom de son père en Belgique. Pour les autorités françaises par contre, l’enfant porte le nom de son père. En 2010, le couple fait donc dresser de nouveaux actes de reconnaissance et d’attribution du nom de son père en Belgique. La Direction Droit des Personnes conteste cependant également leur validité. Il faudra deux ans et l’intervention du Médiateur fédéral pour qu’elle accepte de soumettre ces actes à l’avis du SPF Justice et, vu son avis favorable, reconnaisse que Grégoire porte le nom de son père. A 11 ans, il peut en�n porter le même nom de famille en France et en Belgique. Ce délai n’est évidemment pas raisonnable !

Depuis 2009, Monsieur Simon Greeberg, ressortissant belgo-turc, tente de reconnaître auprès du poste consulaire de Belgique en Chine où il réside, Nicolas, son �ls né de sa relation avec une ressor-

tissante chinoise. Dans un premier temps, le chef de poste estime qu’il ne peut dresser l’acte sans connaître la nationalité de Nicolas. La nationalité de l’enfant est importante, selon la Direction Droit des Personnes, pour pouvoir déterminer le nom de l’enfant, qui doit être mentionné dans l’acte de reconnaissance. Monsieur Greeberg ne souhaitant pas, pour diverses raisons, demander la nationalité chinoise pour son �ls, le poste lui conseille �nalement de réclamer pour lui la nationalité turque. Lorsque Monsieur Greeberg produit un passeport turc pour l’enfant, la Direction Droit des Personnes estime qu’il doit aussi prouver que son enfant n’a pas la nationalité chinoise. Monsieur Greeberg ne comprend pas pourquoi il doit apporter cette preuve alors qu’il a prouvé que son enfant était turc. De plus, les autorités chinoises refusent de lui remettre cette

7 Annexe III.

Lorsque l’administration ne respecte pas le fragile équilibre entre l’inté-rêt général et l’intérêt particulier et qu’elle fait un usage manifestement déraisonnable de son pouvoir d’appréciation, elle commet un excès de pouvoir.

L’administration doit permettre au citoyen d’être �xé sur son état civil ou sa nationalité dans un délai raisonnable.

Lorsque l’administration tergiverse, les conséquences peuvent être irréparables car la loi attache de nombreux droits et effets juridiques à l’état civil ou la nationalité d’une personne. Le citoyen ne peut être privé de droits parce que l’administration tarde à statuer.

Les règles de fair-play

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les missions du SPF Affaires étrangères

preuve et Nicolas béné�cie d’une autorisation de séjour en Chine, ce qui tend bien à prouver qu’il n’est pas chinois. En outre, une éventuelle erreur dans la mention du nom de famille de l’enfant n’aurait en réalité pas été de nature à invalider l’acte et le lien de �liation qu’il établissait. L’incertitude à cet égard ne justi�ait donc pas de retarder pendant plus de trois ans la reconnaissance de Nicolas. Fin 2012, Monsieur Greeberg décède inopinément. Il n’aura pas pu reconnaître Nicolas de son vivant… Nicolas ne pourra plus acquérir la nationalité belge sur la base de sa �liation paternelle; si sa mère et ses frères veulent faire établir sa �liation en droit belge, il leur faudra entamer une longue et fastidieuse procédure.

2.5. Adopter des lignes de conduites constantes et permettre aux citoyens de s’y �er8 (Sécurité juridique et con�ance légitime)

Monsieur Driss Bensaïdi a demandé un passeport belge pour son �ls rési-dant à l’étranger. La Direction Droit des Personnes ayant un doute sur la �liation et la nationalité belge de l’enfant, l’ambassade indique à Mon-sieur Bensaïdi que l’acte d’attribution

de la nationalité belge ne pourra être pris en considération sans l’accord écrit du SPF Justice. Cependant, lorsqu’elle reçoit l’avis favorable du SPF Justice, la Direction Droit des Personnes décide de ne pas suivre cet avis car elle ne partage pas sa lecture d’une disposition du Code civil. Pourtant, la position de principe du SPF Justice à ce sujet lui était bien connue. Pourquoi avoir demandé l’avis du SPF Justice pour ensuite refuser de le suivre ? Monsieur Bensaïdi a l’impression qu’on lui a fait de vaines promesses.

En 1998, Monsieur Verlinden et Ma-dame Talbot, un couple belgo-fran-çais, divorcent à Dubaï, où ils vivent depuis de nombreuses années. Ils

sollicitent immédiatement l’inscription de ce divorce dans les registres de la commune belge où ils se sont mariés. Mais tant l’of�cier de l’état civil que le Parquet du Procureur du Roi doutent de la validité de ce divorce, qui contient une clause qui pourrait être discriminatoire à l’égard de l’épouse. Dès 1999, cette clause devient sans objet. En 2005, les autorités françaises reconnaissent le divorce et l’of�cier de l’état civil belge l’inscrit à son tour dans les registres de l’état civil en 2006. La Direction Droit des Personnes laisse cependant le dossier en souffrance pendant quatre ans avant de demander, en 2010, un nouvel avis au parquet. Dans l’attente de cet avis, la Direction Droit des Personnes mentionne à nouveaux Monsieur Verlinden et Madame Talbot comme étant mariés au Registre national. Le Parquet du Procureur du Roi répond rapidement qu’il ne remettra pas en cause le divorce, estimant que si la clause litigieuse pouvait éventuellement être considérée comme inopposable, elle n’avait pas pour effet d’invalider la dissolution du mariage. Et le Parquet d’ajouter que « vu le temps écoulé depuis les faits et la possession d’état — de divorcés — ainsi acquise par les inté-ressés » l’administration ne pouvait « déjouer encore leurs légitimes prévisions ». En décembre 2011, le SPF Justice se rallie à cet avis. Plus de 14 ans après leur divorce à Dubaï, Monsieur Verlinden (qui a quatre enfants issus d’une nouvelle union) et Madame Talbot (qui souhaite se remarier) sont cependant toujours considérés comme mariés par la Direction Droit des Personnes (Recommandation au SPF Affaires étrangères RO 12/05)9.

8 Dans ce même sens, Bruxelles (3e ch.), 11 avril 2013, non publié. 9 Annexe IV.

Le citoyen doit pouvoir compter sur une certaine permanence de la pratique administrative. L’administration doit également honorer les prévisions légitimes que son action ou ses promesses ont pu faire naître chez le citoyen. Chose promise, chose due.

A�n de ne pas porter atteinte à la sécurité juridique, l’administration doit également éviter de remettre en cause des actes anciens …

Les règles de fair-play

12

Monsieur Oscar Delbarre est né en 1968 au Congo d’un père belge et d’une mère congolaise et réside au

Congo. En décembre 2004, le Tribunal de première instance de Bruxelles annule le mariage de ses parents mais les effets du mariage à l’égard des enfants issus de celui-ci sont maintenus en vertu de l’article 202 du Code civil. La �liation paternelle de Monsieur Delbarre et la nationalité belge qu’il tient de son père sont donc toujours établies. En 2006, l’Ambassade de Belgique à Kinshasa lui délivre un passeport belge. Muni de ce passeport, il s’installe en Belgique en juillet 2010 : l’administration communale lui délivre immédiatement une carte d’identité de Belge. En janvier 2011, la Direction Droit des Personnes adresse soudainement un courrier à la commune pour lui indiquer qu’à son sens la nationalité belge a été reconnue à tort à Monsieur Delbarre et que celui-ci doit être considéré comme congolais. Elle invite la commune à apporter les corrections qui lui semblent nécessaires. La commune invite Monsieur Delbarre à venir restituer son passeport et sa carte d’identité, sans lui noti�er la moindre décision écrite et sans véri�er la pertinence de l’analyse de la Direction Droit des Personnes. Pourtant, en matière de nationalité, c’est le SPF Justice et non le SPF Affaires étrangères qui est compétent. Interrogé, le SPF Justice conclut, le 13 juin 2012, à la nationalité belge de l’intéressé. L’admi-nistration communale lui restitue ses documents d’identité.

2.6. Collaborer ef�cacement et loyalement avec les autres services publics impliqués (coordination ef�cace)

La Direction Droit des Personnes et le SPF Justice n’ont pas la même lecture de l’article 316bis du Code civil. Cette disposition concerne l’éta-blissement de la �liation paternelle lorsque les époux ne résident pas

à la même adresse. Au lieu de se concerter avec le SPF Justice pour éviter que cette divergence ne nuise à la sécurité juridique, la Direction Droit des Personnes a remis sans en informer le SPF Justice, une note aux associations d’of�ciers de l’état civil pour soutenir son interprétation. Pourtant, la Direction Droit des Personnes n’a aucune compétence à l’égard des of�ciers de l’état civil !

Monsieur Verlinden attend depuis 1998 que la Direction Droit des Personnes reconnaisse son divorce prononcé à Dubaï. En 2006, après avoir initialement douté de la validité du divorce, l’of�cier de l’état civil

belge l’inscrit dans les registres de l’état civil. La Direction Droit des Personnes l’interroge sur les raisons de ce revirement mais n’obtient pas de réponse formelle. Elle attend toutefois quatre ans avant de demander au parquet de poursuivre l’annulation de l’inscription du divorce au registre (Recommandation au SPF Affaires étrangères RO 12/05)10

10 Annexe IV.

… ou de revenir sur des prises de positions antérieures sans précaution.

L’administration doit se concerter avec les autres services concernés lorsqu’elle constate une divergence d’interprétation de la réglementation et doit éviter d’empiéter sur les prérogatives d’autres autorités.

L’administration ne peut pas se retrancher derrière le silence d’une autre administration pour justi�er son abstention d’agir : le citoyen s’attend à ce qu’elle mette au contraire tout en œuvre pour obtenir la collaboration du service dont elle dépend pour la bonne suite du dossier.

Les règles de fair-play

13

les missions du SPF Affaires étrangères

2.7. Prendre des décisions en connaissance de cause, en tenant compte de tous les éléments pertinents (gestion consciencieuse)

Monsieur Habana demande �n 2010 un passeport belge pour ses deux enfants résidant à l’étranger. Pendant plus d’un an, la Direction Droit des Personnes soulève une nouvelle dif�culté à chaque étape du dossier. De plus, elle n’entreprend aucune démarche a�n de véri�er

d’importantes informations concernant l’authenticité des actes d’état civil que lui avaient fournis Monsieur Habana et le poste diplomatique des mois plus tôt. Ce n’est pas digne d’une administration consciencieuse. Monsieur Habana a le sentiment de subir une forme d’acharnement de la part de l’administration (Recom-mandation au SPF Affaires étrangères RO 11/05)11.

2.8. Motiver ses décisions de façon compréhensible et adéquate (motivation adéquate)

Monsieur Stéphane Verbecken souhaite se marier avec une res-sortissante marocaine au Maroc. Le Consulat général de Belgique à Casablanca lui refuse le certi�cat de non-empêchement à mariage car il estime que le mariage projeté est

un mariage de complaisance. Monsieur Verbecken ne comprend pas cette décision. Elle ne contient pas de motivation en droit, comporte une motivation en faits très peu étayée et ne mentionne pas que l’avis du Parquet du Procureur du Roi avait été demandé, ni le contenu de cet avis. Il apparaît que l’avis du Parquet était en réalité beaucoup plus nuancé que la décision du poste.

Monsieur Eric Gustaaf, ressortissant belge, se présente à l’Ambassade de Belgique au Luxembourg pour obte-nir des passeports belges pour ses �lles. Le poste refuse de délivrer les passeports et indique oralement à la famille que la �liation paternelle des

enfants à l’égard de Monsieur Gustaaf n’est pas établie car la mère des enfants était encore mariée avec un ressortissant portugais au moment de leur naissance. A leur demande, le poste fournit uniquement une attestation selon laquelle les enfants ne sont pas inscrits au registre de la population consulaire de l’Ambas-sade. A l’examen du dossier, le Médiateur fédéral constate que la nationalité belge n’a pas été acquise, non pas parce que la mère des enfants était encore mariée à un ressortissant portugais, mais parce que l’acte de reconnaissance de paternité signé par Monsieur Gustaaf n’est pas conforme au droit belge. Non seulement, Monsieur Gustaaf n’a reçu aucune décision écrite qui lui explique pour quelle raisons ses �lles ne sont pas belges ni comment il peut remédier au problème, mais de plus, les explications qui lui sont données oralement ne sont pas correctes !

11 Annexe II.

Le citoyen doit fournir à l’administration toutes les informations qu’elle ne peut se procurer elle-même a�n qu’elle puisse prendre une décision. Mais l’administration doit éviter de réclamer des pièces au compte-gouttes. De même, l’administration ne peut soulever des obstacles au fur et à mesure mais doit veiller à disposer dès le départ de toutes les données nécessaires pour prendre sa décision.

L’administration doit indiquer l’ensemble des motifs qui ont présidé à sa décision, communiquer la teneur des avis sur lesquels elle s’appuie et mentionner les voies de recours ouvertes à l’administré. Elle doit agir de manière transparente et justi�er pourquoi elle a écarté les éléments favorables à la demande du citoyen

Lorsqu’elle prend une décision qui entrave l’exercice des droits fon-damentaux du citoyen, l’administration doit lui noti�er une décision formelle, même lorsque cette obligation n’est pas expressément prévue par la loi. Cette décision doit indiquer les motifs qui la sous-tendent et mentionner la manière dont elle peut être contestée.

Les règles de fair-play

14

2.9. Permettre au citoyen de faire valoir ses observations dans les affaires qui le concernent (droit d’être entendu)

Lorsque la Direction Droit des Per-sonnes estime que Monsieur Oscar Delbarre a béné�cié à tort d’un pas-seport belge pendant des années, elle suggère à l’administration com-

munale de résidence de l’intéressé de corriger la situation. Monsieur Delbarre est convoqué par son admi-nistration communale pour venir restituer ses documents d’identités belges. Monsieur Delbarre n’a pas été informé par la Direction Droit des Personnes de sa démarche et n’a pas eu l’occasion de défendre sa position...

2.10. Respecter en toutes circonstances les règles élémentaires de politesse et adopter une attitude professionnelle (courtoisie)

… ni obtenu des excuses de la part de la Direction Droit des Personnes lorsque le SPF Justice constate que l’analyse de cette Direction était erronée. Monsieur Delbarre est bien Belge.

2.11. Agir de manière transparente et informer spontanément le citoyen de manière claire, complète et objective (information active et passive)

Monsieur Verlinden a divorcé à Dubaï en 1998 mais la Direction Droit des Personnes conteste la validité de ce divorce. En 2006, il a reconnu un enfant né de son nou-veau couple. Comme la Direction Droit des Personnes estime que

Monsieur Verlinden est toujours marié à son ex-épouse, l’acte de reconnaissance aurait selon elle dû être soumis à homologation. Sans en informer l’intéressé, la Direction Droit des Personnes décide de transmettre l’acte au parquet a�n de requérir devant le tribunal l’ insertion d’une réserve d’homologation dans l’acte de reconnaissance. La Direction Droit des Personnes n’attire par l’attention des autorités judiciaires sur l’existence du divorce contesté.

Lorsque l’on remet en cause son statut national, le citoyen doit pouvoir formuler ses observations, même lorsque ce droit n’a pas été expres-sément prévu par la loi.

Lorsque l’administration se trompe, elle doit présenter ses excuses au citoyen a�n de restaurer sa con�ance.

Le citoyen a droit à une information correcte, complète et sans ambi-guïté. L’administration doit lui fournir, en toute transparence, tous les renseignements qui lui permettront de défendre au mieux ses droits. Elle ne peut se contenter de donner l’information qui soutient sa position.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

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les missions du SPF Affaires étrangères

3. Concilier intérêt général et intérêt particulier

Les histoires vécues par les plaignants permettent de dégager deux grandes problématiques : d’une part, les contestations portant sur l’état civil des Belges à l’étranger et d’autre part, les contestations portant sur la nationalité belge d’un citoyen qui s’adresse à un poste diplomatique ou consulaire pour obtenir un passeport belge.

L’état civil ou la �liation d’une personne peut poser problème indépendamment de sa nationalité lorsque, par exemple, un poste diplomatique doit tenir à jour les informations �gurant au Registre national ou dresser lui-même un acte d’état civil.

Les cas de contestation de la nationalité belge étaient tous liés à une contestation de la �liation avec l’auteur belge.

A la �n de chaque section, nous émettons des recommandations susceptibles de remédier aux pro-blèmes que nous avons constatés. L’ensemble de ces recommandations vise au �nal à promouvoir une pratique administrative soucieuse de ménager un juste équilibre entre l’intérêt général et l’intérêt particulier de chaque citoyen.

Ces recommandations ne sont pas destinées exclusivement à la Direction Droit des Personnes car celle-ci n’est pas toujours l’autorité la plus indiquée pour les mettre en œuvre. Dans certains cas, des mesures pourraient utilement être prises par une autre autorité administrative impliquée dans cette problématique, le SPF Justice, notamment. Parfois, une modi�cation législative pourrait également être envisagée.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

Concilier intérêt général et intérêt particulier

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3.1. L’état civil des Belges à l’étranger

Lorsque la Direction Droit des Personnes conteste l’état civil d’un Belge, elle se prononce soit sur un acte d’état civil dressé à l’étranger, soit sur un acte d’état civil dressé en Belgique. Nous ferons une distinction entre ces deux cas de �gure car si la Direction Droit des Personnes dispose d’un pouvoir d’appréciation dans la première hypothèse, elle n’en a aucun dans la seconde.

Dans certain cas, l’état civil d’une personne peut aussi découler de la simple application de la loi. Nous consacrerons un chapitre à l’établissement de la �liation paternelle par présomption de paternité du mari dans le cas où l’un des époux réside à l’étranger. En effet, l’établissement de la �liation paternelle de l’enfant pose problème dans ce cas de �gure en raison d’une importante divergence entre la Direction Droit des Personnes et le SPF Justice concernant l’application ou non de la présomption de paternité du mari dans l’hypothèse d’une séparation involontaire des époux.

Nous insistons en�n sur l’attitude diligente que doit adopter un chef de poste diplomatique ou consu-laire lorsqu’il doit lui-même dresser un acte d’état civil.

a) Lorsque la Direction Droit des Personnes conteste la validité d’un acte d’état civil étranger, elle doit rester raisonnable

L’article 27, § 1er, du Code de droit international privé (Code DIP) stipule qu’un « acte authentique étranger est reconnu en Belgique par toute autorité sans qu’il faille recourir à aucune procédure si sa validité est établie conformément au droit applicable en vertu de la présente loi, en tenant spécialement compte des articles 18 et 21. […] ».

Chaque autorité belge saisie d’un acte étranger se prononce donc en toute autonomie sur sa validité pour accepter ou refuser de le reconnaître. Ce n’est pas parce qu’une administration X a reconnu l’acte que l’administration Y est tenue par cette reconnaissance. Elle peut très bien décider de s’écarter de la position adoptée par la première administration. En cas de refus de reconnaissance de l’acte, le citoyen dispose d’un recours devant le tribunal de première instance a�n d’obtenir la reconnaissance judiciaire de l’acte. L’acte devient alors opposable à tous.

En 2008, nous insistions déjà sur les problèmes que pose ce mécanisme car il entraîne parfois une situation kafkaïenne pour le citoyen lorsqu’une administration communale belge reconnaît un acte d’état civil étranger alors qu’une autre s’y refuse. Les administrations communales sont en effet amenées à se prononcer sur la validité d’un acte étranger avant de le mentionner en marge d’un acte de l’état civil, de le transcrire dans un registre de l’état civil ou d’inscrire la personne, sur la base de cet acte, au Registre national. A�n d’éviter les décisions contradictoires et d’assurer la motivation formelle des décisions des of�ciers de l’état civil, nous avions recommandé que le ministre de la Justice établisse des directives 12.

La problématique reste d’actualité13. Elle a même reçu un éclairage nouveau au travers des réclamations concernant le refus de la Direction Droit des Personnes de reconnaître un acte d’état civil étranger alors que cet acte avait été considéré comme valable par toutes les autres administrations impliquées.

12 Recommandations au Parlement 08/02 et 08/03, annexe V du présent rapport. 13 Les notes de politique générale du 20 décembre 2011 concernant la réforme de l’asile et de la migration et du 27 décembre 2012 en

matière de Justice évoquent la constitution d’une banque de données des actes étrangers reconnus et refusés par une autorité sur la base du Code de droit international privé.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

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les missions du SPF Affaires étrangères

L’usage du pouvoir d’appréciation doit être raisonnable

Comme l’illustrent les exemples repris dans la partie 2 du présent rapport, la décision de la Direction Droit des Personnes de refuser de reconnaître un acte authentique étranger est particulièrement mal comprise par le citoyen lorsque cet acte a été jugé valable par toutes les autres autorités impli-quées (l’Of�ce des étrangers, l’of�cier de l’état civil, le SPF Justice, le Parquet du Procureur du Roi, les autorités étrangères…), parfois plusieurs années auparavant. Bien sûr, en application de l’article 27 du Code DIP, la Direction Droit des Personnes n’est pas strictement tenue d’adopter la même position que les autres autorités qui ont reconnu l’acte étranger mais elle doit néanmoins user de ce pouvoir d’appréciation avec discernement.

Contester un acte ancien reconnu par d’autres autorités belges nuit à la sécurité juridique

Si l’acte est ancien et que sa reconnaissance par les autres autorités impliquées remonte à plusieurs mois voire années, le citoyen a le plus souvent adopté un comportement en adéquation avec son état civil tel qu’il a été reconnu et jouit de ce fait d’une possession d’état14. Remettre en question son état civil après plusieurs années nuit gravement à la sécurité juridique. Le citoyen concerné doit pouvoir se �er à l’état civil qui lui a été reconnu. En outre, il est indiscutablement dans l’intérêt des tiers et des autorités publiques que l’état civil d’une personne ne soit pas remis constamment en question, car de nombreux droits et obligations peuvent en découler (le droit pour un divorcé de se remarier, le droit pour l’enfant d’un Belge de se voir attribuer la nationalité à son tour, l’obligation alimentaire de son parent …).

L’entrave à l’exercice d’un droit fondamental doit être proportionnée

L’administration ne peut faire de son pouvoir d’appréciation une application rigide et déshumanisée.

Dans les faits, la décision de la Direction Droit des Personnes de ne pas reconnaître un acte étranger entrave souvent l’exercice d’un droit fondamental, comme celui pour un enfant de vivre avec ses deux parents. En effet, si l’acte d’état civil étranger dont la validité est contestée conditionne la nationalité belge de l’enfant, la Direction Droit des Personnes suspend la délivrance d’un passeport à cet enfant15. Les démarches que cette direction exige des parents pour mettre �n à la contestation, impliquent géné-ralement une séparation forcée de la famille et peuvent prendre de nombreux mois, voire d’avantage16.

Compte tenu des droits fondamentaux en jeu, l’administration est tenue de mettre en balance la gravité de l’atteinte à l’intérêt général, découlant de l’irrégularité de l’acte qu’elle invoque, avec la gravité de son ingérence dans l’exercice des droits fondamentaux du citoyen. Toute entrave à l’exercice de ses droits doit être raisonnablement justi�ée. Dans cette mise en balance des intérêts, qui doit s’opérer in concreto, l’intérêt de l’enfant doit recevoir une considération primordiale.17

Le refus de reconnaître un acte étranger pour des irrégularités qui n’affectent pas une des conditions substantielles de l’acte, alors que celui-ci est reconnu par toutes les autres administrations belges impli-quées et que rien ne permet de mettre en doute la « vérité familiale » qu’il constate, ne procède pas d’un exercice raisonnable et proportionné de son pouvoir d’appréciation par la Direction droit des Personnes. L’administration ne peut se montrer d’une rigueur plus sévère lorsqu’elle véri�e la validité d’un acte étranger que ne le sont les cours et tribunaux belges lorsqu’ils jugent de la validité des actes dressés en Belgique.

14 « Situation apparente qu’adopte, normalement, le titulaire d’un droit. », H. DE PAGE, op.cit., n° 77. 15 Cfr infra, partie 3.2.a)16 A Bruxelles, une procédure en reconnaissance d’un acte étranger devant le tribunal de première instance prend plus d’un an

actuellement. Parfois, il est possible de dresser un nouvel acte en Belgique (par exemple un acte de reconnaissance volontaire de l’enfant) mais lorsque l’of�cier de l’état civil a déjà reconnu l’acte étranger, il s’opposera parfois à en dresser un nouveau. Par ailleurs, souvent cela nécessite de se procurer des documents d’état civil à l’étranger, de les légaliser, …

17 G. MATHIEU et A.-C. RASSON, « L’intérêt de l’enfant sur le �l — ré�exions à partir des arrêts de la Cour constitutionnelle en matière de �liation », J.T., 2013, pp. 425-436.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

18

Appliquer le droit étranger selon l’interprétation reçue à l’étranger et ne pas faire du droit belge une application exorbitante

Le Code de droit international privé (DIP) détermine au regard de quel droit la validité d’un acte étranger doit être examinée : le droit étranger concerné ou le droit belge.

Le Code de DIP précise que le droit étranger est appliqué selon l’interprétation reçue à l’étranger18. Nous avons pourtant constaté que la Direction Droit des Personnes substituait parfois sa propre interprétation du droit étranger à celle des autorités locales.

L’of�cier de l’état civil étranger dresse l’acte selon les règles de son propre droit. Lorsque en vertu du Code de DIP l’acte étranger doit être examiné au regard du droit belge, on ne peut naturellement pas exiger qu’il soit rédigé selon les formes usitées en Belgique. A cet égard, nous avons constaté que les reconnaissances volontaires de paternité par un auteur belge posent des problèmes récurrents. En effet, selon le Code de DIP19, la validité de l’acte de reconnaissance doit être véri�ée au regard du droit belge lorsque le père est belge au moment de la reconnaissance. Or en droit belge, pour que la reconnaissance d’un enfant soit valable, la mère doit donner son consentement préalable.

La Direction Droit des Personnes exige que ce consentement soit donné dans les mêmes termes que si l’acte était dressé en Belgique et donc qu’il mentionne explicitement que la mère « consent à la reconnaissance ». Dans l’acte étranger, ce consentement est rarement formulé dans ces termes : parfois il indique simplement que la mère con�rme que Monsieur x est bien le père de ses enfants ou qu’elle souhaite qu’ils portent son nom.

D’abord, la forme des consentements requis peut être véri�ée au regard du droit du lieu où l’acte est dressé20. Ensuite, même le Code civil ne prévoit pas la forme que doit prendre le consentement : il dit uniquement que le consentement doit être préalable.

Lorsqu’il résulte du contenu de l’acte étranger, de ses accessoires et des circonstances dans lesquelles il a été dressé que la mère consentait à la reconnaissance de ses enfants par leur auteur, nous estimons que ce consentement, même s’il n’apparaît que de manière implicite selon les normes belges, devrait suf�re à reconnaître la validité de l’acte, a fortiori, lorsque les deux parents demandent qu’il soit pris en considération: il est disproportionné de demander dans ce cas aux parents d’obtenir la reconnaissance judiciaire de l’acte ou de faire dresser de nouveaux actes21.

18 Article 15 du Code de DIP. Selon la circulaire du 23 septembre 2004 relative aux aspects de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé concernant le statut personnel, « l’article 15 […] est surtout destiné au juge mais devrait également être appliqué au besoin par l’of�cier de l’état civil. Il con�rme la pratique jurisprudentielle actuelle ».

19 Article 62 du Code de DIP.20 Article 64 du Code de DIP.21 Ainsi le Tribunal de première instance de Liège (Civ. Liège, 3e ch., 12 juin 2009) a jugé : « Certes, il y a des conditions de consente-

ments [en droit belge] mais ceux-ci doivent avoir été donnés en l’espèce puisque tous les intéressés demandent que cette recon-naissance soit prise en compte. »

Concilier intérêt général et intérêt particulier

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les missions du SPF Affaires étrangères

L’administration doit noti�er une décision motivée

Le refus de reconnaître un acte authentique étranger constitue souvent une entrave à l’exercice de droits fondamentaux de la personne concernée. Pourtant, nous avons constaté que le citoyen ne reçoit pas systématiquement par écrit les raisons qui motivent le refus de reconnaître l’acte.

Cette obligation n’est pas expressément prévue par l’article 27 du Code de DIP22. Toutefois, une décision qui porte potentiellement atteinte à un droit fondamental ne peut être implicite, orale ou informelle. Elle devrait être noti�ée par écrit, motivée adéquatement et mentionner les voies de recours. Le citoyen doit pouvoir comprendre pour quelle raison il est empêché d’exercer ses droits fondamentaux et demander éventuellement à la juridiction compétente de véri�er la légalité et la proportionnalité de la décision administrative. L’absence d’une décision dûment motivée constitue à l’évidence un obstacle important à l’exercice de ce droit de recours.

Recommandation

22 Cfr aussi Recommandations RG 08/02 et RG 08/03, annexe V.

RI 2013/01 Le refus de reconnaître un acte authentique étranger a un impact énorme sur la vie et l’état de la personne concernée et peut avoir des conséquences importantes sur sa famille et pour les tiers. Par conséquent, il est indispensable que l’administration agisse avec le plus grand soin, en restant dans les limites du raison-nable et de la proportionnalité. En conséquence, l’examen de la validité d’un acte authentique étranger doit

1. prendre en considération la reconnaissance de l’acte par les autres autorités compétentes ainsi que le délai écoulé depuis cette reconnaissance, et ce a�n de ne pas porter atteinte à la sécurité juridique ;

2. avoir égard aux conséquences qu’aura in concreto le refus de reconnaissance de l’acte sur les droits fonda-mentaux du citoyen et particulièrement sur ceux des enfants, dont l’intérêt doit recevoir une considération primordiale ;

3. tenir compte de l’interprétation du droit étranger par les autorités étrangères ;4. tenir compte de la bonne foi des comparants.

Lorsque l’administration refuse de reconnaître l’acte étranger sur la base de cet examen, cette décision doit

1. être noti�ée par écrit, être adéquatement motivée et mentionner les voies de recours, quand bien même cette obligation n’est pas prévue expressément par la loi ;

2. intervenir dans un délai raisonnable.

Si l’irrégularité de l’acte est telle qu’il n’est pas possible de le reconnaître, l’administration doit dans la mesure du possible veiller à aménager une situation provisoire pour éviter que les démarches en vue d’établir cor-rectement l’état civil entraînent la séparation forcée d’une famille.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

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b) Un acte d’état civil belge ne peut être écarté

Contrairement au cas de �gure des actes d’état civil étrangers, lorsqu’un acte a été dressé par un of�cier de l’état civil belge, aucune disposition légale ne permet à un poste diplomatique ou consulaire (ni à aucune autre administration) d’exercer un pouvoir d’appréciation sur la validité de cet acte et de l’écarter.

Il arrive pourtant que la Direction Droit des Personnes donne instruction au poste diplomatique ou consulaire de refuser de prendre en considération un acte d’état civil belge parce qu’il estime que l’of�cier de l’état civil a fait une mauvaise application de la loi en le dressant. En conséquence, selon la Direction Droit des Personnes, l’acte ne serait pas valable et aucun effet ne pourrait s’y attacher.

L’acte existe tant qu’il n’a pas été annulé : c’est une question de sécurité juridique

Un acte de l’état civil belge est couvert par la force probante qui s’attache à tout acte authentique23. Un acte ne peut être annulé que par un tribunal. Tant qu’un juge ne l’a pas annulé ou n’a pas fait droit à une demande d’inscription en faux, cet acte s’impose à tous. Aucune disposition légale ne permet à la Direction Droit des Personnes d’écarter un acte d’état civil dressé en Belgique au motif que l’of�-cier de l’état civil se serait trompé en le dressant. Il n’est pas acceptable qu’une administration décide de son propre chef d’écarter un acte, s’arrogeant de facto la compétence d’un juge. Cette pratique est contraire à la loi et méconnait la sécurité juridique que procure tout acte authentique au sein de l’ordre juridique belge.

La décision de la Direction Droit des Personnes entraîne souvent des démarches administratives longues et couteuses pour les intéressés et une séparation prolongée de la famille qui porte atteinte à l’exercice de droits fondamentaux et nuit gravement à l’intérêt supérieur de l’enfant. Sauf intention manifeste de fraude ou enjeux supérieurs à protéger, le refus de prendre en considération un acte d’état civil belge et d’y attacher tous les effets prévus par la loi n’est pas défendable.

Ne pas empiéter sur les compétences des autres autorités

Lorsque la Direction Droit des Personnes estime que l’of�cier de l’état civil a commis une erreur en dressant un acte, elle peut adresser l’acte au Parquet du procureur du Roi, qui seul pourra le cas échéant requérir son annulation devant le tribunal de première instance. Dans l’attente de l’annulation éventuelle de l’acte, la Direction Droit des Personnes doit respecter la foi due à l’acte et ne peut dès lors priver un citoyen des effets que la loi y attache.

A défaut, l’attitude de la Direction générale Affaires consulaires �nit par créer l’insécurité juridique là où elle voulait assurer le respect de la loi.

Recommandation

23 Article 1319 du Code civil.

RI 2013/02 L’administration doit respecter la foi due à tout acte d’état civil belge tant que cet acte n’a pas été annulé par la voie judiciaire et y attacher tous les effets prévus par la loi.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

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les missions du SPF Affaires étrangères

c) L’article 316bis du Code civil ou l’établissement de la �liation paternelle lorsque les époux ne résident pas (encore) à la même adresse

L’article 315 du Code civil prévoit que l’enfant né pendant le mariage a pour père le mari. Lorsque la naissance est déclarée en Belgique, ce dernier est mentionné sur l’acte de naissance de l’enfant comme étant son père sans devoir accomplir aucune démarche supplémentaire24. C’est ce qu’on appelle la présomption de paternité du mari.

La loi du 1er juillet 2006 a modi�é le Code civil a�n de prévoir des exceptions à cette présomption légale de paternité du mari « pour certaines catégories ‘suspectes’ d’enfants, compte tenu de l’improbabi-lité de la paternité du mari »25. L’une de ces catégories concerne l’enfant « né plus de 300 jours après la date d’inscription des époux à des adresses différentes […], pour autant qu’ils n’aient pas été réinscrits à la même adresse par la suite » (article 316bis, 2°, du Code civil). L’idée étant que si les époux sont séparés depuis plus de 300 jours, il est peu probable que le mari soit le père de l’enfant. Par une déclaration conjointe au moment de la déclaration de naissance, les époux peuvent cependant demander que la présomption de paternité du mari soit maintenue.

Une circulaire du 7 mai 2007 explique aux of�ciers de l’état civil la portée de cette disposition26.

A l’occasion de plusieurs réclamations, il est apparu que la Direction Droit des Personnes adoptait de manière systématique une interprétation extensive de l’article 316bis, 2°, du Code civil.

Quelle est la situation rencontrée ?

Un Belge épouse une ressortissante étrangère qui déclare par la suite la naissance, à l’étranger, de leur enfant commun27. L’épouse et l’enfant résident à l’étranger et sont dans l’attente de pouvoir rejoindre leur père et époux en Belgique28. L’époux belge se rend à son administration communale pour faire reconnaître la nationalité belge de son enfant. L’of�cier de l’état civil lui explique soit que son enfant est belge de par sa naissance, soit qu’il doit dresser un acte d’attribution de la nationalité belge29. Les parents sollicitent ensuite pour l’enfant un passeport belge auprès du poste diplomatique ou consulaire de Belgique à l’étranger mais le poste refuse de délivrer le passeport.

La position de la Direction Droit des Personnes

La Direction Droit des Personnes estime qu’en application de l’article 316bis, 2°, du Code civil, puisque les époux vivent séparés et qu’ils n’ont pas effectué de déclaration conjointe en vue de maintenir la présomption de paternité du mari, celle-ci doit être écartée. Comme elle considère que la �liation paternelle n’est pas établie, elle en conclut que l’attribution de la nationalité belge à l’enfant n’est pas valable. La Direction Droit des Personnes donne donc instruction au poste de suspendre la délivrance du passeport belge à l’enfant.

24 Article 57, 2° du Code civil.25 P. SENAEVE, “De Vaderlijke afstamming binnen het huwelijk”, De hervorming van het afstammingsrecht — Commentaar op de wetten

van 1 juli 2006, 27 december 2006 en 6 juli 2007, Antwerpen-Oxford, Intersentia, p. 16.26 Circulaire du ministre de la Justice du 7 mai 2007 relative à la loi du 1er juillet 2006 modi�ant les dispositions du Code civil relatives

à l’établissement de la �liation et aux effets de celle-ci.27 L'établissement et la contestation de paternité sont régis par le droit de l'Etat dont le père a la nationalité au moment de la nais-

sance de l'enfant (article 62, § 1er, du Code de DIP). Lorsque le père est étranger et la mère belge, la �liation paternelle s’appréciera au regard du droit étranger et l’article 316bis ne trouvera donc pas à s’appliquer.

28 Dans certains cas, la mère de l’enfant a déjà obtenu le visa de regroupement familial mais a besoin d’un titre de voyage valable pour l’enfant. Dans d’autres cas, elle ne peut obtenir de visa parce que l’époux belge n’atteint pas le plafond de revenus exigé par la loi sur le séjour des étrangers. Cette condition de revenus ne s’applique par contre pas si la demande de visa est fondée sur la nationalité belge de l’enfant mineur. Dans les deux cas, le père de l’enfant a donc un intérêt à réclamer pour celui-ci la nationalité belge.

29 Cet acte est nécessaire lorsque le père est lui-même né à l’étranger. Il doit être dressé dans les cinq ans à dater de la naissance.

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Elle invite le père à entamer de fastidieuses démarches pour recti�er ce qu’elle considère être une erreur de l’of�cier de l’état civil : le père doit reconnaître son enfant, avec le consentement explicite de la mère qui se trouve à l’étranger, un nouvel acte d’attribution de la nationalité belge doit éventuel-lement être dressé après avoir fait annuler le précédent… Tout ceci s’apparente à une course d’obs-tacles qui retarde d’autant l’établissement du lien de �liation paternelle et l’attribution de la nationalité belge à l’enfant. Il n’est pas rare que ces démarches, par ailleurs très coûteuses, prennent plusieurs mois voire des années. Sans compter que certaines administrations communales refusent de dresser de nouveaux actes puisqu’elles ont considéré que la �liation découlait du mariage des parents. Dans l’intervalle, l’enfant reste bloqué à l’étranger.

Les parents ne comprennent pas que l’on doute de la �liation paternelle de l’enfant alors qu’ils sont mariés, que l’enfant est né pendant le mariage et que l’épouse a demandé le regroupement familial pour rejoindre son époux. En outre, comment auraient-ils pu procéder à une déclaration conjointe pour maintenir la présomption de paternité, puisque la déclaration de naissance est effectuée devant les autorités étrangères qui bien entendu ignorent tout de ce mécanisme ?

La position du SPF Justice

La Direction générale de la Législation, Libertés et Droits fondamentaux du SPF Justice, compétente pour l’application pratique du droit civil, a été saisie de plusieurs demandes d’avis par la Direction Droit des Personnes mais également par certains of�ciers de l’état civil belges. Dès la mi-2012, il a adopté une position de principe concernant l’interprétation à donner à l’article 316bis, 2°, du Code civil, se basant sur l’esprit de la loi tel qu’il découle des travaux préparatoires, la circulaire ministérielle du 7 mai 2007 et la doctrine30. Selon cette position de principe, l’exception à l’application de la présomption de paternité doit recevoir une interprétation particulièrement restrictive et les of�ciers de l’état civil ne doivent donc écarter la présomption de paternité du mari que lorsque l’absence de domicile commun est la manifestation d’une désunion des époux.

Lorsque les parents se marient à l’étranger, n’ont jamais résidé à la même adresse, donnent naissance à un enfant commun et qu’aucun élément ne permet de conclure à une volonté de séparation, il n’y a pas de raison de douter de la paternité du mari et d’écarter la présomption de paternité.

L’objectif du Législateur

L’objectif du Législateur était de répondre à l’évolution des circonstances sociales, et en particulier à l’explosion du nombre de séparations et de divorces31 et d’éviter, en cas de volonté de séparation du couple extériorisée par une inscription à des adresses distinctes, que la �liation paternelle d’un enfant né après cette séparation soit établie de manière automatique à l’égard du mari de la mère, qui n’était vraisemblablement pas le père de l’enfant. On évitait ainsi la nécessité d’une procédure judiciaire pour contester la paternité du mari à l’égard d’un enfant issu du nouveau couple de sa mère. Le Législateur a voulu réduire le nombre de litiges arti�ciels.

30 Voir entre autres P. SENAEVE, Compendium van het personen- en familierecht, 2011, Leuven/Den Haag, ACCO, pp. 253-254.: “Een feitelijke scheiding die niet veruitwendigd wordt doet de vaderschapsregel niet uitschakelen, ongeacht de duur ervan bij de geboorte” (Une séparation de fait qui n’est pas extériorisée ne permet pas d’écarter la présomption de paternité, peu importe sa durée depuis la naissance) ; B. LANGENDRIES, « La désactivation de la présomption de paternité du mari lorsque les époux sont dans l’attente de se rejoindre : une double sanction ? », Newsletter ADDE, n° 84, février 2013.

31 Proposition de loi modi�ant des dispositions du Code civil relatives à l’établissement de la �liation et aux effets de celle-ci, Com-mentaire des articles, Doc. Parl., Ch. Repr. 2e session 2003-2004, n° 0597/001, p. 6 ; Circulaire du 7 mai 2007 relative à la loi du 1er juillet 2006 modi�ant les dispositions du Code civil relatives à l’établissement de la �liation et aux effets de celle-ci, point II.1.a.

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les missions du SPF Affaires étrangères

A la lecture des travaux préparatoires, il est évident que ce que visait le Législateur, c’était les cas de séparation volontaire des époux, qu’il s’agisse d’une séparation de fait des époux, d’une séparation judiciaire ou d’un divorce32/33. L’objectif de l’article 316bis n’était certainement pas d’obliger des époux résidant à des adresses distinctes pour d’autres motifs qu’une volonté de séparation à multiplier les démarches pour établir la �liation paternelle de leur enfant commun.

La Direction Droit des Personnes entretient l’insécurité juridique

Le SPF Justice a communiqué sa position à la Direction Droit des Personnes à de multiples reprises. Non seulement celle-ci choisit délibérément d’ignorer les avis du SPF Justice et continue de refuser de donner effet à la décision des of�ciers de l’état civil qui considèrent que la �liation est établie confor-mément à la lecture de l’article 316bis défendue par le SPF Justice. Mais elle a, au �l du temps, provoqué une certaine confusion au sein des administrations communales, dont certaines, confrontées à des demandes de recti�cation d’état civil de la Direction Droit des Personnes, ont �ni par se rallier à son interprétation. La Direction Droit des Personnes, plutôt que de mettre tout en œuvre pour mettre �n à la controverse, a même �ni par dresser une note à l’attention des associations d’of�ciers de l’état civil, alors qu’elle n’a évidemment aucune compétence pour ce faire, a�n de soutenir son interprétation de l’article 316bis du Code civil.

Cette confusion au sein des administrations communales quant à l’établissement de la �liation paternelle lorsque l’un des époux réside à l’étranger nuit évidemment gravement à la sécurité juridique. Nous avons constaté que le SPF Justice n’informe pas systématiquement les administrations communales des avis de principe qu’il prend. A�n de favoriser une application uniforme de l’article 316bis, 2°, du Code civil, nous avons donc demandé au SPF Justice de communiquer clairement sa position de principe aux parquets et aux of�ciers de l’état civil. Le SPF Justice étudie actuellement la manière la plus adaptée de procéder à cette clari�cation.

Une position peu soucieuse des droits fondamentaux du citoyen

Dans cette attente, il n’est pas acceptable que la Direction Droit des Personnes adopte une interpré-tation d’une disposition légale qui s’écarte de l’esprit de la loi et qui empiète sur les compétences des of�ciers de l’état civil et du SPF Justice, a�n d’y substituer sa propre interprétation, alimentant ainsi inutilement la controverse et entretenant l’insécurité juridique. Ce faisant, il agit sans aucune considé-ration pour les droits fondamentaux du citoyen. Car l’intérêt supérieur de l’enfant est que sa �liation paternelle soit établie le plus rapidement possible34. Toute exception à la règle de base que constitue

32 Proposition de loi modi�ant des dispositions du Code civil relatives à l’établissement de la �liation et aux effets de celle-ci, com-mentaire des articles, Doc. parl., Ch. Repr., 2e session 2003-2004, n° 0597/001, pp. 6-7: « La présomption de paternité doit être adap-tée aux réalités sociales et en particulier à l’explosion du nombre de divorces. […]. De la sorte, dès que l’enfant est né après une période ‘suspecte’ de 300 jours après le début d’une procédure de divorce, une séparation actée par le juge de paix, ou encore une séparation de fait, la présomption de paternité ne joue plus […]». ; Projet de loi modi�ant des dispositions du Code civil relatives à l’établissement de la �liation et aux effets de celle-ci, Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. parl. , Sén., Session 2005-2006, n°3-1402/7, pp. 15-16: « En ce qui concerne la �liation paternelle, c’est toujours la paternité du mari qui est présumée. Toutefois la présomp-tion est atténuée. […]. En particulier, elle cessera si l’enfant naît plus de 300 jours après la prise de domiciles différents par les parents, à moins que ceux-ci ne communiquent à la commune que cette situation est justi�ée par d’autres motifs qu’une volonté de séparation. Ceci permettra de faire l’économie d’une série de procès » (déclaration de la Ministre de la Justice).

33 La circulaire du 7 mai 2007 précise que la « présomption de paternité du mari […] est maintenue quant à son principe. Seules les condi-tions d’application ont été modi�ées a�n de répondre à l’évolution des circonstances sociales, entre autres l’augmentation considérable du nombre de séparations et de divorces ». « Le législateur a voulu limiter le nombre de litiges arti�ciels ».

34 « Toutes les dispositions relatives à l’état civil de la personne doivent être rédigées à la lumière de la sécurité juridique […], non seulement dans l’ intérêt de l’ individu, mais également dans celui de la société, qui doit pouvoir à tout moment s’assurer du statut de ses citoyens. Les articles 7 et 8 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant prévoient d’ailleurs que l’enfant a, dès sa naissance dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents […]. L’ idée à la base de la grande réforme du droit de la �liation réalisée en 1987 était de rencontrer la préoccupation du législateur de pouvoir établir la �liation dans le plus grand nombre de cas possible. […]. Le Service Droit de la famille considère qu’abandonner ou édulcorer la règle de paternité est un mauvais choix contraire à la préoccupation du législateur belge et européen d’établir, dans le plus grand nombre de cas possible, la �liation (ou du moins une présomption de �liation) dans l’ intérêt de l’enfant, de ses parents et des autorités. », Proposition de loi modi�ant des dispositions du Code civil relatives à l’établissement de la �liation et aux effets de celle-ci, Rapport fait au nom de la sous-commission « droit de la famille », Doc. parl., Ch. Repr., 3e session 2004-2005, n° 0597/024, p. 26.

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la présomption légale de paternité doit recevoir une interprétation restrictive et ne peut être étendue à des situations qui n’étaient pas expressément visées par le Législateur. De plus, il n’est pas admissible que cette polémique et les démarches supplémentaires exigées des parents a�n de « recti�er » l’état civil de l’enfant prolongent la séparation d’une famille.

Recommandations

RI 2013/03 Le SPF Justice doit diffuser une instruction concernant la portée de l’article 316bis, 2°, du Code civil à l’attention des parquets et des of�ciers de l’état civil a�n de garantir une application uniforme de cette disposition et de rétablir la sécurité juridique.

RI 2013/04 La Direction Droit des Personnes doit se conformer dès à présent à la lecture de l’article 316bis, 2°, du Code civil telle que dégagée par le SPF Justice.

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d) Lorsque le poste diplomatique dresse lui-même un acte d’état civil

Certains dossiers de Belges ont révélé des dif�cultés à faire dresser devant un poste diplomatique ou consulaire belge à l’étranger un acte de reconnaissance ou d’attribution du nom du père à ses enfants. Dans ces dossiers, la Direction Droit des Personnes soulevait des obstacles retardant la rédaction de l’acte d’état civil.

Lorsqu’un chef de poste diplomatique ou consulaire agit en sa qualité d’of�cier de l’état civil et qu’il est amené à dresser lui-même un acte d’état civil à la demande d’un Belge, il doit avoir égard à l’intérêt du citoyen de voir son état civil coïncider avec sa situation réelle, et ce dans les plus brefs délais. Il n’en va pas que de la sécurité juridique et de l’intérêt général. L’état civil d’une personne conditionne de nombreux droits, dont certains sont fondamentaux, mais aussi des obligations.

Ce devoir de diligence est encore renforcé lorsque l’acte à dresser doit établir la �liation d’un enfant car l’intérêt supérieur de l’enfant est que son ascendance soit établie le plus rapidement possible. En effet, de sa �liation peuvent découler de nombreux droits, tels que sa nationalité, le nom qu’il va porter, sa capacité à hériter ou son droit alimentaire à l’égard de son auteur. Lorsque l’autorité tarde à agir, cela peut être très lourd de conséquences. Si l’auteur décède avant d’avoir pu reconnaître son enfant, par exemple, la mère ne pourra faire établir la paternité de son enfant que par la voie judiciaire. Cette procédure est longue et coûteuse, d’autant que les héritiers du défunt devront être cités. Et si la mère réside à l’étranger avec son enfant, cela constituera un obstacle de plus sur son parcours. Certaines conséquences ne pourront par ailleurs plus être corrigées. Ainsi, lorsque l’enfant est né à l’étranger et que l’attribution de la nationalité belge dépend d’une déclaration de l’auteur belge, il ne sera plus possible d’attribuer la nationalité belge à l’enfant après le décès de son auteur.

La mise en balance des intérêts

Le contenu des actes de l’état civil est déterminé par le Code civil : tout acte d’état civil doit énoncer l’année, le jour et l’heure, les prénoms, noms, âges et domicile de tous ceux qui y sont dénommés35. L’of�cier de l’état civil doit « exiger tous les renseignements prescrits par la loi, et, au besoin, les rechercher d’of�ce »36. Mais il ne pourra rien exiger au-delà37. L’of�cier de l’état civil doit dresser l’acte dès lors que toutes les conditions prévues par la loi sont réunies et ne pourra refuser de le dresser que si ces conditions ne sont pas remplies.

Lorsqu’un obstacle surgit à la rédaction d’un acte d’état civil et que des dif�cultés sérieuses empêchent de lever cet obstacle dans un délai raisonnable, l’of�cier de l’état civil devrait se demander si l’obstacle est à ce point sérieux qu’il entraînerait la nullité de l’acte. Il doit mesurer les conséquences sur la vali-dité de l’acte s’il le dresse en l’état et mettre ces conséquences en balance avec l’intérêt individuel du citoyen à voir son état civil ou sa �liation établie.

En cas de dif�cultés majeures, l’of�cier de l’état civil a toujours la possibilité de demander l’avis du procureur du Roi a�n de s’assurer qu’il peut dresser l’acte en l’état.

Au �nal, seul un juge pourra apprécier si une éventuelle irrégularité affecte la validité de l’acte. Or il n’y a « pas lieu d’anéantir, sans motifs graves, l’ instrument qui constitue la seule preuve légale de l’état des personnes »38. Le juge aura égard à la gravité de l’irrégularité et à la bonne foi des comparants. Il n’annulera un acte qu’en cas d’inobservation des formalités qui sont indispensables pour la validité de l’acte (formalités substantielles)39. Tout autre erreur entraînera tout au plus la recti�cation de l’acte40

35 Art. 34 du Code civil. 36 H. DE PAGE et J.-P. MASSON, op.cit., n°286.37 Art. 35. « Les of�ciers de l'état civil ne pourront rien insérer dans les actes qu'ils recevront, soit par note, soit par énonciation quelconque,

que ce qui doit être déclaré par les comparants. »38 H. DE PAGE et J.-P. MASSON, op.cit., n° 300.39 Ibidem, n° 300.40 Par voie judiciaire ou directement par l’of�cier de l’état civil dans l’hypothèse d’une erreur matérielle.

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mais n’affectera pas la valeur probante de l’acte en tant que tel. Ainsi, l’omission ou l’inexactitude partielle des mentions relatives à l’identité des comparants n’entraînerait pas la nullité de l’acte. Par contre, si la loi prévoit un délai pour dresser l’acte et que ce délai est dépassé, la situation ne pourra plus être corrigée41.

Dans les dossiers qui nous ont été soumis, la dif�culté consistait à déterminer le nom/le prénom des enfants visés dans l’acte. Le Code de droit international privé prévoit que la détermination du prénom et du nom d’une personne est régie par le droit de l’Etat dont cette personne a la nationalité42. Supposons que l’of�cier de l’état civil éprouve des dif�cultés à déterminer le prénom selon le droit étranger ou qu’il lui est impossible d’établir la nationalité de la personne43 et donc de déterminer quel droit s’applique à la détermination du nom. Si l’obstacle n’est pas rapidement levé, il doit dresser l’acte car l’erreur éventuelle qu’il pourrait commettre n’affecterait pas la validité de l’acte mais entrainerait tout au plus sa recti�cation. Alors que s’il tarde à dresser l’acte, les conséquences sont bien plus graves. Dans l’un des cas qui nous a été soumis, le délai légal pour acter l’attribution du nom du père était écoulé. Dans le second cas, l’auteur belge est décédé avant d’avoir pu reconnaître son enfant né trois ans plus tôt.

Recommandation

41 H. DE PAGE et J.-P. MASSON, op.cit, n° 300.42 Article 37. 43 A noter que dans ce cas de �gure, le Code de droit international privé prévoit d’appliquer le droit de la résidence principale (article

3, § 4).

RI 2013/05 Les chefs de postes diplomatiques et consulaires doivent dresser les actes d’état civil avec toute la diligence requise compte tenu des droits fondamentaux en jeu et ne retarder l’établissement d’un acte qu’en présence d’un obstacle qui entraînerait la nullité de l’acte s’il n’était pas levé. En cas de doute sur la validité de l’acte à dresser, ils doivent immédiatement requérir l’avis du procureur du Roi.

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les missions du SPF Affaires étrangères

3.2. Quand la Direction Droit des Personnes conteste la nationalité belge d’une personne

La contestation de la nationalité belge d’un citoyen qui s’adresse à un poste diplomatique ou consulaire pour obtenir un passeport belge découle le plus souvent d’une contestation de sa �liation : si la �liation d’un enfant avec son auteur belge n’est pas valablement établie, sa nationalité belge pourra également être remise en cause.

Des réclamations dont nous avons été saisis se dégagent deux cas de �gure. Dans le premier cas, la Direction Droit des Personnes refuse la délivrance d’un premier passeport belge à un mineur d’âge résidant à l’étranger — souvent très jeune — en raison d’un doute sur sa nationalité. Dans le second cas, un poste diplomatique belge avait délivré un ou plusieurs passeports belges à un citoyen dans le passé, mais la Direction Droit des Personnes estime subitement que cette personne n’est plus belge ou ne l’a jamais été.

Nous conclurons sur la problématique de la contestation administrative de la nationalité en général.

a) Pour suspendre ou refuser la délivrance d’un passeport

L’article 7 de la loi du 14 août 1974 relative à la délivrance de passeports stipule qu’en cas de « doute quant à l’identité ou à la nationalité du requérant, la délivrance du passeport […] pourra être suspendue aussi longtemps que cette personne ou l’administration n’établiront pas son identité ou sa nationalité belge par des documents ou par des témoignages probants ».

Le choix des mots du Législateur a ici toute son importance : en cas de doute sur la nationalité d’un administré qui s’adresse à un poste diplomatique ou consulaire pour obtenir un passeport, l’administra-tion peut, mais ne doit pas, suspendre la délivrance du passeport. Cette formulation indique clairement que l’administration dispose en la matière d’un pouvoir d’appréciation.

A l’occasion de deux dossiers individuels dans lesquels la Direction Droit des Personnes refusait de délivrer des passeports à des enfants mineurs séparés de leur père belge, nous avions déjà eu l’occasion de préciser que « l’administration doit user de ce pouvoir discrétionnaire avec discernement, dans le res-pect des principes de bonne administration et en ayant égard aux obligations qui découlent des conventions internationales relatives aux droits fondamentaux. En particulier, elle doit prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et son droit à mener avec ses parents une vie familiale effective »44.

Votre paternité n’est pas établie : donc, cet enfant n’est pas Belge 

Toutes les réclamations qui nous ont été soumises depuis lors concernent le cas de jeunes enfants nés à l’étranger dont le père est belge. A la base du « doute » quant à sa nationalité, lequel justi�e selon la Direction Droit des Personnes une suspension ou un refus de délivrance du passeport à l’enfant, se trouve une contestation du lien de �liation de l’enfant à l’égard de son père belge. Cette �liation découle soit d’un acte étranger (par exemple un acte de reconnaissance dressé à l’étranger), soit d’un acte belge (un acte de reconnaissance dressé en Belgique), soit de la loi (application de la présomption de paternité du mari lorsque les parents sont mariés).

C’est donc cette �liation que la Direction Droit des Personnes remet en cause pour conclure que l’enfant n’est pas belge. Car, selon la Direction Droit des Personnes, si la �liation n’est pas établie, l’enfant ne peut être belge, que ce soit de plein droit par le simple fait d’être né d’un auteur belge lui-même

44 Recommandations au SPF Affaires étrangères RO 11/04 et 11/05, annexes I et II du présent rapport.

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né en Belgique45, par effet collectif46 ou à la suite d’un acte d’attribution de la nationalité belge dressé par l’of�cier de l’état civil en Belgique47.

Le doute sur la nationalité est-il raisonnable ?

La Direction Droit des Personnes ne peut pas raisonnablement douter de la nationalité d’un enfant si son doute sur la �liation n’est pas raisonnablement justi�é non plus. Nous ne reproduirons pas ici tout le raisonnement développé plus haut, dans la partie consacrée à l’état civil des Belges à l’étranger48. Mais il convient de distinguer trois cas de �gure :

1. La �liation découle d’un acte de reconnaissance dressé par un of�cier de l’état civil belge 

Cet acte doit sortir ses effets tant qu’il n’a pas été annulé par le tribunal de première instance, seul habilité à juger de la validité d’un acte d’état civil belge. La Direction Droit des Personnes doit res-pecter la foi due aux actes d’état civil belges et délivrer le passeport. Il n’y a pas de place pour un « doute » dans ce cas de �gure, car l’acte dressé en Belgique établit incontestablement la �liation, ce qui implique que la condition d’obtention de la nationalité belge est remplie. Et la Direction Droit des Personnes n’a pas à écarter l’acte de �liation dressé par l’of�cier de l’état civil. Il ne lui appartient pas de sanctionner une éventuelle erreur de l’of�cier de l’état civil : seul un tribunal peut annuler l’acte dressé. Dans cette attente, la Direction Droit des Personnes n’a aucun pouvoir d’appréciation sur l’acte et doit délivrer le passeport à l’enfant, sauf à le refuser pour un autre motif légal dûment étayé.

2. La �liation par présomption de paternité du mari a été jugée établie par l’of�cier de l’état civil belge

Nous avons longuement exposé plus haut la problématique touchant à l’interprétation de l’article 316bis du Code civil49. Dans les cas où l’of�cier de l’état civil belge a jugé devoir appliquer la pré-somption de paternité du mari en dépit de la séparation géographique des parents et qu’il a ensuite, sur la base de cette �liation, dressé un acte d’attribution de la nationalité belge (ou que la nationalité belge a été attribuée par effet collectif ou du simple fait de la naissance), la Direction Droit des Personnes ne peut pas davantage invoquer un doute sur la nationalité de l’enfant pour suspendre la délivrance du passeport. Comme nous l’avons exposé plus haut, la Direction Droit des Personnes ne peut substituer son interprétation du droit civil à celle de l’of�cier de l’état civil. Elle doit délivrer le passeport à l’enfant.

3. La �liation découle d’un acte d’état civil étranger

La Direction Droit des Personnes dispose dans ce cas d’un pouvoir d’appréciation sur la validité de l’acte étranger. Cependant, comme exposé plus haut50, le doute quant à la validité de cet acte doit être raisonnable et proportionné pour justi�er une suspension ou un refus de délivrer un passeport belge. Or la décision de la Direction Droit des Personnes de suspendre la délivrance d’un passeport n’est pas raisonnablement justi�ée lorsqu’elle ne procède pas d’une mise en balance concrète de l’intérêt général à écarter un acte irrégulier avec l’intérêt de la personne de pouvoir mener une vie familiale effective. 

45 Article 8, § 1er, 1° du Code de la nationalité belge.46 Article 12 du Code de la nationalité belge. A noter que depuis le 1er janvier 2013, l’enfant qui réside à l’étranger ne pourra plus

devenir belge par effet collectif. 47 Article 8, § 1er, 2°, b du Code de la nationalité belge. 48 Partie 3.1. 49 Cfr supra, point 3.1.c).50 Cfr supra, point 3.1.a).

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Une attitude proactive

Lorsque le doute sur la nationalité justi�e une suspension de la délivrance du passeport, la Direction Droit des Personnes doit à tout le moins indiquer les motifs qui étayent son doute. Elle doit également adopter une attitude proactive et collaborer avec l’intéressé a�n que le doute soit levé dans un délai raisonnable.

Dans la mesure du possible, elle doit tout mettre en œuvre pour que les démarches qui ne peuvent raisonnablement être évitées, n’entraînent pas nécessairement la séparation forcée d’une famille.

Si le doute n’est pas levé à l’issue d’un délai raisonnable, la Direction Droit des Personnes doit requérir l’avis du Service Nationalité du SPF Justice

Si le SPF Affaires étrangères a compétence pour délivrer les passeports, il n’a en effet aucune com-pétence pour se prononcer sur la nationalité d’une personne. La seule autorité administrative à avoir cette compétence, c’est le ministre de la Justice (par l’intermédiaire du Service Nationalité du SPF Justice) en sa qualité de gardien de la nationalité51.

Lorsqu’elle maintient qu’il existe un doute raisonnablement justi�é52 sur la nationalité d’une personne sollicitant un passeport belge à l’étranger, la Direction Droit des Personnes doit systématiquement demander l’avis du Service Nationalité du SPF Justice et en informer l’intéressé.

Seul un avis négatif lui permet de refuser la délivrance du passeport.

Une décision écrite : c’est une évidence

Lorsqu’à la suite d’un avis négatif du Service Nationalité du SPF Justice, la Direction Droit des Personnes refuse la délivrance du passeport, elle doit communiquer à la personne les raisons pour lesquelles le passeport ne peut être délivré en l’état actuel des choses. En effet, le refus de délivrer un passe-port constitue une entrave à l’exercice des droits fondamentaux du citoyen car il remet en cause sa nationalité et entraîne souvent un obstacle à l’exercice de son droit à la vie familiale. Pourtant, nous avons constaté que les parents ne reçoivent pas de communication formelle des raisons qui justi�ent le refus de délivrer le passeport à leur enfant. Une décision qui porte potentiellement atteinte à un droit fondamental ne peut cependant être prise et/ou communiquée de manière implicite, orale ou informelle. Le citoyen doit être informé du contenu de l’avis du Service Nationalité du SPF Justice et savoir qu’il peut faire trancher la question de sa nationalité devant le tribunal de première instance. Comment le citoyen pourrait-il sinon juger du bien-fondé de la décision de l’administration et exercer utilement les voies de recours dont il dispose ?

Recommandation

51 C.-L. CLOSSET, Traité de la nationalité en droit belge, Larcier, 2ème ed ., 2004, Bruxelles, n° 815.52 Dans les cas où la Direction Droit des Personnes a connaissance d’un avis de portée générale du SPF Justice, il doit se conformer à

cet avis et, sauf en cas de circonstances spéci�ques liées au dossier individuel, éviter de resoumettre inutilement la même question au Service Nationalité.

RI 2013/06 Lorsqu’elle est saisie d’une demande de délivrance d’un passeport belge,

1. la Direction Droit des Personnes ne peut suspendre la délivrance qu’en cas de doute raisonnablement justi�é sur la nationalité belge de l’intéressé ;

2. elle doit indiquer à l’intéressé les motifs de la suspension par écrit et collaborer activement avec lui pour tenter de lever le doute ;

3. si le doute n’est pas levé dans un délai raisonnable, elle doit solliciter l’avis du Service Nationalité du SPF Justice et se conformer à cet avis ;

4. en cas d’avis négatif, elle doit communiquer cet avis à l’intéressé et l’informer qu’il peut faire trancher la question de sa nationalité par le tribunal de première instance.

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b) Pour retirer le passeport ou en refuser le renouvellement

L’autre cas de contestation de la nationalité auquel nous avons été confrontés concerne le Belge résidant à l’étranger et auquel le poste diplomatique ou consulaire a délivré un ou plusieurs passeports dans le passé. Subitement, la Direction Droit des Personnes soutient que c’est à tort que cette personne a été considérée comme belge ou qu’elle a perdu la nationalité belge des années plus tôt. Si la personne réside toujours à l’étranger, le poste l’invite à lui restituer son passeport ou refuse de le renouveler. Si elle réside entre-temps en Belgique, la Direction Droit des Personnes informe l’administration communale de résidence de l’intéressé de son constat et l’invite à prendre les mesures qui s’imposent.

La loi est muette quant à l’attitude que doit adopter l’administration lorsqu’elle constate qu’elle a délivré un document d’identité à une personne qui en réalité n’était pas belge. Dans la loi du 14 août 1974 rela-tive à la délivrance de passeports, ce cas ne �gure en réalité pas parmi les hypothèses autorisant le ministre des Affaires étrangères à procéder au retrait du passeport.

L’administration doit agir avec précaution

Il est normal qu’une personne qui n’est pas belge ou ne l’est plus se voie privée de tous les droits qui découlent de cette nationalité et notamment de celui de béné�cier d’un passeport belge. Mais encore faut-il que l’administration soit bien certaine de s’être trompée. Et indépendamment de la question de savoir si la contestation de la nationalité est ou non justi�ée, l’administration doit entourer le retrait du passeport d’un minimum de garanties procédurales. Ce n’est pas parce que la loi se tait que l’admi-nistration doit en faire autant et qu’elle peut porter atteinte à la gestion consciencieuse, à la sécurité juridique et au droit du citoyen d’être entendu en lui retirant purement et simplement son passeport sans prendre de précautions.

Si le SPF Affaires étrangères a compétence pour délivrer les passeports, il n’a en réalité aucune com-pétence pour se prononcer sur la nationalité d’une personne. La seule autorité administrative à avoir cette compétence est le Service Nationalité du SPF Justice en sa qualité de gardien de la nationalité53. Compte tenu de la gravité de la décision qui consiste à priver une personne de sa nationalité, la Direc-tion Droit des Personnes devrait systématiquement demander l’avis du SPF Justice. En attendant cet avis, aucune mesure ne devrait être prise qui priverait le citoyen de l’exercice de ses droits liés à sa nationalité. Ce n’est que si le SPF Justice con�rme que la personne n’est pas belge, que l’administration communale ou le poste peuvent procéder au retrait du passeport.

Recommandation

53 C.-L. CLOSSET, op.cit., n° 815.

RI 2013/07 Lorsque la Direction Droit des Personnes conteste la nationalité belge d’une personne ayant béné�cié au préalable d’un passeport, elle doit demander l’avis du SPF Justice avant de procéder au retrait de celui-ci.

Concilier intérêt général et intérêt particulier

31

les missions du SPF Affaires étrangères

c) Phase administrative de la contestation de la nationalité belge : un vide juridique

Comme nous venons de le voir dans les deux points qui précèdent, il peut arriver qu’une adminis-tration communale ou un poste diplomatique ou consulaire à l’étranger conteste la nationalité belge d’un citoyen et lui refuse la délivrance d’un premier document d’identité ou procède au retrait d’un document existant. Mais cette contestation de nationalité pourrait en réalité émaner de toute admi-nistration chargée d’accorder un droit dont l’exercice est réservé aux Belges.

La nationalité est un droit fondamental

La nationalité est un droit constitutionnel54 et fondamental.

Priver une personne de sa citoyenneté belge est un acte particulièrement lourd de conséquences car il la prive de tous les droits dont l’exercice est réservé aux Belges et peut parfois le laisser apatride.

Si l’administration conteste parfois à raison la nationalité belge d’une personne, on a vu qu’elle pouvait également se tromper55. Tout doit être mis en œuvre pour limiter les risques d’erreur et pour s’assurer que la contestation de la nationalité belge soit tranchée dans un délai raisonnable, dans le respect des droits fondamentaux du citoyen et des normes de bonne conduite administrative.

Le Service Nationalité du SPF Justice est traditionnellement chargé par le ministre de la Justice, gardien de la nationalité, de trancher les questions de nationalité. Le rôle de ce service était autrefois marginal. Mais au 21e siècle, avec l’augmentation de la circulation des personnes, la mixité des familles n’est de loin plus une exception. Les situations d’état civil se compliquent, se constituent de plus en plus souvent à l’étranger et forment autant de sources potentielles de contestation de la nationalité d’une personne. L’examen de ces contestations est devenu plus complexe aussi, car il implique souvent plusieurs droits étrangers et requiert dès lors une expertise pointue du droit international privé.

En conséquence, il devient indispensable de centraliser l’examen de ces contestations auprès de l’autorité gardienne de la nationalité a�n d’en assurer une approche cohérente. A�n de permettre au Service Nationalité de remplir correctement cette mission, il convient de le conforter dans son rôle et de lui allouer les moyens nécessaires pour lui permettre de trancher les contestations dans un délai acceptable.

Recommandation

54 Art 8 de la Constitution, titre II, Des Belges et de leurs droits : « La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile. ».

55 Voir notamment l’exemple cité sous le point 2.5.

« Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de chan-ger de nationalité. » (Article 15 de la Convention universelle des droits de l’homme, 1948)

RI 2013/08 Consolider la phase administrative de contestation de la nationalité en

1. réaf�rmant le rôle central du SPF Justice ; 2. assurant que pendant cette phase administrative, le citoyen puisse faire valoir ses moyens de défense,

que la contestation soit tranchée dans un délai raisonnable et que le citoyen reçoive un avis motivé mentionnant explicitement qu’en cas de désaccord, il peut s’adresser au tribunal de première instance pour faire trancher la question de sa nationalité ;

3. diffusant les avis de portée générale pris par le Service Nationalité du SPF Justice a�n de soutenir les of�ciers de l’état civil;

4. dotant le Service Nationalité du SPF Justice des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses tâches.

Recommandation �nale

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4. Recommandation �nale

Ce rapport illustre que la Direction Droit des Personnes fait parfois preuve d’un manque signi�catif de culture de service. Plus d’une fois, cette direction prend des positions radicalement opposées à celles des autres autorités impliquées, voire empiète sur les compétences de celles-ci. Elle provoque ainsi une rupture du dialogue avec le citoyen et une perte de con�ance de celui-ci à l’égard de l’autorité en général.

Mais le plus inquiétant, c’est de constater dans les dossiers qui se trouvent à la base de ce rapport, que les droits fondamentaux du citoyen et ceux de sa famille ont été mis à mal sans que la Direction Droit des Personnes tente à tout le moins de limiter l’atteinte au droit au respect de la vie familiale des citoyens concernés ou de préserver au maximum l’intérêt de l’enfant. Dans bien des cas, sa décision était manifestement déraisonnable et portait une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux des citoyens.

La Direction Droits des Personnes doit tout mettre en œuvre pour remédier à cette situation et veil-ler à respecter les normes de bonne conduite administratives telles qu’elles ont été rappelées dans la partie 2 de ce rapport. Elle doit non seulement agir en conformité avec la loi mais elle doit également se montrer fair-play ! Il en va de la crédibilité de l’autorité publique dans son ensemble.

Recommandation

RI 2013/09 Le Médiateur fédéral recommande à la Direction Droit des Personnes de faire preuve de fair-play dans ses relations avec les citoyens et d’évoluer sans délai vers une véritable culture de service.  

Recommandation �nale

les missions du SPF Affaires étrangères

Annexes

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Recommandations adressées au SPF Affaires étrangère en 2011 et 2012

Annexe 1 Recommandation RO 11/04: délivrer sans délai des passeports belges aux enfants Saïdou et Emmanuel

Annexe II Recommandation RO 11/05 : délivrer sans délai des passeports belges aux enfants Mark et James

Annexe III Recommandation RO 12/02 : reconnaître les actes de reconnaissance paternelle dressés par les autorités camerounaises le 30 juillet 2010 pour les enfants Erwin et Kynan Mbendé et leur délivrer sans délai des passeports belges

Annexe IV Recommandation RO 12/05 : reconnaître le divorce intervenu en 1998 entre Monsieur Verlinden et Madame Talbot

Recommandations adressées au Parlement en 2008 et 2010

Annexe V Recommandation RG 08/02 : prendre les mesures nécessaires pour lever la contradiction qui découle de l'application combinée de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au terri-toire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et de l'article 31 du Code de droit international privé.

Recommandation RG 08/03 : établir des directives a� n d'assurer l'application uniforme de l'article 31 du Code de droit international privé, conformément à l'habilitation qui est donnée par cette disposition au Ministre de la Justice et ce, en vue d'empêcher des décisions contradictoires en matière de reconnaissance d'un acte d'état civil et d'assurer la motivation formelle des décisions de refus d'une mention en marge d'un acte de l'état civil, de transcription dans un registre de l'état civil ou d'inscription, sur la base de cet acte, au registre de la population, des étrangers ou d'attente.

Annexe VI Recommandation RG 10/05: adopter sans délai une base légale pour la délivrance des certi� cats de non-empêchement à mariage aux Belges désireux de se marier à l’étranger

Réaction du ministre des Affaires étrangères au projet de rapport

Annexe VII Lettre du 10 juillet 2013

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Annexe I – Recommandation 2011 au SPF Affaires étrangères

Les faits

Monsieur Ousmane Diagana est arrivé en Belgique en 2002 et y a déclaré son mariage, contracté le 30 décembre 1993, avec Madame Senou, de nationalité mauritanienne. Il a obtenu le statut de réfugié et par la suite, la natio-nalité belge.

A défaut de représentation diplomatique belge en Mauritanie, son épouse et ses quatre enfants issus du mariage se sont rendus en mars 2011 à l'Ambassade de Belgique à Dakar pour entreprendre les démarches a� n de rejoindre Monsieur Diagana en Belgique.

En septembre 2011, l'épouse et les deux enfants aînés se sont vus délivrer par l'Ambassade de Belgique à Dakar un visa de regroupement familial.

Pour ses deux enfants cadets, Saïdou et Emmanuel (nés les 13 août 2007 et le 10 juillet 2010), Monsieur Diagana a effectué une déclaration d'attribution de la nationalité belge sur la base de l'article 8 du Code de la nationalité belge devant l'of� cier de l'état civil de sa commune, qui en a dressé acte le 2 mars 2011. En avril 2011, ces actes ont été présentés à l'Ambassade de Belgique à Dakar en vue de la délivrance de passeports belges aux deux enfants.

Le poste diplomatique a refusé de délivrer les passeports aux enfants au motif que la paternité de Monsieur Diagana n'était pas valablement établie en droit belge au moment où il a effectué la déclaration d'attribution de la nationalité. En effet, pour les enfants nés après le 30 juin 2007, la présomption de paternité du mari édictée par l'article 315 CCiv est écartée lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après la date d'inscription des époux à des adresses différentes (article 316bis Cciv). En conséquence, si la � liation paternelle des enfants aînés, nés avant le 30 juin 2007, est établie du fait du mariage de leurs parents, il n'en va pas de même pour Saïda et Emmanuel. L'of� cier d'état civil a donc commis une erreur d'application du droit belge en actant les déclarations d'attribution de la nationalité belge aux deux enfants sur base de la présomption de paternité de Monsieur Diagana.

Le poste a indiqué à Monsieur Diagana qu'il devait reconnaître ses enfants pour qu'ils puissent prétendre à la nationalité belge. Le poste aurait également suggéré à son épouse de se rendre en Belgique a� n de donner son consentement à la reconnaissance des enfants, lesquels pourraient ensuite rejoindre très rapidement leurs parents sur la base du lien de � liation correctement établi. Elle est arrivée en Belgique le 30 septembre 2011 accompagnée des deux aînés, après avoir con� é Saïdou et Emmanuel, pour quelques jours pensait-elle, à l'une de ses connaissances à Dakar.

Le 5 octobre 2011, Monsieur Diagana a reconnu Saïdou et Emmanuel devant l'of� cier d'état civil et transmis les actes de reconnaissance au poste diplomatique à Dakar, a� n de leur faire délivrer des passeports belges. L'ambassade maintient toutefois son refus de délivrer les passeports car les actes d'attribution de nationalité sont antérieurs aux actes de reconnaissance de paternité. L'of� cier de l'état civil quant à lui, estime qu'il ne peut pas dresser de nouveaux actes d'attribution de la nationalité belge tant que les premiers actes d'attribution n'ont pas été annulés par le tribunal de première Instance.

Saïdou et Emmanuel, âgés respectivement de 4 ans et d'un an et demi, sont donc bloqués à Dakar. Outre le fait qu'ils n'ont pas de passeport mauritanien, les revenus de Monsieur Diagana sont insuf� sants pour solliciter un visa pour ses enfants sur pied de l'article 40ter nouveau de la loi du 15 décembre 1980 relatives au droit au regroupement familial entré en vigueur le 22 septembre 2011.

RO 11/04 : délivrer sans délai des passeports belges aux enfants Saïdou et Emmanuel.

Résultat : Saïdou et Emmanuel ont reçu des documents de voyage provisoires pour rejoindre leurs parents en Belgique.

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Développements

Le SPF Affaires étrangères admet qu'il ne lui appartient pas de contester, en tant que telle, la validité d'actes d'attribution de la nationalité dressés par un of� cier de l'état civil belge. Il estime par contre qu'il lui est loisible de ne pas en reconnaître les effets immédiatement dès lors qu'il constate qu'ils ont été dressés sur la base d'un lien de � liation qui ne serait pas valablement établi.

Dans pareil cas, le SPF Affaires étrangères transmet le dossier pour avis au SPF Justice. Si le SPF Justice estime que l'acte est effectivement entaché d'irrégularité, il transmet le dossier au parquet qui peut en poursuivre l'annulation devant le tribunal.

Dans l'intervalle, le SPF Affaires étrangères estime devoir suspendre la délivrance de passeports belges aux enfants conformément à l'article 7 de la loi du 14 août 1974 relative à la délivrance de passeports. Cette dispo-sition stipule qu'en cas de « doute quant à l'identité ou à la nationalité du requérant, la délivrance du passeport [...] pourra être suspendue aussi longtemps que cette personne ou l'administration n'établiront pas son identité ou sa nationalité belge par des documents ou par des témoignages probants ».

Invité à se prononcer sur la valeur d'un acte de déclaration d'attribution de la nationalité éventuellement irré-gulier, le SPF Justice a déclaré que les actes d'attribution de la nationalité sont des actes d'état civil: lorsqu'un tel acte a été dressé alors que le lien de � liation qui le sous-tend n'était pas valablement établi, il doit être annulé par le Tribunal de première Instance avant de pouvoir dresser un nouvel acte. Le Médiateur fédéral examine actuellement avec le SPF Justice quelles mesures devraient être prises pour éviter ce genre de situations.

Indépendamment du résultat de cette analyse, il apparaît que dans le cas d'espèce l'attitude du SPF Affaires étrangères n'est pas conforme à ce que le citoyen peut attendre d'une administration équitable :

1. En suspendant la délivrance des passeports dans l'attente de l'établissement de nouveaux actes d'attribution de la nationalité, sachant que la procédure judiciaire pour l'obtenir prendra des mois, voire des années, le SPF Affaires étrangères refuse de facto de reconnaître la validité des deux actes actuels et les effets qui s'y attachent. Or il revient exclusivement au tribunal d'annuler ces actes. Rien ne permet d'af� rmer à ce stade que le tribunal annulera nécessairement ces actes. En effet, la reconnaissance de paternité a un effet déclaratif et par consé-quent le lien de � liation est réputé avoir toujours existé entre le père et ses enfants, et ce depuis la naissance.

2. L'article 7 de la loi du 14 août 1974 stipule que la délivrance des passeports peut être suspendue et non qu'elle doit être suspendue en cas de doute quant à la nationalité du requérant. L'administration doit user de ce pouvoir discrétionnaire avec discernement, dans le respect des principes de bonne administration et en ayant égard aux obligations qui découlent des conventions internationales relatives aux droits fondamentaux. En particulier, elle doit prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant et son droit à mener avec ses parents une vie familiale effective.

L'erreur commise par l'of� cier de l'état civil n'est pas imputable aux plaignants qui n'ont à aucun moment tenté de tromper les autorités belges. Le SPF Affaires étrangères ne conteste pas que les enfants sont actuellement dans les conditions requises par le code de la nationalité belge pour se voir attribuer la nationalité belge. Seul le fait que les actes litigieux subsistent empêche actuellement d'établir de nouveaux actes réguliers. Le doute quant à la nationalité belge des enfants ne paraît donc pas suf� samment sérieux pour être mis en balance avec l'intérêt supérieur des enfants de béné� cier d'un passeport pour pouvoir rejoindre leurs parents et le reste de la fratrie en Belgique.

3. A ce stade, le SPF Affaires étrangères n'a réservé aucune suite utile à la suggestion du Médiateur fédéral que le poste diplomatique se concerte avec l'Of� ce des étrangers pour examiner si un autre document de voyage pourrait être délivré aux enfants a� n de rejoindre leurs parents, dans l'attente de la régularisation des actes d'attribution de la nationalité. Il manque donc également à son devoir d'assistance à un ressortissant belge, dont les enfants sont bloqués seuls à l'étranger depuis plusieurs semaines.

Le Médiateur fédéral recommande au SPF Affaires étrangères de délivrer sans délai des passeports belges à Saïdou et Emmanuel.

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Annexe II – Recommandation 2011 au SPF Affaires étrangères

Les faits

Les enfants Mark et James naissent le 15 octobre 2009 en Afrique du Sud de la relation entre leur mère et un ressortissant belge, Monsieur Habana. N'étant pas marié avec la mère des enfants, celui-ci procède à leur reconnaissance volontaire et fait acter le 1er octobre 2010 une déclaration d'attribution de nationalité par l'of� cier de l'état civil de sa commune de résidence sur la base de l'article 8 du Code de la nationalité belge. Il demande ensuite au Consulat général de Belgique à Johannesbourg de délivrer des passeports belges aux jumeaux. Le poste diplomatique refuse de délivrer les passeports au motif que les actes de reconnaissance des enfants ne seraient pas valables au regard du droit belge à défaut de mentionner le consentement de la mère.

Le 27 juin 2011, le père fait acter un nouvel acte de reconnaissance par l'of� cier de l'état civil de sa commune sur la base d'un acte notarié de consentement de la mère à la reconnaissance, dressé en Afrique du Sud. L'of� cier de l'état civil dresse le 28 juillet 2011 deux nouveaux actes d'attribution de la nationalité belge à Mark et James. Le Consulat général de Belgique à Johannesbourg refuse une nouvelle fois la délivrance des passeports belges car les actes de reconnaissance dressés par l'of� cier de l'état civil ne répondraient toujours pas au prescrit de l'article 329bis, § 2 Cciv. D'après le consulat général, l'acte notarié sud-africain n'exprimerait pas de façon claire, précise et non sujette à interprétation le consentement de la mère à la reconnaissance paternelle de ses enfants. Dans cet acte, la mère déclare que Monsieur Habana est le père biologique de Mark et James et que ceux-ci peuvent porter son nom. L'of� cier de l'état civil estime, quant à lui, que le consentement de la mère ressort à suf� sance de l'acte notarié sud-africain et qu'il est dès lors inutile de dresser un troisième acte de reconnaissance.

Développements

Le SPF Affaires étrangères admet qu'il ne lui appartient pas de contester, en tant que telle, la validité d'actes d'attribution de la nationalité dressés par un of� cier de l'état civil belge. Il estime par contre qu'il lui est loisible de ne pas en reconnaître les effets immédiatement dès lors qu'il constate qu'ils ont été dressés sur la base d'un lien de � liation qui ne serait pas valablement établi.

Dans pareil cas, le SPF Affaires étrangères transmet le dossier pour avis au SPF Justice. Si le SPF Justice estime que l'acte est effectivement entaché d'irrégularité, il transmet le dossier au parquet qui peut en poursuivre l'annulation devant le tribunal.

Dans l'intervalle, le SPF Affaires étrangères estime devoir suspendre la délivrance de passeports belges aux enfants conformément à l'article 7 de la loi du 14 août 1974 relative à la délivrance de passeports. Cette dispo-sition stipule qu'en cas de « doute quant à l'identité ou à la nationalité du requérant, la délivrance du passeport [...] pourra être suspendue aussi longtemps que cette personne ou l'administration n'établiront pas son identité ou sa nationalité belge par des documents ou par des témoignages probants ».

Invité à se prononcer sur la valeur d'un acte de déclaration d'attribution de la nationalité éventuellement irré-gulier, le SPF Justice a déclaré que les actes d'attribution de la nationalité sont des actes d'état civil: lorsqu'un tel acte a été dressé alors que le lien de � liation qui le sous-tend n'était pas valablement établi, il doit être annulé par le Tribunal de première Instance avant de pouvoir dresser un nouvel acte. En l'espèce, l'of� cier d'état civil avait accepté de dresser de nouveaux actes en remplacement des premiers actes litigieux vu l'erreur manifeste

RO 11/05 : délivrer sans délai des passeports belges aux enfants Mark et James.

Résultat : Le SPF Affaires étrangères n’a pas suivi la recommandation du Médiateur fédéral mais les enfants ont � nalement pu accéder au territoire belge avec leur mère avec un visa court séjour délivré par un autre État membre de l’Union européenne.

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qui entachait les actes de reconnaissance initiaux. Il refuse par contre de le faire une seconde fois. Le Médiateur fédéral examine actuellement avec le SPF Justice quelles mesures devraient être prises pour éviter ce genre de situations.

Indépendamment du résultat de cette analyse, il apparaît que dans le cas d'espèce l'attitude du SPF Affaires étrangères n'est pas conforme à ce que le citoyen peut attendre d'une administration équitable :

1. En suspendant la délivrance des passeports dans l'attente de l'établissement de nouveaux actes d'attribution de la nationalité, sachant que la procédure judiciaire pour l'obtenir prendra des mois, voire des années, le SPF Affaires étrangères refuse de facto de reconnaître la validité des actes actuels et les effets qui s'y attachent. Or il revient exclusivement au tribunal d'annuler ces actes. Rien ne permet d'af� rmer à ce stade que le tribunal annulera nécessairement ces actes.

2. L'article 7 de la loi du 14 août 1974 stipule que la délivrance des passeports peut être suspendue et non qu'elle doit être suspendue en cas de doute quant à la nationalité du requérant. L'administration doit user de ce pouvoir discrétionnaire avec discernement, dans le respect des principes de bonne administration et en ayant égard aux obligations qui découlent des conventions internationales relatives aux droits fondamentaux. En particulier, elle doit prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant et son droit à mener avec ses parents une vie familiale effective.

Les éventuelles erreurs commises par l'of� cier de l'état civil dans les actes successifs qu'il a dressés ne sont pas imputables aux plaignants qui n'ont à aucun moment tenté de tromper les autorités belges. En ce qui concerne le second acte de reconnaissance, l'of� cier de l'état civil a estimé que le consentement de la mère ressortait à suf� sance de ses déclarations reprises dans l'acte notarié sud-africain. Outre le fait que le SPF Affaires étrangères se livre à une lecture discutable des déclarations de la mère des enfants, on entrevoit mal ce qui lui permet de substituer son appréciation de la valeur du consentement de la mère à celle de l'of� cier d'état civil belge pour refuser de reconnaître l'effet qui s'attache à l'acte d'état civil belge de reconnaissance paternelle tant qu'il n'a pas été annulé par un tribunal.

L'établissement de nouveaux actes de reconnaissance et de nouveaux actes d'attribution de la nationalité par l'of� cier d'état civil pour remédier à son erreur initiale vient certes compliquer le débat juridique sur la validité des différents actes successifs. Il appartient toutefois au tribunal de trancher la question.

Dans l'intervalle, le doute qui en résulte quant à la nationalité des enfants ne peut être considéré comme suf� sant pour justi� er de suspendre la délivrance des passeports à ces enfants jusqu'à l'issue des procédures judiciaires, au regard de leur intérêt supérieur de pouvoir rejoindre leur père en Belgique.

Le Médiateur fédéral recommande au SPF Affaires étrangères de délivrer sans délai des passeports belges aux enfants Mark et James.

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Annexe III – Recommandation 2012 au SPF Affaires étrangères

Les faits

Erwin et Kynan naissent au Cameroun le 14 juillet 2010 de la relation de Madame Foa et de Monsieur Mbendé, tous deux camerounais et non mariés. Le 30 juillet 2010, le couple se présente devant l’of� cier de l’état civil (OEC) camerounais a� n de faire des déclarations de reconnaissance de paternité et de naissance. Le droit camerounais exige le consentement préalable de la mère à la reconnaissance paternelle et la présence de deux témoins56.

Le 29 septembre 2010, Monsieur Mbendé qui vit en Belgique depuis 2002, devient belge.

Lorsqu’en avril 2012, il se présente à son administration communale pour demander l’attribution de la nationa-lité belge à ses enfants, l’of� cier de l’état civil lui explique qu’il ne doit faire aucune démarche, ses enfants étant devenus belges en même temps que lui par effet collectif57.

En avril 2012, les parents demandent donc l’inscription des enfants au registre consulaire du Consulat de Belgique à Yaoundé et la délivrance de passeports belges. Ils produisent une copie du « registre des reconnaissances » signé par les comparants (père, mère et témoins) et des copies manuscrites58 des actes de naissance et de reconnaissance paternelle signés par l’OEC camerounais.

Le poste leur réclame des photocopies de l’acte original de reconnaissance de paternité avec les signatures de toutes les personnes présentes à la reconnaissance. Il véri� e par ailleurs que le père était présent au Cameroun lors de la conception des enfants, ce qui est le cas.

Monsieur Mbendé répond que, selon la pratique administrative camerounaise, l’OEC signe seul les actes de reconnaissance. Les parents et les témoins signent uniquement le « registre des reconnaissances », dont il a fourni une photocopie. Ce registre reprend, outre les signatures, le numéro de la déclaration de reconnaissance, l’identité des parents et des témoins, les nom, prénom et date de naissance de l’enfant ainsi que le numéro de son acte de naissance. La reconnaissance paternelle est indiquée au verso de l’acte de naissance de l’enfant avec la mention « suivant l’article 44 de l’ordonnance n°81/002 »59.

Le 14 juin 2012, le poste indique à la Direction générale des Affaires consulaires (DGC) du SPF Affaires étrangères, à propos de la � liation en droit camerounais : « la procédure qui a été appliquée ne semble guère orthodoxe mais il est dif� cile de déterminer si elle affecte la � liation paternelle (en droit camerounais). Il faudrait faire appel à un expert pour donner une réponse à cette question et, suivant l’expert, on pourrait avoir des réponses

56 Article 44 de l’Ordonnance n°81/002 du 29 juin 1951 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques : 

«  Nonobstant les dispositions de l’article 41 ci-dessus, la reconnaissance des enfants nés hors mariage peut être faite par déclaration devant l’of� cier de l’état civil au moment de la déclaration de naissance.

Dans ce cas, la déclaration du père prétendu est reçue par l’of� cier d’état civil après le consentement de la mère et en présence de deux témoins.

L’of� cier d’état civil identi� e les parents de l’enfant et consigne la déclaration dans un registre coté, paraphé par le Président du Tribunal de Première Instance et destiné à cet effet.

Cette déclaration est signée par le père, la mère, les témoins et l’of� cier d’état civil avant l’établissement de l’acte de naissance. (…) » 57 Chap II, section 4 du Code de la nationalité belge (tel qu’en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012) : acquisition de la nationalité belge

par effet collectif d’un acte d’acquisition.58 Au Cameroun, les of� ciers de l’état civil ne fournissent habituellement pas de « photocopies” des actes mais des copies manus-

crites dans lesquelles ils recopient l’acte à la main sur un nouveau formulaire, qu’ils signent.59 Cfr note 1.

RO 12/02 : reconnaitre les actes de reconnaissance paternelle dressés par les autorités camerounaises le 30 juillet 2010 pour les enfants Erwin et Kynan Mbendé et leur délivrer sans délai des passeports belges.

Résultat : Vu le refus initial des Affaires étrangères de suivre la recommandation, le Médiateur fédéral a demandé lui-même l’avis du Service Nationalité du SPF Justice, qui a conclu à la nationalité belge d’Erwin et de Kynan. Suite à cela, la Direction Droit des Personnes a donné instruction au poste de leur délivrer les passeports belges.

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les missions du SPF Affaires étrangères

divergentes du type « la � liation n’est pas établie puisque ce n’est pas la procédure prévue qui a été suivie » ou « bien que la procédure normale n’ait pas été suivie, on peut considérer que les autorités compétentes ont reconnu de facto la � liation ».

La DGC estime qu’en vertu du droit camerounais les actes de reconnaissance auraient dû être signés par les parents et que la reconnaissance n’est donc pas valable. A ses yeux, la � liation paternelle n’est donc pas établie et les enfants ne peuvent béné� cier de l’effet collectif de l’acquisition de la nationalité belge par Monsieur Mbendé.

Le Médiateur fédéral demande au Consul de Belgique à Yaoundé de véri� er les af� rmations de Monsieur Mbendé concernant la pratique administrative camerounaise. Celui-ci répond, le 22 août, que l’information selon laquelle seul le registre est signé par les déclarants est inexacte et répète que l’intéressé doit produire une copie des actes de reconnaissance dûment signés.

Le 24 septembre 2012, Monsieur Mbendé dépose au poste des actes originaux de reconnaissance signés par les déclarants, les témoins et l’OEC camerounais et datés du 30 juillet 2010. Le poste doute de l’authenticité de ces actes et dépêche un enquêteur de terrain pour véri� er les registres sur place.

Le rapport de l’enquêteur, communiqué au poste le 5 octobre 2012, constate que la pratique administrative du Centre d’État civil de Douala 5e est bien telle que l’a décrite Monsieur Mbendé60. Les parents reçoivent une copie manuscrite de l’acte de reconnaissance non signé, destiné à la sécurité sociale camerounaise, à laquelle est jointe la photocopie du registre des reconnaissances. Concernant les nouveaux actes fournis en septembre, il indique que ceux-ci « ont dû être ré-établis à la demande du père sur insistance de notre Consulat et en la présence expresse des témoins (exigence de l’Of� cier) ». Il conclut à l’authenticité et à la validité des actes de reconnaissance.

Dans son commentaire du rapport à l’attention de la DGC, le poste diplomatique indique que « l’of� cier d’état civil de Douala 5e a en effet un mode de fonctionnement qui lui est propre en ce qui concerne les reconnais-sances (….). M. Mbendé a, au départ, été victime du système établi par [cet] of� cier d’état civil. Il a bien fait la démarche de reconnaissance des enfants et nous a apporté les seuls documents dont il pouvait disposer ». Concernant les nouveaux documents produits en septembre 2012, il estime par contre que la conclusion de l’enquêteur de terrain est erronée et qu’il s’agit de faux car, s’ils ont bien été rédigés par l’OEC camerounais et que les signatures sont authentiques, ils ont été fabriqués et antidatés « devant notre insistance à obtenir une copie d’un acte en bonne et due forme signé par les comparants et l’of� cier de l’état civil ».

Le 25 octobre 2012, l’OEC camerounais établit une déclaration dans laquelle il con� rme l’authenticité des nouveaux actes de reconnaissance paternelle et explique qu’en vertu de la législation camerounaise, aucune autre date que celle du jour de la reconnaissance des enfants par leur père, soit le 30 juillet 2010, ne peut être mentionnée comme date d’établissement des dites déclarations de reconnaissance, sous peine de nullité.

Le SPF Affaires étrangères refuse de reconnaître ces actes en vertu des articles 27 et 21 du Code de droit international privé (CDIP).

60 Extrait du rapport : « (…) j’ai constaté que les parents et les témoins signalaient leur présence à une reconnaissance en signant un grand registre régulièrement estampillé du sceau de l’administration territoriale qui régit les Actes civils et, qu’aucune déclaration de Reconnais-sance dans les registres de ce centre n’était signé des parents, ni des témoins. Cependant, celle-ci est régulièrement signée de l’Of� cier et jointe aux souches des actes. Les mentions des reconnaissances sont alors portées au dos des Actes de naissance. »

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Développements

1. L’article 27 CDIP stipule qu’un acte authentique étranger est reconnu en Belgique par toute autorité, sans qu’il faille recourir à aucune procédure, si sa validité est établie conformément au droit qui lui est applicable (en l’espèce le droit camerounais). Chaque autorité saisie d’un acte étranger se prononce donc en toute autonomie sur sa validité pour accepter ou refuser de le reconnaître.

C’est ainsi que, contrairement à la DGC, l’Of� ce des étrangers (saisi précédemment d’une demande de visa de regroupement familial pour les enfants) avait reconnu la � liation paternelle et accordé le visa aux enfants en juin 2011 sur base des actes camerounais, transmis à l’époque sans aucun commentaire par le consulat61.

Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation de la validité des actes, l’administration doit respecter les normes de bonne conduite administrative, en particulier la gestion consciencieuse et le principe du raisonnable et de la proportionnalité62.

Pour juger de la conformité des actes au droit camerounais, l’administration ne peut se cantonner à une application strictement littérale des dispositions légales. Elle doit aussi prendre en considération l’interprétation donnée par les autorités camerounaises compétentes au droit applicable et ne peut substituer son interprétation à la leur.

En l’espèce, le 30 juillet 2010, l’OEC camerounais a établi les actes de reconnaissance paternelle conformé-ment à sa pratique habituelle, selon son interprétation du droit national63. Il a identi� é les parents, recueilli le consentement de la mère à la reconnaissance paternelle, reçu la déclaration du père en présence de témoins, fait signer à chacun le registre des reconnaissances et, en� n, rédigé les actes de reconnaissance qu’il a signés en sa qualité d’OEC.

Cette pratique ne parait pas nécessairement inconciliable avec le texte de la loi camerounaise, toutes les condi-tions de fond ayant d’ailleurs été respectées. Quant à la procédure suivie par l’OEC, celle-ci n’affecte pas néces-sairement la � liation en droit camerounais, comme le relevait le Consul de Belgique dans son avis de juin 2012.

La DGC considère chaque document pris séparément, d’une part le registre signé par les comparants et d’autre part la déclaration de reconnaissance signée par l’OEC, pour considérer qu’aucun des deux ne répond aux exigences de la loi camerounaise. Alors qu’à considérer le processus de reconnaissance dans son ensemble, on constate que les documents établis le 30 juillet 2010 ont été rédigés à la suite les uns des autres, l’acte de naissance y compris, et que toutes les formalités prévues par la loi camerounaise ont été respectées. Le SPF Affaires étrangères ne peut donc établir de manière certaine que cette pratique est « manifestement contraire au droit camerounais », a fortiori vu l’avis du consulat de juin 2012.

En Belgique, les juges appelés à se prononcer sur la validité d’un acte d’état civil ont égard à la bonne foi des comparants et de l’OEC et n’annulent un acte qu’en cas d’inobservation frauduleuse des formalités substan-tielles64. Il n’est dès lors pas raisonnable de juger de la validité d’un acte d’état civil étranger avec plus de sévérité que de celle d’un acte belge.

Dès lors que la présence du père lors de la conception des enfants a été con� rmée, que toutes les conditions de fond auxquelles le droit camerounais soumet la reconnaissance paternelle ont été rencontrées et que l’authenticité des documents produits en avril 2012 n’est pas contestée, le refus de reconnaître ces actes de reconnaissance au seul motif que les signatures des parents et des témoins ont été apposées dans le registre des reconnaissances et non pas sur l’acte lui-même, paraît disproportionné au regard de l’intérêt supérieur des enfants de voir leur � liation paternelle établie.

Quant aux nouveaux actes rédigés en septembre 2012 par l’OEC camerounais et signés par les parents et les témoins, l’accusation de faux paraît malvenue de la part du SPF Affaires étrangères. C’est en effet le refus per-sistant de prêter foi aux déclarations de Monsieur Mbendé sur la pratique de l’OEC de Douala 5e et l’absence

61 En 2008, le Médiateur fédéral a adressé une recommandation au Parlement, notamment en vue d’empêcher des décisions contra-dictoires en matière de reconnaissance d’un acte d’état civil étranger. (RG 08/03, Rapport annuel 2008, p. 131)

62 Voir www.mediateurfederal.be pour une dé� nition de ces normes. 63 Cfr supra, note 1.64 H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge ; Tome II, « Les personnes », vol. I, 4e éd. par J.-P. MASSON, Bruxelles, Bruylant,

1990, p. 299, n° 300.

43

les missions du SPF Affaires étrangères

de véri� cation de cette pratique par le poste diplomatique dans un premier temps, en méconnaissance du principe de gestion consciencieuse, qui ont conduit les intéressés à insister auprès de l’OEC pour obtenir des actes conformes aux exigences du Consulat. L’OEC a décidé d’établir de nouveaux actes. Au vu des explications fournies par l’OEC camerounais, l’intention frauduleuse n’est nullement avérée dans le chef de Monsieur Mbendé.

Quoiqu’il en soit, l’éventuelle nullité des seconds actes produits n’emporte pas la nullité des actes de reconnais-sance initialement déposés par Monsieur Mbendé et la mère des enfants.

2. L’article 21 CDIP permet aux autorités belges d’écarter l’application d’une disposition étrangère dans la mesure où elle produirait un effet manifestement incompatible avec l’ordre public international belge, celui-ci devant être compris comme l’« expression de principes fondamentaux qui doivent être considérés comme étant communs à toute l’humanité ou essentiels à l’ordre moral, politique ou économique selon la volonté du législateur »65.

La DGC n’indique pas quelle disposition du droit camerounais elle entend écarter pour ce motif ni quelle autre disposition du droit camerounais ou, au besoin, du droit belge elle applique pour y pallier.

On peut toutefois déduire de sa réponse que ce motif est invoqué à l’encontre de la reconnaissance des nou-veaux actes qui ont été produits par les parents en septembre 2012.

Or il ressort des développements ci-dessus que ces actes ont été produits à la suite de l’insistance du consulat et étaient superfétatoires, les documents produits en avril 2012 suf� sant à constater que la déclaration de reconnaissance de ses enfants par Monsieur Mbendé a été valablement effectuée le 30 juillet 2010 au regard du droit camerounais tel qu’appliqué localement par l’OEC compétent.

Par conséquent,

1. Constatant qu’il n’est pas contesté que Monsieur Mbendé et la mère des enfants étaient réunis au moment de la conception des enfants ;

2. qu’il n’est pas contesté que Monsieur Mbendé a accompli les démarches pour reconnaître ses enfants auprès de l’OEC camerounais le 30 juillet 2010 ;

3. qu’il n’est pas contesté que, le 30 juillet 2010, la mère des enfants a exprimé son consentement à l’établisse-ment de la � liation paternelle devant l’OEC qui a dressé les actes de reconnaissance ;

4. Considérant que les griefs invoqués par la DGC à l’encontre des déclarations de reconnaissance établies le 30 juillet 2010 tiennent au non-respect de conditions de forme (signature des comparants dans un registre et non dans l’acte lui-même) dont il n’est pas établi qu’il entraîne la nullité de la reconnaissance selon le droit camerounais ;

5. Considérant qu’en cas de doute sur la conformité de ces actes au droit camerounais et dans la mesure où aucune intention frauduleuse dans le chef de l’auteur de ces reconnaissances n’a pu être constatée, l’intérêt supérieur des enfants de voir leur � liation paternelle reconnue doit l’emporter sur un formalisme excessif ;

le Médiateur fédéral recommande au SPF Affaires étrangères de reconnaître le lien de � liation entre Monsieur Mbendé et les enfants Erwin et Kynan et de leur délivrer sans délai un passeport belge par application de l’effet collectif prévu par l’article 12 du Code de la nationalité belge.

65 Bruxelles, 15 janvier 2002, arrêt 2000/AR/2849 et la référence citée : Cass. 27 février 1986, R.C.J.B., 1989, p. 56.

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Annexe IV – Recommandation 2012 au SPF Affaires étrangères 

Les faits

Le 1er avril 1998 Monsieur Verlinden, de nationalité belge et Madame Talbot, qui a la double nationalité belge et française, divorcent devant le Tribunal de Première Instance de Dubaï aux Emirats Arabes Unis (EAU) où ils sont installés depuis de nombreuses années. Ils demandent immédiatement la transcription de leur divorce en Belgique, auprès de l’Of� cier de l’État civil (OEC) de la commune de Berchem-St-Agathe, où ils s’étaient mariés.

Interrogé par l’OEC, le Parquet du procureur du Roi remet un avis en octobre 1998, dans lequel il estime qu’au vu des documents transmis et sans informations complémentaires il ne lui paraît pas adéquat de transcrire ce divorce. Il fonde ses réserves sur deux points :

— il se demande si le jugement constitue bien un divorce et non l’homologation d’une convention amiable, autrement dit si le mariage a réellement été dissous ;

— une des clauses du divorce lui parait contraire à l’ordre public international belge. Selon cette clause, Monsieur Verlinden garde le passeport de Madame Talbot en sa possession, s’engage à ne pas annuler son visa et à le lui délivrer sur simple demande tandis que Madame Talbot s’engage à ne pas se remarier tant que son visa dépend de celui de Monsieur Verlinden.

L’OEC communique l’avis aux intéressés en les invitant à apporter d’autres preuves pour remédier aux réserves émises.

Les règles d’immigration aux EAU prévoient que pour s’installer dans les émirats les étrangers doivent béné� cier d’un « sponsor » lui-même établi aux EAU. A l’époque, Madame Talbot était autorisée à séjourner aux EAU en sa qualité d’épouse de Monsieur Verlinden, sous le « sponsorship » de ce dernier. La clause litigieuse permet donc à Madame Talbot de continuer à vivre aux EAU, avec les deux enfants communs du couple, dans l’attente d’une adaptation de sa situation de séjour.

En juin 1999, l’Ambassade de Belgique à Abou Dhabi informe la Direction générale des Affaires consulaires (DGC) du SPF Affaires étrangères que Madame Talbot « réside désormais aux EAU avec son passeport français sous le sponsorship de la société (…) où elle travaille et non plus avec son passeport belge sous le sponsorship de son ex-époux ». Le poste l’informe également que Monsieur Verlinden s’est remarié aux EAU et qu’un enfant est issu de cette union. Il demande aux services centraux de déterminer l’état civil des intéressés.

Le 10 janvier 2000, la DGC indique au poste diplomatique que le divorce conclu entre Monsieur Verlinden et Madame Talbot n’est pas valable en droit belge pour les motifs repris dans l’avis du procureur du Roi d’octobre 1998.

A l’inverse, le 27 mai 2005, suite aux démarches de Madame Talbot auprès des autorités diplomatiques fran-çaises, le procureur de la République française donne instruction de transcrire le jugement de divorce. Madame Talbot en informe l’Ambassade de Belgique qui demande à la DGC si cette reconnaissance du divorce par les autorités françaises modi� e sa position. La DGC maintient toutefois sa position et demande au poste d’en informer la France.

Le 18 avril 2006, l’agent diplomatique d’Abou Dhabi informe la DGC que des contacts ont été pris avec les autorités françaises et que celles-ci maintiennent leur reconnaissance du divorce des époux Verlinden-Talbot.

RO 12/05 : reconnaître le divorce intervenu en 1998 entre Monsieur Verlinden et Madame Talbot.

Résultat : La Direction Droit des Personnes n’a toujours pas reconnu le divorce de Monsieur Verlinden et de Madame Talbot et a soumis une nouvelle fois le dossier au SPF Justice pour avis.

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les missions du SPF Affaires étrangères

Dans ce même courrier, l’agent rappelle à la DGC que le Parquet avait donné son avis sous réserve d’informa-tions complémentaires et ne s’était pas prononcé dé� nitivement sur la reconnaissance de ce divorce. Il joint notamment à son courrier une attestation des avocats du couple, selon lequel leur divorce est passé en force de chose jugée dans les Emirats et souligne que le Parquet et l’OEC belge pourraient considérer que leurs doutes sont levés et reconnaitre ce divorce s’ils étaient informés des éléments complémentaires de ce dossier, à savoir :

— le contexte juridique local en matière d’immigration aux EAU (sponsorship de l’ex-mari) ; — le fait que Madame Talbot réside et travaille désormais aux EAU en parfaite indépendance de Monsieur

Verlinden, qu’elle voyage sans aucune entrave ; — le fait que la France a reconnu le divorce ;— le fait que Monsieur Verlinden est remarié, que 4 enfants sont issus de cette nouvelle union et que ce

nouveau mariage est reconnu par les autorités émiraties.

Le 25 août 2006, l’OEC de Berchem-Saint-Agathe procède à l’inscription du jugement de divorce en marge de l’acte de mariage. Monsieur Verlinden et Madame Talbot pensent alors que leur divorce est dé� nitivement reconnu par les autorités belges. Au registre national, ils apparaissent effectivement comme divorcés depuis le 1er avril 1998.

Informée par le poste diplomatique, la DGC demande à l’OEC les raisons pour lesquelles il a cru pouvoir recon-naître le divorce, demande qui restera sans réponse.

Près de quatre ans plus tard, en juin 2010, la DGC décide de demander l’avis du Parquet du procureur du Roi sur la transcription du divorce par l’OEC. Dans l’attente de sa réponse, il modi� e le registre national des époux, de façon à ce qu’ils y apparaissent à nouveau comme mariés.

Le 23 juillet 2010, le Parquet du procureur du Roi répond à la DGC dans les termes suivants :

« Je ne remettrai pas en cause pour ma part le divorce des époux Verlinden-Talbot tel qu’il a été acté à Dubai en 1998 puis enregistré par l’OEC de Berchem-Sainte-Agathe.

Sur le fond, il s’agissait bien pour les époux de régler la « termination » (sic) de leur mariage, et je n’aperçois pas en quoi la procédure suivie serait irrégulière s’agissant, à l’instar d’un consentement mutuel de droit belge, d’une convention de divorce rati� ée et rendue exécutoire par le juge. Quant aux dispositions éventuellement « exorbitantes » de l’accord, tout au plus sont-elles inopposables en soi, mais elles n’ont pas pour effet d’invalider la dissolution du mariage dans son principe.

A cela s’ajoute en l’espèce, vu le temps écoulé depuis les faits et la possession d’état – de divorcés – ainsi acquise par les intéressés, l’interdiction pour l’administration de déjouer encore leurs légitimes prévisions (principe de légitime con� ance). »

Ne partageant pas cette analyse, la DGC obtient, au cours d’une réunion du 21 septembre 2010 avec le SPF Justice concernant des dossiers litigieux en matière de nationalité, que ce dossier soit soumis avec d’autres au procureur général près de la Cour d’appel de Bruxelles.

Le 6 décembre 2011, le SPF Justice indique toutefois à la DGC qu’il ne le soumettra pas au Parquet général car il a constaté que ce dossier ne soulève aucune question de nationalité mais uniquement d’état civil et qu’il se rallie à l’avis du 23 juillet 2010 du procureur du Roi. Il invite la DGC à clari� er certains points sur la gestion du dossier, notamment sur le fait qu’il n’y ait apparemment pas eu de demande d’avis au poste diplomatique sur la signi� cation exacte du jugement émirati, ainsi qu’à lui apporter des éléments contredisant l’avis du procureur du Roi s’il veut que le SPF Justice poursuive néanmoins l’annulation judiciaire de l’inscription du divorce par l’OEC.

Entre-temps, en octobre 2011, le poste refuse de recevoir une procuration notariée permettant à Monsieur Verlinden d’être représenté dans la procédure de liquidation de la succession de ses parents au motif qu’elle le mentionne comme divorcé. De son côté Madame Talbot, qui souhaite se remarier, s’insurge auprès des Affaires étrangères qu’après autant d’années et toutes les explications fournies à propos de la clause litigieuse, son divorce ne soit toujours pas reconnu par les autorités diplomatiques belges.

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En décembre 2012, réagissant en� n au dernier courrier du SPF Justice, la DGC réitère son refus de reconnaître le divorce de Monsieur Verlinden et Madame Talbot en invoquant un nouvel élément, tiré de l’acte de transcription du dispositif d’un jugement du Tribunal de Première Instance de Bruxelles de 2009 qui a ordonné que l’acte du 17 avril 2006 par lequel Monsieur Verlinden reconnaissait son quatrième enfant soit complété par la mention « sous réserve d’homologation ». Selon la DGC, le juge « est d’avis par là même que Monsieur Verlinden était toujours lié par les liens du mariage avec une autre femme que la mère de l’enfant au jour de la reconnaissance de ce dernier».

Il en conclut qu’une analyse complémentaire du SPF Justice est requise et que jusqu’à preuve du contraire, les intéressés restent considérés comme mariés au regard du droit belge.

Ce jugement a été rendu sur requête unilatérale du SPF Affaires étrangères, agissant en recti� cation de l’acte de reconnaissance établi par le poste, et les intéressés disent ne pas en avoir eu connaissance.

Développements

Le droit belge66 consacre le principe de la reconnaissance de plein droit et en toute autonomie par chaque autorité administrative belge, des décisions judiciaires étrangères relatives à l’état des personnes si elles sont exécutoires dans l’État où elles ont été rendues.

Le problème central de ce dossier résulte du refus de la DGC de reconnaître le jugement de divorce émirati, refus fondé sur l’avis émis en octobre 1998 par le procureur du Roi.

La première réserve formulée en 1998 par le Procureur du Roi n’était en réalité qu’une question, portant sur la nature exacte du jugement intervenu et le fait qu’il ait bien prononcé la dissolution du mariage. Il appartenait en principe au poste diplomatique belge de véri� er cet élément au regard du droit local et force est de constater que cette interrogation n’a plus été soulevée par la suite. Tant les autorités françaises, l’OEC de Berchem Sainte-Agathe que le parquet du procureur du Roi dans son second avis de 2010, s’accordent pour conclure qu’il s’agit bien d’un jugement de divorce, équivalent au divorce par consentement mutuel.

La seconde réserve émise dans l’avis du procureur du Roi de 1998 concerne la contrariété d’une clause du divorce à l’ordre public international belge, ce qui est un des motifs de refus de la reconnaissance d’une décision judiciaire étrangère prévu à l’article 25 du Code de Droit international privé (CDIP).

La décision de la DGC du 10 janvier 2000 repose donc sur un des motifs de refus prévu par la loi. Elle n’en satisfait néanmoins pas pour autant aux exigences d’une bonne administration67 telles que la gestion conscien-cieuse, la motivation adéquate, la coordination ef� cace, le délai raisonnable, la con� ance légitime et le principe du raisonnable et de la proportionnalité.

Gestion consciencieuse et motivation adéquate

L’administration ne démontre pas qu’elle a pris sa décision en connaissance de cause, en ayant égard à tous les éléments pertinents du dossier.

La décision du 10 janvier 2000, maintenue jusqu’à ce jour, se fonde sur l’avis initial du procureur du Roi d’octobre 1998, sans égard au fait qu’il n’était pas dé� nitif et laissait la possibilité d’apporter des informations complémentaires permettant de revoir sa position. Rien ne permet de s’assurer que la DGC a tenu compte des éclaircissements fournis par le poste diplomatique dès 1999 à propos de la clause litigieuse et des développements ultérieurs du dossier et de comprendre pourquoi elle les a éventuellement écartés.

66 Que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur du Code de droit international privé (CDIP) le 1er octobre 2004.67 Ces exigences sont traduites par le Médiateur fédéral dans une grille de « normes de bonne conduite administrative » disponible

sur www.mediateurfederal.be

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les missions du SPF Affaires étrangères

L’élément nouveau tiré en décembre 2012 par la DGC d’une recti� cation de l’acte de reconnaissance paternelle de 2006 s’appuie uniquement sur l’acte de transcription du dispositif de ce jugement par le poste diplomatique. Le jugement lui-même ne � gure pas au dossier administratif. Le dispositif seul ne permet pas d’af� rmer qu’un juge belge s’est prononcé, par voie incidente, sur la validité en droit belge du jugement de divorce intervenu aux EAU. Le Médiateur fédéral s’est donc procuré le jugement auprès des autorités judiciaires : il ne contient aucune mention relative au divorce intervenu entre Monsieur Verlinden et Madame Talbot.

Il n’est pas davantage certain que ce jugement soit irrévocable, la voie de la tierce-opposition à ce jugement étant éventuellement encore ouverte à Monsieur Verlinden, de même que la voie de la recti� cation au parquet.

Coordination ef� cace

La collaboration et l’échange d’informations avec les autres autorités publiques impliquées n’ont pas été assurés. Lorsqu’en avril 2006, le poste diplomatique l’informe des nombreux éléments qui pourraient lever les doutes du parquet et de l’OEC quant à la validité de ce divorce, la DGC n’y donne aucune suite. Au lieu de s’informer des éléments qui ont permis aux autorités françaises de conclure à la reconnaissance du divorce, elle se contente de leur con� rmer le maintien de la position des autorités belges. L’absence de réponse de l’OEC à sa demande d’explication sur la transcription du divorce ne permet pas de justi� er son inaction dans le dossier pendant quatre ans. Lorsqu’en 2010, elle s’adresse au SPF Justice pour soumettre le dossier au parquet général, suite au refus du parquet du procureur du Roi de poursuivre l’annulation de la transcription, elle ne l’informe pas de l’ensemble des éléments fournis par le poste diplomatique, suscitant d’ailleurs l’étonnement du SPF Justice sur l’absence d’avis du poste concernant le jugement émirati.

Délai raisonnable

Comme l’a indiqué le parquet du procureur du Roi en 2010, il faut tenir compte de l’écoulement du temps dans l’appréciation d’une situation. Le délai raisonnable est largement dépassé lorsqu’en 2010, le SPF Affaires étrangères demande au parquet de poursuivre l’annulation de la transcription du divorce par l’OEC intervenue en 2006 et dont il avait eu connaissance immédiatement.

Con� ance légitime

Depuis 2006, le divorce est inscrit dans les registres d’état civil et entre 2006 et 2010 les intéressés sont appa-rus comme divorcés au registre national. Le parquet souligne l’interdiction pour l’administration de déjouer les prévisions légitimes ainsi suscitées dans le chef des intéressés.

Raisonnable et proportionnalité

Les informations fournies par le poste diplomatique et par Madame Talbot permettent de constater que la clause pointée par le parquet en 1998 ne mettait pas en péril les droits fondamentaux de cette dernière mais tendait au contraire à préserver son droit de séjour aux EAU. Or l’incompatibilité d’une disposition avec l’ordre public doit s’apprécier en tenant compte notamment de la gravité de l’effet produit. En l’espèce, il est permis de se demander, quel(s) intérêt(s) essentiel(s) le SPF Affaires étrangères entend protéger par son refus.

L’absence de reconnaissance du divorce des intéressés en Belgique constitue par contre un obstacle à l’exercice de leur droit au mariage et une atteinte au respect de leur vie privée et familiale.

En� n, force est de constater que le SPF Affaires étrangères est totalement isolé dans son refus de reconnaître le divorce de Monsieur Verlinden et Madame Talbot. Qu’il s’agisse du parquet, de l’OEC, du SPF Justice, ou encore des autorités françaises, toutes les autorités consultées sont favorables à la reconnaissance de ce divorce ou l’ont déjà purement et simplement reconnu.

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Par conséquent,

– Constatant que le divorce de Monsieur Verlinden et Madame Talbot est devenu dé� nitif aux EAU le 1er avril 1998 ;

– Constatant que les autorités françaises ont reconnu ce divorce ;– Constatant que l’OEC de Berchem-Sainte Agathe a reconnu ce divorce et l’a inscrit en marge de l’acte

de mariage;– Constatant que le Parquet du procureur du Roi de Bruxelles considère que ce divorce est valable en droit

belge ;– Constatant que le SPF Justice partage l’avis du Parquet du procureur du Roi et ne soumettra pas le dossier

aux instances judiciaires ;– Constatant les dif� cultés rencontrées par Monsieur Verlinden et Madame Talbot pour régler leurs affaires

familiales et patrimoniales ;

le Médiateur fédéral recommande au SPF Affaires étrangères de reconnaître le divorce de Monsieur Verlinden et Madame Talbot à la date du 1er avril 1998 et de rétablir les mentions du registre national qu’il avait effacées en 2006.

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les missions du SPF Affaires étrangères

Annexe V – Recommandations 2008 au Parlement

RG 08/02 Il arrive que plusieurs autorités soient amenées à se prononcer sur la reconnaissance d'un même acte authentique étranger dans le cadre de l'exercice de leurs compétences. L'article 27 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (ci- après Code DIP) leur permet en effet de reconnaître ou de refuser de reconnaître l'acte, indépendamment l'une de l'autre. L'article 27, § 1er, du Code DIP stipule qu'un « acte authentique étranger est reconnu en Belgique par toute autorité sans qu'il faille recourir à aucune procédure si sa validité est établie conformément au droit applicable en vertu de la présente loi, en tenant spécialement compte des articles 18 et 21 ».

Dans son aspect positif, le régime instauré par l'article 27 du Code DIP implique que la reconnaissance des actes authentiques étrangers s'opère de plein droit par toute autorité et sans procédure. Le système paraît dès lors simple pour le demandeur ... du moins aussi longtemps qu'aucune autorité ne refuse de reconnaître son acte étranger. Ce régime aboutit en effet dans certains cas à la reconnaissance d'un acte authentique étranger par certaines autorités belges alors que d'autres refuseront de le reconnaître.

Il en est par exemple ainsi lorsque l'of� cier de l'état civil transcrit dans les registres de l'état civil un acte de mariage conclu à l'étranger entre un ressortissant belge et un ressortissant étranger résidant à l'étranger et que l'état civil du ressortissant belge est modi� é en conséquence au registre de la population. Le couple apparaît donc comme étant marié aux yeux de la plupart des administrations belges qui se basent généralement sur le Registre national : l'administration � scale, les organismes de sécurité sociale, etc.

L'Of� ce des étrangers refuse par la suite d'octroyer un visa de regroupement familial a' l'époux résidant à l'étranger car il estime que l'acte ne peut pas sortir ses effets dans l'ordre juridique belge.

Face à la position contradictoire des différentes autorités belges, laquelle est souvent très mal vécue par les personnes concernées, c'est à ces dernières d'entamer les démarches a� n de résoudre leur situation. En cas de refus d'une autorité de reconnaître un acte authentique étranger, elles ont en effet la possibilité d'entamer une action judiciaire devant le tribunal de première instance qui est le seul à pouvoir statuer dé� nitivement sur la validité ou non de l'acte authentique étranger au regard du droit belge. Cependant, cette procédure, qui ne sera souvent entamée qu'après des mois d'incertitude, est parfois longue et coûteuse. De plus, il semblerait que certains tribunaux procèdent à une lecture divergente de l'article 27 du Code DIP.

RG 08/02 : prendre les mesures nécessaires pour lever la contradiction qui découle de l'appli-cation combinée de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établisse-ment et l'éloignement des étrangers et de l'article 31 du Code de droit international privé.

RG 08/03 : établir des directives a� n d'assurer l'application uniforme de l'article 31 du Code de droit international privé, conformément à l'habilitation qui est donnée par cette disposition au Ministre de la Justice et ce, en vue d'empêcher des décisions contradictoires en matière de reconnaissance d'un acte d'état civil et d'assurer la motivation formelle des décisions de refus d'une mention en marge d'un acte de l'état civil, de transcription dans un registre de l'état civil ou d'inscription, sur la base de cet acte, au registre de la population, des étrangers ou d'attente.

Résultat : La note de politique générale du 20 décembre 2011 concernant la réforme de l’asile et de la migra-tion et la note de politique générale du 27 décembre 2012 en matière de Justice évoquent la création d’un registre des actes étrangers reconnus et refusés par une autorité sur la base du Code de droit international privé. Par ailleurs, ces recommandations sont à l’agenda du groupe de travail « Actes étrangers » de l’Agence pour la simpli� cation administrative.

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Le Médiateur fédéral a rencontré des situations encore plus préoccupantes concernant des ressortissants étran-gers qui s'étaient vu délivrer un visa de regroupement familial en qualité de conjoint. Lorsque la personne arrive avec un visa de regroupement familial, l'Of� ce des étrangers a déjà véri� é que toutes les conditions de fond sont remplies et a donc reconnu l'acte de mariage. A son arrivée en Belgique, le conjoint doit se présenter à l'admi-nistration communale a� n d'introduire une demande de séjour : après contrôle de la résidence, l'administration communale délivre en principe immédiatement le titre de séjour prévu par la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après, loi sur le séjour des étrangers).

A leur arrivée en Belgique, certaines personnes sont toutefois confrontées à un refus de l'administration com-munale d'acter leur demande de séjour ou de prendre en considération la demande au motif qu'elle a un doute concernant la validité de l'acte de mariage. Alors que ces personnes sont arrivées avec un visa de regroupement familial valable, elles se retrouvent donc soit sans aucun document (lorsque l'administration communale refuse, oralement, d'acter leur demande), soit avec une décision de refus de prise en considération, laquelle n'ouvre aucun droit ni au séjour ni à aucun autre avantage qui découlerait de ce séjour (travail, droits sociaux...). Or, l'une comme l'autre de ces attitudes sont contraires à la loi sur le séjour des étrangers. En effet, cette loi ne permet en aucun cas à une administration communale de ne pas acter une demande. La décision de refus de prise en considération, quant à elle, ne peut être prise que si la personne ne présente pas d'acte de mariage légalisé : or, dans le cas qui nous occupe, la personne présente un acte de mariage légalisé, mais l'administration communale émet un doute quant à sa validité et attend, pour se prononcer dé� nitivement, d'obtenir un avis du Parquet du Procureur du Roi.

Les administrations communales justi� ent leur attitude comme suit : d'une part, l'article 27 du Code DIP leur permet de se faire leur propre opinion sur la validité de l'acte de mariage présenté, quand bien même cet acte a déjà été reconnu par l'Of� ce des étrangers. D'autre part, l'article 31 du Code DIP interdit à l'administration communale d'inscrire au registre des étrangers le conjoint qui arrive avec un visa valable tant qu'elle ne s'est pas prononcée sur la validité de cet acte, au regard des conditions visées à l'article 27 du Code DIP. L'article 31 du Code DIP dispose en effet:

« § 1er. Un acte authentique étranger concernant l'état civil ne peut faire l'objet d'une mention en marge d'un acte de l'état civil ou être transcrit dans un registre de l'état civil ou servir de base à une inscription dans un registre de la population, un registre des étrangers ou un registre d'attente qu'après véri� cation des conditions visées à l'article 27, § 1er.

[...]

§ 2. La véri� cation est réalisée par le dépositaire de l'acte ou du registre. Le Ministre de la Justice peut établir des directives visant à assurer une application uniforme des conditions visées au § 1er.

Le dépositaire de l'acte ou du registre peut, en cas de doute sérieux lors de l'appréciation des conditions visées au § 1er, transmettre l'acte ou la décision pour avis au ministère public qui procède si nécessaire à des véri� ca-tions complémentaires.

§3. [...]. »

Lorsqu'une administration communale a un doute concernant la validité de l'acte d'état civil qui lui est présenté, elle le transmet au Parquet du Procureur du Roi. Celui-ci met souvent plusieurs mois (voire davantage dans certains arrondissements judiciaires) à rendre son avis.

En attendant l'avis du Parquet, l'administration communale s'estime dans l'incapacité d'appliquer la loi sur le séjour des étrangers - laquelle l'oblige en principe à inscrire l'étranger au registre des étrangers et à lui délivrer un titre de séjour dès lors que sa résidence a été véri� ée - étant donné que l'article 31 du Code DIP lui impose de véri� er la validité de l'acte de mariage et lui interdit dans l'intervalle d'inscrire le conjoint dans le registre des étrangers ! Confrontée a' un dilemme qui leur semble insoluble, certaines administrations communales choisissent donc de placer la personne concernée dans une situation de non-droit et d'ignorer purement et simplement les obligations qui leur sont imposées par la loi sur le séjour des étrangers. Le conjoint étranger, lui, n'a pas de titre de séjour en Belgique, alors que l'Of� ce des étrangers a reconnu son mariage !

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les missions du SPF Affaires étrangères

Cette situation méconnaît les droits fondamentaux des conjoints, et plus précisément leur droit au respect de la vie familiale découlant de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, et génère une insécurité juridique et une rupture de la con� ance légitime.

Le Médiateur fédéral recommande dès lors, a� n de garantir l'exercice effectif du droit à la vie familiale tel que prévu à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, que les mesures nécessaires soient prises pour lever la contradiction qui découle de l'application combinée de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et de l'article 31 du Code de droit international privé. Le conjoint étranger qui arrive en Belgique avec un visa de regroupement familial valable, ne peut, lorsqu'il se trouve sur le territoire belge, être placé dans une situation de non-droit.

RG 08/03 Dans le prolongement de la recommandation précédente, le Médiateur fédéral a également été confronté à des situations où deux of� ciers de l'état civil prennent deux décisions parfaitement contradictoires concernant le même acte d'état civil. Prenons l'exemple d'un couple d'origine marocaine, séparé et résidant en Belgique dans deux communes différentes, qui se rend au Maroc en vue de dissoudre son mariage par répu-diation. L'un des of� ciers de l'état civil a accepté de considérer que la femme est divorcée (elle peut donc se remarier), alors que l'administration communale de l'homme a refusé de reconnaître la répudiation. L'intéressé ne peut pas se remarier en Belgique, et s'il se remarie au Maroc, sa nouvelle épouse n'obtiendra pas de visa de regroupement familial.

Dans de telles circonstances, l'autorité crée une insécurité juridique complète et en porte l'entière responsabilité. De plus, lorsque l'administration communale refuse la transcription de l'acte ou l'inscription aux registres de la population ou des étrangers, elle ne noti� e pas de décision formelle motivée à la personne concernée, laquelle n'est donc pas informée des raisons précises pour lesquelles son acte d'état civil ne peut pas être reconnu. Cette absence de décision formelle motivée est contraire à la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.

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Annexe VI – Recommandation 2010 au Parlement

La capacité de contracter mariage est réglée par la loi nationale de chacun des futurs époux.

Dans de nombreux pays, lorsqu’un Belge désire contracter mariage devant les autorités locales compétentes, celles-ci exigent qu’il produise un document de ses autorités nationales attestant qu’il satisfait aux qualités et conditions requises par la loi belge pour contracter mariage.

La délivrance de ce document touche à l’exercice du droit au mariage, tel que consacré par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme, puisqu’à défaut de pouvoir produire un tel certi� cat le ressor-tissant belge risque fortement de se voir refuser la célébration de son mariage par l’autorité étrangère.

Ce document, communément appelé « certi� cat de non-empêchement à mariage (CNEM ) » est délivré par les postes consulaires de carrière.

Jusqu’à présent, il n’y a toutefois pas de base légale en droit belge qui habilite les postes consulaires à délivrer ce document et qui en � xe les conditions et la procédure de délivrance.

En droit international, la délivrance de ces certi� cats est réglée dans la Convention n° 20 de la Commission Internationale de l’État civil, à laquelle la Belgique est partie. Elle n’est pas encore en vigueur, faute de rati� cation par la Belgique68. Elle oblige néanmoins les États parties à ne pas mener de politique contraire aux dispositions de la convention.

Pour pallier l’absence de disposition légale, la délivrance des CNEM est organisée par des instructions internes du SPF Affaires étrangères à l’attention des ambassades et consulats belges. Ces instructions consulaires ne sont toutefois pas publiées et les citoyens belges ne peuvent donc pas les consulter.

Ces instructions ont fait l’objet ces dernières années de modi� cations substantielles, sans être soumises à un contrôle de légalité.

Ces modi� cations ont abouti à des revirements complets sur la quali� cation de la nature de l’acte et sur la qualité en laquelle le chef de poste délivre ce certi� cat, avec des conséquences importantes sur le traitement de la demande, les motifs de refus et les voies de recours.

Pendant longtemps, le CNEM fut considéré comme une simple attestation consulaire délivrée par le fonction-naire en poste dans le cadre de ses fonctions consulaires générales. Aucune voie de recours n’était indiquée au requérant en cas de refus et le département usait de son pouvoir d’injonction à l’égard des agents consulaires.

A la suite d’une première intervention du Médiateur fédéral en 2004 qui s’appuyait sur la jurisprudence de la Cour d’appel de Bruxelles69, le SPF Affaires étrangères avait revu ses instructions70. Dorénavant, le CNEM était considéré comme un document délivré par le chef de poste en sa qualité d’of� cier d’état civil. Un lien était établi avec les instructions du Ministre de la Justice concernant la lutte contre les mariages simulés en Belgique. Si le chef de poste l’estimait nécessaire, il pouvait solliciter l’avis du Procureur du Roi mais ne pouvait recevoir aucune injonction du département en la matière. Sa décision devait être dûment motivée et indiquer la possibilité d’introduire un recours devant le tribunal de première instance.

68 Commission internationale de l’État civil : Convention n° 20 signée à Munich le 5 septembre 1980.69 Bruxelles (1e ch.), 24 novembre 1998. 70 Circulaire TC 567 du 14 septembre 2004.

RG 10/05 : adopter sans délai une base légale pour la délivrance des certi� cats de non-em-pêchement à mariage aux Belges désireux de se marier à l’étranger.

Résultat : Le 26 avril 2013, la Chambre a voté un projet de loi en vue de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance, lequel insère une base légale pour la délivrance des CNEM. Cette loi doit encore être publiée.

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les missions du SPF Affaires étrangères

Cette révision amena le SPF Affaires étrangères à réexaminer globalement sa pratique en matière de délivrance de CNEM, au regard du droit existant et de la jurisprudence. Une nouvelle instruction a vu le jour en 200671. Elle restreint la portée du CNEM à la seule véri� cation par le poste qu’il n’y a pas d’empêchements légaux au mariage dans le chef du futur époux belge, sans avoir égard à l’autre candidat au mariage. Désormais, il n’appartient plus au poste de juger de l’intention des futurs époux, mission qui incombe à l’autorité qui célèbre le mariage72. Comme l’indiquait le Ministre des Affaires étrangères de l’époque, la présomption qu’il s’agit d’un mariage de complaisance ne peut justi� er un refus de délivrer le certi� cat. Le département des Affaires étrangères n’a pas la compétence légale d’ouvrir une enquête à l’égard du candidat au mariage73.

Alors que rien n’avait changé depuis 2006 – le cadre légal n’avait pas été modi� é74 et il n’y avait pas eu de nouvelle jurisprudence des cours et tribunaux à ce sujet – le SPF Affaires étrangères a modi� é radicalement sa pratique en 2009. Une circulaire du 12 mai 200975 annule et remplace la circulaire de 2006 et décrète sans autre motivation que le CNEM ne ressortit pas à la compétence personnelle du chef de poste en qualité d’of� cier d’état civil. Remplir les conditions requises pour pouvoir contracter mariage est nécessaire mais plus suf� sant.

Dorénavant :

– Le chef de poste doit également véri� er qu’il n’y a pas de soupçons de mariage simulé au sens de l’article 146bis du Code civil ou de mariage forcé au sens de l’article 146ter du Code civil.

– Si le chef de poste a des soupçons de mariage simulé ou forcé après avoir interrogé séparément les candidats au mariage, il doit transmettre un rapport circonstancié à la Direction générale des Affaires consulaires (DGC) à Bruxelles76.

– La DGC adresse l’ensemble du dossier au Procureur du Roi. Le certi� cat sera refusé en cas d’avis négatif du Procureur du Roi77.

– La noti� cation du refus doit être argumentée et indiquer la possibilité d’introduire un recours contre le SPF Affaires étrangères auprès du tribunal de première instance.

Le recours devant le tribunal de première instance n’est pas spéci� quement organisé. Il s’inscrit dans la compétence générale de cette juridiction. Il est donc loin d’offrir les mêmes garanties d’effectivité que l’action ouverte contre un refus de l’of� cier de l’état civil d’acter la déclaration de mariage en Belgique, qui suit les formes du référé.

Le vide juridique qui entoure actuellement la délivrance des CNEM porte une atteinte grave à la sécurité juri-dique et constitue une entrave à l’exercice du droit fondamental au mariage.

Il est donc impératif de légiférer en la matière.

Le Médiateur fédéral recommande d’encadrer par voie légale et sans délai la délivrance des certi� cats de non-empêchement à mariage, a� n d’assurer la sécurité juridique et de garantir un recours effectif au citoyen belge en cas d’atteinte à son droit au mariage.

71 Circulaire TC 2006/49 du 23 janvier 2006.72 Question n° 306 de Mme Nahima Lanjri du 4 janvier 2006, Q.R., Chambre, 2005-2006, n° 113, pp. 21 624 et s.73 Question n° 13 220 de Mme Nahima Lanjri du 9 janvier 2007, C.R.I., Chambre, 2006-2007, 51 COM 1149, pp. 11 et s. 74 Plusieurs propositions de loi sont déposées à la Chambre des représentants en la matière. 75 Circulaire TC 2009/326 du 12 mai 2009 relative aux certi� cats de non-empêchement à mariage complétée par la circulaire TC

2010/0576 du 12 juillet 2010 et modi� ée par la circulaire TC 2010/770 du 14 octobre 2010. 76 Sauf si le demandeur ne réside pas en Belgique. Dans ce cas, le poste peut refuser directement le CNEM sur la base du résultat de

l’interview.77 A cet égard, on peut s’interroger sur la base légale ou circulaire en vertu de laquelle les procureurs sont fondés à rendre cet avis.

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Annexe VII – Lettre du 10 juillet 2013

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