19
LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE Une sélection des arrêts rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation N° 2 - Janvier 2021

LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

LETTRE DE LA

CHAMBRE COMMERCIALE

FINANCIEgraveRE ET

EacuteCONOMIQUE

Une seacutelection des arrecircts rendus par

la chambre commerciale de la Cour de cassation

Ndeg 2 - Janvier 2021

1

TABLE DES MATIEgraveRES

AGENT COMMERCIAL 2

Qualification - Pouvoir de neacutegociation - Impossibiliteacute de modifier les prix 2

BANQUE 3

Banque - Prestataire de services drsquoinvestissement 3

CAUTIONNEMENT 4

Cautionnement - Eacutetendue - Deacutecouvert en compte 4

FISCALITEacute 5

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par destination 5

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole additionnel agrave la

Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales - Application

reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective - caractegravere confiscatoire Appreacuteciation 6

MARCHEacuteS FINANCIERS 9

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables - Saisies de

donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux 9

PROPRIETE INDUSTRIELLE 10

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash Contrefaccedilon -

Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance 10

PROCEDURES COLLECTIVES 12

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale condamnant le

deacutebiteur sous sauvegarde 12

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation

des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour lexercer - Point de deacutepart 13

TRANSPORT MARITIME 14

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees 14

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue 15

TRANSPORT TERRESTRE 17

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire - Absence de

responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur 17

2

AGENT COMMERCIAL

Qualification - Pouvoir de neacutegociation - Impossibiliteacute de modifier les prix

Com 2 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg18-20231

Sommaire

Par un arrecirct du 4 juin 2020 (C-82818 Trendsetteuse) la CJUE a dit pour droit que larticle 1er

paragraphe 2 de la directive ndeg86653CEE du 18 deacutecembre 1986 relative agrave la coordination des droits des

Etats membres concernant les agents commerciaux indeacutependants doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens quune

personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises dont elle

assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee dagent commercial au sens de cette

disposition

Viole en conseacutequence larticle 134-1 du code de commerce tel quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere de larticle 1er

preacuteciteacute la cour dappel qui pour dire que le mandataire navait pas le statut dagent commercial et rejeter

ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec le mandant se fonde sur

limpossibiliteacute pour le mandataire de neacutegocier les prix

Commentaire

Lenjeu de la qualification dun intermeacutediaire en agent commercial est lapplication du statut de lagence

commerciale et en particulier de ses dispositions dordre public

Lapplication du statut dagent commercial selon une jurisprudence bien eacutetablie ne deacutepend ni de la

volonteacute exprimeacutee par les parties dans le contrat ni de la deacutenomination quelles ont donneacutee agrave leurs

conventions mais des conditions dans lesquelles lactiviteacute est effectivement exerceacutee

La qualification repose essentiellement sur lobjet du contrat qui doit ecirctre la mission laquo permanente raquo de

laquo neacutegocier et eacuteventuellement de conclure des contrats [hellip] au nom et pour le compte raquo de professionnels

Particuliegraverement ce pouvoir de neacutegocier constitue une condition neacutecessaire et suffisante de la

qualification drsquoagent commercial pour la jurisprudence Or celle-ci retient une acception stricte de la

notion de neacutegociation afin de pouvoir distinguer lrsquoagent commercial drsquoautres intermeacutediaires commerciaux

qui ne beacuteneacuteficient pas de son statut protecteur La neacutegociation ne saurait ainsi se reacutesumer agrave une simple

promotion du produit ni davantage agrave la seule prospection de la clientegravele ou encore agrave un rocircle

drsquointermeacutediaire passif mais suppose une intervention active et positive de celui qui la met en œuvre

neacutecessitant qursquoil dispose drsquoune marge de manœuvre certaine pour influer sur les eacuteleacutements constitutifs du

contrat avant sa conclusion La jurisprudence deacutenie donc la qualiteacute dagent aux intermeacutediaires qui

preacutesentent les produits aux clients mais nont pas la possibiliteacute dapporter des modifications aux conditions

des contrats (Com 15 janvier 2008 pourvoi ndeg06-14698 Bull civ IV ndeg4 Com 20 mai 2008

pourvoi ndeg07-13488 Com 9 deacutec 2014 pourvoi ndeg13-22476) et inversement la reconnaicirct agrave ceux

pouvant modifier les prix de vente ou encore les remises et modaliteacutes de regraveglement des factures (Com 3

avril 2012 pourvoi ndeg11-13527 Bull civ IV ndeg71 Com 14 juin 2005 pourvoi ndeg03-14401 Com

19 juin 2019 nordmordm18-11727)

A la suite de lrsquoarrecirct rendu le 4 juin 2020 (Trendsetteuse C-82818) par la CJUE laquelle eacutetait saisie sur

question preacutejudicielle de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive 86653CEE du

Conseil du 18 deacutecembre 1986 relative agrave la coordination des droits des Etats membres concernant les

agents commerciaux indeacutependants dont lrsquoarticle 134-1 du code de commerce qui deacutefinit lrsquoagent

commercial assure la transposition la Cour de cassation a preacuteciseacute les contours de la notion de

neacutegociation

3

La CJUE ayant dit pour droit que lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens

qursquoune personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises

dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee drsquoagent commercial au sens de

cette disposition la Chambre commerciale en a tireacute pour conseacutequence que doit deacutesormais ecirctre qualifieacute

dagent commercial le mandataire personne physique ou morale qui agrave titre de profession indeacutependante

sans ecirctre lieacute par un contrat de louage de services est chargeacute de faccedilon permanente de neacutegocier et

eacuteventuellement de conclure des contrats de vente dachat de location ou de prestation de services au

nom et pour le compte de producteurs dindustriels de commerccedilants ou dautres agents commerciaux

quoiqursquoil ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services

BANQUE

Banque - Prestataire de services drsquoinvestissement

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-12112

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 133-19 IV et L 133-23 du code moneacutetaire et financier dans leur reacutedaction issue

de lordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009 que sil entend faire supporter agrave lutilisateur dun

instrument de paiement doteacute dun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute les pertes occasionneacutees par une

opeacuteration de paiement non autoriseacutee rendue possible par un manquement de cet utilisateur intentionnel

ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles L 133-16 et L 133-17 de ce code le

prestataire de services de paiement doit aussi prouver que lopeacuteration en cause a eacuteteacute authentifieacutee ducircment

enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Commentaire

Le droit des services des paiements a eacuteteacute profondeacutement renouveleacute par la directive 200764CE du 13

novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marcheacute inteacuterieur transposeacutee en droit interne

par lrsquoordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009

Lrsquoarticle L 133-18 du code moneacutetaire et financier pose en principe qursquoen cas drsquoopeacuteration de paiement

non autoriseacutee signaleacutee dans le deacutelai preacutevu par lrsquoarticle L 133-24 le prestataire de services de paiement

rembourse au payeur le montant de lrsquoopeacuteration

Lrsquoarticle L 133-19 preacutevoit ensuite un certain nombre drsquoexceptions pour ce qui concerne les opeacuterations

reacutealiseacutees au moyen drsquoun instrument de paiement doteacute drsquoun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute (ou depuis

lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoordonnance ndeg 2017-1252 du 9 aoucirct 2017 doteacute de donneacutees de seacutecuriteacute

personnaliseacutees)

Le point IV de cet article dispose notamment que le payeur supporte toutes les pertes occasionneacutees par

des opeacuterations de paiement non autoriseacutees si ces pertes reacutesultent dun agissement frauduleux de sa part ou

sil na pas satisfait intentionnellement ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles

L 133-16 et L 133-17 (qui lui imposent de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de

ses dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes ou et drsquoinformer sans tarder son prestataire srsquoil a connaissance du

vol du deacutetournement ou de toute utilisation non autoriseacutee de son instrument de paiement)

4

Lrsquoarticle L 133-23 preacutecise enfin les modaliteacutes de mise en œuvre de ces dispositions et preacutevoit en

particulier en son premier alineacutea que lorsqursquoun utilisateur nie avoir autoriseacute une opeacuteration de paiement

qui a eacuteteacute exeacutecuteacutee il incombe agrave son prestataire de prouver que lrsquoopeacuteration en question a eacuteteacute authentifieacutee

ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Lrsquoapport du preacutesent arrecirct consiste agrave preacuteciser que ces derniegraveres dispositions sont applicables lorsque le

prestataire de services de paiement pour refuser de rembourser le montant drsquoune opeacuteration que son client

conteste avoir autoriseacutee reproche agrave ce dernier un manquement intentionnel ou par neacutegligence grave aux

obligations mises agrave sa charge par les articles L 133-16 et L 133-17

La chambre avait deacutejagrave eacuteteacute ameneacutee agrave juger que dans cette hypothegravese le prestataire doit rapporter la preuve

de cette neacutegligence grave preuve qui ne peut se deacuteduire du seul fait que lrsquoinstrument de paiement ou les

donneacutees personnelles qui lui sont lieacutees ont eacuteteacute effectivement utiliseacutes (Com 18 janv 2017 ndeg 15-18102

publieacute Com 28 mars 2018 ndeg 16-20018 publieacute Com 21 nov 2018 ndeg 17-18888 Com 3 avr

2019 ndeg 18-11293 Com 29 mai 2019 ndeg 18-10147) Elle a eacutegalement preacuteciseacute que manque par

neacutegligence grave agrave son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de ses

dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes lutilisateur dun service de paiement qui communique les donneacutees

personnelles lieacutees agrave son instrument de paiement en reacuteponse agrave un courriel qui contient des indices

permettant agrave un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance (Com 28 mars 2018 ndeg 16-

20018 Com 6 juin 2018 ndeg 16-29065) ou davoir conscience que ce courriel eacutetait frauduleux (Com

25 oct 2017 ndeg 16-11644 Bull ndeg 139 rendu dans la preacutesente affaire Com 3 oct 2018 ndeg 17-

21395)

Par le preacutesent arrecirct la chambre preacutecise qursquooutre cette preuve du manquement commis par lrsquoutilisateur le

prestataire doit encore rapporter celle du lien de causaliteacute entre ce manquement et les pertes occasionneacutees

par lrsquoopeacuteration non autoriseacutee Pour ce faire le prestataire doit deacutemontrer drsquoune part que lrsquoeacutemission de

lrsquoordre de paiement litigieux a eacuteteacute rendue possible par ce manquement et drsquoautre part qursquoil a

correctement exeacutecuteacute cet ordre crsquoest-agrave-dire comme le preacutevoit lrsquoarticle L 133-23 que lrsquoopeacuteration a eacuteteacute

authentifieacutee ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience

technique ou autre

CAUTIONNEMENT

Cautionnement - Etendue - Deacutecouvert en compte

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-14768

Sommaire

Selon larticle 2292 du code civil le cautionnement ne se preacutesume pas il doit ecirctre expregraves et on ne peut pas

leacutetendre au-delagrave des limites pour lequel il a eacuteteacute contracteacute

En conseacutequence prive sa deacutecision de base leacutegale la cour dappel qui condamne une caution agrave garantir le

remboursement du solde dun compte courant sans rechercher au regard des circonstances invoqueacutees par

la caution si celle-ci navait pas garanti quune autorisation de deacutecouvert suppleacutementaire venant sajouter

agrave un deacutecouvert deacutejagrave consenti de sorte quelle naurait eacuteteacute tenu quau paiement de la part du solde deacutebiteur

exceacutedant le montant de lautorisation preacuteexistante

5

Commentaire

Il est de principe qursquoen aucun cas une caution ne peut devoir plus que le deacutebiteur principal (article 2292

du code civil)

Si la deacutetermination de leacutetendue dun engagement de caution relegraveve du pouvoir souverain des juges du

fond la Cour de cassation veacuterifie que ces derniers ont analyseacute tous les indices permettant de deacutecouvrir la

commune intention des parties Les deacutecouverts en compte courant ne font pas toujours lrsquoobjet drsquoune

autorisation eacutecrite mais lrsquoexistence drsquoune telle autorisation peut reacutesulter des conditions du

fonctionnement du compte en particulier du montant atteint de faccedilon suffisamment durable par le solde

deacutebiteur du compte

Dans la preacutesente affaire la caution qui avait garanti une ouverture de creacutedit en compte courant consentie

agrave une socieacuteteacute et qui eacutetait assigneacutee en paiement du solde deacutebiteur du compte courant en cause avait

soutenu devant la cour dappel qursquoelle nrsquoavait garanti qursquoun besoin de treacutesorerie passager de la socieacuteteacute

afin de lui permettre de beacuteneacuteficier provisoirement drsquoun deacutecouvert plus important que celui deacutejagrave autoriseacute

Les actes de cautionnement et drsquoouverture de creacutedit eacutetant impreacutecis elle preacutetendait en apporter la

deacutemonstration par les conditions de fonctionnement du compte en faisant valoir que le solde deacutebiteur du

compte de la socieacuteteacute seacutetait accru agrave la suite de loctroi du concours garanti par lengagement litigieux dun

montant proche du montant de ce concours puis eacutetait ensuite revenu agrave un niveau infeacuterieur agrave celui quil

atteignait preacuteceacutedemment ce qui deacutemontrait selon elle lrsquoexistence de deux autorisations de deacutecouvert

successives seule la seconde ayant eacuteteacute garantie par le cautionnement invoqueacute Elle en tirait la

conseacutequence qursquoelle ne pouvait ecirctre condamneacutee agrave payer que ce qui exceacutedait le montant preacuteceacutedemment

autoriseacute

La cour drsquoappel ayant condamneacute la caution agrave payer le solde deacutebiteur du compte sans effectuer cette

recherche sa deacutecision a eacuteteacute censureacutee

FISCALITEacute

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par

destination

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg 18-25559

Sommaire

Selon lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts (dans sa reacutedaction issue de la loi du 30 deacutecembre

2009) est agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere la personne morale quelle que soit sa nationaliteacute dont les droits

sociaux ne sont pas neacutegocieacutes sur un marcheacute reacuteglementeacute drsquoinstruments financiers et dont lrsquoactif est

principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits immobiliers situeacutes en France

Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par

destination crsquoest agrave bon droit quune cour drsquoappel retient que ces derniers ne peuvent ecirctre pris en compte

pour deacuteterminer si au sens de lrsquoarticle 726 I 2deg susviseacute une personne morale est agrave preacutepondeacuterance

immobiliegravere

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 2: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

1

TABLE DES MATIEgraveRES

AGENT COMMERCIAL 2

Qualification - Pouvoir de neacutegociation - Impossibiliteacute de modifier les prix 2

BANQUE 3

Banque - Prestataire de services drsquoinvestissement 3

CAUTIONNEMENT 4

Cautionnement - Eacutetendue - Deacutecouvert en compte 4

FISCALITEacute 5

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par destination 5

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole additionnel agrave la

Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales - Application

reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective - caractegravere confiscatoire Appreacuteciation 6

MARCHEacuteS FINANCIERS 9

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables - Saisies de

donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux 9

PROPRIETE INDUSTRIELLE 10

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash Contrefaccedilon -

Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance 10

PROCEDURES COLLECTIVES 12

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale condamnant le

deacutebiteur sous sauvegarde 12

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation

des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour lexercer - Point de deacutepart 13

TRANSPORT MARITIME 14

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees 14

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue 15

TRANSPORT TERRESTRE 17

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire - Absence de

responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur 17

2

AGENT COMMERCIAL

Qualification - Pouvoir de neacutegociation - Impossibiliteacute de modifier les prix

Com 2 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg18-20231

Sommaire

Par un arrecirct du 4 juin 2020 (C-82818 Trendsetteuse) la CJUE a dit pour droit que larticle 1er

paragraphe 2 de la directive ndeg86653CEE du 18 deacutecembre 1986 relative agrave la coordination des droits des

Etats membres concernant les agents commerciaux indeacutependants doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens quune

personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises dont elle

assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee dagent commercial au sens de cette

disposition

Viole en conseacutequence larticle 134-1 du code de commerce tel quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere de larticle 1er

preacuteciteacute la cour dappel qui pour dire que le mandataire navait pas le statut dagent commercial et rejeter

ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec le mandant se fonde sur

limpossibiliteacute pour le mandataire de neacutegocier les prix

Commentaire

Lenjeu de la qualification dun intermeacutediaire en agent commercial est lapplication du statut de lagence

commerciale et en particulier de ses dispositions dordre public

Lapplication du statut dagent commercial selon une jurisprudence bien eacutetablie ne deacutepend ni de la

volonteacute exprimeacutee par les parties dans le contrat ni de la deacutenomination quelles ont donneacutee agrave leurs

conventions mais des conditions dans lesquelles lactiviteacute est effectivement exerceacutee

La qualification repose essentiellement sur lobjet du contrat qui doit ecirctre la mission laquo permanente raquo de

laquo neacutegocier et eacuteventuellement de conclure des contrats [hellip] au nom et pour le compte raquo de professionnels

Particuliegraverement ce pouvoir de neacutegocier constitue une condition neacutecessaire et suffisante de la

qualification drsquoagent commercial pour la jurisprudence Or celle-ci retient une acception stricte de la

notion de neacutegociation afin de pouvoir distinguer lrsquoagent commercial drsquoautres intermeacutediaires commerciaux

qui ne beacuteneacuteficient pas de son statut protecteur La neacutegociation ne saurait ainsi se reacutesumer agrave une simple

promotion du produit ni davantage agrave la seule prospection de la clientegravele ou encore agrave un rocircle

drsquointermeacutediaire passif mais suppose une intervention active et positive de celui qui la met en œuvre

neacutecessitant qursquoil dispose drsquoune marge de manœuvre certaine pour influer sur les eacuteleacutements constitutifs du

contrat avant sa conclusion La jurisprudence deacutenie donc la qualiteacute dagent aux intermeacutediaires qui

preacutesentent les produits aux clients mais nont pas la possibiliteacute dapporter des modifications aux conditions

des contrats (Com 15 janvier 2008 pourvoi ndeg06-14698 Bull civ IV ndeg4 Com 20 mai 2008

pourvoi ndeg07-13488 Com 9 deacutec 2014 pourvoi ndeg13-22476) et inversement la reconnaicirct agrave ceux

pouvant modifier les prix de vente ou encore les remises et modaliteacutes de regraveglement des factures (Com 3

avril 2012 pourvoi ndeg11-13527 Bull civ IV ndeg71 Com 14 juin 2005 pourvoi ndeg03-14401 Com

19 juin 2019 nordmordm18-11727)

A la suite de lrsquoarrecirct rendu le 4 juin 2020 (Trendsetteuse C-82818) par la CJUE laquelle eacutetait saisie sur

question preacutejudicielle de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive 86653CEE du

Conseil du 18 deacutecembre 1986 relative agrave la coordination des droits des Etats membres concernant les

agents commerciaux indeacutependants dont lrsquoarticle 134-1 du code de commerce qui deacutefinit lrsquoagent

commercial assure la transposition la Cour de cassation a preacuteciseacute les contours de la notion de

neacutegociation

3

La CJUE ayant dit pour droit que lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens

qursquoune personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises

dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee drsquoagent commercial au sens de

cette disposition la Chambre commerciale en a tireacute pour conseacutequence que doit deacutesormais ecirctre qualifieacute

dagent commercial le mandataire personne physique ou morale qui agrave titre de profession indeacutependante

sans ecirctre lieacute par un contrat de louage de services est chargeacute de faccedilon permanente de neacutegocier et

eacuteventuellement de conclure des contrats de vente dachat de location ou de prestation de services au

nom et pour le compte de producteurs dindustriels de commerccedilants ou dautres agents commerciaux

quoiqursquoil ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services

BANQUE

Banque - Prestataire de services drsquoinvestissement

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-12112

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 133-19 IV et L 133-23 du code moneacutetaire et financier dans leur reacutedaction issue

de lordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009 que sil entend faire supporter agrave lutilisateur dun

instrument de paiement doteacute dun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute les pertes occasionneacutees par une

opeacuteration de paiement non autoriseacutee rendue possible par un manquement de cet utilisateur intentionnel

ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles L 133-16 et L 133-17 de ce code le

prestataire de services de paiement doit aussi prouver que lopeacuteration en cause a eacuteteacute authentifieacutee ducircment

enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Commentaire

Le droit des services des paiements a eacuteteacute profondeacutement renouveleacute par la directive 200764CE du 13

novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marcheacute inteacuterieur transposeacutee en droit interne

par lrsquoordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009

Lrsquoarticle L 133-18 du code moneacutetaire et financier pose en principe qursquoen cas drsquoopeacuteration de paiement

non autoriseacutee signaleacutee dans le deacutelai preacutevu par lrsquoarticle L 133-24 le prestataire de services de paiement

rembourse au payeur le montant de lrsquoopeacuteration

Lrsquoarticle L 133-19 preacutevoit ensuite un certain nombre drsquoexceptions pour ce qui concerne les opeacuterations

reacutealiseacutees au moyen drsquoun instrument de paiement doteacute drsquoun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute (ou depuis

lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoordonnance ndeg 2017-1252 du 9 aoucirct 2017 doteacute de donneacutees de seacutecuriteacute

personnaliseacutees)

Le point IV de cet article dispose notamment que le payeur supporte toutes les pertes occasionneacutees par

des opeacuterations de paiement non autoriseacutees si ces pertes reacutesultent dun agissement frauduleux de sa part ou

sil na pas satisfait intentionnellement ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles

L 133-16 et L 133-17 (qui lui imposent de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de

ses dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes ou et drsquoinformer sans tarder son prestataire srsquoil a connaissance du

vol du deacutetournement ou de toute utilisation non autoriseacutee de son instrument de paiement)

4

Lrsquoarticle L 133-23 preacutecise enfin les modaliteacutes de mise en œuvre de ces dispositions et preacutevoit en

particulier en son premier alineacutea que lorsqursquoun utilisateur nie avoir autoriseacute une opeacuteration de paiement

qui a eacuteteacute exeacutecuteacutee il incombe agrave son prestataire de prouver que lrsquoopeacuteration en question a eacuteteacute authentifieacutee

ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Lrsquoapport du preacutesent arrecirct consiste agrave preacuteciser que ces derniegraveres dispositions sont applicables lorsque le

prestataire de services de paiement pour refuser de rembourser le montant drsquoune opeacuteration que son client

conteste avoir autoriseacutee reproche agrave ce dernier un manquement intentionnel ou par neacutegligence grave aux

obligations mises agrave sa charge par les articles L 133-16 et L 133-17

La chambre avait deacutejagrave eacuteteacute ameneacutee agrave juger que dans cette hypothegravese le prestataire doit rapporter la preuve

de cette neacutegligence grave preuve qui ne peut se deacuteduire du seul fait que lrsquoinstrument de paiement ou les

donneacutees personnelles qui lui sont lieacutees ont eacuteteacute effectivement utiliseacutes (Com 18 janv 2017 ndeg 15-18102

publieacute Com 28 mars 2018 ndeg 16-20018 publieacute Com 21 nov 2018 ndeg 17-18888 Com 3 avr

2019 ndeg 18-11293 Com 29 mai 2019 ndeg 18-10147) Elle a eacutegalement preacuteciseacute que manque par

neacutegligence grave agrave son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de ses

dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes lutilisateur dun service de paiement qui communique les donneacutees

personnelles lieacutees agrave son instrument de paiement en reacuteponse agrave un courriel qui contient des indices

permettant agrave un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance (Com 28 mars 2018 ndeg 16-

20018 Com 6 juin 2018 ndeg 16-29065) ou davoir conscience que ce courriel eacutetait frauduleux (Com

25 oct 2017 ndeg 16-11644 Bull ndeg 139 rendu dans la preacutesente affaire Com 3 oct 2018 ndeg 17-

21395)

Par le preacutesent arrecirct la chambre preacutecise qursquooutre cette preuve du manquement commis par lrsquoutilisateur le

prestataire doit encore rapporter celle du lien de causaliteacute entre ce manquement et les pertes occasionneacutees

par lrsquoopeacuteration non autoriseacutee Pour ce faire le prestataire doit deacutemontrer drsquoune part que lrsquoeacutemission de

lrsquoordre de paiement litigieux a eacuteteacute rendue possible par ce manquement et drsquoautre part qursquoil a

correctement exeacutecuteacute cet ordre crsquoest-agrave-dire comme le preacutevoit lrsquoarticle L 133-23 que lrsquoopeacuteration a eacuteteacute

authentifieacutee ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience

technique ou autre

CAUTIONNEMENT

Cautionnement - Etendue - Deacutecouvert en compte

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-14768

Sommaire

Selon larticle 2292 du code civil le cautionnement ne se preacutesume pas il doit ecirctre expregraves et on ne peut pas

leacutetendre au-delagrave des limites pour lequel il a eacuteteacute contracteacute

En conseacutequence prive sa deacutecision de base leacutegale la cour dappel qui condamne une caution agrave garantir le

remboursement du solde dun compte courant sans rechercher au regard des circonstances invoqueacutees par

la caution si celle-ci navait pas garanti quune autorisation de deacutecouvert suppleacutementaire venant sajouter

agrave un deacutecouvert deacutejagrave consenti de sorte quelle naurait eacuteteacute tenu quau paiement de la part du solde deacutebiteur

exceacutedant le montant de lautorisation preacuteexistante

5

Commentaire

Il est de principe qursquoen aucun cas une caution ne peut devoir plus que le deacutebiteur principal (article 2292

du code civil)

Si la deacutetermination de leacutetendue dun engagement de caution relegraveve du pouvoir souverain des juges du

fond la Cour de cassation veacuterifie que ces derniers ont analyseacute tous les indices permettant de deacutecouvrir la

commune intention des parties Les deacutecouverts en compte courant ne font pas toujours lrsquoobjet drsquoune

autorisation eacutecrite mais lrsquoexistence drsquoune telle autorisation peut reacutesulter des conditions du

fonctionnement du compte en particulier du montant atteint de faccedilon suffisamment durable par le solde

deacutebiteur du compte

Dans la preacutesente affaire la caution qui avait garanti une ouverture de creacutedit en compte courant consentie

agrave une socieacuteteacute et qui eacutetait assigneacutee en paiement du solde deacutebiteur du compte courant en cause avait

soutenu devant la cour dappel qursquoelle nrsquoavait garanti qursquoun besoin de treacutesorerie passager de la socieacuteteacute

afin de lui permettre de beacuteneacuteficier provisoirement drsquoun deacutecouvert plus important que celui deacutejagrave autoriseacute

Les actes de cautionnement et drsquoouverture de creacutedit eacutetant impreacutecis elle preacutetendait en apporter la

deacutemonstration par les conditions de fonctionnement du compte en faisant valoir que le solde deacutebiteur du

compte de la socieacuteteacute seacutetait accru agrave la suite de loctroi du concours garanti par lengagement litigieux dun

montant proche du montant de ce concours puis eacutetait ensuite revenu agrave un niveau infeacuterieur agrave celui quil

atteignait preacuteceacutedemment ce qui deacutemontrait selon elle lrsquoexistence de deux autorisations de deacutecouvert

successives seule la seconde ayant eacuteteacute garantie par le cautionnement invoqueacute Elle en tirait la

conseacutequence qursquoelle ne pouvait ecirctre condamneacutee agrave payer que ce qui exceacutedait le montant preacuteceacutedemment

autoriseacute

La cour drsquoappel ayant condamneacute la caution agrave payer le solde deacutebiteur du compte sans effectuer cette

recherche sa deacutecision a eacuteteacute censureacutee

FISCALITEacute

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par

destination

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg 18-25559

Sommaire

Selon lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts (dans sa reacutedaction issue de la loi du 30 deacutecembre

2009) est agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere la personne morale quelle que soit sa nationaliteacute dont les droits

sociaux ne sont pas neacutegocieacutes sur un marcheacute reacuteglementeacute drsquoinstruments financiers et dont lrsquoactif est

principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits immobiliers situeacutes en France

Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par

destination crsquoest agrave bon droit quune cour drsquoappel retient que ces derniers ne peuvent ecirctre pris en compte

pour deacuteterminer si au sens de lrsquoarticle 726 I 2deg susviseacute une personne morale est agrave preacutepondeacuterance

immobiliegravere

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 3: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

2

AGENT COMMERCIAL

Qualification - Pouvoir de neacutegociation - Impossibiliteacute de modifier les prix

Com 2 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg18-20231

Sommaire

Par un arrecirct du 4 juin 2020 (C-82818 Trendsetteuse) la CJUE a dit pour droit que larticle 1er

paragraphe 2 de la directive ndeg86653CEE du 18 deacutecembre 1986 relative agrave la coordination des droits des

Etats membres concernant les agents commerciaux indeacutependants doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens quune

personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises dont elle

assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee dagent commercial au sens de cette

disposition

Viole en conseacutequence larticle 134-1 du code de commerce tel quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere de larticle 1er

preacuteciteacute la cour dappel qui pour dire que le mandataire navait pas le statut dagent commercial et rejeter

ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec le mandant se fonde sur

limpossibiliteacute pour le mandataire de neacutegocier les prix

Commentaire

Lenjeu de la qualification dun intermeacutediaire en agent commercial est lapplication du statut de lagence

commerciale et en particulier de ses dispositions dordre public

Lapplication du statut dagent commercial selon une jurisprudence bien eacutetablie ne deacutepend ni de la

volonteacute exprimeacutee par les parties dans le contrat ni de la deacutenomination quelles ont donneacutee agrave leurs

conventions mais des conditions dans lesquelles lactiviteacute est effectivement exerceacutee

La qualification repose essentiellement sur lobjet du contrat qui doit ecirctre la mission laquo permanente raquo de

laquo neacutegocier et eacuteventuellement de conclure des contrats [hellip] au nom et pour le compte raquo de professionnels

Particuliegraverement ce pouvoir de neacutegocier constitue une condition neacutecessaire et suffisante de la

qualification drsquoagent commercial pour la jurisprudence Or celle-ci retient une acception stricte de la

notion de neacutegociation afin de pouvoir distinguer lrsquoagent commercial drsquoautres intermeacutediaires commerciaux

qui ne beacuteneacuteficient pas de son statut protecteur La neacutegociation ne saurait ainsi se reacutesumer agrave une simple

promotion du produit ni davantage agrave la seule prospection de la clientegravele ou encore agrave un rocircle

drsquointermeacutediaire passif mais suppose une intervention active et positive de celui qui la met en œuvre

neacutecessitant qursquoil dispose drsquoune marge de manœuvre certaine pour influer sur les eacuteleacutements constitutifs du

contrat avant sa conclusion La jurisprudence deacutenie donc la qualiteacute dagent aux intermeacutediaires qui

preacutesentent les produits aux clients mais nont pas la possibiliteacute dapporter des modifications aux conditions

des contrats (Com 15 janvier 2008 pourvoi ndeg06-14698 Bull civ IV ndeg4 Com 20 mai 2008

pourvoi ndeg07-13488 Com 9 deacutec 2014 pourvoi ndeg13-22476) et inversement la reconnaicirct agrave ceux

pouvant modifier les prix de vente ou encore les remises et modaliteacutes de regraveglement des factures (Com 3

avril 2012 pourvoi ndeg11-13527 Bull civ IV ndeg71 Com 14 juin 2005 pourvoi ndeg03-14401 Com

19 juin 2019 nordmordm18-11727)

A la suite de lrsquoarrecirct rendu le 4 juin 2020 (Trendsetteuse C-82818) par la CJUE laquelle eacutetait saisie sur

question preacutejudicielle de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive 86653CEE du

Conseil du 18 deacutecembre 1986 relative agrave la coordination des droits des Etats membres concernant les

agents commerciaux indeacutependants dont lrsquoarticle 134-1 du code de commerce qui deacutefinit lrsquoagent

commercial assure la transposition la Cour de cassation a preacuteciseacute les contours de la notion de

neacutegociation

3

La CJUE ayant dit pour droit que lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens

qursquoune personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises

dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee drsquoagent commercial au sens de

cette disposition la Chambre commerciale en a tireacute pour conseacutequence que doit deacutesormais ecirctre qualifieacute

dagent commercial le mandataire personne physique ou morale qui agrave titre de profession indeacutependante

sans ecirctre lieacute par un contrat de louage de services est chargeacute de faccedilon permanente de neacutegocier et

eacuteventuellement de conclure des contrats de vente dachat de location ou de prestation de services au

nom et pour le compte de producteurs dindustriels de commerccedilants ou dautres agents commerciaux

quoiqursquoil ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services

BANQUE

Banque - Prestataire de services drsquoinvestissement

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-12112

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 133-19 IV et L 133-23 du code moneacutetaire et financier dans leur reacutedaction issue

de lordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009 que sil entend faire supporter agrave lutilisateur dun

instrument de paiement doteacute dun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute les pertes occasionneacutees par une

opeacuteration de paiement non autoriseacutee rendue possible par un manquement de cet utilisateur intentionnel

ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles L 133-16 et L 133-17 de ce code le

prestataire de services de paiement doit aussi prouver que lopeacuteration en cause a eacuteteacute authentifieacutee ducircment

enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Commentaire

Le droit des services des paiements a eacuteteacute profondeacutement renouveleacute par la directive 200764CE du 13

novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marcheacute inteacuterieur transposeacutee en droit interne

par lrsquoordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009

Lrsquoarticle L 133-18 du code moneacutetaire et financier pose en principe qursquoen cas drsquoopeacuteration de paiement

non autoriseacutee signaleacutee dans le deacutelai preacutevu par lrsquoarticle L 133-24 le prestataire de services de paiement

rembourse au payeur le montant de lrsquoopeacuteration

Lrsquoarticle L 133-19 preacutevoit ensuite un certain nombre drsquoexceptions pour ce qui concerne les opeacuterations

reacutealiseacutees au moyen drsquoun instrument de paiement doteacute drsquoun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute (ou depuis

lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoordonnance ndeg 2017-1252 du 9 aoucirct 2017 doteacute de donneacutees de seacutecuriteacute

personnaliseacutees)

Le point IV de cet article dispose notamment que le payeur supporte toutes les pertes occasionneacutees par

des opeacuterations de paiement non autoriseacutees si ces pertes reacutesultent dun agissement frauduleux de sa part ou

sil na pas satisfait intentionnellement ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles

L 133-16 et L 133-17 (qui lui imposent de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de

ses dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes ou et drsquoinformer sans tarder son prestataire srsquoil a connaissance du

vol du deacutetournement ou de toute utilisation non autoriseacutee de son instrument de paiement)

4

Lrsquoarticle L 133-23 preacutecise enfin les modaliteacutes de mise en œuvre de ces dispositions et preacutevoit en

particulier en son premier alineacutea que lorsqursquoun utilisateur nie avoir autoriseacute une opeacuteration de paiement

qui a eacuteteacute exeacutecuteacutee il incombe agrave son prestataire de prouver que lrsquoopeacuteration en question a eacuteteacute authentifieacutee

ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Lrsquoapport du preacutesent arrecirct consiste agrave preacuteciser que ces derniegraveres dispositions sont applicables lorsque le

prestataire de services de paiement pour refuser de rembourser le montant drsquoune opeacuteration que son client

conteste avoir autoriseacutee reproche agrave ce dernier un manquement intentionnel ou par neacutegligence grave aux

obligations mises agrave sa charge par les articles L 133-16 et L 133-17

La chambre avait deacutejagrave eacuteteacute ameneacutee agrave juger que dans cette hypothegravese le prestataire doit rapporter la preuve

de cette neacutegligence grave preuve qui ne peut se deacuteduire du seul fait que lrsquoinstrument de paiement ou les

donneacutees personnelles qui lui sont lieacutees ont eacuteteacute effectivement utiliseacutes (Com 18 janv 2017 ndeg 15-18102

publieacute Com 28 mars 2018 ndeg 16-20018 publieacute Com 21 nov 2018 ndeg 17-18888 Com 3 avr

2019 ndeg 18-11293 Com 29 mai 2019 ndeg 18-10147) Elle a eacutegalement preacuteciseacute que manque par

neacutegligence grave agrave son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de ses

dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes lutilisateur dun service de paiement qui communique les donneacutees

personnelles lieacutees agrave son instrument de paiement en reacuteponse agrave un courriel qui contient des indices

permettant agrave un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance (Com 28 mars 2018 ndeg 16-

20018 Com 6 juin 2018 ndeg 16-29065) ou davoir conscience que ce courriel eacutetait frauduleux (Com

25 oct 2017 ndeg 16-11644 Bull ndeg 139 rendu dans la preacutesente affaire Com 3 oct 2018 ndeg 17-

21395)

Par le preacutesent arrecirct la chambre preacutecise qursquooutre cette preuve du manquement commis par lrsquoutilisateur le

prestataire doit encore rapporter celle du lien de causaliteacute entre ce manquement et les pertes occasionneacutees

par lrsquoopeacuteration non autoriseacutee Pour ce faire le prestataire doit deacutemontrer drsquoune part que lrsquoeacutemission de

lrsquoordre de paiement litigieux a eacuteteacute rendue possible par ce manquement et drsquoautre part qursquoil a

correctement exeacutecuteacute cet ordre crsquoest-agrave-dire comme le preacutevoit lrsquoarticle L 133-23 que lrsquoopeacuteration a eacuteteacute

authentifieacutee ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience

technique ou autre

CAUTIONNEMENT

Cautionnement - Etendue - Deacutecouvert en compte

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-14768

Sommaire

Selon larticle 2292 du code civil le cautionnement ne se preacutesume pas il doit ecirctre expregraves et on ne peut pas

leacutetendre au-delagrave des limites pour lequel il a eacuteteacute contracteacute

En conseacutequence prive sa deacutecision de base leacutegale la cour dappel qui condamne une caution agrave garantir le

remboursement du solde dun compte courant sans rechercher au regard des circonstances invoqueacutees par

la caution si celle-ci navait pas garanti quune autorisation de deacutecouvert suppleacutementaire venant sajouter

agrave un deacutecouvert deacutejagrave consenti de sorte quelle naurait eacuteteacute tenu quau paiement de la part du solde deacutebiteur

exceacutedant le montant de lautorisation preacuteexistante

5

Commentaire

Il est de principe qursquoen aucun cas une caution ne peut devoir plus que le deacutebiteur principal (article 2292

du code civil)

Si la deacutetermination de leacutetendue dun engagement de caution relegraveve du pouvoir souverain des juges du

fond la Cour de cassation veacuterifie que ces derniers ont analyseacute tous les indices permettant de deacutecouvrir la

commune intention des parties Les deacutecouverts en compte courant ne font pas toujours lrsquoobjet drsquoune

autorisation eacutecrite mais lrsquoexistence drsquoune telle autorisation peut reacutesulter des conditions du

fonctionnement du compte en particulier du montant atteint de faccedilon suffisamment durable par le solde

deacutebiteur du compte

Dans la preacutesente affaire la caution qui avait garanti une ouverture de creacutedit en compte courant consentie

agrave une socieacuteteacute et qui eacutetait assigneacutee en paiement du solde deacutebiteur du compte courant en cause avait

soutenu devant la cour dappel qursquoelle nrsquoavait garanti qursquoun besoin de treacutesorerie passager de la socieacuteteacute

afin de lui permettre de beacuteneacuteficier provisoirement drsquoun deacutecouvert plus important que celui deacutejagrave autoriseacute

Les actes de cautionnement et drsquoouverture de creacutedit eacutetant impreacutecis elle preacutetendait en apporter la

deacutemonstration par les conditions de fonctionnement du compte en faisant valoir que le solde deacutebiteur du

compte de la socieacuteteacute seacutetait accru agrave la suite de loctroi du concours garanti par lengagement litigieux dun

montant proche du montant de ce concours puis eacutetait ensuite revenu agrave un niveau infeacuterieur agrave celui quil

atteignait preacuteceacutedemment ce qui deacutemontrait selon elle lrsquoexistence de deux autorisations de deacutecouvert

successives seule la seconde ayant eacuteteacute garantie par le cautionnement invoqueacute Elle en tirait la

conseacutequence qursquoelle ne pouvait ecirctre condamneacutee agrave payer que ce qui exceacutedait le montant preacuteceacutedemment

autoriseacute

La cour drsquoappel ayant condamneacute la caution agrave payer le solde deacutebiteur du compte sans effectuer cette

recherche sa deacutecision a eacuteteacute censureacutee

FISCALITEacute

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par

destination

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg 18-25559

Sommaire

Selon lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts (dans sa reacutedaction issue de la loi du 30 deacutecembre

2009) est agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere la personne morale quelle que soit sa nationaliteacute dont les droits

sociaux ne sont pas neacutegocieacutes sur un marcheacute reacuteglementeacute drsquoinstruments financiers et dont lrsquoactif est

principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits immobiliers situeacutes en France

Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par

destination crsquoest agrave bon droit quune cour drsquoappel retient que ces derniers ne peuvent ecirctre pris en compte

pour deacuteterminer si au sens de lrsquoarticle 726 I 2deg susviseacute une personne morale est agrave preacutepondeacuterance

immobiliegravere

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 4: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

3

La CJUE ayant dit pour droit que lrsquoarticle 1er

paragraphe 2 de la directive doit ecirctre interpreacuteteacute en ce sens

qursquoune personne ne doit pas neacutecessairement disposer de la faculteacute de modifier les prix des marchandises

dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour ecirctre qualifieacutee drsquoagent commercial au sens de

cette disposition la Chambre commerciale en a tireacute pour conseacutequence que doit deacutesormais ecirctre qualifieacute

dagent commercial le mandataire personne physique ou morale qui agrave titre de profession indeacutependante

sans ecirctre lieacute par un contrat de louage de services est chargeacute de faccedilon permanente de neacutegocier et

eacuteventuellement de conclure des contrats de vente dachat de location ou de prestation de services au

nom et pour le compte de producteurs dindustriels de commerccedilants ou dautres agents commerciaux

quoiqursquoil ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services

BANQUE

Banque - Prestataire de services drsquoinvestissement

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-12112

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 133-19 IV et L 133-23 du code moneacutetaire et financier dans leur reacutedaction issue

de lordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009 que sil entend faire supporter agrave lutilisateur dun

instrument de paiement doteacute dun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute les pertes occasionneacutees par une

opeacuteration de paiement non autoriseacutee rendue possible par un manquement de cet utilisateur intentionnel

ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles L 133-16 et L 133-17 de ce code le

prestataire de services de paiement doit aussi prouver que lopeacuteration en cause a eacuteteacute authentifieacutee ducircment

enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Commentaire

Le droit des services des paiements a eacuteteacute profondeacutement renouveleacute par la directive 200764CE du 13

novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marcheacute inteacuterieur transposeacutee en droit interne

par lrsquoordonnance ndeg 2009-866 du 15 juillet 2009

Lrsquoarticle L 133-18 du code moneacutetaire et financier pose en principe qursquoen cas drsquoopeacuteration de paiement

non autoriseacutee signaleacutee dans le deacutelai preacutevu par lrsquoarticle L 133-24 le prestataire de services de paiement

rembourse au payeur le montant de lrsquoopeacuteration

Lrsquoarticle L 133-19 preacutevoit ensuite un certain nombre drsquoexceptions pour ce qui concerne les opeacuterations

reacutealiseacutees au moyen drsquoun instrument de paiement doteacute drsquoun dispositif de seacutecuriteacute personnaliseacute (ou depuis

lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoordonnance ndeg 2017-1252 du 9 aoucirct 2017 doteacute de donneacutees de seacutecuriteacute

personnaliseacutees)

Le point IV de cet article dispose notamment que le payeur supporte toutes les pertes occasionneacutees par

des opeacuterations de paiement non autoriseacutees si ces pertes reacutesultent dun agissement frauduleux de sa part ou

sil na pas satisfait intentionnellement ou par neacutegligence grave aux obligations mentionneacutees aux articles

L 133-16 et L 133-17 (qui lui imposent de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de

ses dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes ou et drsquoinformer sans tarder son prestataire srsquoil a connaissance du

vol du deacutetournement ou de toute utilisation non autoriseacutee de son instrument de paiement)

4

Lrsquoarticle L 133-23 preacutecise enfin les modaliteacutes de mise en œuvre de ces dispositions et preacutevoit en

particulier en son premier alineacutea que lorsqursquoun utilisateur nie avoir autoriseacute une opeacuteration de paiement

qui a eacuteteacute exeacutecuteacutee il incombe agrave son prestataire de prouver que lrsquoopeacuteration en question a eacuteteacute authentifieacutee

ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Lrsquoapport du preacutesent arrecirct consiste agrave preacuteciser que ces derniegraveres dispositions sont applicables lorsque le

prestataire de services de paiement pour refuser de rembourser le montant drsquoune opeacuteration que son client

conteste avoir autoriseacutee reproche agrave ce dernier un manquement intentionnel ou par neacutegligence grave aux

obligations mises agrave sa charge par les articles L 133-16 et L 133-17

La chambre avait deacutejagrave eacuteteacute ameneacutee agrave juger que dans cette hypothegravese le prestataire doit rapporter la preuve

de cette neacutegligence grave preuve qui ne peut se deacuteduire du seul fait que lrsquoinstrument de paiement ou les

donneacutees personnelles qui lui sont lieacutees ont eacuteteacute effectivement utiliseacutes (Com 18 janv 2017 ndeg 15-18102

publieacute Com 28 mars 2018 ndeg 16-20018 publieacute Com 21 nov 2018 ndeg 17-18888 Com 3 avr

2019 ndeg 18-11293 Com 29 mai 2019 ndeg 18-10147) Elle a eacutegalement preacuteciseacute que manque par

neacutegligence grave agrave son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de ses

dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes lutilisateur dun service de paiement qui communique les donneacutees

personnelles lieacutees agrave son instrument de paiement en reacuteponse agrave un courriel qui contient des indices

permettant agrave un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance (Com 28 mars 2018 ndeg 16-

20018 Com 6 juin 2018 ndeg 16-29065) ou davoir conscience que ce courriel eacutetait frauduleux (Com

25 oct 2017 ndeg 16-11644 Bull ndeg 139 rendu dans la preacutesente affaire Com 3 oct 2018 ndeg 17-

21395)

Par le preacutesent arrecirct la chambre preacutecise qursquooutre cette preuve du manquement commis par lrsquoutilisateur le

prestataire doit encore rapporter celle du lien de causaliteacute entre ce manquement et les pertes occasionneacutees

par lrsquoopeacuteration non autoriseacutee Pour ce faire le prestataire doit deacutemontrer drsquoune part que lrsquoeacutemission de

lrsquoordre de paiement litigieux a eacuteteacute rendue possible par ce manquement et drsquoautre part qursquoil a

correctement exeacutecuteacute cet ordre crsquoest-agrave-dire comme le preacutevoit lrsquoarticle L 133-23 que lrsquoopeacuteration a eacuteteacute

authentifieacutee ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience

technique ou autre

CAUTIONNEMENT

Cautionnement - Etendue - Deacutecouvert en compte

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-14768

Sommaire

Selon larticle 2292 du code civil le cautionnement ne se preacutesume pas il doit ecirctre expregraves et on ne peut pas

leacutetendre au-delagrave des limites pour lequel il a eacuteteacute contracteacute

En conseacutequence prive sa deacutecision de base leacutegale la cour dappel qui condamne une caution agrave garantir le

remboursement du solde dun compte courant sans rechercher au regard des circonstances invoqueacutees par

la caution si celle-ci navait pas garanti quune autorisation de deacutecouvert suppleacutementaire venant sajouter

agrave un deacutecouvert deacutejagrave consenti de sorte quelle naurait eacuteteacute tenu quau paiement de la part du solde deacutebiteur

exceacutedant le montant de lautorisation preacuteexistante

5

Commentaire

Il est de principe qursquoen aucun cas une caution ne peut devoir plus que le deacutebiteur principal (article 2292

du code civil)

Si la deacutetermination de leacutetendue dun engagement de caution relegraveve du pouvoir souverain des juges du

fond la Cour de cassation veacuterifie que ces derniers ont analyseacute tous les indices permettant de deacutecouvrir la

commune intention des parties Les deacutecouverts en compte courant ne font pas toujours lrsquoobjet drsquoune

autorisation eacutecrite mais lrsquoexistence drsquoune telle autorisation peut reacutesulter des conditions du

fonctionnement du compte en particulier du montant atteint de faccedilon suffisamment durable par le solde

deacutebiteur du compte

Dans la preacutesente affaire la caution qui avait garanti une ouverture de creacutedit en compte courant consentie

agrave une socieacuteteacute et qui eacutetait assigneacutee en paiement du solde deacutebiteur du compte courant en cause avait

soutenu devant la cour dappel qursquoelle nrsquoavait garanti qursquoun besoin de treacutesorerie passager de la socieacuteteacute

afin de lui permettre de beacuteneacuteficier provisoirement drsquoun deacutecouvert plus important que celui deacutejagrave autoriseacute

Les actes de cautionnement et drsquoouverture de creacutedit eacutetant impreacutecis elle preacutetendait en apporter la

deacutemonstration par les conditions de fonctionnement du compte en faisant valoir que le solde deacutebiteur du

compte de la socieacuteteacute seacutetait accru agrave la suite de loctroi du concours garanti par lengagement litigieux dun

montant proche du montant de ce concours puis eacutetait ensuite revenu agrave un niveau infeacuterieur agrave celui quil

atteignait preacuteceacutedemment ce qui deacutemontrait selon elle lrsquoexistence de deux autorisations de deacutecouvert

successives seule la seconde ayant eacuteteacute garantie par le cautionnement invoqueacute Elle en tirait la

conseacutequence qursquoelle ne pouvait ecirctre condamneacutee agrave payer que ce qui exceacutedait le montant preacuteceacutedemment

autoriseacute

La cour drsquoappel ayant condamneacute la caution agrave payer le solde deacutebiteur du compte sans effectuer cette

recherche sa deacutecision a eacuteteacute censureacutee

FISCALITEacute

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par

destination

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg 18-25559

Sommaire

Selon lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts (dans sa reacutedaction issue de la loi du 30 deacutecembre

2009) est agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere la personne morale quelle que soit sa nationaliteacute dont les droits

sociaux ne sont pas neacutegocieacutes sur un marcheacute reacuteglementeacute drsquoinstruments financiers et dont lrsquoactif est

principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits immobiliers situeacutes en France

Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par

destination crsquoest agrave bon droit quune cour drsquoappel retient que ces derniers ne peuvent ecirctre pris en compte

pour deacuteterminer si au sens de lrsquoarticle 726 I 2deg susviseacute une personne morale est agrave preacutepondeacuterance

immobiliegravere

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 5: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

4

Lrsquoarticle L 133-23 preacutecise enfin les modaliteacutes de mise en œuvre de ces dispositions et preacutevoit en

particulier en son premier alineacutea que lorsqursquoun utilisateur nie avoir autoriseacute une opeacuteration de paiement

qui a eacuteteacute exeacutecuteacutee il incombe agrave son prestataire de prouver que lrsquoopeacuteration en question a eacuteteacute authentifieacutee

ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience technique ou autre

Lrsquoapport du preacutesent arrecirct consiste agrave preacuteciser que ces derniegraveres dispositions sont applicables lorsque le

prestataire de services de paiement pour refuser de rembourser le montant drsquoune opeacuteration que son client

conteste avoir autoriseacutee reproche agrave ce dernier un manquement intentionnel ou par neacutegligence grave aux

obligations mises agrave sa charge par les articles L 133-16 et L 133-17

La chambre avait deacutejagrave eacuteteacute ameneacutee agrave juger que dans cette hypothegravese le prestataire doit rapporter la preuve

de cette neacutegligence grave preuve qui ne peut se deacuteduire du seul fait que lrsquoinstrument de paiement ou les

donneacutees personnelles qui lui sont lieacutees ont eacuteteacute effectivement utiliseacutes (Com 18 janv 2017 ndeg 15-18102

publieacute Com 28 mars 2018 ndeg 16-20018 publieacute Com 21 nov 2018 ndeg 17-18888 Com 3 avr

2019 ndeg 18-11293 Com 29 mai 2019 ndeg 18-10147) Elle a eacutegalement preacuteciseacute que manque par

neacutegligence grave agrave son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour preacuteserver la seacutecuriteacute de ses

dispositifs de seacutecuriteacute personnaliseacutes lutilisateur dun service de paiement qui communique les donneacutees

personnelles lieacutees agrave son instrument de paiement en reacuteponse agrave un courriel qui contient des indices

permettant agrave un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance (Com 28 mars 2018 ndeg 16-

20018 Com 6 juin 2018 ndeg 16-29065) ou davoir conscience que ce courriel eacutetait frauduleux (Com

25 oct 2017 ndeg 16-11644 Bull ndeg 139 rendu dans la preacutesente affaire Com 3 oct 2018 ndeg 17-

21395)

Par le preacutesent arrecirct la chambre preacutecise qursquooutre cette preuve du manquement commis par lrsquoutilisateur le

prestataire doit encore rapporter celle du lien de causaliteacute entre ce manquement et les pertes occasionneacutees

par lrsquoopeacuteration non autoriseacutee Pour ce faire le prestataire doit deacutemontrer drsquoune part que lrsquoeacutemission de

lrsquoordre de paiement litigieux a eacuteteacute rendue possible par ce manquement et drsquoautre part qursquoil a

correctement exeacutecuteacute cet ordre crsquoest-agrave-dire comme le preacutevoit lrsquoarticle L 133-23 que lrsquoopeacuteration a eacuteteacute

authentifieacutee ducircment enregistreacutee et comptabiliseacutee et quelle na pas eacuteteacute affecteacutee par une deacuteficience

technique ou autre

CAUTIONNEMENT

Cautionnement - Etendue - Deacutecouvert en compte

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-14768

Sommaire

Selon larticle 2292 du code civil le cautionnement ne se preacutesume pas il doit ecirctre expregraves et on ne peut pas

leacutetendre au-delagrave des limites pour lequel il a eacuteteacute contracteacute

En conseacutequence prive sa deacutecision de base leacutegale la cour dappel qui condamne une caution agrave garantir le

remboursement du solde dun compte courant sans rechercher au regard des circonstances invoqueacutees par

la caution si celle-ci navait pas garanti quune autorisation de deacutecouvert suppleacutementaire venant sajouter

agrave un deacutecouvert deacutejagrave consenti de sorte quelle naurait eacuteteacute tenu quau paiement de la part du solde deacutebiteur

exceacutedant le montant de lautorisation preacuteexistante

5

Commentaire

Il est de principe qursquoen aucun cas une caution ne peut devoir plus que le deacutebiteur principal (article 2292

du code civil)

Si la deacutetermination de leacutetendue dun engagement de caution relegraveve du pouvoir souverain des juges du

fond la Cour de cassation veacuterifie que ces derniers ont analyseacute tous les indices permettant de deacutecouvrir la

commune intention des parties Les deacutecouverts en compte courant ne font pas toujours lrsquoobjet drsquoune

autorisation eacutecrite mais lrsquoexistence drsquoune telle autorisation peut reacutesulter des conditions du

fonctionnement du compte en particulier du montant atteint de faccedilon suffisamment durable par le solde

deacutebiteur du compte

Dans la preacutesente affaire la caution qui avait garanti une ouverture de creacutedit en compte courant consentie

agrave une socieacuteteacute et qui eacutetait assigneacutee en paiement du solde deacutebiteur du compte courant en cause avait

soutenu devant la cour dappel qursquoelle nrsquoavait garanti qursquoun besoin de treacutesorerie passager de la socieacuteteacute

afin de lui permettre de beacuteneacuteficier provisoirement drsquoun deacutecouvert plus important que celui deacutejagrave autoriseacute

Les actes de cautionnement et drsquoouverture de creacutedit eacutetant impreacutecis elle preacutetendait en apporter la

deacutemonstration par les conditions de fonctionnement du compte en faisant valoir que le solde deacutebiteur du

compte de la socieacuteteacute seacutetait accru agrave la suite de loctroi du concours garanti par lengagement litigieux dun

montant proche du montant de ce concours puis eacutetait ensuite revenu agrave un niveau infeacuterieur agrave celui quil

atteignait preacuteceacutedemment ce qui deacutemontrait selon elle lrsquoexistence de deux autorisations de deacutecouvert

successives seule la seconde ayant eacuteteacute garantie par le cautionnement invoqueacute Elle en tirait la

conseacutequence qursquoelle ne pouvait ecirctre condamneacutee agrave payer que ce qui exceacutedait le montant preacuteceacutedemment

autoriseacute

La cour drsquoappel ayant condamneacute la caution agrave payer le solde deacutebiteur du compte sans effectuer cette

recherche sa deacutecision a eacuteteacute censureacutee

FISCALITEacute

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par

destination

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg 18-25559

Sommaire

Selon lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts (dans sa reacutedaction issue de la loi du 30 deacutecembre

2009) est agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere la personne morale quelle que soit sa nationaliteacute dont les droits

sociaux ne sont pas neacutegocieacutes sur un marcheacute reacuteglementeacute drsquoinstruments financiers et dont lrsquoactif est

principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits immobiliers situeacutes en France

Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par

destination crsquoest agrave bon droit quune cour drsquoappel retient que ces derniers ne peuvent ecirctre pris en compte

pour deacuteterminer si au sens de lrsquoarticle 726 I 2deg susviseacute une personne morale est agrave preacutepondeacuterance

immobiliegravere

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 6: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

5

Commentaire

Il est de principe qursquoen aucun cas une caution ne peut devoir plus que le deacutebiteur principal (article 2292

du code civil)

Si la deacutetermination de leacutetendue dun engagement de caution relegraveve du pouvoir souverain des juges du

fond la Cour de cassation veacuterifie que ces derniers ont analyseacute tous les indices permettant de deacutecouvrir la

commune intention des parties Les deacutecouverts en compte courant ne font pas toujours lrsquoobjet drsquoune

autorisation eacutecrite mais lrsquoexistence drsquoune telle autorisation peut reacutesulter des conditions du

fonctionnement du compte en particulier du montant atteint de faccedilon suffisamment durable par le solde

deacutebiteur du compte

Dans la preacutesente affaire la caution qui avait garanti une ouverture de creacutedit en compte courant consentie

agrave une socieacuteteacute et qui eacutetait assigneacutee en paiement du solde deacutebiteur du compte courant en cause avait

soutenu devant la cour dappel qursquoelle nrsquoavait garanti qursquoun besoin de treacutesorerie passager de la socieacuteteacute

afin de lui permettre de beacuteneacuteficier provisoirement drsquoun deacutecouvert plus important que celui deacutejagrave autoriseacute

Les actes de cautionnement et drsquoouverture de creacutedit eacutetant impreacutecis elle preacutetendait en apporter la

deacutemonstration par les conditions de fonctionnement du compte en faisant valoir que le solde deacutebiteur du

compte de la socieacuteteacute seacutetait accru agrave la suite de loctroi du concours garanti par lengagement litigieux dun

montant proche du montant de ce concours puis eacutetait ensuite revenu agrave un niveau infeacuterieur agrave celui quil

atteignait preacuteceacutedemment ce qui deacutemontrait selon elle lrsquoexistence de deux autorisations de deacutecouvert

successives seule la seconde ayant eacuteteacute garantie par le cautionnement invoqueacute Elle en tirait la

conseacutequence qursquoelle ne pouvait ecirctre condamneacutee agrave payer que ce qui exceacutedait le montant preacuteceacutedemment

autoriseacute

La cour drsquoappel ayant condamneacute la caution agrave payer le solde deacutebiteur du compte sans effectuer cette

recherche sa deacutecision a eacuteteacute censureacutee

FISCALITEacute

Droit drsquoenregistrement - Socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere - Immeubles par

destination

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg 18-25559

Sommaire

Selon lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts (dans sa reacutedaction issue de la loi du 30 deacutecembre

2009) est agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere la personne morale quelle que soit sa nationaliteacute dont les droits

sociaux ne sont pas neacutegocieacutes sur un marcheacute reacuteglementeacute drsquoinstruments financiers et dont lrsquoactif est

principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits immobiliers situeacutes en France

Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par

destination crsquoest agrave bon droit quune cour drsquoappel retient que ces derniers ne peuvent ecirctre pris en compte

pour deacuteterminer si au sens de lrsquoarticle 726 I 2deg susviseacute une personne morale est agrave preacutepondeacuterance

immobiliegravere

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 7: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

6

Commentaire

Des immeubles par destination sont-ils des biens immobiliers au sens du droit fiscal

Cette question sur laquelle la chambre commerciale a deacutejagrave eu agrave se prononcer dans le passeacute agrave propos des

droits drsquoenregistrement applicables aux ventes drsquoimmeubles (Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702) et

drsquoimmeubles ruraux (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080) lui eacutetait agrave nouveau poseacutee et pour la premiegravere

fois agrave propos du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere viseacutees agrave lrsquoarticle 726 I 2deg du code

geacuteneacuteral des impocircts

Rappelons que ce reacutegime issu de la loi de finance pour 1999 avait pour objectif drsquoatteacutenuer les diffeacuterences

de taxation pesant sur la cession drsquoun immeuble selon que celui-ci est ceacutedeacute directement ou par le jeu de

la cession des parts ou actions drsquoune socieacuteteacute qui le deacutetient et selon lrsquousage qui lui est donneacute Jusqursquoen

1999 en effet le taux de droit drsquoenregistrement se situait entre 1 (cession au travers drsquoune cession

drsquoaction) et 18585 (cession en direct drsquoun immeuble agrave usage commercial industriel ou professionnel)

Deacutesormais les socieacuteteacutes deacutetenant des immeubles dont la valeur excegravede au jour de la cession la moitieacute de

lrsquoactif brut sont soumises en cas de cession de leurs parts ou actions agrave des droits drsquoenregistrement

calculeacutes au taux de 5 tandis qursquoil est de 1 pour les socieacuteteacutes ne relevant pas de ce reacutegime deacuterogatoire

Or lrsquoarticle 726 I 2deg qui pose la regravegle vise les socieacuteteacutes laquo dont lrsquoactif est ou a eacuteteacute au cours de lrsquoanneacutee

preacuteceacutedant la cession des participations en cause principalement constitueacute drsquoimmeubles ou de droits

immobiliers situeacutes en France raquo sans mentionner les immeubles par destination agrave la diffeacuterence des autres

dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts sur lesquelles la chambre commerciale avait deacutejagrave eu agrave se

prononcer (Com 12 nov 1996 ndeg 95-11080 Com 18 feacutev 1997 ndeg 95-12702)

Dans la preacutesente affaire lrsquoadministration soutenait que les eacutequipements mobiliers attacheacutes agrave lrsquoexploitation

du fonds immeubles par destination au sens de lrsquoarticle 524 du code civil (il srsquoagissait de machines et

turbines drsquoune centrale hydroeacutelectrique) devaient ecirctre pris en compte pour appreacutecier si la socieacuteteacute relevait

du reacutegime des socieacuteteacutes agrave preacutepondeacuterance immobiliegravere

Constatant que lrsquoarticle 726 I 2deg du code geacuteneacuteral des impocircts ne mentionne que les immeubles et droits

reacuteels immobiliers sans viser les immeubles par destination la chambre commerciale approuve la cour

drsquoappel drsquoavoir exclu ces derniers du champ drsquoapplication du texte

Cette solution consacre lrsquoautonomie de la notion de bien immobilier en matiegravere fiscale autonomie deacutejagrave

affirmeacutee par le Conseil drsquoEtat (CE 27 mai 2002 ndeg 125959 Rec Lebon P 184)

Contribution exceptionnelle sur la fortune - Art1er du premier protocole

additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales - Application reacutetroactive de la loi fiscale - Mesure reacutetrospective -

caractegravere confiscatoire Appreacuteciation

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 ndeg18-26479 et ndeg18-26480 publieacute

Sommaires

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055

Larticle 1er

du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des

liberteacutes fondamentales ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 8: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

7

La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) est

intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est ducirc Si une telle mesure est au sens de la

Convention reacutetroactive en ce que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur

des biens et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 ce qui sanalyse en droit interne comme une mesure

reacutetrospective degraves lors que le fait geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de

lentreacutee en vigueur de la loi de finances rectificative elle ne preacutesente toutefois aucun caractegravere

exceptionnel du point de vue du droit fiscal

En outre lacquittement de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lanneacutee 2012 par des

contribuables auxquels lalleacutegement issu de la loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 de cet impocirct a eacuteteacute

accordeacute sans contrepartie na pu faire naicirctre aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement

dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee

Par conseacutequent la loi instaurant la CEF na pas meacuteconnu les dispositions de larticle 1er

du premier

protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

Com 2 deacutecembre ndeg18-26479

Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus

du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct

Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480

Le caractegravere confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune qui srsquoacquitte pour partie par

imputation de limpocirct de solidariteacute sur la fortune ducirc au titre de lrsquoanneacutee 2012 sappreacutecie en prenant en

compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

Commentaire

La loi ndeg 2011-900 du 29 juillet 2011 a supprimeacute le plafonnement des impocircts directs en fonction des

revenus (le laquo bouclier fiscal raquo) tout en diminuant les taux du baregraveme de limpocirct de solidariteacute sur la fortune

(ISF) La loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 a instaureacute la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF)

au titre de lanneacutee 2012 calculeacutee sur la base dun baregraveme progressif inspireacute de celui appliqueacute pour le

calcul de lISF ducirc au titre de 2011 lISF ducirc au titre de 2012 avant imputation des reacuteductions dimpocirct

eacutetant toutefois imputable sur le montant de la CEF

Plusieurs contribuables qui se sont acquitteacutes au titre de lanneacutee 2012 de la CEF ont contesteacute sa validiteacute au

regard de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales en raison de

son caractegravere reacutetroactif et de labsence de dispositif de plafonnement

La premiegravere question souleveacutee eacutetait la suivante la CEF a-t-elle un caractegravere reacutetroactif contraire agrave larticle

1er du premier protocole additionnel agrave la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes

fondamentales

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 9: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

8

Par larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-24055 la chambre commerciale reacutepond neacutegativement agrave cette

question Tout dabord elle rappelle que la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH) juge que ce

texte ninterdit pas en tant que telle lapplication reacutetroactive dune loi fiscale (CEDH 16 mars 2010 ndeg

7263801 Di Belmonte Reacutepublique italienne CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711 jointes

Arnaud France) Ensuite elle analyse la reacutetroactiviteacute de la mesure litigieuse au sens de la Convention

certes la loi ndeg 2012-958 du 16 aoucirct 2012 intervenue au cours de lexercice au titre duquel cet impocirct est

ducirc est reacutetroactive en que la CEF due au titre de lanneacutee 2012 est eacutetablie en fonction de la valeur des biens

et droits deacutetenus au 1er janvier 2012 mais cette reacutetroactiviteacute na rien dexceptionnel du point de vue du

droit fiscal comme la jugeacute la CEDH agrave propos de lISF (CEDH 15 janvier 2015 ndeg 3691811 et 3696711

jointes Arnaud France) La chambre commerciale fait le lien entre cette notion de reacutetroactiviteacute au sens

de la CEDH et les concepts utiliseacutes en droit interne (laquo reacutetrospectiviteacute raquo ou laquo petite reacutetroactiviteacuteraquo) et en

particulier par le Conseil constitutionnel qui a jugeacute que la CEF ne revecirctait pas de caractegravere reacutetroactif de

sorte quelle neacutetait pas contraire agrave la garantie des droits proclameacutee par larticle 16 de la Deacuteclaration de

1789 (deacutecision ndeg 2012-654 DC du 9 aoucirct 2012) la CEF est une mesure reacutetrospective degraves lors que le fait

geacuteneacuterateur de limposition est la situation du contribuable agrave la date de lentreacutee en vigueur de la loi de

finances rectificative Enfin le pourvoi soutenait que les contribuables qui avaient acquitteacute lISF pour

lanneacutee 2012 pouvaient leacutegitimement sestimer libeacutereacutes pour cette anneacutee de toute imposition sur la

deacutetention de leur patrimoine Ce grief est eacutegalement eacutecarteacute lacquittement de lISF na pu faire naicirctre

aucune attente leacutegitime quant au fait quaucun suppleacutement dimposition sur le patrimoine ne serait deacutecideacute

par le leacutegislateur pour cette mecircme anneacutee et la chambre commerciale souligne que les contribuables

navaient consenti aucune contrepartie agrave lalleacutegement fiscal issu de la loi du 29 juillet 2011 La situation

des contribuables eacutetait donc diffeacuterente de celle dans lesquelles le Conseil dEtat a reacutecemment eacutecarteacute une

loi fiscale reacutetrospective sur le fondement de larticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention

(CE pleacuten fisc 9 mai 2012 ndeg 308996 min c Steacute EPI CE pleacuten fisc 25 octobre 2017 ndeg 403320

Min c Vivendi Universal)

Les pourvois posaient une seconde question quels critegraveres permettent de deacuteterminer si la CEF est

confiscatoire au sens de la Convention

Larrecirct Com 2 deacutecembre ndeg18-26479 juge tout dabord que le seul fait que le montant de la contribution

exceptionnelle sur la fortune deacutepasse le montant des revenus du contribuable pour lanneacutee consideacutereacutee ne

suffit pas agrave eacutetablir le caractegravere confiscatoire de cet impocirct Cet arrecirct eacutenonce explicitement un principe qui

eacutetait deacutejagrave au fondement de plusieurs deacutecisions rendues en matiegravere de CEF (Com 27 juin 2019 pourvoi

ndeg 18-13370) et dISF (Com 7 octobre 2008 pourvoi ndeg 07-13600 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-

15494 Com 23 juin 2009 pourvoi ndeg 08-17681) En effet pour deacutemontrer quun impocirct est

confiscatoire il ne suffit pas de prouver que le montant de limpocirct deacutepasse celui des revenus les juges

prennent en consideacuteration le montant de limpocirct au regard de la consistance du patrimoine et de son

eacutevolution et non pas seulement le montant des revenus dans la mesure ougrave les revenus du patrimoine

peuvent deacutependre de choix de gestion des contribuables

Enfin larrecirct Com 2 deacutecembre 2020 ndeg18-26480 preacutecise que le caractegravere confiscatoire de la CEF

sappreacutecie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui dautres impocircts

directs seul compte le montant de la CEF qui srsquoacquitte pour partie par imputation de lISF ducirc au titre de

lrsquoanneacutee 2012 Le montant dautres impocircts directs tels que limpocirct sur les revenus est sans incidence sur le

caractegravere confiscatoire de la CEF ces impocircts qui nont pas la mecircme assiette sont indeacutependants Cette

deacutecision est coheacuterente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (9 aoucirct 2012 ndeg 2012-654 DC

cons 32 29 deacutec 2013 ndeg 2013-684 DC cons 21 29 novembre 2017 ndeg 2017-755 DC cons 39)

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 10: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

9

MARCHEacuteS FINANCIERS

Visites domiciliaires - Enquecircteurs de lrsquoAMF - Documents et supports saisissables -

Saisies de donneacutees eacutelectroniques - Occupant des lieux

Com 14 octobre 2020 ndeg 18-15840 et 18-17174

Sommaire

Il reacutesulte des articles L 621-12 du code moneacutetaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports

dinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux soit la personne qui

occupe agrave quelque titre que ce soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des

personnes de passage au moment de la visite domiciliaire ce passage serait-il attendu

Commentaire

Dans le cadre drsquoune enquecircte ouverte par lrsquoAutoriteacute des marcheacutes financiers (AMF) portant sur un

manquement drsquoinitieacute un juge des liberteacutes et de la deacutetention a sur le fondement de lrsquoarticle L 621-12 du

code moneacutetaire et financier autoriseacute les enquecircteurs de lrsquoAMF agrave proceacuteder agrave une visite au siegravege social

drsquoune socieacuteteacute et agrave saisir toutes piegraveces ou documents utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute quelqursquoen soit la

nature et le support

Lrsquoordonnance qui preacutevoyait que la visite se deacuteroulerait le jour ougrave devait se tenir un conseil

drsquoadministration de la socieacuteteacute autorisait en particulier la saisie des teacuteleacutephones portables et ordinateurs

personnels de plusieurs repreacutesentants drsquoune socieacuteteacute tierce dont la preacutesence agrave ce conseil drsquoadministration

eacutetait attendue

La chambre a donc eu lrsquooccasion de reacutepondre agrave une question ineacutedite portant sur la possibiliteacute drsquoautoriser

la saisie de donneacutees eacutelectroniques deacutetenues par des personnes dont la preacutesence dans les locaux visiteacutes

nrsquoest que ponctuelle

Selon lrsquoarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales

lingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee et de la correspondance que constitue la saisie de

donneacutees eacutelectroniques nest toleacutereacutee que si elle est preacutevue par la loi poursuit un but leacutegitime et est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre ce but et si elle fait lrsquoobjet drsquoun controcircle

juridictionnel effectif

La saisie de donneacutees eacutelectroniques appartenant agrave un tiers agrave la socieacuteteacute visiteacutee est-elle preacutevue par lrsquoarticle L

621-12 du code moneacutetaire et financier qui constitue le cadre leacutegal des visites domiciliaires effectueacutees par

les enquecircteurs de lrsquoAMF

Ce texte nrsquoexige pas expresseacutement que les documents dont la saisie est autoriseacutee appartiennent agrave

lrsquooccupant des lieux visiteacutes

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 11: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

10

Cependant la chambre a consideacutereacute que cette mesure drsquoinvestigation qui est strictement encadreacutee en ce

qursquoelle porte atteinte au droit au respect de la vie priveacutee et du domicile ne peut concerner que les

documents deacutetenus par lrsquooccupant des lieux ce que confirment les dispositions qui preacutevoient que

loccupant des lieux ou son repreacutesentant peut seul avec les enquecircteurs de lAutoriteacute et lofficier de police

judiciaire chargeacute dassister aux opeacuterations prendre connaissance des piegraveces avant leur saisie signer le

procegraves-verbal et linventaire et se voir restituer les piegraveces et documents qui ne sont plus utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute Elle en a donc deacuteduit que seuls sont saisissables les documents et supports

drsquoinformation qui appartiennent ou sont agrave la disposition de loccupant des lieux

Elle a ensuite exclu que la simple preacutesence dune personne au moment de la visite puisse lui confeacuterer la

qualiteacute doccupant des lieux qursquoelle deacutefinit comme eacutetant la personne qui occupe agrave quelque titre que ce

soit les locaux dans lesquels la visite est autoriseacutee agrave lexclusion des personnes de passage au moment de

la visite ce passage serait-il attendu

Cette deacutefinition se rapproche de celle que retient la doctrine de lrsquoadministration fiscale srsquoagissant des

visites domiciliaires preacutevues par lrsquoarticle L 16 B du livre des proceacutedures fiscales selon laquelle

lrsquooccupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (proprieacutetaire locataire

occupant agrave titre gratuit) cette liste nrsquoenglobant pas les personnes simplement preacutesentes dans les locaux

visiteacutes

On notera que les enquecircteurs de lrsquoAMF ducircment autoriseacutes ont toujours la possibiliteacute de saisir des

documents deacutetenus par des personnes physiques reacutesidant agrave lrsquoeacutetranger de passage sur le territoire franccedilais

dans le cadre drsquoune visite des locaux qursquoelles occupent mecircme temporairement lors de leur venue en

France comme cela eacutetait drsquoailleurs preacutevu dans lrsquoordonnance litigieuse qui autorisait eacutegalement la visite

des lieux de reacutesidence temporaire en France des inteacuteresseacutes

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Marque ndash Deacutecheacuteance - Date drsquoeffet - Droit agrave lrsquoindemnisation du titulaire deacutechu ndash

Contrefaccedilon - Actes anteacuterieurs agrave la date de deacutecheacuteance

Com 4 novembre 2020 pourvoi ndeg16-28281

Sommaire

Par un arrecirct du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218) la CJUE a dit pour droit que

larticle 5 paragraphe 1 sous b) larticle 10 paragraphe 1 premier alineacutea et larticle 12 paragraphe 1

premier alineacutea de la directive 200895CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 octobre 2008

rapprochant les leacutegislations des Eacutetats membres sur les marques lus conjointement avec le consideacuterant 6

de celle-ci doivent ecirctre interpreacuteteacutes en ce sens quils laissent aux Eacutetats membres la faculteacute de permettre

que le titulaire dune marque deacutechu de ses droits agrave lexpiration du deacutelai de cinq ans agrave compter de son

enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage seacuterieux dans lEacutetat membre concerneacute pour

les produits ou les services pour lesquels elle avait eacuteteacute enregistreacutee conserve le droit de reacuteclamer

lindemnisation du preacutejudice subi en raison de lusage par un tiers anteacuterieurement agrave la date deffet de la

deacutecheacuteance dun signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires precirctant agrave

confusion avec sa marque preacutecisant agrave cet eacutegard quil convient dappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq

ans suivant lenregistrement de la marque leacutetendue du droit exclusif confeacutereacute au titulaire en se reacutefeacuterant

aux eacuteleacutements reacutesultant de lenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lusage que le titulaire a

pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 12: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

11

Par conseacutequent la deacutecheacuteance dune marque prononceacutee en application de larticle L 714-5 du code de la

proprieacuteteacute intellectuelle dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave lordonnance ndeg 2019-1169 du 13 novembre 2019

tels quinterpreacuteteacute agrave la lumiegravere des articles 5 paragraphe 1 sous b) 10 et 12 de la directive 200895CE du

22 octobre 2008 ne produisant effet quagrave lexpiration dune peacuteriode ininterrompue de cinq ans sans usage

seacuterieux son titulaire est en droit de se preacutevaloir de latteinte porteacutee agrave ses droits sur la marque quont pu lui

causer les actes de contrefaccedilon intervenus avant sa deacutecheacuteance

Commentaire

Par cet arrecirct rendu en application des textes pris dans leur reacutedaction anteacuterieure agrave lrsquoordonnance ndeg 2019-

1169 du 13 novembre 2019 la chambre commerciale a eacuteteacute ameneacutee agrave se prononcer pour la premiegravere fois

sur le point de savoir si le titulaire drsquoune marque qui nrsquoa jamais exploiteacute cette marque et a eacuteteacute deacutechu de

ses droits sur celle-ci pour deacutefaut drsquousage seacuterieux agrave lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans suivant la

publication de son enregistrement peut agir en contrefaccedilon et demander lrsquoindemnisation de son preacutejudice

en invoquant une atteinte porteacutee aux fonctions de sa marque causeacutee par lrsquoutilisation par un tiers

anteacuterieurement agrave la date drsquoeffet de la deacutecheacuteance drsquoun signe identique ou similaire agrave ladite marque pour

deacutesigner des produits ou services identiques ou similaires agrave ceux pour lesquels cette marque a eacuteteacute

enregistreacutee

Srsquoagissant en lrsquoespegravece drsquoappreacutecier la contrefaccedilon par imitation de la marque invoqueacutee seule eacutetait agrave

rechercher lrsquoatteinte qui aurait eacuteteacute porteacutee en raison drsquoun risque de confusion agrave la fonction essentielle de

la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance lrsquoorigine du produit ou du service

Aux termes de lrsquoarticle L 713-1 du code de la proprieacuteteacute intellectuelle lrsquoenregistrement de la marque

confegravere agrave son titulaire un droit de proprieacuteteacute sur celle-ci pour les produits et services qursquoil a deacutesigneacutes et en

application de lrsquoarticle L 716-1 de ce code lrsquoatteinte porteacutee agrave ce droit constitue une contrefaccedilon

engageant la responsabiliteacute civile de son auteur

Cependant lrsquoarticle L 714-5 du mecircme code qui constitue la transposition en droit franccedilais des articles

10 et 12 de la directive 89104CEE du Conseil du 21 deacutecembre 1988 codifieacutee par la directive

200895CE du 22 octobre 2008 rapprochant les leacutegislations des Etats membres sur les marques

sanctionne par la deacutecheacuteance de ses droits le proprieacutetaire de la marque qui sans justes motifs nrsquoen a pas

fait un usage seacuterieux pour les produits et services viseacutes dans lrsquoenregistrement pendant une peacuteriode

ininterrompue de cinq ans Selon ces directives cette deacutecheacuteance a pour objectif de reacuteduire le nombre total

de marques enregistreacutees et proteacutegeacutees sur un territoire et partant le nombre de conflits qui surgissent entre

elles

La chambre commerciale a poseacute une question preacutejudicielle agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne qui

y a reacutepondu par lrsquoarrecirct preacuteciteacute du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e a C-62218)

Ainsi dans la mesure ougrave en droit franccedilais la deacutecheacuteance pour non-usage de la marque ne prend effet qursquoagrave

lrsquoexpiration du deacutelai de cinq ans qui suit la publication de lrsquoenregistrement le proprieacutetaire est fondeacute agrave se

plaindre des atteintes porteacutees durant ce deacutelai agrave son droit exclusif quand bien mecircme il nrsquoa jamais exploiteacute

sa marque

La Cour de justice a preacuteciseacute qursquoafin de deacuteterminer lorsqursquoil nrsquoy a pas eu exploitation de la marque si

lrsquoatteinte est caracteacuteriseacutee il convient drsquoappreacutecier au cours de la peacuteriode de cinq ans suivant

lrsquoenregistrement de la marque lrsquoeacutetendue du droit exclusif confeacutereacute laquo en ayant eacutegard aux produits et aux

services tels que viseacutes par lrsquoenregistrement de la marque et non pas par rapport agrave lrsquousage que le titulaire

a pu faire de cette marque pendant cette peacuteriode raquo

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 13: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

12

Par conseacutequent en lrsquoabsence de toute exploitation de la marque invoqueacutee il appartient aux juges du fond

de proceacuteder agrave la comparaison entre les mentions figurant sur son certificat drsquoenregistrement et les actes

argueacutes de contrefaccedilon

Dans la preacutesente affaire apregraves avoir releveacute que le proprieacutetaire nrsquoavait justifieacute drsquoaucune exploitation de la

marque depuis son deacutepocirct la cour drsquoappel en a deacuteduit que faute pour ladite marque drsquoavoir eacuteteacute mise en

contact avec le consommateur son titulaire ne pouvait arguer ni drsquoune atteinte agrave sa fonction de garantie

drsquoorigine ni drsquoune atteinte porteacutee au monopole drsquoexploitation confeacutereacutee par ladite marque ni encore drsquoune

atteinte agrave sa fonction drsquoinvestissement Lrsquoarrecirct attaqueacute ayant meacuteconnu les effets attacheacutes au droit de

proprieacuteteacute exclusif confeacutereacute agrave son titulaire jusqursquoagrave la deacutecheacuteance du seul fait de lrsquoenregistrement de la

marque a donc eacuteteacute censureacute

Enfin il convient drsquoindiquer que la Cour de justice a quant agrave la fixation des dommages et inteacuterecircts ajouteacute

que laquo si lrsquoabsence drsquousage drsquoune marque ne fait pas obstacle par elle-mecircme agrave une indemnisation lieacutee agrave la

commission de faits de contrefaccedilon cette circonstance nrsquoen demeure pas moins un eacuteleacutement important agrave

prendre en compte pour deacuteterminer lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoeacutetendue du preacutejudice subi par le

titulaire et partant le montant des dommages et inteacuterecircts que celui-ci peut eacuteventuellement reacuteclamer raquo

PROCEDURES COLLECTIVES

Sauvegarde - Arrecirct des poursuites individuelles - Exeacutequatur - Sentence arbitrale

condamnant le deacutebiteur sous sauvegarde

Com 12 novembre 2020 pourvoi ndeg 19-18849

Sommaire

Si lexequatur dune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

dargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de larrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire dune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

Commentaire

Si lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale ayant condamneacute un deacutebiteur agrave payer une somme

drsquoargent ne saurait sans meacuteconnaicirctre le principe de lrsquoarrecirct des poursuites individuelles contre ce deacutebiteur

mis en proceacutedure de sauvegarde avoir pour effet de confeacuterer agrave la sentence la force exeacutecutoire drsquoune

deacutecision de condamnation du deacutebiteur en revanche lrsquoexequatur de la sentence peut ecirctre accordeacute agrave la

demande du creacuteancier dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaicirctre son droit de creacuteance

lorsque celui-ci est contesteacute devant le juge-commissaire

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 14: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

13

Lrsquoexequatur drsquoune sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre lrsquoexeacutecution forceacutee des

dispositions de la sentence la force exeacutecutoire dont celle-ci est alors revecirctue deacutecoulant de la

reconnaissance dans lrsquoordre juridique interne du droit qursquoelle consacre Degraves lors la demande drsquoexequatur

peut ecirctre un preacutealable agrave la mise en œuvre de voies drsquoexeacutecution mais peut aussi se limiter agrave la recherche de

la simple reconnaissance du droit consacreacute par la sentence notamment lorsque les voies drsquoexeacutecution sont

interdites ou impossibles Cette distinction agrave opeacuterer entre les effets de lrsquoexequatur prend tout son sens

lorsqursquoune sentence emporte condamnation drsquoune partie agrave payer une somme drsquoargent et que cette partie

mise en proceacutedure collective beacuteneacuteficie de lrsquointerdiction des voies drsquoexeacutecution Si ce principe interdit de

confeacuterer force exeacutecutoire agrave la sentence en ce qursquoelle comporte une condamnation du deacutebiteur agrave payer une

somme drsquoargent il ne fait pas obstacle en revanche agrave lrsquoexequatur de la sentence dans le but exclusif de

permettre la reconnaissance de la creacuteance ce qui confegravere agrave lrsquoexequatur tout son inteacuterecirct en cas de

contestation de celle-ci devant le juge-commissaire

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date

de cessation des paiements - Publication au BODACC - Deacutelai imparti pour

lexercer - Point de deacutepart

Com 17 juin 2020 pourvoi ndeg 18-25262

Sommaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les deux premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de

commerce relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le dernier des articles L 632-1 et L 632-2 du

mecircme code ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report

sils ny eacutetaient pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants et les creacuteanciers dune

socieacuteteacute en liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date

de cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule

date agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

Commentaire

Un dirigeant ou un ancien dirigeant comme un creacuteancier informeacutes par la publication au BODACC dun

jugement de report de la date de cessation des paiements qui est susceptible davoir une incidence sur

leurs droits en application pour les premiers des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce

relatif aux responsabiliteacutes et sanctions et pour le second des articles L 632-1 et L 632-2 du mecircme code

ont degraves la date de publication un inteacuterecirct agrave former tierce opposition agrave la deacutecision de report sils ny eacutetaient

pas parties

En conseacutequence une cour dappel retient exactement que les anciens dirigeants dune socieacuteteacute en

liquidation judiciaire avaient inteacuterecirct agrave former tierce opposition au jugement de report de la date de

cessation des paiements de cette socieacuteteacute degraves la date de sa publication au BODACC et que cette seule date

agrave lexclusion de celle de la deacutelivrance de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

constituait le point de deacutepart du deacutelai de dix jours imparti par larticle R 661-2 du code de commerce pour

former tierce opposition

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 15: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

14

La question poseacutee eacutetait celle du point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de

lrsquoarticle R 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assigneacutes en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements

date de publication du jugement de report au BODACC (comme eacutenonceacute par le texte preacuteciteacute en son alineacutea

2 et retenu par les juges du fond) ou date de lassignation en responsabiliteacute pour insuffisance dactif

comme le soutenait le pourvoi

Linteacuterecirct dun dirigeant agrave former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a deacutejagrave

eacuteteacute affirmeacute par la chambre commerciale (Com 5 octobre 2010 pourvoi ndeg 09-69010 Bull 2010 IV ndeg

150) Et il faut rappeler que depuis lrsquoarrecirct Com 4 novembre 2014 pourvoi ndeg 13-23070 Bull 2014 IV

ndeg 164 lomission de deacuteclaration de la cessation des paiements dans le deacutelai leacutegal susceptible de

constituer une faute de gestion sappreacutecie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixeacutee

dans le jugement douverture ou dans un jugement de report Il en reacutesulte que le dirigeant poursuivi en

responsabiliteacute pour insuffisance dactif comme celui poursuivi en interdiction de geacuterer aux termes de

lrsquoarticle R 653-1 alineacutea 2 du code de commerce ne peuvent plus discuter devant le juge saisi de la

demande de sanction la date de la cessation des paiements preacutealablement fixeacutee ou reporteacutee

En retenant comme point de deacutepart du deacutelai de tierce opposition la date de publication au BODACC du

jugement reportant la date de la cessation des paiements le preacutesent arrecirct srsquoinscrit dans le prolongement de

la solution identique adopteacutee dans lrsquohypothegravese drsquoun creacuteancier susceptible drsquoecirctre assigneacute au titre drsquoune

nulliteacute de la peacuteriode suspecte (Com 14 juin 2017 pourvoi ndeg 15-25698 Bull 2017 IV ndeg 85)

TRANSPORT MARITIME

Com 9 deacutecembre 2020 pourvoi ndeg 18-22477

Transport - Creacuteances maritimes privileacutegieacutees

Sommaire ndeg1

Selon lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports sont notamment privileacutegieacutes sur le navire outre les droits

de tonnage ou de port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les

frais de garde et de conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port (article L 5114-8 2deg) ainsi

que les creacuteances neacutees des contrats des gens de mer et de toutes personnes employeacutees agrave bord (article L

5114-8 3deg)

Sont eacutegalement privileacutegieacutees sur le navire les creacuteances provenant des contrats passeacutes ou dopeacuterations

effectueacutees par le capitaine hors du port dattache pour les besoins reacuteels de la conservation du navire ou de

la continuation du voyage degraves lors que le capitaine a conclu ces engagements en vertu de ses pouvoirs

leacutegaux (article L 5114-8 6deg)

Prive donc sa deacutecision de base leacutegale la cour drsquoappel qui

- ne preacutecise pas dans quelles conditions les autoriteacutes portuaires et les membres de lrsquoeacutequipage auraient pu

transmettre agrave deux socieacuteteacutes revendiquant chacune une creacuteance maritime sur le navire leur privilegravege au

titre du 2deg et du 3deg de lrsquoarticle L 5114-8 du code des transports

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 16: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

15

- nrsquoexplique pas en quoi les autres creacuteances retenues pourraient ecirctre privileacutegieacutees sur le fondement du 6deg

du mecircme texte degraves lors qursquoil ressortait de lrsquoarrecirct ayant releveacute que le capitaine srsquoeacutetait borneacute agrave demander

aux deux socieacuteteacutes drsquoeffectuer certaines deacutepenses en vertu du mandat judiciaire qui leur avait eacuteteacute confieacute

par une juridiction eacutetrangegravere que le capitaine nrsquoavait pas passeacute lui-mecircme les contrats en vertu de ses

pouvoirs leacutegaux

Transport maritime - Contrat drsquoaffregravetement - Affregravetement coque nue

Sommaire n deg2

En droit maritime le contrat drsquoaffregravetement est le contrat par lequel le freacuteteur sengage moyennant

reacutemuneacuteration agrave mettre un navire agrave la disposition dun affreacuteteur pour le transport de marchandises ou de

personnes

En particulier dans le cas de lrsquoaffregravetement coque-nue le freacuteteur met agrave disposition de laffreacuteteur pour la

peacuteriode fixeacutee un navire sans armement ni eacutequipement ni eacutequipage ni approvisionnement assurances ou

autres fournitures (ou avec eacutequipement et armement incomplets) Lrsquoaffreacuteteur dispose alors de la totaliteacute de

la gestion nautique et commerciale

Et dans le cas drsquoun affregravetement au voyage entre des ports deacutetermineacutes celui qui met le navire eacutequipeacute agrave

disposition de lrsquoaffreacuteteur en conserve la gestion nautique et commerciale

Enfin en application de lrsquoarticle 1372 du code civil dans sa reacutedaction anteacuterieure agrave celle issue de

lrsquoordonnance du 10 feacutevrier 2016 la gestion daffaires implique lintention du geacuterant dagir pour le compte

et dans linteacuterecirct du maicirctre de laffaire

Degraves lors viole ce texte la cour drsquoappel qui pour condamner une socieacuteteacute srsquoeacutetant dessaisie drsquoun navire par

un contrat drsquoaffregravetement coque nue au beacuteneacutefice drsquoune autre socieacuteteacute lrsquoayant elle-mecircme mis agrave disposition

drsquoun tiers selon un affregravetement au voyage retient qursquoune deacutecision judiciaire eacutetrangegravere a autoriseacute

lrsquoaffreacuteteur au voyage agrave se substituer agrave son cocontractant le freacuteteur au voyage pour fournir le navire en

soutes proceacuteder aux travaux neacutecessaires de maintenance et reacutegler les frais de port puis relegraveve en premier

lieu que cet affreacuteteur au voyage invoque une gestion drsquoaffaires agrave la suite de lrsquoabandon du navire par ce

freacuteteur en second lieu que les deacutepenses exposeacutees pour preacuteserver le navire fournitures de soutes

avitaillement paiement des salaires des marins et des reacuteparations incombent au proprieacutetaire du navire qui

eacutetait deacutefaillant alors que le freacuteteur qui remet le navire agrave un affreacuteteur en exeacutecution drsquoune charte-partie

coque nue se dessaisit de la gestion nautique et commerciale du navire ce dont il reacutesulte que la gestion

drsquoaffaires supposeacutee permettre selon lrsquoarrecirct le paiement de frais engageacutes pour la seule poursuite du

voyage drsquoun port agrave un autre port pour achever le transport de la cargaison ne peut avoir eacuteteacute faite pour le

compte du freacuteteur coque-nue

Commentaire

Lexploitation des navires de commerce et leur financement preacutesentant systeacutematiquement une

internationaliteacute eacuteconomique et des eacuteleacutements dextraneacuteiteacute la deacutetermination de la loi applicable aux

privilegraveges mobiliers speacuteciaux pose souvent des questions difficiles de droit international priveacute

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 17: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

16

Le pourvoi principal posait la question de lrsquoarticulation des textes invoqueacutes par ses trois moyens (droit

communautaire regravegles de droit commun relatives agrave la gestion drsquoaffaires et texte speacutecial du code des

transports) dans un litige concernant un navire battant pavillon du Libeacuteria des socieacuteteacutes ayant leur siegravege

soit au Liberia (le freacuteteur coque nue) soit en Chine (lrsquoaffreacuteteur charte partie coque nue et par ailleurs

freacuteteur au voyage) soit en Gregravece (socieacuteteacutes affreacuteteurs au voyage et revendiquant un privilegravege maritime)

portant sur un voyage du navire du Nigeria vers la France et ayant donneacute lieu agrave une deacutecision drsquoune

autoriteacute judiciaire ghaneacuteenne puis agrave la saisie du navire dans un port franccedilais

Le navire ayant eacuteteacute vendu aux enchegraveres le proprieacutetaire-armateur-freacuteteur coque nue contestait lrsquoexistence

de creacuteances privileacutegieacutees revendiqueacutees sur ce navire par la socieacuteteacute qui disposait du navire pour ce voyage

La chambre commerciale a deacutejagrave dit que la reacutealisation dun privilegravege maritime impose de veacuterifier son

existence agrave la fois selon la loi qui gouverne la creacuteance garantie et selon la loi de lEacutetat ougrave sa reacutealisation est

demandeacutee par une saisie-exeacutecution [Com 20 mai 1997 ndeg 95-16192 et ndeg 95-20943 Navire Nobility

DMF 1997 191 rapp Reacutemery et note Reacutemond-Gouilloud sur renvoi Rouen 14 mars 2000 DMF 2000

1006 note Tassel ] la lex fori se combine donc avec la loi de la creacuteance (lex causae)

Le preacutesent arrecirct illustre la premiegravere eacutetape qui consiste avant mecircme de deacuteterminer la loi reacutegissant les

creacuteances alleacutegueacutees agrave rechercher si celles-ci correspondent aux cas preacutevus par lrsquoarticle L 5114-8 du code

franccedilais des transports

Lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel est censureacute en premier lieu pour ne pas expliquer pourquoi certaines des

creacuteances alleacutegueacutees relevaient des 2deg et 3deg de ce texte lesquels mentionnent les droits de tonnage ou de

port et les autres taxes et impocircts publics de mecircmes espegraveces les frais de pilotage les frais de garde et de

conservation depuis lentreacutee du navire dans le dernier port les creacuteances neacutees du contrat des gens de mer et

de toutes personnes employeacutees agrave bord

Et il est censureacute en deuxiegraveme lieu parce que dans cette espegravece il eacutetait aussi fait eacutetat de deacutepenses reacutealiseacutees

par la socieacuteteacute requeacuterante elle-mecircme sur la demande du capitaine alors que le 6deg du mecircme texte se

rapporte aux creacuteances provenant des contrats passeacutes ou des opeacuterations effectueacutees par le capitaine lui-

mecircme et en vertu de ses pouvoirs leacutegaux

Enfin le preacutesent arrecirct a aussi le meacuterite de dire que lrsquoaffreacuteteur au voyage qui se preacutevaut de deacutepenses

engageacutees pour permettre la seule poursuite du voyage drsquoun port agrave un autre port et achever le transport de

la cargaison ne peut revendiquer un privilegravege maritime au titre drsquoune gestion drsquoaffaires assureacutee

preacutetendument pour le compte et dans lrsquointeacuterecirct du freacuteteur degraves lors que celui-ci ayant remis le navire agrave un

affreacuteteur selon une charte partie coque nue eacutetait en conseacutequence dessaisi de la totaliteacute de la gestion

nautique et commerciale

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 18: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

17

TRANSPORT TERRESTRE

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre lrsquoexpeacutediteur et le destinataire

- Absence de responsabiliteacute du voiturier agrave lrsquoeacutegard de lrsquoexpeacutediteur

Com 25 novembre 2020 pourvoi ndeg 18-25768

Sommaire

Aux termes de lrsquoarticle L 132-8 du code de commerce la lettre de voiture forme un contrat entre

lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le

voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre lexpeacutediteur et le

destinataire lesquels sont garants du paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non

eacutecrite

Ces dispositions excluent toute action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur

pour avoir poursuivi des relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement

rencontreacutees ou sans les avoir informeacutes de celles-ci

Commentaire

Lrsquoarticle L132-8 du code de commerce dispose

laquo La lettre de voiture forme un contrat entre lexpeacutediteur le voiturier et le destinataire ou entre

lexpeacutediteur le destinataire le commissionnaire et le voiturier Le voiturier a ainsi une action directe en

paiement de ses prestations agrave lencontre de lexpeacutediteur et du destinataire lesquels sont garants du

paiement du prix du transport Toute clause contraire est reacuteputeacutee non eacutecrite raquo

Cette disposition drsquoordre public introduite par la loi du 6 feacutevrier 1998 dite laquo loi Gayssot raquo a ajouteacute une

nouvelle partie au contrat de transport le destinataire et mis agrave la charge de ce dernier ainsi que de

lrsquoexpeacutediteur lrsquoobligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur sans pour autant

preacuteciser les conditions et le reacutegime de lrsquoaction de ce dernier Par conseacutequent les demandes en paiement

des transporteurs ont donneacute lieu agrave de nombreuses contestations dont certaines eacutetaient tireacutees de la

connaissance par le transporteur des difficulteacutes de treacutesorerie de la partie tenue contractuellement au

paiement du prix du transport

Cette circonstance a drsquoabord eacuteteacute invoqueacutee pour faire eacutechec agrave lrsquoaction du transporteur Mais la chambre

commerciale a refuseacute de priver le transporteur du beacuteneacutefice de lrsquoarticle L133-8 du code de commerce en

jugeant que laquo la circonstance que le transporteur ait connu les difficulteacutes de treacutesorerie de son donneur

dordre ne lui interdit pas dexercer laction directe raquo (Com 7 avril 2009 pourvoi ndeg 08-12919)

Plus reacutecemment crsquoest en se placcedilant sur le terrain de la responsabiliteacute civile deacutelictuelle que le destinataire

reprochait au transporteur davoir commis une faute de neacutegligence consistant dans le fait davoir poursuivi

pendant neuf mois sa relation commerciale avec lexpeacutediteur sans ecirctre payeacute La chambre commerciale a

approuveacute la cour dappel davoir rejeteacute laction en responsabiliteacute au motif laquo que le paiement du prix du

transport reacuteclameacute par le voiturier au destinataire sur le fondement de larticle L 132-8 du code de

commerce qui nest que lexeacutecution dune obligation leacutegale de garantie ne peut constituer un preacutejudice

indemnisable raquo (Com 4 juillet 2018 pourvoi ndeg 17-17425)

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation

Page 19: LETTRE DE LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET …2021-1-18 · Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication

18

Dans la preacutesente affaire le transporteur a vu sa responsabiliteacute civile contractuelle engageacutee pour nrsquoavoir

pas aviseacute lrsquoexpeacutediteur contre lequel il a exerceacute lrsquoaction en garantie des difficulteacutes de treacutesorerie du

destinataire La cour drsquoappel avait fait droit agrave la demande drsquoindemnisation du preacutejudice alleacutegueacute par

lrsquoexpeacutediteur en retenant laquo quil devait ecirctre reprocheacute au transporteur alors quil connaissait les difficulteacutes

aveacutereacutees de paiement du destinataire degraves le 23 deacutecembre 2011 de ne pas avoir averti lexpeacutediteur et

davoir au contraire au deacutetriment de ce dernier choisi dexercer la garantie confeacutereacutee par le contrat de

transport le 14 mars 2012 et ce avant mecircme davoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant raquo

Ce faisant les juges du fond avaient admis non seulement que le preacutejudice invoqueacute par lrsquoexpeacutediteur eacutetait

indemnisable mais aussi que le transporteur eacutetait tenu drsquoune obligation drsquoinformation sur les difficulteacutes

financiegraveres rencontreacutees par son donneur drsquoordre Ce raisonnement est censureacute par lrsquoarrecirct rapporteacute qui

marque une eacutevolution par rapport agrave lrsquoarrecirct du 4 juillet 2018 en ce qursquoil ne se fonde pas sur le caractegravere non

indemnisable du preacutejudice alleacutegueacute mais retient que lrsquoarticle L133-8 du code de commerce exclut toute

action de lexpeacutediteur ou du destinataire en responsabiliteacute du transporteur pour avoir poursuivi des

relations avec son donneur dordre en deacutepit des difficulteacutes de paiement rencontreacutees ou sans les avoir

informeacutes de celles-ci

Retrouvez lrsquoactualiteacute de la Cour de cassation sur courdecassationfr

Suivez la Cour de cassation sur Twitter et Facebook

Retrouvez le panorama annuel de jurisprudence de la chambre commerciale financiegravere et

eacuteconomique

La Lettre de la chambre commerciale financiegravere et eacuteconomique ndeg 2 - Janvier 2021

Directeur de publication Agnegraves Mouillard

Comiteacute de reacutedaction Anne-Claire Le-Bras et Ronan Guerlot

Conception service de documentation des eacutetudes et du rapport

Diffusion Cour de cassation