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DRAI Division Etudes, stratégie et risques 1 Autorité des marchés financiers Lettre Economique et Financière 2013-3 Maximum Variation 05/09/2013 depuis 10 ans Date depuis 01/07/13 depuis 31/12/12 DJIA 14 937,5 15 658,4 02/08/13 -0,3% 14,0% S&P 500 1 655,1 1 709,7 02/08/13 2,5% 16,0% NASDAQ 3 658,8 3 693,0 05/08/13 6,5% 21,2% CAC 40 4 006,8 6 168,2 01/06/07 6,4% 10,0% DAX 30 8 235,0 8 530,9 22/05/13 3,1% 8,2% FTSE 100 6 532,4 6 840,3 22/05/13 3,6% 10,8% FTSE MIB 16 842,7 44 364,4 18/05/07 8,9% 3,5% DJ Euro STOXX 50 2 774,2 4 557,6 16/07/07 5,8% 5,2% NIKKEI 225 14 064,8 18 262,0 09/07/07 1,5% 35,3% 06/09/13 07/06/13 29/03/13 31/12/12 Taux Directeurs (%) Etats-Unis 0,25 0,25 0,25 0,25 Zone euro 0,50 0,50 0,75 0,75 Japon 0,10 0,10 0,10 0,10 Taux monétaires (%) Fed Funds 0,08 0,09 0,09 0,09 EONIA 0,08 0,08 0,11 0,13 Euribor 3 mois 0,23 0,20 0,21 0,19 Taux long terme (%) US T-Bond 10 ans 2,95 2,16 1,85 1,75 CNO-TEC 10 2,56 2,13 2,02 1,99 Zone euro (1) 3,01 2,64 2,66 2,62 Taux de change USD/EUR 1,32 1,32 1,28 1,32 EUR/GBP 1,19 1,18 1,18 1,23 YPN/USD 98,93 97,39 94,02 86,47 (1) Moyenne des taux de référence à 10 ans des pays de la zone euro pondérée par leur poids économique (Source : Datastream). Évolution des principaux indices boursiers 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 janv. 07 juin 07 nov. 07 avr. 08 sept. 08 févr. 09 juil. 09 déc. 09 mai 10 oct. 10 mars 11 août 11 janv. 12 juin 12 nov. 12 avr. 13 sept. 13 DOW JONES INDUSTRIALS S&P 500 NASDAQ CAC 40 DAX 30 FTSE 100 FTSE MIB EURO STOXX 50 NIKKEI 225 Note : Base 100 = 01/01/07 ; Dernière observation : 05/09/13 Politiques monétaires : principaux taux directeurs (%) 0 1 2 3 4 5 6 7 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Etats-Unis Royaume-Uni Japon Zone euro % Dernière observation : 06/09/13 Sommaire Conjoncture et marchés financiers .............................................................................................................................. p. 2 Risques La qualité de la régulation des marchés financiers : Comment (mieux) la mesurer ?............................. p. 6 Etude Estimations historiques de la rentabilité des actifs et prime de risque ..................................................... p. 12 Achevé de rédiger le 9 septembre 2013

Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

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Page 1: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-1

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 1 Autorité des marchés financiers

Lettre Economique

et Financière

2013-3

Maximum Variation

05/09/2013 depuis 10 ans

Date depuis

01/07/13 depuis

31/12/12

DJIA 14 937,5 15 658,4 02/08/13 -0,3% 14,0%

S&P 500 1 655,1 1 709,7 02/08/13 2,5% 16,0%

NASDAQ 3 658,8 3 693,0 05/08/13 6,5% 21,2%

CAC 40 4 006,8 6 168,2 01/06/07 6,4% 10,0%

DAX 30 8 235,0 8 530,9 22/05/13 3,1% 8,2%

FTSE 100 6 532,4 6 840,3 22/05/13 3,6% 10,8%

FTSE MIB 16 842,7 44 364,4 18/05/07 8,9% 3,5%

DJ Euro STOXX 50 2 774,2 4 557,6 16/07/07 5,8% 5,2%

NIKKEI 225 14 064,8 18 262,0 09/07/07 1,5% 35,3%

06/09/13 07/06/13 29/03/13 31/12/12

Taux Directeurs (%)

Etats-Unis 0,25 0,25 0,25 0,25

Zone euro 0,50 0,50 0,75 0,75

Japon 0,10 0,10 0,10 0,10

Taux monétaires (%)

Fed Funds 0,08 0,09 0,09 0,09

EONIA 0,08 0,08 0,11 0,13

Euribor 3 mois 0,23 0,20 0,21 0,19

Taux long terme (%)

US T-Bond 10 ans 2,95 2,16 1,85 1,75

CNO-TEC 10 2,56 2,13 2,02 1,99

Zone euro(1) 3,01 2,64 2,66 2,62

Taux de change

USD/EUR 1,32 1,32 1,28 1,32

EUR/GBP 1,19 1,18 1,18 1,23

YPN/USD 98,93 97,39 94,02 86,47

(1) Moyenne des taux de référence à 10 ans des pays de la zone euro pondérée par leur poids économique (Source : Datastream).

Évolution des principaux indices boursiers

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

janv.07

juin07

nov.07

avr.08

sept.08

févr.09

juil.09

déc.09

mai10

oct.10

mars11

août11

janv.12

juin12

nov.12

avr.13

sept.13

DOW JONES INDUSTRIALS S&P 500

NASDAQ CAC 40

DAX 30 FTSE 100

FTSE MIB EURO STOXX 50

NIKKEI 225

Note : Base 100 = 01/01/07 ; Dernière observation : 05/09/13

Politiques monétaires : principaux taux directeurs (%)

0

1

2

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4

5

6

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2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Etats-Unis Royaume-Uni

Japon Zone euro

%

Dernière observation : 06/09/13

Sommaire

Conjoncture et marchés financiers .............................................................................................................................. p. 2

Risques – La qualité de la régulation des marchés financiers : Comment (mieux) la mesurer ? ............................. p. 6

Etude – Estimations historiques de la rentabilité des actifs et prime de risque ..................................................... p. 12

Achevé de rédiger le 9 septembre 2013

Page 2: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 2 Autorité des marchés financiers

Indicateurs macro-économiques

Croissance mondiale

(taux de croissance annuel du PIB en volume, %)

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Etats-Unis

Zone euro

Allemagne

France

Royaume-Uni

Japon

Source : Datastream, comptabilités nationales

Indice de sentiment économique

60

70

80

90

100

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120

130

aoû

t-8

5

aoû

t-8

7

aoû

t-8

9

aoû

t-9

1

aoû

t-9

3

aoû

t-9

5

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t-9

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1

aoû

t-0

3

aoû

t-0

5

aoû

t-0

7

aoû

t-0

9

aoû

t-1

1

aoû

t-1

3

Zone euro Source : Commission européenne

Taux de chômage (en %)

0

5

10

15

20

25

30

Q12005

Q32005

Q12006

Q32006

Q12007

Q32007

Q12008

Q32008

Q12009

Q32009

Q12010

Q32010

Q12011

Q32011

Q12012

Q32012

Q12013

France

Allemagne

Italie

Portugal

Espagne

Source : Datastream, comptabilités nationales

France - Principaux indicateurs conjoncturels (%)*

2011 2012 12T4 13T1 13T2

Produit intérieur brut 2,0 0,0 -0,2 -0,2 0,5

Conso. des ménages 0,5 -0,4 0,0 -0,1 0,4

Investissement 3,0 -1,2 -0,8 -1,0 -0,5

- dont entreprises 3,1 -1,9 -0,7 -0,9 -0,1

Exportations 5,6 2,5 -0,7 -0,5 2,0

2011 2012 12T4 13T1 13T2

Prix à la consommation* 2,1 2,0 1,5 1,1 0,9

Taux de chômage (BIT, CVS) 9,2 9,9 10,1 10,4 10,5 Source : Insee - Comptes Nationaux * Variations trimestrielles à l’exception du

taux de chômage (y.c DOM) et des prix à la consommation (sur un an).

Croissance économique : une reprise modérée

Au deuxième trimestre 2013, la croissance du PIB de la zone euro s’est établie à +0,3% (-0,7% sur un an) après -0,2% au 1

er trimestre, avec de fortes disparités. En effet,

plusieurs pays de la zone euro sont encore en récession au deuxième trimestre, avec des rythmes de contraction toutefois plus modérés : -0,1% en variation trimestrielle pour l’Espagne (après -0,4% au T1), -0,2% en Italie (après -0,6%). Au sein de la zone euro, l’activité a été soutenue, après six trimestres de baisse, par toutes les composantes de la demande (à l’exception des stocks). En revanche, l’Allemagne, la France et le Portugal affichent un rebond avec respectivement des taux de croissance de +0,7%, +0,5% et +1,1%. Par ailleurs, la croissance américaine a augmenté de +0,4% par rapport au premier trimestre (+1,4% sur un an), après +0,3% au 1

er trimestre, soutenue

par la demande interne. Le Royaume-Uni, pour sa part, a connu une hausse de 0,7% du PIB sur le deuxième trimestre 2013 (+1,4% sur un an) après +0,3% au T1, sous l’effet notamment d’un soutien du secteur des services. Quant au Japon, le PIB a été révisé en hausse à +0,9% (contre +0,6%), tiré par l’investissement. Par ailleurs, la dégradation du marché du travail au 2

ème trimestre s’est confirmée en France (taux de chômage

de 10,5% contre 10,4% au T1) et en Italie (12,1% contre 11,9%), mais il est resté stable sur le trimestre au sein de la zone euro à 12,1%, ainsi qu’en Espagne, à 23,4%. En revanche, il s’inscrit en baisse en Allemagne (6,8%) et au Portugal (16,4%). Quant à l’indice de confiance économique (Economic Sentiment Indicator) publié par la Commission européenne, il s’améliore depuis septembre 2012 mais reste, en août 2013, inférieur de 5 points à sa moyenne de long terme. Dans cet environnement, la France a connu au deuxième trimestre de l’année 2013 un taux de croissance du PIB positif de +0,5% (dont une contribution de +0,2 point des variations de stocks), avec des croissances positives de la consommation et des exportations, mais négative de l’investissement des entreprises. Des perspectives de croissance subordonnées à la reprise de la demande interne aux États-Unis, à la stabilisation financière et à l’évolution de la situation des pays émergents

Le 2ème

trimestre 2013 a été marqué par l’annonce d’un ralentissement des injections de liquidité par la FED d’ici la fin de l’année, ce qui a ravivé les tensions sur les marchés financiers. A cela s’est ajoutée la confirmation du ralentissement de l’activité dans les pays émergents. Plus globalement, le FMI souligne, dans l’actualisation de ses prévisions d’activité publiée le 9 juillet, que la croissance mondiale (3,1% en 2013, puis 3,8% en 2014) pourrait être moins vigoureuse que prévu (révisions de -0,2 point par rapport aux prévisions d’avril). La croissance des pays émergents et en développement pourrait être quatre fois supérieure en 2013 à celle des pays développés (5,0% contre 1,2%) mais elle a également été révisée à la baisse (-0,3 point). A cet égard, le taux de croissance de la Chine s’établirait à 7,8% en 2013 (stable par rapport à 2012), celui de la zone euro à -0,6%, contre +1,7% aux États-Unis. En Europe, les perspectives de croissance (la Commission européenne prévoit pour 2013 -0,4% pour la zone euro et +1,2% pour 2014) resteront notamment tributaires des politiques budgétaires en cours d’ajustement et de la situation des pays les plus affectés par des déséquilibres internes ou externes.

Page 3: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 3 Autorité des marchés financiers

Marchés des actions

Évolution des indices MSCI selon les zones géographiques

(au 04/09/2013) -20% -10% 0% 10% 20% 30% 40%

Indice monde

Pays développés

Etats-Unis

Europe

Zone euro

Pacifique hors Japon

Japon

Marchés émergents

Asie

Amérique latine

Europe de l'Est

Depuis début 2013

Var. trim

2012

Source : Datastream

Évolution des indices sectoriels MSCI en Europe (au 04/09/2013)

-20% -15% -10% -5% 0% 5% 10% 15% 20%

Energie

Industries de base

Industries

Biens de consommation

Consumer Goods

Santé

Sociétés financières

Technologie

Télécommunications

Services aux collectivités 2012

Var. depuis le début de l'année

Var. trim.

Source : Datastream

Montant des fonds levés lors des opérations d’introduction en bourse au niveau mondial (en Mds de USD)

0

50

100

150

200

250

300

350AutresAsie PacifiqueEuropeAmérique latineEtats-Unis

Source : Bloomberg, calculs AMF Note : (*) Données au 04/09/2013

Volume des fusions & acquisitions (en Mds de USD)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

Moyen-Orient et Afrique Europe de l'Est

Amérique latine et Caraïbes Asie Pacifique (développés)

Asie Pacifique (émergents) Eur. de l'Ouest

Am. du Nord

Source : Bloomberg, calculs AMF Note : (*) Données au 04/09/2013

La correction boursière sur les marchés émergents s’accentue

L’amélioration des perspectives économiques dans les pays développés en juillet-août 2013 et l’anticipation du resserrement de la politique monétaire américaine à très court terme ont continué de soutenir les marchés d’actions de ces zones géographiques, notamment en Europe : l’indice Eurostoxx 50 a ainsi affiché une progression d’environ 6 % sur cette période, contre +2,5 % pour l’indice Dow Jones, qui a néanmoins atteint des niveaux record début août. Signe de la confiance portée par les investisseurs dans la reprise de la croissance en Europe, l’ensemble des secteurs d’activité ont enregistré des performances positives en juillet-août. De plus, celles-ci ont été particulièrement prononcées pour les valeurs cycliques. De leur côté, les valeurs financières ont poursuivi leur phase de rattrapage déjà observée l’an passé. Cet afflux de capitaux s’est fait principalement au détriment des pays émergents, où le ralentissement économique se confirme. Sur les seuls mois de juillet et août, l’indice MSCI émergents affichait ainsi une baisse de près de 8 %. Des conditions de marchés de part et d’autre de l’Atlantique plus favorables aux opérations de fusions-acquisitions et à l’activité sur les marchés primaires

L’embellie observée dans l’environnement macro-financier dans les pays occidentaux conjuguée au retour de la confiance des chefs d’entreprise et investisseurs, a contribué au rétablissement de conditions favorables aux opérations stratégiques de croissance externe et de restructurations. Celles-ci se sont d’ailleurs multipliées au cours des derniers mois, certaines atteignant même parfois des tailles très élevées, notamment dans le secteur des télécommunications. Sur les huit premiers mois de l’année, l’activité sur le marché des fusions et acquisitions s’est inscrite en hausse de 10 % sur un an aux États-Unis et de 40 % en Europe. Cette tendance, si elle devait se confirmer, pourrait constituer un soutien aux marchés primaires. D’une manière globale, les levées de fonds en bourse (introductions et augmentations de capital de sociétés déjà cotées) ont continué d’être dynamiques depuis le début de l’année. Au premier semestre, les émissions d’actions enregistrées au niveau mondial ont avoisiné 300 milliards de dollars au premier semestre 2013, soit une hausse de 40 % par rapport à la même période de l’année précédente. Fait notable, s’agissant des introductions en bourse, une sensible amélioration était perceptible au deuxième trimestre 2013. Au niveau mondial, le montant des fonds levés lors de ses opérations a avoisiné 70 milliards de dollars au premier semestre, soit une hausse de près de 20 % sur un an. Par ailleurs, le nombre d’opérations annoncées en juillet et août a doublé par rapport à la même période de l’année précédente. Cette tendance demeure toutefois fragile, et ne doit pas masquer le niveau toujours très faible de l’activité et des montants levés.

Page 4: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 4 Autorité des marchés financiers

Marchés du crédit

Dettes souveraines : taux à 10 ans (en %)

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

sept. 11 nov. 11 janv. 12 mars 12 mai 12 juil. 12 sept. 12 nov. 12 janv. 13 mars 13 mai 13 juil. 13 sept. 13

France Allemagne Irlande

Italie Japon Portugal

Espagne Royaume-Uni Etats-Unis

Source : Datastream

Evolution du coût des emprunts obligataires en Europe selon les catégories de notation (en points de base)

0

50

100

150

200

250

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1 000

janv. 12 mars 12 mai 12 juil. 12 sept. 12 nov. 12 janv. 13 mars 13 mai 13 juil. 13 sept. 13

Europe Obligations High Yield

Etats-Unis Obligations HY

Europe Obligations IG -Ech. de dte

Etats-Unis Obligations IG - Ech. de dte

Source : Bloomberg

Evolution des indices de CDS selon la notation en Europe et aux États-Unis (en points de base)

0

100

200

300

400

500

600

mars 13 mars 13 avr. 13 avr. 13 mai 13 mai 13 juin 13 juin 13 juil. 13 juil. 13 juil. 13 août 13 août 13

ITRX XOVER ITRX MAIN CDX IG CDX HY Source : Bloomberg

Emissions corporate (en Mds de USD)

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

Etats-Unis EMEA

Total

dont High Yield

Source : Bloomberg

La remontée des taux longs sur les emprunts d’État s’est poursuivie au cours de l’été en Europe et aux États-Unis

En mai et juin 2013, les rendements des emprunts d’État à long terme et les primes de CDS souverains avaient connu de fortes hausses aux États-Unis mais également en Europe, notamment dans certains pays périphériques comme la Grèce ou le Portugal. Ce mouvement, en lien avec les anticipations de changements de politique monétaire aux États-Unis du fait des signes d’amélioration du climat conjoncturel, a connu une pause, avant de reprendre à partir de la seconde partie du mois d’août de part et d’autre de l’Atlantique, malgré les efforts des banques centrales pour convaincre les marchés de l’absence de remontée imminente et brutale des taux directeurs. Seuls quelques pays comme l’Espagne et l’Italie ont pour l’heure été relativement préservés. Entre fin juin et début septembre, les rendements des emprunts d’État à 10 ans ont ainsi enregistré une hausse de 20 points de base en France et en Allemagne, mais de 50 aux États-Unis. Les conditions d’emprunt des sociétés les plus risquées ont continué de se dégrader

Parallèlement, les conditions d’emprunt des entreprises les mieux notées, qui avaient connu une nette dégradation en mai et juin en Europe comme aux États-Unis, se sont détendues au cours de l’été pour revenir début septembre à un niveau proche de celui observé fin mai. Concernant les entreprises classées en catégorie spéculative, une détente des taux d’emprunt a également été observée en juillet, mais ce mouvement s’est interrompu en août. Depuis le point de bas de l’année atteint à la mi-mai, les coûts d’emprunt ont augmenté d’environ 60 points de base en Europe, comme aux États-Unis. Les primes sur les CDS d’obligations d’entreprises, qui mesurent les primes de protection contre le risque de défaut, ont enregistré des évolutions relativement similaires, à savoir une hausse modérée au cours de la période sous revue en Europe depuis début juillet. Aux États-Unis, des évolutions divergentes selon les catégories de notation ont été constatées : contrairement aux sociétés les mieux notées, les primes relatives aux emprunts des sociétés classées en catégorie spéculative ont connu une nette dégradation à partir de la mi-juillet, comme le montre la hausse de 60 points de base de l’indice CDX High yield entre mi-juillet et début septembre. Les émissions obligataires des entreprises ont ralenti au premier semestre

Les marchés primaires d’obligations d’entreprises ont, pour leur part, connu des évolutions divergentes de part et d’autre de l’Atlantique depuis le printemps. Aux États-Unis, malgré la dégradation des conditions d’emprunts, les émissions sont restées dynamiques au deuxième trimestre 2013, et ce, quel que soit le niveau de notation. À cette période, leur montant cumulé sur 4 trimestres consécutifs s’inscrivait toujours en hausse de 5 % sur un an. Par ailleurs, les données disponibles pour les mois de juillet-août suggèrent que cette tendance s’est prolongée au troisième trimestre. En Europe en revanche, si le segment du high yield est

demeuré très actif sur les 8 premiers mois de l’année, les émissions d’entreprises non risquées ont fortement ralenti en juin 2013 (-22 % sur un an s’agissant des montants cumulés sur 4 trimestres). Toutefois, les données disponibles sur les mois de juillet et août semblent indiquer que cette tendance se serait interrompue durant l’été.

Page 5: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 5 Autorité des marchés financiers

Épargne et gestion collective en France

Flux de placements financiers des ménages

Depuis 2 ans (flux, en milliards d’euros) 2011 2012 2013

T2 T3 T4 Total T1 T2 T3 T4 Total T1

Numéraire et dépôts 16 18 14 60 24 16 13 5 58 13

Titres de dette 0 1 -1 1 3 -2 1 0 3 -1

Actions cotées -1 4 -1 6 -3 1 -2 -2 -6 -2 Autres actions 5 3 0 11 8 2 5 6 21 9

OPCVM : -1 -1 -4 -13 -5 0 -5 -2 -12 -3 Monétaires -3 0 -1 -7 -2 -1 -3 -2 -8 -2 Non monétaires : 2 -1 -3 -5 -3 1 -2 0 -4 -1 - actions 0 -2 -1 -1 -1 -2 -1 0 -5 0 - obligations 1 1 -2 -2 -1 2 0 0 1 -4 -diversifiés et alternatifs -2 -1 0 -3 0 -1 0 0 0 -2 - FCPE 4 0 0 2 -1 4 -1 -1 2 -1 - autres -1 1 0 -2 0 -2 -1 2 -1 5

Assurance vie et Épargne retraite :

10 8 -4 29 1 2 7 8 17 14

-en euros 10 10 -2 33 2 3 9 9 23 13 -en unités de compte 0 -2 -2 -4 -1 -2 -2 -1 -6 1

Total 29 32 4 94 28 18 19 15 80 29

Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers, base 2005.

Depuis 4 ans (flux cumulés sur quatre trimestres glissants, en milliards d’euros)

-40

10

60

110

160

mars09

juin09

sept.09

déc.09

mars10

juin10

sept.10

déc.10

mars11

juin11

sept.11

déc.11

mars12

juin12

sept.12

déc.12

mars13

Dépôts bancaires Titres de dette Actions cotées

Parts d'OPCVM Contrats d'assurance-vie

Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers, base 2005.

Rendements des placements (en %)

0

1

2

3

4

5

6

mai06

sept.06

janv.07

mai07

sept.07

janv.08

mai08

sept.08

janv.09

mai09

sept.09

janv.10

mai10

sept.10

janv.11

mai11

sept.11

janv.12

mai12

sept.12

janv.13

mai13

Comptes sur livrets Dépôts à terme < 2 ans

Titres d'OPCVM monétaires Taux à 10 ans

Sources : Banque de France et Datastream.

Souscriptions nettes de contrats d’assurance vie et d’épargne retraite

(flux cumulés sur 4 trimestres glissants, en milliards d’euros)

-40

-20

0

20

40

60

80

100

120

mars09

juin09

sept.09

déc.09

mars10

juin10

sept.10

déc.10

mars11

juin11

sept.11

déc.11

mars12

juin12

sept.12

déc.12

mars13

Unités de compte Euros

Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers, base 2005.

Amélioration des flux de placement en faveur de l’assurance vie et des placements à vue

Comme observé au cours des années précédentes, le premier trimestre 2013 se caractérise par un rebond des flux de placements financiers des ménages : s’élevant à 29 milliards d’euros, le flux des principaux placements financiers des ménages se situe dans la moyenne observée sur le premier trimestre des 5 dernières années (28,5 milliards d’euros). Alors que 2012 s’était ouvert par des dépôts massifs, ce rebond de début d’année 2013, plus équilibré, résulte principalement de la reprise des placements à vue, des souscriptions de contrats d’assurance vie en euros et, dans une moindre mesure, des placements en actions non cotées.

Comparativement à fin 2012, les ménages ont augmenté leur flux de placement en faveur des placements bancaires, qui atteignent 13 milliards d’euros au premier trimestre 2013 contre 5 milliards d’euros trois mois auparavant. Néanmoins, au regard des flux de placements bancaires trimestriels observés ces deux dernières années, cette augmentation apparaît plus modeste. Cette amélioration est due à un fort rebond des dépôts à vue (passant de -11 à +5 milliards d’euros entre fin 2012 et début 2013), qui a plus que compensé le ralentissement de la collecte de livrets d’épargne. Accusant une diminution de près de 50%, leurs flux demeurent importants : ils s’élèvent à 10,5 milliards d’euros au premier trimestre 2013 et résultent notamment du faible niveau de rémunération offert par les autres comptes sur livrets et d’une aversion relative pour les supports plus risqués. La baisse des taux de rémunération des livrets A et de développement durable (LDD) intervenue en février semble progressivement en réduire l’attrait : s’ils ont encore attiré respectivement 11,6 et 4,5 milliards d’euros au cours du premier trimestre 2013, ces montants n’étaient plus que de 3,6 milliards d’euros pour le livret A et de 1,9 milliard d’euros pour le LDD au deuxième trimestre 2013 selon les dernières données disponibles. Cette tendance pourrait se poursuivre, soutenue par l’abaissement des taux de rémunération de ces livrets à leur plancher historique, intervenue début août en réponse à la diminution de l’inflation.

Poursuite des rachats nets de titres d’OPCVM

Au premier trimestre 2013, la décollecte nette observée sur les titres d’OPCVM s’est légèrement renforcée, passant de -2 milliards d’euros fin 2012 à -3 milliards début 2013. Les OPCVM monétaires comme non monétaires affichent tous deux une décollecte s’élevant respectivement à -1,6 et -1,4 milliard d’euros. Au sein des OPCVM non monétaires, les titres d’OPCVM obligations ont été particulièrement touchés par ce mouvement, leurs cessions nettes atteignant près de -4 milliards d’euros au lieu de -0,4 milliard à fin 2012.

Poursuite de la remontée de l’assurance vie

Les souscriptions nettes de contrats d’assurance vie ont poursuivi leur remontée au cours du premier trimestre, les contrats d’assurance vie libellés en unités de compte affichant également une souscription nette de 0,8 milliard d’euros. Néanmoins, le contexte de faible niveau des taux d’intérêt à long terme continue d’affecter la performance des contrats d’assurance vie en euros comparativement à d’autres placements plus liquides et dont la rémunération peut s’avérer plus attractive. Les souscriptions nettes auraient fortement ralenti depuis avril, aboutissant à une décollecte au mois de juin suivie d’une reprise en juillet. Les évolutions prochaines seront conditionnées notamment par l’impact de la baisse des taux de rémunération des livrets réglementés entrée en vigueur en août et par les réactions des épargnants à l’annonce d’une possible réforme de l’assurance vie, attendue pour cet automne.

Page 6: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 6 Autorité des marchés financiers

Risques – La qualité de la régulation des marchés financiers :

Comment (mieux) la mesurer ?

La crise a rappelé la nécessité d’avoir un système financier

correctement régulé, et les objectifs visant à promouvoir une

régulation efficiente des marchés financiers sont aujourd’hui,

au moins dans leur principe, largement partagés. Par

exemple :

- l’Organisation internationale des commissions de

valeurs invite (OICV, 2010) les régulateurs à

s’assurer que les marchés sont justes, efficients et

transparents (« ensuring that markets are fair,

efficient and transparent ») ;

- l’Autorité européenne des marchés financiers doit

contribuer à « un niveau de réglementation et de

surveillance sain, efficace et cohérent », ainsi qu’à

« assurer l’intégrité, la transparence, l’efficience et le

bon fonctionnement des marchés financiers »1 ;

- l’Organisation de coopération et de développement

économiques recommande (OCDE, 2012) de

« favoriser la qualité de la réglementation, d’intégrer

l’analyse d’impact de la réglementation dès le début

du processus et de s’assurer que la réglementation

reste à jour, justifiée, cohérente et efficace par

rapport à son coût ».

Toutefois, une chose est d’afficher de telles ambitions, une

autre est de veiller à leur application : le risque, pour le bon

fonctionnement des marchés financiers, serait en effet de

laisser lettre morte ces objectifs.

Or, que constate-t-on ? Certes, il n’est pas simple de juger en

termes économiques ou financiers de la qualité de textes

d’abord juridiques. Mais on observe que la qualité de la

régulation financière est encore insuffisamment étudiée par

les économistes : or, elle devrait pouvoir être appréhendée

comme rendant compatibles les objectifs de sécurité

juridique, de stabilité systémique et de croissance

économique. En outre, la régulation de tradition juridique

française serait, selon certaines analyses, moins favorable

aux investisseurs que dans les pays dont le système juridique

s’inspire de la common law. Il est donc capital d’étudier de

quelle façon cette qualité de la régulation financière est

aujourd’hui mesurée, en en montrant à la fois les limites et les

possibles voies d’amélioration.

1. La qualité de la régulation des marchés financiers

est tantôt peu valorisée, tantôt évaluée en fonction

du système juridique en vigueur

On remarque ainsi que, d’une part, les indicateurs

communément utilisés pour comparer la performance des

pays s’intéressent peu à la régulation des marchés financiers

et, d’autre part, des études économiques tentent d’évaluer

1 Article 1er du règlement (UE) n°1095/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne des marchés financiers : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:331:0084:0119:FR:PDF

cette régulation en se basant sur l’origine ou la tradition du

système juridique national, notamment en comparant

common law et tradition civiliste (romano-germanique).

1.1. Plusieurs indicateurs de performance des pays sont

insuffisamment attentifs à la qualité de la régulation

financière

En effet, malgré sa constante et très rapide évolution, la

régulation des marchés financiers est paradoxalement peu

analysée, y compris lorsque sont réalisées des évaluations

comparées entre pays, qui sont largement diffusées et

connues des investisseurs. Par exemple :

- La régulation des marchés financiers n’est pas

analysée dans des travaux publiés par l’OCDE

relatifs aux réformes structurelles nationales, lorsque

ces dernières sont considérées comme limitées aux

seuls marchés des biens, du travail et de la retraite

(Dang et Tompson, 2010) ;

- La régulation figure très marginalement dans

l’indicateur de compétitivité globale (Global

Competitiveness Index) publié chaque année par le

World Economic Forum : sur les 111 critères retenus

pour classer les pays, un seul vise la régulation des

marchés financiers (regulation of securities

exchanges) et il pèse environ 3% dans le calcul de

l’index2;

- Elle n’apparaît que faiblement dans l’indicateur

Doing Business, construit par la Banque mondiale

annuellement pour 185 pays afin de « mesurer la

réglementation des affaires », puisque la « protection

des investisseurs » n’est qu’un des dix indicateurs

retenus (voir Encadré 1).

Encadré 1

L’indicateur Doing Business de la Banque mondiale

Cet indicateur, qui voit la Banque mondiale classer

185 pays « en fonction de la facilité d'y faire des affaires »,

est construit à partir de dix critères : création d’entreprise,

obtention des permis de conduire, raccordement à

l’électricité, transfert de propriété, obtention de prêts,

protection des investisseurs, paiement des taxes et

impôts, commerce transfrontalier, exécution des contrats,

règlement de l’insolvabilité.

Cette protection des investisseurs est elle-même calculée

à partir de 3 indices : divulgation des informations,

responsabilité des dirigeants, facilité des poursuites

judiciaires par les actionnaires. Les données sont

collectées grâce à un questionnaire adressé à des

avocats.

2 Cf. http://www3.weforum.org/docs/CSI/2012-13/GCR_Chapter1.1_2012-13.pdf, p. 47.

Page 7: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 7 Autorité des marchés financiers

Au demeurant, la question de la cohérence entre ces

classements peut se poser, notamment quant aux leçons

que l’on pourrait en tirer en matière de régulation des

marchés financiers, comme l’indique l’Encadré 2.

Encadré 2

La question de la cohérence des classements

Le positionnement relatif des pays diffère sensiblement

selon le World Economic Forum et la Banque mondiale,

que ce soit au titre de :

- l’indicateur d’ensemble : Global Competitiveness Index

(GCI) comparé à l’indicateur Doing Business (DB) ;

- sa seule composante régulation : Regulation of

securities exchanges, établi par le World Economic

Forum, ou Protection des investisseurs, appréciée par

la Banque mondiale.

En effet, alors que la protection des investisseurs figure

intuitivement –ou devrait transparaître– dans l’appréciation

de la qualité de la régulation des marchés boursiers, la

France apparaît plutôt mal classée selon le 1er

critère

(82ème

sur 185), mais bien mieux selon le 2ème

critère

(30ème

sur 144).

Global

Competitiveness

Index 2012-2013

(World Economic

Forum) dont :

Doing Business

2013 (Banque

mondiale)

dont :

Classement Sur 144 paysRegulation of

securities exchangesSur 185 pays

Protection des

investisseurs

France 21 30 34 82Royaume-Uni 8 27 7 10Allemagne 6 35 20 100Etats-Unis 7 39 4 6

21

86 7

34

7

20

4

0

10

20

30

40

FR UK DE US

GCI DB

30 2735

39

82

10

100

6

0

20

40

60

80

100

FR UK DE US

Regulation

Protection

Surtout, outre le manque d’intérêt des classements

internationaux pour la qualité de la régulation des marchés

financiers et la sécurité juridique associée, les analyses en

question accordent une grande importance au pays

d’origine des différents systèmes juridiques.

1.2. Certaines études économiques lient la qualité de la

régulation des marchés financiers et l’origine ou la

tradition du système juridique du pays considéré

Plusieurs études évaluent en effet la qualité de la régulation

des marchés financiers en classant les pays selon la tradition

ou l’origine de leur système juridique, afin d’en tirer des

conclusions quant à l’efficacité relative de leur régulation. Ces

études, auxquelles la Banque mondiale se réfère en les

publiant sur son site pour calculer l’indicateur Doing Business,

jugent en particulier que :

- les systèmes juridiques d’origine française et allemande

(droit romano-germanique) sont nettement moins

efficients que les pays d’inspiration anglo-saxonne

(« Compared to common law countries, French and

German legal origin countries are sharply less

efficient » : Djankov et al., 2008a) ;

- les pays de common law offrent une meilleure protection

à l’investisseur (selon Djankov et al., 2008b, « For all the

measures of shareholder protection we have considered,

there is a pronounced difference between common law

countries and French civil law countries […] the laws of

common law countries (originating in English law) being

more protective of outside investors than the laws of civil

law (originating in Roman law) and particularly French

civil law countries » ) ;

- de même, à cette protection renforcée de l’investisseur

s’ajouterait une régulation plus souple dans les pays de

common law par rapport aux pays de droit français

(selon La Porta et al., 2007, « Compared to French civil

law, common law is associated with better investor

protection and lighter regulation »).

Pour apprécier la qualité de la protection des investisseurs, la

Banque mondiale regroupe d’ailleurs elle-même un total de

72 pays3 selon que leur origine légale est française (32),

anglaise (21), allemande (14) ou scandinave (5).

Ces appréciations posent évidemment question, tant la

théorie des origines légales a pu être décriée. Une autre

difficulté résulte de l’application particulière de cette théorie à

la régulation financière, qui évolue rapidement depuis la crise

financière, et en relative coordination entre pays de systèmes

juridiques différents : que valent les évaluations basées sur

l’origine ou la tradition du droit ? Que penser de classements

dont la méthodologie est basée sur des études datant d’avant

la crise financière ?

3 La série des données est disponible sur http://francais.doingbusiness.org/methodology

Page 8: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 8 Autorité des marchés financiers

En réalité, les conclusions dégagées par ces études, et plus

largement par la théorie des origines légales, présentent

certaines limites et appellent une appréciation plus nuancée

dans la mesure de la qualité de la régulation.

2. La qualité de la régulation des marchés financiers

doit être plus précisément appréhendée

2.1. Les analyses subordonnant la qualité de la régulation

à l’origine ou à la tradition d’un système juridique ne sont

pas sans limites

Ces limites peuvent être tant méthodologiques

qu’économiques.

En termes méthodologiques d’abord, l’approche consistant à

hiérarchiser les mérites de la régulation des pays selon leurs

origines légales ou sa tradition a été vivement critiquée sur la

base des principaux arguments suivants :

- La question de la légitimité des auteurs des

questionnaires et de celle des répondants4, tous non

identifiés, se pose en premier lieu, un autre biais

possible étant lié à leur degré de connaissance des

dernières réformes réglementaires menées dans un

pays (Fauvarque-Cosson et al., 2009) ;

- Valoriser la régulation s’inspirant d’une tradition juridique

risque d’aboutir à des conclusions hâtives car une

approche uniforme de la régulation (« one size fits all »)

ignore la spécificité des situations nationales (Laithier,

2010) et ne peut donc être un modèle unique

(Beauchard, 2011), a fortiori lorsque la complexification

ou la prolifération réglementaire dans certains pays de

tradition anglo-saxonne se traduit par une dégradation

de la qualité de la régulation et de la sécurité juridique

(Hinestrosa, 2010) ;

- Il est très délicat, dans l’évaluation de la qualité d’une

régulation, de distinguer ce qui relève de la règle -ou des

caractéristiques de son régime légal- et ce qui a trait à

son application -ou à l’inefficacité administrative, en

incluant ici le régulateur et le juge (Ménard et al. 2008) ;

- L’avantage d’avoir une régulation d’inspiration française

est précisément sa codification, qui n’est pas une

« ossification », puisque la réglementation reste sujette à

interprétation du régulateur et du juge, donc flexible et

adaptée aux circonstances (Haravon, 2005) ;

- Faire le choix, pour être mieux classé, d’une régulation

allégée, voire inexistante, relève d’un parti-pris normatif

et d’un choix de société, mais qui peuvent être

dangereux pour le bon fonctionnement des marchés

financiers, ce qui met en exergue un biais idéologique

inhérent aux classements actuels (Raynouard, 2009).

4 Un peu plus de 14 000 « executives » pour l’indicateur du World Economic Forum et une centaine avocats pour Doing Business à la Banque mondiale.

En termes économiques ensuite, il n’est pas évident non plus

que ces classements, alors même qu’ils ont pour ambition de

tenir compte de la régulation, soient riches d’enseignements

pour le régulateur. Si ce dernier souhaite évidemment

contribuer à renforcer le bien-être collectif, les liens sont

pourtant très discutés entre les classements internationaux et

des variables économiques simples : améliorer le classement

d’un pays en y modifiant la réglementation n’est donc pas la

garantie que les performances économiques du pays en

seront accrues.

En effet :

- Des études (Blanchet, 2006) ont montré les « résultats

en général faibles, instables ou difficilement

interprétables » pour ce qui concerne les liens entre les

indicateurs de la Banque mondiale et des agrégats

économiques standards (croissance économique, taux

d’investissement directs étrangers, investissement

national, indice de développement humain) ;

- Les classements internationaux, qu’il s’agisse de celui

de la Banque mondiale ou du World Economic Forum

(Grégoir et al., 2002), sont très dépendants de la qualité

des données utilisées et volatils selon les méthodes de

pondération ou d’agrégation retenues pour les variables,

telle que la régulation, les constituant ;

- Nous estimons (voir Encadré 3), sur les dernières

données disponibles de plus de 140 pays, que le pouvoir

explicatif de l’indicateur Doing Business est significatif

pour l’indicateur de développement humain, mais faible

pour l’attractivité économique d’un pays (mesurée par

les investissements étrangers) et nul pour son taux de

croissance ou d’investissement : autrement dit pour le

régulateur, souhaiter contribuer à améliorer le

classement de son pays ne préjuge en rien des

bénéfices économiques qui pourront en être

effectivement obtenus.

Encadré 3

L’indicateur Doing Business : quel pouvoir explicatif ?

L’indicateur Doing Business a été régressé en données de

panel (avec de 143 à 173 pays) sur une variable de

contrôle (le PIB par habitant) et successivement une des

quatre variables dépendantes suivantes : croissance du

PIB, investissements étrangers, taux d’investissement et

indice de développement humain.

Le tableau ci-dessous indique que l’indice Doing Business

n’est pas pertinent pour rendre compte des taux de

croissance ou des taux d’investissement des pays étudiés.

Autre mesure d’attractivité d’un pays, les flux nets

d’investissements directs étrangers ne sont pas

significativement expliqués par cet indicateur. Au total,

tenter d’obtenir à un meilleur classement mondial en

modifiant la régulation des marchés financiers ne signifie

pas que les variables macroéconomiques en

bénéficieraient également.

Page 9: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 9 Autorité des marchés financiers

Variables dépendantes

Taux de

croissance de

PIB (2005-2011)

Flux nets d'investissements

directs étrangers (% du PIB,

2005-2011)

Variable de contrôle

(PIB/tête) : coefficient

(T-Student)

-0,007 (-0,21) 0,001 (6,72)***

Indice Doing Business

(DB) : coefficient (T-

Student)

0,089 (0,64) 0,148 (2,58)**

R² 0,0002 0,248

Nombre d'observations 143 150

Commentaire sur le

coefficient de DBNon significatif Faible

Pouvoir explicatif de

Doing Business Nul Faible

Variables dépendantes

Investissement

(% du PIB, 2005-

2011)

Indice de développement

humain

Variable de contrôle

(PIB/tête) : coefficient

(T-Student)

0,0009 (0,74) 0,0149 (15,04)***

Indice Doing Business

(DB) : coefficient (T-

Student)

0,006 (1,02) -0,014 (-2,85)***

R² -0,02 0,57

Nombre d'observations 165 173

Commentaire sur le

coefficient de DBNon significatif Marginal

Pouvoir explicatif de

Doing Business Nul Significatif

**:significatif au seuil de confiance de 5% ; ***: significatif au seuil de confiance de 1% Calculs AMF sur données Banque mondiale

En cohérence avec les conclusions des travaux de

Blanchet (2002) et de Ménard et al. (2008), nous estimons

donc que la corrélation avec l’indicateur Doing Business

est la plus élevée pour l’indice de développement humain.

Pourtant, il est impossible de savoir si cette apparente

corrélation ne cache pas une codétermination par d’autres

facteurs de développement.

Dès lors, si les classements internationaux prennent mal en

compte la qualité de la régulation des marchés financiers et si

leur portée même est contestée, que peut-on proposer pour

renforcer la qualité de cette régulation ?

2.2. Les moyens d’améliorer la régulation des marchés

financiers font l’objet de recommandations

nombreuses, mais discutées

En premier lieu, plutôt que de catégoriser les pays selon leur

origine légale, des travaux récents (Huemer, 2013) ont

construit un indice de compétitivité institutionnelle intégrant

explicitement la régulation des marchés financiers, mais la

méthodologie y reste fragile : cette régulation y est évaluée de

façon trop mécanique, en se fondant seulement quatre

statistiques, contestables par leur caractère strictement

bancaires (crédit au secteur privé, crédit fourni par les

banques, ratio prêts/capital) ou fragiles par définition (avec la

simple reprise de l’indicateur Soundness of banks publié par

le World Economic Forum). Il est vrai qu’établir puis comparer

des indicateurs de gouvernance est un exercice de collecte

puis d’appréciation des données particulièrement périlleux

compte tenu de la difficulté à traduire quantitativement des

évaluations hétérogènes entre pays et parfois qualitatives

(Kaufmann et al., 2009).

D’autres travaux, en second lieu, prenant acte de la mobilité

croissante des entités régulées, se sont donc centrés sur la

question de la compétition des régulateurs pour souligner

(Delle’Arricia et al., 2006) les vertus d’une régulation

centralisée. Converger vers des standards réglementaires de

qualité est en effet d’autant plus facile que les pays concernés

bénéficient d’une réglementation homogène ou d’une forte

intégration financière. Au contraire, en cas d’hétérogénéités,

le risque d’arbitrage réglementaire serait plus fort. Là encore,

pourtant, les conclusions ne sont pas unanimes : la

compétition entre régulations peut être source de distorsions

(Oates, 2001) entre juridictions -avec un risque de course

vers le moins-disant réglementaire-, entre le secteur privé et

le secteur public d’un même pays ou entre des entités

soumises à des régulations non cohérentes : le risque est

alors d’entrer dans le cercle vicieux de la dérégulation

compétitive, contre laquelle le marché unique européen a été

construit.

En troisième lieu, enfin, étant donné que la crise financière a

aussi été alimentée ou diffusée par la variété des actions

prises –ou non– par les autorités nationales, des études

(Fratzscher, 2011) invitent à approfondir les politiques

macroprudentielles et à améliorer la qualité des institutions.

Toutefois, indépendamment du caractère faiblement

opérationnel de telles recommandations, ces dernières

conservent une approche relativement grossière des

diversités nationales, basées sur une notation des risques

pays où la régulation des marchés financiers n’apparaît pas

en tant que telle5.

Au total, compte tenu de ces nombreuses difficultés, la

réponse à la question posée en introduction (comment mettre

en place pour les marchés financiers une régulation de

qualité ?) peut être double :

- d’une part, les pratiques émergeant dans de

nombreuses institutions internationales (Autorité

européenne des marchés financiers et Conseil européen

du risque systémique pour l’UE, Conseil de stabilité

financière à l’international) doivent être approfondies.

Ces pratiques visent notamment à développer des

études d’impact ex ante, des évaluations ex post, des

revues des pairs, des consultations, à améliorer la

transparence et à renforcer la simplification. L’OCDE en

particulier, sur la base d’enquêtes réalisées auprès de

5 Sauf à la chercher dans “Law and Order” ou dans “ Bureaucracy Quality”, soit, dans les deux cas, environ 1% de la notation totale d’après l’International Country Risk Guide (http://www.prsgroup.com/ICRG_Methodology.aspx) utilisé par Fratzscher (2011).

Page 10: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 10 Autorité des marchés financiers

ses pays membres en 2005 et 2008, y a consacré

plusieurs travaux (OCDE (2009), Jacobzone (2010)), qui

incitent d’autant plus les autorités à appliquer ces

bonnes pratiques réglementaires qu’elles auraient un

impact positif et significatif sur le PIB, l’emploi et la

productivité du travail ;

- d’autre part, la construction d’un indice de qualité de la

régulation ou de sécurité juridique reste à établir, pour

montrer l’importance de « l’attractivité du droit français

dans la compétition économique internationale » (du

Marais, 2006). Un tel indice présenterait sans nul doute

des points de convergence avec l’index de sécurité

juridique, pour l’établissement duquel la Fondation pour

le droit continental a lancé un appel à projet début

20136. En effet, la notion de sécurité juridique, qui

résiste aux évaluations menées sous l’angle de la

flexibilité ou de l’adaptabilité (Raynouard et al., 2010),

est un élément central de la qualité de la régulation que

les autorités de marchés entendent préserver.

*

La qualité de la régulation se trouve évidemment au cœur des

objectifs de tous les régulateurs de marché. Mais de la coupe

aux lèvres, les outils dont dispose le régulateur et qui

permettraient de s’en assurer ne sont pas sans limites : d’une

part, l’étude de la qualité de cette régulation des marchés fait

souvent figure de parent pauvre dans la littérature

économique, en étant mal valorisée dans les comparaisons

internationales ; d’autre part, les solutions permettant de

s’affranchir des controverses méthodologiques ou normatives

restent encore embryonnaires et à défricher. S’ouvre donc

véritablement là un chantier de recherche ambitieux mais

incontournable, auquel les régulateurs de marchés ne

pourront pas ne pas contribuer.

Maxime Morand et Olivier Vigna

*

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Lettre

Economique et Financière 2013-3

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Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 12 Autorité des marchés financiers

Etude – Estimations historiques de la rentabilité des actifs et prime de risque

Les turbulences survenues par la crise des subprimes puis

celle de la crise des dettes souveraines européennes, ayant

conduit à la mise en place de politiques monétaires non

conventionnelles et par conséquent à des mouvements de

liquidité, incitent à s’interroger sur l’évolution de la rentabilité

des actifs financiers dans un contexte de plus forte volatilité.

Les performances historiques des placements associées à la

théorie financière et à l’analyse de certains indicateurs

avancés sont les principaux éléments qui permettent

d’appréhender les rendements futurs (Ilmanen (2011)) et

aident ainsi dans les choix d’allocations d’actifs de la part des

investisseurs1. Aussi, à l’instar de Dimson et al. (2011),

l’analyse jointe participe à une meilleure compréhension de

l’évolution de la rentabilité de plusieurs actifs financiers (sur la

période 1988-20122 pour six pays

3), leur volatilité ainsi que de

la prime de risque sur le marché des actions4. Elle apporte un

complément en présentant également l’évolution de la

rentabilité du marché immobilier et de l’or5, souvent

considérés par les investisseurs (notamment individuels pour

les placements immobiliers), l’un comme le placement

alternatif sûr face à des évolutions boursières plus heurtées,

l’autre comme la valeur refuge.

Pourtant, sur longue période6, l’analyse révèle que :

- L’immobilier présente généralement les

performances réelles les moins attractives sur la

période 1988-2013 ;

- L’or n’affiche un rendement performant que sur la

période 2002-2013, s’accompagnant d’une volatilité

importante ;

- Dans le cadre d’une stratégie de type « buy and

hold »7, le rendement issu d’un placement en actions

est supérieur à celui offert par le benchmark 10 ans

pour seulement trois pays (Etats-Unis, Royaume-Uni

et Allemagne). Les cas japonais et italien, de par

leurs évolutions économiques, présentent des profils

de rendement atypiques. En France, selon la période

retenue, ces investissements peuvent s’avérer

équivalents (la période plus récente de forte baisse

des taux d’intérêt réel ayant conduit à une

appréciation des prix obligataires) ;

- Le rendement annuel des actions est plus volatile

que l’ensemble des autres actifs considérés ici ;

- Les primes de risque du marché des actions sont les

plus élevées aux Etats-Unis. Viennent ensuite les

marchés allemand, britannique et français ;

1 Garnier O. et Thesmar D (2009), chapitre 2. 2 Les calculs sont majoritairement présentés sur la période 1998-2012 mais les graphiques présentent les données jusqu’à juin 2013. 3 Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon, France, Allemagne et Italie. 4 L’étude des primes de risque en longue période est incontournable car elle permet de montrer les fortes variations temporelles et géographiques de la rentabilité des actions et des obligations. 5 Une première analyse interne à l’AMF avait été menée sur la France (Fonteny E. et Waxin T. (2012)) 6 Voir tableau 1 en annexe 2 pour une synthèse chiffrée. 7 Voir annexe 1 (méthodologie), la stratégie buy and hold consiste à réinvestir dans les mêmes actifs (gestion passive) et à les détenir de façon ininterrompue sur l’ensemble de la période considérée.

- Une analyse par sous-périodes met en lumière des

primes de risque du marché des actions négatives

pour l’ensemble des pays, notamment sur la période

2001-2003 puis en 2009 ;

- Pour l’ensemble des pays, l’allongement de la

période d’investissement permet de gommer en

partie l’influence des cycles et de profiter de la

tendance structurelle haussière (sauf pour le Japon)

de progression des marchés d’actions (assise sur

celle des dividendes distribués).

I. Rendements comparés à long terme entre actifs

financiers et par pays

La comparaison des rendements des quatre grands actifs

financiers fait apparaître immédiatement l’existence d’une

nette homogénéité entre les six pays retenus (Japon,

Royaume-Uni, Etats-Unis, Allemagne, France, Italie).

Globalement, les performances des actifs évoluent de

manière coordonnée aux chocs sur la période 1988- juin 2013

(avec, cependant, des amplitudes variables).

Toutefois, l’analyse des données révèle le cas atypique

du Japon, et, dans une moindre mesure, celui de l’Italie. Les

constats dressés sur l’évolution de la rentabilité à long terme

des actifs financiers de ces deux pays s’expliquent bien

entendu à partir des analyses économiques plus globales sur

longue période.

Enfin, en dehors de l’Italie, une très forte homogénéité

entre les pays européens est mise en lumière. En plus d’une

réactivité similaire aux chocs, les rentabilités des actifs de ces

pays et les performances de placements effectués au début

de la période de l’étude présentent souvent des résultats

assez proches (notamment le cas avec les obligations d’Etat à

10 ans et les actions). La mise en place progressive d’une

politique monétaire unique entre trois d’entre eux n’a fait que

renforcer cette tendance à l’homogénéisation.

Afin de détailler l’analyse de la rentabilité des placements

financiers à long terme, l’étude présente la rentabilité par

produit financier, sur données mensuelles, sur la période

1988-2012, pour l’ensemble des pays8, en mettant en exergue

les similitudes ou les différences qui existent. Sont

successivement étudiées la rentabilité de l’or, puis celle des

actions en soulignant les fortes différences observées selon

que les dividendes sont réinvestis ou non, les obligations

d’Etat ainsi que l’immobilier. L’étude s’intéresse également

dans une seconde partie à l’évolution de la prime de risque

des actions sur l’ensemble de la période.

1) L’or, éternelle valeur refuge ?

Ce premier graphique représente l’évolution de la rentabilité

de l’or sur plus de 23 ans.

8 Les données et la méthodologie retenues sont présentées en annexe 1.

Page 13: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 13 Autorité des marchés financiers

Graphique 1. Taux de rendement réel annuel de l’or

depuis 1989

Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF Note : données déflatées à partir des données américaines

Il est possible de distinguer deux sous-périodes : la

première, comprise entre 1988 et le début des années 2000,

pendant laquelle ce placement affiche des taux de rendement

assez médiocres, majoritairement négatifs et sans volatilité

excessive ; la deuxième période qui présente en revanche

une importante volatilité de l’or puisque cette dernière est

presque deux fois plus importante (13,2% sur 2002-2013

contre 7,4% sur 1988-2001).

Cette hausse de la volatilité du métal jaune, sur cette

deuxième période, s’accompagne d’une bien meilleure

rentabilité : elle est de 13,3% en moyenne sur la période

2002-2013, contre – 5,87% entre 1988 et 2001. Les cours de

l’or ont effectivement entamé une longue période de

croissance, quasiment ininterrompue depuis la fin de l’année

2001, comme le montre le graphique 1 de l’annexe 2. Le taux

de rentabilité moyen atteint même 14,5% si l’on ne prend pas

en compte les six premiers mois de l’année 2013.

Depuis le début de l’année les performances de l’or ont

amorcé une nette décrue.

Ainsi, les cours ont baissé d’environ 18% depuis le début de

l’année 2013, d’environ 23% depuis leur point haut d’octobre

2012 et les perspectives continuent à se dégrader. Plusieurs

facteurs pèseront sur l’or : hausse des taux obligataires

américains, remontée du dollar mais aussi regain d’appétit

pour le risque. A l’inverse, la politique monétaire ultra-

accommodante de la Banque Centrale du Japon pourrait

contribuer à réduire les pressions baissières sur les prix de

l’or.

Ces observations conduisent à confirmer l’hypothèse

du rôle de l’or en tant que valeur refuge sur le marché des

actifs financiers. En effet, l’atonie des rendements de l’or entre

1988 et 2001 correspond à une période relativement

haussière et stable pour les marchés actions et obligations.

Tandis que ces deux types d’actifs présentent sur cette

période des performances assez bonnes (associées à une

volatilité moyenne), les investisseurs n’avaient dès lors que

peu de raison de s’intéresser au métal jaune.

Dans cette logique, l’éclatement de la bulle internet, qui

va profondément affecter les rendements des marchés

d’actions (nettement perceptible sur le graphique 2 en

annexe 1), va donner à l’or l’opportunité de jouer son rôle de

valeur refuge. Il existe une forte corrélation entre la baisse des

rendements des actions au début des années 2000 et le

rebond de ceux de l’or.

Sur la période 2002-2012, les taux de rendement de l’or

rencontrent une forte volatilité à laquelle s’adossent des

bonnes performances dans chacun des six pays étudiés. Le

rôle de valeur-refuge a de nouveau joué fortement à partir de

la fin de l’année 2008, faisant évidemment suite à la crise des

subprimes puis celle des dettes souveraines européennes.

Cependant, la fin de l’année 2012 marque un arrêt, au

moins pour le moyen terme, de l’appréciation de l’or. Les

signes concrets de reprise de l’activité aux Etats-Unis et l’idée

selon laquelle l’Europe serait sur la voie de la sortie de la crise

entraînent un regain de confiance de la part des investisseurs

et fait donc baisser l’attractivité de l’or. D’ailleurs, la plupart

des banques centrales ont confirmé cette analyse en

diminuant depuis le début de l’année 2013, et pour la

troisième année consécutive, les volumes de leurs achats en

or (à l’exception de la Chine et l’Inde)9.

2) Actions, de la nécessité de réinvestir les

dividendes

La comparaison des rendements des placements en

actions entre ces six pays sur la période 1988-2012 permet de

rendre compte de l’effet des deux dernières crises qu’ont

connues les marchés, à savoir l’éclatement de la bulle internet

au début des années 2000 puis celle de 2008-2009. L’analyse

du deuxième graphique de l’annexe 2 révèle que les

placements en actions de ces différents pays ont tous été

fortement affectés par ces deux crises, exception faite du

Japon qui sera analysé par la suite.

Pourtant, malgré ces deux crises, il apparaît que le

placement en actions reste, parmi les quatre types d’actifs

financiers comparés dans l’étude, celui qui affiche les

meilleurs rendements sur longue période10

(voir tableau 1 en

annexe 2). Si les actions sont traditionnellement le type

d’actifs le plus risqué, elles sont aussi, et de loin, le placement

le plus rémunérateur.

Dans le cas des Etats-Unis, les actions (avec dividendes

réinvestis) affichent sur la période 1988-2012 un rendement

réel de 6,60% (6,71% jusqu’à juin 2013), tandis que celui des

obligations d’Etat à 10 ans11

n’est que de 4,37% et celui de

l’or de 2,69% (respectivement 6,42% ; 4,93% ; 3,53% pour

l’Allemagne et 6,6% ; 6,2% et 3,61% pour la France12

). Par

ailleurs, sur données américaines, l’évolution du rendement

des actions sur la période 1989-2012 est conforme aux

résultats issus des données de Shiller13

.

9 Le Conseil mondial de l’or prévoit une baisse des achats nets d’or par les banques centrales de 25%. 10 Analyse menée sur la période entre janvier 1988 et juin 2013. 11 Comme dans le cas des actions, un indice de rendement global est utilisé, ce qui permet d’intégrer les coupons perçus entre autres. 12 Il convient de noter que pour la France, les rendements des titres d’Etat sont légèrement supérieurs (5,98%) à ceux des actions (5,81%) sur la période 1988- juin 2013 (voir tableau 1 en annexe 2). 13 Stock Market Data Used in "Irrational Exuberance" Princeton University Press, update, http://www.econ.yale.edu/~shiller/data.htm

Page 14: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 14 Autorité des marchés financiers

Il convient toutefois de noter que ces rendements supérieurs

des actions par rapport aux autres types d’actifs ne sont

avérés qu’en cas de réinvestissement des dividendes. En

l’absence de réinvestissement des dividendes, pour les trois

pays précités, les taux de rendement moyens des actions

diminuent pour s’établir respectivement à 4,35% pour les

Etats-Unis, à 3,42% en Allemagne et à 2,61% en France sur

la période janvier 1988- juin 2013.

En termes de performances réelles (graphique 2 ci-

après), et en reprenant l’exemple de ces trois pays, la valeur

en juin 2013 d’un placement de 100 effectué en janvier 1988

est multipliée par 5,5 aux Etats-Unis lorsque les dividendes

sont réinvestis contre 3,28 lorsqu’ils ne le sont pas, par 5,1 et

2,7 en Allemagne, et par 5,38 et 2,43 en France. Ainsi, la

surperformance est quasiment de 100% lorsque les

investissements sont dynamiques. Autrement dit, une

stratégie de type « buy and hold » est toujours déficiente, quel

que soit le pays considéré, par rapport à une gestion active du

portefeuille en actions.

L’analyse des évolutions récentes des marchés

boursiers (graphique 2 en annexe 2) montrent que les

performances enregistrées par les actions semblent

réellement laisser la crise derrière elles depuis le milieu de

l’année 2012 en affichant des rendements clairement à la

hausse. Ainsi, en comparant les rendements par sous-

périodes, le rendement moyen des actions entre 2010 et 2013

est de 14,04% aux Etats-Unis (17,2% en moyenne sur les six

premiers mois de l’année 2013), de 10,81% en Allemagne

(17,73%) et de 5,19% en France (18,26%).

Enfin, les performances moroses affichées par les actions

au Japon (que les dividendes soient réinvestis ou pas),

s’expliquent, entre autres, par les mauvaises prévisions

relatives au rendement futur des entreprises japonaises. En

effet, depuis la fin des années 1980, l’économie japonaise,

fondée sur les performances hésitantes des grands groupes,

peine à trouver un rythme de croissance soutenu. Les

investisseurs ont préféré, sur la période 1988-2012 investir

dans les obligations d’Etat qu’ils ont toujours perçues comme

potentiellement plus rémunératrices que les actions.

Graphique 2 : Performances réelles des actions avec

dividendes réinvestis (base 100 en 01/1988)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie Japon

Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

3) Obligations, de bonnes performances à

relativiser

Les rendements des obligations d’Etat à 10 ans affichent

la deuxième performance au sein de l’analyse. En effet, les

actions sans dividendes réinvestis sont systématiquement

moins rentables que les emprunts d’Etat à 10 ans, sur la

période 1988-2013 et dans chacun des pays étudiés (y

compris aux Etats-Unis même si les écarts sont moindres).

Ainsi, sur l’ensemble de la période, les obligations d’Etat

à 10 ans affichent des performances relativement bonnes

(graphique 3 ci-après) puisque la valeur en juin 2013 d’un

placement de 100 en 1988 est multipliée par 2,82 aux Etats-

Unis, en 3,27 en Allemagne et 4,51 en France.

Corrélativement, les taux de rendement s’établissent en

moyenne sur la période 1988-2012 à 4,37% aux Etats-Unis,

4,93% en Allemagne et 6,22% en France. Les graphiques en

annexes reprenant les performances des actifs dans chaque

pays mettent en lumière que ces bonnes performances se

sont accentuées au cours des quatre dernières années : les

taux de rendement réels annuels moyens des obligations

entre 2009 et juin 2013 sont passés à 5,95% aux Etats-Unis,

7,36% en Allemagne et 6,96% en France.

En effet, les bonnes performances dégagées par les

emprunts d’Etat sont en fait en grande partie dues à la baisse

quasiment ininterrompue des taux d’intérêt à long terme dans

l’ensemble des six pays sur l’ensemble de la période

considérée (graphique 3. en annexe 2), conséquence d’une

inflation relativement stable depuis le fin des années 1990.

Graphique 3 : Performances réelles des obligations d'Etat

10 ans (base 100 en 01/1988)

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie (base 100 au 01/04/91) Japon

Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

4) Immobilier, l’atonie après l’euphorie des années

2000

Comme le montrent les graphiques relatifs aux

performances réelles des actifs dans chaque pays,

l’immobilier présente généralement les performances les

moins attractives sur la période 1988-2013. A quelques

exceptions près, un investissement dans l’immobilier en 1988

est « dominé » par l’ensemble des autres actifs financiers.

Page 15: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 15 Autorité des marchés financiers

Toutefois, il est intéressant de comparer ces

performances entre elles afin d’affiner ces constatations. Le

graphique 4 illustre les performances d’un placement de 100

dans l’immobilier des six pays en janvier 1988, à l’exception

de l’Italie pour laquelle un « rebasage » a été effectué (dans la

mesure où les données n’étaient disponibles qu’à partir de

janvier 1990).

Graphique 4. Performances réelles annuelles de

l’immobilier (base 100 en 1988)

0

50

100

150

200

250

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie (base 100 en janv. -90) Japon Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Deux enseignements et deux exceptions se dégagent de ce

graphique.

Tout d’abord, le boom immobilier des années 2000

est assez nettement perceptible, notamment en ce qui

concerne les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et, dans

une moindre mesure, l’Italie. Effectivement, l’immobilier dans

ces quatre pays a connu des taux de rendement réels

exclusivement positifs sur la période 2000-2009, comme le

montre le graphique 4 en annexe 2. Par exemple, l’immobilier

au Royaume-Uni a connu entre 1999 et 2007 un taux de

rendement de 10,26% en moyenne (8,60% pour la France,

5,25% pour les Etats-Unis).

Deuxièmement, et succédant à cette période

d’euphorie, l’immobilier dans ces quatre pays a vu ses

rendements fortement baisser (-5,45% au Royaume-Uni et -

4,07% aux Etats-Unis), et entraînant par conséquent un

tassement des performances. Cependant, l’immobilier français

a fait figure d’exception, en conservant pendant quelques

années encore des taux de rendement étonnamment bons,

avant d’être rattrapés par la tendance globale et de se situer

début 2013 aux alentours de 0,58%.

A contre-courant de ces observations, l’immobilier

allemand décrit une trajectoire tout à fait atypique sur la

période 1988-2013. La lecture du graphique 4 fait ressortir

une hausse importante des rendements de l’immobilier

allemand sur la période qui précède le boom immobilier qu’ont

connu les quatre pays mentionnés plus haut. Ensuite, alors

que les quatre autres pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, France,

Japon) voient leurs actifs immobiliers fortement s’apprécier, la

situation de l’immobilier allemand stagne, voire connaît une

légère baisse au début des années 2000 (en 2002, alors que

l’immobilier britannique affiche un rendement annuel moyen

de 14 %, l’immobilier allemand connaît un rendement négatif

de -0,32%).

Eluère (2013) invoque quatre grands types de raisons pour

expliquer cette spécificité allemande :

Concernant la hausse des prix de l’immobilier constatée

durant les années 1990 (alors que tous les autres pays

étudiés connaissent en la matière une période assez

morose) :

- A la suite du processus de réunification de

l’Allemagne et des incitations fiscales accordées à

cette occasion, un boom immobilier s’est mis en

place au cours des années 1990. La hausse des prix

est restée relativement limitée, mais la construction

de logements a connu un essor spectaculaire et s’est

révélée surabondante.

Concernant la stagnation de l’immobilier allemand durant les

années 2000 :

- la faiblesse de la démographie, associée à des

hausses de revenus limitées et une perception de

l’avenir par les ménages assez morose en moyenne ;

- une préférence des ménages allemands pour le

statut de locataire et un désir d’accession à la

propriété assez faible : le taux de propriété n’est que

de 46% en Allemagne, le plus bas de l’Union

européenne (65% en moyenne dans l’UE à 27) ;

- un poids limité des « secondo-accédants »

(vendeurs/ acheteurs) et un assez faible niveau du

nombre de transactions (515 000 en 2011 dans

l’ancien, contre 800 000 en France). Les ménages

allemands préfèrent, en général, attendre d’acheter

le bien qui correspond à leurs aspirations et y habiter

une grande partie de leur vie, à l’inverse des

ménages français, dont une large part achète, puis

revend sa résidence principale à plusieurs reprises

au cours de sa vie, en fonction de ses besoins et

capacités financières.

Enfin, l’immobilier japonais constitue la deuxième

exception notable tant la courbe décrite par ses performances

semble atone depuis le début des années 1990. La valeur

d’un placement de 100 réalisé en janvier 1988 demeure

supérieure à celle d’un investissement de départ seulement

jusqu’en 1992, et reste définitivement sous la barre des 50 à

partir de 2000. En effet, sur l’ensemble de la période 1988-

2013, l’immobilier japonais affiche un rendement moyen de -

3,9 % (qui descend jusqu’à -6% en supposant un placement à

partir de 1992).

Une étude publiée en 2010 par le Ministère des Finances

japonais14

avance principalement deux raisons:

- A l’instar des Allemands, les ménages japonais ont

tendance à préférer attendre avant d’acquérir une

résidence principale qu’ils seront peu nombreux à

14 Housing Bubbles in Japan and the United States, Policy Research Institute, Ministry of Finance, Japon, mars 2010

Page 16: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 16 Autorité des marchés financiers

quitter avant la fin de leur vie. Or, suivant cette

tendance, les nombreux Japonais issus de la

génération du « baby-boom » ont massivement

acheté leur résidence principale entre le milieu des

années 1970 et la fin des années 1980.

Parallèlement, les Japonais appartenant à des

classes d’âge plus jeunes sont très peu nombreux à

avoir effectué ce type de placement sur la période

étudiée ici ;

- La deuxième raison, fortement liée à la première,

tient à ce que la croissance économique japonaise,

qui ne connut que peu de ralentissements jusqu’aux

années 1990, a dégagé énormément de liquidités

que les Japonais ont massivement investies dans

l’immobilier. Il en résulte donc que la période

analysée ici fait immédiatement suite à une très

longue période de hausse de l’investissement

immobilier au Japon. L’atonie serait donc due, en

grande partie, aux conséquences de l’éclatement

d’une bulle immobilière japonaise au début des

années 1990.

II. De la volatilité à la prime de risque demandée en

contrepartie par les investisseurs

Il est établi que sur la période 1988-2013 (et également

sur des périodes historiquement beaucoup plus étendues,

(Dimson et al. (2011))), les actifs financiers les plus rentables

sont les actions, surtout lorsque les dividendes sont réinvestis

dans le portefeuille. Cette bonne performance des actions

s’explique évidemment par le fait que ce sont également des

actifs potentiellement volatiles, et donc risqués pour les

investisseurs.

En prenant l’exemple des Etats-Unis, l’écart-type du

rendement réel annualisé sur la période 1988-2013 est de

6,79% pour les obligations d’Etat, 14,36% pour l’or et 17,14%

pour les actions (pour la France : 6,96%, 14,44% et 23,46%

et, pour comparaison, 1,05% pour le Livret A). Ainsi, investir

l’épargne en direction des actions procure des rendements

attractifs sur longue période mais génère un risque accru au

sein du portefeuille.

Dans un deuxième temps, la comparaison de la volatilité

des actions entre les différents pays entre 1988 et 2013, à

l’aide du tableau 1, fait apparaître que ce ne sont pas

nécessairement dans les pays où les actions affichent les

meilleures performances que la volatilité y est la plus élevée :

15,69% au Royaume-Uni, 17,14% aux Etats-Unis, 19,48% en

Italie, 21,98% en France, 22,51% au Japon et 24% en

Allemagne.

Graphique 5. Rendements réels annualisés des actions avec dividendes réinvestis, des obligations d’Etat à

10 ans entre 1988 et 2012

6,58%

6,13%6,42%

6,60%

2,93%

-2,10%

4,37%

5,73%

4,93%

6,22% 6,31%

4,89%

-3%

-2%

-1%

0%

1%

2%

3%

4%

5%

6%

7%

8%

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie (depuis 1992) Japon

Actions avec dividendes réinvestis Obligations d'Etat à 10 ans Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

S’il est avéré que les actions affichent les meilleures

performances sur le long terme, cela s’accompagne

également d’une volatilité accrue pour ce type d’actifs

financiers. Or, en fonction de leur degré d’aversion au risque,

les investisseurs exigeront une prime de risque différenciée.

Il est possible de mesurer historiquement cette prime en

comparant le rendement des actions à celui d’actifs sans

risque, tels que les obligations d’Etat de maturité 10 ans ou

encore les bons du Trésor à 3 mois (à la manière de Dimson

(2011)). Cette différence se concrétise par la prime de risque

demandée par les investisseurs en actions. Comme il l’est

expliqué dans la méthodologie en annexe 1, cette prime de

risque s’exprime en rapportant le rendement des actions sur

une période donnée à celui du rendement des actifs sans

risque sur la même période.

Ainsi calculées sur la période 1988-2012, il apparait que

les primes de risque des actions contre les obligations d’Etat à

10 ans sont les plus élevées (à 2,12%) aux Etats-Unis15

.

Viennent ensuite les marchés allemand (1,43%), britannique

(0,38%), français (0,35%) puis italiens (-3,18%) et japonais (-

6,6%).

Une publication du Crédit Suisse (2009) qui s’appuie sur

les travaux de Dimson (2002, 2009) sur la prime de risque

corrobore pleinement les résultats présentés dans cette étude

(en particulier, les primes de risque calculées sur la période

1999-2008 sont conformes à nos résultats, voir graphique 6).

La publication du Crédit Suisse élargit le spectre des pays

observés et, dans le même temps, la période temporelle

examinée. En revanche, elle ne se concentre que sur les

actifs financiers. En cela, l’analyse menée ici offre un apport

15 En longue période, la plupart des travaux convergent vers une prime de risque moyenne aux Etats-Unis se situant autour de 6% sur un peu plus d’un siècle. Toutefois, elle est fortement variable selon les périodes retenues et peut s’écarter fortement de cette moyenne. Pour plus de détails et selon les périodes, voir Mehra et Prescott (1985), Berstein (1997), Siegel (1992), Goetzmann et Jorion (1996), Chiappori (1998).

Page 17: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 17 Autorité des marchés financiers

intéressant en les comparant aux rendements immobiliers et

de l’or.

En Italie et au Japon, où les rendements des obligations

d’Etat ont été respectivement 2,42 fois (Italie) et 3,44 fois

(Japon) meilleurs que ceux des actions sur l’ensemble de la

période 1988-2013, les primes de risque historiques

observées sont logiquement négatives. Concernant le Japon,

ces primes de risque négatives s’expliquent en grande partie

par les mauvaises prévisions relatives au rendement futur des

entreprises japonaises : les investisseurs ont préféré, sur la

période 1988-2012 investir dans les obligations d’Etat qu’ils

ont toujours perçues comme potentiellement plus

rémunératrices que les actions. Concernant l’Italie, la taille

réduite de la place boursière milanaise (1,1% de la

capitalisation totale en 2012) et par conséquent le manque de

liquidité, à l’origine, du marché italien permet de comprendre

en partie ces résultats.

Une analyse par sous-périodes met en lumière des

primes de risque contre obligations décroissantes dans le

temps (ces dernières étant même négatives pour l’ensemble

des pays sur la période 2001-2003 puis en 2009). Par

exemple, pour le cas de la France, la prime de risque sur

l’ensemble de la période est 0,35% mais elle diminue à -

0,76% sur la période 1991-2012 et chute à -6,91% depuis

2000 et -11,97% depuis 2008. La même tendance est

observée dans les autres pays : aux Etats-Unis, où la prime

de risque sur la période entière de 1988-2012 est de 2,12%,

de 2,02% depuis 1991, de -4,92% depuis 2000 et de -5,67%

depuis 2008. En Allemagne : 1,43% sur 1988-2012, puis

0,24% depuis 1991, -5,6% depuis 2000 et enfin -9,35%

depuis 2008.

Cette évolution baissière de la prime de risque peut, selon

Aubert et Pochon (2003), s’expliquer essentiellement par trois

raisons :

- Le développement de la gestion collective et des

investisseurs institutionnels. Effectivement, la gestion

collective de l’épargne facilite la constitution de

portefeuilles mieux diversifiés à plus faibles coûts (en

faisant jouer les économies d’échelle). De plus, et

malgré des taux de rotation importants, les

investisseurs seraient engagés sur des positions

longues en actions ;

- Le vieillissement des populations : il semble en effet

que la baisse de la prime de risque historique

observée soit une conséquence de la forte

propension à l’épargne des générations issues du

baby-boom ;

- Le rôle de l’inflation : les deux auteurs citent

Blanchard (1993) pour établir que les variations de

l’inflation déterminent en partie et à court terme la

prime de risque exigée par les investisseurs. Cette

dernière serait corrélée positivement au taux

d’inflation anticipée.

Graphique 6. Prime de risque observée par rapport aux

obligations d’Etat à 10 ans (1988-2012 et 1999-2008)

2,12%

0,38%

1,43%

0,35%

-3,18%

-6,66%

-7,13%

-4,22%

-5,35%

-4,14%

-3,57%

-4,46%

-8%

-6%

-4%

-2%

0%

2%

4%

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie (depuis1992)

Japon

1988-2012 1999-2008 Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Tableau 1. Rentabilités réelles annualisées par type

d’investissement et primes de risque observées, entre 1988 et 2012

PaysMoyenne

géométrique

Moyenne

arithmétiqueEcart-type

Rendement

mindate

Rendement

maxdate

France 6,60% 7,64% 23,46% -44,75% 2008 72,44% 1988

Allemagne 6,42% 8,87% 24,00% -55,01% 2002 72,53% 1997

Italie 1,68% 4,68% 19,48% -51,08% 2008 113,13% 1997

Royaume-Uni 6,13% 7,35% 15,69% -39,51% 2007 51,45% 2009

Etats-Unis 6,58% 8,17% 17,14% -45,78% 2007 59,09% 2009

Japon -2,09% -0,54% 22,51% -46,49% 2007 60,78% 2012

France 0,35% 3,31% 24,58% -47,41% 2008 66,99% 1999

Allemagne 1,43% 4,86% 25,26% -49,32% 2002 45,73% 1999

Italie depuis (1992) -3,18% -0,65% 21,84% -49,30% 2008 34,69% 1997

Royaume-Uni 0,38% 1,92% 17,25% -39,59% 2008 32,15% 2009

Etats-Unis 2,12% 4,18% 19,61% -48,02% 2008 39,50% 2009

Japon -6,66% -2,79% 25,35% -43,70% 2008 52,80% 1999

Rendements annuels des actions (avec dividendes réinvestis), 1988-2012

Prime de risque contre obligations, 1988-2012

Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

III. Durée de détention et date d’entrée sur le marché

Enfin, l’étude peut être complétée à partir d’une analyse

tenant compte de la date d’entrée sur le marché.

En effet, il est nécessaire d’effectuer des investissements en

actions de manière non pro-cyclique et sur une longue période

afin d’obtenir des performances attractives.

Aussi, sur le graphique 7 les taux de rendement réels

annuels moyens d’un portefeuille en action varient d’autant

plus que la période d’entrée est proche. Ainsi, pour le cas de

la France, de l’Italie et du Japon, plusieurs dates d’entrée

(essentiellement au début des années 2000 et entre 2005 et

2009) donnent des taux de rendements réels moyens

négatifs.

En revanche, les taux de rendement réels moyens

des actions avec dividendes réinvestis aux Etats-Unis et au

Royaume-Uni restent toujours positifs, quelle que soit la date

choisie par les investisseurs pour entrer sur le marché. Ce

constat corrobore les résultats présentés dans le tableau 1 ci-

dessus qui donnaient aux rendements des actions dans ces

deux pays les écarts-types les plus faibles. Moins la volatilité

du rendement est élevé, plus les taux de rendement moyens

auront tendance à rester positifs (en cas de rendement global

Page 18: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 18 Autorité des marchés financiers

positif sur l’ensemble de la période, ce qui est largement le

cas pour ces deux pays) quel que soit l’horizon considéré.

Toutefois, pour l’ensemble des pays, l’allongement

de la période d’investissement permet de gommer en partie

l’influence des cycles et de profiter de la tendance structurelle

haussière (sauf pour le Japon) de progression des marchés

d’actions (assise sur celle des dividendes distribués). Par

exemple, le graphique 7 montre que, dans le cas de la

France, lorsque l’investissement est initialement effectué en

début de période (entre 1988 et 1998), les gains accumulés

en haut de cycle alors sont suffisamment conséquents pour

compenser les pertes futures des deux chocs boursiers.

De plus, le graphique 8 permet de constater que même

lorsque la rentabilité réelle annuelle est calculée en moyenne

glissante sur 5 ans, la variabilité associée demeure assez

importante. Cela confirme que seul un horizon

d’investissement de long terme permet de conserver des taux

de rentabilité intéressants même en cas de chocs sur les

marchés.

Graphique 7. Taux de rendement réels annuels moyens des actions avec dividendes réinvestis constatés fin 2012

en fonction de l’année de départ

-15%

-10%

-5%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

S&P 500 FTSE DAX 30 CAC 40 Italie (depuis 1992) TOPIX Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Graphique 8. Moyennes mobiles sur cinq ans des taux de

rendement réels annuels

-20%

-15%

-10%

-5%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

S&P 500 FTSE DAX 30 CAC 40 Italie (depuis 1997) TOPIX

Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Hugo Bluet

Annexe 1 : Méthodologie concernant le calcul des rendements et données utilisées

1) Sources et fréquences

Les séries utilisées pour l’ensemble de nos calculs sont de

fréquence mensuelle, sauf celle concernant l’immobilier qui

est trimestrielle (annuelle pour les données sur l’immobilier

allemand).

Les sources utilisées (issues de DataStream) sont les

suivantes :

- Or : Standard and Poors

- Pour l'ensemble des pays: taux sans risque à 3

mois : British Bankers' Association

- Pour l’ensemble des pays : le benchmark à 10 ans

- Taux d’intérêt du Livret A : Banque de France

- Immobilier

o France: Chambres des notaires de Paris

o Allemagne: BulwienGesa AG

o Royaume-Uni : Nationwide Building Society

o Etats-Unis: S&P/ Case Shiller House Price

Index

o Italie: BCE

o Japon: Land Institue of Japan

- Taux d’inflation

o France: INSEE

o Allemagne: Federal Statistical Office

o Italie: National Institute of Statistics (Istat)

o Royaume-Uni : Office for National Statistics

(ONS)

o Etats-Unis: U.S. Bureau of Labor Statistics

(BLS)

o Japon: Statistics Bureau, MIC

2) Calculs

Les rentabilités réelles et la simulation d’une stratégie de type « buy and hold »

Pour chaque type de placement, les rendements

nominaux sont d’abord calculés en glissement annuel à partir des indices (sauf pour le livret A pour lequel on dispose directement du taux d’intérêt annuel). Ils sont ensuite déflatés en appliquant la formule suivante :

1

1

1100

t

tt

P

ir

où rt désigne le taux d’intérêt réel, it le taux d’intérêt nominal, et Pt le taux d’inflation.

La simulation de la stratégie « buy and hold » est réalisée en basant la série à 100 à novembre 1988 et en calculant chaque point mensuel comme suit :

11 ttt rBHBH

Où BHt désigne l’indice à la date t, BHt-1 l’indice à la date t-1, et rt le taux de rendement réel mensuel précédemment

calculé.

Page 19: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 19 Autorité des marchés financiers

Les taux de rentabilité annuels moyens

Les taux de rendement réels moyens sont calculés sur 12 mois glissants, en utilisant la formule de la moyenne géométrique :

)1(...)1()1()1( 21 T

T

T rrrR

Il convient de noter que comme dans le cas des actions, un indice de rendement global est utilisé pour les obligations, ce qui permet de tenir compte du réinvestissement des coupons et de la valorisation du cours des titres. Concernant l’immobilier, les loyers perçus ne sont pas pris en compte, ce qui biaise à la baisse la mesure des rentabilités.

la prime de risque du marché des actions

Il existe deux méthodes pour calculer la prime de risque du marché qui donnent une prime historique (réalisée ou ex-post) ou une prime exigée (anticipée ou ex-ante).

La prime de risque historique est issue de la comparaison de

la performance annuelle observée du marché action (en

incluant les paiements de dividendes) par rapport au taux

d’intérêt sans risque à long terme (période d’au moins 25

ans).

La prime de risque anticipée mesure la prime que les

investisseurs anticipent qu’ils obtiendront pour la détention de

la quantité de titres disponibles. En effet, en dépit de la

stabilité à long terme des rentabilités moyennes des actions,

la prime de risque « historique » n’est pas nécessairement un

élément fiable pour évaluer la prime de risque escomptée

pour le futur.

Ce taux de rentabilité exigé implicitement par les actionnaires

aujourd'hui n’est donc pas observable directement et se

calcule à partir des cours actuels des actions et des

anticipations de dividendes.

Cette seconde méthode est la plus satisfaisante car elle

donne une valeur d'aujourd'hui de cette prime et non une

moyenne de valeurs passées.

Dans les calculs du taux de rentabilité exigé par les

investisseurs, il convient de retenir le taux de l'OAT 10 ans

comme taux de l'argent sans risque. La signature de l'Etat, au

moins dans les pays développés (même si l’expérience

récente de la crise des dettes souveraines conduit à relativiser

cette notion de « sans risque »), est la meilleure que l'on

puisse trouver sur le marché et il convient de prendre un taux

à long terme pour actualiser les flux d'actions qui se

produisent sur une longue période.

On mesure la prime de risque historique en rapportant le

rendement des actions à celui d’un taux sans risque. La

formule est la suivante :

Annexe 2 : Graphiques

Tableau 1 : moyenne géométrique et écart type des rentabilités réelles annuelles 1988- juin 2013

Livret A

Actions sans

dividendes

réinvestis

Actions avec

dividendes

réinvestis

Obligation

d'Etat à 10 ansOr Immobilier

Moyenne 1,38% 2,61% 5,81% 5,98% 3,61% 3,76%

Ecart type 1,05% 22,96% 23,46% 6,96% 14,44% 8,97%

Moyenne 4,35% 6,71% 4,37% 2,69% 0,20%

Ecart type 16,66% 17,14% 6,79% 14,36% 6,92%

Moyenne 2,29% 6,10% 5,78% 2,67% 1,63%

Ecart type 15,18% 15,69% 7,01% 14,56% 9,62%

Moyenne 3,42% 5,95% 4,91% 3,53% 3,45%

Ecart type 23,59% 24,00% 6,22% 14,62% 4,00%

Moyenne -4,12% -3,04% 4,13% 5,16% -3,99%

Ecart type 22,32% 22,51% 5,67% 15,13% 9,39%

Moyenne -1,49% 1,68% 6,24% 2,27% 1,21%

Ecart type 24,93% 25,23% 10,42% 14,89% 4,26%

France

Etats-Unis

Royaume-Uni

Allemagne

Italie ensemble de la période : 1992-2013

Japon

Calculs : AMF

Graphique 1. Indice du cours de l’or depuis 1988

0

200

400

600

800

1000

1200

Index du cours de l'or Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Graphique 2. Indices boursiers (base 100 en 1988)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

S&P 500 FTSE DAX 30 CAC 40 Italie TOPIX NIKKEI 225 Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

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Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 20 Autorité des marchés financiers

Graphique 3. Taux des obligations d’Etat à 10 ans

0%

2%

4%

6%

8%

10%

12%

14%

16%

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie (depuis 1992) Japon Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Graphique 4. Taux de croissance des prix de l’immobilier depuis 1988

-20%

-15%

-10%

-5%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne France Italie (depuis 1990) Japon Sources : Thomson Reuters Calculs : AMF

Bibliographie

Aubert L. et F.Pochon (2003), « Que peut-on dire de la rentabilité future des actions ? », Banques et marchés, n°62, janvier-février. Blanchard O. (1993), « Movements in the Equity premium », Brookings Papers on Economic Activity. Dimson E. et P. Marsh (2001), « UK Financial Market Returns, 1955-2000 », Journal of Business, n° 74. Dimson E., P. Marsh et M. Staunton (2002), «Triumph of the Optimists: 101 Years of Global Investment Returns», Princeton University Press. Dimson E., P. Marsh et M. Staunton (2009), «Credit Suisse Investment Returns Yearbook», London School of Business. Dimson E., P. Marsh et M. Staunton (2011), « Equity premia around the world», London Business School, July. Eluère O. (2013), « Eco immobilier », Crédit Agricole SA, avril. Fonteny E. et Waxin T. (2012), « Une mesure de la rentabilité à long terme des placements financiers détenus par les ménages », Note interne AMF. Garnier O. et Thesmar D (2009), « Epargner à long terme et maîtriser les risques financiers – Réflexions sur l’épargne financière des ménages français », Rapport du CAE n° 86. Ilmanen A. (2011), « Expected returns », An investor’s guide to harvesting market rewards, Wiley Finance.

Page 21: Lettre Économique Et Financière 2013-3[1]

Lettre

Economique et Financière 2013-3

DRAI – Division Etudes, stratégie et risques 21 Autorité des marchés financiers

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