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L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE Les enseignements d’ASTREES – Lab Mobilités Note n° 13 janvier 2016 Philippe BIGARD Avec la participation de Christophe TEISSIER Patrice PECHON Claude Emmanuel TRIOMPHE

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L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES

NOUVELLES FORMES DE MOBILITE

Les enseignements d’ASTREES – Lab Mobilités

Note n° 13 – janvier 2016

Philippe BIGARD

Avec la participation de

Christophe TEISSIER

Patrice PECHON

Claude Emmanuel TRIOMPHE

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Tous nos adhérents d’avoir initié et facilité la démarchedu Lab sur les Mobilités

aux participants au Lab, mais aussi les intervenants et contributeurs,

qui ont fourni des études de cas, des regards précieux pour nourrir nos questionnements et nos débats.

L’ensemble dede ses membres et contributeurs et, en particulier :

Philippe BIGARD, Christophe TEISSIER et Patrice PECHONpour la rédaction de cette note ;

Florence BENICHOUX, Anne-Marie BJORNSON-LANGEN,Isabelle EYNAUD-CHEVALIER, Sandrine GINESTE,

Jacques JACQUET, Marc-Antoine MARCANTONI, Guillaume MESMIN,Dominique PAUCARD, Anne Céline RIBADEAU-DUMAS,

Patrice SIMOUNET, Maud STEPHAN,pour leur participation et leurs contributions ;

Les experts et intervenants extérieurs qui ont pu éclairer nos travaux.

Remerciements à ASTREES, L’ATELIER SOCIAL DU FUTUR ASTREES propose une réflexion collaborative et des interventions pour anticiper et innover sur les thèmes du travail et de l’emploi en France et en Europe avec trois grands thèmes de prédilection :

Les nouvelles frontières de l’entreprise et les mutations du travail et de l’emploi Les nouvelles formes d’engagement et de dialogue dans l’entreprise Le renouvellement des enjeux et des pratiques du développement économique et social dans les territoires

A la fois think tank, laboratoire et opérateur d’expérimentations concrètes, ASTREES est à mi-chemin entre le penser et le faire, essayant toujours d’avoir « un coup d’avance » pour anticiper et aider à traiter les sujets à risque.

Sa gouvernance originale, multipartite rassemble des grandes entreprises, des partenaires sociaux, des cabinets RH, et des experts. Tous ses adhérents se retrouvent dans une volonté commune de réflexion, d’agitation et de confrontation d’idées et de propositions, au-delà des postures institutionnelles des structures auxquelles ils appartiennent, enrichissant les débats et les propositions de façon toujours constructive

ASTREES, une vocation Dans le monde du travail et de l’emploi, faire bouger les lignes immobilisées malgré les mutations économiques, culturelles et environnementales.

ASTREES, une ambition Devenir l’atelier social du futur, association reconnue pour son expertise, sa méthodologie d’innovation et sa parole libre au-delà des postures, prenant en compte, sans enjeu, les points de vue de tous les acteurs du social.

ASTREES, des missions Défricher, décrypter, éclairer les transformations du travail et de l’emploi en France et en Europe dans le nouveau contexte mondial pour Inventorier, Inventer, expérimenter, partager des propositions de pratiques sociales nouvelles.

Pour en savoir plus, vous pouvez nous retrouver :

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et nous suivre sur :

ASTREES @AstreesLab ASTREES

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Note ASTREES n°13

L’évolution de la gestion des restructurations et les nouvelles formes de mobilité Les enseignements d’ASTREES

De

Philippe Bigard

Avec

Christophe Teissier

Patrice Pechon

Claude Emmanuel Triomphe

Janvier 2016

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Table des matières

INTRODUCTION ...................................................................................................................................................... 3

Mobilités professionnelles : de quoi parle-t-on ? ................................................................................................. 3

I - LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE, DEFINITIONS, ENJEUX, PROBLEMATIQUES ET MISE EN PERSPECTIVE ... 7

La sécurisation des parcours professionnels, une idée qui prend corps .............................................................. 7

Un nouvel âge de la mobilité ............................................................................................................................... 7

La GPEC enfin opérante ? .................................................................................................................................... 8

L’évolution de la gestion des restructurations ................................................................................................... 11

Un « pacte social » réinterrogé.......................................................................................................................... 11

Première conclusion ........................................................................................................................................... 12

II – 1ère PARTIE : L’EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET SEMANTIQUE DE LA MOBILITE ..................................... 14

1. L’évolution du cadre juridique et institutionnel ............................................................................................. 14

2. L’évolution sémantique.................................................................................................................................. 16

III - 2e PARTIE : LEÇONS TIRÉES ET PRINCIPAUX CONSTATS ................................................................................... 20

Constat n°1 : Le manque d’efficacité des principaux leviers utilisés traditionnellement ................................... 20

Constat n°2 : Des schémas de responsabilités de plus en plus partagées ......................................................... 21

Constat n°3 : Une approche des mobilités qui demeure très segmentée .......................................................... 24

Constat n°4 : Des enjeux de plus en plus territoriaux ........................................................................................ 25

Constat n° 5 : S’intéresser aux conditions de réussite dans la mise en œuvre ................................................... 28

Constat n° 6 : Responsabiliser les individus dans la gestion de leur parcours professionnel ............................. 29

Constat n° 7 : La GPEC au croisement de multiples contraintes ........................................................................ 30

IV - 3e PARTIE : ORIENTATIONS POUR L’ACTION ................................................................................................... 32

Orientation n° 1 : Rendre la mobilité attractive pour tous ................................................................................ 33

Orientation n° 2 : Gérer la mobilité en interaction avec les écosystèmes territoriaux ...................................... 33

Orientation n° 3 : Equiper « les individus sans les isoler » ................................................................................. 34

Orientation n° 4 : Passer à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions. ........................... 36

Note ASTREES n°13

L’évolution de la gestion des restructurations et les nouvelles formes de mobilité Les enseignements d’ASTREES

De

Philippe Bigard

Avec

Christophe Teissier

Patrice Pechon

Claude Emmanuel Triomphe

Janvier 2016

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Mes notes personnelles

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Laboratoire d’innovation sociale

« L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES NOUVELLES

FORMES DE MOBILITÉ »

INTRODUCTION

Un Lab sur les restructurations et la mobilité : pourquoi ?

ASTREES a depuis longtemps travaillé la question des restructurations et ce au plan français comme au plan européen. Ces travaux ont mis en exergue à la fois l’ampleur et la diversité des phénomènes inscrits sous ce terme comme la variété de leurs impacts : sur l’emploi bien sûr, mais aussi sur les territoires, la santé des personnes, la nature, la place et les statuts du travail, la notion d’entreprise et les transformations des organisations productives, sans oublier les conséquences sur le dialogue social à divers niveaux. Ces travaux nous ont logiquement amenés à analyser de près le devenir des personnes impliquées dans ces processus, qu’elles en soient perdantes ou gagnantes, actrices, victimes ou « survivantes ». La question des reclassements, et plus largement des transitions professionnelles, est devenue alors une préoccupation majeure nous incitant à une approche large des problématiques liées à la mobilité du travail. Dans le contexte de crise et de mutations structurelles rapides et profondes de nos modèles économiques et sociaux, celles-ci sont désormais au cœur des agendas politiques nationaux et européens. C’est dans ce contexte qu’un nouveau Lab d’ASTREES a été lancé fin 2013.

Mobilités professionnelles : de quoi parle-t-on ?

Quiconque s’apprête à travailler sur la question de la mobilité est très vite confronté au caractère polymorphe de la notion : parle-t-on de mobilité professionnelle, mobilité géographique ou résidentielle, mobilité fonctionnelle, mobilité sociale, etc. La mobilité concentre un nombre important de significations. Ce qui à la fois en fait un outil précieux pour comprendre l’imaginaire qu’elle sous-tend et rend toute tentative de définition délicate. Au-delà, il faut reconnaître que le thème de la mobilité a pris davantage de poids et d’importance aujourd’hui. Les incitations à la mobilité semblent omniprésentes à condition d’y prêter un peu attention. Les médias mettent régulièrement en avant la figure de l’individu « aventurier », ayant tout quitté pour vivre de sa passion au quotidien, ou les personnes ayant réussi leur reconversion professionnelle. Ou encore, celles qui sont parties s’installer en province et ont eu le « courage » de quitter Paris. Comme le dit justement Denave (2015), « à en croire les discours médiatiques, chacun peut désormais choisir sa voie ou revenir sur une carrière peu satisfaisante ». Autrement dit, chacun d’entre nous serait en mesure de construire individuellement son « avenir », libre de définir son mode d’existence et son parcours professionnel. Étant entendu par-là, que la mobilité est avant tout une question d’aptitude individuelle à se mouvoir.

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En parallèle, les politiques publiques s’accordent sur le fait de promouvoir la mobilité professionnelle des travailleurs, notamment géographique. Plusieurs rapports1, au-delà des différences de tonalités, soulignent que les salariés ne sont pas assez mobiles en France. D’un point de vue microéconomique, cela part d’un constat assez simple : alors que le chômage ne cesse de progresser, il y aurait en France des centaines de milliers d’emploi dits « vacants ». En d’autres termes, la mobilité des travailleurs permettrait de mieux réagir aux difficultés conjoncturelles et d’équilibrer le marché du travail. Cette idée s’est largement diffusée dans le monde politique au cours des vingt dernières années, d’autant plus que compter sur la mobilité géographique semble a priori moins coûteux que des politiques d’aménagement des territoires (Sigaud, 2014). Ainsi, inciter les travailleurs ou les demandeurs d’emploi à la mobilité professionnelle serait une réponse des pouvoirs publics pour favoriser l’emploi et pour fluidifier2 le marché du travail. Pour le dire plus simplement, les individus doivent « bouger pour l’emploi »3 ou s’ils sont sédentaires « changer de métier ».

Cette recherche de fluidité caractérise assez bien la mouvance dans laquelle s’inscrivent les entreprises aujourd’hui. Depuis une trentaine d’années, la référence à l’entreprise fordienne ou bureaucratique a fait place à l’entreprise flexible plus apte à répondre aux défis d’une économie mondialisée en perpétuelle mouvance. Si la recherche de flexibilité est le fil conducteur des transformations organisationnelles, celle-ci s’est particulièrement renforcée avec l’essor des nouvelles technologies de l’information et communication. La mobilité des salariés répond largement à l’exigence de flexibilité érigée et exigée par les entreprises (Kaufman, 2008). Elle tend d’ailleurs à devenir une norme idéale des dispositifs de gestion du personnel (Dujarier, 2010), un passage obligé pour ceux qui souhaiteraient développer leurs carrières (Guillaume et Pochic, 2009), tout autant qu’un dispositif visant à fluidifier la « circulation » des compétences que ce soit pour le meilleur ou pour le pire du point de vue des salariés.

Mobilités professionnelles : bénéfices et freins

En clair, le monde contemporain est sous le feu d’un faisceau d’injonctions à la mobilité ayant pour effet de dévaloriser la sédentarité4 en faveur du nomadisme. Et, telle qu’entendue aujourd’hui, la mobilité serait bénéfique pour tous : les individus, les entreprises et la société via une réduction du nombre de chômeurs en particulier. Or, malgré la promotion à la mobilité il ne s’agit pas d’une tendance sociale lourde. La lecture des statistiques de l’INSEE révèle que les mobilités professionnelles sont plutôt le fait de changements de postes que de changements radicaux de métier et de domaine professionnel. Mais aussi, que l’âge, le sexe, le niveau d’études et le statut professionnel jouent un rôle prépondérant sur les diverses formes de mobilités professionnelles ; les hommes sont plus mobiles que les femmes, quel que soit l’âge ; la mobilité décroit avec l’âge ; les mobilités socioprofessionnelles concernent davantage les salariés moins qualifiés et dépend du métier occupé initialement (Simonet, 2009). De plus, le nombre de mobilités professionnelles reste fortement corrélé à la conjoncture économique et à la dynamique de l’emploi (Denave, 2015 ; Sigaud, 2014). Autant dire, que l’environnement actuel n’y semble pas favorable.

1 Rapport au premier ministre « Bouger pour l’emploi » Greff, 2009 ; Rapport Lemoine et Wasner du Conseil d’Analyse Economique, 2010, Bernardin 2011 du Conseil Economique Social et Environnementale. Ou encore, la note 2013 du Conseil d’Orientation pour l’Emploi. 2 Le paradigme des mobilités a recours à la métaphore de la fluidité comme figure normative – où la mobilité peut être associée à la liberté et à l’idéal démocratique d’une société ouverte. 3 Il s’agit du titre du rapport parlementaire rendu au Premier Ministre (Greff, 2009). 4 Elle a été au cœur des efforts du patronat industriel pour fixer la main d’œuvre autour des centres de production afin de faciliter leur gestion et d’accroître le contrôle exercé sur celle-ci considérée alors comme trop instable (Castel, 1995).

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Principaux sigles et acronymes utilisés

ANI : Accord National Interprofessionnel

CPA : Compte Personnel d’Activité (en cours d’expertise)

CPF : Compte Personnel de Formation

CSP : Contrat de Sécurisation Professionnelle

DIRECCTE : Direction Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du

Travail et de l’Emploi (administrations déconcentrés de l’Etat)

GPEC/GAE : Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences/Gestion Active de l’Emploi

LSE : Loi de sécurisation de l’Emploi (du 14 juin 2013)

PSE : Plan de sauvegarde de l'emploi

RPS : Risques psycho sociaux

SPE : Service Public de l'Emploi (rassemble les opérateurs publics en matière d’emploi tels que

Pôle Emploi, les DIRECCTE…)

SP(R)O : Service Public (Régional) de l’Orientation

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Mes notes personnelles

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Laboratoire d’innovation sociale

« L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES NOUVELLES

FORMES DE MOBILITÉ »

INTRODUCTION

Un Lab sur les restructurations et la mobilité : pourquoi ?

ASTREES a depuis longtemps travaillé la question des restructurations et ce au plan français comme au plan européen. Ces travaux ont mis en exergue à la fois l’ampleur et la diversité des phénomènes inscrits sous ce terme comme la variété de leurs impacts : sur l’emploi bien sûr, mais aussi sur les territoires, la santé des personnes, la nature, la place et les statuts du travail, la notion d’entreprise et les transformations des organisations productives, sans oublier les conséquences sur le dialogue social à divers niveaux. Ces travaux nous ont logiquement amenés à analyser de près le devenir des personnes impliquées dans ces processus, qu’elles en soient perdantes ou gagnantes, actrices, victimes ou « survivantes ». La question des reclassements, et plus largement des transitions professionnelles, est devenue alors une préoccupation majeure nous incitant à une approche large des problématiques liées à la mobilité du travail. Dans le contexte de crise et de mutations structurelles rapides et profondes de nos modèles économiques et sociaux, celles-ci sont désormais au cœur des agendas politiques nationaux et européens. C’est dans ce contexte qu’un nouveau Lab d’ASTREES a été lancé fin 2013.

Mobilités professionnelles : de quoi parle-t-on ?

Quiconque s’apprête à travailler sur la question de la mobilité est très vite confronté au caractère polymorphe de la notion : parle-t-on de mobilité professionnelle, mobilité géographique ou résidentielle, mobilité fonctionnelle, mobilité sociale, etc. La mobilité concentre un nombre important de significations. Ce qui à la fois en fait un outil précieux pour comprendre l’imaginaire qu’elle sous-tend et rend toute tentative de définition délicate. Au-delà, il faut reconnaître que le thème de la mobilité a pris davantage de poids et d’importance aujourd’hui. Les incitations à la mobilité semblent omniprésentes à condition d’y prêter un peu attention. Les médias mettent régulièrement en avant la figure de l’individu « aventurier », ayant tout quitté pour vivre de sa passion au quotidien, ou les personnes ayant réussi leur reconversion professionnelle. Ou encore, celles qui sont parties s’installer en province et ont eu le « courage » de quitter Paris. Comme le dit justement Denave (2015), « à en croire les discours médiatiques, chacun peut désormais choisir sa voie ou revenir sur une carrière peu satisfaisante ». Autrement dit, chacun d’entre nous serait en mesure de construire individuellement son « avenir », libre de définir son mode d’existence et son parcours professionnel. Étant entendu par-là, que la mobilité est avant tout une question d’aptitude individuelle à se mouvoir.

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Orientation n° 4 : Passer à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable

De ne pas répéter les erreurs du passé. Nombre d’innovations sociales résultant de la loi ou d’accords collectifs ont été pensées de manière verticale et descendante et restent lettre morte dans notre pays, faute d’avoir été pensées dans leur utilisation et avec les utilisateurs. Les actifs d’aujourd’hui ne s’y retrouvent pas et, par voie de conséquence, se défient de systèmes pensés pour eux mais sans eux. Dans le même ordre d’idée, on a trop et de plus en plus souvent tendance à vouloir utiliser la loi pour faire évoluer les comportements, ce qui crée une complexité juridique dénoncée par ailleurs avec raison, et est en outre inefficace … D’appliquer ce principe tant au plan de l’orientation que de celui du reclassement et de la gestion des mobilités, et ce à un moment où se mettent en place de nouvelles responsabilités et de nouveaux partages. Il est crucial que les innovations inscrites dans les textes ne finissent pas, comme c’est le cas trop souvent, en systèmes complexes, tournés vers les besoins des institutions plus que vers ceux des individus ou des entreprises. Il faut donc en tirer les conséquences sur la gouvernance de ces dispositifs et sur leur capacité à faire appel beaucoup plus largement à des logiques participatives et collaboratives : L’association des utilisateurs dans notre culture administrative consiste encore trop souvent à tenter de régir leurs comportements plutôt que de les associer en amont même de la définition des solutions sur le mode du « Concurrent Engineering » ; Faire en sorte que la mise à disposition des nouveaux outils ou dispositifs de mobilité s’accompagne de nouveaux agencements institutionnels et organisationnels visant à faciliter leur exercice (accès, lisibilité, interactions) par les individus comme par les entreprises, sans lesquels leur effectivité est condamnée à rester limitée (et comme cela a été trop souvent le cas dans la période récente) ;

Faire en sorte que les pouvoirs publics, de tous niveaux, partenaires sociaux ou acteurs de l’emploi revoient en profondeur leurs organisations et fonctionnements afin de participer à la mise en place de solutions accessibles et effectives pour tous ;

Faire en sorte que les nouveaux dispositifs expérimentés s’accompagnent systématiquement d’une d’évaluation, reposant au moins pour partie sur la participation de leurs usagers et/ou bénéficiaires.

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Si ce bref portrait semble un peu réducteur, il permet toutefois de souligner l’existence des freins à la mobilité des individus. Il révèle également que tous les individus ne sont pas égaux face à celle-ci. De ce point de vue, Sophie Denave (2015) s’intéressant aux bifurcations professionnelles – forme singulière de mobilité professionnelle – montre que cette aventure est une entreprise délicate pour les individus, compte-tenu de l’absence de flexibilité des institutions, de certains métiers et secteurs professionnels, soit au fond du marché de l’emploi en lui-même. Elle dit aussi qu’il ne faut pas faire de la mobilité qu’une histoire de motivation personnelle comme le font souvent à tort les entreprises. Plusieurs ingrédients conditionnent en effet les mobilités professionnelles, qui constituent pour beaucoup une véritable prise de risque compte tenu de l’absence d’ouverture de nombreux métiers5. Les caractéristiques territoriales (la proximité favorise la mobilité, l’attractivité des territoires), les conditions de ressources des salariés (tout changement a un coût et chacun aspire à une mobilité sécurisée) et la situation familiale jouent un rôle déterminant sur les mobilités professionnelles. Or, il faut en convenir, de nombreux dispositifs restent encore aujourd’hui réservés à certaines catégories de salariés6, notamment en termes de mobilité géographique (Apec, 2013) et de bifurcation professionnelle.

En outre, si cette incitation à la mobilité professionnelle est omniprésente voire apparaît comme la norme contemporaine, tous les dispositifs ne semblent pas activés ou, s’ils le sont, ils s’avèrent peu opérants. Car si de nombreux salariés aspirent à « changer de métier »7 ou « à bouger » peu franchissent le pas. Pour cause, ce changement n’est possible que sous certaines conditions : recourir à un dispositif public ou d’entreprise, négocier avec son l’employeur, mobiliser des ressources personnelles ou familiales. On voit ainsi que de nombreux freins existent comme l’accès au logement8 (ou à la propriété), les transports, la situation familiale, les territoires et enfin, l’accessibilité des emplois. Aussi, les dispositifs de gestion, autant de l’État que des entreprises, ne semblent pas assez tenir compte des caractéristiques des salariés (Dujarier, 2015). De plus, il ne faut pas oublier que la charge symbolique de l’accès à la propriété reste très forte en France (Bourdieu, 2000). De façon plus générale, pour se développer et s’épanouir l’individu a besoin de points d’ancrage. C’est le cas entre autres de la famille9, des relations amicales et des activités socioculturelles10. Dans bien des cas aujourd’hui, les salariés ont le choix entre être mobile11 ou être immobile12, sans pour autant avoir de filet de secours, alors que tous cherchent à minimiser les risques inhérents à ce profond changement, qui bien souvent vient modifier leurs modes de vie et l’équilibre familial. Le mouvement de sécurisation des parcours, entrepris ces dernières années, gagnerait donc à être enrichi et élargi dans la mesure où les mobilités professionnelles réussies sont le fait principalement de privilégiés et des plus diplômés (Denave, 2015). 5 On peut prendre pour exemple, les métiers de la fonction publique dont l’accès reste largement conditionné à l’obtention d’un concours administratif, les professions réglementées, ainsi que les secteurs de la banque et de l’assurance (voir les travaux de la Dares, n°05.3, 2009). 6 Le plus souvent, il s’agit des cadres et des salariés des grandes entreprises. 7 D’après une enquête TNS Sofres (2009), 61 % des salariés du privé de 30 à 50 ans souhaiteraient pouvoir changer d’emploi dans les deux prochaines années. 8 À ce propos, soulignons la relative contradiction entre l’idéal d’existence du « tous propriétaire » largement présent au sein de notre société et l’injonction à la mobilité 9 Dans le langage commun, on parle bien de la « construction » d’une famille 10 La vie privée du héros du film In the Air (2009), où celui-ci fuit tout engagement (mariage, propriété, famille) donne une bonne représentation de la figure contemporaine du « nomade » et de ses conséquences, bien qu’il s’agisse d’un extrême. 11 Une société complétement mobile (ce qui rejoint le concept de société « liquide » de Bauman) remet en cause la « certitude des délimitations » (Delaney, 2005) ; l’immobilité résidentielle joue un rôle fondamental dans le monde contemporain car elle structure les territoires, l’économie locale et l’espace dans lequel l’État exerce son pouvoir de contrôle, organise la vie collective. 12 Il n’y a jamais d’immobilité absolue, mais seulement des mobilités que nous prenons pour de l’immobilité, ce qu’Audé (2006) propose d’appeler des « immobilités relatives » ; si un aéroport est un lieu « mobile » par excellence, il repose sur une importante infrastructure immobile et sur une main d’œuvre sédentaire.

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Les objectifs de la note ASTREES

La présente note issue du LAB d’ASTREES s’inscrit dans ce contexte. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité des analyses et encore moins à celle des propositions ou des innovations identifiées. Elle ambitionne en revanche de contribuer à l’une comme à l’autre en croisant les regards de praticiens d’origines et disciplines diverses et ce, en privilégiant témoignages, études de cas et la confrontation de points de vue divergents.

Sur cette base elle se propose de :

- Mettre en perspectives les formes de mobilité, leurs enjeux, leurs définitions - Procéder à une analyse des cadres juridiques et sémantiques de celles-ci - Enoncer un certain nombre de constats mais aussi de leçons tirées de nos investigations et

confrontations - Identifier quelques orientations pour l’action visant à :

• Rendre la mobilité (plus) attractive ; • Mieux gérer et piloter les parcours professionnels dans une interaction permanente entre les

entreprises et leurs écosystèmes ; • Mieux équiper les individus pour ne pas les laisser seuls face au marché ; • Passer de la logique dominante d’octroi de nouveaux droits - créances et de mise à disposition

de nouveaux outils à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions répondant aux besoins des différentes catégories d’actifs.

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Une application possible de la recommandation de mise en place de « délégués aux transitions professionnelles » préconisée par le rapport Aubert

Les partenaires sociaux puis le législateur ont récemment conçu et mis en place le droit à un Conseil en évolution professionnelle (CEP). S’il tient une place apparemment modeste dans l’ensemble de la loi sur la sécurisation de l’emploi, son importance est néanmoins cruciale puisque son effectivité détermine, largement, la montée en puissance de choix individuels de mobilité.

En l’état, il a peu de chance de se mettre en place de façon efficace, les opérateurs concernés (en premier lieu, Pôle emploi, les Cap emploi, l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), les missions locales et les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation) étant tout à la fois dotés de moyens limités et de compétences spécifiques, plus en rapport avec l’orientation en vue d’une formation qu’avec l’ensemble des dimensions prévues au cahier des charges de la prestation.

Surtout, le dispositif proposé ne permet pas de dépasser les limites inhérentes aux offres répondant à une logique de guichet.

Une réelle efficacité supposerait :

• Que l’orientation ne s’effectue pas à la seule initiative ni sous le seul contrôle de l’employeur (équilibre des pouvoirs). - La mobilité est d’abord un enjeu de pouvoir, l’objectif premier des entreprises étant de stabiliser les compétences, et donc les salariés, dont elles ont besoin. • Que les travailleurs aient véritablement le sentiment qu’il s’agit d’un droit qu’ils choisissent d’exercer en conservant la

maîtrise de leurs choix (empowerment). - La mobilité est aussi une question de capacité. La situation du marché de l’emploi est un frein puissant aux mobilités ascendantes des travailleurs les moins équipés et donc à l’élévation collective des compétences. • Que la prestation soit dispensée par des acteurs qui ne soient pas de simples prescripteurs de formation (geste professionnel

à inventer). - La mobilité est enfin une question d’opportunité. L’évolution professionnelle n’est pas l’inscription dans un parcours nécessairement précédé d’une formation (l’opportunité précède l’éventuel besoin de formation).

Le changement de perspective qui permettrait d’approcher ces conditions d’efficacité pourrait passer par une implication directe des organisations syndicales (ou des représentants du personnel).

• En l’état, le cahier des charges de la prestation prévoit que les organisations syndicales de salariés participent à la « communication coordonnée en direction des bénéficiaires potentiels, tant sur l'offre de services proposée que sur les opérateurs chargés de sa mise en œuvre ».

Cette implication directe pourrait consister a minima dans le niveau 1 de la prestation prévue au cahier des charges. • Accueil individualisé « permettant d'analyser la demande de la personne et d'identifier, le cas échéant, la structure la mieux à

même de lui offrir le service adapté à son besoin ».

Le niveau 2 pourrait également être envisagé dans le cadre d’un partenariat avec les organismes désignés par la Région comme opérateurs régionaux du CEP, sur la base d’une accréditation après certification des compétences. • Dans tous les cas, la fonction passe nécessairement par une formation et l’inscription dans les réseaux locaux de mise en

œuvre du CEP

Elle doit s’envisager dans une perspective dynamique (la valeur ajoutée des OS est d’être présentes dans les entreprises) : • Aller au-devant des salariés dans les entreprises (dans le cadre de réunions collectives d'information ou à titre individuel) • Apporter un appui à la négociation avec l’employeur des modalités concrètes de mise en disponibilité et de gestion sécurisée

des mobilités • S’inscrire en relation régulière avec les services régionaux en charge de la prestation et avec les structures associées Il va de soi que la fonction devrait être financée : • au titre de la formation nécessaire pour pouvoir la remplir • au titre de la prestation délivrée auprès des salariés • au titre des temps de coordination avec les organismes compétents

C’est notamment pourquoi elle devrait être articulée aux nouvelles instances de gouvernance mises en place par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

On pourrait imaginer une institution de la fonction au niveau national interprofessionnel et une déclinaison régionale en vue de la mise en œuvre, selon une logique territoriale, interprofessionnelle ou sectorielle.

Dans cette perspective, le déploiement de la fonction de « délégué syndical à l’évolution professionnelle » pourrait être regardé comme un volet opérationnel des missions du Coparef, en charge d’assurer la coordination des politiques paritaires définies par le Copanef avec celles des pouvoirs publics et des autres acteurs de la formation professionnelle et de l’emploi menées au niveau régional. Elle serait de nature, en retour, à apporter une précieuse expérience de terrain à la Coparef en vue d’élaborer la liste des formations éligibles au CPF en lien avec les pouvoirs publics et de formuler un avis motivé sur la carte des formations.

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Orientation n° 4 : Passer à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable

De ne pas répéter les erreurs du passé. Nombre d’innovations sociales résultant de la loi ou d’accords collectifs ont été pensées de manière verticale et descendante et restent lettre morte dans notre pays, faute d’avoir été pensées dans leur utilisation et avec les utilisateurs. Les actifs d’aujourd’hui ne s’y retrouvent pas et, par voie de conséquence, se défient de systèmes pensés pour eux mais sans eux. Dans le même ordre d’idée, on a trop et de plus en plus souvent tendance à vouloir utiliser la loi pour faire évoluer les comportements, ce qui crée une complexité juridique dénoncée par ailleurs avec raison, et est en outre inefficace … D’appliquer ce principe tant au plan de l’orientation que de celui du reclassement et de la gestion des mobilités, et ce à un moment où se mettent en place de nouvelles responsabilités et de nouveaux partages. Il est crucial que les innovations inscrites dans les textes ne finissent pas, comme c’est le cas trop souvent, en systèmes complexes, tournés vers les besoins des institutions plus que vers ceux des individus ou des entreprises. Il faut donc en tirer les conséquences sur la gouvernance de ces dispositifs et sur leur capacité à faire appel beaucoup plus largement à des logiques participatives et collaboratives : L’association des utilisateurs dans notre culture administrative consiste encore trop souvent à tenter de régir leurs comportements plutôt que de les associer en amont même de la définition des solutions sur le mode du « Concurrent Engineering » ; Faire en sorte que la mise à disposition des nouveaux outils ou dispositifs de mobilité s’accompagne de nouveaux agencements institutionnels et organisationnels visant à faciliter leur exercice (accès, lisibilité, interactions) par les individus comme par les entreprises, sans lesquels leur effectivité est condamnée à rester limitée (et comme cela a été trop souvent le cas dans la période récente) ;

Faire en sorte que les pouvoirs publics, de tous niveaux, partenaires sociaux ou acteurs de l’emploi revoient en profondeur leurs organisations et fonctionnements afin de participer à la mise en place de solutions accessibles et effectives pour tous ;

Faire en sorte que les nouveaux dispositifs expérimentés s’accompagnent systématiquement d’une d’évaluation, reposant au moins pour partie sur la participation de leurs usagers et/ou bénéficiaires.

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Si ce bref portrait semble un peu réducteur, il permet toutefois de souligner l’existence des freins à la mobilité des individus. Il révèle également que tous les individus ne sont pas égaux face à celle-ci. De ce point de vue, Sophie Denave (2015) s’intéressant aux bifurcations professionnelles – forme singulière de mobilité professionnelle – montre que cette aventure est une entreprise délicate pour les individus, compte-tenu de l’absence de flexibilité des institutions, de certains métiers et secteurs professionnels, soit au fond du marché de l’emploi en lui-même. Elle dit aussi qu’il ne faut pas faire de la mobilité qu’une histoire de motivation personnelle comme le font souvent à tort les entreprises. Plusieurs ingrédients conditionnent en effet les mobilités professionnelles, qui constituent pour beaucoup une véritable prise de risque compte tenu de l’absence d’ouverture de nombreux métiers5. Les caractéristiques territoriales (la proximité favorise la mobilité, l’attractivité des territoires), les conditions de ressources des salariés (tout changement a un coût et chacun aspire à une mobilité sécurisée) et la situation familiale jouent un rôle déterminant sur les mobilités professionnelles. Or, il faut en convenir, de nombreux dispositifs restent encore aujourd’hui réservés à certaines catégories de salariés6, notamment en termes de mobilité géographique (Apec, 2013) et de bifurcation professionnelle.

En outre, si cette incitation à la mobilité professionnelle est omniprésente voire apparaît comme la norme contemporaine, tous les dispositifs ne semblent pas activés ou, s’ils le sont, ils s’avèrent peu opérants. Car si de nombreux salariés aspirent à « changer de métier »7 ou « à bouger » peu franchissent le pas. Pour cause, ce changement n’est possible que sous certaines conditions : recourir à un dispositif public ou d’entreprise, négocier avec son l’employeur, mobiliser des ressources personnelles ou familiales. On voit ainsi que de nombreux freins existent comme l’accès au logement8 (ou à la propriété), les transports, la situation familiale, les territoires et enfin, l’accessibilité des emplois. Aussi, les dispositifs de gestion, autant de l’État que des entreprises, ne semblent pas assez tenir compte des caractéristiques des salariés (Dujarier, 2015). De plus, il ne faut pas oublier que la charge symbolique de l’accès à la propriété reste très forte en France (Bourdieu, 2000). De façon plus générale, pour se développer et s’épanouir l’individu a besoin de points d’ancrage. C’est le cas entre autres de la famille9, des relations amicales et des activités socioculturelles10. Dans bien des cas aujourd’hui, les salariés ont le choix entre être mobile11 ou être immobile12, sans pour autant avoir de filet de secours, alors que tous cherchent à minimiser les risques inhérents à ce profond changement, qui bien souvent vient modifier leurs modes de vie et l’équilibre familial. Le mouvement de sécurisation des parcours, entrepris ces dernières années, gagnerait donc à être enrichi et élargi dans la mesure où les mobilités professionnelles réussies sont le fait principalement de privilégiés et des plus diplômés (Denave, 2015). 5 On peut prendre pour exemple, les métiers de la fonction publique dont l’accès reste largement conditionné à l’obtention d’un concours administratif, les professions réglementées, ainsi que les secteurs de la banque et de l’assurance (voir les travaux de la Dares, n°05.3, 2009). 6 Le plus souvent, il s’agit des cadres et des salariés des grandes entreprises. 7 D’après une enquête TNS Sofres (2009), 61 % des salariés du privé de 30 à 50 ans souhaiteraient pouvoir changer d’emploi dans les deux prochaines années. 8 À ce propos, soulignons la relative contradiction entre l’idéal d’existence du « tous propriétaire » largement présent au sein de notre société et l’injonction à la mobilité 9 Dans le langage commun, on parle bien de la « construction » d’une famille 10 La vie privée du héros du film In the Air (2009), où celui-ci fuit tout engagement (mariage, propriété, famille) donne une bonne représentation de la figure contemporaine du « nomade » et de ses conséquences, bien qu’il s’agisse d’un extrême. 11 Une société complétement mobile (ce qui rejoint le concept de société « liquide » de Bauman) remet en cause la « certitude des délimitations » (Delaney, 2005) ; l’immobilité résidentielle joue un rôle fondamental dans le monde contemporain car elle structure les territoires, l’économie locale et l’espace dans lequel l’État exerce son pouvoir de contrôle, organise la vie collective. 12 Il n’y a jamais d’immobilité absolue, mais seulement des mobilités que nous prenons pour de l’immobilité, ce qu’Audé (2006) propose d’appeler des « immobilités relatives » ; si un aéroport est un lieu « mobile » par excellence, il repose sur une importante infrastructure immobile et sur une main d’œuvre sédentaire.

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De concevoir la régionalisation prévue de Pôle Emploi comme la mise en place du SPRO de manière à favoriser ces coopérations et en conduisant ces changements de manière appropriée et progressive (expérimentation, retours d’expériences, planning de déploiement tenant compte des spécificités locales et de la situation de départ sur les territoires, échange et partage de bonnes pratiques, …) ; De diffuser avec et au sein des entreprises, notamment par le levier de la RSE, une nouvelle vision de la gestion de l’emploi, appuyée sur la notion d’écosystèmes et de coopérations territoriales ; S’assurer de la disponibilité et de la capacité (ou de la montée en puissance) des partenaires sociaux à l’échelle locale pour intervenir utilement sur le sujet.

Orientation n° 3 : Equiper « les individus sans les isoler »

Pour leur permettre de gérer au mieux leurs parcours, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les laisser seuls face au marché.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable :

D’affirmer que responsabilisation individuelle ne signifie pas « tout à l’individu » mais de nouvelles manières de faire entre les individus et les organisations ainsi que de nouveaux processus de de coopération ou d’appui aux actifs en recherche d’emploi ou de mobilité (montée en puissance des branches à l’occasion de leur réorganisation en cours en relais de l’entreprise si celle-ci n’y suffit pas ou pour les PME/TPE ; voir l’exemple du certificat de compétences numériques dans l’Assurance) ; Que soit élaborée et expérimentée une « musette numérique » du travailleur, quel que soit son statut, et qui comporte une série d’outils et d’applications destinées à lui faciliter la gestion de ses parcours professionnels. Cette musette devrait être pensée en mode collaboratif, pour sa conception comme pour ses utilisations et reposer, au moins en partie, sur la notion d’« espaces collaboratifs » ; A ce titre, nous renvoyons au projet en cours initié et porté par la Fondation internet nouvelle génération (FING) pour justement concevoir ce nouveau support mobile24 ; Que chaque individu puisse disposer d’un accompagnement personnalisé pour gérer ses carrières et ses transitions. De ce point de vue l’absence de mise en place effective à ce jour du CEP n’est pas vraiment de bon augure … Que soit étudiée et expérimentée la mise en place par les organisations syndicales, dans les entreprises, les branches ou les territoires, de délégués aux transitions professionnelles, également proposée par le rapport AUBERT, un peu sur le modèle des « Union Learning Representatives » anglais ;

24 http://fing.org/?-La-musette-numerique-du-

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I - LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE, DEFINITIONS, ENJEUX, PROBLEMATIQUES ET MISE EN PERSPECTIVE

La sécurisation des parcours professionnels, une idée qui prend corps

Un rapport qui fit date, Le travail dans 20 ans, fut publié justement il y 20 ans par une commission que présidait Jean BOISSONNAT à la demande du Commissariat Général au Plan de l’époque. Un assez grand nombre des analyses et éléments de diagnostic proposés alors restent pertinents aujourd’hui. Les tendances lourdes se confirment globalement. Le rapport assumait déjà la fin du plein emploi comme « norme sociale » issue des « 30 glorieuses » et identifiait une montée en puissance inéluctable des mobilités professionnelles, et en particulier, du point de vue de la personne, du taux et de la durée de « rotation » d’un emploi à l’autre. Déjà, il analysait les conséquences de la tertiarisation de l’économie et de l’emploi en France, et reposait après et avant d’autres la question de l’avenir du travail en général et du salariat en particulier et de leurs fins éventuelles …

Dans ses recommandations, le rapport préconisait ainsi un Contrat d’Activité dont s’inspire quoique dans une forme différente la proposition d’un Compte Personnel d’Activité énoncée par le récent rapport de France Stratégie, Quelle France dans 10 ans ?, et qui vient d’être remise sur la table par le Président de la République.

Entre temps, l’idée de sécurisation des parcours professionnels, ou encore la « sécurité sociale professionnelle » portée dans les revendications de plusieurs confédérations syndicales au fil du temps (CFTC, CGT, CFDT) n’est pas restée cantonnée aux rapports d’experts, même si les avancées sont longues à venir et parfois timides, comme avec le DIF. L’Accord National Interprofessionnel (ANI) de janvier 201313 sur la sécurisation de l’emploi et la Loi LSE de juin 2013 qui en assure la transposition marque une nouvelle avancée, bientôt relayée dans la loi de mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle. La portabilité des droits progresse, par exemple avec la création d’un compte personnel de formation (CPF) destiné à suivre le salarié pendant l’ensemble de sa carrière. La création d’un nouveau droit universel au Conseil en Evolution Professionnelle, s’inscrit aussi un peu dans cette logique, même s’il s’agit cette fois plutôt d’outiller les opérateurs du SPE/SPO (Services publics de l’Emploi/de l’Orientation).

Un nouvel âge de la mobilité

Ceci dit, depuis 20 ans, l’environnement économique et social a poursuivi ses mutations à marche accélérée, la digitalisation de l’économie se déploie et de nouvelles révolutions industrielles ou technologiques sont encore en gestation. Les technologies de l’information (les outils dits du reste de mobilité !) ont déjà profondément bouleversé les relations de travail, avec par exemple le développement du management à distance voire aujourd’hui nomade et de façon plus générale l’éclatement du cadre spatio-temporel des environnements de travail.

La révolution digitale pose aussi de sérieuses questions quant à ses impacts quantitatifs mais aussi qualitatifs sur l’emploi, les métiers et les compétences, impacts sur lesquels on n’a pas vraiment de visibilité malgré les différentes études menées à ce sujet. Ce qui est sûr : des métiers émergent, d’autres sont voués à disparaître ou à se transformer profondément à des échéances variables et parfois très rapprochées.

13 Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels de salariés.

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Sur un autre volet, en Europe, c’est aussi un nouvel âge de la mobilité. Mais compte tenu de la panne de l’Europe sociale depuis le début des années 2000, et des inégalités croissantes entre pays membres, les régulations peinent à se mettre en place de façon opérante comme le montre la question du travail détaché.

Il n’en reste pas moins que c’est aussi au niveau de l’Europe, et plus largement du monde, que peuvent désormais se construire les parcours de carrière, en particulier pour les profils les plus recherchés dans un contexte de « guerre des talents » devenue structurelle.

Ce sont autant de nouveaux défis pour la gestion des carrières, de l’emploi et des mobilités pour les entreprises opérant à une échelle globale.

La GPEC enfin opérante ?

La Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences est, on le sait, une idée ancienne et séduisante intellectuellement, mais dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle aura mis du temps à se traduire dans les faits et par des résultats concrets. Or on pourrait bien être en train d’assister, pour une fois à une assez large échelle, à un déploiement effectif des politiques de GPEC que certains groupes, en particulier mais pas uniquement dans les secteurs où il est difficile de prévoir à plus d’un an, préfèrent appeler « Gestion Active de l’Emploi » ou Gestion Anticipatrice de l’Emploi » (notion certes distincte mais dont les dispositions sont néanmoins négociées dans le cadre d’accords de GPEC ).

Depuis la Loi Borloo qui en avait fait un sujet de négociation obligatoire triennale, l’ANI de janvier 2008 – sur la modernisation du marché du travail - selon lequel GPEC n’est pas contradictoire avec mobilité externe, la LSE est venue apporter une série d’éléments complémentaires substantiels, dont le principal est sans doute la nouvelle consultation obligatoire sur la stratégie et les perspectives de l’entreprise. Autres éléments d’importance apportés par la LSE : possibilité de lier négociation d’un accord GPEC et d’un accord de mobilité, ou encore connexion plus forte entre GPEC et plan de formation qui sera précisée dans la loi de mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle.

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Orientation n° 1 : Rendre la mobilité attractive pour tous

L’ensemble des réformes en cours reposent sur la mise en œuvre d’un nouveau paradigme qui nécessite de s’assurer des capacités de chacun à s’y adapter et de rendre la mobilité attractive, « payante » pour chacun avec l’aide des entreprises et des pouvoirs publics. Il s’agit ainsi de circonscrire au mieux les risques inhérents à toute mobilité. Pour cela, il nous semble utile et souhaitable

Que les entreprises :

Dynamisent la gestion des carrières (l’entretien de carrière prévu dans la loi de réforme de la formation professionnelle de juin 2014 peut être un levier puissant … à condition que les services de développement des RH et les managers en tirent tout le parti) et mettent en place des dispositifs permanents et un environnement favorable à la diffusion d’une « culture du changement » ; Favorisent la mise en mouvement des salariés en les sensibilisant à l’utilisation des outils digitaux émergents à même de les aider dans leurs réflexions (ex. : Pôle Emploi Store) ; Evitent que la gestion des carrières, ou des « talents » selon une terminologie en vogue, ne limite sa cible aux cadres supérieurs ou dirigeants ou aux métiers en expansion ; Innovent dans leurs organisations du travail de manière à ce que celles-ci favorisent l’autonomie, l’apprentissage permanent et la mobilité des salariés ; Tirent tout le parti des nouveaux outils dits de mobilité et de travail à distance tout en préservant les collectifs de travail.

Que les pouvoirs publics, aux divers niveaux, et les partenaires sociaux :

Réussissent à articuler les interventions du SPRO, des entreprises et des actifs concernés, en particulier à travers le CEP (pour peu que celui-ci soit réellement lancé et financé) ; Mettent à disposition des personnes des informations précises et fiables sur leur « marché » ce qui est du reste un des principaux enjeux du CEP ; Améliorent la reconnaissance et la validation des compétences transversales, à travers des processus formalisés de certification professionnelle, leviers essentiels de la mobilité ; Envisagent des incitations à la mobilité destinées aux entreprises ou aux individus, via des dispositifs d’exonération, de charges, de bonus ou encore via la possibilité d’indemniser au titre de l’UNEDIC des ruptures pour cause de mobilité voulue.

Orientation n° 2 : Gérer la mobilité en interaction avec les écosystèmes territoriaux

Les dispositifs de mobilité efficients ne peuvent se concevoir qu’à partir de politiques d’entreprise construites en interaction permanente avec leur écosystème.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable :

De s’adapter et de tirer parti de la montée en puissance des Régions et intercommunalités et du financement régional ; De promouvoir des formes de coopération effective entre acteurs et notamment d’expérimenter la proposition du rapport AUBERT sur la mise en place d’Espaces d’Initiative Territoriale ou de toute autre forme de fédération organisée et systématique des parties prenantes à l’échelle des territoires ;

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De concevoir la régionalisation prévue de Pôle Emploi comme la mise en place du SPRO de manière à favoriser ces coopérations et en conduisant ces changements de manière appropriée et progressive (expérimentation, retours d’expériences, planning de déploiement tenant compte des spécificités locales et de la situation de départ sur les territoires, échange et partage de bonnes pratiques, …) ; De diffuser avec et au sein des entreprises, notamment par le levier de la RSE, une nouvelle vision de la gestion de l’emploi, appuyée sur la notion d’écosystèmes et de coopérations territoriales ; S’assurer de la disponibilité et de la capacité (ou de la montée en puissance) des partenaires sociaux à l’échelle locale pour intervenir utilement sur le sujet.

Orientation n° 3 : Equiper « les individus sans les isoler »

Pour leur permettre de gérer au mieux leurs parcours, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les laisser seuls face au marché.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable :

D’affirmer que responsabilisation individuelle ne signifie pas « tout à l’individu » mais de nouvelles manières de faire entre les individus et les organisations ainsi que de nouveaux processus de de coopération ou d’appui aux actifs en recherche d’emploi ou de mobilité (montée en puissance des branches à l’occasion de leur réorganisation en cours en relais de l’entreprise si celle-ci n’y suffit pas ou pour les PME/TPE ; voir l’exemple du certificat de compétences numériques dans l’Assurance) ; Que soit élaborée et expérimentée une « musette numérique » du travailleur, quel que soit son statut, et qui comporte une série d’outils et d’applications destinées à lui faciliter la gestion de ses parcours professionnels. Cette musette devrait être pensée en mode collaboratif, pour sa conception comme pour ses utilisations et reposer, au moins en partie, sur la notion d’« espaces collaboratifs » ; A ce titre, nous renvoyons au projet en cours initié et porté par la Fondation internet nouvelle génération (FING) pour justement concevoir ce nouveau support mobile24 ; Que chaque individu puisse disposer d’un accompagnement personnalisé pour gérer ses carrières et ses transitions. De ce point de vue l’absence de mise en place effective à ce jour du CEP n’est pas vraiment de bon augure … Que soit étudiée et expérimentée la mise en place par les organisations syndicales, dans les entreprises, les branches ou les territoires, de délégués aux transitions professionnelles, également proposée par le rapport AUBERT, un peu sur le modèle des « Union Learning Representatives » anglais ;

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I - LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE, DEFINITIONS, ENJEUX, PROBLEMATIQUES ET MISE EN PERSPECTIVE

La sécurisation des parcours professionnels, une idée qui prend corps

Un rapport qui fit date, Le travail dans 20 ans, fut publié justement il y 20 ans par une commission que présidait Jean BOISSONNAT à la demande du Commissariat Général au Plan de l’époque. Un assez grand nombre des analyses et éléments de diagnostic proposés alors restent pertinents aujourd’hui. Les tendances lourdes se confirment globalement. Le rapport assumait déjà la fin du plein emploi comme « norme sociale » issue des « 30 glorieuses » et identifiait une montée en puissance inéluctable des mobilités professionnelles, et en particulier, du point de vue de la personne, du taux et de la durée de « rotation » d’un emploi à l’autre. Déjà, il analysait les conséquences de la tertiarisation de l’économie et de l’emploi en France, et reposait après et avant d’autres la question de l’avenir du travail en général et du salariat en particulier et de leurs fins éventuelles …

Dans ses recommandations, le rapport préconisait ainsi un Contrat d’Activité dont s’inspire quoique dans une forme différente la proposition d’un Compte Personnel d’Activité énoncée par le récent rapport de France Stratégie, Quelle France dans 10 ans ?, et qui vient d’être remise sur la table par le Président de la République.

Entre temps, l’idée de sécurisation des parcours professionnels, ou encore la « sécurité sociale professionnelle » portée dans les revendications de plusieurs confédérations syndicales au fil du temps (CFTC, CGT, CFDT) n’est pas restée cantonnée aux rapports d’experts, même si les avancées sont longues à venir et parfois timides, comme avec le DIF. L’Accord National Interprofessionnel (ANI) de janvier 201313 sur la sécurisation de l’emploi et la Loi LSE de juin 2013 qui en assure la transposition marque une nouvelle avancée, bientôt relayée dans la loi de mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle. La portabilité des droits progresse, par exemple avec la création d’un compte personnel de formation (CPF) destiné à suivre le salarié pendant l’ensemble de sa carrière. La création d’un nouveau droit universel au Conseil en Evolution Professionnelle, s’inscrit aussi un peu dans cette logique, même s’il s’agit cette fois plutôt d’outiller les opérateurs du SPE/SPO (Services publics de l’Emploi/de l’Orientation).

Un nouvel âge de la mobilité

Ceci dit, depuis 20 ans, l’environnement économique et social a poursuivi ses mutations à marche accélérée, la digitalisation de l’économie se déploie et de nouvelles révolutions industrielles ou technologiques sont encore en gestation. Les technologies de l’information (les outils dits du reste de mobilité !) ont déjà profondément bouleversé les relations de travail, avec par exemple le développement du management à distance voire aujourd’hui nomade et de façon plus générale l’éclatement du cadre spatio-temporel des environnements de travail.

La révolution digitale pose aussi de sérieuses questions quant à ses impacts quantitatifs mais aussi qualitatifs sur l’emploi, les métiers et les compétences, impacts sur lesquels on n’a pas vraiment de visibilité malgré les différentes études menées à ce sujet. Ce qui est sûr : des métiers émergent, d’autres sont voués à disparaître ou à se transformer profondément à des échéances variables et parfois très rapprochées.

13 Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels de salariés.

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IV - 3e PARTIE : ORIENTATIONS POUR L’ACTION

Cette dernière partie de notre travail est par nature la plus délicate. Au-delà d’un diagnostic, par ailleurs largement partagé, nous souhaitons proposer quelques perspectives concrètes, opérantes ou simplement « intelligentes ». Nous y avons travaillé de façon collégiale, sur la base des échanges d’expériences et des regards croisés de praticiens et d’experts, membres du LAB ou personnes auditionnées. Et ce afin de contribuer au débat public, voire si possible et aussi modestement que ce soit, à une meilleure gestion de la mobilité et une plus grande sécurisation des parcours professionnels en France. Car s’il est une certitude, c’est que les marges de progrès ne manquent pas !

Compte tenu à la fois des limites de l’exercice et de notre volonté d’éviter la facilité qu’il y aurait à dresser une liste de vœux pieux, nous avons cherché à faire preuve du plus grand pragmatisme possible en nous concentrant sur le « comment » plutôt que sur le « quoi » (à l’exception de certaines des analyses et recommandations du rapport AUBERT que nous avons choisi de promouvoir), non seulement parce que nous y sommes plus légitimes mais aussi parce que c’est sans doute le volet le moins souvent abordé alors qu’il est essentiel. Ainsi avec une plus grande culture du changement, c’est aussi et d’une façon générale une meilleure prise en compte des impératifs de conduite du changement qui nous semble impérative aujourd’hui en particulier par les acteurs publics.

Ce choix pourra sembler décevant en première analyse. Qu’il nous soit fait crédit de son honnêteté intellectuelle et de son utilité « pour l’action » !

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Gestion active de l’Emploi et GPEC au sein du groupe THALES Contexte général Partiellement détenu par l’Etat, THALES est un groupe international développant des activités dans plus de 50 pays. Avec 68,000 salariés de par le monde et 35 000 en France (dont 25 000 ingénieurs) le groupe a généré en 2013 €14.2 milliards de résultat, majoritairement sur la base de ses marchés de défense. Relativement à sa GRH, la question de la transmission des savoirs entre des générations jeunes et plus anciennes est particulièrement sensible dans une industrie marquée par un haut niveau de compétences. Le climat social est généralement décrit comme très constructif et est à l’origine de très nombreux accords collectifs conclus à différents niveaux, y compris européen. Dans la période récente, ces derniers ciblent tout particulièrement la problématique de la GPEC et de l’accompagnement Du changement Gestion Active de l’Emploi (GAE) et GPEC : gérer autrement les restructurations Jusqu’en 2004, le management des restructurations chez Thales emprunte la voie traditionnelle des licenciements collectifs et des plans sociaux. Désireuse de forger d’autres méthodes de management collectif du changement, la direction engage un dialogue avec ses organisations syndicales qui aboutit en 2006 à la signature par l’ensemble des organisations représentatives du premier accord de groupe relatif à la GPEC. A ce dernier, succédera en 2013 un nouvel accord à durée déterminée sur la GPEC nourri par les expériences antérieures. Les partenaires sociaux sont directement impliqués dans la mise en œuvre de l’accord à un double niveau : dans une Commission Centrale Anticipation placée au niveau du groupe, conçu largement comme une instance de dialogue autour de l’anticipation, et dans des comités locaux dans chaque société et/ou établissement du groupe. Ces instances locales ont pour rôle la déclinaison de l’accord de groupe.

Par ces dispositifs, Thales opte pour une approche RH globale du changement. Les accords GPEC incluent ainsi deux dimensions complémentaires :

Une dimension GPEC de moyen/long terme, incluant prospective des emplois et compétences, dialogue social stratégique et mesures de préparation et d’accompagnement des salariés aux évolutions identifiées (formation, accompagnement à la mobilité, actions territoriales au service de l’emploi, soutien à la création d’entreprises…) Une dimension Gestion Active de l’Emploi (GAE) répondant aux problématiques emploi à court terme (1 an à 1 an et demi) et passant par la mise en place de mesures alternatives aux licenciements sur la base du volontariat : actions de formation, accompagnement à la mobilité interne au sein de la société d’appartenance et/ou du groupe mais aussi à la mobilité externe, programme de retraite anticipée (mise à disposition/MAD), accès au temps partiel et retraites. Quels impacts ? Globalement, les dispositifs de GPEC / GAE du groupe semblent permettre de mieux accompagner les suppressions d’emploi : ces dernières années, 2 200 reclassements ont ainsi pu être réalisés au niveau du groupe. Depuis juin 2013, aux 1 100 emplois supprimés ont été associés 740 reclassements.

Rapporté à une des filiales du groupe, TSA, la GPEC/GAE en 2013-2014 a pu recouvrir à la fois des suppressions et créations d’emploi (GAE) et des mesures de GPEC :

Le recours à la GPEC/GAE est jugée globalement plus coûteux que les plans sociaux par les responsables RH du groupe, surcoût évaluée grossièrement à 15 % mais perçu comme largement compensé par des incidences positives en termes de climat social, absence de grèves et accroissement de la compétitivité du groupe. Il permet aussi de mieux lier les politiques de formation aux enjeux identifiés au travers de la GPEC et de répondre rapidement aux besoins d’ajustement des effectifs sans mettre en danger les activités du groupe. Reste que pour la direction, la GAE s’avère aujourd’hui plus difficile à conduire, en raison des difficultés rencontrées pour assurer la mobilité au sein du groupe et surtout des limites affectant le nombre de personnes éligibles au dispositif de mise à disposition (pré retraite).

Si les organisations syndicales signataires des accords collectifs de groupe ou locaux adhèrent aux objectifs de ces dispositifs, certaines insistent également sur leurs limites : une GPEC encore trop théorique en regard des défis auquel le groupe est confronté (notamment en regard du développement possible du marché indien pour TSA), une GAE reposant essentiellement sur des départs en préretraite ne favorisant pas la transmission des savoirs, un climat social affecté par le sentiment d’une GAE permanente, etc.

Enseignements Globalement, l’approche GPEC /GAE de Thales, mise en place depuis plus de 8 ans, semble aujourd’hui bien ancrée. Elle a notamment résisté aux difficultés liées aux changements dans le top management du groupe. Au-delà, elle fait figure de véritable mécanisme collectif et partagé de gestion du changement reposant sur :

- Une culture du dialogue social éprouvée depuis 30 ans ; - Une boîte à outils dense combinant mesures de court et long terme, mises au service des mobilités internes et externes des

personnes

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- Un dialogue social stratégique nourri - Un suivi réel des actions entreprises Par ailleurs, il est possible d’identifier des effets positifs des politiques déployées concernant les transitions professionnelles des personnes mais aussi le climat social et la performance du groupe. Restent les limites affectant le devenir des dispositifs : une partie importante de la GAE s’appuie sur des dispositifs de retraite anticipée, coûteux et directement dépendants de l’évolution de la pyramide des âges. Par ailleurs, les mesures de GAE, axées sur le court terme, ne peuvent permettre à elles seules de répondre au défi de la transmission des savoirs au sein d’un groupe caractérisé par de hauts niveaux de compétence de ses salariés.

Enfin, la GPEC sort du cadre strict de l’entreprise et s’inscrit de plus en plus dans des ancrages territoriaux, et à travers un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes ou encore dans des dynamiques de passerelles entre secteurs. Certains projets présentés au LAB illustrent bien cette dernière tendance.

La Convention de revitalisation comme outil d’innovation sociale : Un projet de plateforme pour les alternants

Contexte Les plans de départs volontaires mis en place par Air France ayant été qualifiés de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) l’entreprise a été conduite à mettre en place les Conventions de revitalisation afférentes. Air France a confié la préparation, la réalisation, le suivi et le reporting de ces conventions à sa filiale spécialisée : la SODESI Crée en 1995 pour venir en appui de la politique sociale et industrielle d’Air France, dans les domaines de la mobilité professionnelle à titre individuel ou collectif et dans le soutien au développement des territoires où le groupe est implanté. La SODESI est organisée autour de 3 Pôles: • Le Pôle Bilans et accompagnements • Le Pôle Essaimage • Le Pôle Développement des territoires qui notamment anime et déploie les Plans de revitalisation d’Air France Objectif Saisir l’opportunité des Conventions de revitalisations pour développer des projets socialement innovants en s’appuyant sur les savoir-faire et les réseaux de la SODESI et participer ainsi à l’ancrage territorial de la RSE du Groupe. S’appuyer sur une méthodologie expérimentée lors de la première convention pour développer dès la seconde des partenariats avec l’ensemble des parties prenantes. Cette ouverture sur les territoires devant permettre d’aborder les problématiques liées de formation et de mobilités en particulier celle des jeunes. Déroulement Lors de la première Convention de revitalisation (2009) la SODESI a essentiellement assuré un équilibre dynamique entre : • les objectifs de la DGEFP via une Convention Nationale Cadre arrêtant notamment les territoires retenus et les engagements

financiers correspondant, • le souhait d’Air France de financer des actions en lien direct avec l’emploi et une attention particulière portée au Secteur

adapté, • les exigences des DIRECCTE concernées et de leurs Unités territoriales (les Conventions locales sont signées par les Préfets), • les besoins des structures porteuses de projets (plateformes d’initiatives ; missions locales ; Chambres consulaires ; …) Cette logique de coopération s’est traduite par une série d’innovations. Notamment • dans les conventions locales signées : prise en compte du Secteur adapté ; premières conventions ultramarines… • dans la mise en place d’outils de reporting spécifiques aux Conventions L’analyse de l’impact de cette première convention a débouché, à l’initiative de la DIRECCTE Ile de France et de l’ARD (Agence régionale de développement), sur la création de groupes de travail à qui il a été demandé de faire des propositions pour mieux faire bénéficier les PME et les alternants des Conventions de revitalisation à venir. A ces groupes de travail ont été associés d’autres groupes industriels intéressés par la démarche : Lafarge, Sanofi, Schneider, Thalès.

Cette démarche originale a permis de définir 6 cibles prioritaires dont les jeunes en apprentissage.

Cette démarche anticipatrice a permis de retenir dans la seconde Convention de revitalisation (2012) le développement d’une « plateforme alternants » à destination des jeunes apprentis, des entreprises (particulièrement des PME) et des Centres de formation. Cette plateforme initiée par Air France, cofinancée par d’autres grandes entreprises sera développée en partenariat avec l’ensemble des acteurs concernés qui seront associés à sa gouvernance

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- la mise en place d’un référentiel métier aussi simple et pragmatique que possible, l’accent étant mis dans un premier temps sur les métiers sensibles (métiers en tension, en mutation ou en déclin)

- l’affectation de ressources RH dédiées, en mesure de produire les supports nécessaires, de concevoir des passerelles entre métiers et d’animer la démarche sur le terrain, auprès du management et des salariés

- la mise en place de référents GPEC, choisis parmi les représentants du personnel, à même de faire connaître les dispositions de l’accord et de conseiller, voire d’accompagner les salariés

- la mise en place d’un dispositif d’invitation à la mobilité volontaire :

* diffusion de l’information sur les métiers sensibles et les mesures d’accompagnement proposées * entretien de carrière ou d’orientation * passeport formation

- la mise à disposition de mesures d’aide à la mobilité interne, en particulier pour les métiers sensibles * formations (notamment dans le cadre des passerelles entre métiers) * VAE * Abondement du CPF * Garanties en cas de mobilité professionnelle (période d’adaptation, garantie de salaire, de progression professionnelle…) * Aides à la mobilité géographique - Auxquelles s’ajoutent, le cas échéant, des aides à la mobilité externe * Mobilité volontaire sécurisée * Allocation temporaire dégressive * Indemnisation de la rupture du contrat de travail Les principes qui visent à garantir un contrôle collectif en cas de réorganisation portent sur :

- la consultation des instances représentatives du personnel avant la mise en œuvre de la réorganisation et la proposition de mobilités internes par l’employeur

- l’ouverture d’une période de volontariat avant les propositions unilatérales - la détermination de critères afin de désigner les salariés à qui une mobilité est proposée - la définition de la zone géographique d’emploi selon un périmètre qui n’est pas moins favorable que la jurisprudence - des conditions d’accompagnement à la mobilité interne ou externe au moins équivalentes à celles du dernier PSE

Dans tous les cas le dispositif d’ensemble est placé sous le contrôle d’une commission paritaire de suivi de la mise en œuvre de l’accord.

Lorsque ces différents éléments sont présents, l’accord de GPEC incluant un accord de mobilité peut présenter des avantages tant pour l’employeur que pour les salariés :

- l’employeur peut adapter ses besoins en compétences dans la durée et organiser des mobilités selon des procédures relativement légères, prévues d’avance

Les salariés peuvent bénéficier en permanence d’outils leur permettant de construire un parcours professionnel. En cas de refus d’une mobilité proposée par l’employeur, ils peuvent également bénéficier d’un accompagnement équivalent à celui que proposerai un PSE, même à titre individuel ou si leur contrat de travail prévoit une clause de mobilité (les dispositions de l’accord prévalent sur celles du contrat de travail).

En conclusion de l’ensemble de ces constats, on observe un contraste singulier entre une forme de prescription générale d’agilité pour les entreprises et de mobilité pour les actifs posés comme des principes généraux (et sans doute excessive par rapport aux besoins réels), et le regret d’une insuffisante propension des personnes à la mobilité alors même que les entreprises comme les administrations peinent à les organiser ou à les « ordonner » et que les utilisateurs futurs sont peu associés aux dispositifs qui les concernent.

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IV - 3e PARTIE : ORIENTATIONS POUR L’ACTION

Cette dernière partie de notre travail est par nature la plus délicate. Au-delà d’un diagnostic, par ailleurs largement partagé, nous souhaitons proposer quelques perspectives concrètes, opérantes ou simplement « intelligentes ». Nous y avons travaillé de façon collégiale, sur la base des échanges d’expériences et des regards croisés de praticiens et d’experts, membres du LAB ou personnes auditionnées. Et ce afin de contribuer au débat public, voire si possible et aussi modestement que ce soit, à une meilleure gestion de la mobilité et une plus grande sécurisation des parcours professionnels en France. Car s’il est une certitude, c’est que les marges de progrès ne manquent pas !

Compte tenu à la fois des limites de l’exercice et de notre volonté d’éviter la facilité qu’il y aurait à dresser une liste de vœux pieux, nous avons cherché à faire preuve du plus grand pragmatisme possible en nous concentrant sur le « comment » plutôt que sur le « quoi » (à l’exception de certaines des analyses et recommandations du rapport AUBERT que nous avons choisi de promouvoir), non seulement parce que nous y sommes plus légitimes mais aussi parce que c’est sans doute le volet le moins souvent abordé alors qu’il est essentiel. Ainsi avec une plus grande culture du changement, c’est aussi et d’une façon générale une meilleure prise en compte des impératifs de conduite du changement qui nous semble impérative aujourd’hui en particulier par les acteurs publics.

Ce choix pourra sembler décevant en première analyse. Qu’il nous soit fait crédit de son honnêteté intellectuelle et de son utilité « pour l’action » !

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Gestion active de l’Emploi et GPEC au sein du groupe THALES Contexte général Partiellement détenu par l’Etat, THALES est un groupe international développant des activités dans plus de 50 pays. Avec 68,000 salariés de par le monde et 35 000 en France (dont 25 000 ingénieurs) le groupe a généré en 2013 €14.2 milliards de résultat, majoritairement sur la base de ses marchés de défense. Relativement à sa GRH, la question de la transmission des savoirs entre des générations jeunes et plus anciennes est particulièrement sensible dans une industrie marquée par un haut niveau de compétences. Le climat social est généralement décrit comme très constructif et est à l’origine de très nombreux accords collectifs conclus à différents niveaux, y compris européen. Dans la période récente, ces derniers ciblent tout particulièrement la problématique de la GPEC et de l’accompagnement Du changement Gestion Active de l’Emploi (GAE) et GPEC : gérer autrement les restructurations Jusqu’en 2004, le management des restructurations chez Thales emprunte la voie traditionnelle des licenciements collectifs et des plans sociaux. Désireuse de forger d’autres méthodes de management collectif du changement, la direction engage un dialogue avec ses organisations syndicales qui aboutit en 2006 à la signature par l’ensemble des organisations représentatives du premier accord de groupe relatif à la GPEC. A ce dernier, succédera en 2013 un nouvel accord à durée déterminée sur la GPEC nourri par les expériences antérieures. Les partenaires sociaux sont directement impliqués dans la mise en œuvre de l’accord à un double niveau : dans une Commission Centrale Anticipation placée au niveau du groupe, conçu largement comme une instance de dialogue autour de l’anticipation, et dans des comités locaux dans chaque société et/ou établissement du groupe. Ces instances locales ont pour rôle la déclinaison de l’accord de groupe.

Par ces dispositifs, Thales opte pour une approche RH globale du changement. Les accords GPEC incluent ainsi deux dimensions complémentaires :

Une dimension GPEC de moyen/long terme, incluant prospective des emplois et compétences, dialogue social stratégique et mesures de préparation et d’accompagnement des salariés aux évolutions identifiées (formation, accompagnement à la mobilité, actions territoriales au service de l’emploi, soutien à la création d’entreprises…) Une dimension Gestion Active de l’Emploi (GAE) répondant aux problématiques emploi à court terme (1 an à 1 an et demi) et passant par la mise en place de mesures alternatives aux licenciements sur la base du volontariat : actions de formation, accompagnement à la mobilité interne au sein de la société d’appartenance et/ou du groupe mais aussi à la mobilité externe, programme de retraite anticipée (mise à disposition/MAD), accès au temps partiel et retraites. Quels impacts ? Globalement, les dispositifs de GPEC / GAE du groupe semblent permettre de mieux accompagner les suppressions d’emploi : ces dernières années, 2 200 reclassements ont ainsi pu être réalisés au niveau du groupe. Depuis juin 2013, aux 1 100 emplois supprimés ont été associés 740 reclassements.

Rapporté à une des filiales du groupe, TSA, la GPEC/GAE en 2013-2014 a pu recouvrir à la fois des suppressions et créations d’emploi (GAE) et des mesures de GPEC :

Le recours à la GPEC/GAE est jugée globalement plus coûteux que les plans sociaux par les responsables RH du groupe, surcoût évaluée grossièrement à 15 % mais perçu comme largement compensé par des incidences positives en termes de climat social, absence de grèves et accroissement de la compétitivité du groupe. Il permet aussi de mieux lier les politiques de formation aux enjeux identifiés au travers de la GPEC et de répondre rapidement aux besoins d’ajustement des effectifs sans mettre en danger les activités du groupe. Reste que pour la direction, la GAE s’avère aujourd’hui plus difficile à conduire, en raison des difficultés rencontrées pour assurer la mobilité au sein du groupe et surtout des limites affectant le nombre de personnes éligibles au dispositif de mise à disposition (pré retraite).

Si les organisations syndicales signataires des accords collectifs de groupe ou locaux adhèrent aux objectifs de ces dispositifs, certaines insistent également sur leurs limites : une GPEC encore trop théorique en regard des défis auquel le groupe est confronté (notamment en regard du développement possible du marché indien pour TSA), une GAE reposant essentiellement sur des départs en préretraite ne favorisant pas la transmission des savoirs, un climat social affecté par le sentiment d’une GAE permanente, etc.

Enseignements Globalement, l’approche GPEC /GAE de Thales, mise en place depuis plus de 8 ans, semble aujourd’hui bien ancrée. Elle a notamment résisté aux difficultés liées aux changements dans le top management du groupe. Au-delà, elle fait figure de véritable mécanisme collectif et partagé de gestion du changement reposant sur :

- Une culture du dialogue social éprouvée depuis 30 ans ; - Une boîte à outils dense combinant mesures de court et long terme, mises au service des mobilités internes et externes des

personnes

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armés ; considérant que sa dualité, profonde et en constante aggravation, est déjà une des difficultés les plus épineuses, il n’est pas sûr que les réformes récentes aillent dans le sens de la nécessaire réparation du lien social dans l’univers d’un travail par ailleurs engagé dans des dynamiques de transformations puissantes, profondes et pas toujours entièrement prévisibles.

Enfin, comment répondre au défi d’une plus grande responsabilisation des individus en matière de mobilités dans un contexte où les défaillances du système éducatif s’aggravent et où les organisations du travail françaises pêchent par manque d’autonomie, d’innovation et de dynamiques apprenantes ? L’injonction pourrait très vite devenir paradoxale.

Constat n° 7 : La GPEC au croisement de multiples contraintes Malgré les progrès de la GPEC la gestion des mobilités demeure pour les entreprises un sujet compliqué au cœur de multiples contraintes.

Au sein des grands groupes, voire de leurs filiales ou sous-traitants de taille intermédiaire, la tendance est clairement à faire évoluer la GPEC depuis un mode projet vers un mode de fonctionnement processuel au fil de l’eau.

Les nouveaux outils proposés par la LSE sont au diapason, au plan sémantique pour le moins, de l’irénisme qui tend à régir le vocabulaire des RH (voir partie 1). Moins de 10 AME ont ainsi été conclus ; concernant les accords de mobilité, qui peuvent se conclure (de façon optionnelle) dans le cadre des négociations triennales sur la GPEC (obligatoires depuis 2005), le décompte même en est plus difficile.

Toutefois, l’innovation dans le vocabulaire ou les méthodes ne traduit pas nécessairement de mutation en profondeur du fonctionnement des restructurations (comme en témoigne le recours massif aux mesures d’âge, aux contrats courts ou à la sous-traitance pour ne citer que quelques exemples).

Les accords de mobilité

Les accords de mobilité sont, semble-t-il, peu nombreux. Nécessairement inscrits dans un accord de GPEC, ils sont toutefois difficiles à recenser par l’administration, leur repérage supposant une lecture attentive du contenu de l’accord.

Les quelques exemples dont nous disposons permettent toutefois de dresser les grandes lignes de l’intérêt et des limites des accords de GPEC incluant un accord de mobilité.

Dans la mesure où accord de GPEC et accord de mobilité forment un tout, ces accords décrivent deux processus distincts :

- un processus générique de GPEC visant à anticiper, à un horizon de 2 à 5 ans, des évolutions d’emploi liées d’une part à la stratégie de l’entreprise et d’autre part à la démographie de ses salariés. Ce processus s’accompagne d’un dispositif d’aide à la mobilité interne et, le cas échéant, externe, sur une base volontaire.

- un processus spécifique de gestion des mobilités en situation de réorganisation sans projet de réduction d’emploi. Ce processus s’accompagne d’un dispositif d’aide à la mobilité interne à l’initiative de l’employeur et peut conduire à un licenciement en cas de refus du salarié. Il s’agit alors d’un licenciement pour motif économique, mais à titre individuel, ce qui signifie que si 10 salariés ou plus refusent une mobilité, l’employeur n’a pas l’obligation de concevoir et mettre en œuvre un PSE ni, par conséquent, d’engager les procédures relatives à la conception de ce PSE. L’accord doit toutefois prévoir les mesures d’accompagnement qui seront proposées aux salariés licenciés.

Ces deux processus répondent à des enjeux distincts : - le principal enjeu du processus d’anticipation des évolutions d’emploi est celui de son effectivité et donc des moyens qui sont

déployés pour le mettre en œuvre - le principal enjeu du processus de gestion des mobilités en situation de réorganisation est celui de son équité et donc du

contrôle collectif auquel il est soumis

Les moyens déployés pour mettre en œuvre le processus d’anticipation portent sur : - la mise en place d’un observatoire des métiers. Il s’agit d’une instance paritaire associant le plus souvent des représentants

de la direction, des ressources humaines et du personnel (en général des organisations syndicales)

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Contribution La création d’une plateforme pour les alternants montre qu’il est possible à partir de procédures réglementaires d’anticiper, d’innover et d’associer les parties prenantes à un projet complexe au cœur des problématiques de la mobilité. Ce projet a pu être envisagé dès la deuxième convention compte tenu des résultats positifs du retour d’expérience de la première et de l’engagement de l’ensemble des parties prenantes.

L’évolution de la gestion des restructurations

Les transformations socio-économiques ont un caractère récurrent et les restructurations d’entreprises n’échappent à pas à cette règle même si leur intensité et leurs formes peuvent varier au cours du temps. Pour autant celles-ci de plus en plus « sortent de l’enveloppe de l’entreprise ». Et il est nécessaire, si tout change, de voir devant, et de s’interroger sur l’anticipation et la mise en capacité des acteurs qui reste insuffisante et souvent trop étroitement liée à une appréhension des seuls dispositifs. Par ailleurs, si l’on peut chiffrer les pertes d’emplois ainsi que les ruptures de contrat, on ne connaît toujours pas les flux de transition et notamment ceux qui se développent dans un territoire.

Enfin, signe majeur d’évolutions inachevées, la moindre restructuration, le moindre plan social suscite toujours en matière médiatique comme dans le milieu politique une fièvre et une agitation sans commune mesure avec ce qui se passe au-delà de nos frontières.

Et pourtant la gestion des restructurations a considérablement évolué ces dernières années et ce sous des angles multiples : nombreuse modifications législatives visant à simplifier et sécuriser les démarches d'information consultation et à instaurer une flexicurité à la française, réduction significative des licenciements économiques au profit d’autres formes de rupture, y compris conventionnelles, mais aussi persistance des embauches sous contrats courts, montée des CHSCT sur l’aspect RPS, mise en place du Contrat de Sécurisation Professionnel (CSP), multiples initiatives territoriales etc..

En termes de restructurations, les questions majeures posées au dispositif français sont de trois ordres : • Celui de la place de l’activité et du travail plutôt que la seule obsession sur l’emploi ; • Celui de la place des acteurs : Etat/régions/partenaires sociaux/entreprises et en particulier de la

place du territoire comme espace d’action et d’innovation sociale ; • Celui des vulnérabilités/capacités différenciées des individus et de la manière dont les cadres

actuels/futurs sauront les prendre en compte.

C’est dans ce cadre qu’ASTREES a voulu se poser la question des mobilités à la fois nouvelles et positives qui émergent ou qu’il faudrait développer.

Un « pacte social » réinterrogé

Au fond, la question de la mobilité rejoint celle de la nécessaire redéfinition du pacte employeurs – salariés (contrat dit parfois encore psychologique ou moral parce qu’il se réfère à des règles tacites). On dit depuis un moment déjà que le compromis fordiste est caduc. Et c’est vrai que la subordination n’est plus compensée par les sécurités établies au fur et à mesure que se développait notre droit social, et qui apparaissent de plus en plus comme des facteurs de rigidité et de non performance économique d’un autre âge, sans que la preuve économique, au-delà d’une opinion (doxa) majoritaire, en soit réellement établie … Et sans parler du fait que le champ juridique de la subordination connaît de plus en plus d’extensions en pratique et dans des zones d’ombre de notre ordre juridique classique (« uberisation » des relations de travail).

On n’a pourtant pas beaucoup d’exemples de ces fameux « nouveaux paradigmes » censés devoir le régénérer, à part peut-être celui, en vogue récente, de l’entreprise libérée. La question demeure : quelles

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nouvelles contraintes, de mobilité notamment, pour les salariés et quelles contreparties les entreprises du 21e siècle peuvent-elles proposer en retour ? C’est toute la question de la flexicurité.

Quoiqu’il en soit, plus autonomes et responsables, évalués sur des objectifs de performance mesurables et mesurés, les nouveaux salariés sont aussi exposés à de nouvelles formes de risques, les fameux RPS, quand ils ont la chance d’être en CDI dans une entreprise prospère. Pour les autres, chômeurs, en particulier jeunes et seniors, salariés en CDD ou en Intérim, c’est à l’autre face d’un marché du travail dont la dualité ne cesse de s’approfondir qu’ils sont confrontés.

Faut-il poursuivre le mouvement continu d’individualisation dans le management des hommes et la gestion des RH, au risque de faire éclater le cadre collectif des relations de travail en renvoyant chacun à sa petite entreprise unipersonnelle, aussi dûment outillée et dotée de « droits rechargeables » soit elle par ailleurs ?

Faut-il se soucier au contraire des quelques remparts à préserver et des nouvelles formes de solidarité à faire vivre et à développer dans un cadre collectif, fût-il profondément nouveau par rapport aux formats traditionnels ? C’est bien cette question centrale de l’articulation dynamique entre les dimensions individuelles et collectives des relations de travail qui est posée aujourd’hui, plus ou moins consciemment, dans le débat sur la mise en place progressive d’une « flexicurité à la française » et de nouvelles formes de gestion des carrières et des mobilités professionnelles. C’est bien ainsi dans et autour des entreprises au sens large, grands groupes, PME, TPE même, et de leur capacité à mobiliser un ensemble élargi de parties prenantes, que se situent les enjeux les plus importants nous semble-t-il aujourd’hui, et les marges de manœuvre pour mettre en place des dispositifs de gestion des mobilités innovants qui soient moins traumatisants pour les corps sociaux que les plans sociaux qu’on souhaiterait vraiment, dans l’esprit de l’ANI de janvier 2013, n’intervenir qu’en tout dernier recours.

D’une façon plus générale et pour reprendre le triptyque modélisé par A. SUPIOT, si l’on souhaite donner plus de responsabilité et d’autonomie aux personnes dans la gestion de leur carrière, il faut que cela puisse se faire dans un environnement sécurisé (à commencer par la sécurité des informations disponibles sur lesquelles nous reviendrons).

Première conclusion

Alors que les plans sociaux semblaient jusqu’ici l’outil privilégié de gestion des mobilités en France (mobilité externe subie), les directions d’entreprises ont aujourd’hui toute une palette d’outils et dispositifs à actionner de façon plus ou moins anticipée ou davantage négociée, y compris les plans de départs volontaires. Les plans sociaux eux-mêmes sont négociés dans 80 % des cas depuis l’entrée en vigueur de la LSE.

Un tabou semble aussi être en train de tomber : celui du partage de l’information stratégique entre directions et partenaires sociaux, qui met en retour ces derniers en position de co responsabilité, en particulier au niveau de l’entreprise (et sans doute aussi branche pour les PME et TPE) et des territoires.

En outre, on l’a vu, les individus sont de plus en plus (de mieux en mieux ?) outillés et incités à prendre l’initiative dans la gestion de leur carrière.

Ces différentes logiques doivent aujourd’hui se conjuguer plutôt que d’être opposées l’une à l’autre, pour apporter des réponses aux limites bien connues de la mobilité et maintenant de la flexicurité à la française.

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Ce nouveau droit s’inscrit dans un schéma de responsabilité partagée entre la personne (qui a l’initiative de faire valoir ce droit), le service public de l’emploi (SPE) dont les acteurs doivent être coordonnés par les Régions dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO) et l’entreprise.

La voie de la responsabilisation des personnes déjà initiée avec le CIF et le DIF se voit ainsi confortée, mais également celle des employeurs tenus au maintien de l’employabilité de leurs salariés (« maintien de la capacité à occuper un emploi » selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation).

Du coup, il y a un enjeu fort de territorialisation du SPE de façon à permettre une meilleure connaissance des caractéristiques locales du marché du travail, mais aussi de coordination des multiples acteurs publics nationaux et régionaux rassemblant les missions emploi, formation et orientation au sein des nouvelles instances uniques (CNEPOF et CREPOF).

Les conditions de mise en œuvre et d’effectivité CEP Il y a tout d’abord un gros enjeu de communication, de pédagogie et de promotion de ce nouveau dispositif (pour éviter de reproduire les erreurs commises avec le DIF). Pour l’instant le moins qu’on puisse dire est que la communication a été plus que discrète, peut-être pour laisser le temps aux opérateurs de se mettre en ordre de bataille …

Il faut aussi, dans le même ordre d’idée, sensibiliser les entreprises et les managers afin d’optimiser l’articulation avec l’entretien professionnel et éviter de retomber dans le travers des bilans de compétences surtout proposés aux personnes en difficulté.

Mais ces conditions concernent avant tout les opérateurs et ce dans une triple perspective : D’organisation du SPRO et de coordination des acteurs publics ; De montée en compétences des acteurs les plus éloignés du métier de conseil en évolution professionnelle (en particulier Pôle emploi) ; D’harmonisation progressive des approches, méthodes et pratiques des différents opérateurs.

Les risques et les opportunités Il y a peut-être un risque de renforcement de la dualité d’un marché du travail déjà très segmenté : pour certains concepteurs, les DE n’auront pas recours, ou très peu, au dispositif et Pôle emploi est aujourd’hui plus éloigné des compétences cibles que le réseau des FONGECIF par exemple.

La principale opportunité est bien sûr pour les actifs qui pourraient ainsi bénéficier d’un service à haute valeur ajoutée de la part du SPE / SPO.

Pour Pôle emploi enfin, les contraintes liées à la mise en place effective de ce droit pour les DE pourraient avoir un effet moteur ou accélérateur de la nécessaire mutation du principal opérateur de notre SPE.

Constat n° 6 : Responsabiliser les individus dans la gestion de leur parcours professionnel est aujourd’hui essentiel

Le constat précédent pointe déjà du doigt les limites d’approches trop « boîte à outils » ; Une jurisprudence constante de la Cour de Cassation confère à l’employeur la responsabilité de maintenir la capacité de ses salariés à occuper un emploi. Cette responsabilité de l’entreprise devrait être réfléchie à l’aune des nouveaux cadres issus de la loi LSE et des nouveaux droits des salariés.

L’enjeu véritable est ici une forme de révolution culturelle, les différentes générations (de plus en plus nombreuses !) qui coexistent aujourd’hui dans l’entreprise, prenant peu à peu conscience qu’elles devront de plus en plus prendre en main en toute autonomie l’organisation, la planification et le déroulement de leur carrière professionnelle. Pourtant il semblerait au travers de multiples observations, que les individus non seulement l’ont déjà largement compris, mais également commencé à l’intégrer en pratique ; le problème est sans doute plutôt du côté des canaux de distribution de ces nouveaux outils et sur leur capacité à répondre à leurs vrais besoins que sur la plus ou moins grande préparation des individus à ce changement en profondeur des relations de travail.

Le risque majeur réside dans le fait que ce nouveau modèle de fonctionnement idéal de notre marché du travail est par nature susceptible de bénéficier davantage à ceux qui y sont le mieux

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armés ; considérant que sa dualité, profonde et en constante aggravation, est déjà une des difficultés les plus épineuses, il n’est pas sûr que les réformes récentes aillent dans le sens de la nécessaire réparation du lien social dans l’univers d’un travail par ailleurs engagé dans des dynamiques de transformations puissantes, profondes et pas toujours entièrement prévisibles.

Enfin, comment répondre au défi d’une plus grande responsabilisation des individus en matière de mobilités dans un contexte où les défaillances du système éducatif s’aggravent et où les organisations du travail françaises pêchent par manque d’autonomie, d’innovation et de dynamiques apprenantes ? L’injonction pourrait très vite devenir paradoxale.

Constat n° 7 : La GPEC au croisement de multiples contraintes Malgré les progrès de la GPEC la gestion des mobilités demeure pour les entreprises un sujet compliqué au cœur de multiples contraintes.

Au sein des grands groupes, voire de leurs filiales ou sous-traitants de taille intermédiaire, la tendance est clairement à faire évoluer la GPEC depuis un mode projet vers un mode de fonctionnement processuel au fil de l’eau.

Les nouveaux outils proposés par la LSE sont au diapason, au plan sémantique pour le moins, de l’irénisme qui tend à régir le vocabulaire des RH (voir partie 1). Moins de 10 AME ont ainsi été conclus ; concernant les accords de mobilité, qui peuvent se conclure (de façon optionnelle) dans le cadre des négociations triennales sur la GPEC (obligatoires depuis 2005), le décompte même en est plus difficile.

Toutefois, l’innovation dans le vocabulaire ou les méthodes ne traduit pas nécessairement de mutation en profondeur du fonctionnement des restructurations (comme en témoigne le recours massif aux mesures d’âge, aux contrats courts ou à la sous-traitance pour ne citer que quelques exemples).

Les accords de mobilité

Les accords de mobilité sont, semble-t-il, peu nombreux. Nécessairement inscrits dans un accord de GPEC, ils sont toutefois difficiles à recenser par l’administration, leur repérage supposant une lecture attentive du contenu de l’accord.

Les quelques exemples dont nous disposons permettent toutefois de dresser les grandes lignes de l’intérêt et des limites des accords de GPEC incluant un accord de mobilité.

Dans la mesure où accord de GPEC et accord de mobilité forment un tout, ces accords décrivent deux processus distincts :

- un processus générique de GPEC visant à anticiper, à un horizon de 2 à 5 ans, des évolutions d’emploi liées d’une part à la stratégie de l’entreprise et d’autre part à la démographie de ses salariés. Ce processus s’accompagne d’un dispositif d’aide à la mobilité interne et, le cas échéant, externe, sur une base volontaire.

- un processus spécifique de gestion des mobilités en situation de réorganisation sans projet de réduction d’emploi. Ce processus s’accompagne d’un dispositif d’aide à la mobilité interne à l’initiative de l’employeur et peut conduire à un licenciement en cas de refus du salarié. Il s’agit alors d’un licenciement pour motif économique, mais à titre individuel, ce qui signifie que si 10 salariés ou plus refusent une mobilité, l’employeur n’a pas l’obligation de concevoir et mettre en œuvre un PSE ni, par conséquent, d’engager les procédures relatives à la conception de ce PSE. L’accord doit toutefois prévoir les mesures d’accompagnement qui seront proposées aux salariés licenciés.

Ces deux processus répondent à des enjeux distincts : - le principal enjeu du processus d’anticipation des évolutions d’emploi est celui de son effectivité et donc des moyens qui sont

déployés pour le mettre en œuvre - le principal enjeu du processus de gestion des mobilités en situation de réorganisation est celui de son équité et donc du

contrôle collectif auquel il est soumis

Les moyens déployés pour mettre en œuvre le processus d’anticipation portent sur : - la mise en place d’un observatoire des métiers. Il s’agit d’une instance paritaire associant le plus souvent des représentants

de la direction, des ressources humaines et du personnel (en général des organisations syndicales)

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Contribution La création d’une plateforme pour les alternants montre qu’il est possible à partir de procédures réglementaires d’anticiper, d’innover et d’associer les parties prenantes à un projet complexe au cœur des problématiques de la mobilité. Ce projet a pu être envisagé dès la deuxième convention compte tenu des résultats positifs du retour d’expérience de la première et de l’engagement de l’ensemble des parties prenantes.

L’évolution de la gestion des restructurations

Les transformations socio-économiques ont un caractère récurrent et les restructurations d’entreprises n’échappent à pas à cette règle même si leur intensité et leurs formes peuvent varier au cours du temps. Pour autant celles-ci de plus en plus « sortent de l’enveloppe de l’entreprise ». Et il est nécessaire, si tout change, de voir devant, et de s’interroger sur l’anticipation et la mise en capacité des acteurs qui reste insuffisante et souvent trop étroitement liée à une appréhension des seuls dispositifs. Par ailleurs, si l’on peut chiffrer les pertes d’emplois ainsi que les ruptures de contrat, on ne connaît toujours pas les flux de transition et notamment ceux qui se développent dans un territoire.

Enfin, signe majeur d’évolutions inachevées, la moindre restructuration, le moindre plan social suscite toujours en matière médiatique comme dans le milieu politique une fièvre et une agitation sans commune mesure avec ce qui se passe au-delà de nos frontières.

Et pourtant la gestion des restructurations a considérablement évolué ces dernières années et ce sous des angles multiples : nombreuse modifications législatives visant à simplifier et sécuriser les démarches d'information consultation et à instaurer une flexicurité à la française, réduction significative des licenciements économiques au profit d’autres formes de rupture, y compris conventionnelles, mais aussi persistance des embauches sous contrats courts, montée des CHSCT sur l’aspect RPS, mise en place du Contrat de Sécurisation Professionnel (CSP), multiples initiatives territoriales etc..

En termes de restructurations, les questions majeures posées au dispositif français sont de trois ordres : • Celui de la place de l’activité et du travail plutôt que la seule obsession sur l’emploi ; • Celui de la place des acteurs : Etat/régions/partenaires sociaux/entreprises et en particulier de la

place du territoire comme espace d’action et d’innovation sociale ; • Celui des vulnérabilités/capacités différenciées des individus et de la manière dont les cadres

actuels/futurs sauront les prendre en compte.

C’est dans ce cadre qu’ASTREES a voulu se poser la question des mobilités à la fois nouvelles et positives qui émergent ou qu’il faudrait développer.

Un « pacte social » réinterrogé

Au fond, la question de la mobilité rejoint celle de la nécessaire redéfinition du pacte employeurs – salariés (contrat dit parfois encore psychologique ou moral parce qu’il se réfère à des règles tacites). On dit depuis un moment déjà que le compromis fordiste est caduc. Et c’est vrai que la subordination n’est plus compensée par les sécurités établies au fur et à mesure que se développait notre droit social, et qui apparaissent de plus en plus comme des facteurs de rigidité et de non performance économique d’un autre âge, sans que la preuve économique, au-delà d’une opinion (doxa) majoritaire, en soit réellement établie … Et sans parler du fait que le champ juridique de la subordination connaît de plus en plus d’extensions en pratique et dans des zones d’ombre de notre ordre juridique classique (« uberisation » des relations de travail).

On n’a pourtant pas beaucoup d’exemples de ces fameux « nouveaux paradigmes » censés devoir le régénérer, à part peut-être celui, en vogue récente, de l’entreprise libérée. La question demeure : quelles

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Constat n° 5 : S’intéresser aux conditions de réussite dans la mise en œuvre

Face au risque d’une insuffisante prise en compte par leurs concepteurs des contraintes opérationnelles que pose l’utilisation de certains dispositifs, un soin tout particulier doit être apporté.

La conception de nouveaux dispositifs, pourtant destinés à l’usage direct par les individus, demeure très technocratique et associe encore trop peu les futurs utilisateurs et bénéficiaires dans une logique de co-construction. Le risque d’une multiplication d'outils non appropriés ou maitrisés par leurs utilisateurs est fort.

C’est ainsi que les nouveaux droits ou contreparties prévues pour les individus en échange de nouvelles formes de sécurité et de flexibilité pour les entreprises tardent à prendre corps ; c’est le cas du CEP comme du CPF, et alors même que l’Exécutif s’engage sur un nouveau compte, le CPA, qui les chapeauterait tous (compte pénibilité compris). Comment responsabiliser les individus si ceux-ci ne sont associés ni à la conception des systèmes ni à leur gouvernance ? …

On touche ici aux limites des logiques dites « de guichets », fussent-ils portés par des plateformes collaboratives, et au piège qui consiste précisément à confondre outils collaboratifs et capacité à unir in concreto, de façon à la fois concertée et coordonnée, les efforts des uns et des autres en vue d’objectifs communs.

Synthèse de l’enquête sur le CEP

Contexte Afin d’envisager toutes les dimensions de la mobilité, il nous a semblé nécessaire de ne pas nous limiter aux politiques d’entreprise, mais aussi aux nouvelles possibilités offertes aux salariés, en particulier le droit à un conseil en évolution professionnelle (CEP) institué par l’ANI de janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi et précisé par l’ANI de décembre 2013 et la loi de mars 2014 sur la réforme de la formation professionnelle. Nous avons interrogé à cette fin une quinzaine de personnalités représentant les principales parties prenantes du côté des concepteurs comme de celui des opérateurs.

Rappel des éléments clé du dispositif23 « Le CEP constitue un processus d’appui à l’élaboration et à la concrétisation des projets personnels d’évolution professionnelle des actifs qui en expriment le besoin et, le cas échéant, des projets de formation associés visant à accroître leurs aptitudes, compétences et qualifications professionnelles, en lien notamment avec les besoins économiques […] dans les territoires ».

Destinés à tous les actifs, en poste ou non, c’est une prestation gratuite et confidentielle dont la délivrance a été confiée à un « noyau dur » de 5 opérateurs (Pôle emploi, les Cap emploi, l’APEC, les missions locales et les organismes paritaires agréés au terme du CIF) dans le cadre du Service Public Régional de l’Orientation (SPRO).

Il se structure autour de 3 niveaux : • Premier niveau : accueil individualisé ; • Deuxième niveau : conseil personnalisé ; • Troisième niveau : accompagnement à la mise en œuvre du projet.

Les principaux enjeux perçus par nos interlocuteurs Qu’il s’agisse des actifs en poste pour lesquels il peut s’articuler avec les entretiens professionnels, ou des chômeurs, il s’agit notamment de donner de l’information fiable, sécurisée et personnalisée sur l’environnement professionnel et l’évolution des métiers, les emplois correspondant aux compétences et qualifications de la personne, les possibilités de formation, etc.

23 Voir notamment l’Arrêté du 16 07 2014 fixant le cahier des charges relatif au CEP

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Ces limites renvoient tout d’abord à une dualité d’un marché du travail qui ne cesse de s’aggraver. Avec plus de 80 % des embauches en CDD dont 70 % de moins d’un an en 2014, voilà un des grands objectifs fixés aux négociateurs de l’ANI qui n’aura pour l’instant au moins pas été atteint. Dans ce contexte, on ne peut que redouter que les nouveaux dispositifs de mobilité ne profitent encore une fois qu’aux moins vulnérables.

Mais elles renvoient également à la responsabilité des entreprises, dans leur extraordinaire diversité, en évitant à la fois les excès de l’hyper responsabilisation et le risque bien réel d’une forme de désinvestissement de la gestion active et pro active des ressources humaines, risque avéré dans le cas de la réforme en cours de la formation professionnelle par exemple.

A partir des cas qui nous ont été présentés ou des investigations complémentaires que nous avons menées, le LAB s’est attaché à identifier les bonnes pratiques et conditions de réussite de ces nouvelles formes de mobilités et d’effectivité des nouveaux droits conférés aux salariés, ainsi que la façon dont elles peuvent faire évoluer les pratiques françaises en matière de gestion des restructurations.

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II – 1ère PARTIE : L’EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET SEMANTIQUE DE LA MOBILITE

1. L’évolution du cadre juridique et institutionnel

Pour aller plus loin que les orientations déjà indiquées dans le préambule, deux grilles de lectures s’avèrent également pertinentes pour caractériser l’évolution de la gestion des restructurations : l’évolution de la nature et de l’ampleur des restructurations elles-mêmes d’une part, et de l’autre l’évolution du cadre de gestion de ces restructurations, en particulier en terme de répartition des responsabilités.

Au regard de ces deux paramètres, on peut schématiser les grandes étapes de l’histoire des restructurations dans notre pays comme suit14.

Pendant les années 60 : le modèle d’intervention de l’administration

Dès le début des années 60, s’impose progressivement la nécessité de moderniser les grandes entreprises françaises pour leur permettre de lutter efficacement contre la concurrence internationale (déjà !). Le nombre (environ 1 million de chômeurs) comme le taux de chômage (entre 4 et 6 %) demeurent relativement limités, mais des tendances structurelles se font jour : augmentation régulière du nombre de jeunes entrant sur le marché du travail et féminisation de la population active en particulier.

C’est aussi l’époque où l’opinion publique et la presse commencent à démontrer une sensibilité jamais vraiment démentie depuis lors aux grosses opérations de licenciements collectifs (les mouvements sociaux à Saint Nazaire en 64 et 65 font date).

La loi fondatrice de décembre 1963 institue le Fonds National pour l‘Emploi (FNE) qui vise à pallier les conséquences sociales des restructurations. Sont ainsi proposées des aides individuelles à la mobilité géographique et professionnelle, mais aussi des conventions passées par l’administration avec les entreprises ou les branches (conventions de préretraites, conventions de conversion) et dont le financement est partagé mais reste principalement à la charge des pouvoirs publics

Même si ce partenariat entre l’administration et les entreprises n’est pas sans intérêt, l’époque reste caractérisée par une gestion très administrative des restructurations.

Pendant les années 70 et 80 : restructurations de crise et responsabilisation des entreprises

Tout aussi important que la loi de décembre 63, c’est en réalité l’ANI de février 1969 sur la sécurité de l’emploi (et non la sécurisation comme dans celui de janvier 2013, le glissement sémantique n’étant - comme nous le verrons plus loin - pas sans importance) qui fait évoluer le cadre de gestion en cherchant à responsabiliser les entreprises dans ce qu’on appelle alors politique de sécurité de l’emploi ou gestion prévisionnelle de l’emploi. Les accords et lois qui suivront pendant les années 70 (loi de juillet 73, avenant de novembre 74 à l’ANI de 69) poursuivent dans la même direction.

La loi de janvier 75 instaure l’obligation d’information consultation du CE ainsi qu’une autorisation administrative préalable pour les plans de licenciements collectifs.

14 Ces réflexions sont largement inspirées de JP. Aubert et L. Duclos

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Enseignements Comme grappe d’entreprises, MECALOIRE offre les conditions pour le développement d’une GPEC territoriale en autorisant une collaboration véritable entre des PME confrontés à des défis économiques et sociaux communs, en lien avec une variété de parties prenantes publiques et privées. C’est spécialement le cas dans un contexte, souligné par les animateurs de MECALOIRE, où la sensibilité des entreprises adhérentes aux enjeux RH et le dialogue avec les salariés sur ces questions est faible, en raison notamment de ressources internes limitées. Si le programme expérimental de GPEC est présenté comme un succès par les entreprises y ayant participé, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas, à ce jour, permis l’émergence d’une stratégie RH que l’on puisse qualifiée de commune. Les obstacles au développement de cette dernière paraissent toujours importants : le programme n’a ainsi pu être renouvelé faute du soutien de l’une des organisations patronales impliquées. Enfin, il n’a pas contribué au développement d’un dialogue social territorial.

Le rapport AUBERT formule sur ce point des recommandations de généralisation intéressantes, mais dont la mise en œuvre pose toutefois de sérieuses questions de moyens et ressources à allouer.

Le rapport Aubert : « Mutations socio-économiques et territoires : les ressources de l’anticipation »

Le rapport remis au Premier Ministre s’emploie à montrer que c’est au niveau territorial que les acteurs peuvent élaborer et mettre en place des dispositifs opérationnels pour le développement économique et la sécurisation de l’emploi. De fait, la gestion et l’accompagnement des mutations économiques font de plus en plus appel à l’intervention des acteurs des territoires à travers des dispositifs dont un grand nombre ont été étudiés par la mission. Ces dispositifs, souvent innovants, peinent toutefois à produire pleinement les effets recherchés, ce qui soulève notamment la question de l’adéquation de l’action publique aux stratégies déployées par les acteurs économiques et sociaux du territoire. En particulier, les dynamiques ascendante et descendante, c’est-à-dire les impulsions en provenance des acteurs de terrain et les impulsions centrales, s’ignorent trop souvent et peuvent se croiser sous le registre de la coexistence incohérente, voire s’affronter. C’est pourquoi le rapport plaide pour le développement de pratiques associant initiatives de terrain et appui des acteurs publics en mettant l’accent sur la construction commune de l’avenir. Pour ce faire, elle préconise un fonctionnement en mode projet au sein d’Espaces d’Initiatives Territoriales (EIT) instaurant la coopération des acteurs concernés par un problème précis d’anticipation de mutations économiques et sociales. Prenant appui sur ce qui existe déjà, elle propose d’accompagner ainsi une série de démarches qui constituent pour les acteurs locaux un moyen de concevoir des initiatives communes et de mettre en œuvre collectivement des actions intégrant développement économique, développement de l’emploi et de la formation, sécurisation des parcours professionnels et efficacité du territoire. Ces EIT rassembleraient dans un comité opérationnel des élus, des chefs d’entreprises et des représentants des salariés, la Région et l’Etat les rejoignant au sein d’un comité de coordination stratégique fixant les grandes orientations du projet. Une task force composée de praticiens-experts, type nouveau « d’opérateur public » dont la fonction consisterait à aider les acteurs concernés, publics et privés, à dépasser leurs positions et pratiques établies pour mettre en œuvre des actions collectives innovantes, viendrait en appui aux EIT. La mission propose par ailleurs six priorités d’action qui visent notamment à réduire la distance qui sépare les concepteurs ou opérateurs d’un dispositif de ses bénéficiaires potentiels. Deux s’adressent en priorité aux entreprises, autour de dispositifs locaux de coordination des ressources permettant d’appuyer les PME et EIT dans leur anticipation et leur gestion des mutations économiques, d’une part, et de démultiplication de l’implication des grandes firmes structurantes du tissu économique et social dans le développement local, d’autre part. Deux s’adressent aux représentants des salariés, au travers de la conception d’un « dispositif d’interpellation » à leur disposition, garantissant à la fois la discrétion nécessaire et l’effectivité opérationnelle des réponses apportées, d’une part, et la mise en place de « délégués aux transitions professionnelles» en charge de conseiller les salariés dans leur parcours professionnels, de favoriser et négocier les moyens de ce parcours sur le territoire, en lien avec les diverses institutions concernées et au sein de l’entreprise, d’autre part. Deux s’adressent enfin aux pouvoirs publics, avec d’une part la proposition de développer la co-élaboration et l’appropriation de la prospective territoriale et/ou sectorielle et d’autre part l’adaptation des outils de suivi statistique à l’appréhension fine des flux d’emploi au plus près du territoire.

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Constat n° 5 : S’intéresser aux conditions de réussite dans la mise en œuvre

Face au risque d’une insuffisante prise en compte par leurs concepteurs des contraintes opérationnelles que pose l’utilisation de certains dispositifs, un soin tout particulier doit être apporté.

La conception de nouveaux dispositifs, pourtant destinés à l’usage direct par les individus, demeure très technocratique et associe encore trop peu les futurs utilisateurs et bénéficiaires dans une logique de co-construction. Le risque d’une multiplication d'outils non appropriés ou maitrisés par leurs utilisateurs est fort.

C’est ainsi que les nouveaux droits ou contreparties prévues pour les individus en échange de nouvelles formes de sécurité et de flexibilité pour les entreprises tardent à prendre corps ; c’est le cas du CEP comme du CPF, et alors même que l’Exécutif s’engage sur un nouveau compte, le CPA, qui les chapeauterait tous (compte pénibilité compris). Comment responsabiliser les individus si ceux-ci ne sont associés ni à la conception des systèmes ni à leur gouvernance ? …

On touche ici aux limites des logiques dites « de guichets », fussent-ils portés par des plateformes collaboratives, et au piège qui consiste précisément à confondre outils collaboratifs et capacité à unir in concreto, de façon à la fois concertée et coordonnée, les efforts des uns et des autres en vue d’objectifs communs.

Synthèse de l’enquête sur le CEP

Contexte Afin d’envisager toutes les dimensions de la mobilité, il nous a semblé nécessaire de ne pas nous limiter aux politiques d’entreprise, mais aussi aux nouvelles possibilités offertes aux salariés, en particulier le droit à un conseil en évolution professionnelle (CEP) institué par l’ANI de janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi et précisé par l’ANI de décembre 2013 et la loi de mars 2014 sur la réforme de la formation professionnelle. Nous avons interrogé à cette fin une quinzaine de personnalités représentant les principales parties prenantes du côté des concepteurs comme de celui des opérateurs.

Rappel des éléments clé du dispositif23 « Le CEP constitue un processus d’appui à l’élaboration et à la concrétisation des projets personnels d’évolution professionnelle des actifs qui en expriment le besoin et, le cas échéant, des projets de formation associés visant à accroître leurs aptitudes, compétences et qualifications professionnelles, en lien notamment avec les besoins économiques […] dans les territoires ».

Destinés à tous les actifs, en poste ou non, c’est une prestation gratuite et confidentielle dont la délivrance a été confiée à un « noyau dur » de 5 opérateurs (Pôle emploi, les Cap emploi, l’APEC, les missions locales et les organismes paritaires agréés au terme du CIF) dans le cadre du Service Public Régional de l’Orientation (SPRO).

Il se structure autour de 3 niveaux : • Premier niveau : accueil individualisé ; • Deuxième niveau : conseil personnalisé ; • Troisième niveau : accompagnement à la mise en œuvre du projet.

Les principaux enjeux perçus par nos interlocuteurs Qu’il s’agisse des actifs en poste pour lesquels il peut s’articuler avec les entretiens professionnels, ou des chômeurs, il s’agit notamment de donner de l’information fiable, sécurisée et personnalisée sur l’environnement professionnel et l’évolution des métiers, les emplois correspondant aux compétences et qualifications de la personne, les possibilités de formation, etc.

23 Voir notamment l’Arrêté du 16 07 2014 fixant le cahier des charges relatif au CEP

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Ces limites renvoient tout d’abord à une dualité d’un marché du travail qui ne cesse de s’aggraver. Avec plus de 80 % des embauches en CDD dont 70 % de moins d’un an en 2014, voilà un des grands objectifs fixés aux négociateurs de l’ANI qui n’aura pour l’instant au moins pas été atteint. Dans ce contexte, on ne peut que redouter que les nouveaux dispositifs de mobilité ne profitent encore une fois qu’aux moins vulnérables.

Mais elles renvoient également à la responsabilité des entreprises, dans leur extraordinaire diversité, en évitant à la fois les excès de l’hyper responsabilisation et le risque bien réel d’une forme de désinvestissement de la gestion active et pro active des ressources humaines, risque avéré dans le cas de la réforme en cours de la formation professionnelle par exemple.

A partir des cas qui nous ont été présentés ou des investigations complémentaires que nous avons menées, le LAB s’est attaché à identifier les bonnes pratiques et conditions de réussite de ces nouvelles formes de mobilités et d’effectivité des nouveaux droits conférés aux salariés, ainsi que la façon dont elles peuvent faire évoluer les pratiques françaises en matière de gestion des restructurations.

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• L’absence de dialogue social institué à l’échelle des territoires et une structuration défaillante des acteurs pour ce faire; etc.

Grappe d’entreprises et GPEC Territoriale : l’exemple de MECALOIRE

Mis en place sous une forme différente dès 1995, MECALOIRE devient en 2010 un cluster de PMEs visant à mieux affronter le déclin affectant l’industrie mécanique au niveau régional (comme en France d’ailleurs, et ce depuis longtemps). MECALOIRE est en effet localisée dans la région de Saint-Etienne, bastion industriel de longue date constitué essentiellement de PME et TPE sous-traitantes. Si la crise a encore accéléré les pertes d’emploi dans la métallurgie, il n’en reste pas moins que l’industrie mécanique demeure créatrice d’emplois. La difficulté tient cependant au recrutement sur des postes peu attractifs pour les jeunes. De sorte que la région est confrontée tout à la fois au chômage et aux difficultés de recrutement conduisant à des emplois vacants. MECALOIRE, qu’est-ce que c’est ? Au départ, MECALOIRE réunit 30 entreprises. Signe de sa valeur ajoutée, elle fédère aujourd’hui plus de 150 PME. La taille moyenne des entreprises membres est de 10-15 salariés. Globalement, les entreprises membres représentent environ 550 ME de CA et emploient environ 3 500 personnes. La plus-value attendue du réseau est de constituer un incubateur d’affaires et d’alliances sur le territoire d’implantation et au-delà. Il doit ainsi permettre d’accéder à de nouveaux marchés tout en réduisant la charge administrative liée à cette recherche de développement. Au surplus, l’industrie mécanique étant fortement marquée par le recours à la sous-traitance, il doit aussi permettre de limiter les mauvaises pratiques éventuelles en la matière. Concrètement, le cluster permet à ses membres : • De construire des projets/réponses communes, • De réduire les impacts négatifs de la crise, notamment sur le résultat des entreprises et leur développement commercial. Le cluster s’appuie sur un budget annuel moyen de 300 à 400 000 euros, basé sur des contributions des membres ainsi que des subsides publics variés (Commune de Saint-Etienne, Région, Chambre de Commerce…). Quelle place pour une GPECT au sein de MECALOIRE ? Les objectifs de la grappe d’entreprises ne sont pas, en premier lieu, relatifs à la GRH. En revanche, l’existence du réseau permet la circulation d’informations pouvant avoir pour effet d’aborder en commun et de régler des problématiques RH, de recrutement notamment. Au-delà, MECALOIRE s’engage dans un programme expérimental de développement d’une GPEC, que l’on peut dire partagée, dont la mise en œuvre s’échelonnera de 2011 à 2013. Financé par la DIRECCTE, la Région, l’AGEFOS PME et les entreprises participantes, il recouvre un budget global d’environ 190 000 euros. L’objectif est de répondre aux difficultés de recrutement des entreprises participantes et d’anticiper leurs besoins futurs en compétences. 20 entreprises s’y inscrivent au départ mais elles ne seront plus que 12 en fin de programme. Plus précisément, l’initiative vise à optimiser l’alliance entre les entreprises constituée au travers de MECALOIRE pour réaliser une cartographie des besoins en emplois, compétences et formations au niveau local. La mise en œuvre se déroulera en 4 étapes : • Anticipation: les entreprises volontaires et participantes formalisent et communiquent en interne leur stratégie de moyen

/long terme ; • Contrôle : évaluation des besoins, diagnostics et plans d’action ; • Synchronisation: appréciations collectives portées sur chaque entreprise, échanges de bonnes pratiques afin de développer

les liens et la confiance entre entreprises ; • Amélioration des qualifications: conception d’actions pour l’amélioration du programme de GPEC, spécialement à destination

de futurs participants. Les principaux résultats du programme rapportés par ses acteurs sont les suivants : • Satisfaction des entreprises impliquées dans le projet ; • Progrès sensibles réalisées « en interne » par les entreprises en matière de GRH ; • Une sensibilisation quant à l’incidence du facteur RH sur la compétitivité des entreprises ; • Une meilleure connaissance réciproque entre les entreprises adhérentes à MECALOIRE permettant de les concevoir

globalement comme un réservoir de compétences.

Plus concrètement, la coordinatrice de MECALOIRE souligne l’intérêt de la grappe pour une des entreprises qui, ayant vu son activité ralentir, a pu profiter de la situation inverse chez un autre adhérent. Par ailleurs, l’organisation d’un partage des emplois entre entreprises, particulièrement concernant les fonctions commerciales, a pu être mis en place ici et là. Un partage du temps de travail a également été présenté comme une plus-value potentielle du cluster qu’est MECALOIRE.

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Pendant les années 80 des pans entiers de notre tissu économique se restructurent, c'est-à-dire disparaissent purement et simplement quoique progressivement (Mines, Textile, Sidérurgie, …). Sur fond de chômage de masse et de révolution libérale (ce sont les années Thatcher / Reagan), l’autorisation administrative de licenciement est supprimée en 86 à la grande satisfaction du patronat de l’époque qui ne tardera néanmoins pas à découvrir les inconvénients d’un passage d’un contrôle administratif ex ante à un contrôle judiciaire ex post.

Pendant les années 90 et 2000 : restructurations de compétitivité et instauration progressive d’une flexicurité à la française

Ces années voient, en même temps que de nouvelles formes de restructurations motivées par des arguments de sauvegarde (prévisionnelle) de la compétitivité, un transfert de responsabilités mais aussi de prise en charge financière de l’administration vers les entreprises.

Sur le premier point, l’opinion et la presse s’émeuvent de ces groupes qui licencient localement tout en réalisant à une échelle plus globale des bénéfices substantiels. Des classements apparaissent même régulièrement dans la presse quotidienne et le risque médiatique apparaît comme une menace sérieuse pour les performances boursières des grands groupes. Il est vrai également que les années 90 voient un impressionnant mouvement de downsizing des grands groupes français (les entreprises de plus de 10 000 salariés perdent près de 50 % de leur effectif entre 1992 et 2003).

Sur le second, la politique du FNE et en particulier le financement à grande échelle de mesures d’âge, s’est avéré ruineux à tous points de vue, tant pour les finances publiques que pour les pertes de compétences pour les entreprises et de leur travail par des milliers de « jeunes seniors » …Les entreprises sont donc invitées à assumer la charge financière de leurs propres mutations : obligations de reclassement et d’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois, obligation de revitalisation instituée en 2002, loi Borloo de 2005 imposant l’obligation triennale de négocier sur la GPEC, accords de méthode permettant d’envisager la GPEC comme n’étant pas nécessairement contradictoire avec des situations de mobilité externe (d’où les débats sur la « GPSE »).

Au regard du rôle du juge judiciaire, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation vient parfois « durcir » certains points de la loi, en particulier pour ce qui est du « maintien de la capacité à occuper un emploi » obligation à la charge de l’employeur formulée de façon beaucoup plus large que dans le code du travail. Autres éléments urticants dans la relation avec les juges et les procédures judiciaires : une méconnaissance, présumée, des réalités et contraintes de l’entreprise, mais aussi et surtout une réelle insécurité juridique pour les différentes parties prenantes avec des dossiers enlisés dans des procédures interminables au gré de jeux tactiques pas forcément toujours dictés par la seule recherche de l’intérêt général.

Ainsi, après le modèle d’intervention administrative puis celui de la responsabilisation (jusqu’à l’hyper responsabilisation ?) des entreprises, c’est un schéma plus complexe de responsabilités partagées qui se construit depuis une dizaine d’années, avec en premier lieu la responsabilisation des actifs et les débuts de la portabilité de certains droits. Plus récemment, avec l’ANI de 2013, la LSE et la réforme de la formation professionnelle, c’est à un grand retour de l’administration qu’on assiste en définitive, et ce à plusieurs niveaux : validation ou homologation des projets ou accords de PSE par les DIRECCTE et rôle de facilitation / médiation, arrivée du juge administratif dans les procédures de PSE liées aux possibles contestations de ces nouveaux types de décisions administratives, nouvelle ambition pour le service public de l’emploi et de l’orientation avec notamment l’institution du Conseil Evolution Professionnelle

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(CEP) qui est en quelque sorte une façon de mieux équiper le marché lui-même, entre offreur (demandeur d’emploi) et demandeur de travail (entreprise).

Restera à voir le point d’équilibre que pourra atteindre ce nouvel agencement, et surtout son efficacité. C’est là sans doute que se joue une part essentielle de la bataille pour l’emploi en France dans les années qui viennent.

2. L’évolution sémantique

Il est d’abord intéressant d’analyser les mots utilisés pour parler des différentes situations de mobilité parce qu’ils peuvent trahir des schémas de pensée plus ou moins conscients. Il est également intéressant, pour la même raison, de les mettre au regard des mots employés dans d’autres pays. L’évolution du vocabulaire est enfin révélatrice de l’évolution des mentalités et des pratiques. A titre d’exemple, quand on parlait de « stress » dans les années 80, c’était essentiellement pour évoquer une qualité professionnelle de résistance au stress requise dans certaines offres d’emploi, ce qui serait impossible aujourd’hui où le stress est d’abord perçu comme une forme de souffrance au travail.

On verra que le vocabulaire de la mobilité, et des restructurations en particulier, relève très souvent de l’euphémisme ou même de l’antiphrase, comme si on avait du mal à mettre les mots justes sur une réalité déplaisante.

Le mot de restructuration lui-même, employé chez nous comme quasiment synonyme de plan de licenciements collectifs (avec ou sans fermeture de site), l’est dans une acception qu’on ne retrouve pas dans le dictionnaire en ligne du CNRS où il est associé à 3 domaines : l’urbanisme, la psychologie et la sociologie. Dans tous les cas, et c’est sans doute ce qui explique l’analogie, il s’agit de renaissance, de reconstruction, bref, d’un processus positif.

Aux Etats-Unis, le Workforce Planning est un des volets des politiques RH consistant à ajuster au fil de l’eau les ressources aux besoins (un peu comme dans l’exemple de GAE chez Thales présenté au LAB au printemps dernier).

Plus près de nous, en Allemagne, on parle plutôt de réorganisations internes, lesquelles peuvent ou non comprendre des réductions d’effectifs et relèvent du droit des employeurs. Dans ce cas, le CE négocie avec la direction un « plan social compensatoire ».

La formule est intéressante car elle montre bien que ce qu’on appelle communément chez nous « plan social » vient en effet compenser autant que possible les suppressions d’emploi.

Un retour sur l’histoire permet d’illustrer cette tendance à l’euphémisme ou à l’antiphrase. C’est un avenant de 1974 à l’ANI de 1969 déjà cité qui consacre la dénomination de plan social pour les grands plans de licenciements collectifs (plus de 10 salariés dans notre code du travail).

La terminologie évoluera ensuite au fil de législations successives, même si l’expression plan social reste largement usité dans le langage courant.

A partir de 1993, on parle ainsi de plan de reclassement. Depuis 2002, on parlera désormais plan de sauvegarde de l’emploi (ou PSE) même si l’entreprise reste soumise à l’obligation de reclassement. La logique est toujours la même : on passe sous silence le cœur du problème représenté par les suppressions

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Constat n°4 : Des enjeux de plus en plus territoriaux

Nombre d’expérimentations ont été lancées notamment au plan territorial et fonctionnent. Certaines d’entre elles ont consisté à mettre en place des plateformes régionales de mutualisation des RH. Mais ces expérimentations et autres innovations peinent à faire système et beaucoup ont du mal à « durer ».

Agir pour l’emploi et l’accompagnement des mutations à l’échelle d’un territoire : retour d’expériences

Le contexte Confrontés à des dynamiques différentes, du fait du fort développement ou, au contraire, de situation de crise dans certaines de leurs filières stratégiques, les acteurs territoriaux misent sur la mise en œuvre de démarches de GPEC-T fortement intégrées et regroupant les acteurs économiques, de l’emploi et de la formation. Et ce, en vue d’apporter des réponses conjointes et constructives aux besoins de recrutements et de gestion des compétences des entreprises… tout en favorisant l’accès à l’emploi durable et à la qualification d’un public large et diversifié. Pour ce faire – les Pays de la Loire, le Val d’Oise– ont récemment fait appel à Sémaphores pour la mise en place d’une nouvelle dynamique de développement et de rebond de leurs filières à l’échelle de leur territoire.

Des illustrations du renouveau territorial au service de l’emploi

Ces 2 exemples attestent de la capacité des acteurs économiques et de la formation à refondre leurs méthodes et outils de travail pour en définir de nouveaux, plus équilibrés, plus tournés vers la mutualisation des services en vue, in fine, d’accompagner les mutations et d’offrir de nouvelles perspectives d’activités et d’emplois.

Dans le Val d’Oise, il s’agissait d’une démarche de dialogue social territorial ambitieuse, portée notamment par les organisations syndicales et relayée par les acteurs économiques et institutionnels sur le territoire. Il s’agissait pour les partenaires sociaux de gérer autrement les difficultés économiques auxquelles le territoire était confronté et de faire face à une multiplicité de plans sociaux. Il a fallu réaliser un diagnostic territorial mettant en exergue des enjeux partagés et des leviers d’action qui permettent rapidement de mobiliser en « mode projet » les partenaires de la démarche autour de problématiques spécifiques. Cela s’est traduit par la mise en place de deux groupes de travail autour de l’éco-construction et de la mécatronique. Pendant plus de 18 mois, les professionnels et acteurs de l’emploi et de la formation se sont réunis pour identifier les besoins en compétences, pour organiser des événements promotionnels de l’attractivité des secteurs et pour promouvoir l’apprentissage. Parallèlement, ils se sont engagés dans une logique partenariale forte visant à mettre en place de nouvelles habitudes de travail conjointes. Aujourd’hui, le constat est multiple : un dialogue social renforcé, une véritable acculturation et un effet d’apprentissage, une approche multidimensionnelle (recrutement, insertion, formation, évolution des compétences…), une mise en réseau des PME.

En Région Pays de la Loire, sur le bassin de Saint-Nazaire, il convenait avec Compétences 2020 EMR (Energies marines renouvelables) d’apporter des réponses partenariales et innovantes au service de l’emploi dans les filières. Pour ce faire, une cellule opérationnelle, organe de pilotage opérationnel et maître d’œuvre de la feuille de route de groupes projets, a été constituée, composée des représentants des donneurs d’ordres et des réseaux d’entreprises structurés, de l’Etat, de la Région, des collectivités locales, des OPCA, de Pôle emploi, des missions locales et des acteurs consulaires. Il a fallu animer la cellule opérationnelle, être l’interface des différents groupes de projets, gérer leurs avancées/difficultés et adopter, en fonction, la feuille de route. En mettant les entreprises - donneurs d’ordre et sous-traitants- au cœur de la démarche et grâce à la mobilisation forte des membres du SPE, la démarche C2020 est devenue une action emblématique de l’efficacité de la dynamique partenariale « public-privé » au service de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Elle a également montré l’efficacité de l’action en « mode projet » autour des sujets emploi-compétences, permettant d’apporter des solutions opérationnelles et pragmatiques aux entreprises du bassin de Saint-Nazaire.

Parmi les freins et difficultés majeures il faut citer :

• L’absence de chef de file évident (bientôt la Région ?) ;

• Des relations inter-entreprises parfois tendues ou sensibles par nature (donneurs d’ordre vs sous-traitants, concurrents, TPE et PME locales vs entités locales de groupes globaux) ;

• Une multiplicité des administrations décentralisées ou déconcentrées impliquées ;

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• L’absence de dialogue social institué à l’échelle des territoires et une structuration défaillante des acteurs pour ce faire; etc.

Grappe d’entreprises et GPEC Territoriale : l’exemple de MECALOIRE

Mis en place sous une forme différente dès 1995, MECALOIRE devient en 2010 un cluster de PMEs visant à mieux affronter le déclin affectant l’industrie mécanique au niveau régional (comme en France d’ailleurs, et ce depuis longtemps). MECALOIRE est en effet localisée dans la région de Saint-Etienne, bastion industriel de longue date constitué essentiellement de PME et TPE sous-traitantes. Si la crise a encore accéléré les pertes d’emploi dans la métallurgie, il n’en reste pas moins que l’industrie mécanique demeure créatrice d’emplois. La difficulté tient cependant au recrutement sur des postes peu attractifs pour les jeunes. De sorte que la région est confrontée tout à la fois au chômage et aux difficultés de recrutement conduisant à des emplois vacants. MECALOIRE, qu’est-ce que c’est ? Au départ, MECALOIRE réunit 30 entreprises. Signe de sa valeur ajoutée, elle fédère aujourd’hui plus de 150 PME. La taille moyenne des entreprises membres est de 10-15 salariés. Globalement, les entreprises membres représentent environ 550 ME de CA et emploient environ 3 500 personnes. La plus-value attendue du réseau est de constituer un incubateur d’affaires et d’alliances sur le territoire d’implantation et au-delà. Il doit ainsi permettre d’accéder à de nouveaux marchés tout en réduisant la charge administrative liée à cette recherche de développement. Au surplus, l’industrie mécanique étant fortement marquée par le recours à la sous-traitance, il doit aussi permettre de limiter les mauvaises pratiques éventuelles en la matière. Concrètement, le cluster permet à ses membres : • De construire des projets/réponses communes, • De réduire les impacts négatifs de la crise, notamment sur le résultat des entreprises et leur développement commercial. Le cluster s’appuie sur un budget annuel moyen de 300 à 400 000 euros, basé sur des contributions des membres ainsi que des subsides publics variés (Commune de Saint-Etienne, Région, Chambre de Commerce…). Quelle place pour une GPECT au sein de MECALOIRE ? Les objectifs de la grappe d’entreprises ne sont pas, en premier lieu, relatifs à la GRH. En revanche, l’existence du réseau permet la circulation d’informations pouvant avoir pour effet d’aborder en commun et de régler des problématiques RH, de recrutement notamment. Au-delà, MECALOIRE s’engage dans un programme expérimental de développement d’une GPEC, que l’on peut dire partagée, dont la mise en œuvre s’échelonnera de 2011 à 2013. Financé par la DIRECCTE, la Région, l’AGEFOS PME et les entreprises participantes, il recouvre un budget global d’environ 190 000 euros. L’objectif est de répondre aux difficultés de recrutement des entreprises participantes et d’anticiper leurs besoins futurs en compétences. 20 entreprises s’y inscrivent au départ mais elles ne seront plus que 12 en fin de programme. Plus précisément, l’initiative vise à optimiser l’alliance entre les entreprises constituée au travers de MECALOIRE pour réaliser une cartographie des besoins en emplois, compétences et formations au niveau local. La mise en œuvre se déroulera en 4 étapes : • Anticipation: les entreprises volontaires et participantes formalisent et communiquent en interne leur stratégie de moyen

/long terme ; • Contrôle : évaluation des besoins, diagnostics et plans d’action ; • Synchronisation: appréciations collectives portées sur chaque entreprise, échanges de bonnes pratiques afin de développer

les liens et la confiance entre entreprises ; • Amélioration des qualifications: conception d’actions pour l’amélioration du programme de GPEC, spécialement à destination

de futurs participants. Les principaux résultats du programme rapportés par ses acteurs sont les suivants : • Satisfaction des entreprises impliquées dans le projet ; • Progrès sensibles réalisées « en interne » par les entreprises en matière de GRH ; • Une sensibilisation quant à l’incidence du facteur RH sur la compétitivité des entreprises ; • Une meilleure connaissance réciproque entre les entreprises adhérentes à MECALOIRE permettant de les concevoir

globalement comme un réservoir de compétences.

Plus concrètement, la coordinatrice de MECALOIRE souligne l’intérêt de la grappe pour une des entreprises qui, ayant vu son activité ralentir, a pu profiter de la situation inverse chez un autre adhérent. Par ailleurs, l’organisation d’un partage des emplois entre entreprises, particulièrement concernant les fonctions commerciales, a pu être mis en place ici et là. Un partage du temps de travail a également été présenté comme une plus-value potentielle du cluster qu’est MECALOIRE.

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Pendant les années 80 des pans entiers de notre tissu économique se restructurent, c'est-à-dire disparaissent purement et simplement quoique progressivement (Mines, Textile, Sidérurgie, …). Sur fond de chômage de masse et de révolution libérale (ce sont les années Thatcher / Reagan), l’autorisation administrative de licenciement est supprimée en 86 à la grande satisfaction du patronat de l’époque qui ne tardera néanmoins pas à découvrir les inconvénients d’un passage d’un contrôle administratif ex ante à un contrôle judiciaire ex post.

Pendant les années 90 et 2000 : restructurations de compétitivité et instauration progressive d’une flexicurité à la française

Ces années voient, en même temps que de nouvelles formes de restructurations motivées par des arguments de sauvegarde (prévisionnelle) de la compétitivité, un transfert de responsabilités mais aussi de prise en charge financière de l’administration vers les entreprises.

Sur le premier point, l’opinion et la presse s’émeuvent de ces groupes qui licencient localement tout en réalisant à une échelle plus globale des bénéfices substantiels. Des classements apparaissent même régulièrement dans la presse quotidienne et le risque médiatique apparaît comme une menace sérieuse pour les performances boursières des grands groupes. Il est vrai également que les années 90 voient un impressionnant mouvement de downsizing des grands groupes français (les entreprises de plus de 10 000 salariés perdent près de 50 % de leur effectif entre 1992 et 2003).

Sur le second, la politique du FNE et en particulier le financement à grande échelle de mesures d’âge, s’est avéré ruineux à tous points de vue, tant pour les finances publiques que pour les pertes de compétences pour les entreprises et de leur travail par des milliers de « jeunes seniors » …Les entreprises sont donc invitées à assumer la charge financière de leurs propres mutations : obligations de reclassement et d’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois, obligation de revitalisation instituée en 2002, loi Borloo de 2005 imposant l’obligation triennale de négocier sur la GPEC, accords de méthode permettant d’envisager la GPEC comme n’étant pas nécessairement contradictoire avec des situations de mobilité externe (d’où les débats sur la « GPSE »).

Au regard du rôle du juge judiciaire, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation vient parfois « durcir » certains points de la loi, en particulier pour ce qui est du « maintien de la capacité à occuper un emploi » obligation à la charge de l’employeur formulée de façon beaucoup plus large que dans le code du travail. Autres éléments urticants dans la relation avec les juges et les procédures judiciaires : une méconnaissance, présumée, des réalités et contraintes de l’entreprise, mais aussi et surtout une réelle insécurité juridique pour les différentes parties prenantes avec des dossiers enlisés dans des procédures interminables au gré de jeux tactiques pas forcément toujours dictés par la seule recherche de l’intérêt général.

Ainsi, après le modèle d’intervention administrative puis celui de la responsabilisation (jusqu’à l’hyper responsabilisation ?) des entreprises, c’est un schéma plus complexe de responsabilités partagées qui se construit depuis une dizaine d’années, avec en premier lieu la responsabilisation des actifs et les débuts de la portabilité de certains droits. Plus récemment, avec l’ANI de 2013, la LSE et la réforme de la formation professionnelle, c’est à un grand retour de l’administration qu’on assiste en définitive, et ce à plusieurs niveaux : validation ou homologation des projets ou accords de PSE par les DIRECCTE et rôle de facilitation / médiation, arrivée du juge administratif dans les procédures de PSE liées aux possibles contestations de ces nouveaux types de décisions administratives, nouvelle ambition pour le service public de l’emploi et de l’orientation avec notamment l’institution du Conseil Evolution Professionnelle

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Constat n°3 : Une approche des mobilités qui demeure très segmentée

Des politiques publiques, à l’image de l’organisation en silos des administrations centrales. En outre, l’effort public se concentre sur la mise à disposition d’outils sans vision systémique de leurs conditions d’utilisation ni diagnostic précis des besoins d’accompagnement des transformations et des évolutions des comportements qu’elles supposent.

Le nombre d’administrations et autres autorités ou administrations indépendantes,

déconcentrées ou décentralisées impliquées dans les questions touchant à la gestion des mutations, des restructurations, des parcours professionnels du travail et de l’emploi est notoirement foisonnant : Pôle Emploi, chef de file de notre service public de l’emploi (SPE) réunit certes les missions autrefois dévolues à l’ANPE d’une part et à l’ASSEDIC de l’autre mais porte toujours les séquelles d’une fusion menée à marche forcée et sans que suffisamment d’attention ait pu être apportée à ses impacts sur le travail des agents et le service rendu aux demandeurs d’emploi. La complémentarité entre l’APEC et Pôle Emploi Cadre reste elle peu lisible. S’y ajoute l’ensemble du secteur de la formation professionnelle et le maquis des organismes paritaires et autres acteurs aux différents niveaux du processus.

Ce déficit de coordination et de transversalité des interventions de la puissance publique et des organismes paritaires s’aggrave encore quand on observe qu’une partie non négligeable des freins réels à la mobilité, souvent abordés de façon un peu trop « psychologisante », sont liés à des éléments bien concrets, en particulier le logement et les transports qui obéissent à leur propre logique de politique publique.

Autre acteur clé, quoiqu’encore en gestation : le fameux « service public régional de l’orientation » (SPRO) qui, quoiqu’étant le pivot organisationnel d’une mise en œuvre réussie de la sécurisation des parcours et de la réforme de la formation professionnelle, demeure pour l’heure un concept dont certain de ses concepteurs mêmes espèrent une vertu performative … Au-delà de la boutade, il s’agit d’un choix extrêmement volontariste de mise en synergie d’acteurs très divers et pas nécessairement enclins ou habitués à la coopération.

De fait, entre des méthodes de plus en plus négociées et concertées de production des normes sociales, et le fait de confier la mise en œuvre de dispositifs opérationnels aussi ambitieux que le CEP ou le CPF à une diversité d’acteurs, qui plus est pas nécessairement les mieux préparés, comme dans le cas des « Big Five » (les 5 grands acteurs publics ou parapublics du SPE ou de la formation professionnelle) pour le CEP, on prend le risque d’insécuriser les processus de mise en œuvre, d’accompagnement et de déploiement de dispositifs par ailleurs bien conçus.

Enfin à défaut d’une conception socio politique à peu près claire et d’une vision partagée de la mobilité dans notre pays, les idées (et les idéaux) des uns sont trop souvent freinés par d’autres dans la mise en œuvre pour des raisons techniques, politiques ou encore précisément liées au nécessaire hiatus entre le temps plus long des administrations et celui plus éphémère des gouvernements.

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de postes et on insiste sur les mesures permettant d’en limiter les inconvénients et dont l’éventail tend à s’élargir (reclassement, revitalisation, reprise de site, …). Avec le PSE actuel, on pousse cette logique sémantique très loin en parlant de sauvegarde de l’emploi alors même qu’il s’agit quand même malgré et avant tout d’en supprimer ! Dans la même veine, les structures internes de reclassement dans les grands groupes sont fréquemment appelées « de développement » (comme chez Saint-Gobain, Michelin ou Sanofi). De même, on parle de « transition professionnelle » plutôt que de chômage.

En dehors de la tendance à l’euphémisme ou à l’antiphrase, certains registres lexicaux reviennent régulièrement dans le discours sur la mobilité.

D’abord, celui de la dramatisation. C’est l’exemple célèbre de la courbe dite de deuil reprise d’un modèle utilisé en psychologie clinique (modèle de Kubler Ross). On parle aussi des « survivants »15 mais par traduction d’une expression d’abord utilisée dans le monde anglo-saxon. Dans la même veine, la sociologue Manuella Roupnel Fuentes parle de « rupture sociale totale » pour les salariés de Moulinex dans la recherche qu’elle a consacrée à la fermeture de Moulinex en 2001.

Du point de vue des entreprises ou du patronat, c’est en bonne logique, une forme d’économisme gestionnaire et financier qui s’impose progressivement. C’est ainsi que la « sauvegarde de la compétitivité » est admise comme cause réelle et sérieuse de licenciement collectif suite à une jurisprudence constante dans les années 90 consacrée par une loi de janvier 2002. Aujourd’hui, dans un contexte de compétition mondiale et de financiarisation de notre économie, ce sont les termes de « flexibilité » et « d’agilité » qui reviennent en permanence et tentent de s’imposer face à une faible « mobilité » prétendue des salariés français, érigée en facteur de blocage de notre société par les décideurs économiques mais aussi politiques ….

Autre registre, toujours concernant les « patrons », celui de la contrainte légale ou de l’obligation : obligation de reclassement interne, et à défaut externe, instituée par la loi de 2002 de même que l’obligation de revitalisation, multiples obligations de négocier (dont l’obligation de négocier sur la GPEC tous les 3 ans depuis la loi BORLOO de 2005), obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture de site, etc. On observe toutefois un glissement sémantique de « l’obligation » vers la « responsabilisation ». D’une part, l’admission de l’argument de sauvegarde de compétitivité a d’abord choqué l’opinion publique et certains quotidiens se plaisaient dans les années 90 à publier des palmarès des groupes qui licencient et font des bénéfices. C’est la thématique des « patrons voyous » et la tendance logique à vouloir leur faire assumer davantage de « responsabilité sociale ». On parle d’ailleurs depuis quelques années de « restructuration socialement responsable », où les patrons, mais aussi les territoires et les salariés eux-mêmes ont des responsabilités partagées. Le registre de l’obligation est ainsi en train de s’amenuiser au fur et à mesure que notre droit du travail se « modernise » : il n’y a ainsi plus d’autorisation administrative de licenciements (instituées en 1975 et supprimée en 1986), même si avec la LSE de juin 2013 l’administration fait un retour remarqué dans les procédures de PSE via l’homologation ou la validation ex ante des plans sociaux. On peut aussi imaginer que si le discours est davantage orienté vers la responsabilisation, c’est parce que l’expérience montre qu’un certain nombre d’obligations légales s’avèrent largement inopérantes en pratique (par exemple et en particulier l’obligation de reclassement interne qui ne concernerait au final que 6 % des salariés concernés au terme d’une enquête menée durant l’été 2013 par le Think Tank Les Ateliers de la Convergence (ADC).

15 Cf rapport HIRES - Santé et restructurations

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Peut-être faudrait-il tempérer les freins liés aux postures salariés ou managériaux face à la mobilité interne, dans la mesure où en cas de sauvegarde de la compétitivité et ses conséquences en termes de suppressions d’emploi, le nombre d’emplois devant être pourvus est nécessairement faible et souvent subordonné à de rares et éventuelles créations de postes nouveaux. En revanche, dès lors que ces réductions d’emplois s’accompagnent d’un dispositif de volontariat – avec ou sans plan de départs volontaire – le nombre de départs excède fréquemment le nombre de suppressions de postes et offre ainsi une opportunité de développement de la mobilité interne. Et c’est à cette occasion qu’interviennent les freins réels révélés par l’étude d’ADC et que pourraient être mis en œuvre les logiques d’accompagnement de la mobilité explorées précédemment.

Enquête ADC obligation de reclassement

Les Ateliers de la convergence ont conduit, de juin à août 2013, la première édition de leur enquête nationale sur le reclassement. Cette dernière a permis de recueillir les réponses de 201 responsables en entreprise ayant personnellement participé à la mise en œuvre d’un licenciement économique. L’enquête éclaire les limites de l’obligation de reclassement, qu’il soit interne ou externe.

L’obligation de reclassement interne, élément devenu majeur du droit du licenciement économique, demeure rarement synonyme de reclassement effectif. Peu d’offres formulées côté entreprise, peu d’offres acceptées côté salariés. Cette situation tient à la difficulté à lever les freins multiples à la mobilité interne, qu’ils tiennent au salarié (dont la mobilité géographique et professionnelle est jugée faible) ou à l’entreprise (freins managériaux). Dans cette mesure, l’enquête appelle au développement d’une culture permanente de la mobilité au sein des organisations qui serait de nature à rendre plus effective la mobilité interne. La problématique est en effet bien celle de la conciliation du temps long du reclassement avec celui de la nécessaire réactivité dont l’entreprise doit faire preuve face aux enjeux de compétitivité.

La recherche d’un reclassement externe donne souvent, quant à elle, lieu à la mise en place d’une multitude de mesures au travers des PSE. Pour autant, certaines apparaissent systématiquement utilisées sans pour autant toujours être jugées utiles, ainsi de l’aide à la création d’entreprise ou de l‘aide à la mobilité géographique. Plus encore, certaines mesures, très souvent retenues et valorisées par les répondants, semblent davantage répondre au rapport de force dans l’entreprise plutôt qu’à une réflexion collective orientée sur le reclassement effectif des salariés : les indemnités supra légales de licenciement illustrent tout particulièrement cette hypothèse.

Au vu de ces observations l’enquête conduit à douter que la responsabilisation juridique de l’employeur, telle qu’elle existe aujourd’hui, suffise à créer les conditions d’une sécurisation des parcours professionnels des salariés. Elle pointe dès lors la pertinence d’approches territoriales de la gestion de l’emploi.

D’une façon assez générale en Europe, on tend à compenser les impératifs de flexibilité pour les entreprises par de nouvelles garanties de sécurité pour les salariés. C’est la fameuse « flexicurité » érigée en norme par l’UE depuis 2005. En France, on commence à parler de « flexicurité à la française », en particulier depuis l’ANI de janvier 2013. Mais jusque-là, on avait plutôt tendance à parler de « sécurisation des parcours professionnels ». Là aussi, la sémantique est intéressante, car de même qu’on a toujours eu tendance à recourir à la mobilité externe et subie (plutôt qu’interne et choisie ou négociée), c’est ce qu’on pourrait appeler la « flexicurité externe » qui s’est d’abord imposée chez nous. En cherchant à sécuriser les parcours, à travers par exemple la portabilité d’un certain nombre de droits, on admet, consciemment ou pas, que la flexibilité passe nécessairement par des suppressions d’emplois, par opposition avec ce qu’on pourrait appeler « la flexicurité interne », c'est-à-dire des mesures permettant aux entreprises de passer une mauvaise passe sans supprimer d’emplois (Cf. les dispositions mises en œuvre en Italie) ce qu’on s’est essayé à faire en instituant les accords de maintien dans l’emploi dont le bilan est aujourd’hui plus que maigrelet avec 5 accords signés en plus d’un an.

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exprimés tant par les entreprises adhérentes que par les salariés à la recherche d’un ressourcement et d’une opportunité de développement.

• Toutes ces expérimentations reposent sur un outillage juridique très simple : un contrat de mise à disposition à but non lucratif. Résultat, une liste de 80 opportunités d’accueil de mobilité sur les bassins d’emploi de la région Rhône Alpes et du Sud de l’Alsace, dont 1421 offres à l’initiative de la plateforme toute naissante de « Mobilité Détachement Local » alsacienne.

Quels sont les motifs qui poussent aujourd’hui des entreprises et des salariés à se retrouver sur de telles plateformes ? • A l’évidence, le nombre de ces opportunités de mouvement, voire les mobilités concrétisées, ne saurait constituer une

réponse solide aux besoins de recrutement ou de gestion des sureffectifs, voire encore moins à une hypothétique résolution du chômage.

• En fait, ce sont des facteurs internes aux entreprises qui les déterminent et déterminent leurs salariés à s’inscrire dans de telles initiatives.

• Le vieillissement des pyramides des âges des organisations et l’écrasement des organigrammes et des effectifs sous l’effet des plans d’optimisation organisationnels successifs conduisent entreprises et salariés à avoir un intérêt commun à la mobilité temporaire.

• Les entreprises cherchent des opportunités de renouvellement de leurs savoir-faire tout en demeurant agiles en termes d’emploi, ce qui exclut de recourir aux PSE.

• Les salariés cherchent à développer leurs compétences et leur savoir-faire au sein de cultures d’entreprises diversifiées sans devoir s’engager dans des mobilités risquées.

• Ainsi, les secteurs industriels à fort taux d’ancienneté de la Chimie et de la Métallurgie sont sensibles à cette double problématique.

De nouveaux entrants du secteur assurantiel ou mutualiste • Les entreprises relevant du secteur assurantiel ou mutualiste présentent des caractéristiques qui les prédisposent à cette

exigence d’un renouvellement de compétences et leurs salariés à la recherche de diversification sécurisée de leurs savoir-faire.

• Les groupes d’assurance, les mutuelles sont aujourd’hui confrontées à une évolution profonde de leur environnement appelant de nouvelles expertises et savoir-faire en matière de management et de planification des ressources sous l’effet de l’introduction des technologies de l’information notamment. Sauf que ce renouvellement est bloqué par les restrictions en termes d’embauche et que l’acquisition pour les salariés de ces nouveaux savoir-faire est conditionnée par l’exigence d’une mobilité externe.

• Le renouvellement combiné de la pyramide des âges et des compétences22 implique nécessairement des mobilités à marche quasiment forcée. Hors la simple mobilité fonctionnelle ne suffit plus à satisfaire cette exigence de mouvement.

• Ainsi s’explique l’apparition de nouvelles formes de mobilité et l’apparition récente d’initiatives sur le bassin d’emploi niortais comparables à celles engagées depuis 2011 dans les départements rhônalpins et plus récemment du Haut-Rhin.

• Cette façon d’appréhender la mobilité tourne le dos aux logiques classiques de GPEC et de mobilité externe défensive pour rechercher de nouvelles compétences au bénéfice de séquences de mobilité externe temporaire et offrir aux salariés des opportunités sécurisées de développement professionnel et personnel.

• Ces initiatives demeurent embryonnaires et les retours d’expérience sont encore trop discrets pour prétendre constituer une politique.

• Reste que la demande sociale des salariés et les besoins de certains secteurs et de grands groupes pourraient donner à la mobilité volontaire sécurisée et temporaire un souffle inattendu.

21 idem 22 Cf. article Sophie Girardeau : secteur de l’Assurance : les passerelles métiers internes - http://www.blog-pour-emploi.com/2013/06/10/secteur-de-l-assurance-les-passerelles-metiers-internes/

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Constat n°3 : Une approche des mobilités qui demeure très segmentée

Des politiques publiques, à l’image de l’organisation en silos des administrations centrales. En outre, l’effort public se concentre sur la mise à disposition d’outils sans vision systémique de leurs conditions d’utilisation ni diagnostic précis des besoins d’accompagnement des transformations et des évolutions des comportements qu’elles supposent.

Le nombre d’administrations et autres autorités ou administrations indépendantes,

déconcentrées ou décentralisées impliquées dans les questions touchant à la gestion des mutations, des restructurations, des parcours professionnels du travail et de l’emploi est notoirement foisonnant : Pôle Emploi, chef de file de notre service public de l’emploi (SPE) réunit certes les missions autrefois dévolues à l’ANPE d’une part et à l’ASSEDIC de l’autre mais porte toujours les séquelles d’une fusion menée à marche forcée et sans que suffisamment d’attention ait pu être apportée à ses impacts sur le travail des agents et le service rendu aux demandeurs d’emploi. La complémentarité entre l’APEC et Pôle Emploi Cadre reste elle peu lisible. S’y ajoute l’ensemble du secteur de la formation professionnelle et le maquis des organismes paritaires et autres acteurs aux différents niveaux du processus.

Ce déficit de coordination et de transversalité des interventions de la puissance publique et des organismes paritaires s’aggrave encore quand on observe qu’une partie non négligeable des freins réels à la mobilité, souvent abordés de façon un peu trop « psychologisante », sont liés à des éléments bien concrets, en particulier le logement et les transports qui obéissent à leur propre logique de politique publique.

Autre acteur clé, quoiqu’encore en gestation : le fameux « service public régional de l’orientation » (SPRO) qui, quoiqu’étant le pivot organisationnel d’une mise en œuvre réussie de la sécurisation des parcours et de la réforme de la formation professionnelle, demeure pour l’heure un concept dont certain de ses concepteurs mêmes espèrent une vertu performative … Au-delà de la boutade, il s’agit d’un choix extrêmement volontariste de mise en synergie d’acteurs très divers et pas nécessairement enclins ou habitués à la coopération.

De fait, entre des méthodes de plus en plus négociées et concertées de production des normes sociales, et le fait de confier la mise en œuvre de dispositifs opérationnels aussi ambitieux que le CEP ou le CPF à une diversité d’acteurs, qui plus est pas nécessairement les mieux préparés, comme dans le cas des « Big Five » (les 5 grands acteurs publics ou parapublics du SPE ou de la formation professionnelle) pour le CEP, on prend le risque d’insécuriser les processus de mise en œuvre, d’accompagnement et de déploiement de dispositifs par ailleurs bien conçus.

Enfin à défaut d’une conception socio politique à peu près claire et d’une vision partagée de la mobilité dans notre pays, les idées (et les idéaux) des uns sont trop souvent freinés par d’autres dans la mise en œuvre pour des raisons techniques, politiques ou encore précisément liées au nécessaire hiatus entre le temps plus long des administrations et celui plus éphémère des gouvernements.

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de postes et on insiste sur les mesures permettant d’en limiter les inconvénients et dont l’éventail tend à s’élargir (reclassement, revitalisation, reprise de site, …). Avec le PSE actuel, on pousse cette logique sémantique très loin en parlant de sauvegarde de l’emploi alors même qu’il s’agit quand même malgré et avant tout d’en supprimer ! Dans la même veine, les structures internes de reclassement dans les grands groupes sont fréquemment appelées « de développement » (comme chez Saint-Gobain, Michelin ou Sanofi). De même, on parle de « transition professionnelle » plutôt que de chômage.

En dehors de la tendance à l’euphémisme ou à l’antiphrase, certains registres lexicaux reviennent régulièrement dans le discours sur la mobilité.

D’abord, celui de la dramatisation. C’est l’exemple célèbre de la courbe dite de deuil reprise d’un modèle utilisé en psychologie clinique (modèle de Kubler Ross). On parle aussi des « survivants »15 mais par traduction d’une expression d’abord utilisée dans le monde anglo-saxon. Dans la même veine, la sociologue Manuella Roupnel Fuentes parle de « rupture sociale totale » pour les salariés de Moulinex dans la recherche qu’elle a consacrée à la fermeture de Moulinex en 2001.

Du point de vue des entreprises ou du patronat, c’est en bonne logique, une forme d’économisme gestionnaire et financier qui s’impose progressivement. C’est ainsi que la « sauvegarde de la compétitivité » est admise comme cause réelle et sérieuse de licenciement collectif suite à une jurisprudence constante dans les années 90 consacrée par une loi de janvier 2002. Aujourd’hui, dans un contexte de compétition mondiale et de financiarisation de notre économie, ce sont les termes de « flexibilité » et « d’agilité » qui reviennent en permanence et tentent de s’imposer face à une faible « mobilité » prétendue des salariés français, érigée en facteur de blocage de notre société par les décideurs économiques mais aussi politiques ….

Autre registre, toujours concernant les « patrons », celui de la contrainte légale ou de l’obligation : obligation de reclassement interne, et à défaut externe, instituée par la loi de 2002 de même que l’obligation de revitalisation, multiples obligations de négocier (dont l’obligation de négocier sur la GPEC tous les 3 ans depuis la loi BORLOO de 2005), obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture de site, etc. On observe toutefois un glissement sémantique de « l’obligation » vers la « responsabilisation ». D’une part, l’admission de l’argument de sauvegarde de compétitivité a d’abord choqué l’opinion publique et certains quotidiens se plaisaient dans les années 90 à publier des palmarès des groupes qui licencient et font des bénéfices. C’est la thématique des « patrons voyous » et la tendance logique à vouloir leur faire assumer davantage de « responsabilité sociale ». On parle d’ailleurs depuis quelques années de « restructuration socialement responsable », où les patrons, mais aussi les territoires et les salariés eux-mêmes ont des responsabilités partagées. Le registre de l’obligation est ainsi en train de s’amenuiser au fur et à mesure que notre droit du travail se « modernise » : il n’y a ainsi plus d’autorisation administrative de licenciements (instituées en 1975 et supprimée en 1986), même si avec la LSE de juin 2013 l’administration fait un retour remarqué dans les procédures de PSE via l’homologation ou la validation ex ante des plans sociaux. On peut aussi imaginer que si le discours est davantage orienté vers la responsabilisation, c’est parce que l’expérience montre qu’un certain nombre d’obligations légales s’avèrent largement inopérantes en pratique (par exemple et en particulier l’obligation de reclassement interne qui ne concernerait au final que 6 % des salariés concernés au terme d’une enquête menée durant l’été 2013 par le Think Tank Les Ateliers de la Convergence (ADC).

15 Cf rapport HIRES - Santé et restructurations

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Sur un point plus technique mais assez peu évoqué la réforme à venir tout bientôt de la juridiction prud’homale nous semble à suivre de près ; avec la montée en puissance des ruptures dites conventionnelles ( issues d’un ANI de 2008) et de façon plus générale des contentieux individuels liés à des ruptures de contrats de travail, elle est en effet devenue un élément essentiel de régulation des sorties du marché du travail ; gageons que la réforme en cours tiendra ses promesses, en particulier en matière de délais de jugement.

Le retour de l’administration du travail dans les procédures de licenciements collectifs (à travers l’homologation ou la validation par les DIRECCTE des PSE) dans une position de tiers facilitant entre RP et directions nécessite un temps d’appropriation même si les premiers résultats sont encourageants, ce dont témoigne par exemple le faible taux de rejet des dossiers (environ 10% à peine) sans ignorer le nombre significatif de recours devant le tribunal administratif auxquels doit faire face l’inspection du travail.

Pour conclure sur ce constat, l’on ne peut que constater une forme d’attentisme des acteurs de nature à freiner la mise en œuvre effective de nouveaux dispositifs à laquelle contribue une tradition également bien ancrée de défiance et d’une forme d’étanchéité entre les secteurs publics et privés.

Un gisement d’initiatives territoriales en faveur de la mobilité susceptible de répondre

aux besoins de renouvellement des compétences des entreprises

• Depuis la Loi du 14 juin 2013, une mobilité volontaire à l’extérieur de son entreprise autorise le retour dans son emploi d’origine. Cet aller/retour dispose désormais d’un cadre juridique offrant ainsi la possibilité au salarié de donner corps à son désir de développement de savoir-faire nouveaux et du même coup offrant à l’entreprise la possibilité de ressourcer ses talents pour importer de nouvelles pratiques et compétences.

• Dans son « Bilan de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 » paru en avril 2015, le Ministère du travail ne pouvait que constater l’absence de données rendant compte de la mise en pratique de cette disposition…faute de formalité de déclaration par souci de simplicité des modalités de mise en œuvre de cette même disposition…

Le dispositif MODEL : une mobilité sécurisée dans le cadre d’un détachement temporaire • Des expérimentations conduites dans différentes régions françaises méritent d’être observées. • En Haute-Savoie, entre 2010 et 2011 et en Savoie sur la période 2011-2013, ce sont 5217 entreprises qui, réunies au sein du

dispositif MODEL, ont recensé 163 salariés volontaires pour une mobilité avec retour à son emploi d’origine. Ce recensement s’est concrétisé par 6818 détachements pour un total de 301 mois de travail, soit une durée moyenne de détachement d’un peu moins de 4,5 mois.

• Pour le département du Rhône, entre 2011 et 2013, ce sont 18 entreprises qui se sont regroupées toujours au sein du dispositif MODEL, soit un total de 4 450 salariés. 62 salariés se sont déclarés volontaires et 719 d’entre eux ont bénéficié d’un détachement avec une durée moyenne d’un peu moins de 3 mois.

• En 2014, toujours sur les départements 69, 74 et 73, ce sont 14 sites du département du Rhône qui ont adhéré au dispositif renforcés par un réseau de 15 entreprises, 6 en Savoie et 6 en Haute-Savoie avec pour résultats : 32 candidatures volontaires et 1520 détachements.

• A l’origine de ces dispositifs, on trouve : l’UT 74, la CCIT de Chambéry, la Région, des organismes d’accompagnement (TECHNLID, MEDEF, etc.), des partenaires sociaux, des acteurs économiques dont des entreprises qui concourent par leur adhésion au financement de l’animation.

• Autre initiative digne d’intérêt, cette fois dans le Haut-Rhin, où s’est créé un groupement d’entreprises soutenu par de l’UIMM Alsace, UIT Alsace, UIC Est et le MEDEF Alsace. Ce dispositif est porté par la Maison de l’Emploi et de la Formation du Pays de la région mulhousienne avec l’appui des MEF de Thur Doller, du Pays de Saint Louis et du Pays du Sundgau. Il est financé, dans sa phase expérimentale, par la DIRECCTE Alsace. Le dispositif recense les besoins de mobilité sécurisée

17 Sources MODEL – Mobilité Détachement Local 18 idem 19 idem 20 idem

19

Se développe depuis la même période (les années 2000) toute une rhétorique de l’anticipation sans doute liée à nos modes de pensée et à la culture d’ingénieur toujours dominante dans le management français. Mais force est de constater que ce concept reste très franco français et qu’il n’a pas pris chez nombre de nos voisins européens (Allemagne, pays nordiques, Italie, Espagne pour ne pas parler du Royaume Uni). L’esprit français voudrait que la réalité économique suive les lois de la logique, mais force est de constater qu’il en va tout autrement. La LSE est encore tout entière structurée autour de cette notion d’anticipation pourtant largement inopérante en pratique.

Enfin, un mot sur les ressources humaines. Il s’agit là d’un vocabulaire qui puise systématiquement dans le registre financier, qu’il s’agisse de « ressources » ou pire encore de « capital », témoignant d’une difficulté durable à appréhender et à gérer ces dimensions proprement sociales de l’entreprise. Et ce alors qu’il est souvent utilisé à l’appui d’un argumentaire d’équilibrage entre l’économique et le social (dichotomie ultra rebattue depuis le milieu des années 70 et le « double projet » cher à Antoine Riboud, mais qui n’a pas beaucoup de sens en pratique tant les deux dimensions sont indissociablement liées, intégrées).

Pour finir, aujourd’hui la tendance est plutôt à l’emprunt au registre lexical des « outils » et autres « boites à outils » ainsi qu’à celui de la gestion (qui est au fond une forme d’ensemble d’outils de management) : on parle beaucoup de « comptes » de toutes natures, on gère les crises comme les ressources humaines, sans évoquer bien sûr la Finance, domaine très créatif dans le domaine…

Page 22: L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES ... · L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES ... du développement économique et social dans les ... des

20

III - 2e PARTIE : LEÇONS TIRÉES ET PRINCIPAUX CONSTATS

A partir des études de cas et des investigations complémentaires réalisées par le Lab d’ASTREES, 7 grands constats nous paraissent se dégager autour de trois idées force :

- l’inefficacité globale des principaux leviers sur lesquels ont joué les acteurs publics et privés jusqu’à présent ;

- Une responsabilité de plus en plus partagée en matière de gestion des mobilités ; - Des points de vue et approches qui restent très cloisonnées.

Constat n°1 : Le manque d’efficacité des principaux leviers utilisés traditionnellement

Pour l’instant, pouvoirs publics, entreprises et acteurs sociaux ont joué principalement sur 4 leviers : l’accompagnement des PSE, la GPEC, la formation professionnelle et les approches territoriales qui se révèlent largement inefficaces

Or les PSE ne représentent qu’une petite partie des sorties du marché du travail (environ 3 %) ;

La GPEC s’est longtemps avérée peu opérante en pratique, soit parce qu’elle s’est développée de manière formelle, soit parce qu’elle a été détournée pour du traitement à chaud des problèmes (« GPSE ») ;

La formation professionnelle et son dernier avatar, le DIF, ont échoué à s’adresser aux publics qui en avaient le plus besoin ;

Les approches territoriales offrent quelques belles réalisations mais qui demeurent relativement précaires et isolées.

« Passerelles territoriales » : état des lieux

Contexte A la demande du Conseil National de l’Industrie, de l’UIMM et de la DGEFP, BPI Group a mené un état de l’art sur les passerelles territoriales inter secteurs / inter branches qui a conduit à étudier les actions originales et initiatives lancées pour faciliter la mobilité professionnelle des salariés sur un même territoire en regardant comment ces initiatives ont permis d’éviter ou de réduire les périodes d’inactivité pour les salariés concernés.

Historique Le phénomène des passerelles inter-branches / inter-secteurs s’est particulièrement développé au début des années 2000, même si des expériences plus anciennes avaient vu le jour dans la sidérurgie ou plus récemment dans le textile, avec par exemple, la plateforme de reconversion des métiers de la mode du Choletais (2000) ou la plateforme du cuir de Romans sur Isère, mise en place à la suite de la fermeture de l’entreprise Stéphane KELIAN (2005). La filière « télécom » en Bretagne, également marquée par une profonde restructuration au milieu des années 2000, a mis en place une plateforme de reconversion, ayant conduit au développement de passerelles territoriales. Malgré tout, les études font généralement référence aux actions mises en œuvre, aux bonnes pratiques développées entre les parties prenantes, aux conditions voire freins à la mobilité, mais peu aux bilans des actions, et à la volumétrie des bénéficiaires concernés. En somme, on ne sait que trop rarement, à travers les travaux, vers quels métiers les salariés impactés se sont reconvertis. Autre point à noter, les dispositifs mis en place ont rarement été pérennes dans le temps. Ils avaient pour la plupart vocation à disparaître une fois le problème traité.

Observations/analyses L’état de l’art ainsi réalisé a fait ressortir 6 types de passerelles intersectorielles à l’échelle d’un territoire, dont 3 types se placent dans un contexte de restructuration de filières (mutations subies) et 3 autres plutôt dans un contexte d’anticipation.

Les passerelles intersectorielles s’illustrent majoritairement dans des dispositifs de mobilité contrainte. Ainsi les dispositifs de gestion des restructurations d’une filière (cellules de reclassement inter-entreprises) et, dans une moindre mesure, les dispositifs de gestion de fin de CDD et d’intérim mis en œuvre ces dernières années (dans le cadre notamment des restructurations du secteur de l’automobile) ont permis d’observer que près de 50 % des salariés impactés avaient changé de secteur.

21

Des cas de passerelles intersectorielles s’observent également, bien que les cas soient encore rares, dans un contexte de mutations préparées. Le cas le plus emblématique est celui du pôle de mobilité régionale créé à l’initiative de STMicroelectronics qui s’est entouré de quelques entreprises partenaires. Le pôle, en mettant en œuvre des passerelles individuelles, devient un outil de gestion de carrières au service de STMicroelectronics et de ses entreprises partenaires. D’autres tentatives ont vu le jour, et permettent, malgré leur échec relatif, d’en tirer des enseignements : tel est le cas du dispositif « Mobijob »16 dans le secteur de la Vente à Distance sur le territoire de Lille-Roubaix-Tourcoing dont la finalité était d’accompagner la mutation du secteur vers le e-commerce. Parmi les initiatives étudiées, la passerelle « construction navale - construction aéronautique » est celle qui a sans doute le mieux fonctionné à ce jour par des raisons de compétences techniques et d’environnement produit proches, mais également de rémunérations de niveau comparable dans des environnements culturels somme toute assez similaires (grands groupes, …). La passerelle « automobile - aéronautique », actuellement en cours d’expérimentation, n’a pas encore fait ses preuves : d’abord les bassins historiques ne sont pas les mêmes (ouest pour la construction aéronautique, surtout l’est pour l’automobile), elle est donc plus complexe à se mettre en œuvre, mais aussi parce que les prérequis (socle de connaissance, qualité) et l’environnement produit sont différents, de même que les cadences et process, ou encore les tailles d’entreprises surtout chez les sous-traitants.

Principaux enseignements Quelques-uns des principaux enseignements tirés de l’état de l’art sur les passerelles intersectorielles : • Elles fonctionnent plutôt bien lorsqu’elles sont portées par une ou plusieurs entreprises dites accueillantes, c’est-à-dire en

recherche de compétences à plus ou moins court terme ; • Les passerelles temporaires peuvent être une étape pertinente dans la concrétisation d’une passerelle définitive : le cas

AIRBUS – STX sur le bassin de Saint Nazaire nous en apporte une illustration ; • Les passerelles sont d’autant plus attractives qu’elles proposent des possibilités de retour en arrière (pour les salariés

comme pour l’entreprise accueillante) : ce qui est désormais possible avec la Loi de sécurisation de l’emploi, à travers la mobilité volontaire externe sécurisée. Et se concrétisent plus facilement lorsqu’elles apportent un bénéfice à l’individu ;

• Elles réussissent si elles sont préparées en amont par des dispositifs de formation préparant la passerelle, et encore plus lorsqu’ils débouchent sur une certification (CQPI). La mise en œuvre de certifications (via la VAE notamment) produit des bénéfices collatéraux importants (valorisation du salarié, estime de soi …) qui constituent de vrais leviers pour lever des freins périphériques à l’emploi ;

• Enfin, elles nécessitent dans leur construction un investissement en temps important et ce d’autant plus lorsqu’elles sont construits dans une logique d’anticipation, mais cet investissement ne représente pas un coût économique démesuré au regard du stress évité aux individus, de la préservation de leur employabilité (due à une période de chômage plus ou moins longue), et des coûts directs et indirects économisés sur un territoire pour la collectivité par la minoration des départs contraints.

Constat n°2 : Des schémas de responsabilités de plus en plus partagées

Entre les entreprises, les personnes en activité, leurs représentants, les administrations publiques et les autres parties prenantes.

On a sans doute atteint les limites d’une forme d’hyper responsabilisation des entreprises et des contraintes légales qui leurs sont imposées en situation de restructuration

En même temps, et outre le fait que la situation a été rééquilibrée à leur avantage notamment depuis la LSE, les entreprises et en particulier les grands groupes doivent rester et même se renforcer comme acteurs responsables d’une bonne gestion de leurs « ressources humaines »

Le thème assez en vogue de « l’empowerment » des « offreurs de travail », sur le marché du travail, qui est soit dit en passant une abstraction économique, correspond sans doute à une véritable tendance de fond ; mais il ne met pas fin et loin de là aux responsabilités propres des entreprises ou des partenaires sociaux en matière d’emploi.

En cette matière comme en bien d’autres, c’est donc la capacité à faire collaborer et coopérer concrètement et utilement des acteurs divers aux intérêts souvent divergents au service de projets et d’objectifs communs qui s’avère décisive. Or force est de constater que si les collaborations se sont multipliées, c’est très souvent au prix de procédures complexes, coûteuses et instables.

16 Initié en 2010 avec un ADEC

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Sur un point plus technique mais assez peu évoqué la réforme à venir tout bientôt de la juridiction prud’homale nous semble à suivre de près ; avec la montée en puissance des ruptures dites conventionnelles ( issues d’un ANI de 2008) et de façon plus générale des contentieux individuels liés à des ruptures de contrats de travail, elle est en effet devenue un élément essentiel de régulation des sorties du marché du travail ; gageons que la réforme en cours tiendra ses promesses, en particulier en matière de délais de jugement.

Le retour de l’administration du travail dans les procédures de licenciements collectifs (à travers l’homologation ou la validation par les DIRECCTE des PSE) dans une position de tiers facilitant entre RP et directions nécessite un temps d’appropriation même si les premiers résultats sont encourageants, ce dont témoigne par exemple le faible taux de rejet des dossiers (environ 10% à peine) sans ignorer le nombre significatif de recours devant le tribunal administratif auxquels doit faire face l’inspection du travail.

Pour conclure sur ce constat, l’on ne peut que constater une forme d’attentisme des acteurs de nature à freiner la mise en œuvre effective de nouveaux dispositifs à laquelle contribue une tradition également bien ancrée de défiance et d’une forme d’étanchéité entre les secteurs publics et privés.

Un gisement d’initiatives territoriales en faveur de la mobilité susceptible de répondre

aux besoins de renouvellement des compétences des entreprises

• Depuis la Loi du 14 juin 2013, une mobilité volontaire à l’extérieur de son entreprise autorise le retour dans son emploi d’origine. Cet aller/retour dispose désormais d’un cadre juridique offrant ainsi la possibilité au salarié de donner corps à son désir de développement de savoir-faire nouveaux et du même coup offrant à l’entreprise la possibilité de ressourcer ses talents pour importer de nouvelles pratiques et compétences.

• Dans son « Bilan de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 » paru en avril 2015, le Ministère du travail ne pouvait que constater l’absence de données rendant compte de la mise en pratique de cette disposition…faute de formalité de déclaration par souci de simplicité des modalités de mise en œuvre de cette même disposition…

Le dispositif MODEL : une mobilité sécurisée dans le cadre d’un détachement temporaire • Des expérimentations conduites dans différentes régions françaises méritent d’être observées. • En Haute-Savoie, entre 2010 et 2011 et en Savoie sur la période 2011-2013, ce sont 5217 entreprises qui, réunies au sein du

dispositif MODEL, ont recensé 163 salariés volontaires pour une mobilité avec retour à son emploi d’origine. Ce recensement s’est concrétisé par 6818 détachements pour un total de 301 mois de travail, soit une durée moyenne de détachement d’un peu moins de 4,5 mois.

• Pour le département du Rhône, entre 2011 et 2013, ce sont 18 entreprises qui se sont regroupées toujours au sein du dispositif MODEL, soit un total de 4 450 salariés. 62 salariés se sont déclarés volontaires et 719 d’entre eux ont bénéficié d’un détachement avec une durée moyenne d’un peu moins de 3 mois.

• En 2014, toujours sur les départements 69, 74 et 73, ce sont 14 sites du département du Rhône qui ont adhéré au dispositif renforcés par un réseau de 15 entreprises, 6 en Savoie et 6 en Haute-Savoie avec pour résultats : 32 candidatures volontaires et 1520 détachements.

• A l’origine de ces dispositifs, on trouve : l’UT 74, la CCIT de Chambéry, la Région, des organismes d’accompagnement (TECHNLID, MEDEF, etc.), des partenaires sociaux, des acteurs économiques dont des entreprises qui concourent par leur adhésion au financement de l’animation.

• Autre initiative digne d’intérêt, cette fois dans le Haut-Rhin, où s’est créé un groupement d’entreprises soutenu par de l’UIMM Alsace, UIT Alsace, UIC Est et le MEDEF Alsace. Ce dispositif est porté par la Maison de l’Emploi et de la Formation du Pays de la région mulhousienne avec l’appui des MEF de Thur Doller, du Pays de Saint Louis et du Pays du Sundgau. Il est financé, dans sa phase expérimentale, par la DIRECCTE Alsace. Le dispositif recense les besoins de mobilité sécurisée

17 Sources MODEL – Mobilité Détachement Local 18 idem 19 idem 20 idem

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Se développe depuis la même période (les années 2000) toute une rhétorique de l’anticipation sans doute liée à nos modes de pensée et à la culture d’ingénieur toujours dominante dans le management français. Mais force est de constater que ce concept reste très franco français et qu’il n’a pas pris chez nombre de nos voisins européens (Allemagne, pays nordiques, Italie, Espagne pour ne pas parler du Royaume Uni). L’esprit français voudrait que la réalité économique suive les lois de la logique, mais force est de constater qu’il en va tout autrement. La LSE est encore tout entière structurée autour de cette notion d’anticipation pourtant largement inopérante en pratique.

Enfin, un mot sur les ressources humaines. Il s’agit là d’un vocabulaire qui puise systématiquement dans le registre financier, qu’il s’agisse de « ressources » ou pire encore de « capital », témoignant d’une difficulté durable à appréhender et à gérer ces dimensions proprement sociales de l’entreprise. Et ce alors qu’il est souvent utilisé à l’appui d’un argumentaire d’équilibrage entre l’économique et le social (dichotomie ultra rebattue depuis le milieu des années 70 et le « double projet » cher à Antoine Riboud, mais qui n’a pas beaucoup de sens en pratique tant les deux dimensions sont indissociablement liées, intégrées).

Pour finir, aujourd’hui la tendance est plutôt à l’emprunt au registre lexical des « outils » et autres « boites à outils » ainsi qu’à celui de la gestion (qui est au fond une forme d’ensemble d’outils de management) : on parle beaucoup de « comptes » de toutes natures, on gère les crises comme les ressources humaines, sans évoquer bien sûr la Finance, domaine très créatif dans le domaine…

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III - 2e PARTIE : LEÇONS TIRÉES ET PRINCIPAUX CONSTATS

A partir des études de cas et des investigations complémentaires réalisées par le Lab d’ASTREES, 7 grands constats nous paraissent se dégager autour de trois idées force :

- l’inefficacité globale des principaux leviers sur lesquels ont joué les acteurs publics et privés jusqu’à présent ;

- Une responsabilité de plus en plus partagée en matière de gestion des mobilités ; - Des points de vue et approches qui restent très cloisonnées.

Constat n°1 : Le manque d’efficacité des principaux leviers utilisés traditionnellement

Pour l’instant, pouvoirs publics, entreprises et acteurs sociaux ont joué principalement sur 4 leviers : l’accompagnement des PSE, la GPEC, la formation professionnelle et les approches territoriales qui se révèlent largement inefficaces

Or les PSE ne représentent qu’une petite partie des sorties du marché du travail (environ 3 %) ;

La GPEC s’est longtemps avérée peu opérante en pratique, soit parce qu’elle s’est développée de manière formelle, soit parce qu’elle a été détournée pour du traitement à chaud des problèmes (« GPSE ») ;

La formation professionnelle et son dernier avatar, le DIF, ont échoué à s’adresser aux publics qui en avaient le plus besoin ;

Les approches territoriales offrent quelques belles réalisations mais qui demeurent relativement précaires et isolées.

« Passerelles territoriales » : état des lieux

Contexte A la demande du Conseil National de l’Industrie, de l’UIMM et de la DGEFP, BPI Group a mené un état de l’art sur les passerelles territoriales inter secteurs / inter branches qui a conduit à étudier les actions originales et initiatives lancées pour faciliter la mobilité professionnelle des salariés sur un même territoire en regardant comment ces initiatives ont permis d’éviter ou de réduire les périodes d’inactivité pour les salariés concernés.

Historique Le phénomène des passerelles inter-branches / inter-secteurs s’est particulièrement développé au début des années 2000, même si des expériences plus anciennes avaient vu le jour dans la sidérurgie ou plus récemment dans le textile, avec par exemple, la plateforme de reconversion des métiers de la mode du Choletais (2000) ou la plateforme du cuir de Romans sur Isère, mise en place à la suite de la fermeture de l’entreprise Stéphane KELIAN (2005). La filière « télécom » en Bretagne, également marquée par une profonde restructuration au milieu des années 2000, a mis en place une plateforme de reconversion, ayant conduit au développement de passerelles territoriales. Malgré tout, les études font généralement référence aux actions mises en œuvre, aux bonnes pratiques développées entre les parties prenantes, aux conditions voire freins à la mobilité, mais peu aux bilans des actions, et à la volumétrie des bénéficiaires concernés. En somme, on ne sait que trop rarement, à travers les travaux, vers quels métiers les salariés impactés se sont reconvertis. Autre point à noter, les dispositifs mis en place ont rarement été pérennes dans le temps. Ils avaient pour la plupart vocation à disparaître une fois le problème traité.

Observations/analyses L’état de l’art ainsi réalisé a fait ressortir 6 types de passerelles intersectorielles à l’échelle d’un territoire, dont 3 types se placent dans un contexte de restructuration de filières (mutations subies) et 3 autres plutôt dans un contexte d’anticipation.

Les passerelles intersectorielles s’illustrent majoritairement dans des dispositifs de mobilité contrainte. Ainsi les dispositifs de gestion des restructurations d’une filière (cellules de reclassement inter-entreprises) et, dans une moindre mesure, les dispositifs de gestion de fin de CDD et d’intérim mis en œuvre ces dernières années (dans le cadre notamment des restructurations du secteur de l’automobile) ont permis d’observer que près de 50 % des salariés impactés avaient changé de secteur.

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Des cas de passerelles intersectorielles s’observent également, bien que les cas soient encore rares, dans un contexte de mutations préparées. Le cas le plus emblématique est celui du pôle de mobilité régionale créé à l’initiative de STMicroelectronics qui s’est entouré de quelques entreprises partenaires. Le pôle, en mettant en œuvre des passerelles individuelles, devient un outil de gestion de carrières au service de STMicroelectronics et de ses entreprises partenaires. D’autres tentatives ont vu le jour, et permettent, malgré leur échec relatif, d’en tirer des enseignements : tel est le cas du dispositif « Mobijob »16 dans le secteur de la Vente à Distance sur le territoire de Lille-Roubaix-Tourcoing dont la finalité était d’accompagner la mutation du secteur vers le e-commerce. Parmi les initiatives étudiées, la passerelle « construction navale - construction aéronautique » est celle qui a sans doute le mieux fonctionné à ce jour par des raisons de compétences techniques et d’environnement produit proches, mais également de rémunérations de niveau comparable dans des environnements culturels somme toute assez similaires (grands groupes, …). La passerelle « automobile - aéronautique », actuellement en cours d’expérimentation, n’a pas encore fait ses preuves : d’abord les bassins historiques ne sont pas les mêmes (ouest pour la construction aéronautique, surtout l’est pour l’automobile), elle est donc plus complexe à se mettre en œuvre, mais aussi parce que les prérequis (socle de connaissance, qualité) et l’environnement produit sont différents, de même que les cadences et process, ou encore les tailles d’entreprises surtout chez les sous-traitants.

Principaux enseignements Quelques-uns des principaux enseignements tirés de l’état de l’art sur les passerelles intersectorielles : • Elles fonctionnent plutôt bien lorsqu’elles sont portées par une ou plusieurs entreprises dites accueillantes, c’est-à-dire en

recherche de compétences à plus ou moins court terme ; • Les passerelles temporaires peuvent être une étape pertinente dans la concrétisation d’une passerelle définitive : le cas

AIRBUS – STX sur le bassin de Saint Nazaire nous en apporte une illustration ; • Les passerelles sont d’autant plus attractives qu’elles proposent des possibilités de retour en arrière (pour les salariés

comme pour l’entreprise accueillante) : ce qui est désormais possible avec la Loi de sécurisation de l’emploi, à travers la mobilité volontaire externe sécurisée. Et se concrétisent plus facilement lorsqu’elles apportent un bénéfice à l’individu ;

• Elles réussissent si elles sont préparées en amont par des dispositifs de formation préparant la passerelle, et encore plus lorsqu’ils débouchent sur une certification (CQPI). La mise en œuvre de certifications (via la VAE notamment) produit des bénéfices collatéraux importants (valorisation du salarié, estime de soi …) qui constituent de vrais leviers pour lever des freins périphériques à l’emploi ;

• Enfin, elles nécessitent dans leur construction un investissement en temps important et ce d’autant plus lorsqu’elles sont construits dans une logique d’anticipation, mais cet investissement ne représente pas un coût économique démesuré au regard du stress évité aux individus, de la préservation de leur employabilité (due à une période de chômage plus ou moins longue), et des coûts directs et indirects économisés sur un territoire pour la collectivité par la minoration des départs contraints.

Constat n°2 : Des schémas de responsabilités de plus en plus partagées

Entre les entreprises, les personnes en activité, leurs représentants, les administrations publiques et les autres parties prenantes.

On a sans doute atteint les limites d’une forme d’hyper responsabilisation des entreprises et des contraintes légales qui leurs sont imposées en situation de restructuration

En même temps, et outre le fait que la situation a été rééquilibrée à leur avantage notamment depuis la LSE, les entreprises et en particulier les grands groupes doivent rester et même se renforcer comme acteurs responsables d’une bonne gestion de leurs « ressources humaines »

Le thème assez en vogue de « l’empowerment » des « offreurs de travail », sur le marché du travail, qui est soit dit en passant une abstraction économique, correspond sans doute à une véritable tendance de fond ; mais il ne met pas fin et loin de là aux responsabilités propres des entreprises ou des partenaires sociaux en matière d’emploi.

En cette matière comme en bien d’autres, c’est donc la capacité à faire collaborer et coopérer concrètement et utilement des acteurs divers aux intérêts souvent divergents au service de projets et d’objectifs communs qui s’avère décisive. Or force est de constater que si les collaborations se sont multipliées, c’est très souvent au prix de procédures complexes, coûteuses et instables.

16 Initié en 2010 avec un ADEC

Page 24: L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES ... · L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES ... du développement économique et social dans les ... des

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III - 2e PARTIE : LEÇONS TIRÉES ET PRINCIPAUX CONSTATS

A partir des études de cas et des investigations complémentaires réalisées par le Lab d’ASTREES, 7 grands constats nous paraissent se dégager autour de trois idées force :

- l’inefficacité globale des principaux leviers sur lesquels ont joué les acteurs publics et privés jusqu’à présent ;

- Une responsabilité de plus en plus partagée en matière de gestion des mobilités ; - Des points de vue et approches qui restent très cloisonnées.

Constat n°1 : Le manque d’efficacité des principaux leviers utilisés traditionnellement

Pour l’instant, pouvoirs publics, entreprises et acteurs sociaux ont joué principalement sur 4 leviers : l’accompagnement des PSE, la GPEC, la formation professionnelle et les approches territoriales qui se révèlent largement inefficaces

Or les PSE ne représentent qu’une petite partie des sorties du marché du travail (environ 3 %) ;

La GPEC s’est longtemps avérée peu opérante en pratique, soit parce qu’elle s’est développée de manière formelle, soit parce qu’elle a été détournée pour du traitement à chaud des problèmes (« GPSE ») ;

La formation professionnelle et son dernier avatar, le DIF, ont échoué à s’adresser aux publics qui en avaient le plus besoin ;

Les approches territoriales offrent quelques belles réalisations mais qui demeurent relativement précaires et isolées.

« Passerelles territoriales » : état des lieux

Contexte A la demande du Conseil National de l’Industrie, de l’UIMM et de la DGEFP, BPI Group a mené un état de l’art sur les passerelles territoriales inter secteurs / inter branches qui a conduit à étudier les actions originales et initiatives lancées pour faciliter la mobilité professionnelle des salariés sur un même territoire en regardant comment ces initiatives ont permis d’éviter ou de réduire les périodes d’inactivité pour les salariés concernés.

Historique Le phénomène des passerelles inter-branches / inter-secteurs s’est particulièrement développé au début des années 2000, même si des expériences plus anciennes avaient vu le jour dans la sidérurgie ou plus récemment dans le textile, avec par exemple, la plateforme de reconversion des métiers de la mode du Choletais (2000) ou la plateforme du cuir de Romans sur Isère, mise en place à la suite de la fermeture de l’entreprise Stéphane KELIAN (2005). La filière « télécom » en Bretagne, également marquée par une profonde restructuration au milieu des années 2000, a mis en place une plateforme de reconversion, ayant conduit au développement de passerelles territoriales. Malgré tout, les études font généralement référence aux actions mises en œuvre, aux bonnes pratiques développées entre les parties prenantes, aux conditions voire freins à la mobilité, mais peu aux bilans des actions, et à la volumétrie des bénéficiaires concernés. En somme, on ne sait que trop rarement, à travers les travaux, vers quels métiers les salariés impactés se sont reconvertis. Autre point à noter, les dispositifs mis en place ont rarement été pérennes dans le temps. Ils avaient pour la plupart vocation à disparaître une fois le problème traité.

Observations/analyses L’état de l’art ainsi réalisé a fait ressortir 6 types de passerelles intersectorielles à l’échelle d’un territoire, dont 3 types se placent dans un contexte de restructuration de filières (mutations subies) et 3 autres plutôt dans un contexte d’anticipation.

Les passerelles intersectorielles s’illustrent majoritairement dans des dispositifs de mobilité contrainte. Ainsi les dispositifs de gestion des restructurations d’une filière (cellules de reclassement inter-entreprises) et, dans une moindre mesure, les dispositifs de gestion de fin de CDD et d’intérim mis en œuvre ces dernières années (dans le cadre notamment des restructurations du secteur de l’automobile) ont permis d’observer que près de 50 % des salariés impactés avaient changé de secteur.

21

Des cas de passerelles intersectorielles s’observent également, bien que les cas soient encore rares, dans un contexte de mutations préparées. Le cas le plus emblématique est celui du pôle de mobilité régionale créé à l’initiative de STMicroelectronics qui s’est entouré de quelques entreprises partenaires. Le pôle, en mettant en œuvre des passerelles individuelles, devient un outil de gestion de carrières au service de STMicroelectronics et de ses entreprises partenaires. D’autres tentatives ont vu le jour, et permettent, malgré leur échec relatif, d’en tirer des enseignements : tel est le cas du dispositif « Mobijob »16 dans le secteur de la Vente à Distance sur le territoire de Lille-Roubaix-Tourcoing dont la finalité était d’accompagner la mutation du secteur vers le e-commerce. Parmi les initiatives étudiées, la passerelle « construction navale - construction aéronautique » est celle qui a sans doute le mieux fonctionné à ce jour par des raisons de compétences techniques et d’environnement produit proches, mais également de rémunérations de niveau comparable dans des environnements culturels somme toute assez similaires (grands groupes, …). La passerelle « automobile - aéronautique », actuellement en cours d’expérimentation, n’a pas encore fait ses preuves : d’abord les bassins historiques ne sont pas les mêmes (ouest pour la construction aéronautique, surtout l’est pour l’automobile), elle est donc plus complexe à se mettre en œuvre, mais aussi parce que les prérequis (socle de connaissance, qualité) et l’environnement produit sont différents, de même que les cadences et process, ou encore les tailles d’entreprises surtout chez les sous-traitants.

Principaux enseignements Quelques-uns des principaux enseignements tirés de l’état de l’art sur les passerelles intersectorielles : • Elles fonctionnent plutôt bien lorsqu’elles sont portées par une ou plusieurs entreprises dites accueillantes, c’est-à-dire en

recherche de compétences à plus ou moins court terme ; • Les passerelles temporaires peuvent être une étape pertinente dans la concrétisation d’une passerelle définitive : le cas

AIRBUS – STX sur le bassin de Saint Nazaire nous en apporte une illustration ; • Les passerelles sont d’autant plus attractives qu’elles proposent des possibilités de retour en arrière (pour les salariés

comme pour l’entreprise accueillante) : ce qui est désormais possible avec la Loi de sécurisation de l’emploi, à travers la mobilité volontaire externe sécurisée. Et se concrétisent plus facilement lorsqu’elles apportent un bénéfice à l’individu ;

• Elles réussissent si elles sont préparées en amont par des dispositifs de formation préparant la passerelle, et encore plus lorsqu’ils débouchent sur une certification (CQPI). La mise en œuvre de certifications (via la VAE notamment) produit des bénéfices collatéraux importants (valorisation du salarié, estime de soi …) qui constituent de vrais leviers pour lever des freins périphériques à l’emploi ;

• Enfin, elles nécessitent dans leur construction un investissement en temps important et ce d’autant plus lorsqu’elles sont construits dans une logique d’anticipation, mais cet investissement ne représente pas un coût économique démesuré au regard du stress évité aux individus, de la préservation de leur employabilité (due à une période de chômage plus ou moins longue), et des coûts directs et indirects économisés sur un territoire pour la collectivité par la minoration des départs contraints.

Constat n°2 : Des schémas de responsabilités de plus en plus partagées

Entre les entreprises, les personnes en activité, leurs représentants, les administrations publiques et les autres parties prenantes.

On a sans doute atteint les limites d’une forme d’hyper responsabilisation des entreprises et des contraintes légales qui leurs sont imposées en situation de restructuration

En même temps, et outre le fait que la situation a été rééquilibrée à leur avantage notamment depuis la LSE, les entreprises et en particulier les grands groupes doivent rester et même se renforcer comme acteurs responsables d’une bonne gestion de leurs « ressources humaines »

Le thème assez en vogue de « l’empowerment » des « offreurs de travail », sur le marché du travail, qui est soit dit en passant une abstraction économique, correspond sans doute à une véritable tendance de fond ; mais il ne met pas fin et loin de là aux responsabilités propres des entreprises ou des partenaires sociaux en matière d’emploi.

En cette matière comme en bien d’autres, c’est donc la capacité à faire collaborer et coopérer concrètement et utilement des acteurs divers aux intérêts souvent divergents au service de projets et d’objectifs communs qui s’avère décisive. Or force est de constater que si les collaborations se sont multipliées, c’est très souvent au prix de procédures complexes, coûteuses et instables.

16 Initié en 2010 avec un ADEC

22

Sur un point plus technique mais assez peu évoqué la réforme à venir tout bientôt de la juridiction prud’homale nous semble à suivre de près ; avec la montée en puissance des ruptures dites conventionnelles ( issues d’un ANI de 2008) et de façon plus générale des contentieux individuels liés à des ruptures de contrats de travail, elle est en effet devenue un élément essentiel de régulation des sorties du marché du travail ; gageons que la réforme en cours tiendra ses promesses, en particulier en matière de délais de jugement.

Le retour de l’administration du travail dans les procédures de licenciements collectifs (à travers l’homologation ou la validation par les DIRECCTE des PSE) dans une position de tiers facilitant entre RP et directions nécessite un temps d’appropriation même si les premiers résultats sont encourageants, ce dont témoigne par exemple le faible taux de rejet des dossiers (environ 10% à peine) sans ignorer le nombre significatif de recours devant le tribunal administratif auxquels doit faire face l’inspection du travail.

Pour conclure sur ce constat, l’on ne peut que constater une forme d’attentisme des acteurs de nature à freiner la mise en œuvre effective de nouveaux dispositifs à laquelle contribue une tradition également bien ancrée de défiance et d’une forme d’étanchéité entre les secteurs publics et privés.

Un gisement d’initiatives territoriales en faveur de la mobilité susceptible de répondre

aux besoins de renouvellement des compétences des entreprises

• Depuis la Loi du 14 juin 2013, une mobilité volontaire à l’extérieur de son entreprise autorise le retour dans son emploi d’origine. Cet aller/retour dispose désormais d’un cadre juridique offrant ainsi la possibilité au salarié de donner corps à son désir de développement de savoir-faire nouveaux et du même coup offrant à l’entreprise la possibilité de ressourcer ses talents pour importer de nouvelles pratiques et compétences.

• Dans son « Bilan de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 » paru en avril 2015, le Ministère du travail ne pouvait que constater l’absence de données rendant compte de la mise en pratique de cette disposition…faute de formalité de déclaration par souci de simplicité des modalités de mise en œuvre de cette même disposition…

Le dispositif MODEL : une mobilité sécurisée dans le cadre d’un détachement temporaire • Des expérimentations conduites dans différentes régions françaises méritent d’être observées. • En Haute-Savoie, entre 2010 et 2011 et en Savoie sur la période 2011-2013, ce sont 5217 entreprises qui, réunies au sein du

dispositif MODEL, ont recensé 163 salariés volontaires pour une mobilité avec retour à son emploi d’origine. Ce recensement s’est concrétisé par 6818 détachements pour un total de 301 mois de travail, soit une durée moyenne de détachement d’un peu moins de 4,5 mois.

• Pour le département du Rhône, entre 2011 et 2013, ce sont 18 entreprises qui se sont regroupées toujours au sein du dispositif MODEL, soit un total de 4 450 salariés. 62 salariés se sont déclarés volontaires et 719 d’entre eux ont bénéficié d’un détachement avec une durée moyenne d’un peu moins de 3 mois.

• En 2014, toujours sur les départements 69, 74 et 73, ce sont 14 sites du département du Rhône qui ont adhéré au dispositif renforcés par un réseau de 15 entreprises, 6 en Savoie et 6 en Haute-Savoie avec pour résultats : 32 candidatures volontaires et 1520 détachements.

• A l’origine de ces dispositifs, on trouve : l’UT 74, la CCIT de Chambéry, la Région, des organismes d’accompagnement (TECHNLID, MEDEF, etc.), des partenaires sociaux, des acteurs économiques dont des entreprises qui concourent par leur adhésion au financement de l’animation.

• Autre initiative digne d’intérêt, cette fois dans le Haut-Rhin, où s’est créé un groupement d’entreprises soutenu par de l’UIMM Alsace, UIT Alsace, UIC Est et le MEDEF Alsace. Ce dispositif est porté par la Maison de l’Emploi et de la Formation du Pays de la région mulhousienne avec l’appui des MEF de Thur Doller, du Pays de Saint Louis et du Pays du Sundgau. Il est financé, dans sa phase expérimentale, par la DIRECCTE Alsace. Le dispositif recense les besoins de mobilité sécurisée

17 Sources MODEL – Mobilité Détachement Local 18 idem 19 idem 20 idem

19

Se développe depuis la même période (les années 2000) toute une rhétorique de l’anticipation sans doute liée à nos modes de pensée et à la culture d’ingénieur toujours dominante dans le management français. Mais force est de constater que ce concept reste très franco français et qu’il n’a pas pris chez nombre de nos voisins européens (Allemagne, pays nordiques, Italie, Espagne pour ne pas parler du Royaume Uni). L’esprit français voudrait que la réalité économique suive les lois de la logique, mais force est de constater qu’il en va tout autrement. La LSE est encore tout entière structurée autour de cette notion d’anticipation pourtant largement inopérante en pratique.

Enfin, un mot sur les ressources humaines. Il s’agit là d’un vocabulaire qui puise systématiquement dans le registre financier, qu’il s’agisse de « ressources » ou pire encore de « capital », témoignant d’une difficulté durable à appréhender et à gérer ces dimensions proprement sociales de l’entreprise. Et ce alors qu’il est souvent utilisé à l’appui d’un argumentaire d’équilibrage entre l’économique et le social (dichotomie ultra rebattue depuis le milieu des années 70 et le « double projet » cher à Antoine Riboud, mais qui n’a pas beaucoup de sens en pratique tant les deux dimensions sont indissociablement liées, intégrées).

Pour finir, aujourd’hui la tendance est plutôt à l’emprunt au registre lexical des « outils » et autres « boites à outils » ainsi qu’à celui de la gestion (qui est au fond une forme d’ensemble d’outils de management) : on parle beaucoup de « comptes » de toutes natures, on gère les crises comme les ressources humaines, sans évoquer bien sûr la Finance, domaine très créatif dans le domaine…

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Peut-être faudrait-il tempérer les freins liés aux postures salariés ou managériaux face à la mobilité interne, dans la mesure où en cas de sauvegarde de la compétitivité et ses conséquences en termes de suppressions d’emploi, le nombre d’emplois devant être pourvus est nécessairement faible et souvent subordonné à de rares et éventuelles créations de postes nouveaux. En revanche, dès lors que ces réductions d’emplois s’accompagnent d’un dispositif de volontariat – avec ou sans plan de départs volontaire – le nombre de départs excède fréquemment le nombre de suppressions de postes et offre ainsi une opportunité de développement de la mobilité interne. Et c’est à cette occasion qu’interviennent les freins réels révélés par l’étude d’ADC et que pourraient être mis en œuvre les logiques d’accompagnement de la mobilité explorées précédemment.

Enquête ADC obligation de reclassement

Les Ateliers de la convergence ont conduit, de juin à août 2013, la première édition de leur enquête nationale sur le reclassement. Cette dernière a permis de recueillir les réponses de 201 responsables en entreprise ayant personnellement participé à la mise en œuvre d’un licenciement économique. L’enquête éclaire les limites de l’obligation de reclassement, qu’il soit interne ou externe.

L’obligation de reclassement interne, élément devenu majeur du droit du licenciement économique, demeure rarement synonyme de reclassement effectif. Peu d’offres formulées côté entreprise, peu d’offres acceptées côté salariés. Cette situation tient à la difficulté à lever les freins multiples à la mobilité interne, qu’ils tiennent au salarié (dont la mobilité géographique et professionnelle est jugée faible) ou à l’entreprise (freins managériaux). Dans cette mesure, l’enquête appelle au développement d’une culture permanente de la mobilité au sein des organisations qui serait de nature à rendre plus effective la mobilité interne. La problématique est en effet bien celle de la conciliation du temps long du reclassement avec celui de la nécessaire réactivité dont l’entreprise doit faire preuve face aux enjeux de compétitivité.

La recherche d’un reclassement externe donne souvent, quant à elle, lieu à la mise en place d’une multitude de mesures au travers des PSE. Pour autant, certaines apparaissent systématiquement utilisées sans pour autant toujours être jugées utiles, ainsi de l’aide à la création d’entreprise ou de l‘aide à la mobilité géographique. Plus encore, certaines mesures, très souvent retenues et valorisées par les répondants, semblent davantage répondre au rapport de force dans l’entreprise plutôt qu’à une réflexion collective orientée sur le reclassement effectif des salariés : les indemnités supra légales de licenciement illustrent tout particulièrement cette hypothèse.

Au vu de ces observations l’enquête conduit à douter que la responsabilisation juridique de l’employeur, telle qu’elle existe aujourd’hui, suffise à créer les conditions d’une sécurisation des parcours professionnels des salariés. Elle pointe dès lors la pertinence d’approches territoriales de la gestion de l’emploi.

D’une façon assez générale en Europe, on tend à compenser les impératifs de flexibilité pour les entreprises par de nouvelles garanties de sécurité pour les salariés. C’est la fameuse « flexicurité » érigée en norme par l’UE depuis 2005. En France, on commence à parler de « flexicurité à la française », en particulier depuis l’ANI de janvier 2013. Mais jusque-là, on avait plutôt tendance à parler de « sécurisation des parcours professionnels ». Là aussi, la sémantique est intéressante, car de même qu’on a toujours eu tendance à recourir à la mobilité externe et subie (plutôt qu’interne et choisie ou négociée), c’est ce qu’on pourrait appeler la « flexicurité externe » qui s’est d’abord imposée chez nous. En cherchant à sécuriser les parcours, à travers par exemple la portabilité d’un certain nombre de droits, on admet, consciemment ou pas, que la flexibilité passe nécessairement par des suppressions d’emplois, par opposition avec ce qu’on pourrait appeler « la flexicurité interne », c'est-à-dire des mesures permettant aux entreprises de passer une mauvaise passe sans supprimer d’emplois (Cf. les dispositions mises en œuvre en Italie) ce qu’on s’est essayé à faire en instituant les accords de maintien dans l’emploi dont le bilan est aujourd’hui plus que maigrelet avec 5 accords signés en plus d’un an.

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exprimés tant par les entreprises adhérentes que par les salariés à la recherche d’un ressourcement et d’une opportunité de développement.

• Toutes ces expérimentations reposent sur un outillage juridique très simple : un contrat de mise à disposition à but non lucratif. Résultat, une liste de 80 opportunités d’accueil de mobilité sur les bassins d’emploi de la région Rhône Alpes et du Sud de l’Alsace, dont 1421 offres à l’initiative de la plateforme toute naissante de « Mobilité Détachement Local » alsacienne.

Quels sont les motifs qui poussent aujourd’hui des entreprises et des salariés à se retrouver sur de telles plateformes ? • A l’évidence, le nombre de ces opportunités de mouvement, voire les mobilités concrétisées, ne saurait constituer une

réponse solide aux besoins de recrutement ou de gestion des sureffectifs, voire encore moins à une hypothétique résolution du chômage.

• En fait, ce sont des facteurs internes aux entreprises qui les déterminent et déterminent leurs salariés à s’inscrire dans de telles initiatives.

• Le vieillissement des pyramides des âges des organisations et l’écrasement des organigrammes et des effectifs sous l’effet des plans d’optimisation organisationnels successifs conduisent entreprises et salariés à avoir un intérêt commun à la mobilité temporaire.

• Les entreprises cherchent des opportunités de renouvellement de leurs savoir-faire tout en demeurant agiles en termes d’emploi, ce qui exclut de recourir aux PSE.

• Les salariés cherchent à développer leurs compétences et leur savoir-faire au sein de cultures d’entreprises diversifiées sans devoir s’engager dans des mobilités risquées.

• Ainsi, les secteurs industriels à fort taux d’ancienneté de la Chimie et de la Métallurgie sont sensibles à cette double problématique.

De nouveaux entrants du secteur assurantiel ou mutualiste • Les entreprises relevant du secteur assurantiel ou mutualiste présentent des caractéristiques qui les prédisposent à cette

exigence d’un renouvellement de compétences et leurs salariés à la recherche de diversification sécurisée de leurs savoir-faire.

• Les groupes d’assurance, les mutuelles sont aujourd’hui confrontées à une évolution profonde de leur environnement appelant de nouvelles expertises et savoir-faire en matière de management et de planification des ressources sous l’effet de l’introduction des technologies de l’information notamment. Sauf que ce renouvellement est bloqué par les restrictions en termes d’embauche et que l’acquisition pour les salariés de ces nouveaux savoir-faire est conditionnée par l’exigence d’une mobilité externe.

• Le renouvellement combiné de la pyramide des âges et des compétences22 implique nécessairement des mobilités à marche quasiment forcée. Hors la simple mobilité fonctionnelle ne suffit plus à satisfaire cette exigence de mouvement.

• Ainsi s’explique l’apparition de nouvelles formes de mobilité et l’apparition récente d’initiatives sur le bassin d’emploi niortais comparables à celles engagées depuis 2011 dans les départements rhônalpins et plus récemment du Haut-Rhin.

• Cette façon d’appréhender la mobilité tourne le dos aux logiques classiques de GPEC et de mobilité externe défensive pour rechercher de nouvelles compétences au bénéfice de séquences de mobilité externe temporaire et offrir aux salariés des opportunités sécurisées de développement professionnel et personnel.

• Ces initiatives demeurent embryonnaires et les retours d’expérience sont encore trop discrets pour prétendre constituer une politique.

• Reste que la demande sociale des salariés et les besoins de certains secteurs et de grands groupes pourraient donner à la mobilité volontaire sécurisée et temporaire un souffle inattendu.

21 idem 22 Cf. article Sophie Girardeau : secteur de l’Assurance : les passerelles métiers internes - http://www.blog-pour-emploi.com/2013/06/10/secteur-de-l-assurance-les-passerelles-metiers-internes/

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Peut-être faudrait-il tempérer les freins liés aux postures salariés ou managériaux face à la mobilité interne, dans la mesure où en cas de sauvegarde de la compétitivité et ses conséquences en termes de suppressions d’emploi, le nombre d’emplois devant être pourvus est nécessairement faible et souvent subordonné à de rares et éventuelles créations de postes nouveaux. En revanche, dès lors que ces réductions d’emplois s’accompagnent d’un dispositif de volontariat – avec ou sans plan de départs volontaire – le nombre de départs excède fréquemment le nombre de suppressions de postes et offre ainsi une opportunité de développement de la mobilité interne. Et c’est à cette occasion qu’interviennent les freins réels révélés par l’étude d’ADC et que pourraient être mis en œuvre les logiques d’accompagnement de la mobilité explorées précédemment.

Enquête ADC obligation de reclassement

Les Ateliers de la convergence ont conduit, de juin à août 2013, la première édition de leur enquête nationale sur le reclassement. Cette dernière a permis de recueillir les réponses de 201 responsables en entreprise ayant personnellement participé à la mise en œuvre d’un licenciement économique. L’enquête éclaire les limites de l’obligation de reclassement, qu’il soit interne ou externe.

L’obligation de reclassement interne, élément devenu majeur du droit du licenciement économique, demeure rarement synonyme de reclassement effectif. Peu d’offres formulées côté entreprise, peu d’offres acceptées côté salariés. Cette situation tient à la difficulté à lever les freins multiples à la mobilité interne, qu’ils tiennent au salarié (dont la mobilité géographique et professionnelle est jugée faible) ou à l’entreprise (freins managériaux). Dans cette mesure, l’enquête appelle au développement d’une culture permanente de la mobilité au sein des organisations qui serait de nature à rendre plus effective la mobilité interne. La problématique est en effet bien celle de la conciliation du temps long du reclassement avec celui de la nécessaire réactivité dont l’entreprise doit faire preuve face aux enjeux de compétitivité.

La recherche d’un reclassement externe donne souvent, quant à elle, lieu à la mise en place d’une multitude de mesures au travers des PSE. Pour autant, certaines apparaissent systématiquement utilisées sans pour autant toujours être jugées utiles, ainsi de l’aide à la création d’entreprise ou de l‘aide à la mobilité géographique. Plus encore, certaines mesures, très souvent retenues et valorisées par les répondants, semblent davantage répondre au rapport de force dans l’entreprise plutôt qu’à une réflexion collective orientée sur le reclassement effectif des salariés : les indemnités supra légales de licenciement illustrent tout particulièrement cette hypothèse.

Au vu de ces observations l’enquête conduit à douter que la responsabilisation juridique de l’employeur, telle qu’elle existe aujourd’hui, suffise à créer les conditions d’une sécurisation des parcours professionnels des salariés. Elle pointe dès lors la pertinence d’approches territoriales de la gestion de l’emploi.

D’une façon assez générale en Europe, on tend à compenser les impératifs de flexibilité pour les entreprises par de nouvelles garanties de sécurité pour les salariés. C’est la fameuse « flexicurité » érigée en norme par l’UE depuis 2005. En France, on commence à parler de « flexicurité à la française », en particulier depuis l’ANI de janvier 2013. Mais jusque-là, on avait plutôt tendance à parler de « sécurisation des parcours professionnels ». Là aussi, la sémantique est intéressante, car de même qu’on a toujours eu tendance à recourir à la mobilité externe et subie (plutôt qu’interne et choisie ou négociée), c’est ce qu’on pourrait appeler la « flexicurité externe » qui s’est d’abord imposée chez nous. En cherchant à sécuriser les parcours, à travers par exemple la portabilité d’un certain nombre de droits, on admet, consciemment ou pas, que la flexibilité passe nécessairement par des suppressions d’emplois, par opposition avec ce qu’on pourrait appeler « la flexicurité interne », c'est-à-dire des mesures permettant aux entreprises de passer une mauvaise passe sans supprimer d’emplois (Cf. les dispositions mises en œuvre en Italie) ce qu’on s’est essayé à faire en instituant les accords de maintien dans l’emploi dont le bilan est aujourd’hui plus que maigrelet avec 5 accords signés en plus d’un an.

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exprimés tant par les entreprises adhérentes que par les salariés à la recherche d’un ressourcement et d’une opportunité de développement.

• Toutes ces expérimentations reposent sur un outillage juridique très simple : un contrat de mise à disposition à but non lucratif. Résultat, une liste de 80 opportunités d’accueil de mobilité sur les bassins d’emploi de la région Rhône Alpes et du Sud de l’Alsace, dont 1421 offres à l’initiative de la plateforme toute naissante de « Mobilité Détachement Local » alsacienne.

Quels sont les motifs qui poussent aujourd’hui des entreprises et des salariés à se retrouver sur de telles plateformes ? • A l’évidence, le nombre de ces opportunités de mouvement, voire les mobilités concrétisées, ne saurait constituer une

réponse solide aux besoins de recrutement ou de gestion des sureffectifs, voire encore moins à une hypothétique résolution du chômage.

• En fait, ce sont des facteurs internes aux entreprises qui les déterminent et déterminent leurs salariés à s’inscrire dans de telles initiatives.

• Le vieillissement des pyramides des âges des organisations et l’écrasement des organigrammes et des effectifs sous l’effet des plans d’optimisation organisationnels successifs conduisent entreprises et salariés à avoir un intérêt commun à la mobilité temporaire.

• Les entreprises cherchent des opportunités de renouvellement de leurs savoir-faire tout en demeurant agiles en termes d’emploi, ce qui exclut de recourir aux PSE.

• Les salariés cherchent à développer leurs compétences et leur savoir-faire au sein de cultures d’entreprises diversifiées sans devoir s’engager dans des mobilités risquées.

• Ainsi, les secteurs industriels à fort taux d’ancienneté de la Chimie et de la Métallurgie sont sensibles à cette double problématique.

De nouveaux entrants du secteur assurantiel ou mutualiste • Les entreprises relevant du secteur assurantiel ou mutualiste présentent des caractéristiques qui les prédisposent à cette

exigence d’un renouvellement de compétences et leurs salariés à la recherche de diversification sécurisée de leurs savoir-faire.

• Les groupes d’assurance, les mutuelles sont aujourd’hui confrontées à une évolution profonde de leur environnement appelant de nouvelles expertises et savoir-faire en matière de management et de planification des ressources sous l’effet de l’introduction des technologies de l’information notamment. Sauf que ce renouvellement est bloqué par les restrictions en termes d’embauche et que l’acquisition pour les salariés de ces nouveaux savoir-faire est conditionnée par l’exigence d’une mobilité externe.

• Le renouvellement combiné de la pyramide des âges et des compétences22 implique nécessairement des mobilités à marche quasiment forcée. Hors la simple mobilité fonctionnelle ne suffit plus à satisfaire cette exigence de mouvement.

• Ainsi s’explique l’apparition de nouvelles formes de mobilité et l’apparition récente d’initiatives sur le bassin d’emploi niortais comparables à celles engagées depuis 2011 dans les départements rhônalpins et plus récemment du Haut-Rhin.

• Cette façon d’appréhender la mobilité tourne le dos aux logiques classiques de GPEC et de mobilité externe défensive pour rechercher de nouvelles compétences au bénéfice de séquences de mobilité externe temporaire et offrir aux salariés des opportunités sécurisées de développement professionnel et personnel.

• Ces initiatives demeurent embryonnaires et les retours d’expérience sont encore trop discrets pour prétendre constituer une politique.

• Reste que la demande sociale des salariés et les besoins de certains secteurs et de grands groupes pourraient donner à la mobilité volontaire sécurisée et temporaire un souffle inattendu.

21 idem 22 Cf. article Sophie Girardeau : secteur de l’Assurance : les passerelles métiers internes - http://www.blog-pour-emploi.com/2013/06/10/secteur-de-l-assurance-les-passerelles-metiers-internes/

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Constat n°3 : Une approche des mobilités qui demeure très segmentée

Des politiques publiques, à l’image de l’organisation en silos des administrations centrales. En outre, l’effort public se concentre sur la mise à disposition d’outils sans vision systémique de leurs conditions d’utilisation ni diagnostic précis des besoins d’accompagnement des transformations et des évolutions des comportements qu’elles supposent.

Le nombre d’administrations et autres autorités ou administrations indépendantes,

déconcentrées ou décentralisées impliquées dans les questions touchant à la gestion des mutations, des restructurations, des parcours professionnels du travail et de l’emploi est notoirement foisonnant : Pôle Emploi, chef de file de notre service public de l’emploi (SPE) réunit certes les missions autrefois dévolues à l’ANPE d’une part et à l’ASSEDIC de l’autre mais porte toujours les séquelles d’une fusion menée à marche forcée et sans que suffisamment d’attention ait pu être apportée à ses impacts sur le travail des agents et le service rendu aux demandeurs d’emploi. La complémentarité entre l’APEC et Pôle Emploi Cadre reste elle peu lisible. S’y ajoute l’ensemble du secteur de la formation professionnelle et le maquis des organismes paritaires et autres acteurs aux différents niveaux du processus.

Ce déficit de coordination et de transversalité des interventions de la puissance publique et des organismes paritaires s’aggrave encore quand on observe qu’une partie non négligeable des freins réels à la mobilité, souvent abordés de façon un peu trop « psychologisante », sont liés à des éléments bien concrets, en particulier le logement et les transports qui obéissent à leur propre logique de politique publique.

Autre acteur clé, quoiqu’encore en gestation : le fameux « service public régional de l’orientation » (SPRO) qui, quoiqu’étant le pivot organisationnel d’une mise en œuvre réussie de la sécurisation des parcours et de la réforme de la formation professionnelle, demeure pour l’heure un concept dont certain de ses concepteurs mêmes espèrent une vertu performative … Au-delà de la boutade, il s’agit d’un choix extrêmement volontariste de mise en synergie d’acteurs très divers et pas nécessairement enclins ou habitués à la coopération.

De fait, entre des méthodes de plus en plus négociées et concertées de production des normes sociales, et le fait de confier la mise en œuvre de dispositifs opérationnels aussi ambitieux que le CEP ou le CPF à une diversité d’acteurs, qui plus est pas nécessairement les mieux préparés, comme dans le cas des « Big Five » (les 5 grands acteurs publics ou parapublics du SPE ou de la formation professionnelle) pour le CEP, on prend le risque d’insécuriser les processus de mise en œuvre, d’accompagnement et de déploiement de dispositifs par ailleurs bien conçus.

Enfin à défaut d’une conception socio politique à peu près claire et d’une vision partagée de la mobilité dans notre pays, les idées (et les idéaux) des uns sont trop souvent freinés par d’autres dans la mise en œuvre pour des raisons techniques, politiques ou encore précisément liées au nécessaire hiatus entre le temps plus long des administrations et celui plus éphémère des gouvernements.

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de postes et on insiste sur les mesures permettant d’en limiter les inconvénients et dont l’éventail tend à s’élargir (reclassement, revitalisation, reprise de site, …). Avec le PSE actuel, on pousse cette logique sémantique très loin en parlant de sauvegarde de l’emploi alors même qu’il s’agit quand même malgré et avant tout d’en supprimer ! Dans la même veine, les structures internes de reclassement dans les grands groupes sont fréquemment appelées « de développement » (comme chez Saint-Gobain, Michelin ou Sanofi). De même, on parle de « transition professionnelle » plutôt que de chômage.

En dehors de la tendance à l’euphémisme ou à l’antiphrase, certains registres lexicaux reviennent régulièrement dans le discours sur la mobilité.

D’abord, celui de la dramatisation. C’est l’exemple célèbre de la courbe dite de deuil reprise d’un modèle utilisé en psychologie clinique (modèle de Kubler Ross). On parle aussi des « survivants »15 mais par traduction d’une expression d’abord utilisée dans le monde anglo-saxon. Dans la même veine, la sociologue Manuella Roupnel Fuentes parle de « rupture sociale totale » pour les salariés de Moulinex dans la recherche qu’elle a consacrée à la fermeture de Moulinex en 2001.

Du point de vue des entreprises ou du patronat, c’est en bonne logique, une forme d’économisme gestionnaire et financier qui s’impose progressivement. C’est ainsi que la « sauvegarde de la compétitivité » est admise comme cause réelle et sérieuse de licenciement collectif suite à une jurisprudence constante dans les années 90 consacrée par une loi de janvier 2002. Aujourd’hui, dans un contexte de compétition mondiale et de financiarisation de notre économie, ce sont les termes de « flexibilité » et « d’agilité » qui reviennent en permanence et tentent de s’imposer face à une faible « mobilité » prétendue des salariés français, érigée en facteur de blocage de notre société par les décideurs économiques mais aussi politiques ….

Autre registre, toujours concernant les « patrons », celui de la contrainte légale ou de l’obligation : obligation de reclassement interne, et à défaut externe, instituée par la loi de 2002 de même que l’obligation de revitalisation, multiples obligations de négocier (dont l’obligation de négocier sur la GPEC tous les 3 ans depuis la loi BORLOO de 2005), obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture de site, etc. On observe toutefois un glissement sémantique de « l’obligation » vers la « responsabilisation ». D’une part, l’admission de l’argument de sauvegarde de compétitivité a d’abord choqué l’opinion publique et certains quotidiens se plaisaient dans les années 90 à publier des palmarès des groupes qui licencient et font des bénéfices. C’est la thématique des « patrons voyous » et la tendance logique à vouloir leur faire assumer davantage de « responsabilité sociale ». On parle d’ailleurs depuis quelques années de « restructuration socialement responsable », où les patrons, mais aussi les territoires et les salariés eux-mêmes ont des responsabilités partagées. Le registre de l’obligation est ainsi en train de s’amenuiser au fur et à mesure que notre droit du travail se « modernise » : il n’y a ainsi plus d’autorisation administrative de licenciements (instituées en 1975 et supprimée en 1986), même si avec la LSE de juin 2013 l’administration fait un retour remarqué dans les procédures de PSE via l’homologation ou la validation ex ante des plans sociaux. On peut aussi imaginer que si le discours est davantage orienté vers la responsabilisation, c’est parce que l’expérience montre qu’un certain nombre d’obligations légales s’avèrent largement inopérantes en pratique (par exemple et en particulier l’obligation de reclassement interne qui ne concernerait au final que 6 % des salariés concernés au terme d’une enquête menée durant l’été 2013 par le Think Tank Les Ateliers de la Convergence (ADC).

15 Cf rapport HIRES - Santé et restructurations

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(CEP) qui est en quelque sorte une façon de mieux équiper le marché lui-même, entre offreur (demandeur d’emploi) et demandeur de travail (entreprise).

Restera à voir le point d’équilibre que pourra atteindre ce nouvel agencement, et surtout son efficacité. C’est là sans doute que se joue une part essentielle de la bataille pour l’emploi en France dans les années qui viennent.

2. L’évolution sémantique

Il est d’abord intéressant d’analyser les mots utilisés pour parler des différentes situations de mobilité parce qu’ils peuvent trahir des schémas de pensée plus ou moins conscients. Il est également intéressant, pour la même raison, de les mettre au regard des mots employés dans d’autres pays. L’évolution du vocabulaire est enfin révélatrice de l’évolution des mentalités et des pratiques. A titre d’exemple, quand on parlait de « stress » dans les années 80, c’était essentiellement pour évoquer une qualité professionnelle de résistance au stress requise dans certaines offres d’emploi, ce qui serait impossible aujourd’hui où le stress est d’abord perçu comme une forme de souffrance au travail.

On verra que le vocabulaire de la mobilité, et des restructurations en particulier, relève très souvent de l’euphémisme ou même de l’antiphrase, comme si on avait du mal à mettre les mots justes sur une réalité déplaisante.

Le mot de restructuration lui-même, employé chez nous comme quasiment synonyme de plan de licenciements collectifs (avec ou sans fermeture de site), l’est dans une acception qu’on ne retrouve pas dans le dictionnaire en ligne du CNRS où il est associé à 3 domaines : l’urbanisme, la psychologie et la sociologie. Dans tous les cas, et c’est sans doute ce qui explique l’analogie, il s’agit de renaissance, de reconstruction, bref, d’un processus positif.

Aux Etats-Unis, le Workforce Planning est un des volets des politiques RH consistant à ajuster au fil de l’eau les ressources aux besoins (un peu comme dans l’exemple de GAE chez Thales présenté au LAB au printemps dernier).

Plus près de nous, en Allemagne, on parle plutôt de réorganisations internes, lesquelles peuvent ou non comprendre des réductions d’effectifs et relèvent du droit des employeurs. Dans ce cas, le CE négocie avec la direction un « plan social compensatoire ».

La formule est intéressante car elle montre bien que ce qu’on appelle communément chez nous « plan social » vient en effet compenser autant que possible les suppressions d’emploi.

Un retour sur l’histoire permet d’illustrer cette tendance à l’euphémisme ou à l’antiphrase. C’est un avenant de 1974 à l’ANI de 1969 déjà cité qui consacre la dénomination de plan social pour les grands plans de licenciements collectifs (plus de 10 salariés dans notre code du travail).

La terminologie évoluera ensuite au fil de législations successives, même si l’expression plan social reste largement usité dans le langage courant.

A partir de 1993, on parle ainsi de plan de reclassement. Depuis 2002, on parlera désormais plan de sauvegarde de l’emploi (ou PSE) même si l’entreprise reste soumise à l’obligation de reclassement. La logique est toujours la même : on passe sous silence le cœur du problème représenté par les suppressions

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Constat n°4 : Des enjeux de plus en plus territoriaux

Nombre d’expérimentations ont été lancées notamment au plan territorial et fonctionnent. Certaines d’entre elles ont consisté à mettre en place des plateformes régionales de mutualisation des RH. Mais ces expérimentations et autres innovations peinent à faire système et beaucoup ont du mal à « durer ».

Agir pour l’emploi et l’accompagnement des mutations à l’échelle d’un territoire : retour d’expériences

Le contexte Confrontés à des dynamiques différentes, du fait du fort développement ou, au contraire, de situation de crise dans certaines de leurs filières stratégiques, les acteurs territoriaux misent sur la mise en œuvre de démarches de GPEC-T fortement intégrées et regroupant les acteurs économiques, de l’emploi et de la formation. Et ce, en vue d’apporter des réponses conjointes et constructives aux besoins de recrutements et de gestion des compétences des entreprises… tout en favorisant l’accès à l’emploi durable et à la qualification d’un public large et diversifié. Pour ce faire – les Pays de la Loire, le Val d’Oise– ont récemment fait appel à Sémaphores pour la mise en place d’une nouvelle dynamique de développement et de rebond de leurs filières à l’échelle de leur territoire.

Des illustrations du renouveau territorial au service de l’emploi

Ces 2 exemples attestent de la capacité des acteurs économiques et de la formation à refondre leurs méthodes et outils de travail pour en définir de nouveaux, plus équilibrés, plus tournés vers la mutualisation des services en vue, in fine, d’accompagner les mutations et d’offrir de nouvelles perspectives d’activités et d’emplois.

Dans le Val d’Oise, il s’agissait d’une démarche de dialogue social territorial ambitieuse, portée notamment par les organisations syndicales et relayée par les acteurs économiques et institutionnels sur le territoire. Il s’agissait pour les partenaires sociaux de gérer autrement les difficultés économiques auxquelles le territoire était confronté et de faire face à une multiplicité de plans sociaux. Il a fallu réaliser un diagnostic territorial mettant en exergue des enjeux partagés et des leviers d’action qui permettent rapidement de mobiliser en « mode projet » les partenaires de la démarche autour de problématiques spécifiques. Cela s’est traduit par la mise en place de deux groupes de travail autour de l’éco-construction et de la mécatronique. Pendant plus de 18 mois, les professionnels et acteurs de l’emploi et de la formation se sont réunis pour identifier les besoins en compétences, pour organiser des événements promotionnels de l’attractivité des secteurs et pour promouvoir l’apprentissage. Parallèlement, ils se sont engagés dans une logique partenariale forte visant à mettre en place de nouvelles habitudes de travail conjointes. Aujourd’hui, le constat est multiple : un dialogue social renforcé, une véritable acculturation et un effet d’apprentissage, une approche multidimensionnelle (recrutement, insertion, formation, évolution des compétences…), une mise en réseau des PME.

En Région Pays de la Loire, sur le bassin de Saint-Nazaire, il convenait avec Compétences 2020 EMR (Energies marines renouvelables) d’apporter des réponses partenariales et innovantes au service de l’emploi dans les filières. Pour ce faire, une cellule opérationnelle, organe de pilotage opérationnel et maître d’œuvre de la feuille de route de groupes projets, a été constituée, composée des représentants des donneurs d’ordres et des réseaux d’entreprises structurés, de l’Etat, de la Région, des collectivités locales, des OPCA, de Pôle emploi, des missions locales et des acteurs consulaires. Il a fallu animer la cellule opérationnelle, être l’interface des différents groupes de projets, gérer leurs avancées/difficultés et adopter, en fonction, la feuille de route. En mettant les entreprises - donneurs d’ordre et sous-traitants- au cœur de la démarche et grâce à la mobilisation forte des membres du SPE, la démarche C2020 est devenue une action emblématique de l’efficacité de la dynamique partenariale « public-privé » au service de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Elle a également montré l’efficacité de l’action en « mode projet » autour des sujets emploi-compétences, permettant d’apporter des solutions opérationnelles et pragmatiques aux entreprises du bassin de Saint-Nazaire.

Parmi les freins et difficultés majeures il faut citer :

• L’absence de chef de file évident (bientôt la Région ?) ;

• Des relations inter-entreprises parfois tendues ou sensibles par nature (donneurs d’ordre vs sous-traitants, concurrents, TPE et PME locales vs entités locales de groupes globaux) ;

• Une multiplicité des administrations décentralisées ou déconcentrées impliquées ;

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(CEP) qui est en quelque sorte une façon de mieux équiper le marché lui-même, entre offreur (demandeur d’emploi) et demandeur de travail (entreprise).

Restera à voir le point d’équilibre que pourra atteindre ce nouvel agencement, et surtout son efficacité. C’est là sans doute que se joue une part essentielle de la bataille pour l’emploi en France dans les années qui viennent.

2. L’évolution sémantique

Il est d’abord intéressant d’analyser les mots utilisés pour parler des différentes situations de mobilité parce qu’ils peuvent trahir des schémas de pensée plus ou moins conscients. Il est également intéressant, pour la même raison, de les mettre au regard des mots employés dans d’autres pays. L’évolution du vocabulaire est enfin révélatrice de l’évolution des mentalités et des pratiques. A titre d’exemple, quand on parlait de « stress » dans les années 80, c’était essentiellement pour évoquer une qualité professionnelle de résistance au stress requise dans certaines offres d’emploi, ce qui serait impossible aujourd’hui où le stress est d’abord perçu comme une forme de souffrance au travail.

On verra que le vocabulaire de la mobilité, et des restructurations en particulier, relève très souvent de l’euphémisme ou même de l’antiphrase, comme si on avait du mal à mettre les mots justes sur une réalité déplaisante.

Le mot de restructuration lui-même, employé chez nous comme quasiment synonyme de plan de licenciements collectifs (avec ou sans fermeture de site), l’est dans une acception qu’on ne retrouve pas dans le dictionnaire en ligne du CNRS où il est associé à 3 domaines : l’urbanisme, la psychologie et la sociologie. Dans tous les cas, et c’est sans doute ce qui explique l’analogie, il s’agit de renaissance, de reconstruction, bref, d’un processus positif.

Aux Etats-Unis, le Workforce Planning est un des volets des politiques RH consistant à ajuster au fil de l’eau les ressources aux besoins (un peu comme dans l’exemple de GAE chez Thales présenté au LAB au printemps dernier).

Plus près de nous, en Allemagne, on parle plutôt de réorganisations internes, lesquelles peuvent ou non comprendre des réductions d’effectifs et relèvent du droit des employeurs. Dans ce cas, le CE négocie avec la direction un « plan social compensatoire ».

La formule est intéressante car elle montre bien que ce qu’on appelle communément chez nous « plan social » vient en effet compenser autant que possible les suppressions d’emploi.

Un retour sur l’histoire permet d’illustrer cette tendance à l’euphémisme ou à l’antiphrase. C’est un avenant de 1974 à l’ANI de 1969 déjà cité qui consacre la dénomination de plan social pour les grands plans de licenciements collectifs (plus de 10 salariés dans notre code du travail).

La terminologie évoluera ensuite au fil de législations successives, même si l’expression plan social reste largement usité dans le langage courant.

A partir de 1993, on parle ainsi de plan de reclassement. Depuis 2002, on parlera désormais plan de sauvegarde de l’emploi (ou PSE) même si l’entreprise reste soumise à l’obligation de reclassement. La logique est toujours la même : on passe sous silence le cœur du problème représenté par les suppressions

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Constat n°4 : Des enjeux de plus en plus territoriaux

Nombre d’expérimentations ont été lancées notamment au plan territorial et fonctionnent. Certaines d’entre elles ont consisté à mettre en place des plateformes régionales de mutualisation des RH. Mais ces expérimentations et autres innovations peinent à faire système et beaucoup ont du mal à « durer ».

Agir pour l’emploi et l’accompagnement des mutations à l’échelle d’un territoire : retour d’expériences

Le contexte Confrontés à des dynamiques différentes, du fait du fort développement ou, au contraire, de situation de crise dans certaines de leurs filières stratégiques, les acteurs territoriaux misent sur la mise en œuvre de démarches de GPEC-T fortement intégrées et regroupant les acteurs économiques, de l’emploi et de la formation. Et ce, en vue d’apporter des réponses conjointes et constructives aux besoins de recrutements et de gestion des compétences des entreprises… tout en favorisant l’accès à l’emploi durable et à la qualification d’un public large et diversifié. Pour ce faire – les Pays de la Loire, le Val d’Oise– ont récemment fait appel à Sémaphores pour la mise en place d’une nouvelle dynamique de développement et de rebond de leurs filières à l’échelle de leur territoire.

Des illustrations du renouveau territorial au service de l’emploi

Ces 2 exemples attestent de la capacité des acteurs économiques et de la formation à refondre leurs méthodes et outils de travail pour en définir de nouveaux, plus équilibrés, plus tournés vers la mutualisation des services en vue, in fine, d’accompagner les mutations et d’offrir de nouvelles perspectives d’activités et d’emplois.

Dans le Val d’Oise, il s’agissait d’une démarche de dialogue social territorial ambitieuse, portée notamment par les organisations syndicales et relayée par les acteurs économiques et institutionnels sur le territoire. Il s’agissait pour les partenaires sociaux de gérer autrement les difficultés économiques auxquelles le territoire était confronté et de faire face à une multiplicité de plans sociaux. Il a fallu réaliser un diagnostic territorial mettant en exergue des enjeux partagés et des leviers d’action qui permettent rapidement de mobiliser en « mode projet » les partenaires de la démarche autour de problématiques spécifiques. Cela s’est traduit par la mise en place de deux groupes de travail autour de l’éco-construction et de la mécatronique. Pendant plus de 18 mois, les professionnels et acteurs de l’emploi et de la formation se sont réunis pour identifier les besoins en compétences, pour organiser des événements promotionnels de l’attractivité des secteurs et pour promouvoir l’apprentissage. Parallèlement, ils se sont engagés dans une logique partenariale forte visant à mettre en place de nouvelles habitudes de travail conjointes. Aujourd’hui, le constat est multiple : un dialogue social renforcé, une véritable acculturation et un effet d’apprentissage, une approche multidimensionnelle (recrutement, insertion, formation, évolution des compétences…), une mise en réseau des PME.

En Région Pays de la Loire, sur le bassin de Saint-Nazaire, il convenait avec Compétences 2020 EMR (Energies marines renouvelables) d’apporter des réponses partenariales et innovantes au service de l’emploi dans les filières. Pour ce faire, une cellule opérationnelle, organe de pilotage opérationnel et maître d’œuvre de la feuille de route de groupes projets, a été constituée, composée des représentants des donneurs d’ordres et des réseaux d’entreprises structurés, de l’Etat, de la Région, des collectivités locales, des OPCA, de Pôle emploi, des missions locales et des acteurs consulaires. Il a fallu animer la cellule opérationnelle, être l’interface des différents groupes de projets, gérer leurs avancées/difficultés et adopter, en fonction, la feuille de route. En mettant les entreprises - donneurs d’ordre et sous-traitants- au cœur de la démarche et grâce à la mobilisation forte des membres du SPE, la démarche C2020 est devenue une action emblématique de l’efficacité de la dynamique partenariale « public-privé » au service de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Elle a également montré l’efficacité de l’action en « mode projet » autour des sujets emploi-compétences, permettant d’apporter des solutions opérationnelles et pragmatiques aux entreprises du bassin de Saint-Nazaire.

Parmi les freins et difficultés majeures il faut citer :

• L’absence de chef de file évident (bientôt la Région ?) ;

• Des relations inter-entreprises parfois tendues ou sensibles par nature (donneurs d’ordre vs sous-traitants, concurrents, TPE et PME locales vs entités locales de groupes globaux) ;

• Une multiplicité des administrations décentralisées ou déconcentrées impliquées ;

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• L’absence de dialogue social institué à l’échelle des territoires et une structuration défaillante des acteurs pour ce faire; etc.

Grappe d’entreprises et GPEC Territoriale : l’exemple de MECALOIRE

Mis en place sous une forme différente dès 1995, MECALOIRE devient en 2010 un cluster de PMEs visant à mieux affronter le déclin affectant l’industrie mécanique au niveau régional (comme en France d’ailleurs, et ce depuis longtemps). MECALOIRE est en effet localisée dans la région de Saint-Etienne, bastion industriel de longue date constitué essentiellement de PME et TPE sous-traitantes. Si la crise a encore accéléré les pertes d’emploi dans la métallurgie, il n’en reste pas moins que l’industrie mécanique demeure créatrice d’emplois. La difficulté tient cependant au recrutement sur des postes peu attractifs pour les jeunes. De sorte que la région est confrontée tout à la fois au chômage et aux difficultés de recrutement conduisant à des emplois vacants. MECALOIRE, qu’est-ce que c’est ? Au départ, MECALOIRE réunit 30 entreprises. Signe de sa valeur ajoutée, elle fédère aujourd’hui plus de 150 PME. La taille moyenne des entreprises membres est de 10-15 salariés. Globalement, les entreprises membres représentent environ 550 ME de CA et emploient environ 3 500 personnes. La plus-value attendue du réseau est de constituer un incubateur d’affaires et d’alliances sur le territoire d’implantation et au-delà. Il doit ainsi permettre d’accéder à de nouveaux marchés tout en réduisant la charge administrative liée à cette recherche de développement. Au surplus, l’industrie mécanique étant fortement marquée par le recours à la sous-traitance, il doit aussi permettre de limiter les mauvaises pratiques éventuelles en la matière. Concrètement, le cluster permet à ses membres : • De construire des projets/réponses communes, • De réduire les impacts négatifs de la crise, notamment sur le résultat des entreprises et leur développement commercial. Le cluster s’appuie sur un budget annuel moyen de 300 à 400 000 euros, basé sur des contributions des membres ainsi que des subsides publics variés (Commune de Saint-Etienne, Région, Chambre de Commerce…). Quelle place pour une GPECT au sein de MECALOIRE ? Les objectifs de la grappe d’entreprises ne sont pas, en premier lieu, relatifs à la GRH. En revanche, l’existence du réseau permet la circulation d’informations pouvant avoir pour effet d’aborder en commun et de régler des problématiques RH, de recrutement notamment. Au-delà, MECALOIRE s’engage dans un programme expérimental de développement d’une GPEC, que l’on peut dire partagée, dont la mise en œuvre s’échelonnera de 2011 à 2013. Financé par la DIRECCTE, la Région, l’AGEFOS PME et les entreprises participantes, il recouvre un budget global d’environ 190 000 euros. L’objectif est de répondre aux difficultés de recrutement des entreprises participantes et d’anticiper leurs besoins futurs en compétences. 20 entreprises s’y inscrivent au départ mais elles ne seront plus que 12 en fin de programme. Plus précisément, l’initiative vise à optimiser l’alliance entre les entreprises constituée au travers de MECALOIRE pour réaliser une cartographie des besoins en emplois, compétences et formations au niveau local. La mise en œuvre se déroulera en 4 étapes : • Anticipation: les entreprises volontaires et participantes formalisent et communiquent en interne leur stratégie de moyen

/long terme ; • Contrôle : évaluation des besoins, diagnostics et plans d’action ; • Synchronisation: appréciations collectives portées sur chaque entreprise, échanges de bonnes pratiques afin de développer

les liens et la confiance entre entreprises ; • Amélioration des qualifications: conception d’actions pour l’amélioration du programme de GPEC, spécialement à destination

de futurs participants. Les principaux résultats du programme rapportés par ses acteurs sont les suivants : • Satisfaction des entreprises impliquées dans le projet ; • Progrès sensibles réalisées « en interne » par les entreprises en matière de GRH ; • Une sensibilisation quant à l’incidence du facteur RH sur la compétitivité des entreprises ; • Une meilleure connaissance réciproque entre les entreprises adhérentes à MECALOIRE permettant de les concevoir

globalement comme un réservoir de compétences.

Plus concrètement, la coordinatrice de MECALOIRE souligne l’intérêt de la grappe pour une des entreprises qui, ayant vu son activité ralentir, a pu profiter de la situation inverse chez un autre adhérent. Par ailleurs, l’organisation d’un partage des emplois entre entreprises, particulièrement concernant les fonctions commerciales, a pu être mis en place ici et là. Un partage du temps de travail a également été présenté comme une plus-value potentielle du cluster qu’est MECALOIRE.

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Pendant les années 80 des pans entiers de notre tissu économique se restructurent, c'est-à-dire disparaissent purement et simplement quoique progressivement (Mines, Textile, Sidérurgie, …). Sur fond de chômage de masse et de révolution libérale (ce sont les années Thatcher / Reagan), l’autorisation administrative de licenciement est supprimée en 86 à la grande satisfaction du patronat de l’époque qui ne tardera néanmoins pas à découvrir les inconvénients d’un passage d’un contrôle administratif ex ante à un contrôle judiciaire ex post.

Pendant les années 90 et 2000 : restructurations de compétitivité et instauration progressive d’une flexicurité à la française

Ces années voient, en même temps que de nouvelles formes de restructurations motivées par des arguments de sauvegarde (prévisionnelle) de la compétitivité, un transfert de responsabilités mais aussi de prise en charge financière de l’administration vers les entreprises.

Sur le premier point, l’opinion et la presse s’émeuvent de ces groupes qui licencient localement tout en réalisant à une échelle plus globale des bénéfices substantiels. Des classements apparaissent même régulièrement dans la presse quotidienne et le risque médiatique apparaît comme une menace sérieuse pour les performances boursières des grands groupes. Il est vrai également que les années 90 voient un impressionnant mouvement de downsizing des grands groupes français (les entreprises de plus de 10 000 salariés perdent près de 50 % de leur effectif entre 1992 et 2003).

Sur le second, la politique du FNE et en particulier le financement à grande échelle de mesures d’âge, s’est avéré ruineux à tous points de vue, tant pour les finances publiques que pour les pertes de compétences pour les entreprises et de leur travail par des milliers de « jeunes seniors » …Les entreprises sont donc invitées à assumer la charge financière de leurs propres mutations : obligations de reclassement et d’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois, obligation de revitalisation instituée en 2002, loi Borloo de 2005 imposant l’obligation triennale de négocier sur la GPEC, accords de méthode permettant d’envisager la GPEC comme n’étant pas nécessairement contradictoire avec des situations de mobilité externe (d’où les débats sur la « GPSE »).

Au regard du rôle du juge judiciaire, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation vient parfois « durcir » certains points de la loi, en particulier pour ce qui est du « maintien de la capacité à occuper un emploi » obligation à la charge de l’employeur formulée de façon beaucoup plus large que dans le code du travail. Autres éléments urticants dans la relation avec les juges et les procédures judiciaires : une méconnaissance, présumée, des réalités et contraintes de l’entreprise, mais aussi et surtout une réelle insécurité juridique pour les différentes parties prenantes avec des dossiers enlisés dans des procédures interminables au gré de jeux tactiques pas forcément toujours dictés par la seule recherche de l’intérêt général.

Ainsi, après le modèle d’intervention administrative puis celui de la responsabilisation (jusqu’à l’hyper responsabilisation ?) des entreprises, c’est un schéma plus complexe de responsabilités partagées qui se construit depuis une dizaine d’années, avec en premier lieu la responsabilisation des actifs et les débuts de la portabilité de certains droits. Plus récemment, avec l’ANI de 2013, la LSE et la réforme de la formation professionnelle, c’est à un grand retour de l’administration qu’on assiste en définitive, et ce à plusieurs niveaux : validation ou homologation des projets ou accords de PSE par les DIRECCTE et rôle de facilitation / médiation, arrivée du juge administratif dans les procédures de PSE liées aux possibles contestations de ces nouveaux types de décisions administratives, nouvelle ambition pour le service public de l’emploi et de l’orientation avec notamment l’institution du Conseil Evolution Professionnelle

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II – 1ère PARTIE : L’EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET SEMANTIQUE DE LA MOBILITE

1. L’évolution du cadre juridique et institutionnel

Pour aller plus loin que les orientations déjà indiquées dans le préambule, deux grilles de lectures s’avèrent également pertinentes pour caractériser l’évolution de la gestion des restructurations : l’évolution de la nature et de l’ampleur des restructurations elles-mêmes d’une part, et de l’autre l’évolution du cadre de gestion de ces restructurations, en particulier en terme de répartition des responsabilités.

Au regard de ces deux paramètres, on peut schématiser les grandes étapes de l’histoire des restructurations dans notre pays comme suit14.

Pendant les années 60 : le modèle d’intervention de l’administration

Dès le début des années 60, s’impose progressivement la nécessité de moderniser les grandes entreprises françaises pour leur permettre de lutter efficacement contre la concurrence internationale (déjà !). Le nombre (environ 1 million de chômeurs) comme le taux de chômage (entre 4 et 6 %) demeurent relativement limités, mais des tendances structurelles se font jour : augmentation régulière du nombre de jeunes entrant sur le marché du travail et féminisation de la population active en particulier.

C’est aussi l’époque où l’opinion publique et la presse commencent à démontrer une sensibilité jamais vraiment démentie depuis lors aux grosses opérations de licenciements collectifs (les mouvements sociaux à Saint Nazaire en 64 et 65 font date).

La loi fondatrice de décembre 1963 institue le Fonds National pour l‘Emploi (FNE) qui vise à pallier les conséquences sociales des restructurations. Sont ainsi proposées des aides individuelles à la mobilité géographique et professionnelle, mais aussi des conventions passées par l’administration avec les entreprises ou les branches (conventions de préretraites, conventions de conversion) et dont le financement est partagé mais reste principalement à la charge des pouvoirs publics

Même si ce partenariat entre l’administration et les entreprises n’est pas sans intérêt, l’époque reste caractérisée par une gestion très administrative des restructurations.

Pendant les années 70 et 80 : restructurations de crise et responsabilisation des entreprises

Tout aussi important que la loi de décembre 63, c’est en réalité l’ANI de février 1969 sur la sécurité de l’emploi (et non la sécurisation comme dans celui de janvier 2013, le glissement sémantique n’étant - comme nous le verrons plus loin - pas sans importance) qui fait évoluer le cadre de gestion en cherchant à responsabiliser les entreprises dans ce qu’on appelle alors politique de sécurité de l’emploi ou gestion prévisionnelle de l’emploi. Les accords et lois qui suivront pendant les années 70 (loi de juillet 73, avenant de novembre 74 à l’ANI de 69) poursuivent dans la même direction.

La loi de janvier 75 instaure l’obligation d’information consultation du CE ainsi qu’une autorisation administrative préalable pour les plans de licenciements collectifs.

14 Ces réflexions sont largement inspirées de JP. Aubert et L. Duclos

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Enseignements Comme grappe d’entreprises, MECALOIRE offre les conditions pour le développement d’une GPEC territoriale en autorisant une collaboration véritable entre des PME confrontés à des défis économiques et sociaux communs, en lien avec une variété de parties prenantes publiques et privées. C’est spécialement le cas dans un contexte, souligné par les animateurs de MECALOIRE, où la sensibilité des entreprises adhérentes aux enjeux RH et le dialogue avec les salariés sur ces questions est faible, en raison notamment de ressources internes limitées. Si le programme expérimental de GPEC est présenté comme un succès par les entreprises y ayant participé, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas, à ce jour, permis l’émergence d’une stratégie RH que l’on puisse qualifiée de commune. Les obstacles au développement de cette dernière paraissent toujours importants : le programme n’a ainsi pu être renouvelé faute du soutien de l’une des organisations patronales impliquées. Enfin, il n’a pas contribué au développement d’un dialogue social territorial.

Le rapport AUBERT formule sur ce point des recommandations de généralisation intéressantes, mais dont la mise en œuvre pose toutefois de sérieuses questions de moyens et ressources à allouer.

Le rapport Aubert : « Mutations socio-économiques et territoires : les ressources de l’anticipation »

Le rapport remis au Premier Ministre s’emploie à montrer que c’est au niveau territorial que les acteurs peuvent élaborer et mettre en place des dispositifs opérationnels pour le développement économique et la sécurisation de l’emploi. De fait, la gestion et l’accompagnement des mutations économiques font de plus en plus appel à l’intervention des acteurs des territoires à travers des dispositifs dont un grand nombre ont été étudiés par la mission. Ces dispositifs, souvent innovants, peinent toutefois à produire pleinement les effets recherchés, ce qui soulève notamment la question de l’adéquation de l’action publique aux stratégies déployées par les acteurs économiques et sociaux du territoire. En particulier, les dynamiques ascendante et descendante, c’est-à-dire les impulsions en provenance des acteurs de terrain et les impulsions centrales, s’ignorent trop souvent et peuvent se croiser sous le registre de la coexistence incohérente, voire s’affronter. C’est pourquoi le rapport plaide pour le développement de pratiques associant initiatives de terrain et appui des acteurs publics en mettant l’accent sur la construction commune de l’avenir. Pour ce faire, elle préconise un fonctionnement en mode projet au sein d’Espaces d’Initiatives Territoriales (EIT) instaurant la coopération des acteurs concernés par un problème précis d’anticipation de mutations économiques et sociales. Prenant appui sur ce qui existe déjà, elle propose d’accompagner ainsi une série de démarches qui constituent pour les acteurs locaux un moyen de concevoir des initiatives communes et de mettre en œuvre collectivement des actions intégrant développement économique, développement de l’emploi et de la formation, sécurisation des parcours professionnels et efficacité du territoire. Ces EIT rassembleraient dans un comité opérationnel des élus, des chefs d’entreprises et des représentants des salariés, la Région et l’Etat les rejoignant au sein d’un comité de coordination stratégique fixant les grandes orientations du projet. Une task force composée de praticiens-experts, type nouveau « d’opérateur public » dont la fonction consisterait à aider les acteurs concernés, publics et privés, à dépasser leurs positions et pratiques établies pour mettre en œuvre des actions collectives innovantes, viendrait en appui aux EIT. La mission propose par ailleurs six priorités d’action qui visent notamment à réduire la distance qui sépare les concepteurs ou opérateurs d’un dispositif de ses bénéficiaires potentiels. Deux s’adressent en priorité aux entreprises, autour de dispositifs locaux de coordination des ressources permettant d’appuyer les PME et EIT dans leur anticipation et leur gestion des mutations économiques, d’une part, et de démultiplication de l’implication des grandes firmes structurantes du tissu économique et social dans le développement local, d’autre part. Deux s’adressent aux représentants des salariés, au travers de la conception d’un « dispositif d’interpellation » à leur disposition, garantissant à la fois la discrétion nécessaire et l’effectivité opérationnelle des réponses apportées, d’une part, et la mise en place de « délégués aux transitions professionnelles» en charge de conseiller les salariés dans leur parcours professionnels, de favoriser et négocier les moyens de ce parcours sur le territoire, en lien avec les diverses institutions concernées et au sein de l’entreprise, d’autre part. Deux s’adressent enfin aux pouvoirs publics, avec d’une part la proposition de développer la co-élaboration et l’appropriation de la prospective territoriale et/ou sectorielle et d’autre part l’adaptation des outils de suivi statistique à l’appréhension fine des flux d’emploi au plus près du territoire.

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II – 1ère PARTIE : L’EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET SEMANTIQUE DE LA MOBILITE

1. L’évolution du cadre juridique et institutionnel

Pour aller plus loin que les orientations déjà indiquées dans le préambule, deux grilles de lectures s’avèrent également pertinentes pour caractériser l’évolution de la gestion des restructurations : l’évolution de la nature et de l’ampleur des restructurations elles-mêmes d’une part, et de l’autre l’évolution du cadre de gestion de ces restructurations, en particulier en terme de répartition des responsabilités.

Au regard de ces deux paramètres, on peut schématiser les grandes étapes de l’histoire des restructurations dans notre pays comme suit14.

Pendant les années 60 : le modèle d’intervention de l’administration

Dès le début des années 60, s’impose progressivement la nécessité de moderniser les grandes entreprises françaises pour leur permettre de lutter efficacement contre la concurrence internationale (déjà !). Le nombre (environ 1 million de chômeurs) comme le taux de chômage (entre 4 et 6 %) demeurent relativement limités, mais des tendances structurelles se font jour : augmentation régulière du nombre de jeunes entrant sur le marché du travail et féminisation de la population active en particulier.

C’est aussi l’époque où l’opinion publique et la presse commencent à démontrer une sensibilité jamais vraiment démentie depuis lors aux grosses opérations de licenciements collectifs (les mouvements sociaux à Saint Nazaire en 64 et 65 font date).

La loi fondatrice de décembre 1963 institue le Fonds National pour l‘Emploi (FNE) qui vise à pallier les conséquences sociales des restructurations. Sont ainsi proposées des aides individuelles à la mobilité géographique et professionnelle, mais aussi des conventions passées par l’administration avec les entreprises ou les branches (conventions de préretraites, conventions de conversion) et dont le financement est partagé mais reste principalement à la charge des pouvoirs publics

Même si ce partenariat entre l’administration et les entreprises n’est pas sans intérêt, l’époque reste caractérisée par une gestion très administrative des restructurations.

Pendant les années 70 et 80 : restructurations de crise et responsabilisation des entreprises

Tout aussi important que la loi de décembre 63, c’est en réalité l’ANI de février 1969 sur la sécurité de l’emploi (et non la sécurisation comme dans celui de janvier 2013, le glissement sémantique n’étant - comme nous le verrons plus loin - pas sans importance) qui fait évoluer le cadre de gestion en cherchant à responsabiliser les entreprises dans ce qu’on appelle alors politique de sécurité de l’emploi ou gestion prévisionnelle de l’emploi. Les accords et lois qui suivront pendant les années 70 (loi de juillet 73, avenant de novembre 74 à l’ANI de 69) poursuivent dans la même direction.

La loi de janvier 75 instaure l’obligation d’information consultation du CE ainsi qu’une autorisation administrative préalable pour les plans de licenciements collectifs.

14 Ces réflexions sont largement inspirées de JP. Aubert et L. Duclos

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Enseignements Comme grappe d’entreprises, MECALOIRE offre les conditions pour le développement d’une GPEC territoriale en autorisant une collaboration véritable entre des PME confrontés à des défis économiques et sociaux communs, en lien avec une variété de parties prenantes publiques et privées. C’est spécialement le cas dans un contexte, souligné par les animateurs de MECALOIRE, où la sensibilité des entreprises adhérentes aux enjeux RH et le dialogue avec les salariés sur ces questions est faible, en raison notamment de ressources internes limitées. Si le programme expérimental de GPEC est présenté comme un succès par les entreprises y ayant participé, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas, à ce jour, permis l’émergence d’une stratégie RH que l’on puisse qualifiée de commune. Les obstacles au développement de cette dernière paraissent toujours importants : le programme n’a ainsi pu être renouvelé faute du soutien de l’une des organisations patronales impliquées. Enfin, il n’a pas contribué au développement d’un dialogue social territorial.

Le rapport AUBERT formule sur ce point des recommandations de généralisation intéressantes, mais dont la mise en œuvre pose toutefois de sérieuses questions de moyens et ressources à allouer.

Le rapport Aubert : « Mutations socio-économiques et territoires : les ressources de l’anticipation »

Le rapport remis au Premier Ministre s’emploie à montrer que c’est au niveau territorial que les acteurs peuvent élaborer et mettre en place des dispositifs opérationnels pour le développement économique et la sécurisation de l’emploi. De fait, la gestion et l’accompagnement des mutations économiques font de plus en plus appel à l’intervention des acteurs des territoires à travers des dispositifs dont un grand nombre ont été étudiés par la mission. Ces dispositifs, souvent innovants, peinent toutefois à produire pleinement les effets recherchés, ce qui soulève notamment la question de l’adéquation de l’action publique aux stratégies déployées par les acteurs économiques et sociaux du territoire. En particulier, les dynamiques ascendante et descendante, c’est-à-dire les impulsions en provenance des acteurs de terrain et les impulsions centrales, s’ignorent trop souvent et peuvent se croiser sous le registre de la coexistence incohérente, voire s’affronter. C’est pourquoi le rapport plaide pour le développement de pratiques associant initiatives de terrain et appui des acteurs publics en mettant l’accent sur la construction commune de l’avenir. Pour ce faire, elle préconise un fonctionnement en mode projet au sein d’Espaces d’Initiatives Territoriales (EIT) instaurant la coopération des acteurs concernés par un problème précis d’anticipation de mutations économiques et sociales. Prenant appui sur ce qui existe déjà, elle propose d’accompagner ainsi une série de démarches qui constituent pour les acteurs locaux un moyen de concevoir des initiatives communes et de mettre en œuvre collectivement des actions intégrant développement économique, développement de l’emploi et de la formation, sécurisation des parcours professionnels et efficacité du territoire. Ces EIT rassembleraient dans un comité opérationnel des élus, des chefs d’entreprises et des représentants des salariés, la Région et l’Etat les rejoignant au sein d’un comité de coordination stratégique fixant les grandes orientations du projet. Une task force composée de praticiens-experts, type nouveau « d’opérateur public » dont la fonction consisterait à aider les acteurs concernés, publics et privés, à dépasser leurs positions et pratiques établies pour mettre en œuvre des actions collectives innovantes, viendrait en appui aux EIT. La mission propose par ailleurs six priorités d’action qui visent notamment à réduire la distance qui sépare les concepteurs ou opérateurs d’un dispositif de ses bénéficiaires potentiels. Deux s’adressent en priorité aux entreprises, autour de dispositifs locaux de coordination des ressources permettant d’appuyer les PME et EIT dans leur anticipation et leur gestion des mutations économiques, d’une part, et de démultiplication de l’implication des grandes firmes structurantes du tissu économique et social dans le développement local, d’autre part. Deux s’adressent aux représentants des salariés, au travers de la conception d’un « dispositif d’interpellation » à leur disposition, garantissant à la fois la discrétion nécessaire et l’effectivité opérationnelle des réponses apportées, d’une part, et la mise en place de « délégués aux transitions professionnelles» en charge de conseiller les salariés dans leur parcours professionnels, de favoriser et négocier les moyens de ce parcours sur le territoire, en lien avec les diverses institutions concernées et au sein de l’entreprise, d’autre part. Deux s’adressent enfin aux pouvoirs publics, avec d’une part la proposition de développer la co-élaboration et l’appropriation de la prospective territoriale et/ou sectorielle et d’autre part l’adaptation des outils de suivi statistique à l’appréhension fine des flux d’emploi au plus près du territoire.

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Constat n° 5 : S’intéresser aux conditions de réussite dans la mise en œuvre

Face au risque d’une insuffisante prise en compte par leurs concepteurs des contraintes opérationnelles que pose l’utilisation de certains dispositifs, un soin tout particulier doit être apporté.

La conception de nouveaux dispositifs, pourtant destinés à l’usage direct par les individus, demeure très technocratique et associe encore trop peu les futurs utilisateurs et bénéficiaires dans une logique de co-construction. Le risque d’une multiplication d'outils non appropriés ou maitrisés par leurs utilisateurs est fort.

C’est ainsi que les nouveaux droits ou contreparties prévues pour les individus en échange de nouvelles formes de sécurité et de flexibilité pour les entreprises tardent à prendre corps ; c’est le cas du CEP comme du CPF, et alors même que l’Exécutif s’engage sur un nouveau compte, le CPA, qui les chapeauterait tous (compte pénibilité compris). Comment responsabiliser les individus si ceux-ci ne sont associés ni à la conception des systèmes ni à leur gouvernance ? …

On touche ici aux limites des logiques dites « de guichets », fussent-ils portés par des plateformes collaboratives, et au piège qui consiste précisément à confondre outils collaboratifs et capacité à unir in concreto, de façon à la fois concertée et coordonnée, les efforts des uns et des autres en vue d’objectifs communs.

Synthèse de l’enquête sur le CEP

Contexte Afin d’envisager toutes les dimensions de la mobilité, il nous a semblé nécessaire de ne pas nous limiter aux politiques d’entreprise, mais aussi aux nouvelles possibilités offertes aux salariés, en particulier le droit à un conseil en évolution professionnelle (CEP) institué par l’ANI de janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi et précisé par l’ANI de décembre 2013 et la loi de mars 2014 sur la réforme de la formation professionnelle. Nous avons interrogé à cette fin une quinzaine de personnalités représentant les principales parties prenantes du côté des concepteurs comme de celui des opérateurs.

Rappel des éléments clé du dispositif23 « Le CEP constitue un processus d’appui à l’élaboration et à la concrétisation des projets personnels d’évolution professionnelle des actifs qui en expriment le besoin et, le cas échéant, des projets de formation associés visant à accroître leurs aptitudes, compétences et qualifications professionnelles, en lien notamment avec les besoins économiques […] dans les territoires ».

Destinés à tous les actifs, en poste ou non, c’est une prestation gratuite et confidentielle dont la délivrance a été confiée à un « noyau dur » de 5 opérateurs (Pôle emploi, les Cap emploi, l’APEC, les missions locales et les organismes paritaires agréés au terme du CIF) dans le cadre du Service Public Régional de l’Orientation (SPRO).

Il se structure autour de 3 niveaux : • Premier niveau : accueil individualisé ; • Deuxième niveau : conseil personnalisé ; • Troisième niveau : accompagnement à la mise en œuvre du projet.

Les principaux enjeux perçus par nos interlocuteurs Qu’il s’agisse des actifs en poste pour lesquels il peut s’articuler avec les entretiens professionnels, ou des chômeurs, il s’agit notamment de donner de l’information fiable, sécurisée et personnalisée sur l’environnement professionnel et l’évolution des métiers, les emplois correspondant aux compétences et qualifications de la personne, les possibilités de formation, etc.

23 Voir notamment l’Arrêté du 16 07 2014 fixant le cahier des charges relatif au CEP

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Ces limites renvoient tout d’abord à une dualité d’un marché du travail qui ne cesse de s’aggraver. Avec plus de 80 % des embauches en CDD dont 70 % de moins d’un an en 2014, voilà un des grands objectifs fixés aux négociateurs de l’ANI qui n’aura pour l’instant au moins pas été atteint. Dans ce contexte, on ne peut que redouter que les nouveaux dispositifs de mobilité ne profitent encore une fois qu’aux moins vulnérables.

Mais elles renvoient également à la responsabilité des entreprises, dans leur extraordinaire diversité, en évitant à la fois les excès de l’hyper responsabilisation et le risque bien réel d’une forme de désinvestissement de la gestion active et pro active des ressources humaines, risque avéré dans le cas de la réforme en cours de la formation professionnelle par exemple.

A partir des cas qui nous ont été présentés ou des investigations complémentaires que nous avons menées, le LAB s’est attaché à identifier les bonnes pratiques et conditions de réussite de ces nouvelles formes de mobilités et d’effectivité des nouveaux droits conférés aux salariés, ainsi que la façon dont elles peuvent faire évoluer les pratiques françaises en matière de gestion des restructurations.

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nouvelles contraintes, de mobilité notamment, pour les salariés et quelles contreparties les entreprises du 21e siècle peuvent-elles proposer en retour ? C’est toute la question de la flexicurité.

Quoiqu’il en soit, plus autonomes et responsables, évalués sur des objectifs de performance mesurables et mesurés, les nouveaux salariés sont aussi exposés à de nouvelles formes de risques, les fameux RPS, quand ils ont la chance d’être en CDI dans une entreprise prospère. Pour les autres, chômeurs, en particulier jeunes et seniors, salariés en CDD ou en Intérim, c’est à l’autre face d’un marché du travail dont la dualité ne cesse de s’approfondir qu’ils sont confrontés.

Faut-il poursuivre le mouvement continu d’individualisation dans le management des hommes et la gestion des RH, au risque de faire éclater le cadre collectif des relations de travail en renvoyant chacun à sa petite entreprise unipersonnelle, aussi dûment outillée et dotée de « droits rechargeables » soit elle par ailleurs ?

Faut-il se soucier au contraire des quelques remparts à préserver et des nouvelles formes de solidarité à faire vivre et à développer dans un cadre collectif, fût-il profondément nouveau par rapport aux formats traditionnels ? C’est bien cette question centrale de l’articulation dynamique entre les dimensions individuelles et collectives des relations de travail qui est posée aujourd’hui, plus ou moins consciemment, dans le débat sur la mise en place progressive d’une « flexicurité à la française » et de nouvelles formes de gestion des carrières et des mobilités professionnelles. C’est bien ainsi dans et autour des entreprises au sens large, grands groupes, PME, TPE même, et de leur capacité à mobiliser un ensemble élargi de parties prenantes, que se situent les enjeux les plus importants nous semble-t-il aujourd’hui, et les marges de manœuvre pour mettre en place des dispositifs de gestion des mobilités innovants qui soient moins traumatisants pour les corps sociaux que les plans sociaux qu’on souhaiterait vraiment, dans l’esprit de l’ANI de janvier 2013, n’intervenir qu’en tout dernier recours.

D’une façon plus générale et pour reprendre le triptyque modélisé par A. SUPIOT, si l’on souhaite donner plus de responsabilité et d’autonomie aux personnes dans la gestion de leur carrière, il faut que cela puisse se faire dans un environnement sécurisé (à commencer par la sécurité des informations disponibles sur lesquelles nous reviendrons).

Première conclusion

Alors que les plans sociaux semblaient jusqu’ici l’outil privilégié de gestion des mobilités en France (mobilité externe subie), les directions d’entreprises ont aujourd’hui toute une palette d’outils et dispositifs à actionner de façon plus ou moins anticipée ou davantage négociée, y compris les plans de départs volontaires. Les plans sociaux eux-mêmes sont négociés dans 80 % des cas depuis l’entrée en vigueur de la LSE.

Un tabou semble aussi être en train de tomber : celui du partage de l’information stratégique entre directions et partenaires sociaux, qui met en retour ces derniers en position de co responsabilité, en particulier au niveau de l’entreprise (et sans doute aussi branche pour les PME et TPE) et des territoires.

En outre, on l’a vu, les individus sont de plus en plus (de mieux en mieux ?) outillés et incités à prendre l’initiative dans la gestion de leur carrière.

Ces différentes logiques doivent aujourd’hui se conjuguer plutôt que d’être opposées l’une à l’autre, pour apporter des réponses aux limites bien connues de la mobilité et maintenant de la flexicurité à la française.

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Ce nouveau droit s’inscrit dans un schéma de responsabilité partagée entre la personne (qui a l’initiative de faire valoir ce droit), le service public de l’emploi (SPE) dont les acteurs doivent être coordonnés par les Régions dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO) et l’entreprise.

La voie de la responsabilisation des personnes déjà initiée avec le CIF et le DIF se voit ainsi confortée, mais également celle des employeurs tenus au maintien de l’employabilité de leurs salariés (« maintien de la capacité à occuper un emploi » selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation).

Du coup, il y a un enjeu fort de territorialisation du SPE de façon à permettre une meilleure connaissance des caractéristiques locales du marché du travail, mais aussi de coordination des multiples acteurs publics nationaux et régionaux rassemblant les missions emploi, formation et orientation au sein des nouvelles instances uniques (CNEPOF et CREPOF).

Les conditions de mise en œuvre et d’effectivité CEP Il y a tout d’abord un gros enjeu de communication, de pédagogie et de promotion de ce nouveau dispositif (pour éviter de reproduire les erreurs commises avec le DIF). Pour l’instant le moins qu’on puisse dire est que la communication a été plus que discrète, peut-être pour laisser le temps aux opérateurs de se mettre en ordre de bataille …

Il faut aussi, dans le même ordre d’idée, sensibiliser les entreprises et les managers afin d’optimiser l’articulation avec l’entretien professionnel et éviter de retomber dans le travers des bilans de compétences surtout proposés aux personnes en difficulté.

Mais ces conditions concernent avant tout les opérateurs et ce dans une triple perspective : D’organisation du SPRO et de coordination des acteurs publics ; De montée en compétences des acteurs les plus éloignés du métier de conseil en évolution professionnelle (en particulier Pôle emploi) ; D’harmonisation progressive des approches, méthodes et pratiques des différents opérateurs.

Les risques et les opportunités Il y a peut-être un risque de renforcement de la dualité d’un marché du travail déjà très segmenté : pour certains concepteurs, les DE n’auront pas recours, ou très peu, au dispositif et Pôle emploi est aujourd’hui plus éloigné des compétences cibles que le réseau des FONGECIF par exemple.

La principale opportunité est bien sûr pour les actifs qui pourraient ainsi bénéficier d’un service à haute valeur ajoutée de la part du SPE / SPO.

Pour Pôle emploi enfin, les contraintes liées à la mise en place effective de ce droit pour les DE pourraient avoir un effet moteur ou accélérateur de la nécessaire mutation du principal opérateur de notre SPE.

Constat n° 6 : Responsabiliser les individus dans la gestion de leur parcours professionnel est aujourd’hui essentiel

Le constat précédent pointe déjà du doigt les limites d’approches trop « boîte à outils » ; Une jurisprudence constante de la Cour de Cassation confère à l’employeur la responsabilité de maintenir la capacité de ses salariés à occuper un emploi. Cette responsabilité de l’entreprise devrait être réfléchie à l’aune des nouveaux cadres issus de la loi LSE et des nouveaux droits des salariés.

L’enjeu véritable est ici une forme de révolution culturelle, les différentes générations (de plus en plus nombreuses !) qui coexistent aujourd’hui dans l’entreprise, prenant peu à peu conscience qu’elles devront de plus en plus prendre en main en toute autonomie l’organisation, la planification et le déroulement de leur carrière professionnelle. Pourtant il semblerait au travers de multiples observations, que les individus non seulement l’ont déjà largement compris, mais également commencé à l’intégrer en pratique ; le problème est sans doute plutôt du côté des canaux de distribution de ces nouveaux outils et sur leur capacité à répondre à leurs vrais besoins que sur la plus ou moins grande préparation des individus à ce changement en profondeur des relations de travail.

Le risque majeur réside dans le fait que ce nouveau modèle de fonctionnement idéal de notre marché du travail est par nature susceptible de bénéficier davantage à ceux qui y sont le mieux

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nouvelles contraintes, de mobilité notamment, pour les salariés et quelles contreparties les entreprises du 21e siècle peuvent-elles proposer en retour ? C’est toute la question de la flexicurité.

Quoiqu’il en soit, plus autonomes et responsables, évalués sur des objectifs de performance mesurables et mesurés, les nouveaux salariés sont aussi exposés à de nouvelles formes de risques, les fameux RPS, quand ils ont la chance d’être en CDI dans une entreprise prospère. Pour les autres, chômeurs, en particulier jeunes et seniors, salariés en CDD ou en Intérim, c’est à l’autre face d’un marché du travail dont la dualité ne cesse de s’approfondir qu’ils sont confrontés.

Faut-il poursuivre le mouvement continu d’individualisation dans le management des hommes et la gestion des RH, au risque de faire éclater le cadre collectif des relations de travail en renvoyant chacun à sa petite entreprise unipersonnelle, aussi dûment outillée et dotée de « droits rechargeables » soit elle par ailleurs ?

Faut-il se soucier au contraire des quelques remparts à préserver et des nouvelles formes de solidarité à faire vivre et à développer dans un cadre collectif, fût-il profondément nouveau par rapport aux formats traditionnels ? C’est bien cette question centrale de l’articulation dynamique entre les dimensions individuelles et collectives des relations de travail qui est posée aujourd’hui, plus ou moins consciemment, dans le débat sur la mise en place progressive d’une « flexicurité à la française » et de nouvelles formes de gestion des carrières et des mobilités professionnelles. C’est bien ainsi dans et autour des entreprises au sens large, grands groupes, PME, TPE même, et de leur capacité à mobiliser un ensemble élargi de parties prenantes, que se situent les enjeux les plus importants nous semble-t-il aujourd’hui, et les marges de manœuvre pour mettre en place des dispositifs de gestion des mobilités innovants qui soient moins traumatisants pour les corps sociaux que les plans sociaux qu’on souhaiterait vraiment, dans l’esprit de l’ANI de janvier 2013, n’intervenir qu’en tout dernier recours.

D’une façon plus générale et pour reprendre le triptyque modélisé par A. SUPIOT, si l’on souhaite donner plus de responsabilité et d’autonomie aux personnes dans la gestion de leur carrière, il faut que cela puisse se faire dans un environnement sécurisé (à commencer par la sécurité des informations disponibles sur lesquelles nous reviendrons).

Première conclusion

Alors que les plans sociaux semblaient jusqu’ici l’outil privilégié de gestion des mobilités en France (mobilité externe subie), les directions d’entreprises ont aujourd’hui toute une palette d’outils et dispositifs à actionner de façon plus ou moins anticipée ou davantage négociée, y compris les plans de départs volontaires. Les plans sociaux eux-mêmes sont négociés dans 80 % des cas depuis l’entrée en vigueur de la LSE.

Un tabou semble aussi être en train de tomber : celui du partage de l’information stratégique entre directions et partenaires sociaux, qui met en retour ces derniers en position de co responsabilité, en particulier au niveau de l’entreprise (et sans doute aussi branche pour les PME et TPE) et des territoires.

En outre, on l’a vu, les individus sont de plus en plus (de mieux en mieux ?) outillés et incités à prendre l’initiative dans la gestion de leur carrière.

Ces différentes logiques doivent aujourd’hui se conjuguer plutôt que d’être opposées l’une à l’autre, pour apporter des réponses aux limites bien connues de la mobilité et maintenant de la flexicurité à la française.

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Ce nouveau droit s’inscrit dans un schéma de responsabilité partagée entre la personne (qui a l’initiative de faire valoir ce droit), le service public de l’emploi (SPE) dont les acteurs doivent être coordonnés par les Régions dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO) et l’entreprise.

La voie de la responsabilisation des personnes déjà initiée avec le CIF et le DIF se voit ainsi confortée, mais également celle des employeurs tenus au maintien de l’employabilité de leurs salariés (« maintien de la capacité à occuper un emploi » selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation).

Du coup, il y a un enjeu fort de territorialisation du SPE de façon à permettre une meilleure connaissance des caractéristiques locales du marché du travail, mais aussi de coordination des multiples acteurs publics nationaux et régionaux rassemblant les missions emploi, formation et orientation au sein des nouvelles instances uniques (CNEPOF et CREPOF).

Les conditions de mise en œuvre et d’effectivité CEP Il y a tout d’abord un gros enjeu de communication, de pédagogie et de promotion de ce nouveau dispositif (pour éviter de reproduire les erreurs commises avec le DIF). Pour l’instant le moins qu’on puisse dire est que la communication a été plus que discrète, peut-être pour laisser le temps aux opérateurs de se mettre en ordre de bataille …

Il faut aussi, dans le même ordre d’idée, sensibiliser les entreprises et les managers afin d’optimiser l’articulation avec l’entretien professionnel et éviter de retomber dans le travers des bilans de compétences surtout proposés aux personnes en difficulté.

Mais ces conditions concernent avant tout les opérateurs et ce dans une triple perspective : D’organisation du SPRO et de coordination des acteurs publics ; De montée en compétences des acteurs les plus éloignés du métier de conseil en évolution professionnelle (en particulier Pôle emploi) ; D’harmonisation progressive des approches, méthodes et pratiques des différents opérateurs.

Les risques et les opportunités Il y a peut-être un risque de renforcement de la dualité d’un marché du travail déjà très segmenté : pour certains concepteurs, les DE n’auront pas recours, ou très peu, au dispositif et Pôle emploi est aujourd’hui plus éloigné des compétences cibles que le réseau des FONGECIF par exemple.

La principale opportunité est bien sûr pour les actifs qui pourraient ainsi bénéficier d’un service à haute valeur ajoutée de la part du SPE / SPO.

Pour Pôle emploi enfin, les contraintes liées à la mise en place effective de ce droit pour les DE pourraient avoir un effet moteur ou accélérateur de la nécessaire mutation du principal opérateur de notre SPE.

Constat n° 6 : Responsabiliser les individus dans la gestion de leur parcours professionnel est aujourd’hui essentiel

Le constat précédent pointe déjà du doigt les limites d’approches trop « boîte à outils » ; Une jurisprudence constante de la Cour de Cassation confère à l’employeur la responsabilité de maintenir la capacité de ses salariés à occuper un emploi. Cette responsabilité de l’entreprise devrait être réfléchie à l’aune des nouveaux cadres issus de la loi LSE et des nouveaux droits des salariés.

L’enjeu véritable est ici une forme de révolution culturelle, les différentes générations (de plus en plus nombreuses !) qui coexistent aujourd’hui dans l’entreprise, prenant peu à peu conscience qu’elles devront de plus en plus prendre en main en toute autonomie l’organisation, la planification et le déroulement de leur carrière professionnelle. Pourtant il semblerait au travers de multiples observations, que les individus non seulement l’ont déjà largement compris, mais également commencé à l’intégrer en pratique ; le problème est sans doute plutôt du côté des canaux de distribution de ces nouveaux outils et sur leur capacité à répondre à leurs vrais besoins que sur la plus ou moins grande préparation des individus à ce changement en profondeur des relations de travail.

Le risque majeur réside dans le fait que ce nouveau modèle de fonctionnement idéal de notre marché du travail est par nature susceptible de bénéficier davantage à ceux qui y sont le mieux

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armés ; considérant que sa dualité, profonde et en constante aggravation, est déjà une des difficultés les plus épineuses, il n’est pas sûr que les réformes récentes aillent dans le sens de la nécessaire réparation du lien social dans l’univers d’un travail par ailleurs engagé dans des dynamiques de transformations puissantes, profondes et pas toujours entièrement prévisibles.

Enfin, comment répondre au défi d’une plus grande responsabilisation des individus en matière de mobilités dans un contexte où les défaillances du système éducatif s’aggravent et où les organisations du travail françaises pêchent par manque d’autonomie, d’innovation et de dynamiques apprenantes ? L’injonction pourrait très vite devenir paradoxale.

Constat n° 7 : La GPEC au croisement de multiples contraintes Malgré les progrès de la GPEC la gestion des mobilités demeure pour les entreprises un sujet compliqué au cœur de multiples contraintes.

Au sein des grands groupes, voire de leurs filiales ou sous-traitants de taille intermédiaire, la tendance est clairement à faire évoluer la GPEC depuis un mode projet vers un mode de fonctionnement processuel au fil de l’eau.

Les nouveaux outils proposés par la LSE sont au diapason, au plan sémantique pour le moins, de l’irénisme qui tend à régir le vocabulaire des RH (voir partie 1). Moins de 10 AME ont ainsi été conclus ; concernant les accords de mobilité, qui peuvent se conclure (de façon optionnelle) dans le cadre des négociations triennales sur la GPEC (obligatoires depuis 2005), le décompte même en est plus difficile.

Toutefois, l’innovation dans le vocabulaire ou les méthodes ne traduit pas nécessairement de mutation en profondeur du fonctionnement des restructurations (comme en témoigne le recours massif aux mesures d’âge, aux contrats courts ou à la sous-traitance pour ne citer que quelques exemples).

Les accords de mobilité

Les accords de mobilité sont, semble-t-il, peu nombreux. Nécessairement inscrits dans un accord de GPEC, ils sont toutefois difficiles à recenser par l’administration, leur repérage supposant une lecture attentive du contenu de l’accord.

Les quelques exemples dont nous disposons permettent toutefois de dresser les grandes lignes de l’intérêt et des limites des accords de GPEC incluant un accord de mobilité.

Dans la mesure où accord de GPEC et accord de mobilité forment un tout, ces accords décrivent deux processus distincts :

- un processus générique de GPEC visant à anticiper, à un horizon de 2 à 5 ans, des évolutions d’emploi liées d’une part à la stratégie de l’entreprise et d’autre part à la démographie de ses salariés. Ce processus s’accompagne d’un dispositif d’aide à la mobilité interne et, le cas échéant, externe, sur une base volontaire.

- un processus spécifique de gestion des mobilités en situation de réorganisation sans projet de réduction d’emploi. Ce processus s’accompagne d’un dispositif d’aide à la mobilité interne à l’initiative de l’employeur et peut conduire à un licenciement en cas de refus du salarié. Il s’agit alors d’un licenciement pour motif économique, mais à titre individuel, ce qui signifie que si 10 salariés ou plus refusent une mobilité, l’employeur n’a pas l’obligation de concevoir et mettre en œuvre un PSE ni, par conséquent, d’engager les procédures relatives à la conception de ce PSE. L’accord doit toutefois prévoir les mesures d’accompagnement qui seront proposées aux salariés licenciés.

Ces deux processus répondent à des enjeux distincts : - le principal enjeu du processus d’anticipation des évolutions d’emploi est celui de son effectivité et donc des moyens qui sont

déployés pour le mettre en œuvre - le principal enjeu du processus de gestion des mobilités en situation de réorganisation est celui de son équité et donc du

contrôle collectif auquel il est soumis

Les moyens déployés pour mettre en œuvre le processus d’anticipation portent sur : - la mise en place d’un observatoire des métiers. Il s’agit d’une instance paritaire associant le plus souvent des représentants

de la direction, des ressources humaines et du personnel (en général des organisations syndicales)

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Contribution La création d’une plateforme pour les alternants montre qu’il est possible à partir de procédures réglementaires d’anticiper, d’innover et d’associer les parties prenantes à un projet complexe au cœur des problématiques de la mobilité. Ce projet a pu être envisagé dès la deuxième convention compte tenu des résultats positifs du retour d’expérience de la première et de l’engagement de l’ensemble des parties prenantes.

L’évolution de la gestion des restructurations

Les transformations socio-économiques ont un caractère récurrent et les restructurations d’entreprises n’échappent à pas à cette règle même si leur intensité et leurs formes peuvent varier au cours du temps. Pour autant celles-ci de plus en plus « sortent de l’enveloppe de l’entreprise ». Et il est nécessaire, si tout change, de voir devant, et de s’interroger sur l’anticipation et la mise en capacité des acteurs qui reste insuffisante et souvent trop étroitement liée à une appréhension des seuls dispositifs. Par ailleurs, si l’on peut chiffrer les pertes d’emplois ainsi que les ruptures de contrat, on ne connaît toujours pas les flux de transition et notamment ceux qui se développent dans un territoire.

Enfin, signe majeur d’évolutions inachevées, la moindre restructuration, le moindre plan social suscite toujours en matière médiatique comme dans le milieu politique une fièvre et une agitation sans commune mesure avec ce qui se passe au-delà de nos frontières.

Et pourtant la gestion des restructurations a considérablement évolué ces dernières années et ce sous des angles multiples : nombreuse modifications législatives visant à simplifier et sécuriser les démarches d'information consultation et à instaurer une flexicurité à la française, réduction significative des licenciements économiques au profit d’autres formes de rupture, y compris conventionnelles, mais aussi persistance des embauches sous contrats courts, montée des CHSCT sur l’aspect RPS, mise en place du Contrat de Sécurisation Professionnel (CSP), multiples initiatives territoriales etc..

En termes de restructurations, les questions majeures posées au dispositif français sont de trois ordres : • Celui de la place de l’activité et du travail plutôt que la seule obsession sur l’emploi ; • Celui de la place des acteurs : Etat/régions/partenaires sociaux/entreprises et en particulier de la

place du territoire comme espace d’action et d’innovation sociale ; • Celui des vulnérabilités/capacités différenciées des individus et de la manière dont les cadres

actuels/futurs sauront les prendre en compte.

C’est dans ce cadre qu’ASTREES a voulu se poser la question des mobilités à la fois nouvelles et positives qui émergent ou qu’il faudrait développer.

Un « pacte social » réinterrogé

Au fond, la question de la mobilité rejoint celle de la nécessaire redéfinition du pacte employeurs – salariés (contrat dit parfois encore psychologique ou moral parce qu’il se réfère à des règles tacites). On dit depuis un moment déjà que le compromis fordiste est caduc. Et c’est vrai que la subordination n’est plus compensée par les sécurités établies au fur et à mesure que se développait notre droit social, et qui apparaissent de plus en plus comme des facteurs de rigidité et de non performance économique d’un autre âge, sans que la preuve économique, au-delà d’une opinion (doxa) majoritaire, en soit réellement établie … Et sans parler du fait que le champ juridique de la subordination connaît de plus en plus d’extensions en pratique et dans des zones d’ombre de notre ordre juridique classique (« uberisation » des relations de travail).

On n’a pourtant pas beaucoup d’exemples de ces fameux « nouveaux paradigmes » censés devoir le régénérer, à part peut-être celui, en vogue récente, de l’entreprise libérée. La question demeure : quelles

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- Un dialogue social stratégique nourri - Un suivi réel des actions entreprises Par ailleurs, il est possible d’identifier des effets positifs des politiques déployées concernant les transitions professionnelles des personnes mais aussi le climat social et la performance du groupe. Restent les limites affectant le devenir des dispositifs : une partie importante de la GAE s’appuie sur des dispositifs de retraite anticipée, coûteux et directement dépendants de l’évolution de la pyramide des âges. Par ailleurs, les mesures de GAE, axées sur le court terme, ne peuvent permettre à elles seules de répondre au défi de la transmission des savoirs au sein d’un groupe caractérisé par de hauts niveaux de compétence de ses salariés.

Enfin, la GPEC sort du cadre strict de l’entreprise et s’inscrit de plus en plus dans des ancrages territoriaux, et à travers un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes ou encore dans des dynamiques de passerelles entre secteurs. Certains projets présentés au LAB illustrent bien cette dernière tendance.

La Convention de revitalisation comme outil d’innovation sociale : Un projet de plateforme pour les alternants

Contexte Les plans de départs volontaires mis en place par Air France ayant été qualifiés de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) l’entreprise a été conduite à mettre en place les Conventions de revitalisation afférentes. Air France a confié la préparation, la réalisation, le suivi et le reporting de ces conventions à sa filiale spécialisée : la SODESI Crée en 1995 pour venir en appui de la politique sociale et industrielle d’Air France, dans les domaines de la mobilité professionnelle à titre individuel ou collectif et dans le soutien au développement des territoires où le groupe est implanté. La SODESI est organisée autour de 3 Pôles: • Le Pôle Bilans et accompagnements • Le Pôle Essaimage • Le Pôle Développement des territoires qui notamment anime et déploie les Plans de revitalisation d’Air France Objectif Saisir l’opportunité des Conventions de revitalisations pour développer des projets socialement innovants en s’appuyant sur les savoir-faire et les réseaux de la SODESI et participer ainsi à l’ancrage territorial de la RSE du Groupe. S’appuyer sur une méthodologie expérimentée lors de la première convention pour développer dès la seconde des partenariats avec l’ensemble des parties prenantes. Cette ouverture sur les territoires devant permettre d’aborder les problématiques liées de formation et de mobilités en particulier celle des jeunes. Déroulement Lors de la première Convention de revitalisation (2009) la SODESI a essentiellement assuré un équilibre dynamique entre : • les objectifs de la DGEFP via une Convention Nationale Cadre arrêtant notamment les territoires retenus et les engagements

financiers correspondant, • le souhait d’Air France de financer des actions en lien direct avec l’emploi et une attention particulière portée au Secteur

adapté, • les exigences des DIRECCTE concernées et de leurs Unités territoriales (les Conventions locales sont signées par les Préfets), • les besoins des structures porteuses de projets (plateformes d’initiatives ; missions locales ; Chambres consulaires ; …) Cette logique de coopération s’est traduite par une série d’innovations. Notamment • dans les conventions locales signées : prise en compte du Secteur adapté ; premières conventions ultramarines… • dans la mise en place d’outils de reporting spécifiques aux Conventions L’analyse de l’impact de cette première convention a débouché, à l’initiative de la DIRECCTE Ile de France et de l’ARD (Agence régionale de développement), sur la création de groupes de travail à qui il a été demandé de faire des propositions pour mieux faire bénéficier les PME et les alternants des Conventions de revitalisation à venir. A ces groupes de travail ont été associés d’autres groupes industriels intéressés par la démarche : Lafarge, Sanofi, Schneider, Thalès.

Cette démarche originale a permis de définir 6 cibles prioritaires dont les jeunes en apprentissage.

Cette démarche anticipatrice a permis de retenir dans la seconde Convention de revitalisation (2012) le développement d’une « plateforme alternants » à destination des jeunes apprentis, des entreprises (particulièrement des PME) et des Centres de formation. Cette plateforme initiée par Air France, cofinancée par d’autres grandes entreprises sera développée en partenariat avec l’ensemble des acteurs concernés qui seront associés à sa gouvernance

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- la mise en place d’un référentiel métier aussi simple et pragmatique que possible, l’accent étant mis dans un premier temps sur les métiers sensibles (métiers en tension, en mutation ou en déclin)

- l’affectation de ressources RH dédiées, en mesure de produire les supports nécessaires, de concevoir des passerelles entre métiers et d’animer la démarche sur le terrain, auprès du management et des salariés

- la mise en place de référents GPEC, choisis parmi les représentants du personnel, à même de faire connaître les dispositions de l’accord et de conseiller, voire d’accompagner les salariés

- la mise en place d’un dispositif d’invitation à la mobilité volontaire :

* diffusion de l’information sur les métiers sensibles et les mesures d’accompagnement proposées * entretien de carrière ou d’orientation * passeport formation

- la mise à disposition de mesures d’aide à la mobilité interne, en particulier pour les métiers sensibles * formations (notamment dans le cadre des passerelles entre métiers) * VAE * Abondement du CPF * Garanties en cas de mobilité professionnelle (période d’adaptation, garantie de salaire, de progression professionnelle…) * Aides à la mobilité géographique - Auxquelles s’ajoutent, le cas échéant, des aides à la mobilité externe * Mobilité volontaire sécurisée * Allocation temporaire dégressive * Indemnisation de la rupture du contrat de travail Les principes qui visent à garantir un contrôle collectif en cas de réorganisation portent sur :

- la consultation des instances représentatives du personnel avant la mise en œuvre de la réorganisation et la proposition de mobilités internes par l’employeur

- l’ouverture d’une période de volontariat avant les propositions unilatérales - la détermination de critères afin de désigner les salariés à qui une mobilité est proposée - la définition de la zone géographique d’emploi selon un périmètre qui n’est pas moins favorable que la jurisprudence - des conditions d’accompagnement à la mobilité interne ou externe au moins équivalentes à celles du dernier PSE

Dans tous les cas le dispositif d’ensemble est placé sous le contrôle d’une commission paritaire de suivi de la mise en œuvre de l’accord.

Lorsque ces différents éléments sont présents, l’accord de GPEC incluant un accord de mobilité peut présenter des avantages tant pour l’employeur que pour les salariés :

- l’employeur peut adapter ses besoins en compétences dans la durée et organiser des mobilités selon des procédures relativement légères, prévues d’avance

Les salariés peuvent bénéficier en permanence d’outils leur permettant de construire un parcours professionnel. En cas de refus d’une mobilité proposée par l’employeur, ils peuvent également bénéficier d’un accompagnement équivalent à celui que proposerai un PSE, même à titre individuel ou si leur contrat de travail prévoit une clause de mobilité (les dispositions de l’accord prévalent sur celles du contrat de travail).

En conclusion de l’ensemble de ces constats, on observe un contraste singulier entre une forme de prescription générale d’agilité pour les entreprises et de mobilité pour les actifs posés comme des principes généraux (et sans doute excessive par rapport aux besoins réels), et le regret d’une insuffisante propension des personnes à la mobilité alors même que les entreprises comme les administrations peinent à les organiser ou à les « ordonner » et que les utilisateurs futurs sont peu associés aux dispositifs qui les concernent.

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- Un dialogue social stratégique nourri - Un suivi réel des actions entreprises Par ailleurs, il est possible d’identifier des effets positifs des politiques déployées concernant les transitions professionnelles des personnes mais aussi le climat social et la performance du groupe. Restent les limites affectant le devenir des dispositifs : une partie importante de la GAE s’appuie sur des dispositifs de retraite anticipée, coûteux et directement dépendants de l’évolution de la pyramide des âges. Par ailleurs, les mesures de GAE, axées sur le court terme, ne peuvent permettre à elles seules de répondre au défi de la transmission des savoirs au sein d’un groupe caractérisé par de hauts niveaux de compétence de ses salariés.

Enfin, la GPEC sort du cadre strict de l’entreprise et s’inscrit de plus en plus dans des ancrages territoriaux, et à travers un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes ou encore dans des dynamiques de passerelles entre secteurs. Certains projets présentés au LAB illustrent bien cette dernière tendance.

La Convention de revitalisation comme outil d’innovation sociale : Un projet de plateforme pour les alternants

Contexte Les plans de départs volontaires mis en place par Air France ayant été qualifiés de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) l’entreprise a été conduite à mettre en place les Conventions de revitalisation afférentes. Air France a confié la préparation, la réalisation, le suivi et le reporting de ces conventions à sa filiale spécialisée : la SODESI Crée en 1995 pour venir en appui de la politique sociale et industrielle d’Air France, dans les domaines de la mobilité professionnelle à titre individuel ou collectif et dans le soutien au développement des territoires où le groupe est implanté. La SODESI est organisée autour de 3 Pôles: • Le Pôle Bilans et accompagnements • Le Pôle Essaimage • Le Pôle Développement des territoires qui notamment anime et déploie les Plans de revitalisation d’Air France Objectif Saisir l’opportunité des Conventions de revitalisations pour développer des projets socialement innovants en s’appuyant sur les savoir-faire et les réseaux de la SODESI et participer ainsi à l’ancrage territorial de la RSE du Groupe. S’appuyer sur une méthodologie expérimentée lors de la première convention pour développer dès la seconde des partenariats avec l’ensemble des parties prenantes. Cette ouverture sur les territoires devant permettre d’aborder les problématiques liées de formation et de mobilités en particulier celle des jeunes. Déroulement Lors de la première Convention de revitalisation (2009) la SODESI a essentiellement assuré un équilibre dynamique entre : • les objectifs de la DGEFP via une Convention Nationale Cadre arrêtant notamment les territoires retenus et les engagements

financiers correspondant, • le souhait d’Air France de financer des actions en lien direct avec l’emploi et une attention particulière portée au Secteur

adapté, • les exigences des DIRECCTE concernées et de leurs Unités territoriales (les Conventions locales sont signées par les Préfets), • les besoins des structures porteuses de projets (plateformes d’initiatives ; missions locales ; Chambres consulaires ; …) Cette logique de coopération s’est traduite par une série d’innovations. Notamment • dans les conventions locales signées : prise en compte du Secteur adapté ; premières conventions ultramarines… • dans la mise en place d’outils de reporting spécifiques aux Conventions L’analyse de l’impact de cette première convention a débouché, à l’initiative de la DIRECCTE Ile de France et de l’ARD (Agence régionale de développement), sur la création de groupes de travail à qui il a été demandé de faire des propositions pour mieux faire bénéficier les PME et les alternants des Conventions de revitalisation à venir. A ces groupes de travail ont été associés d’autres groupes industriels intéressés par la démarche : Lafarge, Sanofi, Schneider, Thalès.

Cette démarche originale a permis de définir 6 cibles prioritaires dont les jeunes en apprentissage.

Cette démarche anticipatrice a permis de retenir dans la seconde Convention de revitalisation (2012) le développement d’une « plateforme alternants » à destination des jeunes apprentis, des entreprises (particulièrement des PME) et des Centres de formation. Cette plateforme initiée par Air France, cofinancée par d’autres grandes entreprises sera développée en partenariat avec l’ensemble des acteurs concernés qui seront associés à sa gouvernance

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- la mise en place d’un référentiel métier aussi simple et pragmatique que possible, l’accent étant mis dans un premier temps sur les métiers sensibles (métiers en tension, en mutation ou en déclin)

- l’affectation de ressources RH dédiées, en mesure de produire les supports nécessaires, de concevoir des passerelles entre métiers et d’animer la démarche sur le terrain, auprès du management et des salariés

- la mise en place de référents GPEC, choisis parmi les représentants du personnel, à même de faire connaître les dispositions de l’accord et de conseiller, voire d’accompagner les salariés

- la mise en place d’un dispositif d’invitation à la mobilité volontaire :

* diffusion de l’information sur les métiers sensibles et les mesures d’accompagnement proposées * entretien de carrière ou d’orientation * passeport formation

- la mise à disposition de mesures d’aide à la mobilité interne, en particulier pour les métiers sensibles * formations (notamment dans le cadre des passerelles entre métiers) * VAE * Abondement du CPF * Garanties en cas de mobilité professionnelle (période d’adaptation, garantie de salaire, de progression professionnelle…) * Aides à la mobilité géographique - Auxquelles s’ajoutent, le cas échéant, des aides à la mobilité externe * Mobilité volontaire sécurisée * Allocation temporaire dégressive * Indemnisation de la rupture du contrat de travail Les principes qui visent à garantir un contrôle collectif en cas de réorganisation portent sur :

- la consultation des instances représentatives du personnel avant la mise en œuvre de la réorganisation et la proposition de mobilités internes par l’employeur

- l’ouverture d’une période de volontariat avant les propositions unilatérales - la détermination de critères afin de désigner les salariés à qui une mobilité est proposée - la définition de la zone géographique d’emploi selon un périmètre qui n’est pas moins favorable que la jurisprudence - des conditions d’accompagnement à la mobilité interne ou externe au moins équivalentes à celles du dernier PSE

Dans tous les cas le dispositif d’ensemble est placé sous le contrôle d’une commission paritaire de suivi de la mise en œuvre de l’accord.

Lorsque ces différents éléments sont présents, l’accord de GPEC incluant un accord de mobilité peut présenter des avantages tant pour l’employeur que pour les salariés :

- l’employeur peut adapter ses besoins en compétences dans la durée et organiser des mobilités selon des procédures relativement légères, prévues d’avance

Les salariés peuvent bénéficier en permanence d’outils leur permettant de construire un parcours professionnel. En cas de refus d’une mobilité proposée par l’employeur, ils peuvent également bénéficier d’un accompagnement équivalent à celui que proposerai un PSE, même à titre individuel ou si leur contrat de travail prévoit une clause de mobilité (les dispositions de l’accord prévalent sur celles du contrat de travail).

En conclusion de l’ensemble de ces constats, on observe un contraste singulier entre une forme de prescription générale d’agilité pour les entreprises et de mobilité pour les actifs posés comme des principes généraux (et sans doute excessive par rapport aux besoins réels), et le regret d’une insuffisante propension des personnes à la mobilité alors même que les entreprises comme les administrations peinent à les organiser ou à les « ordonner » et que les utilisateurs futurs sont peu associés aux dispositifs qui les concernent.

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IV - 3e PARTIE : ORIENTATIONS POUR L’ACTION

Cette dernière partie de notre travail est par nature la plus délicate. Au-delà d’un diagnostic, par ailleurs largement partagé, nous souhaitons proposer quelques perspectives concrètes, opérantes ou simplement « intelligentes ». Nous y avons travaillé de façon collégiale, sur la base des échanges d’expériences et des regards croisés de praticiens et d’experts, membres du LAB ou personnes auditionnées. Et ce afin de contribuer au débat public, voire si possible et aussi modestement que ce soit, à une meilleure gestion de la mobilité et une plus grande sécurisation des parcours professionnels en France. Car s’il est une certitude, c’est que les marges de progrès ne manquent pas !

Compte tenu à la fois des limites de l’exercice et de notre volonté d’éviter la facilité qu’il y aurait à dresser une liste de vœux pieux, nous avons cherché à faire preuve du plus grand pragmatisme possible en nous concentrant sur le « comment » plutôt que sur le « quoi » (à l’exception de certaines des analyses et recommandations du rapport AUBERT que nous avons choisi de promouvoir), non seulement parce que nous y sommes plus légitimes mais aussi parce que c’est sans doute le volet le moins souvent abordé alors qu’il est essentiel. Ainsi avec une plus grande culture du changement, c’est aussi et d’une façon générale une meilleure prise en compte des impératifs de conduite du changement qui nous semble impérative aujourd’hui en particulier par les acteurs publics.

Ce choix pourra sembler décevant en première analyse. Qu’il nous soit fait crédit de son honnêteté intellectuelle et de son utilité « pour l’action » !

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Gestion active de l’Emploi et GPEC au sein du groupe THALES Contexte général Partiellement détenu par l’Etat, THALES est un groupe international développant des activités dans plus de 50 pays. Avec 68,000 salariés de par le monde et 35 000 en France (dont 25 000 ingénieurs) le groupe a généré en 2013 €14.2 milliards de résultat, majoritairement sur la base de ses marchés de défense. Relativement à sa GRH, la question de la transmission des savoirs entre des générations jeunes et plus anciennes est particulièrement sensible dans une industrie marquée par un haut niveau de compétences. Le climat social est généralement décrit comme très constructif et est à l’origine de très nombreux accords collectifs conclus à différents niveaux, y compris européen. Dans la période récente, ces derniers ciblent tout particulièrement la problématique de la GPEC et de l’accompagnement Du changement Gestion Active de l’Emploi (GAE) et GPEC : gérer autrement les restructurations Jusqu’en 2004, le management des restructurations chez Thales emprunte la voie traditionnelle des licenciements collectifs et des plans sociaux. Désireuse de forger d’autres méthodes de management collectif du changement, la direction engage un dialogue avec ses organisations syndicales qui aboutit en 2006 à la signature par l’ensemble des organisations représentatives du premier accord de groupe relatif à la GPEC. A ce dernier, succédera en 2013 un nouvel accord à durée déterminée sur la GPEC nourri par les expériences antérieures. Les partenaires sociaux sont directement impliqués dans la mise en œuvre de l’accord à un double niveau : dans une Commission Centrale Anticipation placée au niveau du groupe, conçu largement comme une instance de dialogue autour de l’anticipation, et dans des comités locaux dans chaque société et/ou établissement du groupe. Ces instances locales ont pour rôle la déclinaison de l’accord de groupe.

Par ces dispositifs, Thales opte pour une approche RH globale du changement. Les accords GPEC incluent ainsi deux dimensions complémentaires :

Une dimension GPEC de moyen/long terme, incluant prospective des emplois et compétences, dialogue social stratégique et mesures de préparation et d’accompagnement des salariés aux évolutions identifiées (formation, accompagnement à la mobilité, actions territoriales au service de l’emploi, soutien à la création d’entreprises…) Une dimension Gestion Active de l’Emploi (GAE) répondant aux problématiques emploi à court terme (1 an à 1 an et demi) et passant par la mise en place de mesures alternatives aux licenciements sur la base du volontariat : actions de formation, accompagnement à la mobilité interne au sein de la société d’appartenance et/ou du groupe mais aussi à la mobilité externe, programme de retraite anticipée (mise à disposition/MAD), accès au temps partiel et retraites. Quels impacts ? Globalement, les dispositifs de GPEC / GAE du groupe semblent permettre de mieux accompagner les suppressions d’emploi : ces dernières années, 2 200 reclassements ont ainsi pu être réalisés au niveau du groupe. Depuis juin 2013, aux 1 100 emplois supprimés ont été associés 740 reclassements.

Rapporté à une des filiales du groupe, TSA, la GPEC/GAE en 2013-2014 a pu recouvrir à la fois des suppressions et créations d’emploi (GAE) et des mesures de GPEC :

Le recours à la GPEC/GAE est jugée globalement plus coûteux que les plans sociaux par les responsables RH du groupe, surcoût évaluée grossièrement à 15 % mais perçu comme largement compensé par des incidences positives en termes de climat social, absence de grèves et accroissement de la compétitivité du groupe. Il permet aussi de mieux lier les politiques de formation aux enjeux identifiés au travers de la GPEC et de répondre rapidement aux besoins d’ajustement des effectifs sans mettre en danger les activités du groupe. Reste que pour la direction, la GAE s’avère aujourd’hui plus difficile à conduire, en raison des difficultés rencontrées pour assurer la mobilité au sein du groupe et surtout des limites affectant le nombre de personnes éligibles au dispositif de mise à disposition (pré retraite).

Si les organisations syndicales signataires des accords collectifs de groupe ou locaux adhèrent aux objectifs de ces dispositifs, certaines insistent également sur leurs limites : une GPEC encore trop théorique en regard des défis auquel le groupe est confronté (notamment en regard du développement possible du marché indien pour TSA), une GAE reposant essentiellement sur des départs en préretraite ne favorisant pas la transmission des savoirs, un climat social affecté par le sentiment d’une GAE permanente, etc.

Enseignements Globalement, l’approche GPEC /GAE de Thales, mise en place depuis plus de 8 ans, semble aujourd’hui bien ancrée. Elle a notamment résisté aux difficultés liées aux changements dans le top management du groupe. Au-delà, elle fait figure de véritable mécanisme collectif et partagé de gestion du changement reposant sur :

- Une culture du dialogue social éprouvée depuis 30 ans ; - Une boîte à outils dense combinant mesures de court et long terme, mises au service des mobilités internes et externes des

personnes

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Sur un autre volet, en Europe, c’est aussi un nouvel âge de la mobilité. Mais compte tenu de la panne de l’Europe sociale depuis le début des années 2000, et des inégalités croissantes entre pays membres, les régulations peinent à se mettre en place de façon opérante comme le montre la question du travail détaché.

Il n’en reste pas moins que c’est aussi au niveau de l’Europe, et plus largement du monde, que peuvent désormais se construire les parcours de carrière, en particulier pour les profils les plus recherchés dans un contexte de « guerre des talents » devenue structurelle.

Ce sont autant de nouveaux défis pour la gestion des carrières, de l’emploi et des mobilités pour les entreprises opérant à une échelle globale.

La GPEC enfin opérante ?

La Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences est, on le sait, une idée ancienne et séduisante intellectuellement, mais dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle aura mis du temps à se traduire dans les faits et par des résultats concrets. Or on pourrait bien être en train d’assister, pour une fois à une assez large échelle, à un déploiement effectif des politiques de GPEC que certains groupes, en particulier mais pas uniquement dans les secteurs où il est difficile de prévoir à plus d’un an, préfèrent appeler « Gestion Active de l’Emploi » ou Gestion Anticipatrice de l’Emploi » (notion certes distincte mais dont les dispositions sont néanmoins négociées dans le cadre d’accords de GPEC ).

Depuis la Loi Borloo qui en avait fait un sujet de négociation obligatoire triennale, l’ANI de janvier 2008 – sur la modernisation du marché du travail - selon lequel GPEC n’est pas contradictoire avec mobilité externe, la LSE est venue apporter une série d’éléments complémentaires substantiels, dont le principal est sans doute la nouvelle consultation obligatoire sur la stratégie et les perspectives de l’entreprise. Autres éléments d’importance apportés par la LSE : possibilité de lier négociation d’un accord GPEC et d’un accord de mobilité, ou encore connexion plus forte entre GPEC et plan de formation qui sera précisée dans la loi de mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle.

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Orientation n° 1 : Rendre la mobilité attractive pour tous

L’ensemble des réformes en cours reposent sur la mise en œuvre d’un nouveau paradigme qui nécessite de s’assurer des capacités de chacun à s’y adapter et de rendre la mobilité attractive, « payante » pour chacun avec l’aide des entreprises et des pouvoirs publics. Il s’agit ainsi de circonscrire au mieux les risques inhérents à toute mobilité. Pour cela, il nous semble utile et souhaitable

Que les entreprises :

Dynamisent la gestion des carrières (l’entretien de carrière prévu dans la loi de réforme de la formation professionnelle de juin 2014 peut être un levier puissant … à condition que les services de développement des RH et les managers en tirent tout le parti) et mettent en place des dispositifs permanents et un environnement favorable à la diffusion d’une « culture du changement » ; Favorisent la mise en mouvement des salariés en les sensibilisant à l’utilisation des outils digitaux émergents à même de les aider dans leurs réflexions (ex. : Pôle Emploi Store) ; Evitent que la gestion des carrières, ou des « talents » selon une terminologie en vogue, ne limite sa cible aux cadres supérieurs ou dirigeants ou aux métiers en expansion ; Innovent dans leurs organisations du travail de manière à ce que celles-ci favorisent l’autonomie, l’apprentissage permanent et la mobilité des salariés ; Tirent tout le parti des nouveaux outils dits de mobilité et de travail à distance tout en préservant les collectifs de travail.

Que les pouvoirs publics, aux divers niveaux, et les partenaires sociaux :

Réussissent à articuler les interventions du SPRO, des entreprises et des actifs concernés, en particulier à travers le CEP (pour peu que celui-ci soit réellement lancé et financé) ; Mettent à disposition des personnes des informations précises et fiables sur leur « marché » ce qui est du reste un des principaux enjeux du CEP ; Améliorent la reconnaissance et la validation des compétences transversales, à travers des processus formalisés de certification professionnelle, leviers essentiels de la mobilité ; Envisagent des incitations à la mobilité destinées aux entreprises ou aux individus, via des dispositifs d’exonération, de charges, de bonus ou encore via la possibilité d’indemniser au titre de l’UNEDIC des ruptures pour cause de mobilité voulue.

Orientation n° 2 : Gérer la mobilité en interaction avec les écosystèmes territoriaux

Les dispositifs de mobilité efficients ne peuvent se concevoir qu’à partir de politiques d’entreprise construites en interaction permanente avec leur écosystème.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable :

De s’adapter et de tirer parti de la montée en puissance des Régions et intercommunalités et du financement régional ; De promouvoir des formes de coopération effective entre acteurs et notamment d’expérimenter la proposition du rapport AUBERT sur la mise en place d’Espaces d’Initiative Territoriale ou de toute autre forme de fédération organisée et systématique des parties prenantes à l’échelle des territoires ;

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Sur un autre volet, en Europe, c’est aussi un nouvel âge de la mobilité. Mais compte tenu de la panne de l’Europe sociale depuis le début des années 2000, et des inégalités croissantes entre pays membres, les régulations peinent à se mettre en place de façon opérante comme le montre la question du travail détaché.

Il n’en reste pas moins que c’est aussi au niveau de l’Europe, et plus largement du monde, que peuvent désormais se construire les parcours de carrière, en particulier pour les profils les plus recherchés dans un contexte de « guerre des talents » devenue structurelle.

Ce sont autant de nouveaux défis pour la gestion des carrières, de l’emploi et des mobilités pour les entreprises opérant à une échelle globale.

La GPEC enfin opérante ?

La Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences est, on le sait, une idée ancienne et séduisante intellectuellement, mais dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle aura mis du temps à se traduire dans les faits et par des résultats concrets. Or on pourrait bien être en train d’assister, pour une fois à une assez large échelle, à un déploiement effectif des politiques de GPEC que certains groupes, en particulier mais pas uniquement dans les secteurs où il est difficile de prévoir à plus d’un an, préfèrent appeler « Gestion Active de l’Emploi » ou Gestion Anticipatrice de l’Emploi » (notion certes distincte mais dont les dispositions sont néanmoins négociées dans le cadre d’accords de GPEC ).

Depuis la Loi Borloo qui en avait fait un sujet de négociation obligatoire triennale, l’ANI de janvier 2008 – sur la modernisation du marché du travail - selon lequel GPEC n’est pas contradictoire avec mobilité externe, la LSE est venue apporter une série d’éléments complémentaires substantiels, dont le principal est sans doute la nouvelle consultation obligatoire sur la stratégie et les perspectives de l’entreprise. Autres éléments d’importance apportés par la LSE : possibilité de lier négociation d’un accord GPEC et d’un accord de mobilité, ou encore connexion plus forte entre GPEC et plan de formation qui sera précisée dans la loi de mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle.

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Orientation n° 1 : Rendre la mobilité attractive pour tous

L’ensemble des réformes en cours reposent sur la mise en œuvre d’un nouveau paradigme qui nécessite de s’assurer des capacités de chacun à s’y adapter et de rendre la mobilité attractive, « payante » pour chacun avec l’aide des entreprises et des pouvoirs publics. Il s’agit ainsi de circonscrire au mieux les risques inhérents à toute mobilité. Pour cela, il nous semble utile et souhaitable

Que les entreprises :

Dynamisent la gestion des carrières (l’entretien de carrière prévu dans la loi de réforme de la formation professionnelle de juin 2014 peut être un levier puissant … à condition que les services de développement des RH et les managers en tirent tout le parti) et mettent en place des dispositifs permanents et un environnement favorable à la diffusion d’une « culture du changement » ; Favorisent la mise en mouvement des salariés en les sensibilisant à l’utilisation des outils digitaux émergents à même de les aider dans leurs réflexions (ex. : Pôle Emploi Store) ; Evitent que la gestion des carrières, ou des « talents » selon une terminologie en vogue, ne limite sa cible aux cadres supérieurs ou dirigeants ou aux métiers en expansion ; Innovent dans leurs organisations du travail de manière à ce que celles-ci favorisent l’autonomie, l’apprentissage permanent et la mobilité des salariés ; Tirent tout le parti des nouveaux outils dits de mobilité et de travail à distance tout en préservant les collectifs de travail.

Que les pouvoirs publics, aux divers niveaux, et les partenaires sociaux :

Réussissent à articuler les interventions du SPRO, des entreprises et des actifs concernés, en particulier à travers le CEP (pour peu que celui-ci soit réellement lancé et financé) ; Mettent à disposition des personnes des informations précises et fiables sur leur « marché » ce qui est du reste un des principaux enjeux du CEP ; Améliorent la reconnaissance et la validation des compétences transversales, à travers des processus formalisés de certification professionnelle, leviers essentiels de la mobilité ; Envisagent des incitations à la mobilité destinées aux entreprises ou aux individus, via des dispositifs d’exonération, de charges, de bonus ou encore via la possibilité d’indemniser au titre de l’UNEDIC des ruptures pour cause de mobilité voulue.

Orientation n° 2 : Gérer la mobilité en interaction avec les écosystèmes territoriaux

Les dispositifs de mobilité efficients ne peuvent se concevoir qu’à partir de politiques d’entreprise construites en interaction permanente avec leur écosystème.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable :

De s’adapter et de tirer parti de la montée en puissance des Régions et intercommunalités et du financement régional ; De promouvoir des formes de coopération effective entre acteurs et notamment d’expérimenter la proposition du rapport AUBERT sur la mise en place d’Espaces d’Initiative Territoriale ou de toute autre forme de fédération organisée et systématique des parties prenantes à l’échelle des territoires ;

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De concevoir la régionalisation prévue de Pôle Emploi comme la mise en place du SPRO de manière à favoriser ces coopérations et en conduisant ces changements de manière appropriée et progressive (expérimentation, retours d’expériences, planning de déploiement tenant compte des spécificités locales et de la situation de départ sur les territoires, échange et partage de bonnes pratiques, …) ; De diffuser avec et au sein des entreprises, notamment par le levier de la RSE, une nouvelle vision de la gestion de l’emploi, appuyée sur la notion d’écosystèmes et de coopérations territoriales ; S’assurer de la disponibilité et de la capacité (ou de la montée en puissance) des partenaires sociaux à l’échelle locale pour intervenir utilement sur le sujet.

Orientation n° 3 : Equiper « les individus sans les isoler »

Pour leur permettre de gérer au mieux leurs parcours, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les laisser seuls face au marché.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable :

D’affirmer que responsabilisation individuelle ne signifie pas « tout à l’individu » mais de nouvelles manières de faire entre les individus et les organisations ainsi que de nouveaux processus de de coopération ou d’appui aux actifs en recherche d’emploi ou de mobilité (montée en puissance des branches à l’occasion de leur réorganisation en cours en relais de l’entreprise si celle-ci n’y suffit pas ou pour les PME/TPE ; voir l’exemple du certificat de compétences numériques dans l’Assurance) ; Que soit élaborée et expérimentée une « musette numérique » du travailleur, quel que soit son statut, et qui comporte une série d’outils et d’applications destinées à lui faciliter la gestion de ses parcours professionnels. Cette musette devrait être pensée en mode collaboratif, pour sa conception comme pour ses utilisations et reposer, au moins en partie, sur la notion d’« espaces collaboratifs » ; A ce titre, nous renvoyons au projet en cours initié et porté par la Fondation internet nouvelle génération (FING) pour justement concevoir ce nouveau support mobile24 ; Que chaque individu puisse disposer d’un accompagnement personnalisé pour gérer ses carrières et ses transitions. De ce point de vue l’absence de mise en place effective à ce jour du CEP n’est pas vraiment de bon augure … Que soit étudiée et expérimentée la mise en place par les organisations syndicales, dans les entreprises, les branches ou les territoires, de délégués aux transitions professionnelles, également proposée par le rapport AUBERT, un peu sur le modèle des « Union Learning Representatives » anglais ;

24 http://fing.org/?-La-musette-numerique-du-

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I - LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE, DEFINITIONS, ENJEUX, PROBLEMATIQUES ET MISE EN PERSPECTIVE

La sécurisation des parcours professionnels, une idée qui prend corps

Un rapport qui fit date, Le travail dans 20 ans, fut publié justement il y 20 ans par une commission que présidait Jean BOISSONNAT à la demande du Commissariat Général au Plan de l’époque. Un assez grand nombre des analyses et éléments de diagnostic proposés alors restent pertinents aujourd’hui. Les tendances lourdes se confirment globalement. Le rapport assumait déjà la fin du plein emploi comme « norme sociale » issue des « 30 glorieuses » et identifiait une montée en puissance inéluctable des mobilités professionnelles, et en particulier, du point de vue de la personne, du taux et de la durée de « rotation » d’un emploi à l’autre. Déjà, il analysait les conséquences de la tertiarisation de l’économie et de l’emploi en France, et reposait après et avant d’autres la question de l’avenir du travail en général et du salariat en particulier et de leurs fins éventuelles …

Dans ses recommandations, le rapport préconisait ainsi un Contrat d’Activité dont s’inspire quoique dans une forme différente la proposition d’un Compte Personnel d’Activité énoncée par le récent rapport de France Stratégie, Quelle France dans 10 ans ?, et qui vient d’être remise sur la table par le Président de la République.

Entre temps, l’idée de sécurisation des parcours professionnels, ou encore la « sécurité sociale professionnelle » portée dans les revendications de plusieurs confédérations syndicales au fil du temps (CFTC, CGT, CFDT) n’est pas restée cantonnée aux rapports d’experts, même si les avancées sont longues à venir et parfois timides, comme avec le DIF. L’Accord National Interprofessionnel (ANI) de janvier 201313 sur la sécurisation de l’emploi et la Loi LSE de juin 2013 qui en assure la transposition marque une nouvelle avancée, bientôt relayée dans la loi de mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle. La portabilité des droits progresse, par exemple avec la création d’un compte personnel de formation (CPF) destiné à suivre le salarié pendant l’ensemble de sa carrière. La création d’un nouveau droit universel au Conseil en Evolution Professionnelle, s’inscrit aussi un peu dans cette logique, même s’il s’agit cette fois plutôt d’outiller les opérateurs du SPE/SPO (Services publics de l’Emploi/de l’Orientation).

Un nouvel âge de la mobilité

Ceci dit, depuis 20 ans, l’environnement économique et social a poursuivi ses mutations à marche accélérée, la digitalisation de l’économie se déploie et de nouvelles révolutions industrielles ou technologiques sont encore en gestation. Les technologies de l’information (les outils dits du reste de mobilité !) ont déjà profondément bouleversé les relations de travail, avec par exemple le développement du management à distance voire aujourd’hui nomade et de façon plus générale l’éclatement du cadre spatio-temporel des environnements de travail.

La révolution digitale pose aussi de sérieuses questions quant à ses impacts quantitatifs mais aussi qualitatifs sur l’emploi, les métiers et les compétences, impacts sur lesquels on n’a pas vraiment de visibilité malgré les différentes études menées à ce sujet. Ce qui est sûr : des métiers émergent, d’autres sont voués à disparaître ou à se transformer profondément à des échéances variables et parfois très rapprochées.

13 Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels de salariés.

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Les objectifs de la note ASTREES

La présente note issue du LAB d’ASTREES s’inscrit dans ce contexte. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité des analyses et encore moins à celle des propositions ou des innovations identifiées. Elle ambitionne en revanche de contribuer à l’une comme à l’autre en croisant les regards de praticiens d’origines et disciplines diverses et ce, en privilégiant témoignages, études de cas et la confrontation de points de vue divergents.

Sur cette base elle se propose de :

- Mettre en perspectives les formes de mobilité, leurs enjeux, leurs définitions - Procéder à une analyse des cadres juridiques et sémantiques de celles-ci - Enoncer un certain nombre de constats mais aussi de leçons tirées de nos investigations et

confrontations - Identifier quelques orientations pour l’action visant à :

• Rendre la mobilité (plus) attractive ; • Mieux gérer et piloter les parcours professionnels dans une interaction permanente entre les

entreprises et leurs écosystèmes ; • Mieux équiper les individus pour ne pas les laisser seuls face au marché ; • Passer de la logique dominante d’octroi de nouveaux droits - créances et de mise à disposition

de nouveaux outils à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions répondant aux besoins des différentes catégories d’actifs.

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Une application possible de la recommandation de mise en place de « délégués aux transitions professionnelles » préconisée par le rapport Aubert

Les partenaires sociaux puis le législateur ont récemment conçu et mis en place le droit à un Conseil en évolution professionnelle (CEP). S’il tient une place apparemment modeste dans l’ensemble de la loi sur la sécurisation de l’emploi, son importance est néanmoins cruciale puisque son effectivité détermine, largement, la montée en puissance de choix individuels de mobilité.

En l’état, il a peu de chance de se mettre en place de façon efficace, les opérateurs concernés (en premier lieu, Pôle emploi, les Cap emploi, l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), les missions locales et les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation) étant tout à la fois dotés de moyens limités et de compétences spécifiques, plus en rapport avec l’orientation en vue d’une formation qu’avec l’ensemble des dimensions prévues au cahier des charges de la prestation.

Surtout, le dispositif proposé ne permet pas de dépasser les limites inhérentes aux offres répondant à une logique de guichet.

Une réelle efficacité supposerait :

• Que l’orientation ne s’effectue pas à la seule initiative ni sous le seul contrôle de l’employeur (équilibre des pouvoirs). - La mobilité est d’abord un enjeu de pouvoir, l’objectif premier des entreprises étant de stabiliser les compétences, et donc les salariés, dont elles ont besoin. • Que les travailleurs aient véritablement le sentiment qu’il s’agit d’un droit qu’ils choisissent d’exercer en conservant la

maîtrise de leurs choix (empowerment). - La mobilité est aussi une question de capacité. La situation du marché de l’emploi est un frein puissant aux mobilités ascendantes des travailleurs les moins équipés et donc à l’élévation collective des compétences. • Que la prestation soit dispensée par des acteurs qui ne soient pas de simples prescripteurs de formation (geste professionnel

à inventer). - La mobilité est enfin une question d’opportunité. L’évolution professionnelle n’est pas l’inscription dans un parcours nécessairement précédé d’une formation (l’opportunité précède l’éventuel besoin de formation).

Le changement de perspective qui permettrait d’approcher ces conditions d’efficacité pourrait passer par une implication directe des organisations syndicales (ou des représentants du personnel).

• En l’état, le cahier des charges de la prestation prévoit que les organisations syndicales de salariés participent à la « communication coordonnée en direction des bénéficiaires potentiels, tant sur l'offre de services proposée que sur les opérateurs chargés de sa mise en œuvre ».

Cette implication directe pourrait consister a minima dans le niveau 1 de la prestation prévue au cahier des charges. • Accueil individualisé « permettant d'analyser la demande de la personne et d'identifier, le cas échéant, la structure la mieux à

même de lui offrir le service adapté à son besoin ».

Le niveau 2 pourrait également être envisagé dans le cadre d’un partenariat avec les organismes désignés par la Région comme opérateurs régionaux du CEP, sur la base d’une accréditation après certification des compétences. • Dans tous les cas, la fonction passe nécessairement par une formation et l’inscription dans les réseaux locaux de mise en

œuvre du CEP

Elle doit s’envisager dans une perspective dynamique (la valeur ajoutée des OS est d’être présentes dans les entreprises) : • Aller au-devant des salariés dans les entreprises (dans le cadre de réunions collectives d'information ou à titre individuel) • Apporter un appui à la négociation avec l’employeur des modalités concrètes de mise en disponibilité et de gestion sécurisée

des mobilités • S’inscrire en relation régulière avec les services régionaux en charge de la prestation et avec les structures associées Il va de soi que la fonction devrait être financée : • au titre de la formation nécessaire pour pouvoir la remplir • au titre de la prestation délivrée auprès des salariés • au titre des temps de coordination avec les organismes compétents

C’est notamment pourquoi elle devrait être articulée aux nouvelles instances de gouvernance mises en place par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

On pourrait imaginer une institution de la fonction au niveau national interprofessionnel et une déclinaison régionale en vue de la mise en œuvre, selon une logique territoriale, interprofessionnelle ou sectorielle.

Dans cette perspective, le déploiement de la fonction de « délégué syndical à l’évolution professionnelle » pourrait être regardé comme un volet opérationnel des missions du Coparef, en charge d’assurer la coordination des politiques paritaires définies par le Copanef avec celles des pouvoirs publics et des autres acteurs de la formation professionnelle et de l’emploi menées au niveau régional. Elle serait de nature, en retour, à apporter une précieuse expérience de terrain à la Coparef en vue d’élaborer la liste des formations éligibles au CPF en lien avec les pouvoirs publics et de formuler un avis motivé sur la carte des formations.

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Les objectifs de la note ASTREES

La présente note issue du LAB d’ASTREES s’inscrit dans ce contexte. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité des analyses et encore moins à celle des propositions ou des innovations identifiées. Elle ambitionne en revanche de contribuer à l’une comme à l’autre en croisant les regards de praticiens d’origines et disciplines diverses et ce, en privilégiant témoignages, études de cas et la confrontation de points de vue divergents.

Sur cette base elle se propose de :

- Mettre en perspectives les formes de mobilité, leurs enjeux, leurs définitions - Procéder à une analyse des cadres juridiques et sémantiques de celles-ci - Enoncer un certain nombre de constats mais aussi de leçons tirées de nos investigations et

confrontations - Identifier quelques orientations pour l’action visant à :

• Rendre la mobilité (plus) attractive ; • Mieux gérer et piloter les parcours professionnels dans une interaction permanente entre les

entreprises et leurs écosystèmes ; • Mieux équiper les individus pour ne pas les laisser seuls face au marché ; • Passer de la logique dominante d’octroi de nouveaux droits - créances et de mise à disposition

de nouveaux outils à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions répondant aux besoins des différentes catégories d’actifs.

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Une application possible de la recommandation de mise en place de « délégués aux transitions professionnelles » préconisée par le rapport Aubert

Les partenaires sociaux puis le législateur ont récemment conçu et mis en place le droit à un Conseil en évolution professionnelle (CEP). S’il tient une place apparemment modeste dans l’ensemble de la loi sur la sécurisation de l’emploi, son importance est néanmoins cruciale puisque son effectivité détermine, largement, la montée en puissance de choix individuels de mobilité.

En l’état, il a peu de chance de se mettre en place de façon efficace, les opérateurs concernés (en premier lieu, Pôle emploi, les Cap emploi, l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), les missions locales et les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation) étant tout à la fois dotés de moyens limités et de compétences spécifiques, plus en rapport avec l’orientation en vue d’une formation qu’avec l’ensemble des dimensions prévues au cahier des charges de la prestation.

Surtout, le dispositif proposé ne permet pas de dépasser les limites inhérentes aux offres répondant à une logique de guichet.

Une réelle efficacité supposerait :

• Que l’orientation ne s’effectue pas à la seule initiative ni sous le seul contrôle de l’employeur (équilibre des pouvoirs). - La mobilité est d’abord un enjeu de pouvoir, l’objectif premier des entreprises étant de stabiliser les compétences, et donc les salariés, dont elles ont besoin. • Que les travailleurs aient véritablement le sentiment qu’il s’agit d’un droit qu’ils choisissent d’exercer en conservant la

maîtrise de leurs choix (empowerment). - La mobilité est aussi une question de capacité. La situation du marché de l’emploi est un frein puissant aux mobilités ascendantes des travailleurs les moins équipés et donc à l’élévation collective des compétences. • Que la prestation soit dispensée par des acteurs qui ne soient pas de simples prescripteurs de formation (geste professionnel

à inventer). - La mobilité est enfin une question d’opportunité. L’évolution professionnelle n’est pas l’inscription dans un parcours nécessairement précédé d’une formation (l’opportunité précède l’éventuel besoin de formation).

Le changement de perspective qui permettrait d’approcher ces conditions d’efficacité pourrait passer par une implication directe des organisations syndicales (ou des représentants du personnel).

• En l’état, le cahier des charges de la prestation prévoit que les organisations syndicales de salariés participent à la « communication coordonnée en direction des bénéficiaires potentiels, tant sur l'offre de services proposée que sur les opérateurs chargés de sa mise en œuvre ».

Cette implication directe pourrait consister a minima dans le niveau 1 de la prestation prévue au cahier des charges. • Accueil individualisé « permettant d'analyser la demande de la personne et d'identifier, le cas échéant, la structure la mieux à

même de lui offrir le service adapté à son besoin ».

Le niveau 2 pourrait également être envisagé dans le cadre d’un partenariat avec les organismes désignés par la Région comme opérateurs régionaux du CEP, sur la base d’une accréditation après certification des compétences. • Dans tous les cas, la fonction passe nécessairement par une formation et l’inscription dans les réseaux locaux de mise en

œuvre du CEP

Elle doit s’envisager dans une perspective dynamique (la valeur ajoutée des OS est d’être présentes dans les entreprises) : • Aller au-devant des salariés dans les entreprises (dans le cadre de réunions collectives d'information ou à titre individuel) • Apporter un appui à la négociation avec l’employeur des modalités concrètes de mise en disponibilité et de gestion sécurisée

des mobilités • S’inscrire en relation régulière avec les services régionaux en charge de la prestation et avec les structures associées Il va de soi que la fonction devrait être financée : • au titre de la formation nécessaire pour pouvoir la remplir • au titre de la prestation délivrée auprès des salariés • au titre des temps de coordination avec les organismes compétents

C’est notamment pourquoi elle devrait être articulée aux nouvelles instances de gouvernance mises en place par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

On pourrait imaginer une institution de la fonction au niveau national interprofessionnel et une déclinaison régionale en vue de la mise en œuvre, selon une logique territoriale, interprofessionnelle ou sectorielle.

Dans cette perspective, le déploiement de la fonction de « délégué syndical à l’évolution professionnelle » pourrait être regardé comme un volet opérationnel des missions du Coparef, en charge d’assurer la coordination des politiques paritaires définies par le Copanef avec celles des pouvoirs publics et des autres acteurs de la formation professionnelle et de l’emploi menées au niveau régional. Elle serait de nature, en retour, à apporter une précieuse expérience de terrain à la Coparef en vue d’élaborer la liste des formations éligibles au CPF en lien avec les pouvoirs publics et de formuler un avis motivé sur la carte des formations.

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Orientation n° 4 : Passer à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions.

Pour cela, il nous semble utile et souhaitable

De ne pas répéter les erreurs du passé. Nombre d’innovations sociales résultant de la loi ou d’accords collectifs ont été pensées de manière verticale et descendante et restent lettre morte dans notre pays, faute d’avoir été pensées dans leur utilisation et avec les utilisateurs. Les actifs d’aujourd’hui ne s’y retrouvent pas et, par voie de conséquence, se défient de systèmes pensés pour eux mais sans eux. Dans le même ordre d’idée, on a trop et de plus en plus souvent tendance à vouloir utiliser la loi pour faire évoluer les comportements, ce qui crée une complexité juridique dénoncée par ailleurs avec raison, et est en outre inefficace … D’appliquer ce principe tant au plan de l’orientation que de celui du reclassement et de la gestion des mobilités, et ce à un moment où se mettent en place de nouvelles responsabilités et de nouveaux partages. Il est crucial que les innovations inscrites dans les textes ne finissent pas, comme c’est le cas trop souvent, en systèmes complexes, tournés vers les besoins des institutions plus que vers ceux des individus ou des entreprises. Il faut donc en tirer les conséquences sur la gouvernance de ces dispositifs et sur leur capacité à faire appel beaucoup plus largement à des logiques participatives et collaboratives : L’association des utilisateurs dans notre culture administrative consiste encore trop souvent à tenter de régir leurs comportements plutôt que de les associer en amont même de la définition des solutions sur le mode du « Concurrent Engineering » ; Faire en sorte que la mise à disposition des nouveaux outils ou dispositifs de mobilité s’accompagne de nouveaux agencements institutionnels et organisationnels visant à faciliter leur exercice (accès, lisibilité, interactions) par les individus comme par les entreprises, sans lesquels leur effectivité est condamnée à rester limitée (et comme cela a été trop souvent le cas dans la période récente) ;

Faire en sorte que les pouvoirs publics, de tous niveaux, partenaires sociaux ou acteurs de l’emploi revoient en profondeur leurs organisations et fonctionnements afin de participer à la mise en place de solutions accessibles et effectives pour tous ;

Faire en sorte que les nouveaux dispositifs expérimentés s’accompagnent systématiquement d’une d’évaluation, reposant au moins pour partie sur la participation de leurs usagers et/ou bénéficiaires.

5

Si ce bref portrait semble un peu réducteur, il permet toutefois de souligner l’existence des freins à la mobilité des individus. Il révèle également que tous les individus ne sont pas égaux face à celle-ci. De ce point de vue, Sophie Denave (2015) s’intéressant aux bifurcations professionnelles – forme singulière de mobilité professionnelle – montre que cette aventure est une entreprise délicate pour les individus, compte-tenu de l’absence de flexibilité des institutions, de certains métiers et secteurs professionnels, soit au fond du marché de l’emploi en lui-même. Elle dit aussi qu’il ne faut pas faire de la mobilité qu’une histoire de motivation personnelle comme le font souvent à tort les entreprises. Plusieurs ingrédients conditionnent en effet les mobilités professionnelles, qui constituent pour beaucoup une véritable prise de risque compte tenu de l’absence d’ouverture de nombreux métiers5. Les caractéristiques territoriales (la proximité favorise la mobilité, l’attractivité des territoires), les conditions de ressources des salariés (tout changement a un coût et chacun aspire à une mobilité sécurisée) et la situation familiale jouent un rôle déterminant sur les mobilités professionnelles. Or, il faut en convenir, de nombreux dispositifs restent encore aujourd’hui réservés à certaines catégories de salariés6, notamment en termes de mobilité géographique (Apec, 2013) et de bifurcation professionnelle.

En outre, si cette incitation à la mobilité professionnelle est omniprésente voire apparaît comme la norme contemporaine, tous les dispositifs ne semblent pas activés ou, s’ils le sont, ils s’avèrent peu opérants. Car si de nombreux salariés aspirent à « changer de métier »7 ou « à bouger » peu franchissent le pas. Pour cause, ce changement n’est possible que sous certaines conditions : recourir à un dispositif public ou d’entreprise, négocier avec son l’employeur, mobiliser des ressources personnelles ou familiales. On voit ainsi que de nombreux freins existent comme l’accès au logement8 (ou à la propriété), les transports, la situation familiale, les territoires et enfin, l’accessibilité des emplois. Aussi, les dispositifs de gestion, autant de l’État que des entreprises, ne semblent pas assez tenir compte des caractéristiques des salariés (Dujarier, 2015). De plus, il ne faut pas oublier que la charge symbolique de l’accès à la propriété reste très forte en France (Bourdieu, 2000). De façon plus générale, pour se développer et s’épanouir l’individu a besoin de points d’ancrage. C’est le cas entre autres de la famille9, des relations amicales et des activités socioculturelles10. Dans bien des cas aujourd’hui, les salariés ont le choix entre être mobile11 ou être immobile12, sans pour autant avoir de filet de secours, alors que tous cherchent à minimiser les risques inhérents à ce profond changement, qui bien souvent vient modifier leurs modes de vie et l’équilibre familial. Le mouvement de sécurisation des parcours, entrepris ces dernières années, gagnerait donc à être enrichi et élargi dans la mesure où les mobilités professionnelles réussies sont le fait principalement de privilégiés et des plus diplômés (Denave, 2015). 5 On peut prendre pour exemple, les métiers de la fonction publique dont l’accès reste largement conditionné à l’obtention d’un concours administratif, les professions réglementées, ainsi que les secteurs de la banque et de l’assurance (voir les travaux de la Dares, n°05.3, 2009). 6 Le plus souvent, il s’agit des cadres et des salariés des grandes entreprises. 7 D’après une enquête TNS Sofres (2009), 61 % des salariés du privé de 30 à 50 ans souhaiteraient pouvoir changer d’emploi dans les deux prochaines années. 8 À ce propos, soulignons la relative contradiction entre l’idéal d’existence du « tous propriétaire » largement présent au sein de notre société et l’injonction à la mobilité 9 Dans le langage commun, on parle bien de la « construction » d’une famille 10 La vie privée du héros du film In the Air (2009), où celui-ci fuit tout engagement (mariage, propriété, famille) donne une bonne représentation de la figure contemporaine du « nomade » et de ses conséquences, bien qu’il s’agisse d’un extrême. 11 Une société complétement mobile (ce qui rejoint le concept de société « liquide » de Bauman) remet en cause la « certitude des délimitations » (Delaney, 2005) ; l’immobilité résidentielle joue un rôle fondamental dans le monde contemporain car elle structure les territoires, l’économie locale et l’espace dans lequel l’État exerce son pouvoir de contrôle, organise la vie collective. 12 Il n’y a jamais d’immobilité absolue, mais seulement des mobilités que nous prenons pour de l’immobilité, ce qu’Audé (2006) propose d’appeler des « immobilités relatives » ; si un aéroport est un lieu « mobile » par excellence, il repose sur une importante infrastructure immobile et sur une main d’œuvre sédentaire.

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En parallèle, les politiques publiques s’accordent sur le fait de promouvoir la mobilité professionnelle des travailleurs, notamment géographique. Plusieurs rapports1, au-delà des différences de tonalités, soulignent que les salariés ne sont pas assez mobiles en France. D’un point de vue microéconomique, cela part d’un constat assez simple : alors que le chômage ne cesse de progresser, il y aurait en France des centaines de milliers d’emploi dits « vacants ». En d’autres termes, la mobilité des travailleurs permettrait de mieux réagir aux difficultés conjoncturelles et d’équilibrer le marché du travail. Cette idée s’est largement diffusée dans le monde politique au cours des vingt dernières années, d’autant plus que compter sur la mobilité géographique semble a priori moins coûteux que des politiques d’aménagement des territoires (Sigaud, 2014). Ainsi, inciter les travailleurs ou les demandeurs d’emploi à la mobilité professionnelle serait une réponse des pouvoirs publics pour favoriser l’emploi et pour fluidifier2 le marché du travail. Pour le dire plus simplement, les individus doivent « bouger pour l’emploi »3 ou s’ils sont sédentaires « changer de métier ».

Cette recherche de fluidité caractérise assez bien la mouvance dans laquelle s’inscrivent les entreprises aujourd’hui. Depuis une trentaine d’années, la référence à l’entreprise fordienne ou bureaucratique a fait place à l’entreprise flexible plus apte à répondre aux défis d’une économie mondialisée en perpétuelle mouvance. Si la recherche de flexibilité est le fil conducteur des transformations organisationnelles, celle-ci s’est particulièrement renforcée avec l’essor des nouvelles technologies de l’information et communication. La mobilité des salariés répond largement à l’exigence de flexibilité érigée et exigée par les entreprises (Kaufman, 2008). Elle tend d’ailleurs à devenir une norme idéale des dispositifs de gestion du personnel (Dujarier, 2010), un passage obligé pour ceux qui souhaiteraient développer leurs carrières (Guillaume et Pochic, 2009), tout autant qu’un dispositif visant à fluidifier la « circulation » des compétences que ce soit pour le meilleur ou pour le pire du point de vue des salariés.

Mobilités professionnelles : bénéfices et freins

En clair, le monde contemporain est sous le feu d’un faisceau d’injonctions à la mobilité ayant pour effet de dévaloriser la sédentarité4 en faveur du nomadisme. Et, telle qu’entendue aujourd’hui, la mobilité serait bénéfique pour tous : les individus, les entreprises et la société via une réduction du nombre de chômeurs en particulier. Or, malgré la promotion à la mobilité il ne s’agit pas d’une tendance sociale lourde. La lecture des statistiques de l’INSEE révèle que les mobilités professionnelles sont plutôt le fait de changements de postes que de changements radicaux de métier et de domaine professionnel. Mais aussi, que l’âge, le sexe, le niveau d’études et le statut professionnel jouent un rôle prépondérant sur les diverses formes de mobilités professionnelles ; les hommes sont plus mobiles que les femmes, quel que soit l’âge ; la mobilité décroit avec l’âge ; les mobilités socioprofessionnelles concernent davantage les salariés moins qualifiés et dépend du métier occupé initialement (Simonet, 2009). De plus, le nombre de mobilités professionnelles reste fortement corrélé à la conjoncture économique et à la dynamique de l’emploi (Denave, 2015 ; Sigaud, 2014). Autant dire, que l’environnement actuel n’y semble pas favorable.

1 Rapport au premier ministre « Bouger pour l’emploi » Greff, 2009 ; Rapport Lemoine et Wasner du Conseil d’Analyse Economique, 2010, Bernardin 2011 du Conseil Economique Social et Environnementale. Ou encore, la note 2013 du Conseil d’Orientation pour l’Emploi. 2 Le paradigme des mobilités a recours à la métaphore de la fluidité comme figure normative – où la mobilité peut être associée à la liberté et à l’idéal démocratique d’une société ouverte. 3 Il s’agit du titre du rapport parlementaire rendu au Premier Ministre (Greff, 2009). 4 Elle a été au cœur des efforts du patronat industriel pour fixer la main d’œuvre autour des centres de production afin de faciliter leur gestion et d’accroître le contrôle exercé sur celle-ci considérée alors comme trop instable (Castel, 1995).

37

Principaux sigles et acronymes utilisés

ANI : Accord National Interprofessionnel

CPA : Compte Personnel d’Activité (en cours d’expertise)

CPF : Compte Personnel de Formation

CSP : Contrat de Sécurisation Professionnelle

DIRECCTE : Direction Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du

Travail et de l’Emploi (administrations déconcentrés de l’Etat)

GPEC/GAE : Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences/Gestion Active de l’Emploi

LSE : Loi de sécurisation de l’Emploi (du 14 juin 2013)

PSE : Plan de sauvegarde de l'emploi

RPS : Risques psycho sociaux

SPE : Service Public de l'Emploi (rassemble les opérateurs publics en matière d’emploi tels que

Pôle Emploi, les DIRECCTE…)

SP(R)O : Service Public (Régional) de l’Orientation

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En parallèle, les politiques publiques s’accordent sur le fait de promouvoir la mobilité professionnelle des travailleurs, notamment géographique. Plusieurs rapports1, au-delà des différences de tonalités, soulignent que les salariés ne sont pas assez mobiles en France. D’un point de vue microéconomique, cela part d’un constat assez simple : alors que le chômage ne cesse de progresser, il y aurait en France des centaines de milliers d’emploi dits « vacants ». En d’autres termes, la mobilité des travailleurs permettrait de mieux réagir aux difficultés conjoncturelles et d’équilibrer le marché du travail. Cette idée s’est largement diffusée dans le monde politique au cours des vingt dernières années, d’autant plus que compter sur la mobilité géographique semble a priori moins coûteux que des politiques d’aménagement des territoires (Sigaud, 2014). Ainsi, inciter les travailleurs ou les demandeurs d’emploi à la mobilité professionnelle serait une réponse des pouvoirs publics pour favoriser l’emploi et pour fluidifier2 le marché du travail. Pour le dire plus simplement, les individus doivent « bouger pour l’emploi »3 ou s’ils sont sédentaires « changer de métier ».

Cette recherche de fluidité caractérise assez bien la mouvance dans laquelle s’inscrivent les entreprises aujourd’hui. Depuis une trentaine d’années, la référence à l’entreprise fordienne ou bureaucratique a fait place à l’entreprise flexible plus apte à répondre aux défis d’une économie mondialisée en perpétuelle mouvance. Si la recherche de flexibilité est le fil conducteur des transformations organisationnelles, celle-ci s’est particulièrement renforcée avec l’essor des nouvelles technologies de l’information et communication. La mobilité des salariés répond largement à l’exigence de flexibilité érigée et exigée par les entreprises (Kaufman, 2008). Elle tend d’ailleurs à devenir une norme idéale des dispositifs de gestion du personnel (Dujarier, 2010), un passage obligé pour ceux qui souhaiteraient développer leurs carrières (Guillaume et Pochic, 2009), tout autant qu’un dispositif visant à fluidifier la « circulation » des compétences que ce soit pour le meilleur ou pour le pire du point de vue des salariés.

Mobilités professionnelles : bénéfices et freins

En clair, le monde contemporain est sous le feu d’un faisceau d’injonctions à la mobilité ayant pour effet de dévaloriser la sédentarité4 en faveur du nomadisme. Et, telle qu’entendue aujourd’hui, la mobilité serait bénéfique pour tous : les individus, les entreprises et la société via une réduction du nombre de chômeurs en particulier. Or, malgré la promotion à la mobilité il ne s’agit pas d’une tendance sociale lourde. La lecture des statistiques de l’INSEE révèle que les mobilités professionnelles sont plutôt le fait de changements de postes que de changements radicaux de métier et de domaine professionnel. Mais aussi, que l’âge, le sexe, le niveau d’études et le statut professionnel jouent un rôle prépondérant sur les diverses formes de mobilités professionnelles ; les hommes sont plus mobiles que les femmes, quel que soit l’âge ; la mobilité décroit avec l’âge ; les mobilités socioprofessionnelles concernent davantage les salariés moins qualifiés et dépend du métier occupé initialement (Simonet, 2009). De plus, le nombre de mobilités professionnelles reste fortement corrélé à la conjoncture économique et à la dynamique de l’emploi (Denave, 2015 ; Sigaud, 2014). Autant dire, que l’environnement actuel n’y semble pas favorable.

1 Rapport au premier ministre « Bouger pour l’emploi » Greff, 2009 ; Rapport Lemoine et Wasner du Conseil d’Analyse Economique, 2010, Bernardin 2011 du Conseil Economique Social et Environnementale. Ou encore, la note 2013 du Conseil d’Orientation pour l’Emploi. 2 Le paradigme des mobilités a recours à la métaphore de la fluidité comme figure normative – où la mobilité peut être associée à la liberté et à l’idéal démocratique d’une société ouverte. 3 Il s’agit du titre du rapport parlementaire rendu au Premier Ministre (Greff, 2009). 4 Elle a été au cœur des efforts du patronat industriel pour fixer la main d’œuvre autour des centres de production afin de faciliter leur gestion et d’accroître le contrôle exercé sur celle-ci considérée alors comme trop instable (Castel, 1995).

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Principaux sigles et acronymes utilisés

ANI : Accord National Interprofessionnel

CPA : Compte Personnel d’Activité (en cours d’expertise)

CPF : Compte Personnel de Formation

CSP : Contrat de Sécurisation Professionnelle

DIRECCTE : Direction Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du

Travail et de l’Emploi (administrations déconcentrés de l’Etat)

GPEC/GAE : Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences/Gestion Active de l’Emploi

LSE : Loi de sécurisation de l’Emploi (du 14 juin 2013)

PSE : Plan de sauvegarde de l'emploi

RPS : Risques psycho sociaux

SPE : Service Public de l'Emploi (rassemble les opérateurs publics en matière d’emploi tels que

Pôle Emploi, les DIRECCTE…)

SP(R)O : Service Public (Régional) de l’Orientation

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Mes notes personnelles

3

Laboratoire d’innovation sociale

« L’EVOLUTION DE LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS ET LES NOUVELLES

FORMES DE MOBILITÉ »

INTRODUCTION

Un Lab sur les restructurations et la mobilité : pourquoi ?

ASTREES a depuis longtemps travaillé la question des restructurations et ce au plan français comme au plan européen. Ces travaux ont mis en exergue à la fois l’ampleur et la diversité des phénomènes inscrits sous ce terme comme la variété de leurs impacts : sur l’emploi bien sûr, mais aussi sur les territoires, la santé des personnes, la nature, la place et les statuts du travail, la notion d’entreprise et les transformations des organisations productives, sans oublier les conséquences sur le dialogue social à divers niveaux. Ces travaux nous ont logiquement amenés à analyser de près le devenir des personnes impliquées dans ces processus, qu’elles en soient perdantes ou gagnantes, actrices, victimes ou « survivantes ». La question des reclassements, et plus largement des transitions professionnelles, est devenue alors une préoccupation majeure nous incitant à une approche large des problématiques liées à la mobilité du travail. Dans le contexte de crise et de mutations structurelles rapides et profondes de nos modèles économiques et sociaux, celles-ci sont désormais au cœur des agendas politiques nationaux et européens. C’est dans ce contexte qu’un nouveau Lab d’ASTREES a été lancé fin 2013.

Mobilités professionnelles : de quoi parle-t-on ?

Quiconque s’apprête à travailler sur la question de la mobilité est très vite confronté au caractère polymorphe de la notion : parle-t-on de mobilité professionnelle, mobilité géographique ou résidentielle, mobilité fonctionnelle, mobilité sociale, etc. La mobilité concentre un nombre important de significations. Ce qui à la fois en fait un outil précieux pour comprendre l’imaginaire qu’elle sous-tend et rend toute tentative de définition délicate. Au-delà, il faut reconnaître que le thème de la mobilité a pris davantage de poids et d’importance aujourd’hui. Les incitations à la mobilité semblent omniprésentes à condition d’y prêter un peu attention. Les médias mettent régulièrement en avant la figure de l’individu « aventurier », ayant tout quitté pour vivre de sa passion au quotidien, ou les personnes ayant réussi leur reconversion professionnelle. Ou encore, celles qui sont parties s’installer en province et ont eu le « courage » de quitter Paris. Comme le dit justement Denave (2015), « à en croire les discours médiatiques, chacun peut désormais choisir sa voie ou revenir sur une carrière peu satisfaisante ». Autrement dit, chacun d’entre nous serait en mesure de construire individuellement son « avenir », libre de définir son mode d’existence et son parcours professionnel. Étant entendu par-là, que la mobilité est avant tout une question d’aptitude individuelle à se mouvoir.

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Table des matières

INTRODUCTION ...................................................................................................................................................... 3

Mobilités professionnelles : de quoi parle-t-on ? ................................................................................................. 3

I - LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE, DEFINITIONS, ENJEUX, PROBLEMATIQUES ET MISE EN PERSPECTIVE ... 7

La sécurisation des parcours professionnels, une idée qui prend corps .............................................................. 7

Un nouvel âge de la mobilité ............................................................................................................................... 7

La GPEC enfin opérante ? .................................................................................................................................... 8

L’évolution de la gestion des restructurations ................................................................................................... 11

Un « pacte social » réinterrogé.......................................................................................................................... 11

Première conclusion ........................................................................................................................................... 12

II – 1ère PARTIE : L’EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET SEMANTIQUE DE LA MOBILITE ..................................... 14

1. L’évolution du cadre juridique et institutionnel ............................................................................................. 14

2. L’évolution sémantique.................................................................................................................................. 16

III - 2e PARTIE : LEÇONS TIRÉES ET PRINCIPAUX CONSTATS ................................................................................... 20

Constat n°1 : Le manque d’efficacité des principaux leviers utilisés traditionnellement ................................... 20

Constat n°2 : Des schémas de responsabilités de plus en plus partagées ......................................................... 21

Constat n°3 : Une approche des mobilités qui demeure très segmentée .......................................................... 24

Constat n°4 : Des enjeux de plus en plus territoriaux ........................................................................................ 25

Constat n° 5 : S’intéresser aux conditions de réussite dans la mise en œuvre ................................................... 28

Constat n° 6 : Responsabiliser les individus dans la gestion de leur parcours professionnel ............................. 29

Constat n° 7 : La GPEC au croisement de multiples contraintes ........................................................................ 30

IV - 3e PARTIE : ORIENTATIONS POUR L’ACTION ................................................................................................... 32

Orientation n° 1 : Rendre la mobilité attractive pour tous ................................................................................ 33

Orientation n° 2 : Gérer la mobilité en interaction avec les écosystèmes territoriaux ...................................... 33

Orientation n° 3 : Equiper « les individus sans les isoler » ................................................................................. 34

Orientation n° 4 : Passer à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions. ........................... 36

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Table des matières

INTRODUCTION ...................................................................................................................................................... 3

Mobilités professionnelles : de quoi parle-t-on ? ................................................................................................. 3

I - LES NOUVELLES FORMES DE MOBILITE, DEFINITIONS, ENJEUX, PROBLEMATIQUES ET MISE EN PERSPECTIVE ... 7

La sécurisation des parcours professionnels, une idée qui prend corps .............................................................. 7

Un nouvel âge de la mobilité ............................................................................................................................... 7

La GPEC enfin opérante ? .................................................................................................................................... 8

L’évolution de la gestion des restructurations ................................................................................................... 11

Un « pacte social » réinterrogé.......................................................................................................................... 11

Première conclusion ........................................................................................................................................... 12

II – 1ère PARTIE : L’EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET SEMANTIQUE DE LA MOBILITE ..................................... 14

1. L’évolution du cadre juridique et institutionnel ............................................................................................. 14

2. L’évolution sémantique.................................................................................................................................. 16

III - 2e PARTIE : LEÇONS TIRÉES ET PRINCIPAUX CONSTATS ................................................................................... 20

Constat n°1 : Le manque d’efficacité des principaux leviers utilisés traditionnellement ................................... 20

Constat n°2 : Des schémas de responsabilités de plus en plus partagées ......................................................... 21

Constat n°3 : Une approche des mobilités qui demeure très segmentée .......................................................... 24

Constat n°4 : Des enjeux de plus en plus territoriaux ........................................................................................ 25

Constat n° 5 : S’intéresser aux conditions de réussite dans la mise en œuvre ................................................... 28

Constat n° 6 : Responsabiliser les individus dans la gestion de leur parcours professionnel ............................. 29

Constat n° 7 : La GPEC au croisement de multiples contraintes ........................................................................ 30

IV - 3e PARTIE : ORIENTATIONS POUR L’ACTION ................................................................................................... 32

Orientation n° 1 : Rendre la mobilité attractive pour tous ................................................................................ 33

Orientation n° 2 : Gérer la mobilité en interaction avec les écosystèmes territoriaux ...................................... 33

Orientation n° 3 : Equiper « les individus sans les isoler » ................................................................................. 34

Orientation n° 4 : Passer à une logique de co conception et de mise en œuvre de solutions. ........................... 36

Note ASTREES n°13

L’évolution de la gestion des restructurations et les nouvelles formes de mobilité Les enseignements d’ASTREES

De

Philippe Bigard

Avec

Christophe Teissier

Patrice Pechon

Claude Emmanuel Triomphe

Janvier 2016

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Tous nos adhérents d’avoir initié et facilité la démarchedu Lab sur les Mobilités

aux participants au Lab, mais aussi les intervenants et contributeurs,

qui ont fourni des études de cas, des regards précieux pour nourrir nos questionnements et nos débats.

L’ensemble dede ses membres et contributeurs et, en particulier :

Philippe BIGARD, Christophe TEISSIER et Patrice PECHONpour la rédaction de cette note ;

Florence BENICHOUX, Anne-Marie BJORNSON-LANGEN,Isabelle EYNAUD-CHEVALIER, Sandrine GINESTE,

Jacques JACQUET, Marc-Antoine MARCANTONI, Guillaume MESMIN,Dominique PAUCARD, Anne Céline RIBADEAU-DUMAS,

Patrice SIMOUNET, Maud STEPHAN,pour leur participation et leurs contributions ;

Les experts et intervenants extérieurs qui ont pu éclairer nos travaux.

Remerciements à ASTREES, L’ATELIER SOCIAL DU FUTUR ASTREES propose une réflexion collaborative et des interventions pour anticiper et innover sur les thèmes du travail et de l’emploi en France et en Europe avec trois grands thèmes de prédilection :

Les nouvelles frontières de l’entreprise et les mutations du travail et de l’emploi Les nouvelles formes d’engagement et de dialogue dans l’entreprise Le renouvellement des enjeux et des pratiques du développement économique et social dans les territoires

A la fois think tank, laboratoire et opérateur d’expérimentations concrètes, ASTREES est à mi-chemin entre le penser et le faire, essayant toujours d’avoir « un coup d’avance » pour anticiper et aider à traiter les sujets à risque.

Sa gouvernance originale, multipartite rassemble des grandes entreprises, des partenaires sociaux, des cabinets RH, et des experts. Tous ses adhérents se retrouvent dans une volonté commune de réflexion, d’agitation et de confrontation d’idées et de propositions, au-delà des postures institutionnelles des structures auxquelles ils appartiennent, enrichissant les débats et les propositions de façon toujours constructive

ASTREES, une vocation Dans le monde du travail et de l’emploi, faire bouger les lignes immobilisées malgré les mutations économiques, culturelles et environnementales.

ASTREES, une ambition Devenir l’atelier social du futur, association reconnue pour son expertise, sa méthodologie d’innovation et sa parole libre au-delà des postures, prenant en compte, sans enjeu, les points de vue de tous les acteurs du social.

ASTREES, des missions Défricher, décrypter, éclairer les transformations du travail et de l’emploi en France et en Europe dans le nouveau contexte mondial pour Inventorier, Inventer, expérimenter, partager des propositions de pratiques sociales nouvelles.

Pour en savoir plus, vous pouvez nous retrouver :

[email protected]

www.astrees.org

et nous suivre sur :

ASTREES @AstreesLab ASTREES

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Carré Saint-Nicolas10, rue Saint-Nicolas75012 Paris

www.astrees.org

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NOUVELLES FORMES DE MOBILITE

Les enseignements d’ASTREES – Lab Mobilités

Note n° 13 – janvier 2016

Philippe BIGARD

Avec la participation de

Christophe TEISSIER

Patrice PECHON

Claude Emmanuel TRIOMPHE