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LILLE II, université du droit et de la santé
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET SOCIALES
Ecole doctorale n° 74
L’EXERCICE DU CONTRÔLE DANS LES SOCIETESANONYMES
Laure BrunouwDroit des contrats
DEAMarie-Christine Monsallier-Saint-Mleux
Octobre 2003
1
SOMMAIREINTRODUCTION…………………………………………………………………………p. 2.
PREMIERE PARTIE : L’EFFICACITE LIMITEE DE L’EXERCICE CLASSIQUE DU
CONTRÔLE……….……………………………………………………………………...p. 11.
CHAPITRE UN : L’ORGANE DE CONTRÔLE INTERNE : LE CONSEIL
D’ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE…………………………………..…p. 13.
Section 1 : Le conseil d’administration……………………………….…………………..p. 14.
Section 2 : Le conseil de surveillance : l’ineffectivité d’une structure sociétaire prévue par le
législateur………………………………………………………………………………….p. 26.
CHAPITRE DEUX : L’ORGANE EXTERNE DE CONTRÔLE : LE COMMISSAIRE AUX
COMPTES………………………………………………………………………………...p. 34.
Section 1 : La mission des commissaires aux comptes…………..………………………..p. 35.
Section 2 : Les limites à l’efficacité de cette mission…………...………………………...p. 43.
DEUXIEME PARTIE : L’EXERCICE RENOUVELE DU CONTRÔLE……………….p. 50.
CHAPITRE UN : LE CONTRÔLE PREVENTIF………………………………...……...p. 52.
Section 1 : Le droit à l’information.………………………………………………………p. 54.
Section 2 : Les organes facultatifs aménageant un certain contrôle...…………………….p. 62.
CHAPITRE DEUX : LE CONTRÔLE CURATIF : LES ACTIONS……………………p. 68.
Section 1 : Les différentes actions à la disposition des actionnaires..…………………….p. 70.
Section 2 : Les dispositifs facilitant l’exercice de ces actions…………………………….p. 77.
CONCLUSION…………………………………………………………………………...p. 84.
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………...p. 85.
INTRODUCTION
La société anonyme est le moyen de réunir des capitaux et d’associer des épargnants à la
réalisation d’une activité industrielle et commerciale, sans leur faire courir un risque illimité.
Les actionnaires vont apporter de l’argent à la société dont ils seront, en conséquence, tous
2
propriétaires. Cet argent, ils espèrent qu’il va leur en rapporter davantage, grâce aux bénéfices
que va réaliser la société. Cependant, l’actionnaire ne souhaite pas gérer lui-même la société,
c’est la raison pour laquelle il va en confier la gestion à des dirigeants qu’il choisit. La société
anonyme est donc une société par actions, commerciale par la forme et dont les associés
possèdent un droit représenté par un titre négociable, l’action, c’est pourquoi nous les
appellerons « actionnaires ». De plus, en vertu de l’article L. 225-1 du Code de commerce, ils
ne sont pas tenus du passif de la société au-delà de leur apport.
Cette forme de société va pouvoir être utilisée pour toutes sortes d’entreprises, de la petite ou
moyenne entreprise (PME) familiale à la grande multinationale. En effet, la société anonyme
est autorisée à faire publiquement appel à l’épargne, ce qui lui permet de faire participer un
grand nombre d’épargnants, même modestes, à des réalisations de taille immense. Un lien est
d’ailleurs constatable entre le développement des sociétés par actions et celui des grandes
entreprises. Ce sont les sociétés par actions qui ont permis la construction des chemins de fer,
l’exploitation des mines, de la sidérurgie, ainsi que le développement des banques et des
assurances1.
Cette société anonyme, qui représente la majorité des formes de sociétés en France, pourrait
paraître être une technique d’organisation assez flexible de l’entreprise puisqu’elle semble
s’adapter à toutes sortes d’entreprises. En réalité, il n’en est rien. Son organisation est
relativement complexe, de plus elle est très largement régie par la loi, certaines dispositions la
concernant sont même impératives. Pourtant, c’est bien un contrat qui lui donne naissance.
Mais, les fondateurs de la société doivent, lors de la constitution, adopter en bloc le statut de
la société anonyme, tel qu’il est fixé par la loi, aux articles L. 225-1 à L. 225-270 du Code de
commerce. Ils ne pourront apporter de modifications à ces dispositions que sur quelques
points de détail. L’organisation de la société anonyme comprendra donc nécessairement une
assemblée générale des actionnaires, qui est l’organe souverain et pourra se réunir de façon
ordinaire ou extraordinaire. Cette assemblée va nommer des organes d’administration et de
direction. On doit également trouver dans la société anonyme des organes de représentation,
qui exécutent à l’égard des tiers les décisions prises par les organes de gestion. Enfin, sont
également désignés des organes de surveillance et de contrôle, rendus nécessaire par
l’effacement des actionnaires, trop nombreux pour pouvoir s’intéresser directement à la
3
gestion. L’impérativité de ce principe de hiérarchie des organes et de séparation des pouvoirs
a été rappelé par la Cour de cassation dans l’arrêt Motte rendu le 4 juin 19462.
Une autre caractéristique de la société anonyme réside dans son caractère démocratique. Ce
sont les actionnaires qui vont nommer et révoquer les dirigeants comme le parlement nomme
et renverse le gouvernement dans un régime politique démocratique. Cependant, depuis
plusieurs dizaines d’années, le caractère démocratique de la société anonyme fait l’objet de
doutes. En 1952, A. Tunc faisait déjà remarquer l’inefficacité de l’assemblée générale des
actionnaires, la qualifiant d’organe presque fictif. Selon lui, la majorité des actionnaires
« abdique son droit de vote, normalement entre les mains de la direction. Les pouvoirs de
décision et de contrôle de l’organe souverain sont confisqués par les organes de direction, et
cela suffirait à fausser le mécanisme légal »3. Il se demande donc s’il faut renoncer à une
organisation « démocratique » de la société anonyme4. Le Doyen Ripert remettait également
en cause le caractère démocratique de la société anonyme : « la décision de l’assemblée est
une approbation aveugle de la décision préalable du conseil d’administration… Les
actionnaires sont résignés à ne rien comprendre, à ne rien savoir. Ils se fient aux
administrateurs. Le régime démocratique des sociétés aboutit au triomphe d’une petite
minorité de capitalistes. »5. Pour ces auteurs, le problème venait donc essentiellement du fait
que le pouvoir, qui normalement appartenait aux actionnaires du fait de leur détention
d’actions, était confisqué par les dirigeants qui l’exerçaient sans réel contrôle. Cependant,
d’autres auteurs ont réaffirmé ce caractère démocratique en soulignant les aspects communs
des régimes démocratiques et du fonctionnement des sociétés anonymes comme le respect de
la loi de la majorité, le principe de séparation des pouvoirs, le respect des droits individuels
des actionnaires et la devise de la République « liberté, égalité, fraternité »6. Par ailleurs, les
minoritaires y sont protégés par le renforcement des organes de contrôle et l’amélioration de
l’information et de la transparence. Il apparaît donc que si dans la société anonyme l’un des
enjeux du pouvoir est celui de la direction et de la gestion de la société, de sa direction, l’autre
est certainement celui du contrôle de cette gestion.
2 Cass. civ., 4 juin 1946, S. 1947, I, 153, note Barbry, JCP, 1947, II, 3518, note Bastian.3TUNC (A.), L’effacement des organes légaux de la société anonyme, D. 1952, Chronique p. 73, n°4.4TUNC (A.), op. cit., p. 73, n°5.5 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris : L.G.D.J., 1951, réédition LGDJ 1992, n° 42,p. 98 et s.6 GUYON (Y.), La société anonyme, une démocratie parfaite ! , in Propos impertinent de droit des affaires.Mélanges en l’honneur de Christian Gavalda, Paris : Dalloz, 2001, p. 133, n°3.
4
Le législateur a semblé tenir compte des remarques de ces différents auteurs, et de la nécessité
de mieux séparer direction et contrôle puisqu’il a créé, avec la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales, un nouveau type de direction des sociétés anonymes, la société
à directoire et conseil de surveillance. Dans celle-ci, les fonctions de direction sont dévolues
au directoire tandis que le conseil de surveillance ne s’occupe, en principe, que de la
surveillance de la gestion de la société. En réalité, plusieurs raisons ont conduit à l’adoption
de cette forme de société. Il s’agissait d’abord de tenir compte de la dissociation croissante
entre propriété de la société et gestion de celle-ci, or, la société anonyme allemande
correspondait à ces préoccupations, c’est pourquoi elle a été retenue comme source
d’inspiration de la réforme du droit français des sociétés. Mais, à l’époque, le modèle
allemand avait également été retenu car il permettait une intégration des salariés à la gestion
de la société, cependant, il fallait tenir compte des particularités françaises et notamment de
l’existence du comité d’entreprise. Enfin, s’inspirer de ce modèle permettait un
rapprochement des législations à une époque où la société européenne était un sujet
d’actualité. Grâce à cette nouvelle forme de direction de la société anonyme, il devait être
possible de mieux dissocier direction et contrôle. Mais de quelle forme de contrôle s’agit-il ?
Dans le petit Larousse7, le terme de contrôle reçoit plusieurs sens. Outre celui de vérification,
on peut en retenir deux : « action de contrôler, de surveiller quelqu’un ou quelque chose,
examen minutieux », et « action, fait de contrôler quelque chose, un pays, un groupe, son
comportement, fait d’avoir sur eux un pouvoir, une maîtrise ». Il y a donc deux grands sens
pour le terme de contrôle : le contrôle-surveillance et le contrôle-maîtrise. Ces divers sens
trouvent à s’appliquer en droit. En effet, dans le vocabulaire du Doyen Cornu8, on retrouve les
trois sens : vérification, maîtrise et surveillance, les deux derniers ayant des applications
particulières en droit des sociétés. Ces deux appréhensions de la notion de contrôle ne sont pas
aussi indépendantes l’une de l’autre qu’elles peuvent le paraître. On ne peut pas les dissocier
totalement car elles peuvent s’influencer réciproquement. Ceux qui disposent du contrôle-
maîtrise, les actionnaires majoritaires et donc les organes qu’ils désignent, disposent
finalement du pouvoir de diriger les affaires sociales. Ce pouvoir peut être plus ou moins
absolu en fonction de l’importance des capitaux détenus et des alliances qui peuvent exister
entre les différents actionnaires. Par ailleurs, comme nous allons le voir, les organes chargés
7 Petit Larousse illustré, 1996, voir contrôle p. 268-269.8 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Capitant, Paris, P.U.F, 3ème édition, 1992, voir Contrôle, p.222.
5
classiquement du contrôle-surveillance, sont également les élus, sinon les mandataires, de
l’assemblée générale. Par conséquent, les organes de surveillance émanent du cercle des
contrôlaires, qui sont ceux qui finalement dirigent la société, par le biais des organes de
gestion, puisque ce sont les actionnaires majoritaires qui vont désigner ces organes. Parfois ce
sont alors des personnes qui agissent au nom des mêmes intérêts qui vont exercer la direction
de la société et le contrôle, la surveillance de la façon dont cette gestion est opérée. La
surveillance pourra donc être détournée à leur profit. C’est ce que détaille R. Contin en 1968
dans une chronique sur « l’arrêt Fruehauf et l’évolution du droit des sociétés »9. Il nous
rappelle que le contrôle de la gestion est inhérent aux sociétés par actions dans la mesure où,
si les actionnaires confient leurs capitaux à l’administration de tiers, c’est toujours en se
réservant le droit de surveiller l’utilisation qui en est faite. La loi du 24 juillet 1867 sur les
sociétés commerciales organisait un contrôle interne à la société, exercé personnellement par
les actionnaires ou délégué par ceux-ci à des commissaires aux comptes. En effet, pour le
législateur de l’époque, le contrôle exercé sur les dirigeants de la société par les commissaires
aux comptes ne l’était que par une délégation des droits de contrôle appartenant aux
actionnaires. Cependant, ce système a rapidement révélé son inefficacité pratique et ceci car il
reposait sur un postulat inexact : la présence des actionnaires aux assemblées. Or, comme cela
a déjà été signalé, les actionnaires faisaient preuve d’un absentéisme chronique aux
assemblées générales, ce qui se corrélait avec un développement de la pratique des pouvoirs
en blanc. Ces deux faits conjugués aboutissaient à faire en fait des contrôlés leurs propres
contrôleurs, « le contrôle réel n’étant qu’un « auto-contrôle » du groupe majoritaire. Ce sont,
en effet, les actionnaires majoritaires qui, utilisant les pouvoirs en blanc collectés, nomment
les commissaires aux comptes ou les membres du conseil de surveillance, et ce sont encore
eux qui, par le même moyen, font la loi à l’assemblée »10. Malgré la véracité de ces propos, il
ne faut pas confondre majorité et totalité, les actionnaires minoritaires ne sont pas dépourvus
de moyens d’actions s’ils perçoivent des abus des majoritaires ou des fautes de gestion
commises par les organes dirigeants.
Par ailleurs, récemment, de nombreux scandales financiers, tels Enron, Tyco, Vivendi, ont
révélé que le contrôle exercé dans certaines sociétés avait dû être défaillant pour qu’il soit
ainsi possible de cacher les détournements qui avaient eu lieu. C’est ici au contrôle-
surveillance, qui se rapproche le plus de la signification originaire du mot, qu’il est fait9 CONTIN (R.), L’arrêt Fruehauf et l’évolution du droit des sociétés, D. 1968, p. 45.10 CONTIN (R.), op. cit., p. 45.
6
référence. C’est à ce sens strict du mot, lié à la notion de censure11, que nous nous
intéresserons.
Un tel contrôle de la direction des sociétés anonymes répond à divers objectifs. Selon
Monsieur Y. Djian12, il s’agit de répondre à différents impératifs en présence : stimuler l’esprit
d’entreprise et pour cela permettre que les actionnaires voient leur pouvoir s’effacer au profit
de dirigeants efficaces et capables de prendre des décisions rapides en vue de
l’accomplissement de l’objet social ; cependant il faut également assurer la protection de ces
actionnaires de la société et pour cela, leur permettre de vérifier, de contrôler l’exercice que
les dirigeants font du pouvoir qui leur a été conféré. Enfin, selon Monsieur Djian, il faut
également protéger les créanciers sociaux. Ces derniers ont prêté de l’argent à la société, ce
qui leur fait courir un risque et explique qu’ils soient intéressés à la bonne marche de la
société. Comme le témoigne la thèse de cet auteur, le contrôle-surveillance suscitait déjà
l’intérêt en 1963, mais il est encore aujourd’hui au centre de l’attention. Pour Madame Colette
Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), le
contrôle et la surveillance ont pour objet de répondre à deux préoccupations très simples. Il
s’agit d’une part de savoir quel usage a été fait de l’argent des actionnaires. C’est à ce niveau
qu’il faut exiger une grande transparence dans la présentation des comptes et du rapport de
gestion à l’assemblée des actionnaires. D’autre part, le contrôle doit permettre de vérifier si
les décisions sociales ont été prises dans l’intérêt commun des associés. D’après Madame
Neuville, il ne suffit pas que les décisions des dirigeants soient conformes à l’intérêt social,
avec toutes les incertitudes que comporte cette notion. Il faut aussi qu’elles soient conformes à
l’intérêt commun des actionnaires, comme le précise l’article 1833 du Code civil qui énonce
qu’ « une société est constituée dans l’intérêt commun des associés ». Cela signifie, pour
Madame Neuville, que les décisions sociales doivent avoir les mêmes conséquences
patrimoniales pour tous les associés. Selon elle, on ne saurait admettre des sociétés qui
fonctionnent à l’avantage de certains actionnaires seulement. Or, ce serait le cas de
nombreuses sociétés dont les minoritaires sont désavantagés par une information insuffisante,
par la politique de distribution des dividendes et par des opérations financières ou des
rapprochements iniques13. Il faut signaler que la vision des finalités du contrôle de Madame
Neuville semble se concentrer sur les objectifs du contrôle pour les actionnaires tandis que11 DJIAN (Y.), Le contrôle de la direction des sociétés anonymes dans les pays du marché commun, Thèse Paris,1963, Sirey, 1965, n°3, p. 2.12 DJIAN (Y.), op. cit., n°8 et s., p. 4.13 NEUVILLE (C.), L’émergence d’un actionnariat actif en France, P.A. 27 septembre 1995, n° 116, p. 42.
7
Monsieur Djian tient compte des autres acteurs, même extérieurs à l’entreprise, qui ont des
intérêts dans celle-ci, à savoir les créanciers sociaux. On voit cependant que pour ces deux
auteurs, l’intérêt des actionnaires est un des buts essentiels du contrôle.
Le contrôle, dans ce sens de surveillance, est au cœur de l’actualité puisqu’il a récemment fait
l’objet de nombreuses discussions dans la mesure où il est au centre des débats sur la
corporate governance. Cette doctrine, d’origine anglo-américaine, tend à s’assurer que les
sociétés sont gérées dans l’intérêt commun de tous les actionnaires et non dans celui
particulier des majoritaires ou des dirigeants. Elle est fondée sur la gestion des rapports entre
le conseil d’administration, les dirigeants et les actionnaires. Son but est de stimuler
l’interventionnisme des minoritaires, afin de lutter contre la concentration des pouvoirs dans
la société. Elle a également été vue comme un moyen d’améliorer la performance des sociétés,
notamment grâce à l’amélioration de la transparence dans la société et de l’efficacité du
conseil d’administration ainsi qu’au moyen de la revalorisation du rôle de l’actionnaire.
Cette doctrine est née au début des années soixante-dix, époque à laquelle l’organisation du
pouvoir dans les sociétés anonymes a fait l’objet de vifs débats aux Etats-Unis puis au
Royaume-Uni. Le mouvement a commencé aux Etats-Unis où sont parus des livres qui
critiquaient l’équivalent du conseil d’administration de nos sociétés anonymes en se
demandant s’il remplissait réellement sa fonction. En effet, on découvre un peu plus tard que
de nombreuses sociétés ont procédé à des paiements illicites, susceptibles d’entraîner de
graves responsabilités, sans que le conseil d’administration en soit averti. L’American Law
Institute, qui regroupe les grands juristes américains, décide alors de formuler les principes du
gouvernement des sociétés anonymes. Cependant, il s’écoulera quinze ans avant que ne soient
élaborés les Principles of corporate governance, ces derniers étant constitués d’un ensemble
d’analyses et de recommandations s’adressant au législateur, au juge ou aux sociétés, et qui,
en raison de leur importance considérable, constituent un guide permettant au dirigeant qui s’y
est référé, de voir sa responsabilité diminuée, voir supprimée. Ces principles couvrent
notamment les structures et les pouvoirs des organes dans les grandes sociétés, les devoirs de
diligence et de loyauté que doivent respecter les dirigeants, le rôle des directeurs et
actionnaires dans les opérations portant sur le contrôle de la société. La transparence de
l’information, la performance, le droit de s’impliquer dans la gestion deviennent alors les
critères d’investissement des fonds de pension américains.
8
C’est également dans les années soixante-dix qu’ont été publiées au Royaume-Uni un certain
nombre d’études de valeur sur le fonctionnement effectif des sociétés anonymes. A la
suggestion de la Bourse de Londres et d’organisations comptables et avec l’encouragement de
la Banque d’Angleterre se crée en mai 1991 un Committee on the Financial Aspects of
Corporate Governance. Ce comité est présidé par Sir Adrian Cadbury, il publie en décembre
1992 un rapport définitif, le rapport Cadbury. Selon ce dernier, la corporate governance est le
système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées. Les auteurs de ce rapport cherchent
à améliorer la mise en œuvre des principes d’information, d’intégrité et de responsabilité. Ils
rappellent les responsabilités des différents acteurs de la société, énoncent des
recommandations et proposent un Code of best Practice destiné aux sociétés cotées mais
toutes les sociétés peuvent spontanément décider de le suivre.
Le mouvement arrive en France vers le milieu des années quatre-vingt-dix. L’importance
croissante des investisseurs institutionnels sur les marchés des bourses de valeurs françaises,
le rôle grandissant des fonds de pension étrangers sur la place de Paris, les privatisations et les
nombreux scandales financiers touchant certaines entreprises du secteur public ou privé
(Saint-Gobain, GMF, Crédit Lyonnais) ont mis en évidence la nécessité d’une réflexion sur le
fonctionnement de la direction des entreprises françaises. Il s’agissait notamment de chercher
les moyens de rendre plus efficaces les travaux des conseils d’administration ou de
surveillance, de mieux contrôler la gestion des dirigeants d’entreprise et d’améliorer la
représentation des différents apporteurs de capitaux dans les organes de direction et de
contrôle des entreprises. Les réflexions vont s’ouvrir avec le rapport Viénot14 de 1995 sur le
conseil d’administration des sociétés cotées. Ce rapport avait été demandé par le Conseil
National du Patronat Français et par la Commission des Opérations de Bourse. Il sera suivi de
divers rapports émanant de divers organismes mais surtout du rapport Viénot 215 sur le
gouvernement d’entreprise.
Toutes ces préoccupations se sont retrouvées dans la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, relative
aux nouvelles régulations économiques (loi NRE). Cette loi était vue comme un moyen de
transposer les principes du gouvernement d’entreprise en France, ce qu’elle a tenté de faire en14 VIENOT I, Le conseil d’administration des sociétés cotées, Rapport du groupe de travail de l’A.F.E.P et duC.N.P.F, juillet 1995.15 VIENOT II, Rapport du comité sur le gouvernement d’entreprise, Rapport du groupe de travail de l’A.F.E.Pet du MEDEF, juillet 1999.
9
tenant compte des particularités françaises. Cette loi, énormément critiquée, a essayé
d’améliorer les procédures de contrôle dans la société anonyme. Malheureusement, de
nouveaux scandales financiers ont eu lieu. Il semble donc que le contrôle dans les sociétés
anonymes n’était toujours pas exercé de manière efficace. C’est pourquoi la loi n° 2003-706
du 1er août 2003, loi de sécurité financière, a encore raffermi les contrôles auxquels sont
soumises les sociétés, mais plus particulièrement les sociétés faisant appel public à l’épargne.
Il est vrai que la taille et le caractère international de ces sociétés, ainsi que la dispersion de
leur actionnariat, facilitent les abus ce qui explique qu’elles soient plus sévèrement régies que
les autres. Mais ces incessantes affaires nous amène à nous interroger sur l’efficacité de la
façon dont est exercé le contrôle aujourd’hui dans les sociétés anonymes.
Même s’il existe, dans les sociétés anonymes monistes et dualistes, des organes de contrôle
qui ont pour but de surveiller la gestion de la société, ces organes sont désignés par
l’assemblée générale. Or, cette dernière peut elle-même être contrôlée par les actionnaires
majoritaires qui choisiront donc des organes favorables à leur gestion. Ces organes vont
effectuer un exercice classique du contrôle dont l’efficacité paraît limitée (I). Cependant,
grâce notamment à l’influence de la corporate governance et à la loi sur les nouvelles
régulations économiques, les droits individuels des actionnaires se sont développés, ce qui va
leur permettre de renouveler l’exercice du contrôle afin d’aboutir à un résultat parfois plus
objectif et performant (II).
10
PREMIERE PARTIE : L’EFFICACITELIMITEE DE L’EXERCICE CLASSIQUE
DU CONTRÔLE
La société anonyme, moniste ou dualiste, connaît principalement deux organes de contrôle,
l’un interne, l’autre externe. Ces organes de contrôle sont des émanations de l’assemblée
générale des actionnaires qui les nomme. Ils apparaissent comme des mandataires des
actionnaires à qui revient au premier chef de contrôler l’action des dirigeants.
Cependant on a pu remarquer depuis longtemps une certaine démission de ces actionnaires qui
se traduit à titre principal par leur absentéisme lors des assemblées générales. Ceci peut
s’expliquer par leur sentiment d’impuissance et d’incompréhension. Impuissance due à leur
faible participation dans le capital, mais surtout incompréhension à l’égard de la façon dont
sont gérées les affaires sociales. En effet, bien que le législateur ait favorisé leur information,
les actionnaires ne sont pas toujours en mesure de comprendre la masse de documents qui leur
sont fournis.
Ceci explique pourquoi le contrôle est traditionnellement considéré comme du ressort de
certains organes, externes ou internes à la société anonyme. Il s’agit du conseil
d’administration ou de surveillance et du commissaire aux comptes. Le contrôle opéré par
chacun de ces organes n’a en principe pas le même objet. Le contrôle effectué par l’organe11
interne, conseil d’administration ou de surveillance, est plus large tandis que le contrôle des
commissaires aux comptes se circonscrit en principe, comme son nom l’indique, à la
comptabilité. Même si le contrôle des comptes a aujourd’hui évolué et s’est élargi, il sert
toujours d’outil à l’organe interne de contrôle comme à tous ceux qui souhaitent suivre la
gestion d’une société : actionnaires, dirigeants, tiers, créanciers, administrations…
Afin de mieux comprendre la façon dont s’exerce le contrôle opéré classiquement par ces
deux organes ainsi que les raisons de leurs déficiences nous allons les étudier séparément.
Nous allons donc nous intéresser tout d’abord à l’organe interne de contrôle (Chapitre I) avant
d’étudier le rôle du commissariat aux comptes (Chapitre II).
12
CHAPITRE UN : L’ORGANE DE CONTRÔLEINTERNE : LE CONSEIL D’ADMINISTRATION OUDE SURVEILLANCE.
La société anonyme s’adresse en principe à de grandes entreprises et regroupe normalement
de nombreux actionnaires, c’est pourquoi elle est dotée d’une structure complexe, hiérarchisée
et, pour l’essentiel, d’ordre public : la loi met en place, dans l’intérêt des associés et des tiers,
des organes de direction et de contrôle dont elle définit impérativement le fonctionnement et
les attributions. Les principes de séparation des pouvoirs et de hiérarchie des organes ont été
rappelés par l’arrêt Motte rendu par la Cour de cassation le 4 juin 194616. Selon la Haute-
juridiction, ces principes s’imposent aux actionnaires qui ne sauraient y déroger. A la
conception contractuelle de la société anonyme, cette importante réglementation vient
substituer une vision plus institutionnelle. Tandis que dans la vision contractuelle, le contrôle
opéré par les organes internes de la société anonyme sera effectué au nom des actionnaires par
leurs mandataires, avec la vision institutionnelle les organes sociaux agissent en vertu des
attributions différenciées et hiérarchisées dont ils sont dotés. Parmi ces attributions figure le
contrôle de la gestion opérée par la direction. On peut signaler que les organes de surveillance
et de contrôle que comporte la société anonyme ne se rencontrent pas dans les autres sociétés,
ou au moins, n’y jouent qu’un rôle effacé17. En réalité, les aspects contractuels et
institutionnels coexistent dans notre droit. Le contrôle est donc opéré aussi bien pour les
actionnaires que pour la société elle-même ainsi que ses créanciers. Actuellement, cette
mission de contrôle est confiée au conseil d’administration dans la société anonyme moniste
et au conseil de surveillance dans la société anonyme dualiste. Cependant, bien que cette
mission figure expressément dans les textes, est-elle opérée de façon efficace ?
A priori, la société anonyme a été dotée des moyens de remplir effectivement ce rôle de
surveillance. La société anonyme dualiste a un organe spécialement détaché à la mission de
contrôle de la gestion, il s’agit du conseil de surveillance. En revanche, dans la société
anonyme classique, jusqu’à la loi NRE, aucun organe interne n’avait de mission spéciale de
contrôle, ce rôle était généralement dévolu dans la pratique au conseil d’administration.
16 Cass. civ., 4 juin 1946, S. 1947, I, 153, note Barbry, JCP, 1947, II, 3518, note Bastian.17 GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001, p. 286, n° 288.
13
Certains auteurs y voyaient une de ses missions « naturelles » même si elle n’était pas
mentionnée par la loi, d’autres considéraient qu’elle était l’accessoire obligé de sa mission
générale. Désormais, le problème ne se pose plus dans la mesure où la loi NRE a redéfini les
missions du conseil d’administration. En effet l’article L. 225-35 du Code de commerce
dispose : « Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et
veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées
d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la
bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent… Le
conseil d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Chaque
administrateur reçoit toutes les informations nécessaires à sa mission et peut se faire
communiquer tous les documents qu’il estime utiles. » On voit donc que chaque type de
société dispose d’un organe interne de contrôle. Mais, qu’il s’agisse du conseil
d’administration (Section 1) ou du conseil de surveillance (Section 2), nous allons voir que
ces organes remplissent leur mission de surveillance avec une efficacité assez relative.
Section 1 : Le conseil d’administration
Les textes antérieurs à la loi sur les nouvelles régulations économiques n’attribuaient pas
expressément de mission de contrôle au conseil d’administration. La pratique et la
jurisprudence l’ont chargé d’une telle mission (§ 1), mais les moyens de l’exercer ne lui ayant
pas été conférés, le rôle du conseil en matière de contrôle va avoir une efficacité limitée (§ 2).
§ 1 : La mission de contrôle du conseil d’administration
Avant d’être consacrée par la loi (B), la mission de contrôle du conseil d’administration avait
été mise en place par la pratique et la jurisprudence (A).
A) Historique de la mission de contrôle
14
Le principe du contrôle de la gestion par le conseil d’administration a été affirmé par la loi sur
les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 dans son article L. 225-35. Cependant,
même si les textes ne le prévoyaient pas antérieurement, ce principe existait, sans être
clairement proclamé.
Dans une conception traditionnelle de la société anonyme, c’est à l’assemblée générale des
actionnaires d’exercer la surveillance de la gestion sociale. Mais comme Ripert soulignait en
194618, cet organe était inefficace voire presque fictif pour différentes raisons, notamment
l’absentéisme des actionnaires et le développement des pouvoirs en blanc. En apparence, le
système français n’apportait aucun palliatif à cette inefficacité : le contrôle des commissaires
aux comptes est strictement comptable et la mission légale du conseil d’administration était
une mission d’administration et non de contrôle. Cependant, en pratique, le conseil
d’administration a vu s’effacer ses pouvoirs de gestion au profit d’une mission de
surveillance. En effet, comme le souligne Monsieur Djian19, la notion même de gestion est
incompatible avec le concept de conseil qui est un organe collectif. Cette collectivité
l’empêche de siéger en permanence, de plus, un organe collectif peut délibérer mais ne peut
exécuter lui-même les décisions qu’il a arrêtées. Il en résulte que le conseil d’administration
tend à abandonner la plus grande partie de son pouvoir à son président, se réservant
essentiellement la possibilité d’orienter la politique générale de la société et de passer ou
d’autoriser les actes les plus importants. En contrepartie de cette limitation de ses pouvoirs de
gestion, le conseil d’administration s’est vu accorde une autre fonction cadrant mieux avec ses
caractéristiques, il s’agit de la mission de surveillance.
Tout d’abord, s’appuyant sur l’article 44 de la loi de 1867 selon lequel les administrateurs
« sont responsables des fautes qu’ils auraient commises dans leur gestion », la Cour de
cassation décidait « qu’ils (les administrateurs) ont pris à l’égard de l’administrateur-délégué
des mesures exceptionnelles, mais que ces mesures étaient tardives et ne peuvent que leur
faire reprocher plus fortement leur défaut de surveillance ».20 Elle confirma sa position l’année
suivante21. La Cour de cassation va même plus loin en 1954 : elle casse un arrêt de cour
d’appel qui avait relevé que les administrateurs n’avaient commis aucune violation des règles
légales, méconnaissance des statuts ou faute de gestion au motif que la dite Cour d’appel ne
18 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris, L.G.D.J. :1951, réédition LGDJ 1992, p. 98et s., n° 42 et s.19 DJIAN (Y.), Le contrôle de la direction des sociétés anonymes dans les pays du marché commun, thèse, Paris,1963, Sirey, 1965, n° 215, p. 106.20 Cass. Req., 7 janv. 1930, D.P. 1932, I, 191.21 Cass. Req., 1er déc. 1931, D.P. 1933, I, 89.
15
s’était pas expliquée « sur l’exécution de la mission de surveillance et de contrôle qui incombe
aux administrateurs22 ».
Les lois des16 novembre 1940 et 4 mars 1943 n’énoncèrent pas expressément le principe d’un
contrôle de la gestion mais il était indirectement impliqué par certains textes comme l’article 4
de la loi de 1940 qui disposait que pour se dégager de leur responsabilité et afin de ne pas
supporter tout ou partie du passif social « le président et les administrateurs impliqués doivent
faire la preuve qu’ils ont apporté à la gestion des affaires sociales toute l’activité et la
diligence d’un mandataire salarié ». D’autre part, la possibilité pour le conseil
d’administration de révoquer ad nutum le président-directeur général implique un contrôle de
la gestion de ce dernier puisque le conseil d’administration n’est pas chargé de veiller sur la
régularité comptable de la marche de la société mais que cette révocation ne peut pas être
l’effet d’un caprice, il lui faut un fondement. De manière plus positive, l’article 40 de la loi du
24 juillet 1867, modifié par la loi du 4 mars 1943, permet au conseil d’administration de
contrôler l’opportunité d’une opération ou d’une série d’opérations. Cet article exige un
rapport spécial des commissaires aux comptes lorsqu’ont été passés des contrats entre la
société et l’un de ses administrateurs. En outre, il prévoit une autre formalité essentielle qui
met en lumière le rôle véritable du conseil d’administration : la nécessité d’une autorisation
préalable de ces conventions par le conseil d’administration. Selon la jurisprudence qui s’est
prononcée dans l’affaire Cérès-Farincourt, il s’agit d’une autorisation spéciale sanctionnée par
la nullité relative23.
Ceci nous montre donc que si la mission de surveillance des administrateurs n’était pas
textuellement prévue par le législateur elle existait dans les faits et se manifestait de
différentes manières pour les administrateurs de sociétés anonymes. Cette mission de
surveillance s’ajoute donc à la principale mission d’administration et d’orientation du conseil
d’administration.
Avec la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, on pouvait se
demander si cette obligation de surveillance affirmée en pratique subsisterait. Une fois encore,
le législateur ne s’était pas prononcé sur la question, ni pour supprimer l’obligation, ni pour la
maintenir. Certains auteurs déduisaient de la création d’un nouveau type de société anonyme
avec directoire et conseil de surveillance que le législateur avait voulu supprimer l’obligation
de surveillance qui pesait sur le conseil d’administration de la société anonyme moniste.
22 Cass. civ. Sect. Com., 3 mai 1954, D. 1954, p. 437 ; JCP 1954, II, 8257, note Bastian.23 Paris, 23 fév. 1955, D. 1956, p. 290, note Goré ; RTD. Com 1956, p. 285, obs. Rault.
16
D’autres, tel Hervé Chassery24, estimaient que les observations amenant à retenir en pratique
la mission de contrôle du conseil d’administration étaient toujours valables avec la loi de
1966, c’est pourquoi il fallait conclure au maintien de l’obligation de surveillance incombant
au conseil d’administration. En pratique, il est vrai que le conseil, organe intermittent, « se
bornait généralement, surtout dans les sociétés importantes, à autoriser les actes les plus
graves, définir les grandes orientations de la direction et exercer sur la conduite des affaires
sociales une surveillance plus ou moins active qui était sanctionnée par la jurisprudence à
défaut d’être organisée de façon précise par la loi25. » Ainsi, on remarque que malgré la
réforme de 1966, le conseil d’administration va continuer cette mission de surveillance que lui
reconnaît la jurisprudence, c’est pourquoi le législateur va enfin venir consacrer cette
obligation en entérinant une situation de fait, « à savoir que le conseil d’administration, qui ne
siège pas en permanence, est moins un organe de gestion quotidienne que d’orientation et de
contrôle. »26
B) Consécration législative de la mission de contrôle
Dans la loi de 1966, le conseil d’administration était donc chargé de l’administration de la
société. Comme nous avons pu nous en rendre compte, cette vue était cependant bien souvent
théorique ; c’est pourquoi la loi du 15 mai 2001 vient consacrer la mission de contrôle du
conseil d’administration. En effet, l’article L. 225-35 clarifie les missions du conseil
d’administration car il met fin à la confusion résultant de la définition similaire des pouvoirs
du conseil et de son président selon laquelle ils étaient chacun « investi(s) des pouvoirs les
plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société » (art. L. 225-35 et L. 225-
51 anciens du Code de commerce). De plus, l’alinéa 3 de cet article dispose que « le conseil
d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Chaque
administrateur reçoit toutes les informations nécessaires à l’exercice de sa mission et peut se
faire communiquer tous les documents qu’il estime utiles. » Cette mission s’ajoute aux deux
autres principales fonctions retenues par la loi sur les nouvelles régulations économiques : le
conseil détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre et il
général des sociétés anonymes selon la loi relative aux nouvelles régulations économiques, Droit 21, 2001, ER052, n°16 et s.
17
se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle les affaires qui la
concernent. Il ne faut donc pas assimiler le conseil d’administration au conseil de surveillance
dans la mesure où le conseil d’administration garde des prérogatives beaucoup plus étendues
que le conseil de surveillance. Il pourra exercer ses fonctions de contrôle à la fois par le
prisme du pouvoir qui lui est reconnu de s’assurer de la mise en œuvre des orientations qu’il
aura préalablement définies et d’effectuer à cet effet tous les contrôles qu’il juge utiles27.
Non seulement, le législateur consacre le rôle de surveillance du conseil d’administration mais
il lui donne les moyens d’exercer cette mission. En effet, le conseil d’administration combine
une faculté collective de procéder à des vérifications avec le droit, désormais reconnu par la
loi, de chaque administrateur de recevoir les informations nécessaires à l’exercice de sa
mission. Il s’agit également ici de la reconnaissance législative d’un droit affirmé par la
jurisprudence dans l’arrêt Cointreau du 2 juillet 198528. Il est désormais acquis que pour
pouvoir exercer correctement leur mission, les administrateurs doivent disposer des
informations nécessaires préalablement à la tenue de la réunion du conseil d’administration et
dans un temps suffisant.
Enfin, en facilitant l’exercice des missions du conseil d’administration, la loi relative aux
nouvelles régulations économiques favorise notamment l’exercice de sa mission de contrôle.
Ceci provient de la possibilité consacrée par la loi pour les réunions du conseil
d’administration de se dérouler, sauf dispositions contraires des statuts, par des moyens de
visioconférence dont la nature et les conditions d’application sont déterminées par décret. En
vertu de l’article L. 225-37 seront réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité,
les administrateurs qui participent au conseil par ces moyens de visioconférence. Cependant,
certaines décisions importantes requièrent obligatoirement la réunion physique des
administrateurs : élection du président, nomination du directeur général et des directeurs
généraux délégués, décisions relatives à leur rémunération ou à leur révocation, établissement
des comptes annuels et des comptes consolidés. Les administrateurs pourront également voter
par visioconférence. Enfin, selon l’article L. 225-36-1 du Code de commerce, si le conseil n’a
pas été réuni depuis plus de deux mois, le tiers au moins des membres du conseil peut
demander au président de convoquer celui-ci sur un ordre du jour déterminé, le président est
lié par la demande de convocation qui lui est ainsi adressée. Ainsi, en facilitant la tenue des
27 LE NABASQUE (H.), Commentaires des principales dispositions de la loi sur les nouvelles régulationséconomiques intéressant le droit des sociétés (suite et fin), P.A. 6 juillet 2001, p. 4.
28 Cass. com,. 2 juillet 1985, JCP éd. G, 1985, II, 20518, note A. Viandier ; D. 1986, jur. p. 351, note Y.18
réunions du conseil d’administration, la loi permet aux administrateurs de jouer effectivement
leur rôle.
Cependant, malgré cette consécration et les différentes mesures prises pour faciliter les
missions du conseil d’administration, le contrôle opéré par le conseil d’administration reste
d’une efficacité limitée.
§ 2 : L’efficacité limitée de ce contrôle
Nous allons voir que les limites à l’efficacité du contrôle opéré par le conseil d’administration
ont pour origine diverses raisons (A), c’est pourquoi la loi sur les nouvelles régulations
économiques a introduit la possibilité pour les sociétés anonymes monistes d’adopter une
nouvelle forme de direction (B).
A) Les raisons de l’inefficacité
L’efficacité limitée de la mission de contrôle du conseil d’administration peut s’expliquer par
deux types de raisons, les unes tenant plus à sa composition, les autres relatives au cumul de
fonctions qu’il pratique.
Tout d’abord, depuis longtemps les auteurs regrettent la réduction du conseil d’administration
à une simple « chambre d’enregistrement29 ». En effet, on a souvent reproché aux conseils de
manquer d’indépendance à l’égard du président et de se borner à entériner ses décisions, sans
les critiquer ou même sans les examiner30. En pratique, le président du conseil
d’administration apparaît comme tout-puissant et les conseils d’administration se voient
reprocher leur passivité face à lui et donc l’échec dans leurs deux missions de contrôle de la
gestion courante et de prise des décisions stratégiques31. Parfois même, les réunions ne se
tiennent que sur le papier, les administrateurs se contentant de signer après coup les procès-
verbaux établis par le juriste de la société ou par le conseil extérieur chargé du « secrétariat de
la société »32. Ceci ne va pas sans risque mais n’est toutefois pas rare. Cette passivité semble
due au manque de moyens des administrateurs et par un accès à l’information assez réduit.
Quand ce n’est pas la passivité du conseil qui est lui est reprochée, c’est sa complaisance en
raison de la consanguinité des administrateurs, encore appelé problème des mandats croisés.29 GONTARD (T.), Pour une corporate governance à la française, P.A. 27 septembre 1995, p. 16.30 GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001, n° 330, p. 346.31 GONTARD (T.), op. cit., p. 17.32 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 15ème édition, Paris : Litec, 2002, n°650, p. 287.
19
Il a également été souligné qu’en raison d’un cumul de mandats trop nombreux les
administrateurs ne pouvaient se consacrer effectivement à leur mission et la remplir
correctement.
Différentes mesures ont été prises par la loi sur les nouvelles régulations économiques pour
pallier ces inconvénients.
Pour améliorer l’information des administrateurs, leur droit à l’information, jusqu’ici
d’origine jurisprudentielle33, a fait l’objet d’une reconnaissance législative. Cependant, la loi
se contentait d’affirmer ce droit sans en établir le régime, indiquer quel était le débiteur de
cette obligation d’information, on supposait donc que les solutions jurisprudentielles
continuaient à s’appliquer. La loi de sécurité financière est venue corriger ces imprécisions.
Désormais, « le président ou le directeur général de la société est tenu de communiquer à
chaque administrateurs tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de
sa mission. », en vertu de l’article L. 225-35 nouveau du Code de commerce.
En ce qui concerne la disponibilité des administrateurs, le cumul des mandats a été
strictement réglementé par la loi du 15 mai 2001, cependant celle-ci a fait, en la matière,
l’objet de critiques acerbes et a donc dû être retouchée par une loi n° 2002-1303 du 29 octobre
200234 destinée à simplifier et rendre plus lisibles les règles relatives au cumul des mandats.
Désormais, une personne physique ne peut en principe exercer simultanément plus de cinq
mandats d’administrateur dans les sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français.
Mais des dérogations sont prévues. De façon verticale, les mandats d’administrateurs exercés
dans les sociétés anonymes contrôlées par une société anonyme dans laquelle la personne
concernée exerce déjà un mandat de gestion ne sont pas décomptés, que les sociétés en cause
soient cotées ou non. De façon horizontale, pour une même personne physique, les mandats
d’administrateur de sociétés non cotées contrôlées par une même société ne comptent que
pour un mandat, sous réserve que le nombre de mandats détenus à ce titre n’excède pas cinq.
Outre les limitations applicables au mandat d’administrateur, la loi prévoit une limitation
globale des mandats de gestion et de direction : une fois toutes les dérogations appliquées, une
personne physique ne peut exercer simultanément plus de cinq mandats, quelle que soit la
nature de ceux-ci. Il faut préciser que ces règles s’appliquent également au représentant
33 Ce droit à l’information des administrateurs avait été reconnu par la Cour de cassation dans son fameux arrêtCointreau : Cass. com., 2 juillet 1985, JCP éd. G, 1985, II, 20518, note A. Viandier ; D. 1986, jur. p. 351, noteY. Loussouarn ; Rev. Sociétés 1986, p. 231, note P. Le Cannu ; RTD. Com. 1989, p. 80, note Y. Reinhard.34 Loi n° 2002-1303 du 29 octobre 2002 modifiant certaines dispositions relatives aux mandats sociaux publiéeau JO n° 254 du 30 octobre 2002.
20
permanent désigné par la personne morale administrateur. Mais ces dispositions n’interdisent
pas à une personne, déjà pourvue des cinq mandats autorisés, d’exercer les fonctions de gérant
d’une société en nom collectif, d’une société à responsabilité limitée ou d’une société en
commandite. De même, cette personne peut être membre du conseil de surveillance d’une ou
de plusieurs sociétés par actions simplifiées. Ceci ajouté aux nombreuses possibilités de
dérogations réduit considérablement l’efficacité de la loi quant à la disponibilité des
administrateurs.
L’indépendance des administrateurs pour exercer leurs fonctions et notamment pour contrôler
la gestion de la société apparaît effectivement utile. En théorie, les administrateurs sont
nommés par les actionnaires lors de l’assemblée générale ordinaire mais en pratique il arrive
souvent que ce soit le président du conseil d’administration qui choisisse ses administrateurs
dans son réseau d’amis ou parmi les personnes dont il a acquis la fidélité. Ceci lui assure une
stabilité qui peut nuire aux épargnants et à la société : en raison de ce lien de cooptation les
administrateurs n’osent pas aller à l’encontre des décisions du président du conseil qui règne
alors en maître absolu. La loi du 15 mai 2001 n’a pas édicté de règles en ce domaine. Il est
vrai que la matière ne s’y prête pas, l’indépendance répondant difficilement à des critères
objectifs. Il s’agit d’une notion d’origine anglo-saxonne dont l’adaptation en France nécessite
quelques modifications au regard du concept originaire. Certaines recommandations ont
cependant été publiées : les rapports Viénot35 et Bouton36 ont essayé de déterminer la notion
française d’administrateur indépendant et d’émettre des critères, cependant ceux-ci sont
essentiellement négatifs. En effet, selon le rapport Bouton un administrateur est indépendant
« lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son
groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement ». Il
donne une liste de critères négatifs : ne pas être salarié ou mandataire social de la société,
salarié ou administrateur de sa société-mère ou d’une société qu’elle consolide et ne pas
l’avoir été au cours des cinq années précédentes; ne pas être mandataire social d’une société
dans laquelle la société détient directement ou indirectement un mandat d’administrateur ou
dans laquelle un salarié désigné en tant que tel ou un mandataire social de la société (actuel
ou l’ayant été depuis moins de cinq ans) détient un mandat d’administrateur; ne pas être
client, fournisseur, banquier d’affaire, banquier de financement significatif de la société ou de
35 VIENOT I, Le conseil d’administration des sociétés cotées, Rapport du groupe de travail de l’A.F.E.P. et duC.N.P.F., juillet 1995.VIENOT II, Rapport du comité sur le gouvernement d’entreprise, Rapport du groupe de travail de l’A.F.E.P. etdu M.E.D.E.F., juillet 1999.36 BOUTON. (D.), Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées, 23 septembre 2002.
21
son groupe ou pour lequel la société ou son groupe représente une part significative de
l’activité; ne pas avoir de lien familial proche avec un mandataire social; ne pas avoir été
auditeur de l’entreprise au cours des cinq années précédentes ( article L 225-225 du Code de
Commerce); ne pas être administrateur de l’entreprise depuis plus de douze ans. La notion est
donc axée sur l’absence de conflits d’intérêts, les critères psychologiques n’apparaissent pas,
il est vrai qu’ils sont difficiles à exprimer. Toujours est-il que rien ne nous dit comment les
administrateurs indépendants doivent, de façon positive, agir.
Outre les raisons tenant à la composition du conseil d’administration, l’efficacité relative de
celui-ci tient également à la multiplicité de rôles qu’il doit remplir. En tant qu’organe
d’administration il doit veiller à la bonne marche et à l’avenir de la société. Au-delà de ses
compétences déterminées, il a une attribution générale de gestion de la société. C’est lui qui
détermine les orientations de l’activité sociale et veille à leur application (article L. 225-35 du
Code de commerce). Il définit les objectifs et prend les décisions stratégiques en matière
économique, financière et technologique. Il peut décider la conclusion de tous les actes qui ne
lui sont pas spécialement interdits. Mais le conseil d’administration est également censé
procéder aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Il doit alors contrôler la gestion
de la société, or, il est lui-même compétent en matière de gestion de cette société. Il apparaît
alors à la fois « juge et partie ». C’est ce qu’explique Monsieur Chassery quand il écrit, à
propos du contrôle opéré par le conseil d’administration : « le conseil d’administration ne
pouvait l’assurer que dans la mesure où il s’était démis de tous ses pouvoirs dans les mains
du président-directeur général, sinon il y aurait eu confusion des rôles de contrôleur et de
contrôlé »37. Un des exemples de cette double casquette est celui des conventions contrôlées.
On donne au conseil des pouvoirs et il est censé contrôler lui-même la façon dont ils sont
employés. Selon l’article L. 225-38 du Code de commerce qui élargit l’article 101 de la loi du
24 juillet 1966 qui développait lui-même l’article 40 de la loi du 24 juillet 1867, doit être
soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration toute convention intervenant
entre la société et le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués, l’un des
administrateurs y compris le président du conseil, l’un des actionnaires disposant d’une
fraction des droits de vote supérieure à 10%38, ou, s’il s’agit d’une société actionnaire, la
société la contrôlant au sens de l’article L. 233-3. Deux séries d’exceptions existent. Certains
contrats sont interdits en principe parce qu’ils présentent des inconvénients graves par leur37 CHASSERY (H.), Les attributions du conseil de surveillance, RTD Com. 1976, p. 469, n°13.38 La loi NRE avait descendu ce seuil à 5 %, la loi de sécurité financière l’a remonté à 10%.
22
nature même : les contrats de travail entre la société et un administrateur en fonction et les
contrats de crédit. Inversement, les conventions portant sur des opérations courantes et
conclues à des conditions normales ne sont pas soumises à autorisation (article L. 225-39 du
Code de commerce). Ces dernières conventions sont communiquées par le président aux
membres du conseil d’administration et aux commissaires aux comptes (L. 225-39 al.2),
cependant, la loi de sécurité financière est venue préciser que l’obligation d’information ne
porte plus sur les conventions qui, en raison de leur objet ou de leurs implications financières,
ne sont significatives pour aucune des parties. Tout actionnaire pourra demander
communication de cette liste avec l’indication de l’objet des conventions à partir de la
convocation de l’assemblée générale. Pour les conventions contrôlées, une procédure en cinq
étapes est prévue : tout d’abord, l’intéressé, l’administrateur par exemple, informe le conseil
dès qu’il a connaissance d’une convention à laquelle l’article L. 225-38 est applicable. Il doit
mentionner les modalités de la convention : tarifs, délais de paiement, garanties. Puis le
conseil doit autoriser la convention de façon préalable par un vote auquel l’intéressé, s’il est
administrateur, ne participe pas. Ensuite le président informe des conventions autorisées le
commissaire aux comptes. Ce dernier établit un rapport spécial contenant le nom de
l’intéressé, la nature et l’objet des conventions avec la mention des clauses essentielles. Ce
rapport est mis à la disposition des actionnaires vingt jours au moins avant la réunion de
l’assemblée générale ordinaire. Enfin, cette assemblée va approuver, par un vote auquel ne
participe pas l’intéressé, la convention au vu du rapport du commissaire aux comptes.
Cependant, la convention si elle a été autorisée, a déjà reçu application c’est pourquoi les
conventions désapprouvées produisent effet à l’égard des tiers. La désapprobation n’entraîne
que la possibilité de mettre à la charge de l’intéressé les conséquences préjudiciables de la
convention désapprouvée. En revanche, si l’autorisation préalable du conseil a été obtenue,
les vices ultérieurs de procédure comme le défaut de rapport du commissaire aux comptes, le
défaut de consultation de l’assemblée ou le refus d’approbation par celle-ci n’entraînent pas
la nullité de la convention. La seule sanction réside dans la responsabilité personnelle de
l’intéressé qui devra réparer le préjudice subi par la société. On voit donc que c’est au conseil
d’administration d’autoriser une convention conclue par la société avec l’un de ses membres
ou avec un dirigeant, un actionnaire important. Certes, l’intéressé même administrateur ne
prendra pas part au vote mais compte tenu des relations de pouvoir, d’amitié, de cooptation
existant entre les différents membres de la société, il lui sera aisé de faire pression sur le
conseil d’administration pour que la convention soit autorisée.
23
Pour essayer de résoudre ce problème, la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, loi de sécurité
financière, s’intéresse aux liens de toute nature que les administrateurs sont susceptibles
d’entretenir et aux avantages qu’ils sont amenés à retirer, ne serait-ce qu’en jouissance, d’une
décision d’investissement. Elle prévoit, pour toutes les sociétés anonymes, que le président
du conseil d’administration devra rendre compte à l’assemblée des procédures de contrôle
interne (article 117 de la loi). Pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, il doit en
outre être communiqué à la nouvelle Autorité des marchés financiers les opérations sur titres
réalisées par les organes décisionnels, et par ceux qui entretiennent des liens personnels avec
ces derniers (article 122).
On voit donc que pour différentes raisons tenant tant à sa composition qu’à la pluralité de ses
missions, le conseil d’administration ne peut exercer qu’avec une efficacité limitée sa mission
de contrôle. C’est pourquoi la loi sur les nouvelles régulations économiques a voulu introduire
une nouvelle forme de direction des sociétés anonymes dans laquelle les fonctions des
différents organes de direction seraient réparties.
B) La solution de la loi relative aux nouvelles régulations économiques : la dissociation desfonctions
On a cru pouvoir améliorer la situation en créant, avec la loi NRE, un troisième type de
direction des sociétés anonymes qui introduit la possibilité de dissocier les fonctions de
président et de directeur général. Ceci apparaît clairement comme une application des théories
relatives à la corporate governance qui prône la dissociation des fonctions de gestion et de
contrôle. Jusqu’à la loi sur les nouvelles régulations économiques, les sociétés anonymes
monistes étaient dirigées par le conseil d’administration et le président de ce conseil, les
fonctions de directeur général et de président étant obligatoirement cumulées par ce dernier. Il
était donc, comme nous l’avons vu, l’homme fort de la société, voire « tout-puissant ». La
dissociation des fonctions conduit à redéfinir les tâches du président dont une partie est
confiée au directeur général. Cette dissociation n’est pas le principe, c’est une possibilité
offerte aux sociétés ; le choix appartient au conseil d’administration qui choisit selon les
modalités fixées par les statuts.
Dans le cas où la dissociation a été choisie, le directeur général sera « investi des pouvoirs les
plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société », il représente la société
dans ses rapports avec les tiers et peut demander la convocation du conseil d’administration
24
sur un ordre du jour déterminé. Il faut souligner que le directeur général est nommé par le
conseil d’administration mais qu’il n’est pas nécessairement lui-même administrateur. Le
président du conseil devient un organe de liaison entre le conseil d’administration et l’équipe
de direction. Il représente le conseil d’administration c’est-à-dire qu’il est l’interlocuteur
privilégié de tous ceux qui veulent s’adresser à ce dernier. Le président est également chargé
de veiller au bon fonctionnement des organes de la société et de s’assurer que les
administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.
Il y a donc une clarification des rôles respectifs de l’organe exécutif, le directeur général,
chargé de la gestion quotidienne de l’entreprise et de l’organe collégial ainsi que de son
président, exerçant des responsabilités propres. Comme le souligne Pierre-Henri Conac39, la
dissociation des fonctions a pour but d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre le
conseil d’administration doté d’un président chargé du contrôle permanent de la gestion et le
directeur général, chef d’entreprise, qui serait davantage placé en position de subordination
par rapport aux représentants des actionnaires. Le conseil d’administration a donc un pouvoir
important de contrôle sur la gestion de la direction générale.
Cependant, si ces mesures peuvent paraître louables car elles tendent à améliorer le contrôle
de la gestion des entreprises, on peut se demander si elles étaient réellement nécessaires dans
la mesure où une structure déjà existante aurait tout à fait pu remplir de tels objectifs : la
société anonyme à directoire et conseil de surveillance. En effet, selon P. Merle « si l’on veut
un exécutif fort, sur lequel un contrôle sérieux s’exerce, nous avons déjà l’outil, c’est la
société anonyme à directoire et conseil de surveillance »40. Certes cette structure pouvait être
améliorée mais elle avait le mérite d’être déjà présente dans notre droit. Améliorer une
structure déjà existante aurait certainement pris moins de temps que créer un nouveau type de
direction. On aurait ainsi évité d’encombrer le Parlement et permis de garder une certaine
cohérence dans le droit des sociétés. La législateur a préféré créer une troisième possibilité de
direction au lieu de donner les moyens à une structure qui existe déjà et qui a un fort potentiel,
ce qui ne simplifie pas le droit des sociétés. Enfin, quand on s’intéresse à la société anonyme
de type dualiste, on s’aperçoit qu’elle n’a pas eu le succès escompté et on peut s’interroger sur
39 CONAC (P-H), La dissociation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur généraldes sociétés anonymes selon la loi relative aux nouvelles régulations économiques, Droit 21, 2001, ER 052, n°16 et s.40 MERLE (P.), Faut-il vraiment créer un nouveau type de direction des sociétés anonymes en France ?, Bull.Joly 2000, § 99, p. 473.
25
les raisons qui permettent de penser que les dirigeants n’hésiteront pas à adopter une direction
dissociée alors qu’ils ont refusé d’adopter une structure qui mettait en œuvre les mêmes
principes.
Section 2 : Le conseil de surveillance : l’ineffectivité d’une structure
sociétaire prévue par le législateurQuand la société anonyme de type dualiste a été créée en 1966, elle répondait à des
considérations d’ordre interne et international. Tout d’abord, on observait une « dissociation
croissante entre la fonction de propriétaire et la fonction de directeur41 ». L’influence des
actionnaires, propriétaires de la société, sur les dirigeants, apparaissait illusoire. Le modèle
démocratique de la société anonyme était donc remis en cause. Par ailleurs, M. Bloch-Lainé
souhaitait que les dirigeants soient contrôlés par d’autres que les détenteurs de capitaux,
notamment par le personnel de l’entreprise. Il s’inspirait en cela du droit allemand ou dans
certains secteurs, le tiers des membres du conseil de surveillance est élu par les salariés de
l’entreprise42. Tout en tenant compte des particularités du droit français et notamment de
l’existence des comités d’entreprise, les promoteurs de l’introduction d’un type nouveau de
sociétés, MM. Capitant et le Douarec43, entendaient préparer la réforme du droit de
l’entreprise. Au niveau international, ils estimaient que le droit allemand leur fournissait un
modèle ce qui présentait l’avantage supplémentaire d’emprunter la voie du rapprochement des
droits européens en matière de sociétés. De plus, dans l’Europe des Six, en Belgique et aux
Pays-Bas, les réformes en cours étaient inspirées de ce modèle44. Le législateur s’en est donc
inspiré sans pour autant procéder à une imitation totale. La société comporte un directoire,
chargé de sa gestion, et un conseil de surveillance, chargé du contrôle de cette gestion.
L’assemblée des actionnaires reste l’organe souverain de la société, cependant, ses pouvoirs
sont moindres que dans le type traditionnel. En effet, dans la société anonyme dualiste,
l’assemblée n’a plus de pouvoir de désignation directe des organes de gestion, elle ne désigne
que les organes de contrôle, c’est-à-dire le conseil de surveillance et les commissaires aux
41 BLOCH-LAINE (F.), Pour une réforme de l’entreprise, Editions du Seuil,1967, p. 1342 PIEDELIEVRE (B.), Le directoire et le conseil de surveillance des sociétés anonymes de type nouveau, G.P.1968, I, Doctr. p. 94.43 D’après HEMARD (J.), TERRE (F.), MABILAT (P.), Sociétés commerciales, Paris, Dalloz, 1972, p. 921, n°1043.44 HEMARD (J.), TERRE (F.), MABILAT (P.), op.cit., p. 926, n° 1049.
26
comptes. Tandis que dans le type moniste, le conseil d’administration demeure à la fois un
organe de gestion et de contrôle, le conseil de surveillance est un organe dont la fonction
principale consiste à contrôler l’activité du directoire (§ 1), cependant cette structure
dissociant clairement gestion et contrôle n’a pas été utilisée dans le but pour lequel elle a été
créé, elle a fait l’objet d’un détournement (§ 2).
§ 1 : La fonction théorique de contrôle du conseil de surveillance
Alors que l’organisation et le fonctionnement du conseil d’administration et du conseil de
surveillance sont sur de nombreux points soumis aux mêmes règles, leurs fonctions sont
nettement différentes. Seule une partie des fonctions du conseil d’administration est reconnue
au conseil de surveillance. La division des organes et des fonctions, qui constitue la « clé de
voûte »45 du type dualiste, exclut la possibilité de confier au conseil de surveillance un pouvoir
d’action au nom de la société ou de direction générale.
La principale mission du conseil de surveillance est donc, comme son nom l’indique, de
contrôler. En effet, l’article L. 225-68 du Code de commerce nous indique que « le conseil de
surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société ». Il est précisé que ce
contrôle est permanent car on aurait pu faire une distinction entre une surveillance qui est
normalement constante et un contrôle qui peut être épisodique46. Ce contrôle est opéré dans
l’intérêt de la société et des actionnaires, il a un caractère impératif. Ceci se déduit du fait
qu’il n’est nulle part fait état de clauses statutaires limitant ce pouvoir. En précisant qu’il
s’agit d’un contrôle de gestion, la loi indique qu’il portera non seulement sur la régularité des
décisions du directoire par rapport à la loi, aux décrets ou aux statuts, mais également sur leur
opportunité au regard de la politique générale de l’entreprise, c’est-à-dire un jugement sur les
avantages et les inconvénients qui peuvent en résulter pour la société47. A partir de là, il
semble que la distinction entre le contrôle et l’immixtion dans la gestion des affaires sociales
va être délicate. D’autre part, il semble qu’il faille lui reconnaître un pouvoir de conseil à
l’égard du directoire sans pour autant que ses membres n’engagent leur responsabilité. Un
contrôle de régularité des comptes est également confié au conseil de surveillance. Cependant,
il ne doit pas être confondu avec celui opéré par les commissaires aux comptes. Ce dernier est
principalement comptable tandis que celui exercé par le conseil de surveillance est un
corollaire de son contrôle de gestion. L’approbation des comptes est de la compétence de
45 HEMARD (J.), TERRE (F.), MABILAT (P.), op. cit., p. 998, n° 1140.46 HEMARD (J.), TERRE (F.), MABILAT (P.), op. cit., p. 1000, n° 1141.47 CAUSSAIN (J-J), Jurisclasseur sociétés, Fasc. 133-60 : Conseil de surveillance, 2002.
27
l’assemblée générale des actionnaires mais il appartient au conseil de formuler, à leur sujet,
ses observations à l’assemblée générale.
Pour exercer sa mission, le conseil de surveillance dispose de pouvoirs très étendus puisqu’il
peut, à tout moment, examiner non seulement la comptabilité et les écritures sociales, mais
aussi tous les éléments d’actif, la caisse, le portefeuille, les stocks, ainsi que tous les éléments
de passif, et d’une manière générale, tous documents quels qu’ils soient, qu’ils émanent de la
société ou qu’ils lui soient destinés. La loi ne précise pas si les membres du conseil de
surveillance peuvent agir ensemble ou séparément. Le garde des Sceaux, en réponse à M. Le
Douarec, a indiqué que le caractère collégial du conseil ne paraît pas empêcher que chacun de
ses membres, compte tenu de la responsabilité personnelle qu’il peut encourir, demande aux
dirigeants tous documents et renseignements qu’il estimerait utiles à l’exercice de sa mission
de contrôle48. Par ailleurs, le directoire présente, une fois par trimestre au moins, un rapport au
conseil de surveillance. Ce dernier peut également demander au directoire d’établir un rapport
particulier sur telle ou telle opération ou même sur l’ensemble de la gestion. Le directoire doit
encore, dans les trois mois à compter de la clôture de chaque exercice, présenter au conseil de
surveillance, aux fins de vérifications et de contrôle, les documents visés à l’article L. 225-100
alinéa 2 du Code de commerce qui sont destinés à l’assemblée générale. Enfin, le conseil de
surveillance devra présenter à l’assemblée générale ses observations sur le rapport de gestion
et sur les comptes de l’exercice, établis par le directoire.
Le conseil de surveillance est tenu de rendre compte des résultats de son mandat à l’assemblée
générale, en vertu de l’article L. 225-68 alinéa 6 du Code de commerce. Il doit formuler des
observations sur le rapport de gestion et les comptes présentés par le directoire, ces
observations prendront la forme d’un rapport écrit.
Suite à son contrôle, le conseil peut, s’il l’estime opportun, décider de sanctionner la gestion
du directoire en procédant à la révocation de l’un ou plusieurs de ses membres, cette décision
n’est cependant possible que si les statuts le prévoient. Dans le cas contraire, il a néanmoins la
faculté de soumettre une telle décision au vote des actionnaires.
Dans les sociétés anonymes dualiste, c’est au conseil de surveillance qu’il revient d’autoriser
préalablement toutes les conventions projetées entre la société et un membre du directoire ou
du conseil de surveillance (L 225-86 et suivants du Code de commerce).
Il semble donc que la loi avait mis en place une structure totalement adaptée à la dissociation
entre direction et contrôle. Or, il apparaît que la pratique a peu utilisé cette possibilité, et,
48 Rép. Min. à M. Le Douarec, n° 15330 : JOAN Q 25 janv. 1975, p. 310 ; Rev. Soc. 1975, p. 332.28
quand elle s’en est servie, elle ne l’a pas fait dans le but qui lui était assigné, ce qui a abouti à
un détournement de ce type de sociétés.
§ 2 : Le détournement d’une structure prévue par le législateur
La formule du directoire et du conseil de surveillance répondait au souci de séparer la
direction, assumée par le directoire, et le contrôle, confié au conseil de surveillance. En outre,
la souplesse des conditions d’accès au directoire devait permettre d’y faire entrer des
managers même non actionnaires de la société. La structure nouvelle permettait d’atteindre le
but visé par les bons gestionnaires, c’est-à-dire centraliser les objectifs, rôle du conseil de
surveillance, et décentraliser les organes de décision, ce que permet un organe collégial
comme le directoire, surtout s’il existe une répartition de compétences entre ses membres.
Cependant, cette structure n’a pas connu un vif succès, le nombre des sociétés l’ayant adopté
ne représentait au 1er mars 2002 que 4% du total des sociétés anonymes49. Ceci peut
s’expliquer tout d’abord par des raisons historiques :lors des débats préparatoires à la loi de
1966, une partie des parlementaires craignaient de voir s’installer, à travers la société à
directoire, une formule de cogestion obligatoire sur le modèle allemand. Or, ces craintes se
sont révélées vaines. D’autres raisons de cette défaveur ont trait à l’organisation même de la
société à directoire. Le caractère collégial du directoire se concilie difficilement avec la
nécessaire unité de commandement. A cela s’ajoute la lourdeur du formalisme engendré par la
dualité d’organes, laquelle oblige à la confection de rapports et de comptes rendus, ainsi que
la difficulté en pratique de dissocier direction et contrôle. Enfin, la société à directoire
augmente les risques de blocage de la vie sociale en cas de cohabitation difficile entre le
conseil et la direction. En cas de conflit, celui-ci peut être tranché par l’assemblée générale
mais celle-ci peut être convoquée aussi bien par le conseil que par le directoire. On peut
imaginer que deux assemblées soient convoquées avec des ordres du jour opposés : l’ordre du
jour rédigé par le directoire tendra à la révocation du conseil, celui de l’assemblée convoquée
par le conseil aura pour objet la révocation du directoire. Tout intéressé pourra alors demander
en référé l’ajournement des deux assemblées et la désignation d’un administrateur provisoire.
D’autres motifs de cet échec peuvent être avancés : selon le Doyen Roblot, il faut tenir compte
49 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 15ème édition, Paris : Litec, 2002, p.348, n° 780.
29
de la « force des habitudes »50. La France est pratiquement le seul pays où coexistent deux
types d’organisation des sociétés anonymes, aujourd’hui il y en a même trois, sans que le
choix en soit déterminé en fonction de critères précis et obligatoires. Le législateur a pensé
que la société à directoire et conseil de surveillance s’imposerait d’elle-même et que ses
mérites auraient un effet d’entraînement. Il semble que le monde des affaires n’a pas éprouvé
le besoin du changement.
Il faut cependant signaler que la société anonyme de type dualiste est plus fortement présente
parmi les sociétés du CAC 40. En effet, elle représente 20% de ces dernières : PSA, Pinaut-
Printemps-Redoute, Axa… Ceci s’explique par le fait que cette structure permet de mettre en
œuvre les principes du gouvernement d’entreprise qui constituent un facteur d’attraction des
investisseurs étrangers. Le conseil de surveillance est mieux adapté que le conseil
d’administration au rôle intermédiaire joué par les investisseurs institutionnels qui
n’entendent pas gérer activement la société, mais surveiller de près les dirigeants et les
remplacer s’ils ne réussissent pas51.
En revanche, on remarque que lorsque cette forme de société a été adoptée, ce n’était pas
forcément dans un esprit de surveillance, mais pour des motifs divers. Comme le souligne P.
Le Cannu52, « les motifs qui ont inspiré l’introduction dans le droit français d’une forme
dualiste inspirée du droit allemand, et notamment la distinction entre la gestion et le contrôle,
n’ont pas paru décisifs dans le choix effectif de la plupart des praticiens. Cette attitude peut se
comprendre puisque les usagers font leur affaire de la répartition interne des pouvoirs » Il
s’agissait notamment de permettre une transmission simplifiée des pouvoirs, un changement
des pouvoirs dans la continuité. En effet, dans une société à caractère familial, le conseil de
surveillance peut jouer le rôle d’un conseil des anciens, tandis que les descendants font leur
apprentissage au sein du directoire, tandis que suite à une prise de contrôle, chaque groupe
peut être représenté dans les deux organismes ou au contraire dans un seul. Le choix a pu
également être dicté par des considérations d’ordre fiscal53. Il semble donc, d’après une étude
réalisée par le Centre de recherche de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris sur le
50 ROBLOT (R.) in CHARTIER (Y.), Sociétés à directoire ou sociétés à conseil de surveillance ?, in Aspectsactuels du droit commercial français, Etudes dédiées à René Roblot, LGDJ, 1984, p.335.51 GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001, p. 371, n° 351.52 LE CANNU (P.), Pour une évolution du droit des sociétés anonymes avec directoire et conseil desurveillance, Bull. Joly 2000, § 101, p. 403, n°2.53 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 15ème édition, Paris : Litec, 2002, p.348, n° 780.
30
droit des affaires, et selon le commentaire de Madame Boucourechliev54 que « l’adoption de la
forme dualiste est essentiellement circonstancielle » et qu’il « ne semble donc n’exister ni
domaine d’élection, ni typologie marquée de la société à directoire telle qu’elle est
actuellement utilisée. Que ce soit au regard de la taille ou de la répartition du capital, les
sociétés dualistes ne semblent pas se distinguer de l’ensemble des sociétés anonymes ».
Il faut encore souligner que malgré la distinction claire des fonctions opérée par le législateur,
l’enquête effectuée par le CREDA a montré que la direction effective de la société se
déplaçait éventuellement du directoire vers le conseil de surveillance. Nombreux sont les cas
où un président de conseil de surveillance, fort de sa participation dans la société ou de son
autorité personnelle, due à son passé dans la société ou à son ascendant, s’est imposé au point
d’exercer « une action de contrôle qui prend parfois l’allure d’une véritable participation à la
gestion »55. Cette évolution n’est pas sans danger pour les membres du conseil de surveillance,
leur immixtion dans la gestion pouvant alors justifier la qualification de dirigeant de fait.
Par ailleurs, il n’existe pas a priori dans la loi de limite à l’étendue des opérations destinées à
être soumises pour approbation au conseil de surveillance. Il ne saurait être question de
restreindre les pouvoirs spéciaux que la loi reconnaît au directoire comme l’établissement des
comptes, l’information des actionnaires ou la convocation aux assemblées. Il faut également
admettre que les opérations envisagées doivent être définies de façon précise et ne pas
remettre en cause le principe même selon lequel le directoire est investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir au nom de la société dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux
expressément attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées d’actionnaires.
Néanmoins, la liste de ces opérations est parfois assez longue, ce qui peut sensiblement
accroître le rôle du conseil de surveillance dans la gestion de la société. De plus, le conseil de
surveillance détient certains pouvoirs similaires à ceux du conseil d’administration : c’est lui
qui autorise préalablement les conventions intervenant non seulement entre la société et l’un
de ses membres, mais aussi entre la société et l’un des membres du directoire. C’est également
lui qui a compétence pour autoriser, sous réserve de ratification par la prochaine assemblée
générale ordinaire, le déplacement du siège social dans le même département ou dans un
département limitrophe. Ce n’est donc que dans les rapports avec les tiers que le directoire a
une réelle liberté. Dans les autres cas, le conseil de surveillance joue souvent un rôle à ne pas
négliger dans la gestion de la société, ce qui amène à penser qu’au lieu d’une répartition des
54 BOUCOURECHLIEV (J) , in Centre de recherche sur le droit des affaires de la Chambre de commerce etd’industrie de Paris (CREDA), La pratique de la société à directoire, Litec, 1980, p. 28 et s.55 BOUCOURECHLIEV (J) , op. cit., p. 70.
31
fonctions de direction et de contrôle on se trouve dans certains cas plutôt face à une direction
bicéphale de la société.
Il semble que ce détournement du rôle du conseil de surveillance n’ait pas eu lieu dans un but
de flexibilité mais consiste plutôt en un réflexe archaïque, la « force des habitudes », le conseil
de surveillance prenant souvent la forme d’une pâle copie du conseil d’administration. On a
mis à la disposition des sociétés une autre forme d’organisation mais il semble qu’elles n’aient
pas su s’affranchir du mode de fonctionnement traditionnel et ont retranscrit dans la société à
directoire les grandes lignes du fonctionnement de la société à conseil d’administration. Alors
que le texte prévoyait clairement le contrôle de la gestion, on peut donc constater un écart
considérable entre le potentiel du texte et son effectivité juridique. Le contrôle de la gestion,
tel que prévu par les textes apparaît donc être d’une efficacité limitée, qu’il s’agisse du
contrôle opéré par le conseil d’administration ou de celui opéré par le conseil de surveillance.
Cependant, le contrôle de la gestion n’est pas le seul prévu par la loi. Pour pouvoir contrôler
la gestion, il faut s’appuyer sur les comptes de la société. Ces derniers sont donc un
instrument important de la surveillance c’est pourquoi ils font eux-mêmes l’objet d’un
contrôle par un organe externe à la société : le commissaire aux comptes. Cependant, les
divers scandales financiers récents ont démontré qu’en cette matière également, le contrôle
opéré connaissait de nombreuses failles.
32
CHAPITRE DEUX : L’ORGANE EXTERNE DECONTRÔLE : LE COMMISSAIRE AUX COMPTES
Les commissaires aux comptes sont des professionnels chargés de contrôler la comptabilité de
la société, de la certifier, et, plus généralement, de vérifier que la vie sociale se déroule dans
des conditions régulières (article L. 225-242 du Code de commerce). L’approbation des
comptes, établis par le conseil d’administration ou le directoire, relève de l’assemblée des
actionnaires. Or, ceux-ci ne sont pas en mesure, en raison de leur manque de temps et de
compétences, de s’assurer que les comptes constituent une image fidèle des affaires sociales.
De plus, il serait néfaste pour la société que tous les actionnaires se prêtent à de multiples
contrôles ponctuels, ce qui risquerait également de porter atteinte au secret des affaires. C’est
pourquoi un spécialiste a été chargé par la loi de vérifier les comptes au nom de l’assemblée.
Mais, le contrôle opéré par les commissaires est également utile pour les tiers qui envisagent
de traiter avec la société ou d’acquérir des titres qu’elle a émis. Il leur permet de connaître la
situation de leur cocontractant, le fait que les documents aient été certifiés par un commissaire
aux comptes leur conférant une force considérable.
Dans la loi du 24 juillet 1867, les commissaires n’étaient nécessaires que dans les sociétés
anonymes et l’organisation du contrôle était laissée aux statuts. Les commissaires étaient
nommés sans condition de compétence ou d’honorabilité. Les dirigeants, qui voyaient d’un
mauvais œil ce contrôle, s’efforcèrent de cantonner les commissaires dans des vérifications
formelles et illusoires. Les contrôleurs étaient désignés pour un an, fréquemment mal
rémunérés et ne jouissaient d’aucune indépendance. Ils ne faisaient donc souvent que proposer
l’approbation de comptes qu’ils n’avaient, la plupart du temps, pas vérifiés. La multiplication
des scandales financiers lors de la crise de 1929 montra la nécessité d’une réforme qui fut
réalisée par un décret-loi du 8 août 1935. Des considérations comme la protection des
actionnaires et des épargnants furent prises en compte. Des incompatibilités destinées à
garantir l’indépendance des commissaires à l’égard de la société et de ses dirigeants furent
édictées et dans les sociétés faisant publiquement appel à l’épargne, un commissaire au moins
devait être désigné parmi des professionnels inscrits sur une liste. L’idée, bonne, fut mal
appliquée. Par la suite, la loi du 24 juillet 1966 constitue une étape fondamentale dans
l’évolution du commissariat aux comptes. Elle donne aux commissaires aux comptes une
33
organisation professionnelle structurée et cohérente. Elle leur confère de larges pouvoirs
d’investigation, tout en assurant leur indépendance et leur autorité à l’égard des dirigeants de
la société. La loi n° 84-148 du 1er mars 198456 est venue renforcer l’indépendance des
commissaires et les charger d’alerter les dirigeants lorsqu’ils constatent des faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation. Elle souligne également le caractère d’intérêt
général de leur mission de telle sorte qu’ils ne peuvent plus être réputés agir pour le compte
des seuls actionnaires57. La loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai
2001 va encore venir élargir la mission du commissaire aux comptes, essentiellement à propos
des conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales,
également en ce qui concerne la publicité des rémunérations et des avantages en nature versés
aux mandataires sociaux, la publicité des options de souscription et d’achat ou encore la prise
en compte des conséquences sociales et environnementales. Enfin, la loi de sécurité financière
prévoit différentes mesures relatives aux commissaires aux comptes visant à renforcer leur
indépendance et leur poids face aux dirigeants.
Il ne faut pas confondre le commissaire aux comptes qui vérifie les comptes avec le comptable
salarié qui les établit ou avec l’expert-comptable qui les révise. Le commissaire aux comptes
n’est pas non plus un organe de gestion, ce qui le différencie du conseil d’administration et du
directoire. Il ne doit donc pas s’immiscer dans la gestion de la société. Les rapports du
commissaire avec la société sont institutionnels puisque les compétences qui lui sont
reconnues par la loi ne sont pas négociables. Les textes définissent de manière impérative le
domaine et le contenu de sa mission, qui ne s’apparente pas à celle d’un mandataire : il n’est
pas chargé d’accomplir des actes juridiques mais seulement des opérations matérielles de
vérification ; il n’est pas librement révocable par l’assemblée générale qui l’a élu et il est
responsable vis-à-vis de la société mais également à l’égard des tiers. En ce qui concerne le
contrôle opéré, on peut d’ores et déjà dire qu’il présente différents caractères : il est global, en
ce sens qu’il n’est plus limité à celui des comptes, mais touche la régularité des actes qui
ponctuent la vie juridique de la société, il est donc comptable, financier et juridique. Il est
impératif, dans la mesure où les personnes morales de droit privé, dont les sociétés anonymes,
assujetties par la loi au contrôle d’un ou de deux commissaires aux comptes ne sauraient
56 Loi n° 84-148 du 1er mars 1984, Loi relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés desentreprises.57 L’historique du commissariat aux comptes a été retracé par divers auteurs dont GUYON (Y.), Droit desaffaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001,p. 382, n° 359 ainsi que dans le Jurisclasseur sociétés, V°Commissaires aux comptes, Fasc. 134-A : Statut et conditions générales d’exercice du contrôle, 1997, p.3, n°2 ;MONEGER (J.), GRANIER (T.), Commissaire aux comptes, Rép. Dalloz soc., 1994.
34
empêcher ces derniers de remplir leur mission, l’entrave à l’exercice des missions étant
pénalement sanctionnée. Le contrôle est permanent : le commissaire peut intervenir à tout
moment pour mener ses investigations dès lors que son comportement n’est pas anormalement
gênant pour la société ou l’organisme contrôlé. Le contrôle est objectif : il s’agit de rechercher
de façon objective la réalité économique, sans agir dans l’intérêt particulier de telle ou telle
catégorie de personnes intéressées, associés minoritaires, salariés, dirigeants, administrations
publiques…
On doit trouver au moins un commissaire aux comptes dans toute société anonyme, quelle que
soit l’importance de son capital, il en faut deux lorsque la société fait partie d’un groupe et
publie des comptes consolidés.
Le commissaire aux comptes est donc un organe de contrôle, externe, de la société anonyme ;
il convient alors de s’interroger sur l’efficacité de ce contrôle. Nous allons voir que les
commissaires aux comptes exercent une mission qui est certes de contrôle mais qui est de plus
en plus large, au point que la frontière entre le contrôle des comptes et celui de la gestion
apparaît parfois comme assez floue (Section 1), mais qu’une fois encore, l’efficacité de ce
contrôle va se heurter à des obstacles de différentes natures (Section 2).
Section 1 : La mission des commissaires aux comptes
Les missions des commissaire aux comptes ont, de nos jours, connu un élargissement
considérable, lié à l’évolution de la fonction elle-même. Le commissaire aux comptes n’est
plus un simple mandataire des associés chargé, dans leur intérêt, de vérifier les comptes
présentés par les dirigeants ; il incarne désormais plus largement les intérêts de l’entreprise et
de ses salariés, ce qui nous renvoie à une vision institutionnelle de la société anonyme.
Corrélativement, l’objet même de son intervention s’est progressivement développé. Les
commissaires aux comptes ont toujours pour mission principale de contrôler les comptes de
l’exercice (§ 1), mais la loi leur a attribué des missions particulières qui sont le prolongement
de leur rôle principal (§ 2).
35
§ 1 : La mission principale de contrôle des comptes
La mission primordiale des commissaires aux comptes consiste à vérifier la pertinence des
comptes de l’exercice tels qu’ils ont été arrêtés par les dirigeants et tels qu’ils seront soumis à
l’approbation de l’assemblée des actionnaires. Ils sont investis d’une mission permanente de
contrôle de la situation comptable et financière de la société, à l’exclusion de toute immixtion
dans la gestion, comme l’énonce le Code de commerce à l’article L. 225-35. Ils doivent donc,
à toute époque de l’année, s’assurer de l’absence d’anomalies dans la vie sociale traduite en
chiffres, ce qui les amène à contrôler la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes
sociaux ainsi qu’à vérifier les valeurs et écritures comptables de la société, à examiner la
pertinence et la concordance avec les comptes annuels des informations figurant dans le
rapport des dirigeants ou les documents adressés aux associés. La permanence de la mission
des commissaires aux comptes implique sa continuité, ce qui les oblige à répartir leurs travaux
dans le temps et les empêche de limiter leur mission à un contrôle a posteriori58.
Le commissaire aux comptes doit donc vérifier que les comptes de l’exercice sont réguliers,
sincères, et propres à donner une image fidèle de l’entreprise. Si la société établit des comptes
consolidés, ceux-ci font également l’objet d’un contrôle. Quant aux comptes prévisionnels, le
commissaire analyse la cohérence intrinsèque des prévisions, au vu des résultats antérieurs de
la société, des conditions d’exploitation actuelles, de la conjoncture économique générale et
des principes comptables couramment admis.
La régularité est la conformité aux lois en général et aux prescriptions réglementaires
applicables à la comptabilité. Le commissaire doit s’assurer que les comptes ont été dressés
conformément aux dispositions du Code de commerce et du plan comptable général,
complétées ou modifiées, le cas échéant, par les directives des plans comptables
professionnels et les dispositions fiscales en vigueur59. Or, le droit fiscal exerce une influence
pernicieuse sur la comptabilité. Les comptes ne doivent pas comporter d’omissions. Le
commissaire doit s’assurer qu’ont été respectés trois grands principes60. La prudence, qui est
définie comme l’appréciation raisonnable des faits, afin d’éviter le risque de transferts sur
l’avenir d’incertitudes présentes susceptibles de grever le patrimoine et les résultats de la58 Cass. com., 19 octobre 1999, Droit des sociétés 2000, n° 12 et 13, p. 14, note D. Vidal ; RTD Com 2000, p.119, note C. Champaud et D. Danet ; Bull. Joly 2000, §6, p. 43, note F. Pasqualini et V. Pasqualini-Salerno,RJDA 2000, n° 36, p. 40 ; RJC 2001, p. 77, note Nemedeu.59 GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001, p. 401, n°380.60 GARAUD (E.), Jurisclasseur commercial, Fasc. 1085 : Commissaires aux comptes, 2002, p. 12, n°85.
36
société. La spécialisation des exercices, qui interdit d’enregistrer les charges et produits sur
une autre année comptable que celle les ayant vu naître. Enfin, la constance des méthodes, qui
s’oppose à tout changement intempestif, d’un exercice à l’autre, de la présentation des
comptes ou des techniques d’évaluation retenues par la société.
La sincérité est l’expression claire de la situation sociale, dont l’établissement a été opéré avec
bonne foi et loyauté. Les dirigeants, soucieux de traduire la réalité, ont dû procéder à des
évaluations correctes et ont apprécié raisonnablement les risques comme les dépréciations. La
sincérité amène à préciser les règles qui ont été suivies dans l’établissement des documents
comptables en attirant l’attention sur les résultats, parfois inhabituels, auxquels elles peuvent
aboutir. La comptabilité laisse une certaine place à la créativité individuelle car elle repose sur
des éléments certains et incertains. C’est pourquoi les nouvelles techniques de l’ingénierie
financière compliquent la tâche des commissaires. Les comptes sincères ne sont donc pas
forcément des comptes exacts, mais ce sont des comptes établis de manière claire avec loyauté
et bonne foi.
Enfin, les comptes sociaux doivent donner une image fidèle des résultats de l’exercice et de la
situation de la société. Le concept d’image fidèle est plus large que ceux de régularité et de
sincérité. Il évoque l’objectif général à atteindre au travers des différentes écritures
comptables. L’information fidèle est celle qui ne dénature pas la situation de l’entreprise, qui
en donne une représentation cohérente et permet donc de bien mesurer les risques financiers
courus par la société. Cette notion a été introduite en droit français par la loi du 30 avril
198361. Elle est une mauvaise traduction de l’expression anglaise « true and fair view ».
L’expression « image fidèle » est ambiguë : elle peut viser une fidélité par rapport au modèle
reflété par les comptes. Elle n’apporterait alors guère plus que l’exigence de la régularité et de
la sincérité. Elle peut viser aussi la fidélité par rapport au passé. Elle obligerait alors à un
certain conformisme dans les méthodes comptables, ce qui ne paraît guère souhaitable.
La régularité, la sincérité et la fidélité ne sont que le reflet d’une situation qui peut être bonne
ou mauvaise. Une société peut avoir des comptes inexacts tout en dégageant des bénéfices ou
des comptes exacts et être à la veille d’une cessation des paiements.
A la différence de la révision complète, le contrôle ne consiste pas à vérifier ou a fortiori à
refaire l’ensemble de la comptabilité. Le commissaire peut s’appuyer sur la révision interne61 Loi n° 83-353 du 30 avril 1983, loi relative à la mise en harmonie des obligations comptables des commerçantset de certaines sociétés avec la IVème directive adoptée par le conseil des communautés européennes le 25 juillet1978.
37
pratiquée dans toutes les entreprises bien gérées et se limiter à des sondages. Il doit cependant
examiner plus soigneusement les comptes qui révèlent des anomalies et effectuer des
vérifications d’autant plus approfondies que l’organisation comptable de la société laisse à
désirer.
Par ailleurs, le commissaire vérifie également la sincérité des informations que renferment les
rapports présentés à l’assemblée par les organes de direction. Le contrôle porte uniquement
sur les indications ayant un caractère comptable ou financier. Pour l’essentiel, le commissaire
s’assure que les chiffres mentionnés dans le rapport sont en adéquation avec les données
apparaissant dans les comptes annuels. Le commissaire contrôle aussi les documents émanant
des dirigeants et destinés à être envoyés aux associés.
Une fois ces vérifications opérées, le commissaire porte le résultat de ses interventions à la
connaissance des dirigeants. Ce compte-rendu est surtout utile si des divergences se sont
manifestées entre le commissaire et les dirigeants. Il a un caractère plus technique que le
rapport à l’assemblée. Ensuite, le commissaire certifie que les comptes sont sincères, réguliers
et donnent une image fidèle de la situation de la société. Le législateur a limité le domaine de
la certification aux documents traduisant une situation passée, car ils sont a priori les plus
fiables. L’exigence de certification a, par conséquent, été écartée pour les comptes
prévisionnels, en raison de l’aléa qui s’attache à toute anticipation. La certification confère
aux comptes une force probante non négligeable. Les tiers peuvent faire confiance à des
comptes certifiés par un commissaire, professionnel compétent et indépendant alors que des
comptes seulement arrêtés par les dirigeants n’auraient qu’une fiabilité réduite. Les tiers
peuvent donc reprocher au commissaire d’avoir fait naître une fausse sécurité en exprimant
une opinion favorable sur des comptes qui se révèlent quelquefois inexacts. Toutefois, le
commissaire n’étant tenu que d’une obligation de moyens, la mise en jeu de sa responsabilité
nécessite la preuve que ses contrôles n’ont pas été menés avec la diligence attendue d’un bon
praticien. Le commissaire peut délivrer la certification en ajoutant « s’il y a lieu, toutes
observations utiles », ces dernières ayant une vertu explicative. Il peut encore certifier avec
réserves pour avertir les destinataires des états financiers que certaines erreurs ou anomalies
bénignes entachent les comptes qui n’en continuent pas moins à refléter fidèlement la
situation de l’entreprise. Enfin, le commissaire doit refuser de certifier lorsqu’il a constaté des
irrégularités graves l’ayant persuadé que les dirigeants veulent présenter à l’assemblée
générale des comptes qui donnent une image profondément altérée de la situation de
l’entreprise. Le commissaire est tenu d’indiquer les motifs qui l’ont amené à ne pas certifier.38
Lorsque la société annexe à ses comptes propres des comptes consolidés récapitulant les
résultats de toutes les entreprises du groupe, le commissaire doit aussi certifier la régularité et
la sincérité de ces comptes. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 engendre de
nouvelles obligations pour le commissaire aux comptes : il doit désormais justifier de ses
appréciations et présenter un rapport contenant ses observations sur les procédures de contrôle
interne quand elles sont mises en œuvre par la société pour l’élaboration et le traitement de
l’information comptable et financière (article 120 de la loi de sécurité financière).
Enfin, le commissaire présente un rapport à l’assemblée des actionnaires appelée à se
prononcer sur les comptes de l’exercice. Ce rapport a une valeur indicative : l’assemblée peut
approuver les comptes alors pourtant que le commissaire les estime irréguliers.
Outre cette mission de contrôle des comptes et des informations destinées aux associés, le
commissaire aux comptes se voit attribuer par le code de commerce diverses autres missions.
39
§ 2 : Les missions particulières
Le Code de commerce ne charge pas seulement le commissaire de certifier les comptes et les
informations communiquées aux associés. Il lui attribue des missions diverses, qui n’ont pas
toujours un aspect uniquement comptable ou financier. Ceci a l’avantage d’aboutir à un
contrôle plus global mais risque également de détourner le commissaire de l’essentiel. Ces
missions particulières sont de différentes sortes : information, alerte, contrôles et suppléance.
40
Grâce aux renseignements recueillis dans l’exercice de leur mission de contrôle, les
commissaires remplissent une mission d’information. Ils doivent informer à titre principal
l’assemblée générale des actionnaires, à laquelle ils présentent des rapports sur la situation de
la société et certains aspects de la vie sociale. Pour cela, les commissaires aux comptes
doivent être convoqués à toutes les assemblées d’actionnaires, cependant, leur venue effective
n’est pas obligatoire. Ils y présentent deux types de rapports : le rapport général qui est celui
par lequel les commissaires relatent, à l’intention de l’assemblée générale annuelle,
l’accomplissement de leur mission de contrôle des comptes, mais ils sont en outre tenus de
présenter des rapports spéciaux sur certaines situations au sujet desquelles la loi entend attirer
particulièrement l’attention de l’assemblée et dont l’examen déborde la simple mission de
contrôle des comptes. Il s’agit, notamment, du rapport sur les conventions passées entre la
société et un administrateur, un directeur général, un membre du directoire ou du conseil de
surveillance, du rapport sur l’exercice du droit de souscription au cas d’augmentation du
capital social, si les actionnaires sont invités à renoncer collectivement à leur droit, du rapport
sur le projet de réduction du capital social, de transformation de la société, ainsi que du
rapport sur l’ouverture d’options d’achat ou de souscription d’actions ou de certificats
d’investissement. Par ailleurs, en vertu de l’article L. 225-240, il doit signaler, à la plus
prochaine assemblée générale, les irrégularités qu’il a relevées au cours de l’accomplissement
de sa mission. Cependant, le commissaire n’a pas normalement pour rôle d’informer les
actionnaires, cette mission incombe aux dirigeants. Il se borne donc à contrôler la qualité des
informations données par les dirigeants et à attirer l’attention des actionnaires sur certains faits
qui risquent de fausser les comptes, notamment les conventions conclues entre la société et
ses dirigeants, la modification des modes de présentation des comptes, le montant des sommes
versées aux personnes les mieux rémunérées. En revanche, il est défendu au commissaire
d’empiéter sur les prérogatives des dirigeants qui, dans leur propre rapport, font le point sur la
gestion et les résultats du groupement, présentent les comptes, puis demandent aux associés
de les approuver. En sortant de son rôle pour juger de l’opportunité de la gestion, le
commissaire commettrait une ingérence dans la conduite de la politique sociale, susceptible
de justifier son relèvement. De plus, le commissaire prendrait le risque d’être assimilé à un
dirigeant de fait, dont les tiers pourraient rechercher la responsabilité en cas de redressement
ou de liquidation judiciaire de l’entreprise. Le rapport doit être écrit, daté et signé. Il doit être
déposé quinze jours francs au moins avant la date prévue pour la réunion de l’assemblée, afin
que les associés puissent en prendre connaissance. Le rapport est également tenu à la
41
disposition des associés pendant les trois exercices suivants. Si le commissaire aux comptes
n’a pas rédigé de rapport, il s’ensuit une nullité obligatoire de la délibération statuant sur les
comptes de l’exercice. Si le rapport a été déposé avec retard, l’annulation encourue ne joue
pas de plein droit, le tribunal ne prononce la sanction que s’il estime que ce défaut
d’information préalable des associés a vicié le vote de l’assemblée.
Le commissaire aux comptes remplit également une mission d’information à l’égard des
dirigeants : il doit porter le résultat de ses investigations à la connaissance des dirigeants
sociaux. Notamment, il les informe des contrôles et vérifications auxquels il a procédé et les
différents sondages auxquels il s’est livré ; des postes du bilan et autres documents
comptables auxquels des modifications lui paraissent devoir être apportées, en faisant toutes
observations utiles sur les méthodes d’évaluation employées pour l’établissement de ces
documents, les irrégularités et inexactitudes découvertes, enfin, les conclusions auxquelles
conduisent les observations et vérifications opérées ainsi que les résultats de l’exercice
comparés à ceux du précédent exercice.
Dans la continuité de cette mission d’information, le commissaire aux comptes a une mission
d’alerte. S’il constate des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il doit
déclencher une procédure d’alerte destinée à provoquer des mesures de redressement. La
procédure se déroule en quatre temps : il commence par alerter le président du conseil
d’administration ou les membres du directoire, à cette étape, l’alerte a encore un caractère
confidentiel. A défaut de réponse satisfaisante, le commissaire porte l’affaire devant le conseil
d’administration ou de surveillance. Le comité d’entreprise est averti. Si la situation ne se
redresse pas, le commissaire établit un rapport spécial qu’il présente soit à la plus prochaine
assemblée générale soit à une assemblée spécialement convoquée par lui à cet effet. Si ces
mesures restent sans effet, le commissaire informe le président du tribunal de commerce. Le
commissaire aux comptes engage sa responsabilité civile s’il s’abstient de déclencher la
procédure d’alerte alors qu’il existe une menace de défaillance économique étayée par des
faits précis. En revanche, lorsque le commissaire déclenche l’alerte à tort, une simple erreur
d’appréciation commise de bonne foi n’est pas génératrice de responsabilité. Sans la garantie
d’une certaine immunité, les commissaires seraient incités à une prudence excessive,
aboutissant en pratique à ne donner l’alerte que trop tardivement, après avoir perdu du temps
pour vérifier la gravité des difficultés en préparation. Dans l’hypothèse de mauvaise foi, si le
commissaire déclenche la procédure dans le dessein de porter préjudice à la société ou en
sachant que la continuité de l’exploitation n’était pas menacée, il serait responsable.
42
Le commissaire aux comptes a également une mission de surveillance. Il s’assure que les
modifications des statuts s’opèrent dans des conditions régulières (article L. 210-8 alinéa 2 du
Code de commerce). Il veille également à ce que l’égalité entre associés soit respectée (article
L. 225-235 alinéa 4), c’est-à-dire que les parts sociales ou actions d’une même catégorie
ouvrent droit à des prérogatives identiques. Ceci amène également le commissaire aux
comptes à signaler dans son rapport les pratiques qui lui semblent constitutives d’abus de
majorité. Par ailleurs, il veille à l’observation des dispositions régissant les actions que les
administrateurs et les membres du conseil de surveillance sont tenus de détenir. Ces divers
contrôles se limitent à la régularité de l’opération envisagée ou de la situation de la société. Ils
ne doivent pas déborder sur des questions d’opportunité car le commissaire ne doit pas
s’immiscer dans la gestion. Néanmoins, la distinction est parfois difficile à faire car il arrive
qu’une grave inopportunité soit génératrice d’irrégularité.
Le commissaire aux comptes a encore une obligation de révéler au Procureur de la République
les faits délictueux dont il surprend l’existence au cours de l’accomplissement de sa mission,
en application de l’article L. 225-240 alinéa 2 du Code de commerce. Ce devoir empêche de
retenir, à la charge du commissaire qui l’acquitte, une violation du secret professionnel. C’est
une obligation générale, qui s’applique à tous les faits significatifs et délibérés en relation
avec la vie de la société et la mission du commissaire, y compris les infractions qui ne causent
pas un dommage à la société. Le commissaire n’a pas besoin de qualifier les faits délictueux62.
Méconnaître cette obligation revient pour le commissaire à engager sa responsabilité civile et
surtout pénale. Mais l’obligation de révélation ne s’applique qu’aux faits dont le commissaire
a eu une connaissance effective, elle ne l’oblige pas à rechercher systématiquement les
infractions. La responsabilité du commissaire ne peut pas être engagée par cette révélation.
Ceci suppose la bonne foi du commissaire et cesserait de jouer en cas de révélation sciemment
inexacte et sans doute même de faute lourde. Cette obligation peut renforcer l’autorité du
commissaire à l’égard des dirigeants, en faisant prendre au sérieux les observations qu’il
formule lorsqu’il lui apparaît qu’un délit peut encore être évité63.
Enfin, le commissaire aux comptes a une mission de suppléance, il doit convoquer les
assemblées d’actionnaires lorsque les dirigeants omettent ou refusent de le faire (article L.
225-103 du code de commerce). L’urgence n’est pas requise, seulement l’inaction des organes
62 Cass. crim., 15 septembre 1999, Revue Lamy Droit des affaires 2000, n° 1431, p. 23 ; Bull. Joly 2000, § 3, p.25, note J-F. Barbieri ; Rev. Sociétés 2000, p. 353, note B. Bouloc.63 GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001, p. 407, n° 383.
43
normalement compétents alors que la réunion d’une assemblée s’impose dans l’intérêt de la
société. L’assemblée convoquée peut être aussi bien ordinaire qu’extraordinaire.
Le commissaire aux comptes opère donc un contrôle a priori uniquement comptable, mais, en
raison de l’élargissement de ses missions d’une part, et de la limite parfois difficile à
percevoir entre contrôle de la régularité et contrôle de l’opportunité, il peut être amené à
opérer un certain contrôle de la direction. De plus, ces missions supplémentaires tendent soit à
faciliter le contrôle par d’autres acteurs, juge ou actionnaires, soit à un contrôle plus global.
Cependant une fois encore celui-ci va être d’une efficacité limitée.
Section 2 : Les limites à l’efficacité de cette mission
Les célèbres affaires telles Enron, Worldcom, Tyco, Vivendi ou France Telecom ont montré
les faiblesses d’un système qui était précisément censé empêcher leur survenance. L’analyse
de ces affaires met en cause les auditeurs légaux. Il semble que les limites au contrôle opéré
par les commissaires aux comptes tiennent à la fois à leur statut (§ 1) et à la mission même
qu’ils doivent exécuter (§ 2).
§ 1 : Les difficultés liées au statut des commissaires aux comptes
Le commissaire aux comptes est défini comme un « organe neutre et indépendant appelé à
vérifier que les informations d’ordre comptable émises par la société sont dignes de foi… »64.
Il est donc un professionnel extérieur à la société et indépendant de celle-ci. Cette
indépendance est le fondement de tout contrôle efficace des comptes car, comme le souligne
Y. Chaput « le commissaire est rémunéré pour critiquer éventuellement ceux qui l’ont
désigné »65. D’où la nécessité de confier la mission de contrôle des comptes à des
professionnels indépendants qui ne sont pas en état de subordination à l’égard des décideurs
choisissant de s’adresser à eux. La loi impose aux commissaires aux comptes de signaler les
irrégularités ou les inexactitudes qu’ils découvrent au cours de leur mission, elle doit en
contrepartie les garantir contre les mesures de rétorsion que risquent de prendre les dirigeants
mécontents. En effet, le contrôle exercé ne serait qu’illusoire si le commissaire était aux
ordres des dirigeants. Il serait même dangereux dans la mesure où les actionnaires seraient64 GARAUD (E.), Jurisclasseur commercial, Fasc. 1085 : Commissaires aux comptes, 2002, p. 3, n°1.65 CHAPUT (Y.), Le commissaire aux comptes, partenaire de l’entreprise, Paris, Presses Sciences Po/CREDA,1999.
44
moins vigilants qu’en l’absence de tout contrôle, cas dans lequel ils auraient peut-être procédé
par eux-mêmes à certaines vérifications. De plus, les affirmations qu’émettent les
commissaires aux comptes font autorité à l’égard d’un grand nombre de personnes :
dirigeants, actionnaires, créanciers sociaux, salariés, administrations. Cette mission nécessite
donc de la part des commissaires à la fois indépendance et objectivité.
Pour garantir cette indépendance, le Code de commerce édicte des incompatibilités à l’article
L. 225-224. Elles sont fondées sur différentes idées : pour les incompatibilités directes, d’une
part elles se fondent sur l’idée que le contrôleur et le contrôlé ne sauraient être une même
personne, le contrôleur ne saurait donc être choisi parmi les dirigeants de la société. D’autre
part, il faut empêcher que le contrôleur soit sous la dépendance du contrôlé, ne peuvent donc
être nommées commissaire aux comptes les personnes qui reçoivent de la société une
rémunération quelconque. Cette incompatibilité ne s’applique cependant pas aux
rémunérations correspondant à des activités complémentaires effectuées à l’étranger, ou, à des
révisions opérées dans des sociétés du même groupe ou enfin aux missions qui sont confiées
au commissaire par la société à la demande d’une autorité publique. En ce qui concerne les
incompatibilités indirectes, elles empêchent de tourner une incompatibilité directe par le
recours à un conjoint, un proche ou un associé exerçant dans une même société
professionnelle de commissaires aux comptes. Ces incompatibilités sont d’interprétation
stricte, leur méconnaissance entraîne la nullité de la désignation et expose le commissaire à
des sanctions pénales.
Le commissaire aux comptes est en principe désigné par l’assemblée générale ordinaire.
Cependant, celle-ci est généralement dominée par les dirigeants qui proposent la désignation
ou le renouvellement du commissaire chargé de les contrôler. Cette anomalie qui est
susceptible de porter atteinte à l’indépendance des commissaires est difficile à éviter, à moins
d’instaurer un contrôle judiciaire systématique des désignations.
Quant à la cessation des fonctions, différentes mesures sont également prises pour assurer
l’autonomie des contrôleurs. La durée de leur mandat est fixée à six exercices et ils sont
indéfiniment rééligibles par l’assemblée générale des associés. De plus, c’est seulement par
décision de justice qu’un commissaire peut être révoqué avant l’expiration normale de ses
fonctions. La révocabilité ad nutum est exclue car incompatible avec l’ « indépendance de
celui qui doit parfois déplaire »66. De cette façon, le juge peut contrôler la légitimité des motifs
avancés par le demandeur, la révocation ne peut donc intervenir de façon arbitraire sur simple
66 GUYON (Y.), L’indépendance des commissaires aux comptes, JCP 1977, I, 2831, n° 14.45
volonté des dirigeants. Elle suppose une faute ou un empêchement. La faute n’a pas besoin
d’être volontaire ou lourde, mais elle doit empêcher la poursuite de la mission jusqu’à son
terme normal.
L’action en révocation ou en relèvement peut être intentée soit par les dirigeants, soit par
l’assemblée générale, soit par le comité d’entreprise, soit par des actionnaires minoritaires
représentant au moins cinq pour cent du capital social. Lorsque la société fait publiquement
appel à l’épargne, l’action appartient à la Commission des Opérations de Bourse (C.O.B.), et
dans les sociétés cotées, aux associations d’actionnaires.
Le commissaire aux comptes peut encore faire l’objet d’une récusation. Cette dernière permet
d’écarter un commissaire suspecté de manquer de compétence ou surtout d’impartialité et
d’indépendance à l’égard des actionnaires majoritaires et des dirigeants. Elle s’inspire des
mêmes motifs que les incompatibilités, mais laisse au tribunal un pouvoir d’appréciation car
l’indépendance est une notion difficile à cerner. L’action peut être intentée par des
actionnaires représentant au moins cinq pour cent du capital social, par le comité d’entreprise,
par le ministère public et, en cas d’appel public à l’épargne par la COB et les associations
d’actionnaires minoritaires.
Différentes modalités techniques sont donc mises en œuvre pour assurer l’indépendance des
commissaires aux comptes, mais elles ne permettent pas de pallier à toutes les éventualités,
notamment celles qui résultent de la confusion des rôles de contrôleur et de conseiller. Ce
problème est surtout relatif aux grands cabinets internationaux et a été mis en exergue par les
récents scandales. Un commissaire aux comptes peut-il remplir sa mission en toute
indépendance et objectivité à l’égard d’une entreprise dont les comptes auront été tenus par
son cabinet, qui l’aura également conseillée ? Dans ce cas, la Compagnie nationale des
commissaires aux comptes recommande à ce commissaire de vérifier la compatibilité de son
mandat avec les autres prestations effectuées par son cabinet dans la même entreprise. Mais,
Monsieur R. Routier souligne qu’il y a « tout à craindre d’un système ou le contrôleur se fait
juge de sa propre indépendance » et on peut donc douter de l’efficacité des limites que se
poseront eux-mêmes les cabinets67. Ces remarques valent également pour les commissaires
aux comptes qui, sans être intégrés au même cabinet, travaillent en réseau avec certaines
sociétés de services et de conseils. Le rapport Bouton soulignait déjà ce problème et
préconisait que « pour les sociétés cotées, la mission de contrôle légal des comptes devrait être
exclusive de toute autre. Le cabinet sélectionné devrait renoncer pour lui-même et le réseau
67 ROUTIER (R.), De nouvelles pistes pour la gouvernance ?, Bull. Joly, juin 2003, § 129, p. 611, n° 12.46
auquel il appartient à toute activité de conseil (juridique, fiscal, informatique…) réalisée
directement ou indirectement au profit de la société qui l’a choisi ou de son groupe ».
Toutefois, on peut, avec Monsieur Routier, regretter que le contrôle se réduise à un
autocontrôle. Selon lui, la dissociation des fonctions d’audit et de conseil devrait être plus
organisée, ou à tout le moins, ne pas relever de la seule initiative des intéressés. Pour résoudre
ces problèmes, la loi de sécurité financière prévoit l’interdiction, pour tout cabinet d’audit des
comptes, de toute forme de conseil à la même entreprise qui n’entrerait pas dans les diligences
directement liées à la mission de commissaire aux comptes68. Toute une série de mesures est
également prévue dans le but d’éviter les conflits d’intérêts. Selon l’article 113 de cette loi, au
moment de la désignation, l’Autorité des marchés financiers, nouvelle organisme destiné à
remplacer la COB et le Conseil des Marchés Financiers, doit être informée des propositions de
nomination des commissaires aux comptes des personnes faisant appel public à l’épargne et
peut formuler toute observation qu’elle juge nécessaire. L’article 105 de la loi prévoit que le
directeur général et le directeur général délégué qui auraient la qualité d’administrateur ne
prendront plus part au vote du conseil d’administration qui procède à la désignation du
commissaire aux comptes. Le même article édicte une incompatibilité temporaire pour le
commissaire qui, au cours des deux derniers exercices, aurait été chargé de vérifier les
opérations d’apport ou de fusion de la société considérée ou de celles qu’elle contrôle, si le
projet de résolution en fait état. Enfin, il est prévu, par l’article 100 de la loi, la création d’un
Haut conseil du commissariat aux comptes, autorité de contrôle externe à la profession,
composé de douze membres, dont trois commissaires aux comptes, trois magistrats, un
membre de la future AMF, un représentant du ministère des Finances, un professeur, et trois
personnalités qualifiées issues du monde de l’entreprise.
On voit donc que l’indépendance des commissaires aux comptes est un problème récurrent
qu’il n’est pas facile de solutionner par l’édiction de textes alors que l’absence
d’indépendance des contrôleurs d’une entreprise peut favoriser de graves dérapages dans sa
gestion. Une autre difficulté se pose pour les commissaires aux comptes, due elle à la
définition même de leur mission.
§ 2 : Les difficultés inhérentes à la mission même du commissaire aux comptes
68 Loi n° 2003-706 du 1er août 2003, loi de sécurité financière, article 104.47
Comme nous l’avons vu, le commissaire aux comptes doit vérifier et, le cas échéant, certifier,
que les comptes sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle de l’entreprise. Les
termes de régularité et de sincérité ne posent pas de difficultés majeures. L’adoption de la
notion d’image fidèle est liée à l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté
Economique Européenne. Auparavant, le projet de quatrième directive sur les comptes
annuels des sociétés s’appuyait sur les notions françaises de régularité et de sincérité et sur la
notion allemande d’ « image aussi sûre que possible »69. Mais en application de la quatrième
directive du 25 juillet 1978, l’alinéa 1er de l’article L. 123-14 du Code de commerce issu de la
loi n° 83-353 du 30 avril 198370 dispose que « les comptes annuels doivent être réguliers,
sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de
l’entreprise ». Cette notion est la traduction de l’expression anglaise « true and fair view »
dont la caractéristique est que la référence à la règle comptable n’est plus explicite. Cette
notion devait permettre de faire correspondre les chiffres et la réalité économique. Cependant,
malgré le temps écoulé depuis l’introduction de cette notion en France, elle reste mal définie
ce qui pose évidemment des difficultés aux contrôleurs des comptes. D’après MM. Pitron et
Pham-Ba71, « la question se pose de savoir si la notion même d’ « image fidèle » a un sens, et
peut faire l’objet d’une traduction technique unanimement acceptée ».
La difficulté vient entre autres du fait que le concept nous vient de Grande-Bretagne, pays de
Common law, et doit être appliqué dans un pays de droit écrit . De plus, lors de l’introduction
du concept, la France considérait encore la comptabilité comme un instrument statistique alors
qu’Outre-manche, elle était déjà considérée comme un élément fondamental de l’information
des actionnaires. Enfin, le concept a été importé et plaqué sur des règles déjà existantes et qui
ne s’adaptaient pas forcément avec cette exigence. En effet, il avait été souligné, lors des
débats parlementaires, que des comptes établis en conformité avec les prescriptions
comptables et sans volonté de dissimulation pouvaient donner une image ne correspondant
pas à la situation réelle de l’entreprise. C’est pourquoi, les alinéas suivant de l’article L. 123-
14 viennent tempérer le principe en prévoyant la possibilité de donner des informations
complémentaires ou même dans certains cas de déroger à la prescription comptable. Cela
consacre donc la possibilité de déroger à la norme comptable au nom du principe de fidélité.
69VIDAL (D.), Le commissaire aux comptes dans la société anonyme : évolution du contrôle légal, aspectsthéoriques et pratiques, Paris : LGDJ, 1985, p.90, n° 95.70 Loi n° 83-353 du 30 avril 1983, loi relative à la mise en harmonie des obligations comptables des commerçantset de certaines sociétés avec la IVème directive adoptée par le conseil des communautés européennes le 25 juillet1978.71 PITRON (M.), PHAM-BA (J-P), L’image fidèle de l’entreprise, du principe à la réalité, JCP éd. E 2003,Commentaires n° 105, p. 117.
48
Mais la notion n’étant pas définie il est difficile de dire à partir de quand les règles ne
permettent plus de donner une image fidèle de la situation de l’entreprise. De façon générale,
les auteurs considèrent que la fidélité découle de la sincérité et de la régularité72. Par ailleurs,
les juristes français en ont conclu que la notion présentait un caractère pragmatique et qu’elle
consistait à savoir dépasser la norme comptable lorsque cela apparaît nécessaire pour donner
aux lecteurs des comptes annuels une image non déformante « du patrimoine, de la situation
financière et du résultat de l’entreprise ». L’image fidèle apparaît donc plus comme une
exigence d’éthique à l’égard de ceux qui doivent respecter cette exigence.
Toute la difficulté apparaît alors, la science comptable est loin d’être une science exacte, elle
est très flexible, de plus avec l’internationalisation des marchés, plusieurs règles sont
applicables à la même situation. Enfin, l’application d’une règle comptable peut aboutir à
donner une image infidèle de l’entreprise. Par conséquent, la tâche du commissaire aux
comptes paraît ardue car il doit contrôler des comptes qui grâce à ces règles peuvent être
aisément manipulés de façon à dissimuler les conséquences néfastes de la gestion des
dirigeants.
Enfin, bien que l’article L. 242-6 du Code de commerce prévoie le délit de présentation de
comptes annuels ne donnant pas une image fidèle, comme le soulignent MM. Pitron et Pham-
ba73, « comment sanctionner l’absence d’image fidèle de la situation de l’entreprise alors que
la notion demeure imprécise ? Et plus précisément encore, comment le juge pénal contraint
par la loi d’apprécier strictement les faits qui lui sont soumis pourrait-il s’aventurer à
caractériser un délit dont l’un des éléments constitutifs est imparfaitement défini ? ».Ce délit
en lui-même sera donc rarement retenu, l’infraction sera indirectement sanctionnée par des
délits connexes tel le délit de diffusion d’information fausse ou trompeuse. Quant au juge
civil, il a été peu sollicité sur le point de savoir ce que recouvrait la notion d’image fidèle et
les réponses qu’il a apportées lorsque la question lui a été posée ne sont pas sensiblement
différentes de celles rendues par le juge pénal74.
La mission des commissaires aux comptes n’est donc pas facilitée par les conditions
d’exercice de cette mission dans la mesure où elles ne sont pas exactement définies. De plus,
le problème de leur indépendance ne pouvant être résolu exclusivement par des textes, c’est à
72 PITRON (M.), PHAM-BA (J-P), op. cit., p. 118.73 PITRON (M.), PHAM-BA (J-P), op. cit., p.121.74 Cass. com., 14 décembre 1993, Bull. Joly 1994, p. 189 ; TGI Paris 22 janvier 1997, Bull. Joly 1997, §179, p.432, note J-F. Barbieri
49
eux qu’il appartient de se comporter de façon loyale, l’efficacité du contrôle qu’ils assurent
dépendra donc finalement de leur sens de l’éthique.
Bien que les sociétés anonymes disposent d’organes destinés à assurer leur contrôle, comme
nous l’avons vu, il n’est pas évident qu’ils puissent remplir totalement leur mission.
Cependant, d’autres moyens ont été prévus pour exercer ce contrôle, et nous assistons
aujourd’hui à un exercice renouvelé de ce contrôle.
50
DEUXIEME PARTIE : L’EXERCICERENOUVELE DU CONTRÔLE
Avec les organes de contrôle de la société anonyme, les assemblées d’actionnaires sont
théoriquement chargées, mais de manière différente, de contrôler l’action des organes de
direction et d’administration. Leur pouvoir va même au-delà puisqu’elles sont compétentes
pour prendre des décisions très importantes. Dans la conception classique de la société
anonyme, l’assemblée des actionnaires est donc présentée comme l’organe souverain de cette
société. Mais, comme nous l’avons rappelé, pour diverses raisons, ces assemblées étaient, en
pratique, devenues assez passives. Les actionnaires se montraient plus ou moins intéressés par
les affaires sociales. De nombreux actionnaires se contentaient de faire un placement, se
réservant la possibilité de quitter la société en vendant leurs titres si les dirigeants ne leur
inspiraient plus confiance. C’est pourquoi, le contrôle n’était, dans les faits, exercé que par les
organes internes et externes de contrôle de la société anonyme, à savoir le conseil
d’administration ou de surveillance et les commissaires aux comptes.
Face aux différents scandales survenus ces dernières années, les actionnaires ont profité des
possibilités offertes par la loi pour réagir. L’absentéisme des actionnaires existe toujours mais
certains d’entre eux se sont « réveillés » et s’organisent afin de faire valoir leurs droits et de
surveiller la gestion des dirigeants. Ce sont d’abord les investisseurs institutionnels qui ont
joué un rôle important, notamment dans les sociétés privatisées, où ils ont été appelés pour
51
conserver le contrôle du capital entre des mains françaises. Ils ont donc investi dans les
sociétés de droit français et se sont alors comportés en actionnaires actifs car ils étaient
responsables vis-à-vis de leurs clients et donc devaient sauvegarder les capitaux placés. Tout
ceci a conduit à une « régénération des assemblées d’actionnaires »75, qui aboutit à un exercice
renouvelé du contrôle.
Par ailleurs, la revalorisation du rôle des actionnaires opérée par la loi NRE a conduit un
renforcement de leurs droits individuels, ce qui leur permet d’exercer un contrôle à la fois
préventif (Chapitre I), mais également curatif grâce aux différentes actions qui leur sont
reconnues (Chapitre II).
75 LE CANNU (P.), Droit des sociétés, 1ère édition, Paris : Montchrestien, 2002, p. 469, n° 783.52
CHAPITRE UN : LE CONTRÔLE PREVENTIF
Nous avons vu en première partie que depuis un grand nombre d’années, les auteurs
remarquaient un certain absentéisme des actionnaires. Alors qu’en principe, l’assemblée des
actionnaires est l’organe supérieur de la société, à qui revient les décisions dépassant la
gestion quotidienne, la désignation et la révocation des autres organes ainsi que la compétence
pour modifier les statuts, le pouvoir effectif était exercé par l’équipe dirigeante sans que les
actionnaires ne semblent s’y intéresser particulièrement.
Cet effacement des assemblées d’actionnaires s’expliquait par diverses raisons. Tout d’abord,
les assemblées générales sont des organes intermittents, leur fréquence de réunion est
annuelle, ce qui limite forcément leur action. A côté de certains organes de gestion et
d’exécution de la société anonyme qui siègent de façon constante, l’influence de l’assemblée
générale apparaît forcément moindre. De plus, les actionnaires peuvent, dans certaines
grandes sociétés anonymes, être très nombreux et plus ou moins isolés. Ils ne se sentent pas
impliqués par la marche de la société, ou même dans le cas contraire, la complexité des
documents qu’ils reçoivent ainsi que leur sentiment d’impuissance découragent vite leurs
velléités d’intérêt pour la gestion de la société.
Depuis quelques années, il faut cependant remarquer un certain réveil de ces actionnaires qui
souhaitent qu’on leur explique ce qui se passe dans la société dont ils sont propriétaires. Les
actionnaires semblent s’intéresser davantage aux assemblées d’actionnaires. En outre, on
trouve à côté des actionnaires individuels des investisseurs institutionnels. Ce sont des
professionnels des placements financiers qui détiennent des participations significatives dans
les sociétés. Ils sont donc intéressés au premier chef par la rentabilité de leurs placements.
Etant des professionnels, ils sont mieux à même de comprendre ce qui se passe dans la
société, de plus, leur importance leur donne un certain poids. C’est pourquoi ils n’hésitent pas
à critiquer la gestion des dirigeants des sociétés dans lesquelles ils détiennent des
participations.
Par ailleurs, les actionnaires minoritaires, ou tout au moins certaines minorités qualifiées, font
désormais l’objet de protections spécifiques. Au-delà de cette protection, « c’est l’idée d’une
53
fonction sociale de la minorité qui l’emporte : la minorité est dotée de prérogatives de
vigilance qu’elle doit mettre au service de l’intérêt social »76.
Enfin, la doctrine de la corporate governance qui se développe en France depuis les années
1990 participe aussi à ce réveil des actionnaires puisqu’elle est basée sur une revalorisation de
celui-ci et du rôle qu’il joue dans la société, elle vise à sa reconquête du pouvoir. En effet,
cette doctrine a pris naissance aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne à la suite de la réussite
d’OPA inamicales ou de révocation de dirigeants provoquées par une gestion de la société ne
tenant pas suffisamment compte de l’intérêt des actionnaires non dirigeants. Afin de mieux
prendre en compte l’intérêt de ces actionnaires, il faut leur permettre de vérifier que la gestion
est faite dans l’intérêt de la société et non dans celui des dirigeants ou des majoritaires. Or, en
droit français, les assemblées d’actionnaires ont des pouvoirs plus étendus que dans la plupart
des législations étrangères, notamment aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Il n’était donc pas nécessaire, en France, de conférer de nouveaux droits aux actionnaires, il
s’agissait surtout de les inciter à exercer de manière plus efficace ceux qu’ils possédaient déjà.
Pour pouvoir exercer un contrôle effectif, les actionnaires doivent être correctement informés
de ce qui se passe dans la société, mais cet argument s’est longtemps vu opposer celui selon
lequel la conduite des affaires requiert une certaine confidentialité, le fameux secret des
affaires, car une gestion totalement transparente livrerait la société aux attaques de ses
adversaires et concurrents. Cependant, les nécessités de l’information ont prévalu, c’est
pourquoi la loi de 1966 avait notamment pour but d’organiser l’information des actionnaires.
Par la suite, les différents scandales financiers qui se sont déroulés ont encore accentué ce
besoin d’information de tous les actionnaires, y compris les « petits », la loi NRE a donc
renforcé ce droit. Nous allons donc voir que le droit à l’information est un élément essentiel
du contrôle préventif opéré par les actionnaires sur la gestion de leurs dirigeants (Section 1).
Mais les actionnaires peuvent également améliorer leur surveillance en incitant à
l’introduction d’organes facultatifs dans la société, organes qui seront amenés, de manière
plus ou moins directe, à effectuer un certain contrôle de la gestion ou tout au moins de la prise
de décisions (Section 2).
Section 1 : Le droit à l’information
76 COURET (A.), Le harcèlement des majoritaires, Bull. Joly 1996, § 36, p. 112.54
Le droit à l’information fait partie des droits politiques des actionnaires, à la différence des
droits financiers et des droits patrimoniaux, c’est un droit extrapécuniaire qui n’est pas dans le
commerce. Ce droit a été renforcé au fur et à mesure de l’évolution du droit des sociétés dans
la mesure où il représente des enjeux importants pour les actionnaires (§ 1), c’est pourquoi, si
ceux-ci ne sont pas satisfaits de l’information qui leur est transmise, ils disposent d’une
procédure qui leur permet d’obtenir davantage de renseignements (§ 2).
§ 1 : Les enjeux de l’information
L’information est d’une importance capitale pour les actionnaires car c’est grâce à
l’information qu’ils ont sur la société qu’ils vont juger de l’opportunité d’user d’autres droits
dont ils disposent (A). Pour essayer de satisfaire au mieux à ce but, différents droits vont
pouvoir être mis en œuvre (B).
A) L’importance de l’information pour les actionnaires
La théorie des droits de l’actionnaire date de la fin du XIXème siècle en France où Thaller l’a
importée d’Allemagne. Elle répond à deux préoccupations : déterminer quels sont les droits
qui qualifient l’actionnaire, et que l’on ne peut lui enlever, ni par convention, ni par la loi,
sans lui faire perdre sa qualité d’actionnaire, et plus pratiquement, elle cherche à percevoir
quelles sont les conséquences, mêmes éventuelles, de la qualité d’actionnaire77. Le droit à
l’information des actionnaires est perçu traditionnellement comme le moyen d’éclairer le droit
de vote de l’actionnaire. Aujourd’hui, ces deux droits sont dissociés, en effet, les actionnaires
porteurs d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote et les porteurs de certificats
d’investissement possèdent le même droit à l’information que les autres pour la défense de
leurs intérêts pécuniaires. Les premiers textes relatifs à l’information, décrets-lois des 30
octobre 1935 et 31 août 1937, ont donné lieu à de nombreux procès, car les administrateurs
craignaient souvent que les renseignements qui leur étaient demandés ne puissent être utilisés
contre eux pour la constitution d’une majorité hostile ou la critique de leur gestion78. De plus,
l’information coûte cher et le secret des affaires doit être préservé. On voit donc le rôle que
peut jouer l’information dans le contrôle exercé par les actionnaires. C’est grâce à elle qu’ils
peuvent se renseigner sur la gestion effectuée par les dirigeants, et s’ils ne sont pas d’accord
77 LE CANNU (P.), Droit des sociétés, 1ère édition, Paris : Montchrestien, 2002, p. 519, n° 860.78 RIPERT (G.), ROBLOT (R.) par GERMAIN (M.), Traité de droit commercial, tome 1, volume 2, 18ème
édition, Paris : L.G.D.J., 2002, p. 348, n° 1568.55
avec les directions adoptées, prendre les mesures qui s’imposent. Outre le rôle de
l’information pour attirer et retenir les souscripteurs qui seront en confiance face à une société
qui ne masque pas la réalité, il est normal que les actionnaires connaissent l’état des affaires
sociales puisqu’ils sont les maîtres, les propriétaires, de la société. L’information va donc leur
permettre d’apprécier les performances de la société et de connaître sa richesse. Elle a alors
pour finalité « l’exercice d’un pouvoir de participation, ou envers de ce dernier, d’un pouvoir
de contestation…la loi de 1966, après avoir définitivement réglé la question de la répartition
du pouvoir, le pouvoir de gestion pour les dirigeants et le pouvoir de surveillance pour les
actionnaires, a tout naturellement renforcé l’information que les premiers doivent aux
seconds »79. L’information n’est pas une innovation de la loi de 1966 mais les textes qui
l’organisaient auparavant se révélaient « insuffisants pour permettre aux associés d’exercer
leur droit de vote de façon éclairée et contrôler ainsi réellement les affaires sociales »80.
L’assemblée est le lieu où s’élabore et s’exprime la volonté sociale. L’actionnaire a des
pouvoirs qui lui permettent d’influer sur le fonctionnement de la société, pour les exercer, il
doit être informé. C’est également lors de l’assemblée qu’il va approuver ou désapprouver la
politique sociale, pour cela il doit en être informé. Le droit à l’information est donc inhérent à
l’appartenance de l’associé à la société. C’est pourquoi, en 1966 le législateur a voulu
réellement organiser ce droit à l’information de l’actionnaire, la loi relative aux nouvelles
régulations économiques a, par la suite, également amélioré cette information.
B) Les différents droits réalisant cette information
L’actionnaire dispose en permanence d’une prérogative d’information décrite par l’article L.
225-117 du Code de commerce. Ce droit à l’information va se réaliser par l’exercice d’un
droit de communication. En vertu de ce texte, tout actionnaire peut, à toute époque, mais dans
le respect de l’intérêt social, consulter au siège social les documents suivants : les comptes
annuels des trois derniers exercices et, le cas échéant, les comptes consolidés ; la liste des
administrateurs ou des membres du directoire et du conseil de surveillance ; les rapports de
gestion des organes sociaux établis lors des trois derniers exercices ; les procès-verbaux et
feuilles de présence des assemblées tenues dans la même période. Tout refus de la société
d’accéder à la demande faite par un actionnaire expose celle-ci à des dommages-intérêts. De
79 BRUNET (A.), GERMAIN (M.), L’information des actionnaires et du comité d’entreprise dans les sociétésanonymes depuis les lois du 28 octobre 1982, du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985, Rev. Sociétés 1985,Doctrine p. 1.80 URBAIN-PARLEANI (I.), BOIZARD (M.), L’objectif d’information dans la loi du 24 juillet 1966, Rev.Sociétés 1996, p. 447, n° 2.
56
plus, l’associé qui n’aurait pu exercer son droit à l’information peut solliciter en référé une
mesure d’injonction judiciaire sous astreinte ou la nomination d’un mandataire chargé de
procéder à la communication (article L. 238-1 du Code de commerce). Ce droit d’information
permanent est utile car il permet les comparaisons. Au même titre, pendant toute l’année, tout
actionnaire représentant au moins 5% du capital peut poser des questions écrites aux
dirigeants sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, en application
de l’article L. 225-232 du Code de commerce.
Mais, l’information de l’actionnaire peut également se réaliser de façon occasionnelle,
préalablement à la tenue d’une assemblée. Tout d’abord, un premier type d’informations est
envoyé par la société sans que l’actionnaire n’ait à le demander, il s’agit de l’information
jointe à l’envoi d’une procuration. Assez souvent, une formule de procuration est jointe à la
lettre de convocation envoyée par la société aux actionnaires qu’elle connaît. Il ne s’agit pas
d’une obligation mais selon le Professeur Y. Guyon, d’une pratique assez couramment
suivie81. A toute formule de procuration doivent être joints l’ordre du jour, le texte des projets
de résolution, ce qui permet à l’actionnaire d’examiner ce qui sera soumis au vote de
l’assemblée d’une manière plus précise que l’ordre du jour, un résumé du rapport du conseil
d’administration ou du directoire et un tableau comparatif des résultats obtenus au cours des
cinq derniers exercices ; un formulaire de vote par correspondance, une formule de demande
d’envoi de documents complémentaires. Selon Monsieur Guyon, il faut approuver ce
mécanisme qui facilite l’information de l’actionnaire dans la mesure ou celui-ci doit
seulement lire ce que la société lui adresse, il serait encore mieux que l’envoi de ces
documents soit lié à l’envoi de la lettre de convocation et non seulement de la procuration82.
Dans les quinze jours précédant toute assemblée, certains documents doivent être tenus à la
disposition des actionnaires, en application des articles L. 225-108 et L. 225-115 du Code de
commerce ainsi que de l’article 135 du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés
commerciales83. Il s’agit : des comptes obligatoires et, le cas échéant, des comptes consolidés,
du rapport de gestion des dirigeants, du rapport général du commissaire aux comptes, de la
liste des dirigeants sociaux, du texte des projets de résolution présentés par le conseil
d’administration ou le directoire, du montant global des rémunérations des cinq ou dix
personnes les mieux rémunérées, certifié exact par les commissaires aux comptes, de la liste
des actionnaires titulaires de titres nominatifs et des renseignements sur la participation des81 GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, 11ème édition, Paris : Economica, 2001, p. 295, n° 295.82 GUYON (Y.),op.cit. , p. 295, n° 295.83 Décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales.
57
salariés. Ces informations sont envoyées aux actionnaires qui en font la demande, sauf en ce
qui concerne la liste des actionnaires, le montant des rémunérations et l’inventaire des biens
sociaux qui doivent être consultés au siège social. Dans ce cas, sauf en ce qui concerne
l’inventaire en raison de son volume et des risques d’espionnage industriel, le droit de prendre
connaissance emporte celui de prendre copie. En ce qui concerne le montant global des
rémunérations, cette information avait perdu de son intérêt depuis la loi du 15 mai 2001, qui
prévoyait que le rapport de gestion devait indiquer le montant des rémunérations directes ou
indirectes perçues par chaque administrateur ou chaque membre de la direction (article L.
225-102-1). Elle a retrouvé un certain intérêt depuis que la loi de sécurité financière a écarté l’
obligation qui consistait à porter dans le rapport annuel à l’assemblée générale la
rémunération des mandataires sociaux pour les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux
négociations sur un marché réglementé (art. L. 225-102-1 C. com). L’actionnaire peut
également consulter au siège social des informations sur les opérations de parrainage et de
mécénat menées au cours de l’exercice. Ces opérations sont parfois à la limite de l’objet
social, les actionnaires doivent en être spécialement informés.
Enfin, les actionnaires, pour compléter leur information, ont le droit de poser, dès la
convocation, par écrit, des questions aux dirigeants. Ces derniers devront y répondre au cours
de l’assemblée générale (article L. 225-108 du Code de commerce). C’est un mécanisme plus
efficace que les questions posées oralement au cours de l’assemblée, car les dirigeants habiles
peuvent s’arranger pour ne leur apporter que des réponses insuffisantes. Il s’agit ici d’un droit
temporaire à ne pas confondre avec le droit permanent appartenant à tout actionnaire qui
dispose d’au moins 5% du capital. Il faut signaler qu’il n’est pas certain que le conseil ait le
devoir de répondre à toutes les questions qui lui sont posées par les minoritaires, notamment
lorsque la divulgation des informations sollicitées risque de porter préjudice à la société ou à
des tiers ou encore lorsque la question n’a aucun rapport avec l’ordre du jour.
Dans l’exercice de ce droit d’information, l’actionnaire peut se faire assister par un expert
judiciaire, mais pas par un commissaire aux comptes or les explications d’ordre comptable
sont généralement les plus nécessaires.
Grâce à toutes ces informations, les actionnaires vont pouvoir apprécier la gestion des
dirigeants. Mais, si les informations données sont insuffisantes, ils ne sont pas dépourvus, ils
pourront obtenir des précisions grâce à l’expertise de gestion.
58
§ 2 : L’expertise de gestion
La loi de 1966 a non seulement organisé l’information légale, mais a également prévu les cas
où elle s’avèrerait insuffisante. Elle a donc prévu des moyens d’information supplémentaires
des actionnaires. De plus, parfois les dirigeants se montrent réticents à la divulgation de
certaines informations. C’est pourquoi lorsque des opérations suspectes sont réalisées, une
expertise par un professionnel peut être ordonnée en justice à la suite d’une procédure
contradictoire. Elle aboutit à la rédaction d’un rapport qui éclaire le demandeur ainsi que tous
ceux qui ont qualité pour demander une telle expertise. Cette mesure était également vue dans
la loi de 1966 comme un moyen de protection des minorités84. Cette disposition est destinée à
prolonger le contrôle des commissaires aux comptes, auxquels toute immixtion dans la
gestion est interdite. L’intérêt de cette expertise est l’obtention d’informations sur la gestion
de la société, qui permettront au demandeur d’apprécier l’opportunité de certains actes de
gestion. Elle pourra donc être de nature à justifier l’exercice ultérieur d’actions contre les
dirigeants sociaux. Cette institution connut vite un vif succès et, en raison du laconisme de la
loi, donna lieu à une abondante jurisprudence. La loi du 1er mars 1984 a modifié le régime de
cette expertise, elle a notamment accru le nombre de personnes auxquelles était ouverte
l’action pour tenir compte de la diversité des intérêts, publics et privés, impliqués par le
fonctionnement de la société. En permettant à des personnes extérieures à la société d’agir en
désignation d’un expert de gestion, la loi du 1er mars 1984 a conféré aux articles 64-2 et 226
de la loi du 24 juillet 1966, devenus articles L. 223-37 et L. 225-231 du Code de commerce
une fonction de contrôle de la gestion de la société qui ne se ramène pas seulement à la
défense des actionnaires minoritaires85. On est donc passé des termes « expertise de minorité »
à ceux d’« expertise de gestion ». La loi du 15 mai 2001 est venue modifier la mise en œuvre
de la procédure en la faisant obligatoirement précéder d’une première phase d’interrogation du
président du conseil d’administration ou du directoire.
L’article L. 225-231 du Code de commerce organise cette expertise de gestion. Quand elle est
mise en œuvre par les actionnaires, la procédure commence par une demande écrite
d’information faite auprès du président du conseil d’administration ou du directoire, portant
sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société concernée et des sociétés qu’elle
contrôle au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce, auquel cas, la demande est84 RIPERT (G.), ROBLOT (R.) par GERMAIN (M.), Traité de droit commercial, tome 1, volume 2, 18ème
édition, Paris : L.G.D.J., 2002, p. 499, n°1746.85 MONNET (J.), Jurisclasseur commercial, fasc. 1079 : Mesures d’expertise, 2002, p. 3, n°4.
59
appréciée au regard de l’intérêt du groupe. Cette question peut être posée par un ou plusieurs
actionnaires représentant au moins 5% du capital social ou par une association répondant aux
conditions de l’article L. 225-120. Les actionnaires peuvent se regrouper sous quelque forme
que ce soit pour atteindre le minimum requis. Cette phase d’interrogation préliminaire ne vaut
que pour les seuls actionnaires ; le comité d’entreprise, le ministère public et, dans les sociétés
faisant publiquement appel à l’épargne, la C.O.B., demandent directement en justice la
nomination d’un expert.
A défaut de réponse dans un délai d’un mois ou à défaut de communication d’éléments de
réponses satisfaisants, les actionnaires qui ont posé la question peuvent demander en référé la
désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion. Le président du tribunal de commerce statue après convocation du
président du conseil d’administration ou du directoire. L’expertise n’est qu’une mesure
d’information, le tribunal saisi n’a donc pas à apprécier les opérations de gestion critiquées, ni
leurs conséquences pour la société. Il doit seulement apprécier l’opportunité de la nomination
sollicitée pour l’information du demandeur.
L’expertise de l’article L. 225-231 a parfois été présentée comme une procédure subsidiaire,
dont l’application supposerait que les demandeurs prouvent qu’ils ont vainement épuisé tous
les autres moyens d’information dont ils disposent. La Cour de cassation a cependant décidé
dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 21 octobre 199786, que la loi n’impose pas
cette condition de subsidiarité. Il faut simplement que les demandeurs démontrent leur intérêt
précis à être renseignés sur des opérations suspectes, susceptibles de leur porter préjudice et
d’être contraires à l’intérêt social. S’il est fait droit à la demande, la décision de justice
détermine l’étendue de la mission et les pouvoirs de l’expert. Cette mission consiste à
compléter l’information des actionnaires, des salariés et du public, sur une ou plusieurs
opérations de gestion dont la conformité à l’intérêt social est douteuse. L’expertise ne peut
donc porter sur l’ensemble de la gestion87, par ailleurs, les opérations qui relèvent de la
compétence de l’assemblée des actionnaires ne peuvent pas donner lieu à l’expertise de
l’article L. 225-23188. En revanche, lorsque la décision est prise par un organe de gestion, elle
peut être contrôlée par l’expertise de gestion, même si elle est approuvée par l’assemblée
86 Cass. com., 21 octobre 1997, Droit des sociétés 1998, p. 16, n° 13 note D. Vidal ; Rev. Sociétés 1998, p. 82,note P. Didier ; JCP éd. E 1998, p.36, note Y. Guyon ; Bull. Joly 1998, §7, p. 30, note P. le Cannu ; RTD Com1998, p. 171, note Y. Reinhard et B. Petit ; RJDA 1998, n° 64, p. 38.87Cass. com., 25 mars 1974, J.C.P. 1974, 2, 17853, note Y. Chartier. 88 Paris, 14 septembre 1998, Bull. Joly 1999, p. 250, note F.X. Lucas.
60
générale89 . L’expertise doit avoir un caractère contradictoire90 sur les limites duquel les
interrogations ne sont pas closes.
Le rapport est déposé au greffe. Il est destiné à informer toutes les personnes concernées par le
fonctionnement de la société, il est donc communiqué, par les soins du greffier au demandeur,
au ministère public, au comité d’entreprise, aux commissaires aux comptes et, dans les
sociétés faisant publiquement appel à l’épargne, à la C.O.B. Il doit être annexé au rapport
établi par les commissaires aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale des
actionnaires, et recevoir la même publicité.
La Cour de cassation, après avoir hésité, décide aujourd’hui que l’existence de l’article L.
225-231 n’empêche pas un actionnaire, même ne possédant pas 5% du capital, de solliciter
l’expertise préventive ouverte par l’article 145 du nouveau Code de procédure civile pour
établir la preuve de faits utiles et pertinents qui lui permettent d’obtenir, par exemple, la
nullité de la délibération d’une assemblée générale pour abus de majorité, ou de mettre en
œuvre la responsabilité des dirigeants sociaux. Le secret des affaires n’est pas un obstacle à
l’expertise. Cette expertise a théoriquement une finalité distincte de celle de l’article L. 225-
231 du Code de commerce. L’expertise du nouveau Code de procédure civile (NCPC) est une
mesure d’instruction en vue d’une action éventuelle tandis que l’expertise de gestion est une
demande principale destinée à fournir une information complémentaire aux différentes
personnes concernées par la vie de la société. Mais la jurisprudence enlève une grande partie
de son intérêt à l’expertise de l’article L. 225-231, dès lors que le champ d’application de celle
de l’article 145 N.C.P.C. est beaucoup plus étendu. De plus, elle ne nécessite pas le respect
d’une procédure préliminaire d’interrogation du président du conseil d’administration ou du
directoire.
L’expertise de gestion, cumulée avec celle de l’article 145 N.C.P.C. présente donc un intérêt
incontestable pour les actionnaires désireux de surveiller la vie de la société. La loi NRE a
rendu la procédure plus complexe d’une part en rendant obligatoire la phase d’interrogation
du président du conseil d’administration ou du directoire, mais d’autre part, elle a élargi le
champ d’application de cette expertise quant aux personnes puisqu’elle a abaissé le seuil
nécessaire de détention du capital de 10 à 5%, et au domaine, dans la mesure où l’expertise
peut concerner le groupe auquel appartient la société. Elle a donc contribué à améliorer les90 Cass. com., 26 novembre 1996, Droit des sociétés 1997, p. 12, n° 13, note D. Vidal ; Rev. Sociétés 1997, p.97, note P. le Cannu, D.A. 1997, p. 30.
61
moyens de contrôle mis à la disposition des actionnaires en favorisant leur information.
L’importante jurisprudence relative à cette expertise, tant quant à son domaine qu’à ses
conditions de mise en œuvre, nous montre que c’est un instrument de plus en plus
fréquemment utilisé par les actionnaires. Ceci témoigne donc d’un « réveil » de certains
actionnaires, qui fait suite à leur absentéisme dénoncé depuis plusieurs décennies par les
auteurs. On peut citer par exemple l’action intentée par l’Association de défense des
actionnaires minoritaires (Adam) à l’encontre de la SA Vivendi Universal, fondée sur l’article
145 du NCPC. Le Tribunal de commerce de Paris, statuant en la forme des référés le 27 juin
200291 a dit la demande recevable mais mal fondée et a donc débouté les demandeurs. Il leur
signale qu’ils disposent de l’article L. 225-231 du Code de commerce pour solliciter une
expertise de gestion. Ceci nous montre donc bien que les actionnaires s’organisent et tentent
de contrôler la gestion opérée par leurs dirigeants.
Ces tentatives de contrôles peuvent faire faire l’objet d’aménagements, conventionnels ou
non.
Section 2 : Les organes facultatifs aménageant un certain contrôleComme nous l’avons vu, des moyens ont été prévus par la loi pour permettre aux actionnaires
de procéder à un certain contrôle de la gestion opérée par les dirigeants. Mais, si on observe la
pratique, on remarque que dans certaines sociétés, certains organes, prévus ou non par les
textes, mais toujours de manière facultative, ont été mis en place pour exercer, de manière
directe ou non, une certaine surveillance. Il s’agit des comités d’études (§ 1) et des censeurs (§
2).
§ 1 : Les comités d’études
Les comités d’études ont été prévus à titre facultatif par les textes (A). Bien que ne disposant
que d’un pouvoir consultatif, la doctrine de la corporate governance vise aujourd’hui à leur
faire jouer un rôle majeur qui peut notamment avoir des répercussions en matière de contrôle
de la direction (B).
A) Des comités prévus par les textes
91 T. Com. Paris, 27 juin 2002, JCP éd. E 2002, p. 1169, Droit des sociétés janvier 2003, n° 2, p. 15, note D.Vidal ; Bull. Joly 2002, § 212, note A. Couret ; JCP éd. E 2002, Jurisprudence n° 1253, p. 1390, note A.Viandier ; RJDA 2002, n° 1039, p. 880.
62
C’est la loi du 16 novembre 1940 qui a autorisé la constitution d’un comité d’études, nommé
par le président, composé soit d’administrateurs, soit de directeurs, soit d’administrateurs et
de directeurs de la société. Les membres de ce comité avaient pour mission d’étudier les
questions que le président renvoyait à leur examen. La loi du 24 juillet 1966 n’a pas
mentionné ces comités d’étude ou de direction. En revanche, le décret du 23 mars 1967
énonce, dans son article 90, alinéa 2 : « Il (le conseil d’administration) peut décider la création
de comités chargés d’étudier les questions que lui-même ou son président soumet, pour avis, à
leur examen. Il fixe la composition et les attributions des comités qui exercent leur activité
sous sa responsabilité ». La création d’un comité est de la compétence du conseil
d’administration, il n’appartient ni au président ni à l’assemblée générale des actionnaires de
prendre une quelconque décision en ce domaine. L’article 90 du décret du 23 mars 1967
prévoit la possibilité de créer plusieurs comités dont les attributions mais également la
composition seront différentes. La composition de ces comités est d’ailleurs totalement libre,
au niveau du nombre de participants, de leurs qualités et de la durée de leurs fonctions. C’est
encore au conseil d’administration qu’il appartient de fixer la composition du comité.
En ce qui concerne les attributions de ces comités, elles sont également fixées par le conseil
d’administration, il s’agit toujours d’étudier des questions, c’est pourquoi on parle de comité
d’études plutôt que de comités de direction. Les avis donnés par ces comités ont donc par
définition un caractère consultatif, ni le conseil, ni son président ne sont tenus de suivre les
recommandations qui peuvent être données. Le comité d’études ne peut ni empiéter sur les
prérogatives reconnues aux autres organes sociaux, qu’il s’agisse notamment du conseil
d’administration ou de son président92, ni s’immiscer dans la gestion sociale. Si les comités
s’immisçaient dans l’administration ou la direction des affaires de la société, leurs membres
pourraient être qualifiés de dirigeants de fait. Cependant, comme le soulignent MM. Cozian,
Viandier et Deboissy, « à l’image des grandes sociétés américaines, leur pouvoir concurrence,
dans certains groupes, celui du conseil ».93
Le conseil d’administration peut allouer aux administrateurs membres du comité une part des
jetons de présence supérieure à celle des autres administrateurs, en vertu de l’article 93 du
décret du 23 mars 1967. En outre, la formule générale de l’article L. 225-46 du Code de
commerce permet de leur attribuer une rémunération distincte, portée aux charges
92 Cass. com., 4 juillet 1995, JCP éd. E, II, 750, p. 239, note Y. Guyon.93 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 15ème édition, Paris : Litec, 2002, p.289, n° 652.
63
d’exploitation et soumises aux dispositions applicables aux contrats conclus entre la société et
leurs administrateurs. La rémunération des membres non administrateurs est également
déterminée par le conseil (décret du 23 mars 1967, article 94).
B) Le renouveau de ces comités
La doctrine de la corporate governance a surtout porté sur les procédés de contrôle. Selon P.
Le Cannu, « puisque la légitimité du contrôle est de nature technique, il faut sérier les
problèmes selon la nature des techniques qu’ils convoquent, et réunir des experts qui
devraient apporter les solutions objectivement les meilleures. Ce dessein se manifeste
essentiellement dans la technique des comités »94. Ceci nous montre comment les comités, qui
ont d’abord un rôle d’assistance du conseil pour des problèmes techniques, peuvent avoir des
répercussions en matière de contrôle. La corporate governance voit les comités comme un
moyen de prendre des décisions techniquement opportunes en donnant une information
complète aux actionnaires. En favorisant la transparence lors des prises de décision, les
comités faciliteraient le contrôle de la direction.
Dans la pratique actuelle, les sociétés cotées sont souvent dotées d’un ou plusieurs de ces
comités. Largement implanté à la demande expresse de la C.O.B., le comité des comptes ou
comité d’audit est manifestement le plus répandu. Le rapport Bouton95 avait consacré de
substantiels développements à ces comités et notamment à trois d’entre eux : le comité des
comptes, le comité des rémunérations et le comité des nominations. Les comités d’audit et des
rémunérations devraient, selon les prescriptions du rapport Bouton, être composés
majoritairement d’administrateurs indépendants, ce qui est en accord avec le rôle de contrôle
qu’ils pourraient avoir à jouer. Le comité des nominations joue lui un rôle dans la sélection de
ces administrateurs indépendants, c’est à lui qu’il reviendrait de débattre de cette qualité et de
donner son avis au conseil d’administration.
Le rôle de ces comités à proprement parler est de pallier à l’une des critiques adressées au
conseil d’administration. On a vu qu’il lui est reproché de se présenter trop souvent en
chambre d’enregistrement, sa mauvaise et tardive information l’empêchant d’assurer une
maîtrise réelle de la direction. Ces comités ont pour mission de faciliter le fonctionnement du
conseil et de concourir efficacement à la préparation des décisions. Plusieurs comités peuvent
94 LE CANNU (P.), Légitimité du pouvoir et efficacité du contrôle dans les sociétés par actions, Bull. Joly 1995,§ 227, p. 644, n°23.95 BOUTON (D.), Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées, 23 septembre 2002, p. 11 et s.
64
être institués. D’après le rapport Bouton, chacun de ces comités devrait établir un règlement,
approuvé par le conseil, précisant ses attributions et les modalités de son fonctionnement, il
devrait établir des comptes rendus d’activité au conseil et le rapport annuel devrait comporter
un exposé sur l’activité de chacun de ces comités.
Le comité des comptes ou comité d’audit a pour objectif de répondre aux exigences du
marché de transparence, de développement du contrôle au sein de la société, et de fiabilisation
de son information financière. En ce qui concerne sa composition, il réunit, à l’exclusion des
dirigeants, des administrateurs dotés d’une compétence financière et comptable, dûment
informés des spécificités comptables, financières et opérationnelles de l’entreprise et dont les
deux tiers au moins sont indépendants. Sa mission n’est pas détachable de celle du conseil
d’administration qui a la responsabilité d’arrêter les comptes sociaux et d’établir les comptes
consolidés. Il doit s’assurer de l’indépendance des commissaires aux comptes et examiner les
procédures de l’établissement des comptes. Mais, comme le précisait M. Le Cannu96, il peut
également rendre des services pour permettre aux membres du conseil, voire directement aux
actionnaires, de mieux comprendre les aspects comptables et financiers de la gestion.
Le comité des rémunérations serait chargé de veiller à ce que tous les cadres de la société,
même les plus hauts dans l’échelle sociale, reçoivent une rémunération non excessive et
équitable. Il ne doit comporter aucun mandataire social et doit comprendre en majorité des
administrateurs indépendants. La compétence du conseil d’administration en matière de
détermination de la rémunération du président, du directeur général et des directeurs généraux
délégués ne doit pas être modifiée. Le comité aurait un rôle fondamental dans la détermination
de la part variable de cette rémunération, il déterminerait les règles de fixation de cette part, il
apprécierait l’ensemble des rémunérations et avantages perçus par ces dirigeants, le cas
échéant d’autres sociétés du groupe, y compris les avantages en matière de retraite et les
avantages de toute nature. S’agissant des « stock-options », le rapport Bouton recommande : la
suppression de toute décote lors de l’attribution des options ; un débat au sein du comité des
rémunérations sur la politique générale d’attribution des options et la définition de la
périodicité des attributions. En ce qui concerne la rémunération des administrateurs, le rapport
précise que le mode de répartition de cette rémunération (arrêté par le conseil d’administration
mais dont le montant global est décidé par l’assemblée générale) devrait tenir compte de
65
l’assiduité des administrateurs au conseil et dans les comités et donc comporter une part
variable. Le rapport Bouton affirme par ailleurs clairement le rôle de contrôle du comité des
rémunérations : « la politique de rémunération des dirigeants est une composante majeure de
la bonne gestion… Le contrôle de cette politique par le comité des rémunérations et le conseil
d’administration doit être un élément essentiel du gouvernement d’entreprise »97.
Le comité des nominations peut être distinct ou non du comité des rémunérations auquel est
associé le président en exercice. Il devrait organiser une procédure destinée à sélectionner les
futurs administrateurs indépendants et réaliser ses propres études sur les candidats potentiels
avant qu’aucune démarche ne soit faite auprès d’eux.
Bien que ce ne soit pas leur rôle principal, qui est d’aider à la décision en apportant une
compétence technique, les comités, institués par décision du conseil d’administration, sont
amenés, de manière indirecte, à contrôler la direction. En effet, dans la mesure où ils seront
composés majoritairement d’administrateurs indépendants, ils seront amenés à faire des
propositions raisonnables et dans l’intérêt de la société, au conseil d’administration. De plus,
ils peuvent jouer un rôle dans la clarification de l’information délivrée aux actionnaires. Ces
derniers ont donc intérêt à choisir des administrateurs qui seront favorables à la création de
ces comités. Mais les actionnaires peuvent également choisir d’insérer dans les statuts des
clauses visant la mise en place d’organes spécifiques, les censeurs.
§ 2 : Les censeurs
Dans certaines sociétés, en particulier financières ou immobilières, les statuts prévoient la
désignation de censeurs par l’assemblée générale. Ces censeurs ne sont pas prévus par les
textes, ils sont une création de la pratique qui est considérée comme licite puisqu’elle n’est
pas prohibée. Il semble que les censeurs soient apparus au XIXème siècle98, ils préfiguraient à
l’époque les « commissaires », dont la désignation ne fut rendue obligatoire que par la loi du
29 mai 1863, puis par celle du 24 juillet 1867. D’après M. Vasseur, ils « ont bien été les
ancêtres et les homologues des commissaires »99. Toutefois, lorsque la désignation de
commissaires aux comptes fut rendue obligatoire, certaines sociétés, entièrement privées,
cumulèrent les deux institutions. Aujourd’hui, nombre de sociétés anonymes privées sont
97 BOUTON (D.), Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées, 23 septembre 2002, p. 14.98 VASSEUR (M.), Une création de la pratique : les censeurs dans les sociétés anonymes, D. 1974, Chroniquep. 13, n°2.99 VASSEUR (M.), op. cit., p. 13, n° 3.
66
dotées de censeurs, présentés parfois sous l’appellation de « collège des censeurs », même s’il
est vrai que l’institution est plus développée dans les secteurs financier et immobilier.
Les statuts d’une société peuvent donc prévoir leur existence et leurs fonctions, et celles-ci
sont licites dès lors que se trouvent respectées les attributions légales de gestion, de contrôle
ou de surveillance des divers organes sociaux prévus par la loi. Dans les cas où la désignation
de censeurs n’est pas prévue par les statuts, elle résulte alors d’une décision de l’assemblée
générale des actionnaires100. Institution statutaire ou non, les censeurs trouvent leur origine
dans le domaine purement contractuel : ils sont voulus par les actionnaires et acceptés par eux.
Ils ont en général pour mission de veiller à l’application des statuts et de surveiller la
gestion101.Parfois, ils sont chargés de présenter un rapport aux actionnaires et un pouvoir
d’investigation leur est reconnu. Ils assistent aux séances du conseil d’administration à titre
consultatif. « C’est le moyen élégant de donner à des actionnaires droit de regard et
témoignage de satisfaction »102. Même si aujourd’hui, leur vocation naturelle n’est plus tant de
surveiller, du fait de la présence des commissaires aux comptes et, le cas échéant, du conseil
de surveillance, ils sont les représentants des actionnaires ou des banques auprès du conseil et
font bénéficier celui-ci de leur avis et de leurs conseils. Cependant, d’après T. Jacomet et A.
Cuisance103, le rôle des censeurs implique la surveillance de la gestion de la société,
notamment en ce qui concerne la sauvegarde de l’intérêt social, et le respect du droit des
minoritaires. Selon M. Vasseur, dans les sociétés qui n’ont que peu d’actionnaires, il est
possible, en ajoutant administrateurs et censeurs, de permettre à tous les actionnaires d’être
présents aux délibérations du conseil d’administration et de réaliser une sorte de
« gouvernement d’assemblée », même si les censeurs n’ont que voix consultative.
Pour la C.O.B., les interventions des censeurs doivent se limiter à un strict rôle de conseil et
ne constituer que des consultations n’engageant pas les organes légaux qui restent toujours
libres d’apprécier la suite à donner aux observations faites par les censeurs.
Même si les censeurs ne jouent plus le rôle de véritables surveillants qu’ils jouaient à l’origine
dans certaines sociétés privées tenues en mains par les pouvoirs publics comme la Banque de
France ou le Crédit foncier de France, ou encore le Crédit national104, ils existent encore dans
certaines sociétés. Dans ces dernières, ils jouent un rôle plus ou moins actifs, l’assistance au
100 CALENDINI (J-M.), Les comités de direction, Bull. Joly 1992, § 272, p. 856, n° 16.101 MESTRE (J), VELARDOCCHIO (D.), BLANCHARD-SEBASTIEN (C.), Sociétés commerciales, Paris :Lamy, 2002, p. 1277, n° 1277.102 MESTRE (J), VELARDOCCHIO (D.), BLANCHARD-SEBASTIEN (C.), op. cit., p. 1277, n° 1277.103 JACOMET (T.), CUISANCE (A.), Les censeurs, Bull. Joly 1993, p. 723, § 210, n°2.104 VASSEUR (M.), op. cit., p. 13, n°2.
67
conseil avec voix délibérative paraît être la fonction minimum qui leur est reconnue. Ensuite,
selon les cas, ils peuvent contrôler l’exécution des statuts, examiner les comptes voire même
présenter un rapport à l’assemblée générale.
Différents moyens sont donc à la disposition des actionnaires pour contrôler la gestion opérée
par la direction et prévenir les conséquences néfastes de celle-ci. Cependant, dans les cas où
les actionnaires n’auraient pas pu effectuer ce contrôle préventif, ils ne sont pas dépourvus,
dans la mesure où un contrôle curatif est possible grâce aux actions qu’ils vont pouvoir
intenter contre les dirigeants qui n’auraient pas correctement géré la société.
68
CHAPITRE DEUX : LE CONTRÔLE CURATIF : LESACTIONS
Nous avons vu que l’amélioration de l’information et de la transparence, ainsi que la mise en
place d’organes spécifiques permettent un contrôle positif des actionnaires. Pour les
spécialistes anglo-saxons, l’interventionnisme des actionnaires est de nature à améliorer les
performances de la société105.
Mais si les actionnaires constatent que les dirigeants ne gèrent pas la société de façon correcte,
conformément à l’intérêt social, ou s’ils constatent des fautes de gestion, il faut également leur
permettre de réagir, sinon, leurs constatations resteront sans suite. C’est pourquoi, pour que le
contrôle soit efficace, il doit pouvoir donner lieu à des mesures de sanction. La peur de la
sanction est un moyen de rendre le contrôle efficace. Il s’agit alors ici d’un contrôle curatif.
On peut une nouvelle fois faire un rapprochement avec la corporate governance dont la raison
d’être est de donner aux actionnaires les moyens de lutter efficacement contre les déviances
supposées de la technocratie managériale. L’arme la plus efficace qui vient à l’esprit pour
sanctionner un dirigeant est son remerciement, c’est-à-dire sa révocation. Avant la loi relative
aux nouvelles régulations économiques, la révocation du président du conseil d’administration
et des administrateurs intervenait ad nutum : sans motif, sans préavis, sans indemnité. Les
membres du directoire eux, obéissaient à un régime de révocation pour justes motifs. Avec la
loi du 15 mai 2001 a été introduite la possibilité de dissocier les fonctions de président du
conseil d’administration et de directeur général. Dans ce cas, le directeur général sera
désormais soumis au régime de la révocation pour justes motifs. Il semble donc que les
actionnaires mécontents de la gestion de leurs dirigeants seront tentés de révoquer ceux-ci,
quel que soit le régime de révocation auquel ils sont soumis. Cependant, cette révocation n’est
pas à la portée de tous, seulement des majoritaires. En effet, les actionnaires majoritaires
pourront, lors de l’assemblée générale, obtenir la révocation des membres du conseil
d’administration, du directoire, ou du directeur général unique. Le conseil d’administration, et
donc les administrateurs majoritaires, pourront obtenir la révocation du président du conseil
et, si les fonctions sont dissociées, du directeur général. C’est ce qui s’est passé aux Etats-
105 RODOLPHE (P.), Richesses et dangers du gouvernement d’entreprise, P.A. 22 avril 1998, p. 10.
69
Unis et en Grande-Bretagne où des dirigeants ont été révoqués suite à une gestion de la société
ne tenant pas suffisamment compte de l’intérêt des actionnaires non dirigeants.
Cependant, dans certains cas où les dirigeants ne commettent pas de faute de gestion mais ne
gèrent la société que dans leur intérêt ou dans l’intérêt des majoritaires, avec la collaboration
ou du moins, l’absence de mise en garde des organes de contrôle, eux-mêmes désignés par les
majoritaires, la révocation sera nettement plus difficile à obtenir, car elle ne peut être obtenue
que par les majoritaires qui n’ont, en l’espèce, aucune raison de la demander. Un contrôle des
actionnaires doit donc être possible autrement. C’est la raison pour laquelle d’autres moyens
d’actions doivent être reconnus aux actionnaires. Certains auteurs ont alors souligné les
risques qu’un interventionnisme trop important des actionnaires feraient courir à
l’entreprise106. Selon eux, cet interventionnisme, même motivé par une série de scandales
financiers, peut constituer un risque de déstabilisation de l’entreprise et aggraver ses
difficultés. Dans l’excès, il peut être un amplificateur dangereux et avoir des effets désastreux
qui risquent non seulement de déstabiliser la direction de l’entreprise mais également de
détériorer l’image de la société. En effet, les dirigeants d’entreprise sont déjà soumis à
diverses pressions, notamment celle des syndicats et des concurrents.
Les actionnaires ont donc la possibilité d’exercer un certain nombre d’actions de nature à leur
permettre de faire pression sur les dirigeants pour que ceux-ci n’échappent pas à tout contrôle
(Section 1). De telles actions pouvant être coûteuses et subordonnées à la détention d’une
fraction minimale du capital, la loi et la jurisprudence ont reconnu des dispositifs pour en
faciliter l’exercice (Section 2), ce qui renforce, par la même occasion, l’efficacité du contrôle,
la sanction ayant de plus grandes chances d’intervenir.
106 RODOLPHE (P.), Richesses et dangers du gouvernement d’entreprise, P.A. 22 avril 1998, p. 10.70
Section 1 : Les différentes actions à la disposition des actionnaires
Il n’a pas fallu attendre le débat sur le gouvernement d’entreprise pour que se pose la question
de l’information des actionnaires et des actions spécifiques à leur reconnaître. Cependant, la
médiatisation de certains scandales au sein d’importantes sociétés a amené à s’interroger sur
l’efficience du contrôle exercé par les actionnaires sur la gestion des entreprises.
L’amélioration des dispositifs d’information et d’action des actionnaires est donc apparue
comme un facteur de « régulation » de l’entreprise et plus spécialement comme un
rééquilibrage du contrôle de la gestion de la société au profit des apporteurs de capitaux. Le
contrôle effectué par les actionnaires apparaît indissociable de la protection offerte aux
actionnaires minoritaires dans la mesure où les actionnaires majoritaires qui choisissent les
organes de gestion ont a priori moins de raisons de contrôler ou contester la gestion opérée par
ces derniers. Nous allons donc voir que la loi NRE a renforcé le droit d’action des actionnaires
minoritaires (§ 1), et parmi ces actions nous allons nous intéresser en particulier à l’action en
responsabilité contre les dirigeants sociaux (§ 2).
§ 1 : Le renforcement du droit d’action des actionnaires minoritaires
Le droit d’action des actionnaires minoritaires va se trouver renforcé du fait de l’abaissement
des seuils requis pour l’exercice de certains droits de contrôle (A), ainsi que par le
réaménagement de la procédure d’injonction de faire (B).
A) L’abaissement des seuils requis pour l’exercice de certains droits de contrôle
Ce renforcement du droit d’action des actionnaires minoritaires s’exprime tout d’abord par
une ouverture plus large des actions soumises à la condition de détention d’un pourcentage
minimal de capital social. Techniquement, cela se traduit par un abaissement du seuil de
détention de 10 à 5 % du capital social. Cela facilite le déclenchement de ces actions par une
augmentation du nombre des actionnaires bénéficiaires. Désormais, le droit de demander la
révocation ou la récusation des commissaires aux comptes (articles L. 225-230 et L. 225-233
du Code de commerce), le droit de poser par écrit des questions sur tout fait de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation (article L. 225-232), de demander en justice la
désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée (article L. 225-103), de
demander la désignation d’un expert de gestion (article L. 225-231) ou de demander la
71
liquidation judiciaire de la société (article L. 237-14) requièrent la détention d’un pourcentage
de capital réduit de moitié par rapport à la situation antérieure.
Ce nouveau seuil de 5% sera plus facile à atteindre, surtout qu’il est toujours possible pour les
actionnaires de se regrouper. Par conséquent, les actionnaires minoritaires se voient dotés de
« moyens de contestation et de contrôle plus accessibles et favorisant l’adoption d’un
comportement d’actionnaires actifs. »107. L’élargissement de l’accès à ces actions spécifiques
présente la plus grande utilité dans les sociétés cotées où l’ancien seuil de 10% était souvent
hors d’atteinte pour un nombre important de minoritaires.
Il est intéressant de remarquer que le seuil de 5%, qui peut paraître arbitraire, se généralise en
droit des sociétés et tend à devenir le seuil de référence à l’égard des minoritaires. En effet,
c’est celui qui est retenu par le législateur en matière d’offre publique de retrait ou de retrait
obligatoire dans les sociétés cotées, il servait également de référence dans le régime des
conventions réglementées, depuis que la loi encadrait les conventions conclues entre la société
et l’un de ses actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 5%,
cependant, ce dernier seuil a été remonté à 10% par la loi de sécurité financière du 1er août
2003.
Le réveil constaté chez les actionnaires semble donc encouragé par le législateur qui facilite
leurs actions, et leur permet ainsi de contrôler effectivement l’action des dirigeants et de la
sanctionner quand bon leur semble. Ce renforcement des moyens d’action des actionnaires se
traduit également par le réaménagement de la procédure d’injonction de faire.
B) Le réaménagement de la procédure d’injonction de faire
La loi NRE a renforcé le dispositif prévu aux articles L. 225-119 du Code de commerce et 143
du décret du 23 mars 1967 prévoyant la faculté pour le président du tribunal de commerce
d’ordonner à la société, sous astreinte, la communication aux actionnaires de certains
documents. La loi NRE a intégré ce dispositif dans un chapitre spécial du Code de commerce,
le chapitre VIII du livre II du titre III, intitulé « Des injonctions de faire ». Le nouvel article L.
238-1 du Code de commerce est fondé sur une alternative offerte à tout associé ou tout
actionnaire de demander au président du tribunal de commerce statuant en référé soit
d’enjoindre sous astreintes la communication de documents sociaux, soit de désigner un
mandataire chargé de procéder à ladite communication. Le mécanisme tend donc à garantir107 GODON (L.), La protection des actionnaires minoritaires dans la loi relative aux nouvelles régulationséconomiques, Bull. Joly 2001, § 166, p. 728.
72
l’effectivité du droit d’accès des associés à certains documents sociaux. C’est une véritable
mesure de contrainte, destinée à vaincre la résistance des dirigeants. C’est également un
véritable moyen de pression.
La demande adressée au juge n’est subordonnée à la détention d’aucun pourcentage minimal
de capital. Les documents sociaux pouvant faire l’objet de la demande sont ceux visés aux
articles L. 225-115 et suivants du Code de commerce, c’est-à-dire tous les documents dont
l’actionnaire doit recevoir communication avant l’assemblée générale ainsi que ceux dont ils
peut demander la communication. Le montant de l’astreinte est librement fixé par le juge, afin
d’en assurer le caractère comminatoire. L’astreinte et les frais de procédure sont à la charge
des administrateurs, des dirigeants ou du liquidateur mis en cause et non de a société elle-
même, ce qui constitue un moyen de pression supplémentaire sur ces personnes, de nature à
les inciter à s’exécuter spontanément, ce qui facilitera le contrôle que souhaiteront exercer les
actionnaires.
Quant au montant de l’astreinte, on peut se demander s’il devrait profiter à l’ensemble des
associés , créanciers du droit de communication ou seulement à ceux qui n’ont pu obtenir des
dirigeants l’information réclamée et qui ont mis en œuvre la procédure d’injonction. Il semble
plus logique qu’elle profite à l’ensemble des associés, ainsi il n’y aura pas de risque pour les
associés demandeurs de se voir reprocher un enrichissement injustifié.
L’autre possibilité instituée par l’article L. 238-1 consiste en la désignation d’un mandataire
chargé de procéder à la communication des documents sociaux en se substituant aux
dirigeants récalcitrants. On peut voir dans cette possibilité une nouvelle consécration du
mandat ad hoc qui confirme l’efficacité de ce procédé pour régler les conflits en droit des
sociétés.
Diverses actions sont donc offertes aux actionnaires mécontents de la gestion des dirigeants de
la société, ou souhaitant obtenir des éclaircissements sur certaines opérations. La plus radicale
reste cependant, outre leur révocation, qui ne pourra être obtenue que par les majoritaires, la
mise en cause de la responsabilité des dirigeants.
§ 2 : Les actions en responsabilité
La responsabilité des dirigeants peut être civile, pénale ou fiscale. En ce qui concerne la
protection des actionnaires qui ne participent pas à la gestion, ce sont les responsabilités
civiles (A) et pénales (B) qui vont nous intéresser.73
A) La responsabilité civile des dirigeants
On peut remarquer aujourd’hui que les actions en responsabilité civile intentées contre les
dirigeants se multiplient. Ce phénomène s’explique par le fait que les actions en responsabilité
sont une arme efficace aux mains des actionnaires minoritaires, qui ne disposent pas d’un
poids suffisant pour obtenir la révocation des dirigeants mais qui souhaitent lutter contre les
dérives constatées dans la gestion de la société. Il s’agit de la responsabilité des dirigeants au
sens strict, c’est-à-dire des administrateurs, du président du conseil d’administration, du
directeur général, des directeurs généraux délégués, et, dans les sociétés dualistes, des
membres du directoire. Les membres du conseil de surveillance sont soumis à un autre régime
de responsabilité puisqu’ils n’effectuent pas, à proprement parler, d’actes de gestion.
Sans que l’on sache très bien s’il s’agit d’une responsabilité contractuelle ou délictuelle,
l’article L. 225-251 du Code de commerce nous indique que les dirigeants de la société
anonyme sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société
ou envers les tiers, soit des violations des dispositions impératives de la loi ou des statuts, soit
des fautes commises dans leur gestion.
Les conditions de la responsabilité sont celles du droit commun : le demandeur doit prouver
une faute du dirigeant, un dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage. Quant
à la faute du dirigeant, elle s’apprécie in abstracto, par référence à la conduite d’un dirigeant
prudent, diligent et actif. Cependant, la comparaison sera effectuée avec un dirigeant de même
catégorie mais placé dans les mêmes circonstances que celles de l’auteur du dommage. Les
actionnaires qui souhaitent contrôler la gestion opérée par le dirigeant vont donc essayer de
détecter si un autre dirigeant, placé dans les mêmes circonstances, aurait agi de la même
façon.
En matière de responsabilité, les principales difficultés se rencontrent, non pas lorsqu’il est
reproché au dirigeant d’avoir violé la loi ou les statuts, ce qui est relativement facile à établir,
mais lorsqu’il leur est reproché d’avoir commis une faute de gestion. « Le critère de la faute
de gestion réside dans la notion d’intérêt social : sera jugé fautif le comportement du dirigeant
non conforme à l’intérêt de la société. »108. La gestion ne peut pas s’apprécier de manière
purement objective, ce n’est pas une science exacte, une entreprise peut être gérée de manière
tout à fait légale mais inopportune, le dirigeant sera alors coupable de faute de gestion. On
attend donc des dirigeants non pas des résultats précis mais une conduite raisonnable. Ils167, n°362.
74
peuvent prendre certains risques mais ne doivent pas mettre inutilement en péril la société, eu
égard aux informations dont ils disposent au moment où ils prennent la décision. La faute de
gestion peut être volontaire ou résider dans une imprudence ou une négligence, du moment
que celle-ci est suffisamment caractérisée. Par exemple, la confiance aveugle en la direction
générale et l’absence de tout contrôle de celle-ci constitue une faute. Le rapport dressé par
l’expert de gestion demandé par les minoritaires pourra fournir la preuve de cette faute de
gestion. Le dommage est, le plus souvent, constitué par une perte, voire par un manque à
gagner. Son évaluation se heurte à des difficultés car, compte tenu de l’imbrication des
différents actes de gestion, telle opération peut se solder par une perte, mais être
contrebalancée par les bénéfices ultérieurs qu’elle a permis de réaliser. En cas de pluralité de
dirigeants responsables, le tribunal doit décider, selon les règles du droit commun, si la
condamnation est conjointe ou solidaire en raison d’une faute commune et, le cas échéant,
déterminer la part contributive de chacun. La preuve du lien de causalité entre la faute du
dirigeant et le dommage est également souvent difficile à rapporter. En effet, l’ancienneté des
faits, ainsi que l’influence d’autres facteurs peut empêcher d’en apprécier l’exacte portée.
Les associés peuvent invoquer deux types de préjudice : lorsque l’associé demande la
réparation du préjudice occasionné à la société, il exerce l’action sociale ou action ut singuli ;
lorsqu’il demande la réparation d’un préjudice qu’il a subi personnellement, il exerce l’action
individuelle. Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action est de trois ans à compter
du fait dommageable ou à compter de sa révélation s’il a été dissimulé.
En ce qui concerne la réparation du préjudice social, ce sont normalement les dirigeants qui,
en tant que représentants de la personne morale, devraient agir en justice. C’est la finalité de
l’action sociale ut universi. Mais il est rare que les dirigeants entament eux-mêmes une action
destinée à les sanctionner. Il n’y a qu’en cas de changement de dirigeant que le successeur
n’hésitera pas à agir contre son prédécesseur. Quand les dirigeants causent un préjudice à la
société, et qu’ils n’agissent pas eux-mêmes, la défense du patrimoine social pourra néanmoins
être assurée grâce à l’action sociale ut singuli. Il s’agit de l’action sociale intentée par les
associés eux-mêmes, au nom et pour le compte de la société. Un associé peut l’exercer même
s’il ne possède qu’une seule action. Cette action a un caractère subsidiaire : son exercice par
l’associé suppose une carence des personnes ayant en principe vocation à représenter la
société. Ceci a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 décembre
2000109. La société doit être régulièrement mise en cause et être appelée à l’instance. Cette109 Cass. crim., 12 décembre 2000, JCP éd. E 2001, p. 253 ; Revue Lamy Droit des affaires 2001, n° 2354, p.28 ; Bull. Joly 2001, § 131, p. 508, note J-F. Barbieri ; DA 2001, Jurisprudence p. 1031, note M. Boizard ; Rev.
75
action est assez rarement intentée car les dommages-intérêts sont versés à la société alors que
c’est l’associé qui supporte le poids de la procédure sans en retirer le bénéfice direct. Pour
pallier à cet inconvénient, la loi autorise les actionnaires à se grouper : ils peuvent exercer
collectivement l’action dès lors qu’ils représentent une fraction du capital, calculée
dégressivement en fonction du montant de celui-ci, dans une fourchette allant de 5 à 0,5% de
ce montant (article 200 du décret du 23 mars 1967). Il y a là une exception à la règle « nul ne
plaide par procureur » car un seul actionnaire agit au nom et pour le compte de tous ceux qui
lui ont donné mandat. L’action peut encore être exercée par une association d’actionnaires ou
par une association agréée d’investisseurs. L’action sociale n’est pas paralysée par le quitus
que le dirigeant aurait obtenu de l’assemblée générale. Il faut dire que l’exercice ut singuli des
actions sociales est relativement rare, les actionnaires français préfèrent se constituer partie
civile, ce qui est possible chaque fois que les dirigeants ont commis une infraction.
Une autre action en responsabilité est ouverte à l’actionnaire, lorsque son préjudice est
personnel, distinct de celui subi par la société. Cette action n’est prévue par aucun texte
spécial, jusqu’à présent, la jurisprudence n’était pas très favorable à ce type de demande. Les
cas de préjudice personnel étaient assez rares. Un associé qui invoque une dépréciation de la
valeur de ses titres due à une mauvaise gestion des dirigeants ne caractérise pas un préjudice
individuel distinct du préjudice social ; le premier n’est que le corollaire du second ; la
demande en réparation doit en conséquence prendre la voie de l’action sociale110. La
jurisprudence semble s’être légèrement assouplie récemment, elle a décidé que la perte de
contrôle d’une société constituait un préjudice réparable111. La responsabilité civile des
dirigeants peut être directement mise en cause, mais le plus souvent l’actionnaire se
constituera partie civile lors du procès pénal.
B) La responsabilité pénale des dirigeants
Le droit pénal commun (escroquerie, faux, abus de confiance) ne suffisant pas à régir le droit
des sociétés, il est complété par de nombreuses infractions spéciales qui visent les dirigeants
sociaux de droit ou de fait. Les deux infractions les plus importantes sont l’abus des biens, du
Sociétés 2001, p. 865, note B. Bouloc ; Rev. Sociétés 2001, p. 323, note A. Constantin, RJDA 2001, n° 597, p.532.110 Cass. com., 1er avril 1997, Bull. Joly 1998, p. 650, note J-F. Barbiéri.111 Cass. com., 18 février 1997, Bull. Joly 1997, § 181, p. 441, note V. Pasqualini-Salerno.
76
crédit, du pouvoir ou des voix, et la présentation ou publication de comptes annuels ne
donnant pas une image fidèle.
En vertu de l’article L. 242-6-3° du Code de commerce, seront poursuivis pénalement les
dirigeants qui, de mauvaise foi, auront fait des biens ou du crédit de la société, des pouvoirs
qu’ils possédaient ou des voix dont ils disposaient, un usage qu’ils savaient contraire aux
intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise
dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement. Cette infraction est la plus
fréquemment poursuivie en droit des sociétés, les sanctions encourues sont lourdes : cinq ans
de prison et /ou 375000 euros d’amende. Ni la restitution ultérieure, ni la ratification unanime
par les actionnaires ne font disparaître l’infraction. Pour que l’infraction soit constituée, il faut
que les conditions d’incrimination soient remplies : il faut un élément matériel et un élément
intentionnel. L’élément matériel se dédouble : il est constitué par un acte d’usage pouvant
concerner les biens, le crédit, le pouvoir ou les voix, il faut par ailleurs que cet usage soit
contraire à l’intérêt social. En ce qui concerne l’élément moral, l’usage doit avoir été fait de
mauvaise foi et à des fins personnelles. Ces éléments nous montrent que cette infraction
permet à ceux qui en sont victimes, notamment les actionnaires, de contrôler et de sanctionner
une gestion contraire à l’intérêt social. Il en va de même du délit de présentation ou
publication de comptes infidèles ne donnant pas une image fidèle.
En effet, la qualité et la véracité de l’information sont essentielles au bon fonctionnement de
la société, du marché ainsi qu’à l’efficacité du contrôle que doivent réaliser les organes de
contrôle ainsi que les actionnaires. L’information donne notamment aux actionnaires les
moyens d’évaluer l'action des dirigeants, ce qui explique que les entreprises soient tentées de
présenter leurs comptes au mieux de leurs intérêts. C’est pourquoi l’article L. 242-6-2°
réprime le fait pour les dirigeants sociaux de publier ou de présenter sciemment, « en vue de
dissimuler la véritable situation de la société, des comptes annuels ne donnant pas, pour
chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation
financière et du patrimoine, à l’expiration de cette période ». Les comptes annuels
comprennent le bilan, le compte de résultat et l’annexe. La publication concerne tout procédé
de communication collective ayant pour but ou pour effet de faire connaître les comptes aux
tiers. La présentation est la soumission des comptes à l’assemblée générale des actionnaires en
vue de leur approbation. L’image sera considérée comme infidèle notamment si les comptes
sont irréguliers ou insincères. Quant à l’élément intentionnel de l’infraction, il est double : il
faut prouver la mauvaise foi des dirigeants ainsi que l’intention de dissimuler la véritable77
situation de la société. Cependant, ces deux éléments peuvent souvent être déduits de la
gravité des incorrections accomplies. La peine applicable est la même qu’en matière de délit
d’abus de biens sociaux, cinq ans d’emprisonnement et/ou 375000 euros d’amende.
Grâce à ces actions en responsabilité, les actionnaires peuvent faire pression sur les dirigeants
pour les inciter à gérer correctement la société. Elles leur permettent donc indirectement et a
posteriori de contrôler la façon dont la société a été gérée et de sanctionner, le cas échéant, les
dirigeants. Cependant, nous avons vu qu’elles sont coûteuses et que leur mise en œuvre est
parfois soumise à certaines conditions, c’est pourquoi le législateur et la jurisprudence ont
reconnu des dispositifs permettant aux actionnaires de se regrouper, ce qui leur permet d’avoir
plus de poids et d’exercer plus facilement ces actions.
Section 2 : Les dispositifs facilitant l’exercice de ces actions
Un certain nombre d’actions permettent donc aux actionnaires de contrôler l’activité et la
gestion des dirigeants. Cependant, ces actions sont la plupart du temps soumises à la détention
d’une fraction minimale du capital d’une part et relativement coûteuses d’autre part. C’est
pourquoi, afin de faciliter l’exercice de ces actions, différents dispositifs sont utilisés par les
actionnaires : les associations d’actionnaires (§ 1) ou les pactes d’actionnaires (§ 2).
§ 1 : Les associations d’actionnaires
Aux Etats-Unis, la pratique des associations d’actionnaires est bien ancrée112 tandis qu’en
France, elle ne s’est développée que récemment (A). Cependant, aujourd’hui, il existe
différents types d’associations regroupant des actionnaires (B), le plus souvent minoritaires.
Ces associations, qui agissent plus facilement en justice que les actionnaires individuellement
apparaissent alors comme un mode de protection de la minorité, le corollaire de cette
protection étant le contrôle qu’elle permet d’exercer sur la gestion des dirigeants.
A) La naissance des associations d’actionnaires
Les associations d’actionnaires et l’engouement qu’elles suscitent sont assez récents. La loi du
5 janvier 1988113, a créée, sur le modèle de l’association de consommateurs, l’association
112 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 15ème édition, Paris : Litec, 2002, p.345, n° 773.113 Loi n° 88-14 du 5 janvier 1988, Loi relative aux actions en justice des associations agréées de consommateurset à l’information des consommateurs.
78
d’investisseurs. La loi du 23 juin 1989114 permettait à des associations agréées de demander
réparation du préjudice subi par les investisseurs, à condition que celui-ci soit objectif.
Auparavant, la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 avait admis que l’action en désignation d’un
expert de gestion pouvait être intentée par des actionnaires groupés sous quelque forme que ce
soit, c’est-à-dire notamment au sein d’une association. Mais la jurisprudence refusait tout
droit d’action en justice aux associations, sous la seule exception des associations de défense
constituées en vue d’obtenir réparation d’un préjudice déterminé. Selon elle, une association
pouvait défendre collectivement la somme des intérêts individuels de ses membres, dès lors
que ceux-ci sont atteints individuellement et auraient pu agir personnellement en justice. Mais
cette faculté d’action demeurait limitée puisqu’elle ne permettait aux associations ni de se
porter partie civile ni de demander autre chose que des dommages-intérêts, notamment
l’annulation d’une décision entachée d’un abus de majorité. De plus, l’article 200 du décret du
23 mars 1967 permettait, en ce qui concerne l’exercice ut singuli de l’action en responsabilité
contre les dirigeants, aux demandeurs de charger un seul actionnaire d’agir en leur nom. La
constitution d’une association était par conséquent inutile.
Par la suite, le mouvement associatif en général s’est développé, avec les privatisations, les
actionnaires sont devenus plus nombreux, plus jeunes et plus actifs que les générations
précédentes115. Désormais, ces nouveaux investisseurs veulent comprendre les mécanismes
économiques et financiers, et acceptent difficilement « les explications, parfois plus
condescendantes que convaincantes, des dirigeants qui cherchent à justifier une gestion
médiocre ou routinière »116. On rejoint ici le mouvement de la corporate governance : dans les
deux cas, il s’agit de reconquérir le pouvoir accaparé par les managers et de forcer leur départ
s’ils ne sont pas efficaces.
La loi du 8 août 1994117 a introduit le nouvel article 172-1 dans la loi du 24 juillet 1966,
devenu l’article L. 225-120118 du Code de commerce. Ce faisant, elle a fait entrer l’association
114 Loi n° 89-421 du 23 juin 1989, Loi relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’àdiverses pratiques commerciales.115 GUYON (Y.), Faut-il des assemblées d’actionnaires et d’investisseurs ?, Rev. Sociétés 1995, p. 207, n°4.116 GUYON (Y.), op. cit., p. 207, n°4.117 Loi n° 94-679 du 8 août 1994, loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.118 Article L. 225-120 C.com : « I. Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marchéréglementé, les actionnaires justifiant d’une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenantensemble au moins 5% des droits de vote peuvent se regrouper en associations destinées à représenter leursintérêts au sein de la société. Pour exercer les droits qui leurs sont reconnus aux articles L. 225-103, L. 225-105,L. 225-230, L. 225-231, L. 225-232, L. 225-233, et L. 225-252, ces associations doivent avoir communiqué leurstatut à la société et à la Commission des opérations de bourse. II. Toutefois, lorsque le capital de la société est supérieur à 750 000 euros, la part des droits de vote à représenteren application de l’alinéa précédent, est, selon l’importance des droits de vote afférent au capital, réduite ainsiqu’il suit :
79
d’actionnaires dans la vie de toute société cotée. Cette loi a consacré l’existence des
associations qui regroupent les actionnaires d’une même société émettrice et leur a reconnu
certains droits si elles réunissent certaines conditions. Cependant, cette association n’était pas
d’un grand secours aux minoritaires car les conditions de détention des droits de vote et
d’inscription nominative depuis au moins deux ans n’étaient pas aisées à réunir. La loi de
sécurité financière a réformé ces conditions d’agrément pour les assouplir, les seuils ont été
abaissés : les associations pourront désormais être agréées (dans des conditions à fixer par
décret), après avis du ministère public et de l’AMF lorsqu’elles justifieront de six mois
d’existence, et pendant cette même période, d’au moins deux cents membres cotisant
individuellement, sous réserves que leurs dirigeants remplissent des conditions d’honorabilité
et de compétence qu’un décret fixera. De plus, les effets de l’association ont pu être qualifiés
de « dérisoires »119 car les actionnaires qui l’ont constituée n’obtiennent rien de plus que les
droits que la loi leur reconnaît déjà en l’absence de toute association.
B) Les différents types d’associations d’actionnaires
Il faut aujourd’hui distinguer, d’après I. Urbain-Parléani et M. Boizard120, trois types
d’associations. Tout d’abord, les associations de défense des actionnaires d’une société
déterminée qui peuvent se constituer à l’occasion d’un conflit ou d’un contexte conflictuel ou
indépendamment de tout conflit afin de veiller au respect des droits de leurs adhérents au sein
de la société. On peut citer comme exemple pour ce type d’associations l’Association pour
l’action Eurotunnel. Il y a ensuite les associations à vocation générale, qui regroupent des
actionnaires de différentes sociétés et qui on pour finalité de veiller au respect des droits des
minoritaires et de conseiller leurs adhérents. C’est ce que l’on appelle également les
associations d’investisseurs, terminologie qui doit normalement être réservée aux associations
agréées. L’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), présidée par Madame
Colette Neuville, entre dans cette catégorie d’association généraliste, ainsi que l’Association
Nationale des Actionnaires de France, constituée en 1972, agréée, et présidée par M. Tixier.
Enfin, existent les associations dites spécialisées, chargées de la représentation auprès des1° 4% entre 750000 euros et jusqu’à 4500000 euros2° 3% entre 4500000 euros et 7500000 euros3° 2% entre 7500000 euros et 15000000 euros4° 1% au-delà de 15000000 euros ».119 BRUNET (A.), Le contrôle des minoritaires, P.A. 14 oct. 1998, n° 123, p. 28, n°6.120 URBAIN-PARLEANI (I.), BOIZARD (M.), Statut des associations et bilan pratique, Rev. Sociétés 1995, p.217.
80
pouvoirs publics des porteurs de titres dont le remboursement a donné lieu à contentieux. Il
s’agit par exemple du Groupement national des porteurs de titres russes.
Selon leur statut, ces associations peuvent jouer un rôle plus ou moins important. Les
associations agréées sont habilitées à agir en justice devant toutes les juridictions, même par
voie de constitution de partie civile, pour obtenir réparation du préjudice collectif subi par
leurs membres. Depuis la loi du 8 août 1994, ces associations agréées peuvent également agir
en réparation du préjudice individuel causé à l’un de leurs membres, tant au civil qu’au pénal,
à condition que l’association bénéficie d’un mandat écrit de son adhérent. Enfin, l’association
agréée peut demander en justice la cessation de certaines pratiques illicites.
Quand l’association n’est pas agréée, elle est une simple association de regroupement des
actionnaires, privée du droit d’ester en justice pour obtenir réparation du préjudice individuel
ou collectif subi par ses adhérents. En revanche, si elle remplit les exigences de l’article L.
225-120 du Code de commerce, nous avons vu qu’elle peut exercer certains droits reconnus
aux actionnaires minoritaires. En effet, l’article L. 225-120 ouvre aux associations remplissant
ses exigences le droit de : provoquer la réunion d’une assemblée générale en demandant la
nomination d’un mandataire ad hoc, demander l’inscription d’un projet de résolution à l’ordre
du jour, poser des questions écrites sur tous faits de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation, demander la nomination d’un expert de gestion, demander en justice la
révocation ou le relèvement d’un commissaire aux comptes. L’association peut enfin agir en
responsabilité contre les administrateurs pour demander la réparation d’un préjudice social
mais non la réparation du préjudice individuel d’un actionnaire.
Quand l’association ne remplit pas les conditions de l’article L. 225-120, elle est une simple
association soumise à la loi de 1901, dont la capacité d’ester en justice est limitée.
Dans tous les cas, l’association joue ou peut jouer un rôle important en informant ses
membres, en les aidant à préparer un contentieux individuel ou en organisant le vote des
minoritaires aux assemblées. On assiste depuis quelques années à un certain activisme de ces
associations, qui n’hésitent pas, comme l’Association de défense des actionnaires
minoritaires, à demander des expertises de gestion ou à se livrer à de véritables batailles
juridiques pour obtenir l’annulation de certaines résolutions. D’autre part, elles s’organisent
pour contacter les actionnaires individuels avant les assemblées générales afin de recueillir
leurs procurations, ce qui leur permettra d’obtenir plus de poids lors des votes et d’éviter que
ces voix ne soient récupérées par les dirigeants. A titre d’exemple d’activité des associations
d’actionnaires, on peut signaler que l’Association des petits porteurs d’actions (Appac) a
81
déposé plainte au pénal le 11 juillet 2003 pour présentation de bilan erroné et abus de bien
social contre Jean-Marie Messier dans l’affaire Vivendi.
Le rôle de l’association d’actionnaires en matière de contrôle est donc d’aider les actionnaires
à s’organiser pour agir, à obtenir et transmettre l’information, enfin, en les regroupant, elle
leur permet d’atteindre les seuils de détention des droits de vote nécessaires à l’exercice de
certaines actions. Or, comme nous l’avons vu, ces différentes possibilités que facilite
l’association d’actionnaires participent d’un contrôle à la fois préventif et curatif de la gestion
de la société.
Il semble donc que les associations d’actionnaires soient finalement une technique permettant
aux actionnaires de se regrouper et de s’organiser. Ces buts sont également ceux visés par les
pactes d’actionnaires qui peuvent alors apparaître comme une autre technique possible
d’organisation de la minorité.
§ 2 : Les pactes d’actionnaires, technique possible d’organisation de la minorité
Les pactes d’actionnaires ou conventions de vote mettent en cause un droit fondamental de
l’actionnaire qui est le droit de vote. Cependant, c’est un outil très utilisé en droit des sociétés
et à des finalités très différentes. Il peut servir à renforcer les majoritaires, mais également à
faire acquérir des droits à la minorité. Ces pactes peuvent donc participer à la protection des
minoritaires, et donc, indirectement, au contrôle de la gestion de la société, s’ils ont pour but
de protéger ou d’organiser la minorité. Ils ont l’avantage sur l’association d’actionnaires d’être
plus flexibles. Ces conventions peuvent prendre des formes très différentes, cela peut aller de
l’accord tacite à la société holding en passant par la société en participation et par le syndicat
de blocage.
Les conventions de vote peuvent être individuelles ou collectives. S’agissant des minoritaires,
leur intérêt étant de se regrouper, on peut penser qu’ils auront tendance à utiliser plutôt des
conventions de vote collectives. La validité de celles-ci dépendra des modalités de
fonctionnement du groupement qui servira de support à la convention de vote. Au sein de ce
groupement, la liberté de vote de chaque actionnaire doit être préservée, c’est donc la règle de
l’unanimité qui doit s’appliquer. Une fois qu’une décision a été prise à l’unanimité au sein du
groupement, elle donnera lieu à un vote conforme au sens décidé par les actionnaires membres
de la convention lors de l’assemblée générale. C’est la jurisprudence du Journal de l’Oeuvre121
121 Trib. Com. La Seyne, 11 janv. 1938, Journal des Sociétés 1938, p. 301 et s., note H. Bosvieux.82
qui a permis l’orientation du sens du vote. Aujourd’hui, les conditions de validité des
conventions de vote sont fixées par la jurisprudence Métaleurop122. La convention doit être
limitée à l’opération concernée, donc dans le temps et dans l’objet, elle doit être conforme à
l’intérêt social et ne doit pas comporter de fraude ; enfin, elle doit préserver le droit de
participer de tous les actionnaires. Or, l’action des minoritaires peut ne concerner qu’une
opération, l’annulation d’une résolution par exemple, elle est conforme à l’intérêt de la société
si elle a pour but de parvenir à ce que la société soit bien gérée, selon ses modalités, elle
pourra parfaitement être exempte de toute idée de fraude et préserver la liberté de participer de
tous les actionnaires. On voit donc que les minoritaires peuvent tout à fait trouver dans ces
conventions de vote un moyen de s’organiser, une alternative aux associations d’actionnaires.
Cependant, les actionnaires minoritaires usent aujourd’hui plus des associations d’actionnaires
tandis que les « gros » actionnaires se tournent davantage vers le pacte d’actionnaires123.
122 Paris, 30 juin 1995, Métaleurop, JCP éd. E 1996, Jurisprudence p. 795, note J-J. Daigre.123COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 15ème édition, Paris : Litec, 2002, p.345, n° 773.
83
CONCLUSION
On voit donc que si les modalités classiques d’exercice du contrôle, via le conseil
d’administration ou de surveillance et les commissaires aux comptes, ne sont pas toujours
d’une efficacité redoutable, l’accroissement de l’actionnariat ainsi que le réveil des
actionnaires a permis de mettre à profit des instruments offerts par la loi pour pratiquer un
certain contrôle d’une façon renouvelée. De plus, certaines techniques, facultatives ou du
moins, non prohibées par les textes, ont également été exploitées par les actionnaires pour
s’organiser et jouer le rôle de surveillance qui leur était initialement dévolu dans la société
anonyme, rôle qu’ils avaient confié aux différents organes de contrôle de cette société. Le
contrôle dans les sociétés anonymes s’exerce donc de manière de plus en plus active et des
mesures sont régulièrement prises pour parvenir à un contrôle le plus efficace possible.
84
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Cass. Com. 19 octobre 1999, Droit des sociétés 2000, n° 12 et 13, p. 14, note D. Vidal ; RTDCom 2000, p. 119, note C. Champaud et D. Danet ; Bull. Joly Soc. 2000, p. 43, § 6, note F.Pasqualini et V. Pasqualini-Salerno, RJDA 2000, n° 36, p. 40 ; RJC 2001, p. 77, noteNemedeu.
Cass. Crim. 12 décembre 2000, JCP éd. E 2001, p. 253 ; Revue Lamy Droit des affaires 2001,n° 2354, p. 28 ; Bull. Joly Soc. 2001, p. 508, § 131 , note J-F. Barbieri ; DA 2001,Jurisprudence p. 1031, note M. Boizard ; Rev. Sociétés 2001, p. 865, note B. Bouloc ; Rev.Sociétés 2001, p. 323, note A. Constantin, RJDA 2001, n° 597, p. 532.
T Com Paris 27 juin 2002, JCP éd. E 2002, p. 1169, Droit des sociétés janvier 2003, n° 2, p.15, note D. Vidal ; Bull. Joly Soc. 2002, § 212, note A. Couret ; JCP éd. E 2002,Jurisprudence n° 1253, p. 1390, note A. Viandier ; RJDA 2002, n° 1039, p. 880.
Cass. Com. 17 décembre 2002, D. 2003, Actualité jurisprudentielle p. 279, note A. Liehnard.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION…………………………………………………………………………p. 2.
PREMIERE PARTIE : L’EFFICACITE LIMITEE DE L’EXERCICE CLASSIQUE DU
CONTRÔLE……….……………………………………………………………………...p. 11.
CHAPITRE UN : L’ORGANE DE CONTRÔLE INTERNE : LE CONSEIL
D’ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE…………………………………..…p. 13.
Section 1 : Le conseil d’administration….………………………………………………..p. 14.
§1 : La mission de contrôle du conseil d’administration………………..………...p. 14.
A) Historique de la mission de contrôle……...……………………………p. 15.
B) Consécration législative de la mission de contrôle……………………..p. 17.
§2 : L’efficacité limitée de ce contrôle………………..…………………………...p. 19.
A) Les raisons de l’inefficacité…………………………………………….p. 19.
B) La solution de la loi relative aux nouvelles régulations économiques : la
dissociation des fonctions…………………………………………………………………p. 24.
Section 2 : Le conseil de surveillance : l’ineffectivité d’une structure sociétaire prévue par le
législateur………………………………………………………………………………….p. 26.
§1 : La fonction théorique de contrôle du conseil de surveillance………………...p. 27.
§2 : Le détournement d’une structure prévue par le législateur…………...………p. 29.
CHAPITRE DEUX : L’ORGANE EXTERNE DE CONTRÔLE : LE COMMISSAIRE AUX
COMPTES………………………………………………………………………………...p. 34.
Section 1 : La mission des commissaires aux comptes………………..…………………..p. 35.
§1 : La mission principale de contrôle des comptes……………………...………..p. 36.
§2 : Les missions particulières………..…………………………………………...p. 39.
Section 2 : Les limites à l’efficacité de cette mission…………...………………………...p. 43.
§1 : Les difficultés liées au statut des commissaires aux comptes…………..……p. 43.
§2 :Les difficultés inhérentes à la mission même du commissaire aux comptes….p. 46.
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DEUXIEME PARTIE : L’EXERCICE RENOUVELE DU CONTRÔLE……………….p. 50.
CHAPITRE UN : LE CONTRÔLE PREVENTIF………………...……………………...p. 52.
Section 1 : Le droit à l’information……………….………………………………………p. 54.
§1 : Les enjeux de l’information…..………………………………………………p. 54.
A) L’importance de l’information pour les actionnaires…………………..p. 54.
B) Les différents droits réalisant cette information………………………..p. 55.
§2 : L’expertise de gestion……..………………………………………………….p. 58.
Section 2 : Les organes facultatifs aménageant un certain contrôle………...…………….p. 62.
§1 : Les comités d’études………………………………………..………………...p. 62.
A) Des comités prévus par les textes………………………………………p. 62.
B) Le renouveau de ces comités…………………………………………...p. 63.
§2 : Les censeurs……..……………………………………………………………p. 66.
CHAPITRE DEUX : LE CONTRÔLE CURATIF : LES ACTIONS……………………p. 68.
Section 1 : Les différentes actions à la disposition des actionnaires……..……………….p. 70.
§1 : Le renforcement du droit d’action des actionnaires minoritaires……………..p. 70.
A) L’abaissement des seuils requis pour l’exercice de certains droits de
contrôle……………………………………………………………………………………p. 70.
B) Le réaménagement de la procédure d’injonction de faire………...……p. 71.
§2 : Les actions en responsabilité……………………….………………………...p. 73.
A) La responsabilité civile des dirigeants…………………...…………….p. 73.
B) La responsabilité pénale des dirigeants………………..………………p. 76.
Section 2 : Les dispositifs facilitant l’exercice de ces actions……………………………..p. 77
§1 : Les associations d’actionnaires...……………………………………………..p. 78.
A) La naissance des associations d’actionnaires…………………………..p. 78.
B) Les différents types d’associations d’actionnaires……………………..p. 80.
§2 : Les pactes d’actionnaires, technique possible d’organisation de la minorité...p. 82.
CONCLUSION……………………………………………………………………………p. 84.
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