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Presses Universitaires du Mirail La découverte de l'Amérique ? Les regards sur l'autre à travers les manuels scolaires du monde. Coll. Recherches et documents Amérique Latine by J. PÉREZ SILLER Review by: Michel BERTRAND Caravelle (1988-), No. 62, L'EXPRESSION DES IDENTITÉS AMÉRICAINES A PARTIR DE 1492: LES "ÉCRANS DE L'HISTOIRE" 1992 (1994), pp. 275-279 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40852300 . Accessed: 14/06/2014 07:07 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.20 on Sat, 14 Jun 2014 07:07:18 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'EXPRESSION DES IDENTITÉS AMÉRICAINES A PARTIR DE 1492: LES "ÉCRANS DE L'HISTOIRE" 1992

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Presses Universitaires du Mirail

La découverte de l'Amérique ? Les regards sur l'autre à travers les manuels scolaires du monde.Coll. Recherches et documents Amérique Latine by J. PÉREZ SILLERReview by: Michel BERTRANDCaravelle (1988-), No. 62, L'EXPRESSION DES IDENTITÉS AMÉRICAINES A PARTIR DE 1492: LES"ÉCRANS DE L'HISTOIRE" 1992 (1994), pp. 275-279Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40852300 .

Accessed: 14/06/2014 07:07

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C.M.H.L.B. CARAVELLE n° 62, pp. 275-321, Toulouse, 1994

Comptes Rendus

J. PÉREZ SILLER (coord.). - La découverte de l'Amérique Ì Les regards sur Vautre à travers les manuels scolaires du monde. Coll. Recherches et documents Amérique Latine, L1 Harmattan/Geo rg- Eckert-Institut, Paris, 1992. Ce travail collectif s'inscrit dans la lignée de l'ouvrage désormais

classique de M. Ferro sur l'histoire telle qu'elle est racontée dans les manuels scolaires, publié en 1981. Cependant, une première originalité apparaît d'entrée de jeu : l'ampleur de la matière consultée. Le livre propose en effet l'analyse de 1 50 manuels scolaires utilisés dans 70 pays ! C'est presque à une confrontation planétaire que nous convient les auteurs de l'ouvrage. Partant d'un événement à "valeur universel", ou en tout cas vécu et présenté comme tel, les contributions permettent de confronter la présentation qui en est donnée dans les grandes aires géo-culturelles de la planète. Car, comme le rappelle J. Pérez Siller, cette source particulière révèle tout à la fois l'importance que chacun accorde à l'événement consi- déré, mais aussi la perception que l'on en a (p. 12). Ce survol mondial permet de débusquer tout à la fois le poids des ethnocentrismes, mais surtout celui de la domination des références occidentales. Car, quel que soit le sens que l'on donne aux concepts de "découverte" et "conquête" de l'Amérique, leur simple emploi signifie à terme une détermination, un positionnement selon des références et des probléma-tiques occidentales. La démarche débouche alors sur le constat de la force de l'autorité européenne dont finalement nul ne conteste réellement la réalité. Ce n'est pas là le moindre des intérêts de ce travail que de faire surgir cette vérité toujours difficile à avouer ou à admettre et pourtant bien présente.

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La présentation des ouvrages s'organise autour de 4 regroupements continentaux, chaque ensemble étant ensuite découpé en sous-ensembles régionaux. Dans un deuxième temps, deux dernières parties tentent une analyse synthétique des réalités mises à nu dans les chapitres antérieurs. Si l'ensemble de l'ouvrage présente un réel attrait, les trois chapitres consacrés à l'analyse des manuels dans les divers pays d'Amérique latine méritent d'être distingués du corps de l'ouvrage par le grand intérêt que suscite leur lecture.

La vision du passé offerte par ces manuels scolaires est principalement soumise aux contraintes du patriotisme moderne. C'est ainsi que la présentation de la découverte et de la colonisation de l'espace américain se fait toujours de manière unilatérale. La vision des vaincus n'y est jamais introduite. La conquête, malgré ses violences, prend un caractère positif tant il est vrai que les droits des nations nées avec les indépendances en sont directement issus. Enfin, les querelles de frontière entre états indépendants trouvent en partie leur règlement dans le passé colonial. La présentation de celui-ci est donc en priorité soumis aux contraintes du présent.

Cela n'empêche pas que, dans la présentation des événements, les auteurs recourent généralement aux apports récents de l'historiographie. C'est ainsi que les manuels font preuve d'une plus grande distance avec l'événement. Ils offrent une place, bien que réduite, aux indigènes tout en acceptant de diminuer la part faite aux héros nationaux ou aux anecdotes sanglantes. Cependant, au-delà de ces concessions faites à l'histoire savante, c'est toujours le même discours historique qui sous-tend ces ouvrages. Ce discours, c'est celui de la fondation de la "Patrie", de l'émergence du sentiment national. Ces livres, au travers de leurs contenus sur la découverte de l'Amérique et de ses conséquences, expriment les aspirations d'identité nationale en construction. L'histoire qu'ils recons- tituent est ainsi toujours soumise à un déterminisme ultime : celui de la naissance de la nation en fonction de laquelle tout le passé est perçu. Aussi, cette histoire de la découverte et de la conquête devient-elle à terme positive, puisqu'elle s'inscrit dans la genèse et l'émergence de la nation que l'on glorifie. Cette perception de l'événement devient alors une exaltation des métissages, creuset des identités nationales en formation et facteur de disparitions des particularismes ethniques.

L'analyse ici présentée séduit par son actualité. On y retrouve notam- ment les éléments nécessaires à la compréhension du vif débat national qui a secoué le Mexique tout au long de l'année 1992 à propos précisément des nouveaux manuels d'histoire. Les reproches adressés aux ouvrages, essentiellement fondés sur les apports historiographiques récents, se centraient en bonne part sur la menace que de tels livres faisaient courir à

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la conscience nationale. En éliminant les héros nationaux, en refusant une "histoire de bronze", les auteurs risquaient, selon leurs détracteurs, de saper les fondements sur lesquels reposent le sentiment national mexicain.

Telle n'est bien sûr pas la préoccupation des auteurs de manuels dans les pays occidentaux. J. D. Mellot résume avec pertinence les contraintes imposées à leurs auteurs. Recours à une documentation à visée plurielle, évocation des civilisations amérindiennes à l'heure de leur fin, refus du marxisme, apologie des gagnants : tels sont d'après lui les gages d'objectivité qui leur sont imposés (p. 103). Mais au-delà de ces con- traintes, c'est encore la pression de l'actualité qui dessine le contenu de ces manuels. Pour les manuels occidentaux, 1492 devient avant tout un pont entre les différentes histoires nationales. En cette période d'unification et de construction d'une identité européenne, 1492 apparaît comme la naissance de l'Europe en tant qu'acteur historique. Il est d'ailleurs symptomatique de constater la minoration des facteurs de divisions parmi les Européens à la suite de la découverte du nouvel espace américain.

Un autre trait qui transparaît dans ces manuels est la recherche d'une bonne conscience à peu de frais. En réévaluant la place accordée aux civilisations amérindiennes disparues, ne se justifie-t-on pas d'ignorer, faute de place et de temps, d'autres civilisations bien plus proches de nous, toujours bien vivantes mais surtout perçues comme menaçantes ? Ce que les manuels occidentaux mettent en pratique consiste alors selon J. D. Mellot en une "euro-histoire" qui remplacerait la bonne vieille "histoire de l'Europe".

La vision offerte par les manuels de l'ex-Europe marxiste ne manque pas non plus d'intérêt. Fidèles au concept de marche de l'histoire, 1492 apparaît ici comme un événement historiquement inéluctable. Cette démarche révèle d'abord un eurocentrisme absolu : les non-Européens n'interviennent dans les manuels que pour assurer l'accomplissement de l'histoire européenne ! Mais en même temps, la conquête de l'Amérique est intégrée au sein de l'étape qui assure l'émergence du capitalisme. Elle sert alors de révélateur radical à la violence intrinsèque que porte en lui le capitalisme. Ce faisant, les manuels marxistes se heurtent à une contradic- tion de fond. D'un côté le capitalisme est responsable de l'extermination des amérindiens. Mais en même temps, la disparition de ces mêmes Indiens est perçue comme indispensable à l'émergence de la société socialiste en tant que dépassement du capitalisme.

Si tous les manuels présentés jusqu'à présent correspondent aux pays qui furent plus ou moins directement concernés par l'événement, il est aussi intéressant de se pencher sur ceux de pays moins rattachés à l'histoire des découvertes. Tel est le cas des manuels des pays Arabes. Sans relation

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directe avec 1492, ils en offrent une interprétation toute particulière. Cette date devient pour eux le résultat de leur apport au développement du monde occidental. En exaltant le rôle de fécondateur joué par le monde Arabe, ils revendiquent une certaine paternité dans l'avènement des découvertes. Parallèlement, ils replacent cet événement américain dans le contexte de croisade anti-musulmane qui prévaut à l'époque en Espagne. Enfin, ils insistent sur le caractère colonial qui en naît, en lien étroit avec la traite des esclaves, ignorant en cela l'ancienneté de sa pratique africaine, bien avant 1492. La découverte et la conquête de l'Amérique deviennent alors l'expression et le prolongement des guerres de conquêtes menées par les royaumes chrétiens contre le monde Arabe.

Cette présentation planétaire est, dans une cinquième partie du livre, complétée par une confrontation fort éclairante entre les manuels des pays colonisateurs -Espagne et Portugal- et ceux de certaines de leurs colonies. Ce dialogue met en évidence l'importance décisive pour les uns et les autres de 1492. Mais il montre comment la mondialisation des échanges qui s'ensuivit signifia aussi l'européanisât ion du monde et la naissance des rapports Nord-Sud. Pour les manuels espagnols, 1492 est l'occasion de chanter la "gloire de l'Empire" (p.26l). Pour les manuels mexicains, c'est surtout la possibilité de responsabiliser le colonisateur d'une bonne partie des maux qui accablent le pays aujourd'hui.

Si l'ensemble de l'ouvrage suscite intérêt, réflexion et curiosité, tel n'est sans doute pas le cas de la dernière partie, baptisée "vue d'ensemble". Le court texte proposant une réflexion sur "l'enjeu des manuels scolaires" -quatre pages en tout et pour tout !- n'apporte rien de précis, se contentant d'un survol trop vague et superficiel. Quant à "l'esquisse d'atlas des discours scolaires", elle n'apporte pas grand chose par rapport aux textes précédents. Se fondant sur une démarche certes intéressante mais fort mal explicitée -on ignore par exemple tout des 72 critères qui servent à construire le graphique, les auteurs préférant en offrir la quinzaine de thèmes qui les regroupent ; de même, la lisibilité du graphique est plus que discutable- on débouche sur une cartographie dont le commentaire reprend pour l'essentiel les analyses développées dans les différentes contributions. Loin d'être une véritable synthèse ou une réflexion sur la cartographie et les rapprochements qu'elle suscite, ce dernier chapitre clôt finalement le livre sur des redites. Notre réserve rejoint ici celle exprimée par M. Ferro dans la préface de l'ouvrage lui- même. Il manque en effet à ce travail une véritable réflexion critique sur la construction du discours historique des auteurs des manuels scolaires, réflexion qu'aurait précisément pu offrir cette dernière partie.

Ces quelques observations n'enlèvent rien à l'intérêt réel de ce livre dont la lecture se révèle passionnante par l'ampleur des informations et

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Comptes Rendus 279

des approches proposées. On peut simplement espérer que, forts du travail réalisé à ce jour, les auteurs prolongeront dans un avenir proche leur belle entreprise afin de lui donner toute l'ampleur qu'elle mérite.

Michel BERTRAND

Maria del Carmen MENA GARCIA, La ciudad en un cruce de caminos (Panamá y sus orígenes urbanos), Seville, Escuela de Estudios Hispanoamericanos, 1992, 317 pp. A l'origine de cette étude, une intention on ne peut plus louable : celle

qui consiste à reconstituer la "physionomie urbaine d'une ville condamnée à n'être qu'un lieu de passage" aux dires mêmes des chroniqueurs contem- porains de sa fondation. L'apparente contradiction de cette entreprise se résout cependant -et avec bonheur- dans la prise en compte de facteurs à vrai dire déterminants pour l'histoire urbaine voire architecturale du Nouveau Monde. Jamais en effet, l'architecture urbaine de Panama ne refléta le statut économique et social, voire la prospérité de ceux qui furent ses habitants (en majorité des commerçants) : absence d'édifices luxueux, voire des palais aristocratiques si prisés par les conquistadores et leurs descendants...

C'est en fait la mentalité dominante, celle d'une société extrêmement mobile par définition, qui expliquerait ce qui apparaît selon l'auteur comme la parfaite adéquation de l'architecture locale aux nécessités économiques, en d'autres termes le pragmatisme de ses inspirateurs, leur renoncement à ce qui fut en d'autres lieux à l'origine de réalisations somptuaires. Cette étude s'inscrit donc dans la lignée des travaux réalisés par Graziano Gasparini pour le Venezuela colonial, et pour qui l'on ne peut dissocier les réalisations architectoniques des circonstances qui y président, en d'autres termes, de l'histoire sociale.

Une telle entreprise se heurte de toute vraisemblance, comme toute tentative de cerner l'histoire des mentalités et comportements -et plus encore pour la période considérée- à l'écueil des sources. Celles qui concernent Panama consistent par ailleurs en une somme non négligeable -et par là-même déconcertante- de juicios de residencia et de comptes tenus par l'administration royale. D'où le choix, que nous ne saurons que regretter, mais dont la légitimité n'est pas en cause compte tenu des difficultés que comporterait une étude dans la très longue durée, de limiter cette approche inédite à la période des origines, qui va de 1519 à 1671 : autrement dit depuis la fondation de la ville à sa destruction par le

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