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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2008) 9, 150—152 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com DROIT ET DOULEUR L’hypnoanalgésie serait-elle réservée à la sphère médicale ? Should hypnoanalgesia be limited to the medical sphere? Nathalie Lelièvre Juriste droit de la santé, Lyon, France Disponible sur Internet le 3 juin 2008 MOTS CLÉS Hypnoanalgésie ; Infirmier ; Domaine de compétence ; Formation Résumé La pratique de l’hypnoanalgésie doit avant tout être exercée par des professionnels de santé diplômés d’État et ayant rec ¸u une formation. L’hypnoanalgésie n’est pas une pro- fession réglementée : elle peut dès lors être pratiquée par des médecins, kinésithérapeutes, infirmiers, etc. Avant tout, c’est la qualité de la formation qui compte. Ensuite, il incombe aux établissements de déterminer les modalités d’organisation par les professionnels formés. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Hypoanalgesia; Nurse; Competence; Education Summary The practice of hypnoanalgesia techniques should be reserved for duly licensed healthcare professionals with an appropriate medical education. In France, the professional regulations allow physicians, physical therapists and nurses to perform hypoanalgesia. The pro- fessional education is what is important. It is up to the healthcare institutions to determine how modalities of application can be organized by healthcare professionals. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Concrètement, le problème posé est de déterminer si l’infirmier est habilité à pratiquer l’hypnoanalgésie alors même que cette technique ne figure pas dans son décret de compétence. De plus, l’infirmier doit-il avoir une prescription médicale pour intervenir auprès d’un patient ? Pour répondre à ces questions, il convient de déterminer, d’une part, le domaine de compétence de l’infirmier au regard du décret du 29 juillet 2004 relatif aux actes de la pro- fession ; et, d’autre part, d’analyser les conditions liées à la pratique de l’hypnoanalgésie. Adresse e-mail : [email protected] 1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2008.04.007

L’hypnoanalgésie serait-elle réservée à la sphère médicale ?

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Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

ROIT ET DOULEUR

’hypnoanalgésie serait-elle réservée à laphère médicale ?

hould hypnoanalgesia be limited to the medical sphere?

Nathalie Lelièvre

Juriste droit de la santé, Lyon, France

Disponible sur Internet le 3 juin 2008

MOTS CLÉSHypnoanalgésie ;Infirmier ;Domaine decompétence ;Formation

Résumé La pratique de l’hypnoanalgésie doit avant tout être exercée par des professionnelsde santé diplômés d’État et ayant recu une formation. L’hypnoanalgésie n’est pas une pro-fession réglementée : elle peut dès lors être pratiquée par des médecins, kinésithérapeutes,infirmiers, etc. Avant tout, c’est la qualité de la formation qui compte. Ensuite, il incombe auxétablissements de déterminer les modalités d’organisation par les professionnels formés.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSHypoanalgesia;Nurse;Competence;

Summary The practice of hypnoanalgesia techniques should be reserved for duly licensedhealthcare professionals with an appropriate medical education. In France, the professionalregulations allow physicians, physical therapists and nurses to perform hypoanalgesia. The pro-fessional education is what is important. It is up to the healthcare institutions to determine

Education how modalities of application can be organized by healthcare professionals.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Concrètement, le problème posé est de déterminer si l’infirmier est habilité à pratiquerl’hypnoanalgésie alors même que cette technique ne figure pas dans son décret de

compétence. De plus, l’infirmier doit-il avoir une prescription médicale pour intervenirauprès d’un patient ?

Pour répondre à ces questions, il convient de déterminer, d’une part, le domaine decompétence de l’infirmier au regard du décret du 29 juillet 2004 relatif aux actes de la pro-fession ; et, d’autre part, d’analyser les conditions liées à la pratique de l’hypnoanalgésie.

Adresse e-mail : [email protected]

624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.douler.2008.04.007

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L’hypnoanalgésie serait-elle réservée à la sphère médicale ?

Le domaine de compétence des infirmiers

En application du décret 204—802 du 29 juillet 2004,l’exercice de la profession d’infirmier est réglementé. Tra-ditionnellement, les textes successifs relatifs aux actes dela profession ont toujours distingué trois catégories d’actesinfirmiers :• les actes relevant du rôle propre de l’infirmier, c’est-à-

dire relevant de sa propre initiative et ne nécessitant pasune prescription médicale pour les réaliser ;

• les actes sur prescription médicale ;• et les actes pouvant être réalisés en présence ou sous

réserve qu’un médecin puisse intervenir à tout moment.

Détermination du rôle propre del’infirmier

La notion de rôle propre renvoie à la notion de compétencemême de l’infirmier. Les soins infirmiers relevant du rôlepropre de l’infirmier sont définis aux articles 4311-3 à 4311-5du Code de santé publique (CSP).

Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier al’obligation, après avoir évalué les besoins du

malade et posé un diagnostic infirmier, deprendre l’initiative de ces soins, d’en organiser

la mise en œuvre, d’encadrer et de contrôler lesaides-soignants et auxiliaires de puériculturedont ils peuvent solliciter la collaboration.

Dans le cadre du rôle propre de l’infirmier, trois notionssont importantes :• il a compétence pour poser un diagnostic infirmier ;• il a l’initiative des soins relevant de son rôle propre ;• il gère les soins ;• il gère le dossier de soins infirmiers.

Le diagnostic infirmier

Plus que jamais, les infirmiers sont tenus à gérer de nom-breuses informations dont ils doivent garantir la qualité,pour une exploitation efficiente et une offre de soins perti-nente, aux usagers de la santé.

À la différence du diagnostic médical, dont le but est unexamen clinique de la personne afin de poser un diagnosticmédical, puis la description de la pathologie en vue d’uneprescription médicale, la démarche du diagnostic infirmierest de s’intéresser avant tout au patient, et notamment àson comportement quant aux symptômes et la maladie. Lediagnostic infirmier s’effectue dès le début de la prise encharge du patient. Ce diagnostic permet de mettre en avantles besoins du malade.

Brièvement nous pourrions dire que le diagnostic infir-mier est le nom donné à un problème de santé, constatépar un infirmier, à partir de l’analyse de situation d’unepersonne soignée.

Dès lors, l’infirmier doit prodiguer des soins infirmiersrelevant de son rôle propre : « [. . .] Dans ce cadre, l’infirmiera compétence pour prendre les initiatives et accomplir lessoins qu’il juge nécessaire conformément aux dispositionsde l’article 5. . . » (Article R 4311-3CSP).

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nitiative des soins

la différence des soins sur prescriptions médicales où’infirmier prodigue des soins au patient conformément à larescription. Dans le cadre de son rôle propre, il lui appar-ient après évaluation des besoins du patient de prendrees dispositions qui s’imposent. Concernant la prise enharge de la douleur, l’infirmier se doit d’évaluer la dou-eur (rôle propre) et de déterminer les actions nécessaires :nformer le médecin, application d’un protocole, recours à’hypnoanalgésie.

La notion d’initiative des soins nous renvoie aux articles4311-1 et R 4311-2 du décret :« L’exercice de la profession d’infirmier comporte

’analyse, l’organisation, la réalisation des soins infirmierst leur évaluation.

Les soins préventifs, curatifs, palliatifs intègrent qualitéechnique et qualité des relations avec le malade.

Ils ont pour objet dans le respect des droits de la per-onne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenantompte de la personnalité de celle-ci dans ces composanteshysiologiques, psychologiques, économiques, sociales etulturelles. »

Le recours à l’hypnoanalgésie répond bien à ces critères.Il appartient à l’infirmier d’organiser et d’assurer la

ise en œuvre des actions de soins appropriés relevant deon rôle propre défini à l’article 5 du décret. Il se doit’organiser, de gérer les soins. Comme le terme le men-ionne « rôle propre » signifie que l’infirmier ne doit pasttendre de directives. Quand l’infirmier pose une perfu-ion, il lui appartient d’en assurer la surveillance.

C’est la raison pour laquelle une surveillance attentivee l’évolution de l’état du patient est essentielle.

aractéristiques des soins relevant du rôleropre de l’infirmier

Ces soins excluent toute utilisation de soins médicaux,sauf par voie externe comme les soins d’escarres, soinscutanés préopératoires.Ils ne sont jamais agressifs dans le sens ou aucun de cessoins ne nécessite, notamment :un transpercement de la peau (sauf prélèvement de sangpour dépistage à lecture instantanée de la glycémie),l’introduction initiale d’une sonde dans un conduit natu-rel. L’infirmier peut en revanche de sa propre initiativeadministrer une alimentation par sonde gastrique, chan-ger une sonde vésicale mais la pose ne peut s’effectuerque sur prescription médicale (article R 4311-6 dudécret).

Le décret de compétence est muet concernant la pra-ique de l’hypnoanalgésie. Faut-il en déduire ipso factoue la pratique est interdite aux infirmiers ? Par un raison-ement, a contrario, la pratique de l’hypnoanalgésie par’infirmier n’est pas interdite. Comme il sera vu dans learagraphe suivant, l’infirmier n’est pas exclu des stages

e formation en hypnoanalgésie. Il lui est interdit d’avoirecours à des soins médicaux sans prescription. Or la pra-ique de l’hypnoanalgésie n’est pas un acte médical. Leecours à l’hypnoanalgésie s’inscrit dans le cadre des acti-
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ités du rôle propre de l’infirmier. Après une évaluation desesoins du patient et sous réserve de l’accord de celui-ci,’infirmier peut avoir recours à cette technique sous réserveu’il ait recu une formation.

’obligation de formation à’hypnoanalgésie

’hypnoanalgésie n’est pas une méthode de prise en chargeonnant lieu à une profession réglementée ; aucun corps deétier de la santé ne bénéficie d’une exclusivité. Il n’enemeure pas moins que la pratique pour garder toute sa cré-ibilité se doit de contrôler et limiter l’accès aux formationsux seuls professionnels justifiant de l’intérêt de l’exercice.’ailleurs, la formation dispensée en DU et par des centresrivés reconnus1 est réservée aux seuls professionnels deanté diplômés d’État (gage de qualité de la prise en charget afin d’éviter tout charlatanisme).

La formation à l’hypnoanalgésie « est tout particuliè-ement destinée aux médecins ainsi qu’aux différentesrofessions de la santé sanctionnées par un diplôme d’état :ages-femmes, chirurgiens-dentistes, infirmières, psycho-ogues, psychométriciens, kinésithérapeutes. »

Comme toute formation, il est important, d’une part,u’elle soit pratiquée ensuite par les professionnels formést, d’autre part, qu’une formation continue soit assuréeour garantir une qualité de la prise en charge.

omment organiser la pratique de’hypnoanalgésie ?

’ores et déjà, il convient de rappeler que le troisièmelan douleur incite les professionnels de santé à dévelop-

1 Il s’agit des centres ayant signé la charte de la Confédérationrancophone d’hypnose et de thérapie brève et de l’institut francais’hypnose.

ênêop

N. Lelièvre

er des pratiques non médicamenteuses en complémentes traitements médicamenteux. Le troisième plan neimite pas le recours à ces techniques aux seuls méde-ins.

La prise en charge de la douleur est une prise enharge pluridisciplinaire. Au sein des établissements, ilourrait être discuté des modalités d’organisation duecours à l’hypnoanalgésie. Quoi qu’il en soit, la déci-ion appartient au patient, on ne peut pas lui imposerette méthode (principe du consentement). La pratiquee l’hypnoanalgésie en établissement est garante d’uneualité de la prise en charge du fait qu’elle est exer-ée dans un établissement, et par les services qui enépendent (hospitalisation à domicile, notamment). Enevanche, on peut s’interroger sur les pratiques en villerisque d’abus du fait de l’absence de contrôle sur la for-ation recue et sur sa qualité réelle de professionnel de

anté).

n conclusion

’hypnoanalgésie n’est pas une méthode de prise en chargeonnant lieu à une profession réglementée. Aucun texte’impose une prescription médicale pour pratiquer cetteechnique. En revanche, dans un souci de bonne organisatione la prise en charge, la décision peut faire l’objet d’une dis-ussion en équipe pour déterminer en commun les conditions’application de cette méthode. À toutes fins utiles, il peut

tre précisé que le fait d’exiger une prescription médicale’apporte pas une sécurité juridique. L’hypnoanalgésie doittre exercée par des personnes formées, telle est la seulebligation des établissements, services ayant recours à cetteratique.