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Libertes! DÉPOT À BRUXELLES X BELGIQUE- BELGIE PP 1/2345 BXL X Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles LES DOUZE TRAVAUX D'OBAMA GAZA LA PAIX PLOMBÉE TOURMENTS ITALIENS FÉVRIER 2009 – N°451 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

Libertés! Février 2009 N° 451

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Le DOSSIER est une série de reportages consacrés à l’Italie. La péninsule est en effet confrontée à une inquiétante vague de xénophobie meurtrière et à la politique extrêmement sécuritaire menée par le gouvernement Berlusconi. Les pages ACTUEL sont consacrées à l’opération «Plomb durci», la violente offensive militaire menée par l’armée israélienne contre le Mouvement de la Résistance islamique (Hamas) dans la bande de Gaza palestinienne du 27 décembre au 17 janvier. Un accent particulier a été mis sur le travail de la délégation envoyée à Gaza par le SI. Les pages MOUVEMENT sont consacrées à la coordination ITOP, à l’annonce de l’AG 2009 et aux «Rencontres du printemps». Les 3 APPELS DU MOIS sont consacrés à la Russie, au Nigeria et à l’Équateur.

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Ne paraît pas auxmois de juillet-août.

9, rue Berckmans1060 Bruxelles

LES DOUZETRAVAUXD'OBAMA

GAZALA PAIXPLOMBÉE

TOURMENTSITALIENS

FÉVRIER 2009 – N°451 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

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ACTUEL■ Gaza : La paix plombée■ Paroles : «Le mur était criblé de fléchettes»■ Insolites-Brèves

DOSSIERTOURMENTS ITALIENS■ La sécurité contre l’intégration?■ Les minorités sexuelles dans la ligne de mire■ Saisons amères■ Les Roms, boucs émissaires■ Les réfugiés se rebiffent

MOUVEMENT■ Gros plan : «Ce dossier est celui qui suscite

le plus d’émotion et de passion»■ AG 2009

ISAVELIVES.BE■ Lettres du mois : Russie, Nigeria et Équateur■ Bonnes nouvelles

CULTURE/AGENDA■ Icône de la jungle■ Oiseaux du paradis déchu■ Lettres à Louise

É D I T O R I A L

S O M M A I R E

Libertés! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • [email protected] • www.libertes.be • Éditrice responsable: Chris-tine Bika • Rédacteur en chef: Pascal Fenaux • Comité de rédaction : Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, AnneLowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro: Gilles Bechet, Marcella Segre • Iconographie: Brian May • Maquette: RIF • Mise

en page: Gherthrude Schiffon • Impression : Remy Roto • Couverture: Olga Jevrenovic, une Rom de 60 ans avec Sabrina, sa petite-fille de 4 ans, dansle camp rom illégal installé sous un pont autoroutier. Scampia, 2008. © Robin Hammond/Panos Pictures

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE

MEMBRE/DONATEUR(TRICE)Madame Michele Ligot : [email protected]

je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse)Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . .Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . .Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre

Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toutel’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berck-mans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation oude l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déduc-tibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus.Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . lasomme de : 2,5 e 5 e . . . . . . . . e (toute autre somme de mon choix)au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . .. . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordreà tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Date: . . . . . . . . Signature:

Ne rien inscrire dans cette case s.v.p. (réservé à l'organisme bancaire)

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Le 20 janvier, dans son discours inaugural, le présidentBarack Obama a déclaré qu’il était «erroné» de penserqu’il fallait faire un choix entre la sécurité et le respect des

droits humains. Il est rapidement passé de la parole aux actes, enprenant trois décrets qui annoncent la fin de certaines des poli-tiques les plus controversées concernant la «guerre contre leterrorisme» livrée par l’administration républicaine sortante. Leprésident Obama a ordonné la fermeture d’ici un an du centre dedétention de Guantánamo, qui symbolise le mépris de l’anciengouvernement à l’égard des droits humains. Il a ordonné à la CIAde fermer tous les centres de détention de longue durée qu’elleutilise, et lui a interdit de recourir à de tels centres à l’avenir. Il aégalement interdit les techniques les plus dures utilisées par la CIAdans le cadre de son programme de détention secrète, qui a inclusle recours aux disparitions forcées et à la torture – des crimes auregard du droit international.En bafouant le droit international en Irak, en Afghanistan, à Guan-tánamo ou dans le cadre du programme de détention secrète et enne participant pas de manière constructive aux mécanismes des

Nations unies relatifs aux droits humains, les États-Unis ont ternileur image au niveau international. Mais cela peut être facile-ment réparé si le nouveau gouvernement ratifie tous lesprincipaux traités et protocoles internationaux relatifs aux droitshumains, et lève les réserves qu’il a posées concernant les traitésqu’il a promis de respecter. Le gouvernement du président Obamadevrait également ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale inter-nationale (CPI) et s’investir à nouveau dans les travaux du Conseildes droits de l’homme.Le fait que le président Obama ait rapidement tendu la main auMoyen-Orient représente une nette rupture avec le passé et unesource d’espoir, en particulier pour les Israéliens et les Palestiniens.Les États-Unis doivent soutenir l’obligation de rendre des comptespour tous les abus commis contre les civils, et placer les droitshumains au centre de leurs initiatives visant à relancer le processusde paix au Moyen-Orient. Il faut également saluer l’engagementqu’a pris le président Obama de combattre la pauvreté au niveaumondial. Enfin, le président Obama devrait soutenir le droit à lavie également en veillant personnellement à ce que les États-Unisabandonnent la peine de mort, et en décrétant pour commencerun moratoire sur toutes les exécutions fédérales.L’élection de Barack Obama et ses premiers décrets, massivementsoutenus, ont à nouveau placé les valeurs consacrées par la Décla-ration universelle des droits de l’homme, élaborée par lesÉtats-Unis et d’autres pays il y a plus de 60 ans, au centre desprogrammes politiques nationaux et internationaux de ce pays. e

LES 12 TRAVAUXD’OBAMA

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Des bombes au phosphore blanc larguées par les forces israéliennes sur la bande de Gaza. Rafah, 11 janvier 2009. © Iyad El Baba/UNICEF-oPt

Si le conflit entre le Hamas et Israël a pu dégé-nérer ainsi en une orgie de violences et dedestructions, c’est au terme d’un lent

processus de pourrissement politique entamé avecl’implosion du processus né des accords d’Oslo à l’au-tomne 2000, la victoire des nationalistes islamistesaux législatives palestiniennes de janvier 2007, lesurplace des négociations entre les quatre derniersgouvernements israéliens et l’Organisation de Libéra-tion de la Palestine (OLP), le blocus humanitaire etéconomique de la bande de Gaza par Israël et lesacteurs majeurs de la scène internationale, la poursuitede la politique israélienne d’incursions militaires, lacontinuation de la colonisation de peuplement juif etla radicalisation des groupes armés palestiniens.À la fin du printemps 2008, une trêve renouvelabletous les six mois avait été négociée sous l’égide del’Égypte entre le Hamas et Israël (qui ne se reconnais-sent pas mutuellement). Ce qui avait permis auxobservateurs d’espérer une réelle accalmie sur le frontgazaoui, la reconstitution d’un gouvernement pales-tinien de consensus (après la guerre civile de juin2007 et l’écrasement du Fatah à Gaza) et, pourquoi pas,une reprise de négociations substantielles entre l’OLPet Israël sur un retrait israélien hors de Cisjordanie.L’accord conclu au Caire prévoyait l’arrêt des tirs deroquettes palestiniennes contre le territoire d’Israël, la

suspension des incursions militaires israéliennes dansla bande de Gaza et la levée du blocus économique ethumanitaire de ce territoire palestinien.Entré officiellement en vigueur le 19 juin 2008, cetaccord avait été globalement respecté, à l’exception dequelques tirs sporadiques de roquettes par deséléments armés échappant manifestement au contrôledes services de sécurité. Cependant, le gouvernementisraélien n’avait pas allégé le blocus de Gaza, tandis queles discussions autour d’un éventuel échange entre l’Is-raélien Gilad Shalit (un soldat enlevé en juin 2006) etquelques centaines de Palestiniens que le Hamas consi-dère comme des prisonniers politiques ou de guerren’ont jamais abouti. La pénurie provoquée par l’étran-glement de la bande de Gaza a encouragé les activitésdes contrebandiers égyptiens et palestiniens qui fonttransiter marchandises et armements par les tunnelsclandestins creusés sous l’«Axe Philadelphie» (la fron-tière fortifiée entre la bande de Gaza et le Sinaïégyptien). Une autre conséquence a été de permettreaux groupes armés palestiniens de donner le ton.Le 4 novembre 2008, l’armée israélienne déclenchaitune incursion terrestre et une série de bombarde-ments héliportés provoquant la mort de 6 milicienspalestiniens et déclenchant automatiquement des tirsde roquettes contre le territoire israélien (1). Les jourssuivants, une dizaine d’autres miliciens palestiniens

Libertés ! Février 2009 3

A C T U E L

CAMEROUNINVENTAIRE PRÉOCCUPANTLe 29 janvier, Amnesty International publiait unrapport alarmant sur la situation des droitshumains au Cameroun. Les violations réperto-riées dans le rapport sont le fait principalementde la répression de la dissidence politique. Parexemple, vers la fin du mois de février 2008, lesforces de sécurité ont tué pas moins de100 civils au cours de manifestations contrel’augmentation du coût de la vie. Certainesvictimes ont été tuées à bout portant, alorsqu’aucun effort n’avait été fait pour privilégierune arrestation. Les procès iniques, la torture,les manœuvres d’intimidation et de harcèle-ment sont monnaie courante. La loi du silenceimposée aux médias est particulièrement préoc-cupante. Enfin, la situation sanitaire dans lesprisons est proprement atroce. e

BRÉSILESCADRONS DE LA MORTLe 24 janvier, deux hommes encagoulés s’in-troduisaient chez Manoel Mattos, vice-président du Parti des Travailleurs dans l’État dePernambouc et défenseur des droits humains,et l’abattaient. Ce dernier avait été menacé demort à plusieurs reprises pour avoir dénoncédes assassinats et d’autres violences commisespar les escadrons de la mort dans le nord-est duBrésil. Malgré ces menaces, la police fédéraleavait récemment mis un terme aux mesuresde protection dont il bénéficiait. Pour AmnestyInternational, cet assassinat est une consé-quence prévisible du manque de déterminationdes autorités à combattre le fléau des escadronsde la mort et de la corruption policière dans lenord-est du Brésil. e

OUGANDAIMPUNITÉ?Le 30 janvier 2009, Amnesty Internationalapprenait que l’Organisation internationalepour les Migrations (OIM) avait accepté de faci-liter le transfert d’un haut dirigeant de l’Arméede Résistance du Seigneur vers l’Ouganda, aulieu de le remettre à la Cour pénale internatio-nale (CPI). Okot Odhiambo aurait assuré auxautorités ougandaises qu’il se rendrait enéchange d’une amnistie, l’OIM décidant ensuitede favoriser ce transfert. Décerné par la CPI le8 juillet 2005, le mandat d’arrêt contre OkotOdhiambo établit 10 chefs d’accusation pourcrimes de guerre et contre l’humanité, notam-ment des meurtres, la réduction en esclavage etle recrutement d’enfants soldats. e

RDCLAURENT NKUNDA ET LAJUSTICELe 22 janvier, Laurent Nkunda, ancien diri-geant du Congrès national pour la Défense duPeuple (CNDP), était arrêté et détenu dans unlieu gardé secret au Rwanda. Amnesty Interna-tional a rappelé à cette occasion qu’un procèséquitable excluant le recours à la peine de mortdevrait juger Nkunda pour crimes de guerreet crimes contre l’humanité commis en RDC(enrôlement et conscription d’enfants soldats,homicides illégaux, viol systématique desfemmes et des jeunes filles). Si aucun État n’en-gage de poursuites à son encontre, le procureurde la Cour pénale internationale (CPI) a compé-tence pour le faire. e

GAZA

LA PAIX PLOMBÉELe 27 décembre 2008, l’armée israélienne déclenchait une violente offensive militaire contre labande de Gaza palestinienne, l’opération «Plomb durci». Selon les autorités israéliennes, ils’agissait de riposter à la rupture de la trêve (négociée sous l’égide de l’Égypte) par le Hamas et demettre fin aux tirs de roquettes par les groupes armés palestiniens. Les 17 et 18 décembre, Israëlet le Hamas proclamaient chacun une trêve unilatérale. Outre les destructions des infrastructuresciviles, le bilan de la «guerre de Gaza» est terrible, avec 1300 morts palestiniens (dont unemajorité de civils) et 13 morts israéliens (dont une majorité de combattants).

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Une des innombrables fléchettes retrouvées dans la bande de Gaza. Entre 5 000 et 8 000 fléchettes sont stockées dans des obus de 120 mm, généralement tirés depuis des chars. Izbat Beit Hanoun, 20 janvier 2009. © Amnesty International

L’INSOLITE

A C T U E L

étaient encore abattus, tandis que le gouvernementOlmert renforçait le blocus de la bande de Gaza etinterdisait aux journalistes étrangers et israéliensl’accès au territoire gazaoui (2). Le 19 décembre 2008, leHamas annonçait officiellement que la trêve ne seraitpas reconduite. Et, le 27 décembre, Israël déclenchaitl’opération «Plomb durci», dans un contexte de suren-chère électorale effrénée entre le Likoud (principalparti israélien d’opposition), Kadima (le parti decentre-droit titulaire de la présidence du Conseil et duministère des Affaires étrangères) et le Parti travailliste(titulaire de la Défense).Après la trêve du 17 janvier 2009, les chercheurs d’Am-nesty International qui se sont rendus à Gaza et dansle sud d’Israël ont rassemblé des éléments prouvantque des crimes de guerre et d’autres graves violationsdu droit international avaient été commis par toutesles parties au conflit. Les nombreuses attaques dispro-portionnées menées par l’armée israélienne sur labande de Gaza ont causé la mort de centaines de civilspalestiniens, détruit les infrastructures civiles du terri-toire et provoqué une catastrophe humanitaire. Lesdélégués d’Amnesty International ont rassemblé despreuves irréfutables d’une large utilisation duphosphore blanc contre les civils palestiniens dansdes secteurs résidentiels densément peuplés de Gaza.L’utilisation répétée du phosphore blanc de manièreintrinsèquement aveugle est un crime de guerre. Au

cours de la même période, les tirs de roquettes aveu-gles du Hamas et d’autres groupes armés palestiniensont causé la mort de plusieurs civils israéliens. Or, lefait d’utiliser des armes non-discriminantes contredes zones peuplées constitue également un crime deguerre.Les conséquences militaires et humanitaires de l’offen-sive lancée le 27 décembre et suspendue le 17 janviersont connues. Et ses conséquences politiques risquentde miner toute perspective de relance réelle duprocessus diplomatique israélo-palestinien. Côté pales-tinien, réduit au rang d’observateur impuissant, leFatah de Mahmoud Abbas, qui a été exclu de Gaza enjuin 2007 et qui ne gère que 40 % d’enclaves auto-nomes en Cisjordanie, risque d’être lourdementsanctionné lors des prochaines élections présiden-tielles et législatives. Côté israélien, l’union sacréemanifestée avant et durant l’opération «Plomb durci»a d’ores et déjà renforcé les partisans de la force mili-taire et l’extrême droite nationaliste, comme l’ontdémontré les élections du 10 février. La paix est bel etbien plombée. ePascal Fenaux

(1) Amnesty International, Le cessez-le-feu en péril à Gaza, 5 novembre2008.(2) Amnesty International, Dans la bande de Gaza, la population en estréduite à survivre, 5 décembre 2008.

4 Libertés ! Février 2009

Le 19 janvier, après un séjour dans la ville israélienne de Sdérot, uneéquipe d’Amnesty International se rendait à Gaza pour constaterl’ampleur des violations du droit humanitaire durant l’opération«Plomb durci». À cette occasion, un blog a été ouvert sur lequel sontconsignés témoignages et revendications. L’un des billets les plusrécents, posté le 27 janvier, concerne l’utilisation d’obus à fléchettes parl’armée israélienne.

«Outre le phosphore blanc, l’armée israélienne a utilisé diverses autres armesdans des zones civiles très peuplées de la bande de Gaza. Ces f léchettes sont desprojectiles métalliques de 4 cm de long, dotés d’une pointe acérée à l’avant et de

quatre ailettes à l’arrière. Entre 5000 et 8000 f léchettes sont agencées dans des obus de 120mm, généralement tirés depuis des chars. Les obus explosent en l’air, et la dispersion – de formeconique – des f léchettes se fait sur une surface d’environ 300 mètres de large et 100 mètres delong.«Armes anti-personnel conçues pour pénétrer une végétation dense, ces f léchettes ne devraientjamais être utilisées dans des zones civiles construites. Depuis plusieurs années, l’armée israé-lienne y a régulièrement recours dans la bande de Gaza. Dans la plupart des cas, leurutilisation se solde par des morts ou des mutilations.«À Izbat Beit Hanoun, au sud-ouest de la ville de Beit Hanoun, plusieurs obus contenant desf léchettes ont été tirés sur la route principale, tuant deux personnes et en blessant plusieursautres dans la matinée du 5 janvier.«Wafa Nabil Abu Jarad, une jeune femme de 21 ans, enceinte et mère de deux enfants, étaitau nombre des tués. Son époux et sa belle-mère ont expliqué à l’équipe qu’ils venaient de prendre

P A R O L E S

CORDON NIÉLe geste de Mountazer Al-Zaïdi, ce journalisteirakien qui, le 15 décembre à Bagdad, avaitjeté ses chaussures sur le président GeorgeBush, semble faire des émules. Un manifes-tant anglais s’est essayé au même exercice le 2février sur le président chinois. Mais le Britan-nique a raté le président chinois d’un bonmètre. Sa chaussure a ensuite été récupéréepar la police, tout comme son propriétaire.Lors d’un discours sur l’économie mondialeprononcé à l’université de Cambridge par WenJiabao, le président chinois, un jeune hommeen T-Shirt est parvenu à déjouer le cordon desécurité et s’est mis à crier «Ce dictateur là-bas,comment peut-on écouter ses mensonges ? Vousne le contredisez pas ?», avant de siffler l’ora-teur. Rapidement évacué par les forces desécurité sous les «shame on you, shame on you»d’une salle composée essentiellement d’étu-diants chinois, il a tenté de toucher le présidentà l’aide de sa chaussure. Raté. Et doublement.Le président chinois n’a pas cillé et a reprisson discours comme si rien ne s’était passé. e (D’après www.lepost.fr)

UN BLOG POUR DEMANDER DESCOMPTES

«LE MUR ÉTAITCRIBLÉ DEFLÉCHETTES»

le petit-déjeuner et buvaient le thé au soleil à l’extérieur de leur maison. Wafa Nabil Abu Jaradet son mari étaient debout près d’un des coins de la maison lorsqu’ils ont entendu un bruit,suivi de cris. Au moment même où ils se sont retournés pour rentrer chez eux, Wafa etplusieurs autres membres de la famille ont été atteints par des f léchettes. Wafa a été tuée surle coup.«Le même jour, à l’autre bout de la rue, Islam Jaber Abd al-Dayem, 16 ans, a reçu une fléchettedans le cou. Il a été transporté à l’unité de soins intensifs de l’hôpital mais est mort trois joursplus tard. Mizar, son frère, a été blessé lors de la même attaque et a encore une fléchette enfoncéedans le dos.«Dans le village d’al-Mughraqa, le matin du 7 janvier, un obus s’est abattu sur la pièce où AttaHassan Aref Azzam était assis avec deux de ses enfants, Mohammed, treize ans, et Hassan,deux ans et demi. Tous trois ont été tués. Les six autres membres de la famille se trouvant alorsdans la maison ont fui afin de se réfugier dans l’école la plus proche. L’équipe a examiné lemur taché de sang à côté duquel les deux enfants et leur père ont été tués. Il était criblé def léchettes.» ePour en savoir plus et agir :http://www.amnesty.org/fr/gaza-crisis#paneltabs-3

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Des carabiniers italiens inspectent une scène de crime après que cinq immigrés ont été abattus face à un restaurant sur la Via Domiziana, l’antique chaussée romaine reliant Naples à Rome. Naples, 18 septembre 2008. © AFP/Roberto Salamone

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D O S S I E R

Les élections législativesitaliennes de mai 2008 ontramené au pouvoir le Pôle desLibertés constituéessentiellement autour de ForzaItalia de Silvio Berlusconi, de laLega Nord d’Umberto Bossi et del’Alleanza nazionale deGianfranco Fini. Depuis, il ne sepasse pas un mois sans qu’uneinstance internationale ou uneONG ne dénonce les coups decanif de plus en plus violentsportés par le gouvernementitalien dans ses engagementsinternationaux. Longtemps terred’émigration vers le continentaméricain et le nord de l’Europe,l’Italie est aujourd’hui une terred’immigration et la premièredestination européenne pour lesdemandeurs d’asile, ce qui asemble-t-il déclenché une vaguede xénophobie et d’intolérancesur laquelle surfe le nouveaugouvernement. Dès mai 2008,après l’incendie criminel de deuxcamps roms à Naples, la sectionitalienne d’AmnestyInternational n’avait pas hésité àtenir des propos très durs àl’encontre de la nouvellecoalition : «L’Italie risque dedevenir un pays dangereux,aujourd’hui pour les Roms et lesRoumains, demainpotentiellement pour nous tous.»Les étrangers ne sont pas lesseuls à faire les frais de ce climatdélétère, les minorités sexuellesétant elles aussi dans la ligne demire, sans parler des travailleurssaisonniers soumis à uneexploitation pénible dans le suddu pays. Reportages.

LA SÉCURITÉ CONTREL’INTÉGRATION?«En ce moment en Italie, il y a un climat à la Mississippi Burning», déclarait Igiaba Scego, une écrivaineitalienne d’origine somalienne après l’assassinat d’Abdul Guibre, un jeune d’origine burkinabé tué pouravoir volé un paquet de biscuits. Quelques jours plus tard, le 19 septembre 2008, à Calstelvolturno, prèsde Caserte (Campanie), 120 coups de pistolet et de kalachnikov tirés en pleine rue tuaient 6 immigrésd’origine africaine. L’Italie semble emportée par une vague de xénophobie sans précédent.

La vague de racisme qui secoue l’Italie va de pair avecles propositions du gouvernement en matière desécurité. Peu après avoir été élu, le gouvernement

mené par Silvio Berlusconi a introduit le «paquet sécu-rité», c’est-à-dire une série de mesures pour lutter contrela criminalité. Le fameux «paquet» porte l’empreinteévidente de la Ligue du Nord (1), laquelle a proposéplusieurs amendements coercitifs pour en étendre laportée. Le parti xénophobe, ayant reçu une quantitéimpressionnante de suffrages lors des dernières élections,pèse de tout son poids sur les décisions du gouvernement,en particulier sur les mesures concernant la sécurité etl’immigration.Les propositions contenues dans le «paquet sécurité» ontsuscité l’indignation de la société civile aussi bien que dumonde catholique, élément déterminant si l’on consi-

dère le rôle politique de l’Église dans le pays. «Il faut recher-cher la sécurité à travers l’intégration et pas l’intégration à traversla sécurité», a ainsi déclaré un représentant de la Conférenceépiscopale italienne. Cependant, si le gouvernement afait marche arrière sur certains excès de zèle en matièresécuritaire, c’est seulement après l’intervention de laCommission européenne. L’immigration illégale est ainsidevenue un délit passible d’une amende et non d’unemprisonnement comme c’était prévu dans la premièreversion du paquet législatif. Les autres amendementscontroversés incluent l’introduction d’un impôt et d’unexamen d’italien pour la délivrance et le renouvellementdu permis de séjour, la création d’un permis de séjour àpoints sur le modèle du permis de conduire, des restric-tions sur le regroupement familial et les mariages mixtes,la tenue d’un référendum local pour l’établissement d’un

TOURMENTS ITALIENS

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camp rom ou d’une mosquée, l’aug-mentation des peines pour lesindividus qui favorisent l’immigra-tion illégale, la création dès l’écoleprimaire de classes séparées pour lesétrangers, le prolongement du séjourdans les Centres d’Identification etd’Expulsion (CIE, auparavant connuscomme CPT). Le tout accompagnéd’une forte réduction du Fondsnational pour l’Intégration et pourles Politiques sociales.«La sécurité du pouvoir se base sur l’insé-curité des citoyens» disait LeonardoSciascia, un écrivain sicilien du XXe

siècle. La dernière enquête menéepar Demos et par l’Observatoire desMédias de Pavie sur la représenta-tion de la sécurité dans les médias,publiée en novembre 2008 (2), lève levoile sur le lien étroit entre la peurdes citoyens italiens et le catastro-phisme médiatique, indépendantsde la réalité des délits commis. Defait, l’enquête révèle la multiplica-tion de nouvelles concernant lesdélits en période préélectorale et unechute de la couverture médiatiquedes délits du même type six moisplus tard, bien que la courbe repré-sentant les délits véritablementcommis soit restée stable. En outre,l’étude montre aussi en quoi laperception de la sécurité dépend de la représentation de celle-ci par lesmédias. En novembre 2008, malgré que le pourcentage de délits commissoit légèrement plus élevé qu’en novembre 2007, les citoyens se disentplus en sécurité par rapport à l’année précédente (3). La conviction quela situation s’est améliorée est peut-être due à plusieurs actions symbo-liques menées par la coalition au pouvoir depuis mai 2008, entreautres l’envoi de l’armée dans les grandes villes, les mesures restrictivesenvers les immigrés et les expulsions des camps roms, des dispositionsqui ont été énormément médiatisées et qui sont très tangibles dans lavie quotidienne des Italiens. Cependant, comme le dit Ilda Curti,échevine à l’intégration de Turin, «je me sens beaucoup plus en dangerdans une ville assiégée par les forces de l’ordre parce que j’ai l’impression que l’onme suggère que je dois avoir peur. Il faut s’attaquer à la question de la peur descitoyens à travers un travail de réseau dans le social et pas en promettant qu’iln’y aura pas de dangers, parce qu’il y en aura toujours.»Bien que les Italiens ne soient pas forcément racistes, il reste que les poli-tiques du gouvernement alimentent la conviction que le problèmerepose sur «les autres». Au plan local, nombre d’administrations ontintroduit des ordonnances destinées à rassurer l’opinion publique.D’où, par exemple, la construction du «mur» de Padoue(4) pour contrôlerles allées et venues dans un quartier défavorisé, ou encore l’introduc-tion du revenu minimum pour obtenir la résidence à Cittadella. Dansla ville de Trévise, suite à la demande de la communauté musulmanelocale de disposer d’un lieu de culte, le maire a déclaré qu’il n’avait pasl’intention de délivrer de permis pour la création d’une mosquée (5) etque, «s’ils veulent prier, qu’ils aillent prier dans le désert !» Le résultat estqu’à Trévise, les musulmans prient dans le parking d’un supermarchéou dans d’autres espaces en plein air, un phénomène qui a été appelé«le nomadisme de la prière» et qui a fait gagner à Trévise le surnom de «villede la mosquée errante». En Italie, l’immigration est un phénomène relativement récent ; toute-fois, comme le souligne le Rapport Caritas Migranti 2008, il a déjàatteint une dimension structurelle qui permet de comprendre que lasociété est en cours de changement et que davantage de ressourcesdevraient être consacrées à l’intégration des milliers d’étrangers qui s’ins-tallent en Italie pour y rester et qui contribuent à la croissanceéconomique et démographique du pays. «La législation concernant l’immi-gration est tellement contradictoire et complexe que de nombreux immigrés ensituation régulière finissent par se retrouver en situation irrégulière.» De fait, lapénurie et la mauvaise planification des politiques d’accueil entraînentle développement de solutions d’urgence et augmentent le clivage

social. Plus particulièrement, la proposition de créer des classes sépa-rées pour les étrangers élimine les bases essentielles de l’intégration etouvre la voie à un phénomène qui va au-delà du racisme, c’est-à-dire lemanque de respect par pure ignorance.À présent, la société civile joue un rôle essentiel pour la sensibilisationdes Italiens et l’intégration des étrangers. En Italie, il n’existe même pasun observatoire du racisme et ce n’est que grâce au travail des intellec-tuels, des associations, de l’Église, des communautés d’expatriés, descentres sociaux et d’individus engagés qu’il est possible de développerdes projets visant l’intégration. Au vu du peu de ressources disponibles,les résultats sont extraordinaires. Le soutien des institutions italienneset européennes reste néanmoins nécessaire si l’on ne veut pas que ce paysdevienne une véritable poudrière sociale. eMarcella Segre

(1) Parti séparatiste et xénophobe mené par Umberto Bossi.(2) «La Sicurezza in Italia : Significati, immagini, realtà», Indagine di Demos, en collaborationavec L’Osservatorio di Pavia Media Research.(3) Idem, page 43.(4) Voir Libertés ! N°444 de mai 2008.(5) Discours du maire de Trévise Giancarlo Gentilini, prononcé à Venise le 14 septembre2008.

lAu printemps2008, en pleinecampagneélectorale, lesautoritésitaliennesdéployaient3000 militairesdans les zones«sensibles» dupays. Naples, 4 avril 2008. © AFP/MarioLaporta

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L’Italie ne dispose pas d’une législation nationale spécifique de lutte contre la discri-mination des minorités sexuelles. Selon les déclarations de Mme Carfagna,ministre pour l’Égalité des chances et ancienne showgirl, il n’y a pas besoin de légis-

lation spécifique étant donné que la discrimination n’existe pas en Italie. Pourtant, rienqu’en 2008, pas moins de neuf personnes ont perdu la vie à cause de leur orientationsexuelle et ce, sans compter les agressions et les cas de discrimination sur le lieu de travail.De plus, selon la législation actuelle, la charge de la preuve revient au discriminé et nonau discriminant. «La faute au poids de l’Église catholique, au manque de sensibilisation, au mouve-ment LGBT (1) qui n’a pas su se développer de façon homogène. Du coup, la seule loi en vigueur surce sujet est la loi du silence», affirme Antonio Soggia, ancien président de la section turi-noise d’Arcigay, l’une des associations qui œuvrent pour la promotion des droits des LGBT.

LES MINORITÉS SEXUELLESDANS LA LIGNE DE MIRE

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Les rares tentatives de produire des lois ayant trait à ce sujet ont échoué ou se limi-tent à des décrets régionaux souvent controversés. À cause des restrictionsimposées par tous les partis et des divisions au sein même du mouvement LGBT,aucune loi nationale sur l’union civile des couples homosexuels ou sur l’homo-phobie n’a vu le jour. De fait, malgré l’adoption de la directive européenne78/2000 sur les discriminations, l’Italie a été sanctionnée à plusieurs reprises parla Cour européenne pour avoir transposé les dispositions européennes dans la légis-lation nationale de façon insuffisante.L’Italie se conforte dans son image de pays d’apparences, un pays où la politiqueest davantage liée au spectacle qu’aux droits des citoyens. Au point que certainsse plaisent à croire que la victoire de Vladimir Luxuria (pseudonyme de Wladi-miro Guadagno), une ancienne députée transsexuelle élue sur la liste du Parti dela Refondation communiste, à l’une des téléréalités les plus suivies d’Italie, puisseêtre positive pour la visibilité des transsexuels au sein de la société. e M.S.Pour en savoir plus sur la coordination LGBT : http://WWW.amnestyinternational.be/doc/rubrique87.html

(1) Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.

à ce que l’on pourrait croire, ce sont les saisonniers originaires d’Europe orien-tale, donc des citoyens de l’Union, qui sont les plus exploités dans lescampagnes italiennes. En effet, les Africains ont en général un projet migra-toire de longue durée et cherchent dès lors un travail qui leur permette dese forger un avenir dans le pays d’accueil. À l’inverse, les immigrés issus desÉtats membres de l’Union viennent en Italie pour mettre de l’argent de côtéet se construire une nouvelle vie dans leur pays d’origine. Ils acceptent doncplus facilement des conditions de vie et de travail effroyables.Les «procès de Bari» qui ont jugé le cas des Polonais ont débouché sur des juge-ments historiques minant le système d’exploitation des travailleurssaisonniers. Grâce aux témoignages et aux écoutes téléphoniques, il a étépossible d’identifier des éléments clés pour la compréhension du fonction-nement de cette nouvelle forme d’esclavage. En outre, la Région des Pouillesa adopté des décrets visant à éliminer le travail au noir. Cependant, leseffets de ces mesures sont encore limités et aujourd’hui, en Europe, unsystème agricole se base encore et toujours sur un système criminel quirecourt à l’exploitation effrontée d’êtres humains. eM.S.

(1) Alessandro Leogrande, Uomi e Caporali, Mondadori, 2008, 252 p.

Les données rassemblées dans Une saison en enfer, le dernier rapport deMSF sur les conditions endurées par les travailleurs saisonniers en Italie,sont effrayantes. L’étude, menée dans le sud de l’Italie de juillet à

novembre 2007, révèle que 90 % des personnes interviewées n’avaient pas decontrat de travail et que 65% vivaient dans des logements insalubres, sans eau,ni électricité ni sanitaires. En outre, le rapport de MSF dénonce le fait que cessaisonniers, arrivés le plus souvent en bonne santé, ont développé des patho-logies à cause des conditions de vie et de travail qui sont les leurs en Italie.Même les pathologies curables deviennent chroniques parce qu’elles sontnégligées. «Bien que les immigrés aient droit en Italie à une carte de santé qui leuraccorde l’accès aux soins médicaux, 71% des saisonniers interrogés n’en possèdent pas.Ils ne sont pas informés ou ont tout simplement peur de se présenter devant les autorités.»Comme Alessandro Leogrande le raconte dans son ouvrage Uomini e Capo-rali (Hommes et Caporaux) (1), le système de quasi-esclavage développé dans lesud de l’Italie n’a pu être dévoilé qu’après des démarches lancées par leconsulat de Pologne en Italie, interpellé par des associations polonaisessuite aux nombreux cas de disparition de personnes parties travailler dansles Pouilles pour cueillir les tomates. Dans les campagnes des Pouilles, ungrand nombre de morts suspectes avait en outre été observé et les affairesrestaient non résolues. La mobilisation des médias et des forces de l’ordre polo-naises a permis de mieux comprendre les faits. Il a ainsi été révélé queplusieurs corps retrouvés aux abords des plantations et jamais identifiésétaient ceux d’ouvriers agricoles étrangers, attirés en Italie par des promessesd’un travail saisonnier bien payé mais ensuite enfermés dans des maisons insa-lubres et sous la garde de «caporaux» armés, souvent de la même nationalitéqu’eux. Peut-être les ouvriers tués avaient-ils protesté contre leurs condi-tions de vie et de travail, demandé à être payés ou essayé de fuir pendant lespériodes de forte demande de main-d’œuvre. La condition d’esclave estsouvent due à ce que Alessandro Leogrande définit comme une «psychologiede la dépendance», notamment le mécanisme d’asservissement enclenché parles dettes accumulées, le manque de conscience de leurs propres droits et lapeur des caporaux aussi bien que des autorités en cas de dénonciation.Le cas des Polonais a révélé au grand jour une nouvelle forme d’esclavage quis’appuie sur le transport et l’exploitation forcée d’êtres humains dans le butde soutenir l’une des principales productions d’un État fondateur de l’Unioneuropéenne. Ce phénomène qui se développe au centre de l’Europe impliquel’exploitation d’immigrés sans papiers, de réfugiés politiques, pour la plupartd’origine africaine, aussi bien que de citoyens communautaires en situationrégulière. Les enquêtes du journaliste Fabrizio Gatti (de l’hebdomadaireL’Espresso), d’Alessandro Leogrande et de MSF ont indiqué que, contrairement

SAISONS AMÈRESL’Italie est l’un des premiers producteurs de tomates au monde. Outreles tomates, chaque année dans le sud du pays l’on récolte toutessortes de fruits et de légumes, un travail qui nécessite une importantemain-d’œuvre. Toutefois, ce n’est que récemment et grâce à la sociétécivile polonaise, MSF et quelques journalistes indépendants qu’il a étépossible de lever le voile sur la situation épouvantable des travailleurssaisonniers dans le sud de l’Italie, une situation proche d’une nouvelleforme d’esclavage.

La mère de Karolina, une fillette polonaise de 6 ans tuée par balles dansune banlieue de Naples. San Paolo Belsito, 5 mai 2007. © AFP/Francesco Pischetola

j Desmilitants del’organisationnéofascisteForza Nuovamanifestentcontre la venuede la WorldPride à Rome.«Donner leColisée auxgays?Seulement siles lions y sontaussi !». Rome,juillet 2000. © Reuters/Vincenzo Pinto

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8 Libertés ! Février 2009

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Tous les matins, un peu avant huit heures, les éducateurs traversentle camp et appellent les enfants. Les enfants les regardent derrièreles fenêtres de leurs préfabriqués, parfois ils sortent pour dire qu’ils

ne vont pas aller à l’école. Des adolescentes, le ventre tendu et un enfantattaché à la jupe, disent bonjour avant de s’éclipser aussitôt. Vers cinqheures, le bus ramène les enfants. Il s’approche lentement de la grille d’en-trée, se frayant péniblement un chemin parmi les tonnes de déchetséparpillés un peu partout et contourne finalement les ordures empilées aubeau milieu du parking. Des dizaines d’enfants sont accrochés à l’enceintede fer comme des petits singes. Dans le bus, les enfants sont déjà debout,saluent de la main les autres devant le camp et se bousculent pour être lespremiers à descendre du bus. Comme des supporteurs de football, ils chan-tent fièrement leur devise : «Via Germagnano, Via Germagnano...». C’est le nomdu camp, c’est-à-dire celui de la rue où leur camp a été installé : dans labanlieue nord de la ville de Turin, devant le chenil, pas loin de la plus grandedécharge de la région. Ils crient et leur voix couvre tout. Il y un moment desilence quand le bus freine, puis tout le monde descend et disparaît dansle camp. Parfois quelques enfants s’approchent des ordures empilées, yrécoltent quelque chose et repartent en courant rejoindre les autres.Le camp de Via Germagnano est l’un des quatre camps légaux de la ville deTurin. Environ 170 Roms d’origine des Balkans y résident. Il s’agit dequarante préfabriqués numérotés construits par les autorités municipaleset entourés d’une enceinte, de quelques caravanes de toutes les couleurs etde toutes sortes d’objets hétéroclites : sièges de voiture, meubles défoncés,rats morts, jouets abandonnés, chaussures veuves, le tout sans oublierl’odeur pestilentielle omniprésente des détritus. Au fil du temps, quelquescamps illégaux, pour la plupart squattés par des Roms de Roumanie, se sontdéveloppés autour du camp légal. Pour avoir le droit de résider au camp, les

Depuis quelques années, les Roms, particulièrement nombreux enItalie, font l’objet d’une politique sécuritaire hostile sur fond dexénophobie galopante.

LES ROMS, BOUCS ÉMISSAIRESnombreux sont ceux qui ont surgi spontanément et sont dépourvus d’infras-tructures de base. Le fait de résider dans un camp légal n’écarte pas lerisque d’être expulsé par les autorités ou d’être exposé aux attaques de lapopulation locale. Les différents gouvernements se sont donné pour tâchede résoudre «l’urgence rom» à travers des mesures coercitives. Pour l’asso-ciation pour la protection des minorités Everyone, «en Italie, il n’existeaujourd’hui aucune mesure pour aider les Roms. Les seules mesures envisagées sont l’ex-pulsion des camps sans la proposition d’une alternative et la persécution, tant de lapart des forces de l’ordre que de groupes racistes.»Au mois de mai 2008, pendant une campagne électorale marquée par lapsychose de l’insécurité, les autorités ont évacué des camps à Milan et à Romeen laissant des centaines de personnes sans logement. Les mois suivants, lesRoms sont devenus les principaux boucs émissaires des problèmes de sécu-rité en Italie. La proposition du ministre de l’Intérieur Roberto Maroni(Ligue du Nord) d’introduire le prélèvement des empreintes digitales desmineurs habitant les camps, accompagnée d’une propagande médiatiquediscriminatoire, a entraîné une vague de violences et plusieurs campsroms ont été incendiés. Ces événements ont suscité l’inquiétude de lasociété civile et des institutions européennes. Lors de sa deuxième visite àRome, en janvier 2009, le commissaire aux Droits de l’Homme du Conseilde l’Europe, Thomas Hammarberg, n’a pas craint de déclarer : «La situationest bien pire que ce que j’ai vu la dernière fois. Il est scandaleux qu’au sein de l’UnionEuropéenne, il y ait des personnes sans droits qui habitent dans des conditions si miséra-bles.»La séparation physique alimente la méfiance et empêche l’intégration,laquelle pourrait être possible si l’accent était davantage mis sur lesprogrammes sociaux et moins sur les campagnes catastrophistes. «Après desannées dans un camp, ma famille a réussi à obtenir un HLM. Mes parents voulaientnous offrir un avenir différent», explique Valter Halilovic, 30 ans, ancienhabitant du camp de l’Arrivore à Turin. «Cela n’a pas été facile au début, maisaujourd’hui nous sommes bien intégrés dans la vie du quartier. Chez ma sœur il y atoujours les enfants des voisins qui viennent jouer avec mes neveux et j’ai plein d’amisitaliens.» eM. S.

familles doivent respecter certains critères. Entreautres, tous les candidats doivent disposer d’unpermis de séjour et les enfants doivent aller àl’école régulièrement. Le service du bus scolaireassuré par une coopérative payée par la mairie deTurin n’est pas suffisant pour tous les enfantsqui habitent le camp et il fait l’objet de critiquesdes élus de la Ligue du Nord.Le rapport 2007 de l’Agence européenne desDroits fondamentaux (FRA) a souligné le dysfonc-tionnement du système de scolarisation desenfants roms en Europe. «C’est un système inadé-quat qui entretient la ségrégation et aggrave l’inégalitédes chances.» En fait, dans beaucoup d’États-Membres, les enfants roms sont entassés dans lesmêmes écoles et reçoivent un enseignement debasse qualité. «Il arrive souvent que les enfants romssoient négligés par les enseignants ou qu’ils soient accuséspar les parents des autres enfants d’être les responsablesdu bas niveau de la classe et des épidémies de poux»,explique Rebeka, une éducatrice d’originebosniaque. Il faut se garder de brosser un portrait tropgénéral de la situation des Roms. D’une part, ilsviennent de régions différentes et parlent deslangues différentes. D’autre part, l’Italie elle-même est loin d’être un pays homogène. En outre,les vagues d’immigration des Roms en Italie sesont succédé au fil des siècles et ont donc faitl’objet de politiques différentes selon les périodes.Cependant, la séparation physique entre les Romset les Italiens n’a fait qu’exacerber la distanceculturelle et alimenter les peurs mutuelles. Aujourd’hui, la plupart des Roms d’Italie viventdans des camps aux abords des grandes villes. Siquelques-uns ont été aménagés par la mairie,

Des pompiers luttent contre l’incendie criminel qui a ravagé un camp de Roms dans le quartier de Ponticelli.Deux autres camps ont été brûlés après qu’un adolescent rom ait tenté d’enlever un bébé. Naples, 28 mai 2008. © AFP/Francesco Pischetola

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En Italie, le droit d’asile est garanti par l’article 10 de la Constitution.Aujourd’hui, 12 440 réfugiés de 40 nationalités différentes rési-dent dans le pays (1). De surcroît, l’Italie est le port d’arrivée de la

plupart des réfugiés qui fuient leur pays et essayent de se reconstruire unevie en Europe. La fréquence des débarquements (2) et le surpeuplementdes Centres d’Identification et Expulsion – à lui seul, le CIE de Lampedusaaccueille environ 1 800 immigrés, pour une capacité de 800 lits (3) – ontaggravé les problèmes de gestion, tandis que les solutions adoptées dansl’urgence bafouent les droits fondamentaux contenus dans la Constitution.Ainsi, pour réagir à la situation de Lampedusa, le ministre de l’IntérieurRoberto Maroni a proposé de construire un autre CIE sur l’île et de rapa-trier immédiatement les immigrés qui débarquent sur les côtes. Ceciempêcherait les immigrés d’introduire une demande d’asile. Les proposi-tions du ministre ont attisé les tensions et, fin janvier 2009, environ 1 000immigrés ont fui le CIE de Lampedusa pendant quelques heures pourmanifester dans les rues, en rencontrant le soutien de la population locale.L’administration et les habitants de Lampedusa ont organisé une grève etmanifesté pour s’opposer à la décision du ministre. L’île est déjà surpeupléeet sans moyens pour gérer le CIE existant (4). «Tu sais s’il faut avoir la carte de résident pour acheter une carte Sim ?», medemande Abdi, un jeune somalien habitant la Clinica. De fait, la seuleobtention d’un permis de séjour pour réfugiés n’accorde pas la carte de rési-dence et, pour connaître leur position sur la liste d’attente de lamunicipalité, les réfugiés doivent être joignables. La résidence est donc unenjeu crucial pour les réfugiés de Corso Peschiera. Bien évidemment, ce n’estpas seulement pour avoir un téléphone portable. Faute de résidence, il esttout simplement impossible d’avoir la carte d’identité ou l’accès au médecingénéraliste, sans même parler d’un travail régulier ou d’un compte enbanque.

La ville de Turin participe au programme SPRAR(5) et il existe des organismescompétents pour l’insertion des individus dans les structures d’accueil «offi-cielles» et dans des parcours de formation. «Le problème, c’est essentiellementla difficulté de planifier quoi que ce soit et le manque des ressources», expliqueDeana, une bénévole d’une des associations du réseau SPRAR. «Les solutionsd’urgence sont désormais des solutions permanentes. Malgré la réaction rapide de lamairie et le développement d’un réseau d’associations responsables du SPRAR, la listed’attente est trop longue par rapport aux places disponibles.»Certes, l’occupation de la Clinica n’aurait pas été possible sans le Comitéde Solidarité, un groupe composé de bénévoles, de représentants descentres sociaux occupés et des associations. Le Comité a rétabli l’électricitéet l’eau de la Clinica. Il fournit aussi un soutien logistique dans le domainede l’accès aux services de santé et la communication avec les institutionset les médias. Cependant, la situation a dégénéré. L’occupation était prévuepour 80 personnes mais, à cause du buzz médiatique, ce sont aujourd’hui230 personnes qui occupent Corso Peschiera 178. Quelques réfugiés ontmême renoncé au programme d’accueil officiel en pensant qu’ils seraientmieux traités à la Clinica. Le Comité lui-même a fait l’objet de certainescritiques l’accusant de faire des coups médiatiques. «Il est plus difficile detravailler avec les réfugiés qui arrivent des établissements occupés. Il y a moins de colla-boration. Parfois, ils refusent le peu que nous pouvons leur offrir parce qu’à leur avisce n’est pas assez. Mais pour l’instant, nous ne pouvons pas offrir davantage»,ajoute Deana.La plupart des habitants de la Clinica ont débarqué à Lampedusa et sontarrivés à Turin après avoir fait le tour des structures d’accueil en Italie eten Europe. L’administration turinoise affirme recevoir un nombre excessifde demandes et ne pas disposer de suffisamment de ressources. Actuelle-ment, la situation est stationnaire. «Je ne crois pas qu’ils vont être expulsés», ditBarbara, un membre du Comité. «Il n’y a pas d’autres solutions et l’occupationpermet aux institutions de gagner du temps sans que les réfugiés dorment dans la rue.Ce que nous revendiquons, c’est l’octroi de la résidence.» e M.S.

(1) La plupart sont originaires des Balkans, du Moyen Orient et de la Corne de l’Afrique.Données ITC (Interpreti e Traduttori Consorziali).(2) Données du Ministère de l’Intérieur.(3) Données pour janvier 2009.(4) En ce moment, l’île de Lampedusa est assiégée par les forces de l’ordre et les manifesta-tions ne cessent pas.(5) Système de Protection des Demandeurs d’Asile et des Réfugiés.

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LES RÉFUGIÉS SE REBIFFENTEn octobre 2008, environ 80 personnes ayant le statut de réfugié occupaientla Clinica San Paolo, une ancienne clinique privée située au Corso Peschiera178 à Turin. L’occupation était organisée pour exiger des logements à causedu manque de place dans les structures officielles. Une situation égalementdénoncée par le porte-parole du Haut Commissariat pour les Réfugiés, aprèsavoir visité un autre établissement occupé par des réfugiés à Turin, ViaBologna.

jPlus de 700immigrants illégauxmanifestent dans lecentre de Lampedusaaprès avoir forcél’enceinte du camp derétention de l’île. Lampedusa, 24 janvier 2009. © AFP/MauroSeminara

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M O U V E M E N T

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LES FORMATIONS EN 2009

Pour en savoir plus sur Amnesty, n’hésitez pasà vous inscrire à l’une de nos formations! Voicile programme à venir :

14 février de 09h30 à 16h30Mission et fonctionnement d’Amnesty

19 février de 19h00 à 22h00Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty

7 mars de 09h30 à 12h30Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty

14 mars de 10h00 à 16h30Combattre la torture

21 avril de 19h00 à 22h00Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty

9 mai de 10h00 à 15h00La responsabilité sociale des entreprises

14 mai de 19h00 à 22h00Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty

16 mai de 10h00 à 15h00USA et droits humains

23 mai de 09h30 à 16h30Mission et fonctionnement d’Amnesty

Si vous venez de devenir membre de notre organi-sation, nous vous conseillons de participer à laformation «Découvrir et s’orienter au sein d’Am-nesty». Par contre, si vous désirez approfondir votrecompréhension de notre travail et de notre struc-ture, le module «Mission et fonctionnementd’Amnesty» répondra mieux à vos attentes.Pour vous inscrire dès maintenant et/ou obtenirdes détails concernant le contenu de tous lesmodules, rendez-vous sur notre site Internet :http://www.amnesty.be/formations ePour tout renseignement, n’hésitez pas à nous contacter par e-mail à [email protected] ou par téléphone au 02/538 81 77,de préférence les mardi, jeudi et vendredi.

ON RECRUTE !UN COORDINATEUR RÉGIONALBÉNÉVOLE POUR BRUXELLES

Les groupes locaux bénéficient du soutien de «coor-dinations régionales». Composées d’une ou plusieurspersonnes, ces coordinations fédèrent les groupesdans leur région pour des actions communes, appor-tent aux groupes un soutien méthodologique etorganisationnel et ont souvent un rôle de porte-parole pour la presse locale ou régionale. Ellesassurent aussi l’encadrement de membres indivi-duels. Leurs responsables sont nommés par leConseil d’administration, et jouissent d’un soutienparticulier du Secrétariat national (réunions deformation, transmission d’information, consulta-tion sur les stratégies à mettre en œuvre, etc).Compétences requises : Capacités en organisation,en communication et en formation. Connaissancede la dynamique de groupe. Maîtrise des princi-paux outils informatiques.Il est important par ailleurs : d’être disponibleparfois en soirée et le week-end, d’être capable detravailler de manière indépendante et, enfin, deposséder une aisance relationnelle, de la diplo-matie et un sens de l’écoute.Le Coordinateur régional est l’un des cadres béné-voles d’Amnesty International. Il s’agit d’unefonction dotée d’un pouvoir décisionnel, très richeen contacts et valorisante au sein du mouvement. eEnvoyez votre CV et une lettre de motivation à : Antoine

Caudron (Amnesty International), rue Berckmans 9, 1060

Bruxelles, [email protected]

Pendant plusieurs semaines, les médias ont relaté jour après jour l’opération «Plomb durci»,l’intervention armée israélienne contre le territoire palestinien de la Bande de Gaza, isolé depuis 2006 par un blocus décrété par Israël. L’occasion de faire le point sur le travailde la coordination Israël Territoires occupés palestiniens (ITOP) avec son responsable, Jean-Jules Docquir.

G R O S P L A N

«CE DOSSIER EST CELUI QUISUSCITE LE PLUS D’ÉMOTION ET DEPASSION»

Comment êtes-vous arrivé à la coordina-tion Israël & Territoires occupéspalestiniens (ITOP)?

J’ai fait des études de droit et de criminologie, touten travaillant dans le secteur bancaire, qui étaitévidemment un boulot purement alimentaire! À lasortie des études, j’avais déjà deux enfants et c’étaitla crise pétrolière. Ce n’était pas le moment dequitter cette sécurité financière. Je me suis dit quele jour où mes enfants seraient autonomes, je pour-rais m’engager dans quelque chose qui m’intéresse!Un jour de 1993, alors que je me promenais dansNamur, j’ai vu un stand du Groupe Action d’Am-nesty et j’ai décidé de me lancer dans l’aventure. J’airempli différentes fonctions au sein de l’organisa-tion et, depuis 2005, je m’occupe de lacoordination ITOP. Je suis le plus possible l’actua-lité via différents organes de presse, les documentset rapports du Secrétariat international (SI) d’Am-nesty et avec l’édition anglophone du quotidienisraélien Ha’Aretz.

Quel est le rôle de la coordination ITOP ?Notre rôle est de servir de relais entre le SI, lesmembres d’Amnesty et les groupes qui travaillentsur le dossier Israël et Territoires occupés palesti-niens. Je reçois des informations directement deLondres et je mets en forme les actions que jepropose aux 15 groupes ITOP de Belgique franco-phone. J’envoie des courriers avec description de caset une lettre type destinée aux autorités concernées.Un autre rôle est celui de répondre aux personnesqui interpellent le Secrétariat national (SN) sur leconflit israélo-palestinien. Des mails que je reçoisdirectement.Par exemple, nous avons dû répondre à denombreuses questions lors des exactions commisesaux moments des confrontations entre le Hamas etle Fatah en juin 2007. Nous avions envoyé uncommuniqué de presse qui concernait exclusive-ment les Palestiniens puisque c’était un problèmeinterpalestinien. Dans ce communiqué, il étaitstipulé que des violations des droits humainsavaient été commises par les deux parties. Par lasuite, nous avons reçu des mails nous demandanten substance : «Pourquoi vous attaquez-vous aux seulsPalestiniens ? Pourquoi ne dites-vous rien sur les Israé-liens? S’ils s’affrontent, c’est la faute d’Israël. Etc.» C’estun autre aspect de notre travail au sein de la coor-dination, qui s’amplifie dès que le Moyen-Orient

revient à l’avant-plan de l’actualité. Encore hiersoir, j’ai dû répondre à cette question: «Que faites-vouspour les crimes de guerre commis par Israël dans la bandede Gaza?» Je les renvoie alors vers le site où desinformations répondent à ces questions via nosactions en cours. Nous avons également organisé enjuin 2007 une série de conférences avec PascalFenaux, rédacteur en chef du magazine Libertés!, etPhilippe Hensmans, directeur d’Amnesty Interna-tional Belgique francophone, pour développerl’approche et la compréhension du problèmeisraélo-palestinien et des dossiers ITOP.

Un exemple d’action ?De nombreux jeunes en Israël sont engagés dans lecombat pour la paix. Ceux-ci refusent de se battreet de faire leur service militaire dans les territoiresoccupés. Or, le service militaire est obligatoire enIsraël aussi bien pour les garçons que pour lesfilles. Ces jeunes sont souvent mis en prison pourde courtes périodes, mais qui sont souvent renou-velées. Nous avons eu un cas d’objecteur deconscience avec Tamar Katz, une jeune fille quiavait fait deux séjours en prison. Elle avait subi destraitements dégradants. Elle ne pouvait paschanger de vêtements et les conditions d’hygièneétaient réduites à leur plus simple expression.Nous avons mené une action en sa faveur afinqu’elle soit libérée. Dans les prochains jours, nousallons lancer de nouvelles actions pour venir enaide à deux nouveaux objecteurs de consciencequi ont été récemment emprisonnés.

Vous organisez un suivi des dossiers et des cour-riers qui sont envoyés?Le suivi est très important. Autant pour les bonnesque pour les mauvaises nouvelles. À ce sujet, j’aiune petite anecdote. Nous avions lancé lors de lamesse de Noël 2008 une action pour Salwa Salahet sa cousine Sara Siureh, deux mineures Palesti-niennes originaires de Bethléem et placées endétention «administrative», c’est-à-dire sans juge-ment (1). Elles étaient censées représenter unemenace pour la sécurité d’Israël, sans autre expli-cation. Il n’y avait pas eu de jugement, pasd’enquête, pas de procédure classique… On main-tient des gens comme ça en prison et pour certains,ça dure des années ! Les signatures après la messesur les courriers demandant leur libération ontété bien plus importantes que nous ne l’avions

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Jean-Jules Docquir, coordinateur ITOP. Bruxelles, 28 janvier 2009. © Bruno Brioni

M O U V E M E N T

Libertés ! Février 2009 11

CERCLE PETER BENENSON

LE 17 FÉVRIER 2009 – CHARLEROI«THE BRIG» - L’ENFERMEMENT ENQUESTION

Débat en présence de Christian De Valkeneer(Procureur du Roi de Charleroi et professeur dedroit à l’UCL) et Michel Graindorge (avocat auBarreau de Bruxelles et criminologue).Le débat sera suivi d’une représentation de la pièceThe Brig par la compagnie new-yorkaise du LivingTheatre. Créée en pleine guerre du Viêt-Nam, TheBrig est une oeuvre choc sur le quotidien brutal,pervers et oppressant d’une prison militaire améri-caine.Texte en anglais non surtitré eÀ 19h00 au BPS 22, Boulevard Solvay 22, 6000 Charleroi, surle site de l’Université du TravailEntrée : 5 à 12 e - Abonnement dès 4 spectacles - Réservationau 071 31 40 79 – Infos : www.ancre.be. En partenariat avecL’Ancre.

LE 26 FÉVRIER 2009 – BRUXELLESPARCOURS DE FEMMES DANS LABANDE DESSINÉE – VISITE GUIDÉE

En présence d’Annie Pilloy, auteure de nombreuxarticles et ouvrages, dont «Des femmes et des bulles- Les stéréotypes féminins dans la BD pour enfantset adolescents» dans Regards Sociologiques, Univer-sité de Strasbourg, 1995.Amnesty International vous invite à découvrir l’ex-position Héroïne(s) qui retrace le parcours de lafemme dans l’univers de la bande dessinée, deBécassine à Barbarella, de Natacha à Julie, Claire,Cécile, etc. À cette occasion, la Fondation RaymondLeblanc a rassemblé les travaux des plus grandsauteurs de BD : Will (Isabelle), Tardi (Adèle Blanc-Sec),Berthet (Pin up), Renaud (Jessica Blandy) et beaucoupd’autres. eÀ 20h00 à la Fondation Raymond Leblanc, Avenue Paul-HenriSpaak 7, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles).Entrée : 5 e (adultes) – 2 e (étudiants, demandeurs d’emploi etseniors) – réservation au 02 520 70 09. En partenariat avec laFondation Raymond Leblanc.

DU 5 AU 9 MARS – BRUXELLESFOIRE DU LIVRE 2009

Grâce à la collaboration de la librairie Tropismes,Amnesty sera présente à la Foire du Livre. Commechaque année, nous renouvelons cette action quiconsiste à faire envoyer des livres à des prisonniersd’opinion ou à des organisations de défense desdroits humains, partout dans le monde. Les tribunes AmnestyCette année, le thème de la Foire du livre deBruxelles est «Crise(s) et création». À cette occasion,Amnesty International invitera chaque jour unauteur différent pour animer la tribune des droitshumains.Au programme, tous les jours à 14h00 :Le 5 mars : Vincent EngelLe 6 mars : Pierre Mertens & Pietro Pizzuti Le 7 mars : Xavier Deutsch & Jean-Paul MarthozLe 8 mars : Soukaïna OufkirLe 9 mars : Nadira LazregeLieu : Tour & Taxi – Avenue du Port, 86 C – 1000 BruxellesEntrée : 7 e (adultes) 3 e (étudiants et demandeurs d’emploi).Si vous désirez tenir le stand 140 bénévolement et pour plusd’infos :[email protected] ou Ingrid Plancqueel au 02/538 81 77

espéré ! J’ai reçu un mail de Londres finjanvier 2009 annonçant la libération de ces deuxjeunes filles de 17 ans. Nous avons donc tout misen œuvre afin d’informer les gens de cette libéra-tion. Bien entendu, ce n’est pas uniquement cetype de lettres qui a fait libérer ces jeunes, maiscela a certainement contribué à hâter cette libéra-tion. Cela prouve qu’en étant un simple citoyen, ily a moyen de faire bouger les choses. Et, donccomme je le disais, le suivi des actions est trèsimportant.

Est-il difficile de parler d’un sujet aussi sensibleque celui des relations israélo-palestiniennes?Aujourd’hui, nous sommes dans l’œil du cyclone.Cela influe-t-il sur votre démarche ?Le problème avec ce dossier, c’est que, de tous ceuxqu’Amnesty traite, c’est celui qui suscite sans doutele plus d’émotion et de passion. Il y a des posi-tions partisanes très arrêtées, ce qui ne favorisepas l’échange et le dialogue. J’ai reçu récemmentun mail où l’on comparait la bande de Gaza aughetto de Varsovie. On me demandait en outre defaire suivre ce mail, ce que je n’ai pas fait parce queje ne suis pas d’accord avec ce genre d’attitude.Là, on est en plein dans l’émotionnel… Ce genred’amalgame ne fait qu’attiser les tensions. Je pensequ’il y a d’autres choses à faire.

Les courriers qui sont envoyés représentent le ferde lance de vos actions ?Oui, c’est un mode d’action très important. Lescourriers sont envoyés directement aux autoritésconcernées : gouvernement d’Israël, commande-ment militaire israélien en Cisjordanie, Autoritépalestinienne, etc. Les actions sont mises égale-ment sur le site www.isavelives.be.

Vous avez des retours, des réponses aux courriersque vous envoyez?Nous recevons parfois des réponses des autoritésisraéliennes, mais c’est assez rare. Depuis que je suislà, je n’ai pas souvenir d’avoir reçu de réponsesde l’Autorité palestinienne. Je sais que le Secrétariat

international à Londres en a reçu. Mais nous,personnellement, non.

Avez-vous des contacts avec certaines autoritésici en Belgique ?La semaine dernière nous avons rencontré avecMontserrat Carreras, responsable du lobbyinget chargée des relations extérieures d’Amnesty,des représentants politiques à l’ambassade de laRépublique tchèque, qui préside actuellement leConseil des Ministres de l’Union européenne. Cetravail se fait avec le Bureau européen d’Amnestyqui travaille de manière indépendante et dont lechamp d’action est l’Union Européenne. On entendsouvent dire de l’Europe que c’est un géant écono-mique mais un nain politique… Malgré tout, ellereste un partenaire important ! Nous avons soumistrois points à nos interlocuteurs tchèques : la levéetotale du blocus de Gaza par Israël, la mise surpied d’une commission d’enquête internationaleconcernant les crimes de guerre qui auraient étécommis aussi bien par l’armée israélienne que parle Hamas et, enfin, l’imposition d’un embargo surles armes. Ces actions sont menées conjointementpar les sections francophone et néerlandophoned’Amnesty Belgique. Nous avons rencontré égale-ment le ministre des Affaires étrangères belge dansle même cadre, pour exposer, rappeler etdemander son appui concernant notre demandeque le Conseil de Sécurité de l’ONU mène uneenquête sur les crimes de guerre.

Avez-vous de bonnes relations avec l’ambas-sade d’Israël à Bruxelles?Je me suis rendu deux fois à l’ambassade. Lapremière fois, c’était très dur. Ils ne voulaient rienentendre. Nous sommes sortis passablementassommés. La deuxième fois, nous avons eu l’im-pression qu’ils pouvaient entendre quelque chose !Mais il reste très difficile de mesurer l’impact de cegenre de discussions. ePropos recueillis par Bruno Brioni

(1) Voir Libertés ! n° 449 de décembre 2008.

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12 Libertés ! Février 2009

M O U V E M E N T

L’Assemblée générale ordinaire d’AIBF est convoquéele 21 mars 2009 à 09h30 au siège de l’association.Conformément aux statuts de notre asbl, une AG

statutaire n’est valable que si 2/3 des membres sontprésents ou représentés. AIBF comptant actuellement plusde 25 000 membres, il est peu probable que le quorumsoit atteint. Une seconde AG extraordinaire sera doncconvoquée le samedi 25 avril à Bruxelles. Celle-cipourra délibérer quel que soit le nombre de membresprésents ou représentés.Le Carrefour Finances aura lieu le 18 avril 2009 au siège del’association, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles).

RÉSOLUTIONSLes projets de résolution et les amendements aux statutset au règlement d’ordre intérieur doivent être adressésau Conseil d’administration au moins 60 jours avant ladate de l’Assemblée générale, soit au plus tard pour le22 janvier ou, si le quorum n’est pas atteint, pour le 24février 2009. Les projets et les amendements introduitsaprès l’écoulement du délai sont automatiquement écartés,à l’exception des projets de résolutions d’urgence.Les projets de résolution et les amendements aux statutset au règlement d’ordre intérieur ne sont recevables qu’àcondition d’être appuyés par la signature de 5 membresau moins.Toute résolution soumise à l’Assemblée générale doit êtreaccompagnée d’une brève déclaration d’intention et desmotifs de la résolution. Toute résolution dont l’adoptionaurait des répercussions non négligeables sur l’utilisation

des ressources financières et/ou humaines de la section doit,pour être recevable, être introduite par des considérants,soit accompagnée d’une notice qui explique son lien avecle plan stratégique ou, à tout le moins, avec le plan opéra-tionnel de la section.

CANDIDATURES AU CONSEILD’ADMINISTRATION OU AU COMITÉD’ÉVALUATION ÉTHIQUE DES PARTENARIATSSeuls les membres de l’association depuis au moins deuxans, en règle de cotisation, peuvent poser leur candidatureau poste d’administrateur ou au Comité d’évaluationéthique des partenariats. Sauf dérogations prévues par lerèglement d’ordre intérieur, les candidatures doivent êtreenvoyées par écrit au moins 60 jours avant la date de l’As-semblée générale annuelle, soit au plus tard pour le 22janvier 2009 ou, si le quorum n’est pas atteint, pour le 24février 2009. Ces candidatures doivent être adressées ausiège de l’association, à l’attention de la présidente duConseil d’administration (Christine Bika). Les candidatsjoignent à leur acte de candidature un bref «curriculumvitae» (une dizaine de lignes) et une lettre de motivation.ePour toute information au sujet de l’AG, contacter AltheaWilliams: [email protected] ou 02/543 79 03

LES RENCONTRES DU PRINTEMPS

LE DÉBAT TOUT PRÈS DE CHEZ VOUSCette année, les Rencontres poursuivent leprocessus de consultation des membres d’AmnestyInternational sur le Plan stratégique intégré (PSI)2010-2016. Des rencontres sont prévues avec les7 régionales d’AIBF afin de permettre à chaquemembre de prendre part à ce débat important etde contribuer à la démocratie et aux orientationsfutures de notre mouvement.

14 MARS :Liège, de 10h00 à 13h00À l’Espace Beeckman, Rue Beeckman 26 – 4000 LiègeNamur, de 14h00 à 17h00Sur les hauteurs de la Citadelle, Espace Lioba, Avenue Vauban 28 – 5000 Namur

21 MARS :Brabant wallon, de 10h00 à 13h00À la Maison de la Citoyenneté, Rue des Deux Ponts 15 –

1340 Ottignies-Louvain-la-NeuveCharleroi, de 14h00 à 17h00À la Maison pour associations, Route de Mons 80 – 6030 Marchienne-au-Pont

22 MARS : Wallonie picarde, de 14h00 à 17h00Au Château Burbant, rue du Gouvernement 1 - 7800 Ath

28 MARS : Bruxelles, de 09h30 à 12h30Au Secrétariat national d’AIBF, Rue Berckmans 9 – 1060 BruxellesLuxembourg, 15h00 à 18h00À l’Institut St-Michel, Place du Château 3 – 6840 Neufchâteau e

Inscriptions auprès d’Antoine Caudron,[email protected] - 02/543 79 88

ASSEMBLÉEGÉNÉRALE2009Réservez dès maintenant le samedi 25 avril etparticipez à l’Assemblée générale de votreorganisation

SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF

Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77Fax: 02 537 37 29www.amnesty.be

SECRÉTARIAT INTERNATIONAL

Easton Street 1, London WC1X ODWUnited Kingdom00 44 207 413 5500

AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN

Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 603 271 16 16

RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY

BRABANT WALLON

Jean-Philippe CHENUchemin de la Terre Franche 131470 Genappe010 61 37 73 – [email protected]

BRUXELLES

Le poste de coordinateur est vacant !Pour des renseignements sur le profilrequis avant d’envoyer un CV, écrire àAntoine CAUDRON – Amnesty Interna-tional, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles ouenvoyer un e-mail à [email protected]

HAINAUT ORIENTAL

Nicole GROLETav. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle071 43 78 40 – [email protected]

LIÈGE

Jean-Pierre ANDRÉ04 387 51 07 – [email protected] BIKAResponsable de la gestion de la perma-nence – C/O Bureau régional d’AI – rueSouverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundiau vendredi de 13h30 à 17h3004 223 05 [email protected]

LUXEMBOURG

Daniel LIBIOULLEAvenue de la Toison d’Or 266900 Marche en Famenne084 31 51 [email protected]

NAMUR

Romilly VAN GULCKRue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe071 88 92 [email protected]

WALLONIE PICARDE

Marie NOËLRue Cheny 1, 7536 Vaulx069 77 66 13 – 0499 13 57 [email protected]

Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur leterrain, font un travail d’action et desensibilisation aux droits humains. Pourvous y joindre, contactez votre régionale.

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Libertés ! Février 2009 13

I S A V E L I V E S . B E

Au petit matin du 1er août 2008, quel-qu’un a mis le feu à l’appartement deDmitri Kraïoukhine (ou Dmitrii

Kraiukhin), défenseur des droits humains, etbarricadé la porte pour empêcher les occu-pantes des lieux de s’échapper. La mère, lafille et la petite-fille de Dmitri Kraïoukhineétaient à l’intérieur, mais sont parvenues àappeler les pompiers et s’en sont sortiesindemnes. Dmitri Kraïoukhine dirige l’agencede presse CentrRus. Il est également connu pour son action contreles menées racistes d’organisations nationa-listes extrémistes en Russie. La nuit de latentative d’incendie, il participait à unerencontre de jeunes autour de l’éducation auxdroits humains. Cette agression fait suite à

une série d’actes d’intimidation visant cethomme, parmi lesquels l’inscription demenaces sur les murs de son immeuble. Le 3 août, il a reçu une lettre anonyme affir-mant que l’attaque était en rapport direct avecson rôle de témoin clé dans un procès contrel’organisation ultranationaliste Unité natio-nale russe. La police a refusé d’ouvrir uneenquête pénale sur la tentative d’incendie,qualifiant les faits d’infraction mineure.Ensuite, le 13 août, elle a donné l’ordre declasser la plainte, en raison de «l’absence decrime dans les agissements de personnes nonidentifiées». Amnesty International pense queces actes de harcèlement ont pour but d’empê-cher Dmitri Kraïoukhine de poursuivre soncombat contre le racisme en Russie. e

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur le Procureur général,Dmitri Kraïoukhine, défenseur des droits humains et directeur de l’agence de presse CentrRus,

milite contre les menées racistes d’organisations nationalistes extrémistes en Russie. Le 1er août 2008,quelqu’un a incendié son appartement et a barricadé la porte pour empêcher sa mère, sa fille et sa petite-fille de s’échapper, mais elles sont heureusement parvenues à appeler les pompiers et sont indemnes. Cetteagression fait suite à une série d’actes d’intimidation visant cet homme. La police a donné l’ordre declasser la plainte en raison de «l’absence de crime dans les agissements de personnes non identifiées». Entant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande, Monsieur le Procureurgénéral, d’ordonner dans les meilleurs délais l’ouverture d’une enquête rigoureuse et impartiale sur lesmenaces contre Dmitri Kraïoukhine et la tentative d’incendie de sa demeure. Je vous demande égalementde traduire en justice les auteurs présumés de la tentative d’incendie et des menaces dans le respect desnormes internationales d’équité des procès. Je vous prie d’agréer, monsieur le Procureur général,l’expression de ma considération distinguée.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :Yuriiu Yakovlevichu Chaike, Generalnomu prokuroruRossiiskoi Federatsii, Ul. B. Dimitrovka, d.15a, 125993 g. Moskva GSP- 3, RussieFax : +7 495 692 17 25

COPIE À ENVOYER À :Ambassade de la Fédération de Russie, Avenue de Fré, 66, 1180, Bruxelles (Uccle)Fax : 02 374 26 13 – E-mail : [email protected]

RUSSIE

UNMILITANTANTIRACISTEENDANGER DE MORT

BONNES NOUVELLESDans tous les pays du monde, des gens sont libérésgrâce au travail des membres d’Amnesty. Destémoignages émouvants nous parviennent desprisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrentqu’une action de masse peut avoir des résultats pourun meilleur respect des droits humains.

IRANMILITANTE ARABE LIBÉRÉEJamila Nabgan a été libérée sous caution et n’est plus détenue14 heures par jour par le ministère du Renseignement. Elleavait été arrêtée le 19 octobre 2008, dans la ville de Suse(province du Khuzestan), par des agents du ministère du Rensei-gnement. Elle avait été remise en liberté sous caution cinqjours plus tard, à la condition de se présenter chaque matin aucentre de détention du ministère du Renseignement à Ahvaz(province du Khuzestan), où elle était alors détenue de 8 heuresà 22 heures. Son frère, Habib Nabgan, est un membre éminentdu Comité de réconciliation, un parti politique interdit quidéfend les droits de la minorité arabe d’Iran. L’épouse de cedernier, Masoumeh Kabi, a quitté l’Iran pour la Syrie en mai2008, et les autorités soupçonnent Jamila Nabgan de l’avoiraidée à cet effet. e

BRÉSILPROTECTION ACCORDÉEAprès avoir reçu une série de menaces, Katia Camargo et sesdeux enfants bénéficient désormais d’un programme de protec-tion des témoins. Katia Camargo est menacée par des personnesliées aux assassins présumés de son époux, le journaliste d’inves-tigation Luiz Carlos Barbon. Ce dernier, qui enquêtait sur lacorruption de fonctionnaires, a été tué en mai 2007. Leur protec-tion a été ordonnée par le procureur des droits humains del’État de São Paulo. Il est rare que celui-ci intervienne si rapide-ment sur un cas de ce type. L’action d’Amnesty International acontribué à cette impressionnante rapidité de la part du minis-tère public. e

TURKMÉNISTANACTIVISTE LIBÉRÉValeri Pal a été libéré le 7 décembre de la prison de la ville deMary. Il est l’un des 390 prisonniers qui ont été graciés en vertud’une amnistie présidentielle promulguée la veille de la Fêtenationale («Jour de la Neutralité»), le 12 novembre. Le 13 mai, letribunal de la ville de Turkmenbashi avait reconnu Valeri Palcoupable de différents crimes, comme «appropriation illicite debiens», «abus de pouvoir» et «faux et usage de faux». Il avait étécondamné à 12 ans d’emprisonnement. Les proches et soutiensde Valeri Pal pensent que l’affaire a été montée de toutes piècespour le punir de ses activités pacifiques comme un activistesocial. Valeri Pal et sa famille ont demandé à Amnesty Interna-tional de transmettre leurs remerciements à tous ceux quiavaient milité pour sa libération. e

ÉTATS-UNISOCTROI D’UN SURSISDarold Stenson devait être exécuté dans l’État de Washingtonle 3 décembre 2008, mais il obtenu un sursis. Il a passé 14 ansdans le couloir de la mort pour deux meurtres commis en 1993à Clallam County. Darold Stenson a toujours clamé son inno-cence. Ses avocats n’ont pas cessé de demander une suspensionde l’exécution afin d’obtenir des tests d’ADN basés sur deséléments de preuve recueillis sur les lieux du crime. Le juge aprévu une audience pour le 28 Janvier sur la question des testsADN. e

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Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3055

Page 14: Libertés! Février 2009 N° 451

Plus de 720 hommes et 11 fem-mes sont actuellement sous lecoup d’une condamnation à

mort au Nigeria. Tous sont issus desmilieux pauvres de la société. Beau-coup disent avoir été pris dans desrafles et s’être vu demander unerançon. Surchargée et en proie à unepénurie de moyens, la police nigé-riane a régulièrement recours à latorture pour extorquer les «aveux»des suspects plutôt que de mener uneenquête approfondie et impartiale.Certains prisonniers n’étaient pasassistés d’un avocat lors de leurprocès. D’autres affirment que leurdéfenseur n’a pas plaidé en leurfaveur. La plupart des procès pouvantdéboucher sur la peine capitaledurent de cinq à dix ans. Certainsappels sont en instance depuis plusde vingt ans. Dans au moins 130 cas,

14 Libertés ! Février 2009

I S A V E L I V E S . B E

Esther Landetta joue un rôledirigeant dans deux associa-tions locales se préoccupant

des répercussions d’activités minièresnon conformes aux règlements surla santé et les moyens de subsistancede la population. Cette femme a étéen première ligne des actions entre-prises par l’Assemblée pour laDéfense des Fleuves Gala, Chico,Tenguel et Siete, dans la province duGuayas, afin de recueillir deséléments sur la pollution de cesfleuves et de la dénoncer publique-ment. Elle appartient également auFront des défenseures de la Pacha-mama, association qui permet à desfemmes d’acquérir des compétencesafin de participer à des débats sur les

droits humains. Grâce au travail depression d’Esther Landetta, les auto-rités locales ont mené une enquêteofficielle et publié en avril 2008 unrapport sur la contaminationfluviale. Depuis lors, les menacesvisant la militante se sont multi-pliées. Le 12 juillet 2008, Esther Landetta aappris que des tueurs à gage étaientchargés de la supprimer. Elle s’estcachée avec ses enfants. Ils bénéfi-cient actuellement d’une protectionofficielle. Le parquet a ouvert uneenquête sur ces menaces mais, à cejour, cette investigation n’a toujourspas avancé. Craignant pour sa sécuritéet celle de sa famille, Esther Landettane peut retourner chez elle. e

ÉQUATEUR

UNE DÉFENSEUSEMENACÉE DEMORT

TARIFS POSTAUXLettres (jusqu’à 50 grammes)Belgique: 0,54e; Europe: 0,80e; restedu monde: 0,90e. La surtaxe aérienneest incluse (étiquette requise).

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte.Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et cour-tois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International.Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur le Président,Plus de 720 hommes et 11 femmes sont actuellement sous le coup d’une

condamnation à mort au Nigeria. Tous sont issus des milieux pauvres de la société. Laplupart ont été rançonnés et reconnus coupables sur foi de leurs propres «aveux» souventextorqués sous la torture par une police nigériane surchargée et démunie. La plupart desprocès pouvant déboucher sur la peine capitale durent de cinq à dix ans. Certains appelssont en instance depuis plus de vingt ans. Dans au moins 130 cas, la condamnation à morta été prononcée il y a plus de dix ans. Enfin, au moins 40 mineurs délinquants sont sous lecoup d’une condamnation à mort, ce qui constitue une autre violation du droitinternational. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vousdemande de faire le nécessaire pour établir un système judiciaire équitable et de mettre enplace un moratoire sur les exécutions. Espérant une réponse favorable à ma requête, je vousprie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :President Umaru Yar’AduaOffice of the PresidencyAso Rock Garki, AbujaNigeria

COPIE À ENVOYER À :Ambassade du Nigeria, Avenue de Tervueren, 2881150 Bruxelles (Woluwe-Saint-Pierre)Fax : 02 762 37 63 – E-mail : [email protected]

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur le Ministre,Esther Landetta joue un rôle dirigeant dans deux associations locales se préoccupant

des répercussions d’activités minières non conformes aux règlements sur la santé et lesmoyens de subsistance de la population. Grâce à son travail de pression, les autorités localesont publié en avril 2008 un rapport sur la contamination f luviale. Menacés depuis lors, lamilitante et ses enfants bénéficient actuellement d’une protection officielle. Le parquet aouvert une enquête sur les menaces dont elle est la cible. À ce jour, cette investigation n’atoujours pas avancé. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je suistrès préoccupé(e) car les défenseurs et défenseuses des droits humains ont le droit de menerleurs activités sans avoir à craindre de représailles, conformément à la Déclaration sur lesdéfenseurs des droits de l’homme. C’est pourquoi je vous exhorte, Monsieur le Ministre, àprotéger Esther Landetta et à faire progresser sans délai l’enquête relative aux menaces quila visent, en traduisant en justice leurs auteurs présumés. Je vous prie de croire, Monsieur leMinistre, en ma haute considération.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :Gustavo Jalkh, Av. Amazonas y Atahualpa, Quito, Pichincha, ÉquateurFax : +593 2 2464 914

COPIE À ENVOYER À :Ambassade de la République de l’Équateur, Avenue Louise, 3631050 Bruxelles (Ixelles)Fax : 02 644 28 13 – E-mail : [email protected]

NIGERIA

POUR QUI VIENT LE BOURREAU ?

la condamnation à mort a étéprononcée il y a plus de dix ans ; unde ces condamnés a été jugé il y a 24ans. Quelque 80 condamnés à mortn’ont pas été autorisés à faire appel,en violation flagrante des normesinternationales. Le système pénalnigérian est tellement désorganiséque, dans d’autres cas, l’appel estimpossible parce que le dossier ducondamné a été égaré. Au moins 40mineurs délinquants sont sous lecoup d’une condamnation à mort, cequi constitue une autre violation dudroit international. Le cas le plusexemplaire est Patrick Okoroafor,âgé de 14 ans lorsqu’il a été arrêtépour vol à main armée, crime pourlequel il a été condamné à mort bienqu’il ait présenté un alibi (voir l’appeldans Libertés ! n°448 de novembre2008). e

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A G E N D ATHÉÂTRE AU POCHELETTRE OUVERTE AUX FANATIQUES

Dans ce texte,R a p h a ë l - K a r i mDjavani, auteur d’ori-gine iranienne installéen France depuis vingtans, interpelle ce Dieuqui, malgré des annéeset des années deprières, ne répondjamais. Le ton est libre,puissant, argumenté etnourri de l’expériencepersonnelle deDjavani, qui nous livreun hymne à la vie, à laliberté, au dialogue.

Djavani est né en 1959 dans les montagnes du nord del’Iran, au sein d’une famille de cultivateurs azéris etchiites de sept enfants. La famille est pauvre, Karim seral’unique fils à pouvoir bénéficier d’un enseignement aucollège de la ville la plus proche. Recalé à l’examenoral par un comité idéologique ne le jugeant pas assezbon musulman, il se voit refuser son acceptation àl’université et condamné à vendre des fripes et deslivres interdits pour faire vivre sa famille.Lorsque la révolution islamique éclate en 1979, KarimDjavani a 19 ans. L’ayatollah Khomeiny et le clergé,soutenus par le peuple, ont renversé la dictature duShah. Karim choisit de s’enrôler aux côtés des Moud-jahidin du peuple, les opposants au nouveau régimeiranien, emmenés par Massoud Radjavi. «Les deuxforces idéologiques se nourrissant à la même source, l’islamchiite, se lancent dans une guerre fratricide au nom de lavérité».Pour Karim, c’est alors que commence sa vie dans laclandestinité. Après l’échec d’une mission attentatqu’on lui a confiée (au moment de passer à l’action, ilflanche : un enfant traverse la rue en même temps quesa cible), Djavani est écarté des lignes de front. Hébergéset armés par le gouvernement de Saddam Hussein, lesMoudjahidin du peuple deviennent une armée supplé-tive du dictateur irakien. Nous sommes en 1987. Assaillipar les doutes, questionnant l’idéologie prônée parson parti et ne pouvant plus se fondre dans la masseembrigadée, il parvient à négocier son départ en Francesous une fausse identité. En 1989, il coupe les ponts etdemande le statut de réfugié politique, s’en suivra unelongue période de galères, pendant laquelle il exer-cera toutes sortes de métiers. Il apprend le français etparfait sa culture. Karim Djavani, rebaptisé Raphaël-Karim par ses amis, obtiendra sa naturalisation en l’an2000. Il travaille actuellement comme travailleur social.En 2005 paraît L’Enfant du blé (Flammarion), romanautobiographique dans lequel il s’adresse à ses parentsdisparus et retrace une vie de lutte contre le fonda-mentalisme. Suivi en 2007 par Allah et moi (Flammarion), Djavanis’adresse à Dieu et l’interpelle quant aux atrocitéscommises en Son Nom. C’est ce roman qui fait aujour-d’hui l’objet d’une adaptation théâtrale (en créationmondiale).Mise en scène & adaptation d’Olivier Coyette, assistéde Laetitia Ajanohun. Avec Roda Fawaz. eDu 20 février au 7 mars 2009 à 20h30 (relâche les dimanches etlundis).Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles –Réservations : 02 649 17 27 ou [email protected]

ICÔNE DE LA JUNGLE

Avant d’orner les t-shirts et les murs des chambresd’étudiants, Ernesto Guevara a été un révolu-tionnaire qui a mouillé sa chemise dans plus

d’une guerre de libération en Amérique du Sud. Réalisa-teur hollywoodien atypique capable d’alterner lesblockbusters et les films plus personnels, Steven Soder-bergh a fait le forcing pour consacrer à l’homme aubéret étoilé un biopic en deux parties parlant espagnol. Lepremier volet démarre en 1955, lorsqu’un certain Fidel Castro invite un jeune médecin anti-impéria-liste à participer au renversement du régime de Batista à Cuba. Il s’achève avec la remontée del’armée révolutionnaire vers La Havane après la prise de Santa Clara et la fuite du dictateur. L’essen-tiel du film, tourné en scope, décrivant la guérilla dans la jungle, la prise de casernes et les fusilladesdans les petites villes n’est pas des plus passionnant. On n’y sent pas un regard d’auteur, le Che appa-raît comme un meneur d’hommes efficace et charismatique. Pas plus. Un peu plus convaincante estla reconstitution du séjour new-yorkais en 1964 à l’occasion d’un discours à l’ONU. Au final, l’intérêtdu film tient surtout à l’excellente interprétation et particulièrement de Benicio Del Toro en Che etde Demian Bichir en Fidel. e Gilles BechetChe, Partie 1, L’Argentin, Steven Soderbergh, sortie nationale le 18 février

OISEAUX DUPARADIS DÉCHU

des Indiens presque nus apparaissent dans la végé-tation qui borde un fleuve d’Amazonie. Destouristes passent en bateau, prennent des photos.

Les Indiens retournent dans la forêt, enfilent un t-shirtet un jeans et reçoivent quelques billets pour leur pres-tation. Dès les premières images du film, Birdwatchers, le décor et le rapport de force sont plantés. Àl’arrivée des Européens, les Indiens Guarani-Kaiowá étaient 1,5 million. Aujourd’hui, on en compte 30000qui survivent dans des conditions déplorables. Parqués dans des réserves minimales, ils vivent de maigresaides de l’État et du travail saisonnier dans les plantations. Touché par la cause des Indiens, le cinéasteMarco Bechis a choisi de faire une fiction avec des acteurs issus de la population indienne. L’histoireest celle d’une une tribu qui quitte sa réserve, poussée par le désespoir, pour s’établir sur ses terres ances-trales, aujourd’hui cultivées. Un jeune de la tribu s’en va aussi observer son oiseau de paradis, la filledu propriétaire blanc. Pulsions, désirs mutuels, mais rien qui pourra enrayer l’inévitable confronta-tion. Sans aucune reconnaissance des autorités, les Indiens sont confrontés à un choix impossible. Rester,tels des SDF, sur leur propre terre où ils ne peuvent assurer leur subsistance ou accepter de travaillerdans les plantations de canne à sucre des blancs en perpétuant le rejet et l’exploitation. Loin du lyrismeexalté d’Aguirre ou de la fiction formatée de The Mission, on est ici dans un constat tragique filmé sanspathos, et sans longueurs, renforcé par le naturel confondant des acteurs indiens. e G.B.Birdwatchers, de Mario Bechis, sortie le 4 mars

LETTRES À LOUISE

patrick Pécherot est venu à l’écriture par la voie du militan-tisme. Dès son premier livre, Tiuraï (1996), qui se déroule sur toilede fond d’une prison de Papeete, il choisit de faire entendre la voix

des «oubliés», des sans-grade. C’est encore une fois le cas avec ce très beauTranchecaille paru récemment. Le récit de deux journées, le 30 juin et le1er juillet 1917, dans la boue des tranchées du Chemin des Dames, le bienmal nommé. D’emblée, nous le savons, les jeux sont faits. Le soldatAntoine Jonas a été fusillé. Malgré les efforts de son défenseur, le capi-taine Duparc, persuadé de son innocence.Il est rare qu’un roman policier – car c’en est un – débute par sondénouement. C’est pourtant le cas de Tranchecaille et, curieusement, lesuspense reste entier. À travers une série de rapports d’interrogatoires,de témoignages de simples soldats, compagnons du supplicié, d’avisdivers émis par ses supérieurs et aussi de lettres à Louise, on découvre le portrait de Duparc, un hommeharassé, broyé par la guerre, cet épouvantable mécanisme collectif, qui pourtant inlassablement va croireen l’existence de la justice. Si l’auteur a choisi de faire revivre l’univers des poilus de 14-18, c’estparce que cette guerre préfigurait l’horreur absolue qui suivit. Bien sûr, on a beaucoup parlé d’elle,surtout ces derniers temps, mais souvent de manière contrastée en noir ou en blanc.Patrick Pécherotveut nous la faire voir en «gris». Il nous fait entendre la voix d’un homme destiné à n’être qu’un chiffredans le bilan monstrueux des disparus. Mais une voix très puissante dans un combat qui peut semblerperdu d’avance. eSuzanne WellesTranchecaille, Patrick Pécherot, Gallimard – Série noire, 300 p., 17,50 e

Libertés ! Février 2009 15

C U L T U R E

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