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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2010 - N°424 // 63 Rubrique proposée par Gérard Guez, avocat à la Cour - [email protected] La modification substantielle et unilatérale du contrat de travail constitue une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. S’il se voit imposer une modification de son mode de rémunération contractuel même dans un sens plus avantageux pour lui, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur Et lorsque le salarié prend acte de la rup- ture de son contrat en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invo- qués la justifiaient. Dans ce cas, le salarié a droit aux dommages et intérêts, à l’in- demnité de préavis et de congés payés ainsi qu’à l’indemnité de licenciement. Dans une affaire récente*, un salarié repro- chait à son employeur d’avoir modifié unilatéralement sa rémunération en aug- mentant son salaire fixe, et en diminuant le plafonnement de son potentiel annuel de primes. La Cour d’appel, après avoir constaté que l’employeur avait modifié unilatéra- lement la rémunération du salarié, avait jugé néanmoins que ce manquement de l’employeur à ses obligations contractuel- les n’était pas suffisamment grave pour autoriser l’intéressé à rompre brutalement le contrat de travail dans la mesure où le nouveau mode de calcul était plus favo- rable au salarié. Mais la Cour de cassation a réaffirmé que le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux, et a cassé l’arrêt d’appel. *Cass. soc. 5 mai 2010 n° 07-45.409 Bozio c/ Sté Cie européenne des peintures Julien. Licenciement pour modification de la rémunération DROIT DU TRAVAIL © PhotoDisc Opposition à contrôle fiscal – Évaluation d’office DROIT FISCAL On sait que l’opposition à contrôle fiscal est sanctionnée par l’évaluation d’office des bases d’imposition. Dans le cas qui nous intéresse*, le gérant d’un commerce était absent lors de la première entrevue prévue par l’avis de vérification. A la deuxième, dont la date a été reportée à sa demande, il n’a présenté aucun document comptable au vérifica- teur. Le gérant étant de nouveau absent au rendez-vous suivant, le vérificateur l’a mis en garde contre les conséquences de son comportement. Il a également dressé un procès-verbal faisant état du défaut de présentation des documents comptables réclamés. L’ensemble de ces circonstances démontre que le contribuable a systé- matiquement cherché à éluder les entre- vues avec le vérificateur et la production de pièces comptables. Ce comportement dilatoire, conjugué aux graves lacunes de la comptabilité produite, permet à l’admi- nistration de procéder à une évaluation d’office. *CE 7 avril 2010 n° 325292. On sait que hormis celles qui sont purement et simplement interdites par la loi, toutes les conventions inter- venues directement ou indirectement entre une SARL et son gérant sont en principe soumises à une procé- dure de contrôle par les associés sans que l’intéressé puisse participer au vote. On parle de conventions réglementées. Par exception, ne sont pas soumises à cette procédure les conventions portant sur des opéra- tions effectuées dans le cadre de l’activité habituelle de la SARL (opé- rations courantes conclues à des conditions normales). La Cour de cassation* vient de juger que la détermination de la rému- nération du gérant d’une SARL par l’assemblée des associés ne constitue pas une convention réglementée, de sorte que le gérant peut, s’il est associé, prendre part au vote. Cette décision est d’une grande importance puisque cela fait des lustres que cette question divise la doctrine et les tribunaux eux-mêmes. La Cour de cassation tranche pour la première fois cette question. *Cass. com. 4 mai 2010 n° 09-13.205 (n° 499 FS-PBRI). Participation d’un gérant de SARL à la décision fixant sa rémunération DROIT DES SOCIÉTÉS

Licenciement pour modification de la rémunération

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2010 - N°424 // 63

Rubrique proposée par Gérard Guez, avocat à la Cour - [email protected]

La modification substantielle et unilatérale du contrat de travail constitue une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.S’il se voit imposer une modification de son mode de rémunération contractuel même dans un sens plus avantageux pour lui, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur

Et lorsque le salarié prend acte de la rup-ture de son contrat en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invo-qués la justifiaient. Dans ce cas, le salarié a droit aux dommages et intérêts, à l’in-demnité de préavis et de congés payés ainsi qu’à l’indemnité de licenciement.

Dans une affaire récente*, un salarié repro-chait à son employeur d’avoir modifié

unilatéralement sa rémunération en aug-mentant son salaire fixe, et en diminuant le plafonnement de son potentiel annuel de primes.

La Cour d’appel, après avoir constaté que l’employeur avait modifié unilatéra-lement la rémunération du salarié, avait jugé néanmoins que ce manquement de l’employeur à ses obligations contractuel-les n’était pas suffisamment grave pour autoriser l’intéressé à rompre brutalement le contrat de travail dans la mesure où le nouveau mode de calcul était plus favo-rable au salarié.

Mais la Cour de cassation a réaffirmé que le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux, et a cassé l’arrêt d’appel. ■■

*Cass. soc. 5 mai 2010 n° 07-45.409 Bozio c/Sté Cie européenne des peintures Julien.

Licenciement pour modification de la rémunération

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Opposition à contrôle fiscal – Évaluation d’officeDROIT FISCAL

On sait que l’opposition à contrôle fiscal est sanctionnée par l’évaluation d’office des bases d’imposition.Dans le cas qui nous intéresse*, le gérant d’un commerce était absent lors de la première entrevue prévue par l’avis de vérification. A la deuxième, dont la date a été reportée à sa demande, il n’a présenté aucun document comptable au vérifica-

teur. Le gérant étant de nouveau absent au rendez-vous suivant, le vérificateur l’a mis en garde contre les conséquences de son comportement. Il a également dressé un procès-verbal faisant état du défaut de présentation des documents comptables réclamés.L’ensemble de ces circonstances démontre que le contribuable a systé-

matiquement cherché à éluder les entre-vues avec le vérificateur et la production de pièces comptables. Ce comportement dilatoire, conjugué aux graves lacunes de la comptabilité produite, permet à l’admi-nistration de procéder à une évaluation d’office. ■■

*CE 7 avril 2010 n° 325292.

On sait que hormis celles qui sont purement et simplement interdites par la loi, toutes les conventions inter-venues directement ou indirectement entre une SARL et son gérant sont en principe soumises à une procé-dure de contrôle par les associés sans que l’intéressé puisse participer au vote. On parle de conventions réglementées. Par exception, ne sont pas soumises à cette procédure les conventions portant sur des opéra-tions effectuées dans le cadre de l’activité habituelle de la SARL (opé-rations courantes conclues à des conditions normales).

La Cour de cassation* vient de juger que la détermination de la rému-nération du gérant d’une SARL par l’assemblée des associés ne constitue pas une convention réglementée, de sorte que le gérant peut, s’il est associé, prendre part au vote.

Cette décision est d’une grande importance puisque cela fait des lustres que cette question divise la doctrine et les tribunaux eux-mêmes. La Cour de cassation tranche pour la première fois cette question.

*Cass. com. 4 mai 2010 n° 09-13.205 (n° 499 FS-PBRI).

Participation d’un gérant de SARL à la décision fixant sa rémunération

DROIT DES SOCIÉTÉS