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Féroze CAMARD Master 1 AEI Semestre 1 Economie Internationale Partie 1 : L’impact de la mondialisation Aussi étonnant que cela puisse paraître au premier abord, l’économie de marché ne va pas pouvoir se développer davantage dans les jours à venir. En effet, ce système n’est malheureusement plus viable, malgré un début, certes, très prometteur. Pour mieux comprendre cette idée, il nous faut remonter à la source de l’humanité, Lucy, il y a environ 4,5 millions d’années. C’est effectivement dans cette période que les économistes puisent le point de départ de l’Histoire de l’Humanité. Jusqu’en -8 000 avant J-C, l’Homme ne vivait, si ce n’est survivait, que de chasse, pêche et cueillette. Ce mode de vie se transforme alors, par le biais de l’agriculture, dont les plus anciennes traces se localisent dans les parties irakiennes des fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Cette société dite agraire domina durant près d’une dizaine de siècles. Les trois derniers siècles ont, eux, été plus amplement étudiés par les économistes. Comme on peut le constater, le degré d’étude des sociétés par les économistes est inversement proportionnel à la durée des différentes périodes précitées. Il est intéressant aussi de jeter un œil à l’évolution de la densité de population et ses caractéristiques aux mêmes périodes. Il faut savoir que la Terre a connu son premier milliard d’habitants uniquement au XIX e siècle, durant la gouvernance de Napoléon Bonaparte. Un cycle semble se dessiner depuis le milieu du XX siècle : en 1960, la population mondiale atteignait les 3 milliards ; en 2000, elle double pour dépasser légèrement les 6 milliards ; selon les prévisions, l’an 2040 se caractériserait par une population forte de 9 milliards d’individus. C’est clairement un processus complètement effréné ! Et il s’explique par le fait que le nombre de femmes dans la population mondiale ne cesse de croître bien que le taux de fécondité semble décliner. D’autres chiffres ont aussi le mérite d’être mentionnés. Sachant qu’aujourd’hui nous sommes environ 6,5 milliards d’individus et que le modèle de base est celui de la société de consommation, il reste troublant de constater qu’uniquement entre 1,2 ou 1,3 milliard d’individus vivent avec ce modèle. Cet archétype est très prisé et, par conséquent, très médiatisé ; et ce, dans le monde entier. Cependant, il existe environ la même quantité de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à- dire avec moins d’un dollars par jour. Parallèlement, la FAO 1 a recensé prés 1 La Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) ou Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture est une organisation créée en 1945. Elle regroupe 190 membres et son objectif est « Aider à construire un monde libéré de la faim ». Economie Internationale

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Partie 1   : L’impact de la mondialisation

Aussi étonnant que cela puisse paraître au premier abord, l’économie de marché ne va pas pouvoir se développer davantage dans les jours à venir. En effet, ce système n’est malheureusement plus viable, malgré un début, certes, très prometteur. Pour mieux comprendre cette idée, il nous faut remonter à la source de l’humanité, Lucy, il y a environ 4,5 millions d’années. C’est effectivement dans cette période que les économistes puisent le point de départ de l’Histoire de l’Humanité. Jusqu’en -8 000 avant J-C, l’Homme ne vivait, si ce n’est survivait, que de chasse, pêche et cueillette. Ce mode de vie se transforme alors, par le biais de l’agriculture, dont les plus anciennes traces se localisent dans les parties irakiennes des fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Cette société dite agraire domina durant près d’une dizaine de siècles. Les trois derniers siècles ont, eux, été plus amplement étudiés par les économistes. Comme on peut le constater, le degré d’étude des sociétés par les économistes est inversement proportionnel à la durée des différentes périodes précitées.

Il est intéressant aussi de jeter un œil à l’évolution de la densité de population et ses caractéristiques aux mêmes périodes. Il faut savoir que la Terre a connu son premier milliard d’habitants uniquement au XIXe siècle, durant la gouvernance de Napoléon Bonaparte. Un cycle semble se dessiner depuis le milieu du XX siècle : en 1960, la population mondiale atteignait les 3 milliards ; en 2000, elle double pour dépasser légèrement les 6 milliards ; selon les prévisions, l’an 2040 se caractériserait par une population forte de 9 milliards d’individus. C’est clairement un processus complètement effréné ! Et il s’explique par le fait que le nombre de femmes dans la population mondiale ne cesse de croître bien que le taux de fécondité semble décliner.

D’autres chiffres ont aussi le mérite d’être mentionnés. Sachant qu’aujourd’hui nous sommes environ 6,5 milliards d’individus et que le modèle de base est celui de la société de consommation, il reste troublant de constater qu’uniquement entre 1,2 ou 1,3 milliard d’individus vivent avec ce modèle. Cet archétype est très prisé et, par conséquent, très médiatisé ; et ce, dans le monde entier. Cependant, il existe environ la même quantité de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’un dollars par jour. Parallèlement, la FAO1 a recensé prés de 950 millions individus ne mangeant pas à leur faim. De surcroît, entre 1,2 et 1,3 milliard n’ont pas accès à l’eau potable. Selon d’autres sources, prés d’un milliard vivrait dans une zone géographique en proie à l’insécurité. Il en va de même pour l’alphabétisation, faisant bien trop souvent défaut dans certaines régions. Si on compare le milliard vivant dans la société de consommation et le milliard vivant sous le seuil de pauvreté, il ressort assez clairement que la mondialisation n’est pas un phénomène complètement idéal. Et elle s’éloigne de la perfection encore d’un pas lorsqu’on considère qu’entre 1,6 et 1,7 milliard de personnes vivent avec 1 à 2 dollars par jour.

A partir de cela, on peut supposer que ceux qui ont plus de 2$/j peuvent raisonnablement espérer améliorer petit à petit leur niveau et/ou mode de vie. Cela nous donne donc 2 milliards de personnes environ qui rêvent d’accéder et peuvent prétendre à un meilleur avenir. Il apparaît assez franchement que la probabilité pour que les 6,5 milliards d’individus sur Terre bénéficient du modèle de la société de consommation est absolument nulle ! Ce modèle n’est donc, pour certains, que projeté et non atteint en pratique. Quand bien même les mécanismes permettraient de satisfaire toute la population, il est clair que les matières premières manqueraient ; il nous faudrait l’équivalent de deux ou trois autres planètes pour satisfaire la population en matières premières. C’est un projet purement impossible. Même si nous supposons, juste à titre théorique, que ce projet insensé était réalisé d’une manière quelconque, la gestion des planètes étant tellement destructrice, on ne ferait qu’accentuer la pollution et détériorer l’environnement ; la Terre deviendrait très vite invivable et inhabitable. Ainsi, n’est-il pas insensé d’affirmer que la généralisation du modèle de la société de consommation n’est ni probable, ni faisable et, surtout, ni souhaitable ! Un changement est nécessaire. Plusieurs théories se concurrence quant à ce changement et à la préservation de la Terre et, par extension, de l’Humanité. Ceci fera l’objet de la fin du cours.

1 La Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) ou Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture est une organisation créée en 1945. Elle regroupe 190 membres et son objectif est « Aider à construire un monde libéré de la faim ».

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A) Les trois phases de la mondialisation

Jusqu’au XVIe siècle, un grand historien belge, Braudel, parlait des « économies-mondes », qui représentaient, selon lui, de vastes empires et qui fonctionnaient dans l’ignorance totale du reste du monde, malgré de très légers liens les uns avec les autres – à l’image des Romains et des Chinois, au IIIe siècle avant J-C, ce lien représentant respectivement la route de la soie et celle des chevaux. C’est d’ailleurs en faisant connaissance avec l’empereur de l’époque, Ying Zheng de Qin, que les Romains nommèrent la Chine. En effet, le terme Qin, prononcé /Ts'in/, était également écrit Chin, ce qui a naturellement donné le nom de Chine que l’on connaît aujourd’hui.

En 1521, un évènement d’une importance capitale se produit et sera plus tard considéré comme le premier pas de la première mondialisation : le portugais Magellan, à la tête de trois ou quatre navires, effectue le tour du monde. Bien que le capitaine soit tué aux Philippines, 18 marins reviennent au port de départ. Cette mondialisation n’est toutefois que très limitée dans le sens où, par exemple, les Portugais rapatriaient par an uniquement quelques bateaux depuis l’Indonésie afin de s’approvisionner en épices.

L’Histoire n’aurait cependant clairement pas été celle que l’on connaît si les Chinois avaient saisi l’opportunité qui leur a été offerte. Les Chinois ont perdu l’occasion d’être les acteurs principaux de la mondialisation. Il est évident que la mondialisation actuelle est dominée par les chinois. En effet, les Chinois étaient à la pointe des avancées techniques et avaient déjà inventé au XVe siècle la boussole, le gouvernail du tombeau et les bateaux à douze mâts. Les Européens n’auraient très certainement pas fait le poids devant le degré d’avancement sino-asiatique. Entre 1420 et 1430, environ sept expéditions vont être effectuées, dirigées notamment par l’Amiral Zeng He, avec jusqu’à 28 000 hommes. Il est pertinent de rappeler ici que Christophe Colomb n’avait à sa disposition qu’une dizaine d’hommes. Ces expéditions arrivèrent au Mozambique, les populations visées auraient été surprises par l’avancement technique et la force humaine déployée par les chinois. Ceux-ci considèrent malencontreusement que les populations externes sont des « diables jaunes, noirs ou blancs ». Selon leurs croyances, seule la Chine, appelée à l’époque l’Empire du Milieu, était une civilisation digne de ce nom. Et, de ce fait, elle ne trouve rien d’intéressant et repart sans exploiter la richesse de la pointe africaine. L’Empereur interdit dès lors les grandes embarcations et l’exploration de sites éloignés, jusqu'à la fin du XIXe siècle – durant lequel la Chine sera surprise de constater les progrès dont ont fait l’expérience la plupart des pays. Lorsque les Européens et Barthélémy Diaz arrivent au Cap de Bonne Espérance en 1487 par contre, ils ne repartent pas tout de suite. En effet, les Européens tentent le pari fou de « transmettre » leur civilisation, bien qu’ils aient des moyens numériques bien inférieurs aux Chinois. C’est cette mentalité qui a su profiter aux Européens qui ont incontestablement dominé la mondialisation.

Il y a trois phases majeures de mondialisation qui, d’ailleurs, s’emboîtent l’une avec l’autre :

1. La première mondialisation est purement religieuse. L’ambition des européens au XVI e siècle est de délivrer le message du Christ, à savoir l’existence d’un paradis éternel accessible à tous. Ces croisades se sont parfois traduites par des conversions plus ou moins forcées.

2. La seconde mondialisation est plutôt axée sur le progrès. Au XIXe siècle, l’Europe développe des technologues puissantes, notamment dans le domaine des armes par la poudre, ainsi que des moyens d’industrialisations non égalés. Les Européens pensent être la partie du monde la plus avancée. C’est pourquoi ils veulent et se pensent obligés de le transmettre. La portée du progrès est donc mondiale, la vocation de tout peuple étant d’y accéder au plus vite. Cette propagation, bien qu’européenne, prouve que le progrès place l’ensemble de l’humanité dans un tout.

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3. La troisième mondialisation s’opère durant les années 1980 et a pour objet de diffuser un modèle de consommation et, plus généralement, de comportements. En termes de temps, on est passé de l’éternité (l’accès au paradis est éternel) à l’histoire (le progrès a fait avancer l’histoire) pour finir à l’immédiat (la consommation/comportement est immédiatement accompli). Ce modèle s’étant ancré à la consommation, le processus est de donner envie d’adopter un comportement préétabli et non inné. Il s’agit d’une fabrication du désir, qui se traduit par un besoin et, in fine, par une demande solvable. C’est la machine médiatique qui a fabriqué le désir et a donc généré et stimulé cette demande. L’uniformité du modèle de la société de consommation pour le milliard de personnes y accédant passe par exemple par le style vestimentaire. Le facteur géographique n’affecte d’ailleurs en aucun cas les manifestations de ce modèle : on s’habille de la même façon de Paris à New York en passant par Tokyo ou Melbourne !

L’économiste français Jean Baptiste Say a écrit sur le fait que l’Europe devait civiliser le reste du monde qu’il qualifiait « d’attardé » quant aux technologies. Et il rajoute de plus qu’il en va de son devoir et de son droit. Cependant, les confrontations entre les Européens et les populations externes ont été parfois très violentes, les occidentaux recourant à l’occasion à des méthodes relativement délictueuses. En ce qui concerne les conditions de vie et notamment l’hygiène, l’arrivée de l’Europe n’a pas été qu’un plus dans le sens où les trois phases caractérisant la révolution démographique européenne ont été simultanées pour l’Afrique. En effet, les découvertes de l’anglais Edward Jenner (la variole), du français Louis Pasteur (la rage) et de l’écossais Alexander Flemming (l’antibiotique pénicilline) ont très largement refaçonné la démographie de l’Europe sur trois siècles. Or, pour ce qui est de l’Afrique, le changement a été brutal et radical.

B) Les supports de la mondialisation contemporaine

La libéralisation économique s’est effectuée par trois grandes figures internationales : Ronald Reagan aux Etats-Unis d’Amérique, Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Deng Xia Ping (successeur de Mao Zedong) en Chine.

Les trois bases de cette mondialisation sont les suivantes :_ l’ouverture sur l’extérieur est un avantage et un facteur de problème ;_ l’arrivée dans les années 1980 des Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication a des conséquences considérables ;_ les transports et les échanges connaissent une révolution suite à l’invention des conteneurs.

En ce qui concerne l’ouverture sur l’extérieur, il nous faut diviser l’idée en deux. D’une part, il s‘agit d’un facteur positif bien que ceci n’était pas la pensée dominante dans les années 1960. On ne considérera qu’après que l’échange international est un système de domination et succion. Les peuples les plus avancés seraient alors la préfiguration des autres peuples. Certaines écoles de pensées soutiennent que les écarts de richesse et de développement ne s’expliquent pas par le retard d’un pays mais par l’existence ou non d’une exploitation des ressources. La nation s’enrichira si elle exploite les ressources de l’autre pays.

L’économiste argentin Raul Prebisch et l’économiste allemand Hans Singer ont mis au point la théorie de la dégradation des termes de l’échange selon laquelle les termes de l'échange des matières premières face aux produits manufacturés tendent à se dégrader au cours du temps. C’est donc une situation de baisse inéluctable du prix des produits des pays du Sud face à ceux des pays du Nord. A un temps T, le pays du Sud va donner une quantité Q de la matière première A pour se procurer la quantité V du produit manufacturé B. A un temps T+1, le pays du Sud devra donner une quantité supérieure à Q de la matière première

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A pour se procurer la même quantité V du produit manufacturé B. Les termes de l’échange se sont donc dégradés pour les pays du Sud du fait qu’ils doivent donner plus pour obtenir la même chose.

C’est alors que l’économiste égyptien Samir Amin a prétendu qu’il fallait que les pays du Sud coupent la connexion d‘avec les pays riches en vue d’obtenir un auto-développement. En revanche, cette théorie n’a pas fait ses preuves en pratique.

L’ouverture sur l’extérieur devient un facteur négatif lorsque l’on considère qu’entre T et T+1, le produit manufacturé B a acquis une qualité meilleure et, par conséquent, a pris de la valeur. De plus, le cours des matières premières est différent selon les périodes. La valeur des matières premières dépend énormément de la phase choisie. La courbe suivante met en avant l’ampleur de la différence selon la phase sélectionnée.

Ainsi y a-t-il près d’un demi-millénaire d’écart entre la vague d’expéditions de l’amiral chinois Zeng Hé des années 1420 et la découverte du Cap de Bonne Espérance par Barthélémy Diaz en 1487 ouvrant la voie des épices. Cette découverte a permis aux européens de se passer des arabes et des turcs tout en accédant aux épices. C’est ensuite que Vasco de Gama contourne l’Afrique et arrive jusqu’en Inde.

Les Européens se considéraient eux aussi comme étant la seule civilisation, le reste étant des « barbares ». Le pari fou tentés par ces européens, fort d’à peine 300 hommes2, a été un véritable succès et c’est pourquoi la première mondialisation a pour incontestable principal acteur l’Europe, dit le vieux continent.

En ce qui concerne les indiens d’Amérique, étant donné qu’ils ont été identifiés comme étant des humains, les Européens se sont sentis obligés de transmettre ce qu’on appelait la « bonne nouvelle », c’est-à-dire la naissance à Bethléem (Palestine) du Christ et son message à la civilisation humaine à savoir l’existence et la possibilité d’accession pour tous au « paradis éternel ». Ce système de croisades afflue sur la conversion parfois spontanée parfois un peu forcée de peuples.

Au moment de l’indépendance des Etats-Unis en 1825, le mouvement de colonisation se met à repartir vers l’Algérie en 1830 et vers, plus généralement, l’Afrique noire. D’ailleurs, l’Afrique a joué un certain rôle dans la première mondialisation bien que ce soit d’une manière tristement originale. En effet, c’est son capital et potentiel humain qui a été déterminant. Il faut savoir qu’avant ou plutôt à la découverte de l’Amérique par Christophe

2 Ce fut le nombre d’hommes envoyés pour la plus grande expédition des Européens, dont le but était l’invasion chez les incas en 1527 par l’Espagne.

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Colomb, la population « indienne » d’Amérique était de 80 millions d’individus. Une trentaine d’années après, cette même population n’était plus que de 15 millions. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas le fruit de l’extermination dont on a tous tant entendu parlée, il s’agit de morts principalement dues aux microbes transmis par les européens involontairement. Vu l’état des armes et leur relative efficacité, la théorie de l’extermination n’est pas envisageable pour un si grand nombre de décès en si peu de temps. Par microbes, on entend évidemment des maladies bénignes pour l’environnement européen, telles que la grippe ou la rougeole. Cette disparition a des conséquences catastrophiques dans le sens où les européens voient un manque aberrant de main d’œuvre pour s’occuper des champs du continent américain (appelé le « nouveau monde »). De surcroît, l’Espagne et le Portugal mobilisent déjà leur population entre autres pour les constructions sur le territoire national et les navires ou encore d’autres infrastructures. C’est alors que l’on émet l’idée saugrenue d’installer des Africains, étant déjà tropicalisés, afin de « remplacer » les indiens d’Amérique. Ainsi commence deux siècles et demi de traite négrière pour environ 10 millions d’africains, selon les estimations. Cette valeur est équivalente à la ponction à laquelle ont procédé les pays comme l’Arabie, la Turquie ou encore le Maghreb.

Ce commerce triangulaire a donc été très efficace pour les Européens comme on peut le voir sur le schéma suivant.

Les pays européens allaient puiser les « ressources humaines » en Afrique (1) afin que ces derniers aillent effectuer ce que les indiens d’Amérique ne sont plus capables d’assurer vu leur nombre très réduit (2), ce qui, à terme, profitait aux européens par le biais de navires remplis de produits agricoles en provenance des zones exploitées (3). Ce système a permis le développement de zones comme la Colombie, le Brésil et les Antilles.

Au XVIIIe siècle, les Européens commencent à s’intéresser aux plantes et à la végétation américaine. C’est alors qu’on observe l’amplification de l’utilisation de la pomme de terre, dont l’origine remonte à l’actuel Pérou. Pour la France, c'est surtout Antoine Parmentier, après avoir été capturé et détenu en Prusse, qui fait sa promotion comme aliment humain. Il aurait été attrapé par les Prussiens pendant la guerre de Sept Ans (1756-

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1763) et aurait remarqué qu’elles constituaient la principale nourriture des prisonniers. Par la suite, Parmentier réussit à obtenir l'appui des autorités pour inciter la population à consommer des pommes de terre : il fait monter une garde autour d'un champ de pommes de terre, donnant ainsi l'impression aux riverains qu'il s'agit d'une culture rare et chère. Certains procèdent donc à des vols, les cuisinent et les apprécient. Le roi Louis XVI le félicite en ces termes : « La France vous remerciera un jour d'avoir inventé le pain des pauvres ».

Au XIXe siècle, on constate une grande période pour l’Histoire. La deuxième vague de colonisations s’opère en Asie du Sud Est et en Afrique. Pour ce qui est de la France, elle possède des colonies à Dakar et Djibouti, et aimerait coloniser l’axe entre ses deux villes. Quant à l’Angleterre, elle possède le Caire et le Cap, et souhaiterait effectuer un axe entre ces deux villes aussi. Comme on peut le voir sur le schéma suivant, ces deux axes se croisent à Fachoda, située à 650 km au sud de la capitale soudanaise Khartoum, qui est à l’époque une base militaire égyptienne.

La crise de Fachoda est un incident diplomatique majeur de 1898 dans la mesure où elle reste ancrée dans la mémoire des français comme une offense des britanniques. Fachoda est un poste militaire égyptien destiné à lutter contre les trafiquants arabes. Cette région du Soudan est extrêmement convoitée par les principales puissances coloniales européennes que sont le Royaume Uni, la France, l’Italie et la Belgique. Ces dernières cherchent activement un débouché sur le fleuve et, donc, un point d’ancrage vers l’Égypte. Mais ce sont les britanniques qui l’emportent dans le Traité dit de Paris dans lequel la France confirme indirectement la perte de sa domination mondiale face au Royaume-Uni. La France conserve alors uniquement certains comptoirs dont la Martinique, la Guadeloupe, Dakar, Pondichéry (en Inde), la Louisiane, et le Québec.

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Le Caire

Le Cap

DjiboutiDakar

Fachoda

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Il est d’ailleurs assez intéressant de constater que les anglais ont par la suite également acquit la Louisiane qui a été vendue par Napoléon Bonaparte en 1800 lors de problèmes financiers graves. Initialement, les Etats-Unis n’étaient composés que de la côte Est comme indiqué sur le schéma. Le reste, en blanc sur le schéma, était supposé resté français mais la France n’a pas su asseoir démographiquement et stratégiquement sa position sur cette zone géographique.

En ce qui concerne la deuxième mondialisation, la transformation de la société s’effectue par le biais de la science et sa progression. La force militaire et technique d’un pays se lit donc à travers son degré d’avancement dans la science. On considère alors qu’il faut propager le progrès. L’ensemble de l’humanité est alors placé devant un développement des savoirs, les européens étant assurément les plus avancés et, par conséquent, la préfiguration des peuples humains. L’avenir des autres peuples et leur objet est donc de suivre le chemin et d’atteindre la même situation que celle du vieux continent. Il n’y a plus la notion de compétition, chacun doit atteindre et profiter du progrès. C’est une vision manichéenne dans le sens où il y a des peuples en retard et d’autres en avance, technologiquement parlant. Le but est donc d’atteindre, au terme de l’Histoire, le niveau de progrès maximal, ce qui est assez loin de l’éternité paradisiaque chrétienne. On constate donc l’entrée de la notion d’Histoire de l’Humanité. La clef de cette deuxième mondialisation est donc le progrès.

Quant à la troisième mondialisation, elle est, elle, caractérisée par une occidentalisation d’origine cette fois américaine (et non européenne), basée sur la consommation parfois qualifiée de californienne. Il s’agit du système de la société de consommation, qui met l’accent sur la satisfaction immédiate du besoin. On est alors persuadé qu’il faut ouvrir la planète au commerce. Cependant, la Chine est restée fermée au monde extérieur depuis 1500. Les européens, étant très intéressés par la porcelaine et la soie chinoise et voyant que les opportunités de commerce n’étaient que quasi nulle, se sont livrés à la pratique de la contrefaçon. La porcelaine bleue réputée de Hollande est par exemple issue du savoir-faire chinois. La contrefaçon n’a donc pas toujours été dans le sens que l’on pensait !

La contrefaçon n’étant pas légale, les européens et, plus précisément les anglais, ont eu recours à un stratagème très efficace pour trouver un terrain d’entente sino-britannique. En effet, les Indes étant à l’époque encore britanniques, les anglais ont décidé de prélever une quantité conséquente d’opium indien – les fleurs de pavot à opium sont très communes en Inde – afin de l’échanger en Chine contre de la porcelaine chinoise. Cette démarche trouve un très grand succès au départ mais cette effervescence s’essouffle assez vite dans la mesure où l’empereur chinois décide d’arrêter les relations commerciales avec les britanniques car ce produit devenait trop courant en Chine. C’est de là que la première guerre de l’opium prend sa source et durera entre 1839 et 1842.

Même si en effectif les chinois sont supérieurs, ce sont les britanniques qui prennent le dessus grâce à leur armement. Cette victoire débouche sur le traité de Nankin du 29 août 1842, complété plus tard par deux autres traités. Parmi ses clauses, il est stipulé que la Chine cède un ilot à l’époque inexploité à l’empire britannique (il s’agit d’Hong Kong), que la Chine doit laisser ouvert cinq de ses ports : Xiamen, Canton, Fuzhou, Ningbo et Shanghai. Les britanniques obtiennent aussi le droit de s’installer dans ces ports. La reine Victoria n’étant pas satisfaite et les autres pays européens (spécialement la France) avides de pouvoir étendre leur commerce au Nord du pays, une seconde guerre de l’opium (1856 – 1860) éclate avec la participation de la France donc, avec une seconde victoire européenne. Cette fois, les traités, qualifiés d’inégaux par le peuple chinois, étend les possibilités de

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commerce avec la Chine. L’avidité européenne a donc fini par payer. Toute fois, il a fallu passer par des phases de contrefaçon et de trafic de drogues illégales avant de pouvoir en arriver à là !

La Chine, ayant donc la porte d’entrée forcée, voit des européens envahir son marché et participe activement donc à la mondialisation contemporaine. Cette mondialisation est marquée par trois grandes figures qui sont Margaret Thatcher (Angleterre), Ronald Reagan (Etats-Unis) et Deng Xiaoping (Chine) qui sont pour une libéralisation intensive du commerce international. En effet, à cette époque, la société étatique marxiste de la Chine ou encore l’Etat interventionniste keynésien des Etats-Unis sont considérés comme un agent économique non favorable pour le développement économique de la nation. Il y a donc un mouvement de réduction de l’interventionnisme de l’Etat dans l’économie au profit du marché comme instrument de régulation des mécanismes économiques. La mutation chinoise commence en 1978, deux ans après la mort de l’empereur rouge Mao Zedong, caractérisée par une croissance annuelle exorbitante entre 10% et 14% jusqu’aujourd’hui, sujette même à une tendance inflationniste. L’enjeu de la Chine est donc de ne pas être excessif : il faut libéraliser l’économie nationale tout en essayant de stabiliser sa croissance, par le biais notamment d’institutions.

Le cas de la Russie est très intriguant dans le sens où il ne se calque pas sur la Chine. En effet, le système marxiste s’effondre à la fin des années 1980 et l’Union Soviétique en 1991. C’est alors que les russes bousculent leurs institutions en les libéralisant ce qui entraine un « désordre » financier (crise financière, ralentissement économique, etc.). Cependant son état se rétablit grâce au pétrole qui hausse son taux de croissance annuel à 8% ; en revanche il est évident qu’il s’agit d’une économie très fragile étant donné qu’elle repose principalement sur une seule activité. La Russie a eu une tendance ces dernières années à se calquer sur le modèle chinois.

Il existe deux genres intéressants pour résorber l’inflation et le chômage. Lors de la crise de 1929, le président américain Roosevelt essaie de soigner ce fléau par un programme de politiques de travaux pour résorber le chômage. Hjalmar Schacht, ministre de l’économie sous Hitler, effectue une politique mercantiliste. Hitler, en 1933, décide de violer les accords de paix de 1914-1918 en se réarmant, ce qui crée de manière effective de l’emploi. A partir de 1933, Hitler est gagnant à toutes les élections car il donnait des réponses et des solutions efficaces à la crise.

Etant donné que ceci a été mis en théorie par l’économiste Keynes avant la guerre, une fois la guerre terminée, il est apparu comme logique de remettre en pratique ses théories. C’est un très grand succès durant la période dite des « Trente Glorieuses » de 1945 à 1975. A partir des années 1970, le choc pétrolier et l’excès d’intervention de l’Etat se sont accompagnés de son surendettement et ses règlementations. La rigidité économique aboutit à un mouvement anti-keynésien et un retour au marché via le néo-classique Walras. C’est le début de l’économie de marché. Le marché est en mesure, selon lui, de réguler les mécanismes économiques.

Pour l’Amérique Latine, elle a utilisé une politique de substitution aux importations de l’Etat. Si un produit était importé, les politiques considéraient la possibilité de produire sur le territoire national afin de réduire les imports. Cette tendance est assez uniforme dans l’ensemble de l’Amérique Latine.

La troisième mondialisation est caractérisée par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). Au temps de la marine, il fallait un temps important pour traverser l’Atlantique par exemple. L’accélération des transports a donc été un facteur de la mondialisation. La marine change, s’accélère, se développe, devient plus performante avec des allers/retours plus fréquents. Les moyens de communications vont

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aussi énormément changés. Aujourd’hui il est possible d’être connecté immédiatement au monde entier.

S’il y a un espace favorable au commerce, un environnement propice au transport et des moyens de communication instantanée, les configurations de la structure mondiale peuvent être complètement changées. Avant, le commerce international consistait simplement à vendre à l’étranger, cependant les droits de douane, souvent prohibitifs, ne le permettaient pas toujours. Toutefois, la pratique du protectionnisme reste très étanche. C’est pourquoi des entreprises ont du construire des usines dans les pays ciblés, comme ce fut le cas pour Renault en Roumanie (avec l’usine Dacia).

La structure économique a été impactée, ce qui se manifeste par la réorganisation du système productif qui a pour base un éclatement de la production au travers de la planète (fonctionnement en métastase). La modernité va parcourir le monde comme des métastases. Avant, c’était un système de clonage, aujourd’hui il consiste plutôt en un puzzle. Le clonage faisait face à l’industrie protectionniste car les entreprises copiaient leur usine dans le pays où elles voulaient s’implanter. Aujourd’hui, on constate un éclatement de la production car chaque bien est éclaté en sous-produits, manufacturés dans l’endroit le plus rentable pour la production du sous produit en question. Selon la segmentation, l’endroit le plus optimum n’est pas le même. Ce système a des répercussions politiques car c’est le moment où des structures démographiques sont développées. Fukuyama, auteur de La fin de l’Histoire, explique la liaison entre la diffusion démocratique et l’économie de marché. L’accomplissement de ceci est la fin de l’Histoire dans le sens où aucun autre système ne s’est avéré possiblement plus efficace. Le problème ici réside dans le fait que la diffusion de la démocratie est effective bien que le taux de participation aux élections soit de plus en plus bas, ce qui est de plus en plus alarmant. Le personnage élu a de moins en moins de chance à l’appliquer car les forces économiques sont en réseau mondial, la logique n’étant plus nationale mais globale. Cela ne sert à rien de voter donc. Cela rend le poids de la décision très faible. Par exemple, en Afrique, la plupart des élections ne connait pas plus de 15% de participation. La légitimité des actions prises par les représentants élus est donc assez facile à critiquer.

En somme, nous avons vu que le monde a connu trois mondialisations. La troisième est actuelle. Aujourd’hui, on a un processus embrouillé dans la mesure où le système économique est efficace vu la société de consommation mais défaillant vu que 20% de la population mondiale vit dans le besoin, un chiffre qui progresse selon la FAO par ailleurs. Pour comprendre le monde, il faut savoir que la mondialisation est liée à un autre concept plus qu’important que nous allons analyser dans la seconde partie : le marché !

Economie Internationale