28
L'IMPACT DES INSTITUTIONS SOCIALES SUR LA FORMATION DU CAPITAL SOCIAL DANS LA VALORISATION DE LA RECHERCHE : UNE ANALYSE SOCIOLOGIQUE DES CRÉATIONS D'ENTREPRISES DE HAUTE TECHNOLOGIE Gerhard Krauss De Boeck Supérieur | Innovations 2011/3 - n°36 pages 83 à 109 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2011-3-page-83.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Krauss Gerhard, « L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie », Innovations, 2011/3 n°36, p. 83-109. DOI : 10.3917/inno.036.0083 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © De Boeck Supérieur

L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

  • Upload
    gerhard

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L'IMPACT DES INSTITUTIONS SOCIALES SUR LA FORMATION DUCAPITAL SOCIAL DANS LA VALORISATION DE LA RECHERCHE :UNE ANALYSE SOCIOLOGIQUE DES CRÉATIONS D'ENTREPRISESDE HAUTE TECHNOLOGIE Gerhard Krauss De Boeck Supérieur | Innovations 2011/3 - n°36pages 83 à 109

ISSN 1267-4982Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2011-3-page-83.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Krauss Gerhard, « L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la

recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie »,

Innovations, 2011/3 n°36, p. 83-109. DOI : 10.3917/inno.036.0083

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 2: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

n° 36 – innovations 2011/3 83

L’IMPACT DES INSTITUTIONSSOCIALES SUR LA FORMATION

DU CAPITAL SOCIAL DANSLA VALORISATION DE LA

RECHERCHE : UNE ANALYSESOCIOLOGIQUE DES CRÉATIONS

D’ENTREPRISES DE HAUTETECHNOLOGIE 1

Gerhard KRAUSSUniversité Rennes 2

[email protected]

Les sociologues ont commencé tardivement à travailler sur le thème de lacréation d’entreprise et plus précisément sur la question du capital social desfondateurs. Pendant longtemps, la sociologie a privilégié d’autres thèmes. Lasociologie du travail, par exemple, s’est intéressée au travail dans les entre-prises existantes, en particulier dans les grandes entreprises industrielles tay-loriennes et fordiennes, piliers de la période des « Trente Glorieuses ». Cestravaux étaient orientés vers l’étude du travail à un niveau inférieur ou trans-versal à celui de l’entreprise. Ainsi, pendant longtemps, l’entreprise ne sem-blait pas représenter un objet d’étude légitime et sa réhabilitation dans ledébat social n’est intervenue que tardivement (Erbès-Seguin, 2004, p. 60).

Des thèmes tels que celui de la création d’entreprise, ainsi que celui de lavalorisation de la recherche dans le cadre d’une création d’entreprise, étaientétudiés par d’autres disciplines, par exemple par l’économie ou par les scien-ces de gestion. Or, le développement de la sociologie de l’entreprise depuis lafin des années 1980, notamment en France, et le renouveau de la sociologieéconomique ont contribué à établir l’entreprise comme objet d’étude doré-navant reconnu en sociologie. De nouvelles approches, sur le plan théorique

1. Je tiens à remercier ma collègue Jennifer Urasadettan pour ses commentaires et suggestions.

DOI: 10.3917/inno.036.0083

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 3: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

84 innovations 2011/3 – n° 36

et méthodologique (tel que l’analyse des réseaux), ont à leur tour favoriséune vision sociologique du problème de la valorisation de la recherche dansle cadre d’une création d’entreprise.

Les sociologues économistes ont commencé à s’intéresser au thème de lacréation d’entreprise à partir des années 1990. Parmi ces travaux on remar-que celui de Mark Granovetter qui a étudié le rôle des réseaux pour la créa-tion d’entreprise dans différentes communautés ethniques en Asie du Sud-Est (Granovetter, 2003). Le principal résultat de son analyse est que la formeet les caractéristiques du réseau du créateur jouent un rôle décisif dans leschances de succès des projets de création. Ceci montre la pertinence d’uneapproche prenant en compte des facteurs non économiques. L’entrepreneurethnique a également été l’objet de diverses autres enquêtes en sciences socia-les (cf. Waldinger, Aldrich, Ward, 1990).

Si la sociologie américaine s’est tournée vers le thème de la créationd’entreprise depuis plus longtemps (cf. Aldrich, 1999), les travaux sociologi-ques en France sont plus récents, mais leur nombre augmente depuis les der-nières années (voir par exemple Bernoux, 1999, p. 74 ; Giraudeau, 2007 ;Grossetti, Barthe, 2008 ; Moreau, 2008 ; Géographie, Économie, Société, 2008).

Dans la présentation qui suit, nous nous inscrivons dans ce courant de tra-vaux sociologiques. Ainsi, nous nous appuierons sur une perspective d’analysequi met en avant la dimension sociale de l’activité de création d’entreprise etl’importance des ressources « non économiques » nécessaires à la réussite desprojets de création. Plus précisément, nous nous intéresserons aux jeunesentreprises basées sur du savoir, intensives en connaissance, et celles appar-tenant au domaine des nouvelles technologies (knowledge-based ou techno-logy-based firms). Ces entreprises se caractérisent par un effort de rechercheet développement particulièrement important et par des liens plus ou moinsétroits avec la recherche académique.

Nous mettrons ainsi au centre de l’analyse la dimension relationnelle deces projets d’innovation et nous étudierons le rôle du capital social dans lesstratégies d’innovation des acteurs impliqués (son rôle dans la déterminationdes chances de succès, mais aussi dans l’orientation spécifique des stratégiesd’innovation). Cette analyse sera développée à partir de travaux réalisés à lafin des années 1990 et dans la première moitié des années 2000 dans le Sud-Ouest de l’Allemagne (cf. Krauss, 1999 ; Heidenreich, Krauss, 2004 ; Krauss,2009a).

L’auteur du présent article a mené ses travaux en sa qualité de chercheurdans un centre de recherche situé à proximité d’un important incubateurtechnologique régional, hébergeant de jeunes entreprises à orientation tech-nologique. À sa fondation, notre centre de recherche a été hébergé, pendant

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 4: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 85

une courte période, par cet incubateur, ce qui a favorisé de nombreux échan-ges avec sa direction au sujet des créations d’entreprises à orientation techno-logique. Ces échanges ont fait mûrir l’idée de conduire des recherches sur cethème. En effet, nous avons pu voir les difficultés considérables auxquellesétaient confrontés les créateurs d’entreprise poursuivant des projets d’innova-tions technologiques, en particulier ceux qui étaient en décalage par rapportaux orientations technologiques du système d’innovation régional. De nom-breux entrepreneurs n’arrivaient pas à couvrir les frais opérationnels courantsde leur entreprise par les revenus tirés de l’activité de cette dernière. Ainsi,malgré l’originalité des projets technologiques poursuivis par les entreprisesde l’incubateur, beaucoup d’entre elles accumulaient des dettes auxquelleselles n’arrivaient plus à faire face au-delà d’un certain seuil, les contraignantà faire faillite 2. Cela entraîna parfois des drames personnels considérables,touchant très fortement non seulement la vie professionnelle, mais égale-ment la vie privée des entrepreneurs (divorces, familles brisées, dettes, bienssaisis, ventes de forclusion, etc.). Le directeur de l’époque de l’incubateursemblait penser que la cause de ces problèmes était essentiellement d’ordrefinancier, les jeunes entreprises de nouvelle technologie ne pouvant trouverdes financements à des conditions acceptables. Ceci semblait être vrai mêmepour les possibilités de financement offertes par les différents programmesd’aide à la création d’entreprise technologique de l’État fédéral et du Land,puisque malgré tout, un nombre important de ces jeunes entreprises en ayantbénéficié se trouvait dans une situation financière critique, s’aggravant con-tinuellement.

Très vite, nous nous sommes rendu compte que les problèmes d’ordrefinancier ne représentaient qu’une dimension, certes essentielle, mais toute-fois partielle, des difficultés auxquelles étaient confrontées les jeunes entre-prises technologiques – difficultés qui en fait étaient multiples. Les besoinsfinanciers de ce type d’entreprises à moyen (et à long) terme étant plus impor-tants que dans le cas des créations d’entreprises ordinaires, l’apport financierpersonnel, ainsi que celui fourni par des proches (famille, amis), s’avérait trèssouvent insuffisant et nécessitait donc, au moins en partie, un financementexterne – en général sous forme d’un financement subventionné ou aidé indi-rectement par l’État (aide à la constitution de fonds propres, participationstacites, capital-risque, garanties etc.).

Dans le cadre de nos recherches portant sur le système d’innovationrégional, nous avions découvert que ces difficultés semblaient être liées auxparticularités du contexte institutionnel donné. Nous avions argumenté quedes mécanismes institutionnels de coordination propres au système d’inno-

2. Sur le thème de l’échec des jeunes entreprises technologiques, voir Krauss, 2009b.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 5: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

86 innovations 2011/3 – n° 36

vation régional du Bade-Wurtemberg (région située dans le sud-ouest del’Allemagne) contribuaient à guider les efforts d’innovation des acteurs surle plan individuel et collectif, de sorte à privilégier les secteurs technologi-ques déjà dominants dans l’économie régionale, ainsi que des innovationsincrémentales et des stratégies d’innovation prudentes et éprouvées, auxdépens des stratégies d’innovation plus radicales et risquées.

L’analyse qui suit s’appuiera sur ces travaux et représentera une étudesecondaire de ces derniers, en accordant cette fois une attention particulièreaux liens sociaux qui se tissent dans ce contexte entre les différents acteursappartenant au monde économique, la recherche, et les institutions jouantun rôle d’intermédiaires ou d’intervenant dans ces relations (autant que celasera possible à partir des travaux originaux). Nous tenterons de démontrerque le contexte institutionnel exerce une influence importante sur les stra-tégies des acteurs (individus ou acteurs collectifs) dans la formation et l’utili-sation de leur capital social 3. Ce contexte comprend les institutions dusystème d’innovation régional, telles que les pratiques en matière de transfertsde technologies, de valorisation de la recherche, de spécialisations scientifi-ques, ou encore de production industrielle.

Dans un premier temps, nous présenterons brièvement les caractéristi-ques du système d’innovation de Bade-Wurtemberg, en abordant son histoireet les principaux éléments de ses structures institutionnelles de régulation.Dans un deuxième temps, nous exposerons les principaux traits de son sys-tème de recherche et du modèle de transfert des technologies typique de cetterégion. Nous étudierons les conséquences qui en résultent pour les réseauxsociaux qui peuvent se tisser et qui, de fait, se sont formés au cours du temps,entre la recherche (fondamentale ou appliquée), les entreprises et les acteursintervenant dans les relations de transferts des technologies et de valorisa-tion de la recherche. Nous terminerons dans un troisième temps par une pré-sentation des stratégies menées au niveau du Land depuis le milieu des années1990 pour moderniser les structures institutionnelles, et favoriser la forma-tion de nouveaux réseaux entre la recherche et les entreprises du secteur desnouvelles technologies. À titre d’illustration, nous choisirons l’exemple desbiotechnologies qui, depuis, a connu une évolution importante en ce quiconcerne le développement des réseaux entre la recherche académique et lesecteur économique.

3. L’impact du contexte institutionnel sur les logiques de formation et de valorisation du capitalsocial a déjà été démontré par d’autres recherches. Ainsi, par exemple les recherches portant surla formation des réseaux personnels dans l’ancienne Allemagne de l’Est communiste montraient– dans une perspective comparative avec la nouvelle Allemagne unifiée – que ces derniersétaient fortement influencés par les institutions de la société (Völker, Flap, 1995).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 6: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 87

PROFIL INSTITUTIONNEL ET GENÈSE DU SYSTÈME D’INNOVATION RÉGIONAL

Dans le passé, la plupart des recherches menées sur le « modèle de Bade-Wurtemberg » ont régulièrement révélé une grande concordance entre les dif-férentes composantes de ce que l’on pouvait alors appeler le système de pro-duction et d’innovation régional. Comparé à d’autres régions, ce qui frappe estle haut degré d’institutionnalisation des principaux domaines d’innovation etla densité institutionnelle générale qui caractérisent l’économie régionale 4. Sicertaines institutions ne représentent qu’une forme régionale d’institutionsnationales (comme par exemple le système des relations professionnelles), leBade-Wurtemberg a développé un certain nombre d’institutions propres à ceLand, comme par exemple dans le domaine du transfert des technologies. Bienque figurant parmi les régions les plus pauvres d’Europe pendant la premièremoitié du 19e siècle, de par son manque en matières premières et son indus-trialisation tardive, le nouveau Land formé en 1952 par la fusion des régionsde Wurtemberg-Bade, de Wurtemberg-Hohenzollern et de Bade, a connu parla suite une croissance et une prospérité économique extraordinaire. Les suc-cès économiques successifs, avec des taux de croissance nettement supérieursà la moyenne nationale ont fini par faire du Bade-Wurtemberg l’une desrégions les plus prospères (et les plus industrialisées) d’Allemagne, voired’Europe. La période du boom économique après la Seconde Guerre Mon-diale, ce que l’on appelait en France les Trente Glorieuses, fut particulière-ment bénéfique à l’économie régionale, avec des taux de croissance annuelsnettement et continuellement supérieurs à ceux de l’économie nationale etnotamment pendant les années 1950. Ces succès étaient étroitement liésaux succès rencontrés dans l’exportation des produits industriels, le Bade-Wurtemberg se caractérisant, depuis cette époque et aujourd’hui encore, pardes taux d’exportation très élevés qui, eux aussi, se situaient la plupart dutemps au-dessus de la moyenne nationale. Cette forte orientation vers l’expor-tation a cependant posé problème en cas de retournement de l’économieinternationale. En effet, depuis les années 1970, on a pu observer que l’éco-nomie du Bade-Wurtemberg était davantage frappée par les récessions del’économie mondiale que le reste de l’Allemagne.

Le modèle économique et industriel du Bade-Wurtemberg semble biencorrespondre à l’image que de nombreux observateurs étrangers se font géné-

4. Le terme « institution » est utilisé dans sa signification sociologique. Lorsque nous parlons du« contexte institutionnel » ou des « agencements institutionnels » nous comprenons l’ensembledes usages établis, des comportements normés et des idées instituées, stabilisés par des mécanis-mes incitatifs et de sanction (positifs et négatifs).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 7: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

88 innovations 2011/3 – n° 36

ralement de l’Allemagne, quant à ses taux d’industrialisation et d’exporta-tion élevés5, les caractéristiques de sa main-d’œuvre et de ses relationsprofessionnelles, ainsi que de ses produits industriels. Très probablement, il ycorrespond même beaucoup mieux que les autres régions allemandes. Pour-tant, cette configuration est le résultat d’une évolution historique relative-ment récente, c’est-à-dire celle d’une industrialisation tardive, menée avecsuccès au cours des années 1950 et 1960, qui conduit à une transformationprofonde de l’économie régionale. Alors que l’agriculture représente encoreun quart des emplois au début des années 1950, son importance relative dansl’économie régionale décroît rapidement au profit du secteur industriel quilui, au contraire, connaît une forte expansion. Ainsi, l’industrie manufactu-rière atteint son pic historique avec 2,3 millions d’emplois en 1970, soit pres-que 1 million de plus par rapport à 1950, avec une part d’emplois dansl’économie régionale même nettement supérieure à la moyenne nationale.Celle-ci étant déjà très élevée comparée à la plupart des autres pays industria-lisés (Bade-Wurtemberg : 55,9 pour cent ; Allemagne : 48,9 pour cent ; pourles sources, voir Krauss, 2009a, p. 232). Aujourd’hui encore, le Bade-Wur-temberg se distingue par le poids de son secteur industriel : par exemple, en2009 la part des actifs occupés dans l’industrie manufacturière de la région(par rapport à l’ensemble de la population active occupée) était de l’ordre de35,6 pour cent 6 et donc bien au-dessus de la moyenne allemande de 28,7pour cent 7. En revanche, cette forte spécialisation industrielle semble empê-cher le développement du secteur tertiaire, plus particulièrement en ce quiconcerne les services intensifs en connaissances : mesuré en termes de créa-tion de valeur ajoutée, la part des services intensifs en connaissances dansl’économie régionale est particulièrement basse, de sorte que le Bade-Wur-temberg occupait l’un des derniers rangs dans le classement des Länderouest-allemands en 2002. Quant à la part des personnes travaillant dans ce

5. Les taux d’exportation du Bade-Wurtemberg avaient atteint un record en 2007 (42 pour cent)pour redescendre en 2009 à 35,9 pour cent (Statistisches Landesamt Baden-Württemberg, 2010,http://www.statistikportal.de/HandelBeherb/Indikatoren/AH-XP_exportquote.asp). Ce taux estencore plus élevé pour les secteurs industriels : par exemple, en 2007 il était de 60,6 pour centpour la construction mécanique, 67,3 pour cent pour l’industrie automobile et 50,7 pour centpour l’industrie électrotechnique (cf. Krauss, 2009a, p. 233). En 2010, l’économie régionale avaitréalisé une croissance de 5,5 pour cent – la plus forte de tous les Länder allemands, le PIB s’éle-vait à 360 milliards d’euros la même année – bien plus que celui de certains pays membres del’Union Européenne (pour comparaison, le PIB de la Grèce s’élevait à 230 milliards d’euros ;source : Der Spiegel, version en ligne du 6 avril 2011).6. Si l’on ne regarde que la part des salariés, le chiffre est un peu plus élevé, plus précisément 38,6pour cent (Statistische Berichte Baden-Württemberg du 8.07.2010, p.7)7. Statistische Ämter des Bundes und der Länder, 20.10.2010, adresse internet : http://www.sta-tistik-portal.de/Statistik-Portal/de_jb02_jahrtab10.asp

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 8: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 89

secteur, le Bade-Wurtemberg occupait la dernière position parmi les Länderouest-allemands (Staatsministerium Baden-Württemberg, 2006, p. 39-41 ;voir aussi Stahlecker, Kulicke, Jung, 2006, pp. 133-141).

Historiquement, les succès économiques étaient basés en grande partiesur les industries de biens d’investissement, plus particulièrement sur la cons-truction mécanique (avec des entreprises telles Voith, Festo, Stihl, Trumpf,Liebherr ou Putzmeister – cette dernière étant connue notamment pour sespompes mobiles géantes de haute précision qui, par exemple, ont été utili-sées à Tchernobyl avec du béton pour construire le sarcophage du site 8 et quidans le cadre de la lutte contre la catastrophe nucléaire au Japon servent,avec de l’eau, à refroidir les réacteurs abîmés de la centrale de Fukushima 9),la construction automobile (on y trouve les sièges des grandes marques Mer-cedes-Benz et Porsche ou les grands fournisseurs automobile tels Mahle et ZFFriedrichshafen) et l’industrie électrotechnique (la région est le berceau his-torique du groupe Robert Bosch ou de l’ancienne entreprise SEL devenueAlcatel-Lucent Allemagne).

Ces trois branches (en particulier l’industrie automobile, avec les siègesde deux grands constructeurs à Stuttgart, Daimler et Porsche) représentaientles piliers du modèle d’industrialisation de Bade-Wurtemberg. Elles étaientégalement celles qui montraient traditionnellement une forte orientation àl’export (cf. note de bas de page n°5). Depuis le milieu du 20e siècle, le nom-bre de salariés de ces branches a plus que triplé, alors que l’industrie textilequi, en 1950, était encore le secteur économique le plus important, a paral-lèlement vu le nombre de ses salariés se réduire en dessous d’un tiers duniveau des années 1950. Enfin, ces branches dominantes ont fini par formerdes grappes industrielles (industrial clusters), concentrées en grande partiedans la grande région de Stuttgart. Elles comprenaient, à côté de quelquesgrandes entreprises, de nombreuses PME spécialisées dans un large éventailde diverses technologies de production.

8. Cf. Herrigel, 2000, 182.9. Putzmeister construit des pompes spéciales, normalement destinées à une utilisation avec du bé-ton, permettant d’éjecter le béton à haute pression avec une très grande précision à distance. Ellespeuvent être utilisées par exemple pour la construction de tunnels ou de gratte-ciel et être rééquipéespour une mission pompier en cas de crise. Dans le cas de Fukushima, les pompes spéciales envoyéespar Putzmeister d’un poids de 60 tonnes chacune sont les plus grandes du monde et permettent depomper 160 000 litres d’eau par heure (le triple d’un camion pompier japonais classique), d’orienterl’eau de façon extrêmement précise vers la cible grâce à un système de bras flexible et téléguidabled’une hauteur de 70 mètres équipé de caméras, et d’utiliser une pression de 85 bar évitant ainsi lavaporisation de l’eau par le vent – un problème auquel étaient confrontés les pompiers japonais avecleur équipement classique lors de leurs premières interventions (cf. Der Spiegel, version en ligne du1er avril 2011). Ce système ne fournit cependant pas une solution à long terme, l’accumulationd’énormes quantités d’eau radioactive créant un nouveau problème sur un autre niveau.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 9: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

90 innovations 2011/3 – n° 36

Au cours des deux dernières décennies, s’est formé un nouveau clusterdans le domaine des services aux entreprises, en particulier des éditeurs delogiciels et autres entreprises de services informatiques (tels que SAP, IBM,Hewlett-Packard ou l’entreprise Brokat, cette dernière étant la grande stardes jeunes start-up de la région de Stuttgart à la fin des années 1990 – avantde faire une faillite spectaculaire en 2001). En outre, la région a connu undéveloppement important dans certains secteurs de nouvelle technologieconduisant à la formation de nouveaux clusters localisés, plus petits, tels queles biotechnologies, le multimédia, les nanotechnologies ou la santé.

Toutefois, ces évolutions récentes rencontrent un certain nombre defreins et dans certains cas peinent à se consolider. À cet égard, on constatele rôle ambigu des structures institutionnelles de régulation du systèmed’innovation régional : les usages établis, les pratiques et règles tacites quiont régi les échanges entre les acteurs dans le passé – et qui ont permis lessuccès économiques successifs – peuvent s’avérer des freins à une réorienta-tion des efforts d’innovation. Ceci concerne également les liens sociaux quise créent et s’entretiennent plus facilement là où leur développement estfacilité et soutenu par des institutions.

Si le haut niveau d’institutionnalisation a pu apparaître comme un avan-tage dans le passé, ayant joué en faveur d’une focalisation des efforts d’innova-tion, il représente aussi des risques. En particulier la réalisation d’innovationsfondamentales suppose toujours la remise en question des façons d’agir et depenser instituées. À cet égard, le Bade-Wurtemberg en est une illustration.Dans des périodes de transformation économique profonde, les acteurs du sys-tème d’innovation de Bade-Wurtemberg semblaient avoir des difficultés –plus importantes qu’ailleurs – pour adapter leurs façons d’innover de manièreflexible et rapide aux nouveaux contextes économiques.

Quant aux possibilités de formation du capital social et la création deréseaux, elles ont été limitées et encadrées par les réseaux professionnels quise sont continuellement développés, pendant plusieurs décennies, autourdes clusters industriels dominants. Tout se passait comme si ces réseaux atti-raient et monopolisaient une partie importante des ressources disponiblesdans la région (en terme de capitaux économiques, main-d’œuvre qualifiée,connaissances technologiques etc.). Le revers de la médaille était qu’il s’avé-rait difficile – peut-être plus qu’ailleurs – de développer de nouveaux secteurstechnologiques, avec de nouveaux réseaux, en dehors des clusters établis. Lesfondateurs de nouvelles entreprises technologiques étaient particulièrementtouchés par cette problématique : les réseaux établis étant assez stables etconnaissant des taux de création déjà au-dessous de la moyenne (cf. Krauss,1999), ils ne pouvaient offrir de soutien qu’aux nouvelles entreprises suffi-samment « proches » (quant à leur projet technologique et l’insertion pro-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 10: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 91

fessionnelle de leurs dirigeants). Les jeunes entreprises de nouvelletechnologie étant plus éloignées (sur le plan technologique et institution-nel), elles ont moins de possibilités de nouer des contacts avec des entreprisesétablies et de bénéficier de leur soutien. Cela explique, en partie, les difficul-tés et le retard relatif dans le développement de nouveau champs technologi-ques.

Dans la partie suivante, nous nous consacrerons d’abord à une présenta-tion des particularités du système de la recherche, ainsi que de celui du trans-fert des technologies, en tant que composantes fondamentales du systèmed’innovation régional, pour ensuite analyser les conséquences qui en résul-tent pour la formation des réseaux.

L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE, DE LA VALORISATION DES NOUVELLES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES ET DU TRANSFERT DES TECHNOLOGIES EN BADE-WURTEMBERG

La forte orientation vers la recherche des principales entreprises de ces clus-ters, ainsi que l’existence d’un tissu dense d’intermédiaires spécifiques devalorisation de la recherche et de transfert des technologies, représententdes traits institutionnels typiques du système d’innovation régional de Bade-Wurtemberg. L’intensité en recherche et développement (dépenses derecherche et développement exprimées en pourcentage du PIB) du Bade-Wurtemberg est traditionnellement très élevée. Par exemple, en 2007, lesdépenses de recherche et développement ont atteint 4,4 pour cent du PIB –une part nettement supérieure à celle de l’Allemagne (2,5 pour cent). Ainsi,le Bade-Wurtemberg continue à être la région dont l’intensité de rechercheet développement reste la plus élevée de toute l’Union Européenne, loindevant les pays scandinaves (Suède : 3,6 pour cent ; Finlande : 3,5 pour cent),ou encore la France (2,1 pour cent), et l’Union Européenne dans son ensem-ble (1,9 pour cent) 10. Il occupe également la première position à l’intérieurde l’Allemagne devant Berlin (3,4 pour cent). Cette importante intensité derecherche et développement du Bade-Wurtemberg s’explique principale-ment par la forte orientation vers la recherche des entreprises : ainsi lesdépenses du secteur privé pour la recherche et développement représententà elles seules 3,6 pour cent du PIB de Bade-Wurtemberg – plus qu’aucune desautres régions allemandes, même en additionnant les dépenses de recherche

10. Einwiller, 2010.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 11: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

92 innovations 2011/3 – n° 36

et développement dans tous les secteurs (entreprises, enseignement supé-rieur, recherche publique). L’intensité de la recherche et développement surle plan géographique est la plus élevée dans et autour de Stuttgart, avec lesdistricts de Stuttgart (3,5 pour cent du PIB), Ludwigsburg (3,4 pour cent duBIP), Böblingen (6,9 pour cent du PIB). Elle est également élevée au Nord(le district autour de Heilbronn avec 3,7 pour cent du PIB) et au Nord-Ouest(Rhin-Neckar, autour de Heidelberg avec 4,2 pour cent du PIB). Le seul dis-trict plus éloigné de Stuttgart montrant une intensité de recherche et déve-loppement très élevée est celui autour de Friedrichshafen avec 4,9 pour centdu PIB (Einwiller, 2010, p. 10).

Cet ancrage dans la recherche se manifeste non seulement en terme dedépenses, mais également en terme de personnel de recherche et développe-ment (Einwiller, 2010, p. 8). Par rapport au secteur des entreprises (quimonopolise 27,2 pour cent du personnel de recherche et développement del’économie allemande en 2007) les organismes publics de recherche et del’enseignement supérieur jouent un rôle relativement plus modeste, maiscependant non négligeable, et représentent tout de même 15,6 pour cent dupersonnel de recherche et développement du secteur des organismes publicsde recherche en Allemagne (ce qui place le Bade-Wurtemberg au deuxièmerang parmi les Länder allemands, la première position étant occupée par laRhénanie Westphalie du Nord avec 17,1 pour cent) et 15,4 pour cent en cequi concerne le secteur de l’enseignement supérieur (également en deuxièmeposition derrière la Rhénanie Westphalie du Nord). Les statistiques révèlentaussi un autre phénomène intéressant : si l’on compare les dépenses derecherche et développement par professeur dans les universités, on constateque le Bade-Wurtemberg arrive largement en tête. En 2007, les dépenses derecherche et développement par professeur d’université étaient de l’ordre de639.000 Euros en Bade-Wurtemberg, ce qui était nettement supérieur à lamoyenne allemande de 463.000 Euros, avec en outre une avance considéra-ble par rapport aux régions arrivant en 2e, 3e, 4e et 5e positions (Schleswig-Holstein : 498 000 Euros ; Bavière : 489 000 Euros ; Rhénanie Westphaliedu Nord : 488 000 Euros ; Berlin : 478 000 Euros (Einwiller, 2010, p. 11).

Ce système de recherche très développé est complété par un autre traitinstitutionnel du système d’innovation régional qui touche, comme nousallons le démontrer plus loin, la question des réseaux. Le transfert des tech-nologies en Bade-Wurtemberg est traditionnellement orienté vers lesbesoins des petites et moyennes entreprises de la région. Cette activité detransfert est organisée principalement par la Fondation Steinbeis qui entre-tient en Bade-Wurtemberg un réseau de plus de 450 agences spécialisées detransfert des technologies essentiellement auprès des universités de sciences

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 12: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 93

appliquées (Fachhochschulen). Vu la taille limitée des projets de transfert etleur caractère appliqué, ils ne semblent pas vraiment faciliter l’ouverture denouveaux champs technologiques ou la réalisation d’innovations radicales,mais au contraire contribuer au renforcement des sentiers technologiqueséprouvés.

Malgré les réformes récentes touchant l’enseignement supérieur quiouvrent d’autres possibilités aux enseignants-chercheurs de contribuer autransfert des technologies, la Fondation Steinbeis reste une institution cen-trale du transfert des technologies vers les PME en Bade-Wurtemberg. Tou-tefois, il est vrai que depuis la deuxième moitié des années 1990, de nouvellesformes de valorisations de la recherche se sont développées à côté desanciennes, mais elles concernent le plus souvent de jeunes secteurs de taillerestreinte, encore fragiles sur le plan économique et confrontés à des incerti-tudes technologiques importantes.

Depuis plusieurs décennies, les institutions de recherche et de transfertdes technologies contribuent à consolider et développer les champs techno-logiques représentés par les clusters dominants de la région. La concentra-tion des efforts de recherche et développement entrepris par les acteursrégionaux sur les clusters dominants a eu comme effet de concentrer les for-ces du Bade-Wurtemberg sur les domaines à moyenne-haute technologie 11.Dans ces domaines, la réalisation des sauts technologiques nécessite de trèsgros efforts de recherche et développement, ce qui constitue un véritableobstacle à son application dans la pratique. L’intensité de recherche et déve-loppement élevée dans ces secteurs s’explique par ailleurs par le fait que, detoute façon, des efforts de recherche et développement très importants sontnécessaires afin de pouvoir prolonger le cycle de vie des produits basés surdes technologies déjà mûres. Ainsi, les rigidités institutionnelles se manifes-tent probablement le plus justement dans le domaine de la recherche, de lavalorisation et du transfert des technologies.

Si les entreprises emploient en Bade-Wurtemberg une proportion de per-sonnel de recherche et développement supérieure à la moyenne nationale –en 2007 ce chiffre s’élevait à 75,4 pour cent, alors que la moyenne nationaleétait de 63,6 pour cent (Bundesbericht Forschung und Innovation, 2010, pp.487 et 491) 12 – ce dernier est très largement concentré dans les industries

11. Voir la classification des industries manufacturières en fonction de la composante globale detechnologie par l’OCDE et l’Eurostat (Eurostat, 2005).12. Pour comparaison, le Japon concentrait 66,1 pour cent de son personnel de recherche etdéveloppement dans le secteur des entreprises, la Suède 72,8 pour cent (Bundesbericht Forschungund Innovation, 2010, p. 509).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 13: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

94 innovations 2011/3 – n° 36

manufacturières. Les clusters dominants, à eux seuls, en monopolisent 80pour cent. L’intensité de la recherche et développement est notamment trèsélevée dans la construction automobile où les entreprises emploient 154chercheurs et techniciens de recherche (équivalent temps plein) sur 10 000actifs occupés en 2003 (Winkelmann, 2006, pp. 25-26) 13.

Alors que les poins forts de l’économie du Bade-Wurtemberg se trouventdans les domaines à moyenne-haute technologie (cf. note de bas de pagen°11), les domaines des hautes technologies et des technologies de pointe ysont largement sous-développés et comparativement moins compétitifs surle plan international. Ainsi, si l’on prend comme indicateur le nombre debrevets industriels délivrés ou le profil de spécialisation du Bade-Wurtem-berg à l’Office européen des brevets, on remarque les faiblesses du Bade-Wurtemberg dans le domaine des technologies de pointe et d’avenir : alorsque les domaines classiques sont largement surreprésentés parmi les dépôtsde brevets au niveau européen 14, les domaines des technologies plus jeuneset d’avenir sont nettement sous-représentés 15 (Frietsch, Koschatzky, Weert-mann, 2010, p. 70). Même dans la comparaison avec l’Allemagne entière, lesystème régional de recherche et développement se distingue par sa spéciali-sation dans des technologies qui jouent un rôle prépondérant pour la cons-truction mécanique et l’industrie automobile. Néanmoins, il y a récemmentdes évolutions prometteuses dans certains domaines « plus modernes », parexemple la pile à combustible (reflétant les efforts de recherche et dévelop-pement entrepris par l’industrie automobile régionale, tel que Mercedes-Benzet ses fournisseurs), ou encore les nanotechnologies, avec des points forts enbio-nanotechnologie et nano-optique 16.

13. Pour comparaison, le nombre de chercheurs et techniciens de recherche équivalent tempsplein sur 10.000 actifs occupés dans l’industrie automobile était respectivement 84 en Allema-gne et 85 en France (Winkelmann, 2006, p. 25).14. Il s’agit des domaines suivants (par ordre décroissant, les domaines les plus surreprésentésétant mentionnés en premier) : Composantes de machines, machines-outils, automobiles ettransport, moteurs, pompes, turbines, appareils et processus thermiques, machines à textile etmachines à papier, techniques des mesures, informatique, techniques de l’environnement, cyber-nétique, mécanutention, machines électriques et installations, bâtiment.15. Voici les domaines de Bade-Wurtemberg les moins représentés dans les dépôts de brevet auniveau européen (par ordre décroissant, les domaines les plus fortement sous-représentés étantmentionnés en premier) : matières synthétiques et chimie macromoléculaire, chimie de base,chimie fine organique, pharmacie, chimie alimentaire, technologies de communication numéri-que, biotechnologie, matériaux et métallurgie, optique, surfaces et traitements de surfaces, tech-nique audiovisuelle, semi-conducteurs, technologie informatique, technologie médicale, analysedes matériaux biologiques.16. Frietsch, Koschatzky, Weertmann, 2010, pp. 97 et 107.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 14: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 95

LES RÉSEAUX PROFESSIONNELS DES CRÉATEURS D’ENTREPRISES TECHNOLOGIQUES

L’impact des structures institutionnelles sur la formationdu capital social

Dans cette partie, nous nous intéresserons spécialement à la question de laformation du capital social dans le cadre de la valorisation de la recherche etdu transfert des technologies, en tenant compte des influences institution-nelles. En ce qui concerne la dimension professionnelle du capital social, lecontexte institutionnel en Bade-Wurtemberg favorisait traditionnellementla création de nombreux liens au niveau local et régional. Ceci a conduitbeaucoup d’observateurs scientifiques à interpréter les régions étant au cœurde l’économie de ce Land – les clusters industriels dominants – comme desexemples de districts industriels (voir par exemple Mendras, 2002 ; Bagnascoet al., 1994 ; Farrell, 2005 ; Herrigel, 2000, 181ff. ; Staber, 1996). Quant audomaine qui nous intéresse plus particulièrement – la valorisation de larecherche et le transfert des technologies – les institutions sociales régulantle comportement d’innovation dans ces régions favorisaient la constitutionde réseaux sociaux, entre acteurs de la recherche et acteurs économiquesréunis autour de projets d’innovation impliquant les champs technologiquesdominants. En ce qui concerne par exemple les petites et moyennes entre-prises, un échange régulier s’était progressivement établi entre ces dernièreset les agences de transfert de technologies de la fondation Steinbeis, situéesprincipalement auprès des universités de sciences appliquées (Fachhochschu-len). C’est dans ces domaines classiques, caractérisés par de nombreux pro-jets de coopération à taille limitée et à caractère ponctuel, que la dynamiquesociale enclenchée par les multiples interactions est la plus forte.

Les entreprises plus grandes, quant à elles, s’engagent souvent dans desprojets coopératifs de recherche industrielle avec des universités de la région(en revanche, les commandes d’études scientifiques sont plus rares). Ce quifavorise non seulement la valorisation des connaissances scientifiques, maisplus largement l’enrichissement mutuel entre les universités et les entrepri-ses manufacturières de la région. On peut supposer qu’un bon nombre de cesrelations se nouent grâce aux connaissances personnelles des individus, carles grandes entreprises de la région emploient un nombre important de diri-geants et d’ingénieurs issus des universités, ainsi que des universités de scien-ces appliquées, de la région.

Pour donner une idée de l’ampleur des relations entre les entreprises etles universités du Bade-Wurtemberg, ces dernières avaient reçu en 2008

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 15: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

96 innovations 2011/3 – n° 36

environ 93,3 millions d’Euros de la part des entreprises privées, équivalent à17,5 pour cent de leurs revenus externes cette même année. L’université deStuttgart, qui entretient des relations étroites avec l’industrie et qui formeune bonne partie de la future main-d’œuvre des industries manufacturièresde la région – notamment les ingénieurs pour les entreprises de constructionmécanique, d’électrotechnique ou de construction automobile – a obtenu lesfinancements privés les plus élevés parmi toutes les universités de Bade-Wurtemberg (selon les chiffres disponibles pour 2006, les fonds venant desentreprises de Bade-Wurtemberg, mais aussi allemandes et étrangères, grâceaux coopérations de recherche industrielle, s’élevaient à 86,5 millionsd’euros, représentant ainsi 42,5 pour cent des revenus externes de l’univer-sité de Stuttgart)17.

Le chiffre pour les universités de sciences appliquées était plus bas (8,4millions d’Euros), mais les deux types d’universités ne sont que difficilementcomparables, car les entreprises impliquées représentent des structures éco-nomiques différentes, ne disposant pas des mêmes capacités financières pours’engager dans des coopérations. Dans le cas des universités il s’agit en majo-rité de grandes entreprises (à la fois régionales, nationales et internationa-les), alors que dans le cas des universités de sciences appliquées il s’agit plutôtde petites et moyennes entreprises, en majorité régionales, voire locales, etimpliquées dans de nombreuses coopérations à budget plus modeste. Vu leurimportance pour le tissu local et régional des petites et moyennes entrepri-ses, il n’est pas surprenant que les universités de sciences appliquées ont lapart la plus élevée de financement privé parmi les établissements de l’ensei-gnement supérieur, les 8,4 millions d’euros réalisés grâce aux contrats privésavec les PME représentant environ 26,1 pour cent des revenus externes desuniversités de sciences appliquées en 2008 18.

Ce contexte affecte les opportunités de création pour les nouveaux entre-preneurs, ainsi que la partie professionnelle du capital social que ces dernierspeuvent développer et mobiliser dans le cadre de leurs activités de créationd’entreprise. Dans une publication plus ancienne (Krauss, 1999), nousavions argumenté que les clusters dominants du Bade-Wurtemberg repré-sentent des univers sociaux plutôt « hostiles » à la création d’entreprise, àl’exception de certaines niches des domaines technologiques intensifs enconnaissances, susceptibles de créer des liens avec les technologies promuespar les réseaux économiques dominants (ce sont les seuls domaines où ilexiste une dynamique importante de création d’entreprises ; cf. Krauss,1999). Concrètement, cela signifie que les principaux secteurs économiques

17. Frietsch, Koschatzky, Weertmann, 2010, p. 114.18. Frietsch, Koschatzky, Weertmann, 2010, pp. 113-114.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 16: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 97

sont marqués par l’activité de recherche et développement des entreprisesétablies, plus qu’ils ne le sont par les créations de nouvelles entreprises. Selonles statistiques de l’IFM (Institut für Mittelstandsforschung Bonn), l’inten-sité de création d’entreprises (le nombre de créateurs d’entreprise sur 10 000personnes en âge de travailler, c’est-à-dire ayant entre 18 et 65 ans) se situaiten 2009 à 70,6 et donc nettement au-dessous de la moyenne allemande de80,2, le chiffre de Bade-Wurtemberg ayant même baissé de presque un quartdepuis 1997, ce qui représente une baisse bien plus forte qu’au niveau natio-nal (-15,8 pour cent) 19.

En même temps, le Bade-Wurtemberg montre en 2009 le taux de ferme-ture d’entreprises (nombre de fermetures sur 1000 entreprises) le plus bas detous les Länder allemands (104 en Bade-Wurtemberg contre 122 en moyenneen Allemagne, le taux le plus élevé étant celui de Berlin avec 162 fermeturessur 1000 entreprises) 20. Ces chiffres semblent confirmer le haut degré d’ins-titutionnalisation des structures économiques – ou celui des structures socia-les de l’économie régionale – ayant comme conséquence pour les réseauxsociaux et le capital social des acteurs économiques une stabilité relativementplus grande qu’ailleurs.

Les entreprises établies des clusters dominants sont engagées dans desrelations et dans des réseaux d’une ancienneté relativement élevée, ces der-niers s’étant développés graduellement pendant plusieurs décennies avecune stabilité étonnante qui contraste avec la fluidité des réseaux de projetque l’on peut rencontrer parfois dans d’autres régions de haute technologie(districts de haute technologie californiens etc.). Les conséquences en sontdes obstacles peut-être plus importants en Bade-Wurtemberg qu’ailleurs à laformation de nouvelles configurations d’acteurs, et des barrières d’entréeplus élevées pour les créateurs d’entreprises n’ayant pas de liens privilégiésavec au moins l’une des entreprises appartenant à ces réseaux institués.

La formation de nouveaux réseaux dans la valorisationde la recherche : les créations d’entreprises dans les biotechnologies

Dans le cadre de nos recherches sur le système d’innovation régional duBade-Wurtemberg, nous nous sommes intéressés aussi à la valorisation de larecherche dans les domaines éloignés des clusters dominants, où la régiondispose de capacités de recherche reconnues sur la scène internationale. On

19. Institut für Mittelstandforschung (IFM), statistiques accessibles sur le site internet de cet ins-titut, adresse : http://www.ifm-bonn.org/assets/documents/Gr-Intensitaet_BL_1997-2009.pdf20. http://www.ifm-bonn.org/assets/documents/Li-Quote_BL_1997-2009vorl.pdf

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 17: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

98 innovations 2011/3 – n° 36

trouvait une telle configuration par exemple dans le domaine des biotechno-logies (cf. Krauss, Stahlecker, 2003). Dans ce secteur, le contraste était frap-pant entre, d’un côté, la qualité et l’état de développement de la rechercheacadémique, très élevés, et, de l’autre côté, les faiblesses dans la valorisationde nouvelles connaissances produites par la recherche, notamment si l’oncompare la situation avec celle d’autres régions du monde (cf. Fuchs, Krauss,2003 ; Acs, Audretsch, Fuchs, Krauss, 2001). La forte concentration et den-sité d’institutions de recherche de grand renom au plan mondial – en premierlieu à Heidelberg – n’a aucunement favorisé un développement significatifdes structures d’exploitation économique dans la région.

La région du « Triangle Rhin-Neckar » se situe à l’intersection de trois Län-der différents – le Bade-Wurtemberg, la Hesse et la Rhénanie-Palatinat. Fruitd’une coopération locale entre des acteurs économiques et publics des troisLänder, elle est formalisée en 1989 par le « cercle de travail ‘Rhin-Neckar’ »(Arbeitskreis Rhein-Neckar), une association mise en place par les entrepriseset collectivités territoriales de la région. Ce « cercle de travail » joue un rôledécisif dans la création d’autres institutions, spécialement pour le secteur desbiotechnologies. L’État fédéral a d’ailleurs mis en place différents program-mes visant la modernisation de l’infrastructure scientifique, et le transfert desconnaissances vers les entreprises (création et financement de quatre centresde recherches génétiques en Allemagne, dont l’un à Heidelberg entre 1982et 1993 ; programme BioRegio dans la deuxième moitié des années 1990).

Le profil socio-économique des principales villes est contrasté : alors quecelles situées en Hesse et en Rhénanie-Palatinat sont marquées par la présencede grands groupes chimiques et pharmaceutiques, les forces de Heidelberg(située en Bade-Wurtemberg) se trouvent dans les domaines de l’éducation,de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec des points forts claire-ment identifiables en biologie moléculaire, génétique et recherche sur lecancer (cf. Krauss, Stahlecker, 2003, p. 99). Plus précisément, les principalesforces de la recherche publique sont dans les domaines de la recherche sur lecancer, la virologie, l’immunologie, la biologie neurologique, la biologiemoléculaire des membranes, les récepteurs et chaînes de signaux, la génomi-que, la protéomique et la bioinformatique. Heidelberg réunit dans ces domai-nes un nombre impressionnant de laboratoires de recherche de premierplan à l’échelle mondiale : le centre allemand de recherche sur le cancer(DKFZ), le centre national pour les maladies de tumeur de Heidelberg(NCT), le laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL), le centrepour la biologie moléculaire de Heidelberg (ZMBH), le centre de biochimie(BZH) de l’université de Heidelberg ou l’institut Max Planck pour la recher-che médicale et la biologie cellulaire. Malgré cette configuration régionale,en principe propice au développement d’industries biotechnologiques, les

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 18: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 99

grands groupes chimiques et pharmaceutiques de la région ont longtempshésité avant d’investir ce nouveau champ technologique (cf. Krauss, Sta-hlecker, 2003, pp. 100-101).

En ce qui concerne le financement des nouvelles firmes de biotechnolo-gie, cette attitude réservée semble perdurer : l’implication de l’industriepharmaceutique allemande dans le financement des firmes de biotechnologieparaît faible, comparée à son pouvoir économique (Champenois, 2007, p.18). En résumé, le soutien des jeunes entreprises de biotechnologie par lesentreprises établies de la région étant limité, les activités de création ont long-temps été confinées à un cercle restreint d’entrepreneurs qui réunissaient lescompétences technologiques, commerciales et les conditions matériellesnécessaires à la création d’entreprise. Malgré une industrie chimique et phar-maceutique très développée dans la région (qui aurait pu être intéressée par lesnouvelles opportunités qu’ouvraient les biotechnologies) – plusieurs grandsgroupes ayant leurs sièges sociaux sur le territoire – l’enracinement économi-que et social des biotechnologies dans la région n’a pendant longtemps guèreprogressé. Outre l’attitude réservée des grandes entreprises, on évoquait aussile manque de sens pour la valorisation de la recherche du côté des chercheursqui, ancrés dans leurs institutions de la recherche fondamentale, concentréesà Heidelberg et reconnues à l’échelle mondiale, semblaient être traditionnel-lement peu enclins à l’entrepreneuriat et à la création d’entreprise. L’absenced’un environnement institutionnel adapté aux besoins de nouvelles entrepri-ses biotechnologiques dans les années 1980 et jusqu’au milieu des années1990 a finalement contribué à créer des difficultés supplémentaires pour lesporteurs de projet de création d’entreprise.

Dès la première moitié des années 1980, sont apparues dans la région lespremières entreprises de biotechnologie. Cependant, ces dernières ne pou-vaient guère compter ni sur les acteurs économiques établis, ni sur des dispo-sitifs de soutien, encore peu développés (contrairement aux créations quiont eu lieu ultérieurement à partir de la deuxième moitié des années 1990).Toutefois, un premier pas important vers le développement d’une infrastruc-ture adaptée aux besoins de nouvelles entreprises biotechnologiques a étéfait avec la création d’un parc scientifique pour accueillir les jeunes entrepri-ses biotechnologiques : la fondation officielle du « parc technologique deHeidelberg » (Technologiepark Heidelberg) a eu lieu en 1984 (il a été fondé parla ville de Heidelberg sous forme d’une SARL). Un an plus tard, le premierbâtiment construit à proximité de l’université, sur le campus universitaire,accueillera 11 firmes de biotechnologie nouvellement créées, formant ainsile premier parc biotechnologique en Allemagne. Par contraste avec les incu-bateurs généralistes pour les créations d’entreprises technologiques, la spé-cialisation dans les biotechnologies impliquait un attachement bien plus

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 19: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

100 innovations 2011/3 – n° 36

durable des entreprises à leur « bioparc », puisqu’elles avaient besoin d’équi-pements dispendieux, ainsi que d’autorisations spéciales, difficiles à obteniret valables uniquement pour les bâtiments de laboratoire pour lesquelleselles avaient été accordées.

L’environnement institutionnel a par la suite évolué considérablement.L’une des conséquences en est que la situation de l’industrie biotechnologi-que aujourd’hui est très différente de celle des années 1980, notamment ence qui concerne le rôle des différents types de ressources relationnelles quepeuvent mobiliser les entrepreneurs. Plus précisément, l’importance duréseau personnel des fondateurs se réduit au fur et à mesure que celui-ci peutêtre complété, voire remplacé par d’autres réseaux institutionnalisés, tels queceux mis en place par des intermédiaires ou par de nouveaux dispositifsd’aide aux jeunes entreprises de biotechnologie. Nous reviendrons encoresur cette question du réseau de façon plus détaillée plus loin.

Le développement du secteur des biotechnologies devient une préoccupa-tion centrale du gouvernement fédéral à partir du milieu des années 1990. Lapolitique du ministère fédéral de la recherche (BMBF) a alors comme objectifde favoriser des initiatives locales, émanant des acteurs directement concer-nés (scientifiques, économiques, publiques…), de les encourager à collaborerautour d’un projet collectif commun, et de faire émerger des pôles d’excel-lence régionaux dans les biotechnologies. Dans le cadre de cette nouvellepolitique, le ministère lance le concours « BioRegio » en 1995. La « biorégionRhin-Neckar » sera l’une des trois régions modèles récompensées en Allema-gne à la suite de ce concours, ce qui contribuera à faire évoluer les choses auniveau de l’infrastructure de soutien destiné aux jeunes entreprises de biotech-nologie dans la région du triangle Rhin-Neckar, en particulier à Heidelberg.

Le parc technologique de Heidelberg représentait une plateforme institu-tionnelle importante pour la formation d’un milieu local de professionnelsdes biotechnologies, sur lequel pouvait également s’appuyer l’initiative régio-nale qui s’était constituée lors de la participation au concours « BioRegio ».Le succès à ce concours signifiait pour la région un financement à hauteur de50 millions de DM (environ 26 millions d’euros) sur une période de cinq ans(1997-2001) – une somme qui avait été dépensée déjà presque entièrementau bout des trois premières années (Krauss, Stahlecker, 2003, p. 116). Cescrédits servaient à financer des projets de recherche précompétitive 21, per-mettant de développer, au bout d’une période déterminée, des produits facili-tant l’accès aux marchés des capitaux. Afin d’assurer une distribution efficacedes fonds obtenus, une association « BioRégion Triangle Rhin-Neckar »

21. Recherche finalisée, avec application non dans l’immédiat – contrairement à la rechercheappliquée – mais au bout d’une période clairement définie, généralement 5 ans.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 20: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 101

(BioRegion Rhein-Neckar) a été créée en octobre 1996. Son objectif étaitd’identifier des projets admissibles en mettant en avant des critères d’excel-lence scientifique, de capacité à innover et de potentiel d’application. Afind’être éligibles à un financement, les projets devaient viser une valorisationéconomique de leurs résultats à moyen terme – de préférence sous forme decréation d’entreprise – et obtenir un cofinancement de la part des entreprisesprivées à hauteur d’au moins 50 pour cent du coût total du projet. La sélec-tion des projets se faisait sur la base d’une évaluation par le « Kuratorium »(conseil) de l’association, une instance paritaire d’experts, composée dereprésentants de la recherche et des entreprises.

La réussite au concours BioRegio a eu en outre comme conséquence lacréation d’autres institutions dans la région pour soutenir les créationsd’entreprises biotechnologiques. On peut évoquer la création en 1997 d’unesociété de capital-risque (« Heidelberg Innovation »), dotée d’un fonds decapital risque (« Heidelberg Innovation GMBH & Co. BioScience VentureKG » – BSV0) 22, augmentant non seulement les possibilités de financement,mais également de conseils pour les entreprises de biotechnologie.

Cette évolution de l’environnement institutionnel des acteurs de la bio-technologie s’est faite en parallèle avec celle des entreprises nouvellementcréées. Claire Champenois (2007, p. 4ff.) distingue trois phases dans le déve-loppement de l’industrie allemande des biotechnologies, correspondant cha-cune à la prédominance d’un type d’entreprise particulier : la période 1980-1995 caractérisée par l’essor des « PME commerciales », celle de 1995-2000dite des « entreprises scientifiques » et celle émergeant à partir de 2001, cor-respondant au développement des « entreprises scientifiques commerciales ».Cette évolution institutionnelle a eu des conséquences sur le travail rela-tionnel des entrepreneurs – c’est-à-dire sur le rôle qu’ont joué les lienssociaux des entrepreneurs dans le processus de création et de consolidationde leurs entreprises. L’importance du capital social dans la création d’entre-prise a également été observée par Michel Grossetti et Jean-François Barthe(2008) dans leur enquête sur un échantillon de créateurs d’entreprises deMidi-Pyrénées. La mobilisation des relations sociales s’avère forte en situa-tion de grande incertitude, et lorsque les liens sociaux sont le principalmoyen d’accès aux ressources, ce qui est généralement le cas lors des premiè-res phases de préparation et de réalisation d’un projet de création d’entre-

22. Un premier fonds, qui entre-temps a été vendu, avait réuni un capital d’environ 12 millionsd’euro. Deux autres ont été créés en 2001 pour un capital total de 113 millions d’euros. Ils inves-tissent dans des entreprises des sciences de la vie, de la technologie médicale et des biotechno-logies, non exclusivement dans la région, mais plus largement en Allemagne et dans les paysvoisins (http://www.hd-innovation.de/de/company/fonds/).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 21: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

102 innovations 2011/3 – n° 36

prise. En revanche, le rôle joué par le capital social diminue au fur et àmesure que la jeune entreprise se construit et se développe (même si son rôlecontinue à être déterminant). La visibilité et la reconnaissance de la jeuneentreprise auprès de la collectivité ouvrent de nouvelles alternatives d’accèsaux différents types de ressources dont elle a besoin.

Ainsi, les débuts de la biotechnologie commerciale dans le triangle Rhin-Neckar étaient caractérisés par un contexte général de sous-développementnon seulement des activités entrepreneuriales, mais surtout des institutionsfacilitant et soutenant l’action des entrepreneurs de biotechnologie. Lesentrepreneurs à cette époque étaient très minoritaires et les équipes de fon-dation assez restreintes. Dans l’échantillon de firmes créées avant 1995 étu-dié par Claire Champenois, le groupe des fondateurs était généralementconstitué d’un à deux individus seulement (Champenois, 2007, p. 5). Enoutre, les réseaux personnel et professionnel des fondateurs jouaient un rôle-clé dans la construction de la firme : les individus impliqués dans la créationd’entreprise étaient généralement reliés par des liens interpersonnels anté-rieurs au projet de création d’entreprise, très souvent par leur appartenance àun même collectif de travail, par exemple un même établissement de recher-che. Ils se servaient également de leurs réseaux pour réunir le capital néces-saire pour la création de la firme, par exemple en empruntant de l’argent àdes proches. En outre, les relations ont été également mobilisées pour trou-ver les premiers clients. Ainsi, dans cette première phase de développementdu secteur des biotechnologies, les réseaux des fondateurs s’avéraient décisifspour 1) former les équipes, 2) assurer le financement des projets de créationet 3) obtenir les premiers contrats commerciaux.

La configuration institutionnelle se modifie de façon radicale à partir dumilieu des années 1990. Si les firmes créées avant 1995 étaient de taille réduite,visaient une commercialisation rapide de services de recherche ou de pro-duits intermédiaires et réunissaient un nombre de proches et de partenaireslimité autour du financement (d’un montant limité) et de la commercialisa-tion du projet (Champenois, 2007, pp. 5-7), elles s’ouvraient par la suite àune population plus large et plus hétérogène de partenaires, à la fois auniveau de la recherche et du financement des projets. Leur capital était net-tement plus important que celui des firmes créées avant 1995 (entre un etquatre million d’euros contre quelques milliers ou dizaine de milliers d’eurosavant 1995 selon Champenois, 2007, p. 9). C’est dans cette deuxième phase,dont le début coïncide avec celui du concours BioRegio, que les fondateurscommencent à ne plus s’appuyer de façon aussi exclusive sur leurs connais-sances personnelles et professionnelles comme dans la phase précédente.L’accès aux partenaires se fait dorénavant moins par le biais des connaissan-ces personnelles, et davantage par des intermédiaires institutionnels. En

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 22: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 103

outre, les groupes des fondateurs deviennent plus grands, intégrant aussi despersonnes qui exercent une autre activité principale à côté (par exemple entant que chercheur ou professeur d’université) et dont l’implication dans leprojet de création d’entreprise reste moins visible. Claire Champenois appellece type d’entreprise biotechnologique « entreprise scientifique », en raison dela prédominance de l’activité d’exploration et des liens scientifiques (Cham-penois, 2007, p. 12).

Enfin, après 2001, malgré la contraction considérable de l’offre en capital-risque suite au krach boursier, et malgré des changements importants auniveau des stratégies des acteurs et du contexte institutionnel, quelques ten-dances générales déjà observées dans la deuxième moitié des années 1990 sem-blent se confirmer, voire se renforcer. Ceci concerne notamment le recourscroissant aux dispositifs d’intermédiation. Mais en même temps, vu les diffi-cultés d’accès aux financements caractérisant la première moitié des années2000, les entrepreneurs se servent plus que jamais de leurs réseaux personnelspour accéder à des ressources (Champenois, 2007, p. 15).

Depuis les premières créations d’entreprises pionnières de biotechnologiequi ont eu lieu dans les années 1980 à Heidelberg, on peut constater une cer-taine maturation et professionnalisation des pratiques entrepreneurialesdans le secteur des biotechnologies, se manifestant entre autre par le fait queles entreprises font davantage appel aux dispositifs de médiation pour com-pléter la mobilisation des relations personnelles, non dans la phase dedémarrage, mais dans les phases suivantes. Cependant, certaines faiblessesdans la formation d’un district de biotechnologie local persistent, notam-ment au niveau des relations entre entreprises de biotechnologie apparte-nant à différentes générations d’entreprises, plutôt rares, et concernant lasolidité des liens entre les chercheurs académiques impliqués dans les créa-tions de firmes biotechnologiques, et la communauté locale des biotechno-logies. Comparé aux districts de biotechnologie de pointe mondiaux, celapeut révéler les difficultés, voire les blocages, de la BioRegion Rhin-Neckarà intégrer pleinement tous les acteurs de la biotechnologie dans une entre-prise collective commune à l’échelle régionale et locale 23, c’est-à-dire defaire bénéficier l’ensemble de la communauté des expériences antérieures

23. Par exemple, dans le cas du district de biotechnologie de San Diego en Californie, les diffé-rentes générations d’entreprises de biotechnologies étaient liées par des « liens de parenté », cesliens pouvant être représenté sous forme d’un arbre généalogique dont le point de départ étaitune entreprise pionnière locale – Hybritech. Cette dernière avait, de fait, joué un rôle-clé pourle développement des réseaux par le biais d’un effet d’essaimage inattendu, puisque beaucoup deses anciens fondateurs et collaborateurs ayant quitté l’entreprise avaient créé à leur tour de nou-velles entreprises de biotechnologie.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 23: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

104 innovations 2011/3 – n° 36

faites par des acteurs individuels et de renforcer ainsi le champ organisation-nel régional des firmes de biotechnologie.

La faible implication des pionniers dans les créations de la deuxièmegénération de firmes biotechnologiques peut être même interprétée commele signe que la forte dynamique entrepreneuriale qu’a connue l’Allemagne,et plus précisément la BioRegion Rhin-Neckar, suite au concours BioRegiodes années 1990 « ne repose […] pas […] sur une communauté technique localeau sein de laquelle circuleraient des informations et connaissances facilitant l’acteentrepreneurial » (Champenois, 2008, p. 77). Claire Champenois exprimeaussi un doute sur le rôle joué par la proximité spatiale, généralement admisecomme facteur-clé expliquant l’existence de systèmes de production locali-sés ou de districts industriels : alors que la proximité spatiale semble jouer uncertain rôle, en facilitant l’échange de connaissances tacites, les interactionsrégulières entre chercheurs académiques et entreprises, l’émergence d’insti-tutions sociales de soutien à proximité, ainsi que l’accès à des ressources(financières et non financières), plusieurs facteurs semblent atténuer sonimportance. Il est vrai que dans l’échantillon étudié par elle, la très grandemajorité des créations d’entreprises qui ont eu lieu dans la BioRegion Rhin-Neckar représentait des « créations endogènes », c’est-à-dire qu’elles exploi-taient un projet technologique issu du travail de chercheurs locaux (Cham-penois, 2008, p. 67). Mais le profil type des entrepreneurs se distinguaitnettement de celui de leurs confrères américains, dans le sens d’un ancrageprofessionnel moins fort dans la région, en raison d’une faible représentationdes chercheurs confirmés, déjà établis professionnellement.

Dans le cas de la BioRegion Rhin-Neckar, 40 pour cent (20 sur 50) descréations d’entreprises étudiées par Claire Champenois, ayant eu lieu entre1996 et 2000, avaient comme fondateurs des chercheurs académiques nontitularisés (par exemple, des chercheurs venant de finir une thèse ou un post-doc), alors que la part de cette catégorie de personnes américaines était mar-ginale parmi les fondateurs des sociétés de biotechnologie. Cette particula-rité des régions allemandes de biotechnologie dans la comparaison avec lesÉtats-Unis ne changeait pas beaucoup après 2001, les chercheurs non titula-risés restant très fortement impliqués dans les créations de firmes biotechno-logiques (Champenois, 2008, pp. 68-69). Enfin, une autre observationrelativise également l’idée que la BioRegion Rhin-Neckar se développeraitsous forme d’une communauté technique à forte cohésion sociale, c’est-à-dire le phénomène observé qu’un certain nombre de fondateurs venaientd’institutions de recherche extérieures pour réaliser leurs créations dans larégion, à Heidelberg (Champenois, 2008, p. 70) – une observation surpre-nante que nous avions faite dès le début de nos recherches en 1996 sur le

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 24: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 105

développement des biotechnologies dans la région (Krauss, Stahlecker,2003, p. 107).

CONCLUSION

Nous avons commencé notre analyse par une présentation des principauxtraits institutionnels du système d’innovation régional du Bade-Wurtemberg.Un environnement institutionnel dense, très développé, fournit depuis lesannées 1960, les bases de grands succès économiques régionaux, notammentgrâce à l’importance de l’exportation de biens industriels diversifiés de grandequalité. La prospérité assurée par ce modèle économique reste cependant trèsdépendante de la conjoncture économique internationale. En cas de criseéconomique internationale, l’économie du Bade-Wurtemberg est régulière-ment plus touchée que le reste de l’Allemagne. En outre, le cœur de l’écono-mie régionale est constitué d’industries mûres qui doivent entreprendre degrands efforts de recherche et développement pour réaliser les innovationstechniques nécessaires à l’amélioration continue des produits, repoussantainsi en permanence plus loin la fin des cycles de vie des technologies mûres(c’est l’une des raisons de la forte intensité de recherche et développement del’économie régionale). Ce qui peut surprendre l’observateur scientifiqueétranger, c’est surtout la grande capacité des entreprises du Bade-Wurtembergà assurer continuellement cette modernisation des produits, c’est-à-dire deréussir en continu à transformer des produits industriels déjà mûrs en produitsmodernes intégrant des innovations techniques récentes. Mais cette stratégienécessite de grands efforts de recherche et développement, et implique degrands risques à long terme, le nombre de salariés occupés dans ces domainesrisquant de diminuer dans l’avenir. Ces risques, plus particulièrement visiblesen périodes de rétrécissement de l’économie internationale, ont incité lesgouvernements régionaux à promouvoir le développement de nouveaux sec-teurs économiques alternatifs, à côté des clusters dominants.

Le domaine des biotechnologies n’était qu’un des différents secteursd’avenir identifiés qui a bénéficié par la suite de mesures de promotion par-ticulières. Dans ce domaine, il y a eu une rencontre de programmes fédéraux(tel le concours « bioregio ») et régionaux (programmes propres aux Land deBade-Wurtemberg), ce qui contribuait à renforcer les actions menées sur leterrain.

L’analyse du cas de la biotechnologie a permis de dévoiler les difficultésque rencontrent les acteurs locaux et régionaux pour mettre en place des for-mes de valorisation de la recherche fondamentale par la création d’entrepri-ses dans un système d’innovation régional centré sur les industriesmanufacturières et les technologies avancées (moyennes à hautes). Les ins-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 25: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

106 innovations 2011/3 – n° 36

titutions sociales (dans la signification sociologique du terme en tantqu’ensemble des usages établis) y orientent les comportements et la mobili-sation des ressources disponibles vers des domaines déjà bien développés etinstitutionnalisés, au détriment des nouveaux secteurs, tels que celui des bio-technologies. Le problème des protagonistes du développement d’un secteurdes biotechnologies à but lucratif était que non seulement le cadre institu-tionnel existant fortement développé empêchait (ou au moins freinait)l’ouverture de nouveaux secteurs technologiques d’avenir, mais que les insti-tutions pouvant soutenir une activité commerciale dans le secteur des bio-technologies n’existaient pas encore ou que très partiellement. Les nouvellesinstitutions restaient donc en grande partie à construire.

Nous avons argumenté que le cadre institutionnel exerçait un impactnon négligeable sur les stratégies relationnelles des individus. Ceci se mani-feste autant sur le plan de l’investissement relationnel, c’est-à-dire dans laformation et de l’entretien du capital social qu’au moment de son l’utilisa-tion pour accéder à des ressources (matérielles ou immatérielles). Le capitalsocial est surtout mobilisé dans des situations de grande incertitude et lors-que le contexte institutionnel ne permet pas de recourir à des moyens alter-natifs plus performants.

Le développement des biotechnologies figure parmi les priorités des poli-tiques menées par le gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg. Ceci adébouché sur plusieurs programmes, complétant les programmes fédéraux eteuropéens visant à soutenir le développement du secteur des biotechnolo-gies. Le Bade-Wurtemberg par exemple finance la construction des centresde recherche dans les universités du Land, mais également la valorisation dela recherche. Le gouvernement du Land a en outre créé la société BIOPRO,qui a commencé son travail en 2003, et dont les missions sont la coordina-tion, ainsi que le marketing régional pour les régions biotechnologiques duLand. Finalement la fondation de Bade-Wurtemberg (Baden-WürttembergStiftung), créée par le gouvernement régional dans le but d’assurer et renfor-cer les capacités à venir du Land, opérationnelle depuis 2001 et deuxièmefondation de l’Allemagne par sa taille, intervient également dans le finance-ment de la recherche, en priorité celle de pointe. Elle finance depuis 2003 unprogramme « offensive biotechnologie Bade-Wurtemberg » (29 millionsd’euros). Selon les données fournies par BIOPRO, le Bade-Wurtemberghéberge 150 firmes de biotechnologie, 570 entreprises de technologie médi-cale, 114 PME pharmaceutiques, 8 grands groupes pharmaceutiques24. Lesecteur des biotechnologies s’organise autour de 5 régions de biotechnologie :

24. http://www.bio-pro.de/standort/baden_wuerttemberg_land_der_life sciences_und_der_biotechnologie/index.html?lang=de

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 26: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 107

BioLAGO (la région autour du lac de Constance), BioRegion Rhein-Nec-kar-Dreieck, BioRegio Freiburg, BioRegio STERN (Stuttgart, Tübingen,Esslingen, Reutlingen, Neckar-Alb), BioRegionUlm.

Pour finir, vu l’importance des efforts entrepris et vu le nombre élevéd’entreprises de biotechnologie dans la région – non seulement dans la bioré-gion du triangle Rhin-Neckar, mais sur l’ensemble du territoire de Bade-Wur-temberg – on peut s’étonner de la persistance des faiblesses du Land dans lavalorisation de la recherche justement pour les domaines où la recherche aca-démique est la plus performante (en terme de qualité et quantité).

Frietsch, Koschatzky, Weertmann (2010, pp. 132-133) remarquent que« dans les domaines où le Bade-Wurtemberg montre des forces scientifiquesparticulières, comme par exemple dans la biochimie et la génétique, ainsique la chimie, le positionnement technologique sur les plans nationaux etinternationaux reste au-dessous de la moyenne. Ainsi il existe notammentun déficit de transfert pour les sciences de la vie et pour la chimie, dans lesens où les entreprises de Bade-Wurtemberg ne semblent guère contribuer àconvertir la recherche réalisée dans le Land en application industrielle »(trad. GK). Ce diagnostic suggère que le Bade-Wurtemberg continue à pei-ner à développer de nouveaux clusters dans des domaines éloignés des sec-teurs établis et des sentiers technologiques éprouvés.

Ainsi, notre conclusion formulée il y a quelques années (cf. Heidenreich,Krauss, 2004, p. 213) semble être toujours d’actualité : le grand défi du Bade-Wurtemberg reste le développement de formes d’apprentissage institution-nel. La région se trouve face au problème de devoir modifier et adapter unenvironnement institutionnel extrêmement riche. Ceci vaut notammentpour le domaine de la recherche et développement, pour la valorisation dela recherche ou encore pour le financement de projets d’innovation risqués.En réalité, l’ouverture et le développement de nouveaux champs technolo-giques (tel que celui des biotechnologies) supposent la modernisation desinstitutions régionales. Cependant, les réformes institutionnelles nécessairessont difficiles à réaliser et leur mise en œuvre nécessite du temps, voire unestratégie à très long terme.

BIBLIOGRAPHIEACS, Z. J., AUDRETSCH, D. B., FUCHS, G., KRAUSS, G. (eds.), 2001, Small BusinessEconomics, special issue on “Biotechnology in Comparative Perspective”, August-Septem-ber 2001, 17 (1-2), Zoltan J. Acs and David B. Audretsch, G. Editors: Gerhard Fuchs andGerhard Krauss.

ALDRICH, H. E., 1999, Organizations Evolving, Thousand Oaks, New Delhi, Sage Publi-cations, Londres.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 27: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

Gerhard Krauss

108 innovations 2011/3 – n° 36

BAGNASCO, A., SABEL, C. F., (dir.), 1994, PME et développement économique en Europe,collection « Recherches », Paris, La Découverte.

BERNOUX, P., 1999, La sociologie des entreprises, Paris, Le Seuil.

BUNDESBERICHT FORSCHUNG UND INNOVATION, 2010.

CHAMPENOIS, C., 2007, Dynamique de constitution de l’industrie allemande de bio-technologies et diversité des modèles d’entreprise, Revue d’Économie Industrielle, 120, 1-20.

CHAMPENOIS, C., 2008, La co-localisation d’entreprises innovantes comme non-choix.L’exemple de l’industrie allemande des biotechnologies, Géographie, Économie, Société, 10,61-85.

DER SPIEGEL, version en ligne du 6 avril 2011: Vergiftetes Angebot : Sachsen wirbt umLändle-Flüchtlinge : http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,755099,00.html.

DER SPIEGEL, version en ligne du 1 avril 2011: Fukushima : Schwäbische Pumpen gegenden Super-Gau : http://www.spiegel.de/panorama/0,1518,754373,00.html

EINWILLER, R., 2010, Forschung und Entwicklung in Baden-Württemberg, StatistischesMonatsheft Baden-Württemberg, 11.2010, pp.5-12.

ERBES-SEGUIN, S., 2004, La sociologie du travail, Paris, La Découverte.

EUROSTAT, 2005, Statistiques en bref, Science et technologie, Statistiques de la R&D,4.2005, Luxembourg.

FARRELL, H., 2005, Trust and Political Economy: Institutions and the Sources of Inter-firm Cooperation, in Comparative Political Studies, 38 (5), 459-483.

FRIETSCH, R., KOSCHATZKY, K.,WEERTMANN, N., 2010, Strategische Forschung2010, Studie zur Struktur und Dynamik der Wissenschaftsregion Baden-Württemberg, Stuttgart,Fraunhofer Verlag.

GROSSETTI, M., 2008, Logiques sociales et spatiales de la création d’entreprises innovan-tes, Géographie, Economie, Société, 10 (1), 5-7.

GIRAUDAU, M., 2007, Le travail entrepreneurial, ou l’entrepreneur schumpetérien per-formé, Sociologie du Travail, 49, 330-350.

GRANOVETTER, M., 2003, La sociologie économique des entreprises et des entrepre-neurs, Terrains & Travaux, 4, 167-206.

GROSSETTI, M., BARTHE, J.-F., 2008, Dynamique des réseaux interpersonnels et des orga-nisations dans les créations d’entreprises, Revue Française de Sociologie, 49, 3, pp. 585-612.

HEIDENREICH, M., KRAUSS, G., 2004, The Baden-Württemberg Production and Inno-vation Regime: Past Successes and New Challenges, in Cooke, P., Heidenreich, M., Braczyk,H.-J. (eds), Regional Innovation Systems, London, Routledge, 186-213.

HERRIGEL, G. B., 2000, Industrial Constructions: The Sources of German Industrial Power,Cambridge, Cambridge University Press.

FUCHS, G., KRAUSS, G., 2003, Biotechnology in Comparative Perspective, in Fuchs, G.(ed.), Biotechnology in Comparative Perspective: Technological Change and Economic Perfor-mance, London, Routledge, 1-13.

KRAUSS, G., 1999, Les problèmes d’adaptation d’une économie régionale forte : change-ment et inerties en Bade-Wurtemberg, Steering Problems in Vibrant Regional Economy,Keeping Baden-Württemberg Technology Firms on Track, Revue d’Économie Régionale etUrbaine (RERU), 2, 353-376.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur

Page 28: L'impact des institutions sociales sur la formation du capital social dans la valorisation de la recherche : une analyse sociologique des créations d'entreprises de haute technologie

L’impact des institutions sociales sur la formation du capital…

n° 36 – innovations 2011/3 109

KRAUSS, G., 2009a, Baden-Württemberg als Prototyp eines regionalen Innovationssys-tems: eine organisationssoziologische Betrachtungsweise, dans Blättel-Mink, B., Ebner, A.(eds), Innovationssysteme: Technologie, Institutionen und die Dynamik der Wettbewerbsfähig-keit, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 229-248.

KRAUSS, G., 2009b, Les jeunes entreprises pionnières face à l’incertitude: la constructionsociale de l’échec, Revue Française de Socio-Économie, 3, 169-186.

KRAUSS, G., STAHLECKER, T., 2003, The ‘Rhine-Neckar-Triangle BioRegion’: Scien-tific excellence and catching up in development, in Fuchs, G. (ed.), Biotechnology in Com-parative Perspective: Technological Change and Economic Performance, London, Routledge,98-123.

MENDRAS, H., 2002, Les systèmes locaux de production en Europe, Revue de l’OFCE 80,181-186.

MOREAU, R., 2008, La constitution du capital social. Comment les entreprises innovan-tes françaises financent-elles leur création?, Recherches Sociologiques et Anthropologiques, 39(1), 149-164.

STABER, U., 1996, Accounting for Variations in the Performance of Industrial Districts:The Case of Baden-Württemberg, International Journal of Urban and Regional Research, June,299-316.

WALDINGER, R., ALDRICH, H., WARD, R., 1990, Ethnic Entrepreneurs: Immigrant Busi-ness in Industrial Societies, Newbury Park, CA, London, New Delhi, Sage Publications.

STAATSMINISTERIUM, B.-W., 2006, Trends und Fakten. Perspektiven der Globalisierungfür Baden-Württemberg – Chancen einer Wissensgesellschaft, Stuttgart, Staatsministerium.

STAHLECKER, T., KULICKE, M., JUNG, B., 2006, Die Internationalisierung vonDienstleistungen. Eine Analyse der aktuellen Entwicklungen, Deutschland und wichtigerWettbewerber, Karlsruhe, Fraunhofer-Institut für System- und Innovationsforschung.

VÖLKER, B., FLAP, H., 1995, Amitié et inimitié sous le communisme d’Etat. Le cas del’Allemagne de l’Est, Revue Française de Sociologie, 36 (4), 629-654.

WINKELMANN, U., 2006, FuE-Personal im Wirtschaftssektor Baden-Württembergs imnationalen und internationalen Vergleich, in Statistisches Monatsheft Baden-Württemberg6, 23-25.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 13

/04/

2014

02h

31. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h31. © D

e Boeck S

upérieur