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L’inaccompli en wolof Sylvie VOISIN 1 1. Introduction Les analyses présentées ici sont liées à l’examen de marques de TAM en wolof. Le système de conjugaison de cette langue a déjà fait l’objet de nombreuses études : Sauvageot 1965, Church 1981, Diallo 1981, et plus récemment Robert 1991. Au fil du temps, ces différents auteurs ont montré que les indices de sujet sont amalgamés avec différentes marques de TAM, y compris des marques discursives telles que l’emphase. Synchroniquement, il est impossible de dégager des formes de base pour les indices de sujet et de les dissocier des marques de TAM. Ainsi, on présente traditionnellement le système des conjugaisons de cette langue comme composé de 10 paradigmes (cf. annexe 1). À ces paradigmes s’ajoutent des marques non amalgamées comme les morphèmes du passé woon ~ - oon, du passé habituel waan ~ -aan et de l’inaccompli di ~ -y. Nous voudrions revenir ici sur le statut de ce dernier morphème. Son comportement dans le système de conjugaison conduit les descriptions à le séparer en deux marques : un morphème aspectuel (di et –y) et un composant de certains paradigmes de conjugaison (d- et di) 2 . Dans cet article, nous voudrions montrer que les différentes variantes et les différents positionnements qui sont à l’origine de cette distinction sont les indices du statut d’auxiliaire du morphème di de l’inaccompli. Cette analyse a certes pour conséquence de complexifier la présentation de la conjugaison, mais cela a l’avantage d’éclaircir les différents positionnements des indices de sujet et d’objet dans certains paradigmes. Nous espérons qu’à terme, les analyses menées ici aboutiront à un éclaircissement du système de conjugaison du wolof et apporteront des indices supplémentaires sur les procédés de grammaticalisation qui en sont à l’origine. Cette analyse est organisée de la façon suivante. Nous commençons par présenter les caractéristiques de l’inaccompli (2.). Ensuite, après avoir défini la notion d’auxiliaire, nous montrons que l’inaccompli d’après ses comportements peut être rattaché à cette dernière catégorie (3.). Enfin, nous étendons notre analyse en émettant des hypothèses sur son origine (5.). 1 Nous voudrions remercier ici Alice Vittrant et Momar Cissé qui ont bien voulu participer à la relecture de ce travail et qui ont contribué par leurs remarques à sa réalisation. 2 Cette dichotomie des formes transparaît dans Sauvageot (1965) et est clairement annoncée dans Robert (1991) et Perrin (2005)

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L’inaccompli en wolof

Sylvie VOISIN 1

1. Introduction

Les analyses présentées ici sont liées à l’examen de marques de TAM en wolof. Le système de conjugaison de cette langue a déjà fait l’objet de nombreuses études : Sauvageot 1965, Church 1981, Diallo 1981, et plus récemment Robert 1991. Au fil du temps, ces différents auteurs ont montré que les indices de sujet sont amalgamés avec différentes marques de TAM, y compris des marques discursives telles que l’emphase. Synchroniquement, il est impossible de dégager des formes de base pour les indices de sujet et de les dissocier des marques de TAM. Ainsi, on présente traditionnellement le système des conjugaisons de cette langue comme composé de 10 paradigmes (cf. annexe 1). À ces paradigmes s’ajoutent des marques non amalgamées comme les morphèmes du passé woon ~ -oon, du passé habituel waan ~ -aan et de l’inaccompli di ~ -y.

Nous voudrions revenir ici sur le statut de ce dernier morphème. Son comportement dans le système de conjugaison conduit les descriptions à le séparer en deux marques : un morphème aspectuel (di et –y) et un composant de certains paradigmes de conjugaison (d- et di)2. Dans cet article, nous voudrions montrer que les différentes variantes et les différents positionnements qui sont à l’origine de cette distinction sont les indices du statut d’auxiliaire du morphème di de l’inaccompli.

Cette analyse a certes pour conséquence de complexifier la présentation de la conjugaison, mais cela a l’avantage d’éclaircir les différents positionnements des indices de sujet et d’objet dans certains paradigmes. Nous espérons qu’à terme, les analyses menées ici aboutiront à un éclaircissement du système de conjugaison du wolof et apporteront des indices supplémentaires sur les procédés de grammaticalisation qui en sont à l’origine.

Cette analyse est organisée de la façon suivante. Nous commençons par présenter les caractéristiques de l’inaccompli (2.). Ensuite, après avoir défini la notion d’auxiliaire, nous montrons que l’inaccompli d’après ses comportements peut être rattaché à cette dernière catégorie (3.). Enfin, nous étendons notre analyse en émettant des hypothèses sur son origine (5.).

1 Nous voudrions remercier ici Alice Vittrant et Momar Cissé qui ont bien voulu participer à la relecture de ce travail et qui ont contribué par leurs remarques à sa réalisation. 2 Cette dichotomie des formes transparaît dans Sauvageot (1965) et est clairement annoncée dans Robert (1991) et Perrin (2005)

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2 . La marque de l ’ inaccompli di

Les notions de TAM sont souvent assez délicates à manipuler, d’une part parce qu’il n’y a pas forcément de consensus entre la terminologie utilisée et, d’autre part parce que les langues encodent ces notions de différentes façons.

Si malgré les différentes fonctions que peut recouvrir le morphème di en wolof, cette marque est identifiée comme inaccompli, c’est parce que les autres valeurs qui lui sont attribuées sont à inférer de l’interaction entre di et d’autres éléments de la proposition et non d’une marque aspectuelle différente.

Ainsi, en wolof, le morphème di a une valeur générique d’inaccompli, il présente le procès comme non achevé au point de référence temporelle. Par conséquent, selon le point de référence, cette marque aspectuelle sera liée aux temps présent ou passé, et son interaction avec l’aspect lexical du verbe et les autres marques de TAM pourra renvoyer à des valeurs telles que : progressif, habituel et futur. On voit bien, ainsi, que la marque di recouvre les différents champs que donne Comrie (1976) à l’aspect « imperfective »3.

imperfective

habitual continuous

non progressive progressive

Figure 5.1. Classification of aspectual oppositions (Comrie 1976: 25) Afin de ne pas compliquer cette présentation, les interactions qui sont à

l’origine des différentes valeurs de di ne seront abordées que si cela sert à l’analyse. Pour une présentation plus complète et détaillée de ces phénomènes, nous renvoyons à Robert (1991), et pour les interactions entre les TAM de deux propositions à Perrin (2005).

2 .1. Compatibil ité de l ’ inaccompli avec les autres marques de

TAM

La répartition des marques de TAM en wolof est traditionnellement présentée de la façon suivante. Les paradigmes sont composés d’indices de sujet et de marques modales. Les marques aspectuelles sont di et sa variante –y pour l’inaccompli, l’absence de marque (Ø) renvoie à l’aspect accompli. La marque de l’inaccompli est décrite comme incompatible avec certains paradigmes de conjugaison, et selon les paradigmes son positionnement est différent. 3 À la différence de la terminologie anglophone, nous utilisons le terme « d’inaccompli » pour l’aspect grammatical et le terme « d’imperfectif » pour l’aspect lexical.

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En effet, l’observation de la compatibilité entre les variantes de l’inaccompli et les différents paradigmes de conjugaison permet de dégager les trois configurations suivantes.

2.1.1. Configurations multiples : le Narratif

Deux configurations sont associées au paradigme du Narratif selon le type de propositions :

sVo4 - dans les propositions indépendantes, les complétives et les subordonnées d’aboutissement introduites par ba (jusqu’à) ;

1S ma lekk ko 1P nu lekk ko 2S nga lekk ko 2P ngeen lekk ko 3S mu lekk ko 3P ñu lekk ko

Tableau 1 - Le narratif dans les propositions indépendantes et certaines subordonnées

soV - dans les autres subordonnées.

1S …ma ko lekk 1P …nu ko lekk 2S …nga ko lekk 2P …ngeen ko lekk 3S …mu ko lekk 3P …ñu ko lekk

Tableau 2 - Le narratif dans les autres propositions subordonnées

Tandis que la deuxième configuration (soV) est toujours compatible avec

l’inaccompli, la première configuration (sVo) n’existe pas à l’inaccompli, ou plus exactement dans ces propositions, l’inaccompli modifie obligatoirement le positionnement des indices sujet et objet, l’ordre sVo passe à : s di o V.

Dans l’exemple (1), bëgg « vouloir » régit la complétive (parataxe) au narratif mu àtte leen. La position des clitiques sujet et objet est celle attendue : le clitique sujet précède le verbe lexical et le clitique objet lui est postposé (sVo). Dans l’exemple (2), le même verbe bëgg régit la complétive à l’inaccompli ma di ko uuf. On peut voir que le positionnement des clitiques sujet et objet est différent. Ces indices sont tous préposés au verbe uuf « prendre sur les genoux ». Ils encadrent non plus le verbe lexical, mais la marque de l’inaccompli di.

(1) Dañu bëgg mu àtte leen « Ils veulent qu’il les sépare » EV3P vouloir N3S séparer O3P5

(2) Dafa bëgg ma di ko uuf « Il veut que je le prenne souvent sur mes genoux » EV3S vouloir N1S INACC O3S prendre.sur.les.genoux

4 Les minuscules renvoient aux marques d’accord et non aux syntagmes. Pour des raisons de clarté dans la présentation des différents paradigmes, nous utiliserons toujours pour la marque objet la forme ko « objet de 3e personne du singulier » et le verbe lekk « manger ». 5 La liste des abréviations pour les exemples wolof se trouve à la page 20.

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La différence d’ordre du Narratif selon le type de proposition est neutralisée à l’inaccompli. L’uniformisation de l’ordre des clitiques au Narratif inaccompli est également attestée avec la variante –y. Cependant, la position des variantes de l’inaccompli n’est pas identique. La forme autonome di se place entre l’indice sujet et l’indice objet (cf.(2)), tandis que la variante clitique –y se place après l’indice objet, et ce quel que soit le type de proposition (complétive (3), indépendante (4), et subordonnée temporelle (5)).

(3) Dama bëgg nga ko=y dëglu « Je veux que tu l’écoutes souvent » EV1S vouloir N2S O3S=INACC écouter

(4) Nga ko=y xool « Tu le regardes » N2S O3S=INACC regarder

(5) Bu ma ko=y gis, dinaa wax ak moom TEMP N1S O3S=INACC voir FUT1S parler avec PRO3S

« Si jamais je le vois, je parle avec lui » La différence de positionnement est à rapprocher du statut clitique de -y.

Certains clitiques ont parfois des propriétés que l’on ne retrouve pas forcément pour leur correspondant autonome. Cette particularité est bien illustrée, par exemple, avec les déterminants du Kwakw’ala (Anderson, 1992 et 2000). Ce type de clitique, parfois désigné sous le terme special clitic6, est défini de la façon suivante : éléments prosodiquement dépendants d'un mot-hôte qui apparaissent comme variantes de formes libres autonomes. Ils partagent, avec ces variantes autonomes, le sens et peuvent avoir une phonologie similaire, mais leur distribution syntaxique est différente (Miller et Monachesi, 2003).

Ce point est à notre avis déterminant pour les autres types de configurations. Il est également important de noter que le narratif est souvent considéré comme montrant les formes d’indices de sujet les plus simples, c'est-à-dire les formes de base à partir desquelles les autres paradigmes auraient été construits.

Il s’agit pour nous d’une première piste mettant en évidence le comportement d’auxiliaire pour l’inaccompli avec la montée des clitiques sujet et objet dans sa forme autonome di (s di o V), comme dans sa forme clitique, puisque là aussi les indices de sujet et d’objet n’entourent plus le verbe lexical, mais servent de mot-hôte pour l’enclitique =y (so=y V).

2.1.2. Configuration soV : la variante –y

Seule la variante clitique –y est compatible avec les paradigmes où les clitiques sujet et objet sont préposés au verbe lexical : Emphatique du Verbe (6), Emphatique du Sujet (7), Emphatique du Complément (8), Présentatif et Obligatif (10)7.

6 Terme introduit par Zwicky (1977). 7 Il manque ici les paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique. Leur configuration plus complexe sera détaillée en 2.1.3.

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(6) a. Dafa ko=y lax-al « Le soleil va le flétrir » EV3S O3S=INACC ê.flétri-CAUS

b. *Dafa ko di laxal ou *Dafa di ko laxal

(7) a. Lii moo ko=y firndeel « Ç’est ça qui le prouve » PRO3S ES3S O3S=INACC prouver

b. *Lii moo ko di firndeel

(8) a. Moom laa la=y rey-al « C’est lui que je tuerai pour toi » PRO3S ES1S O2S=INACC tuer-APPL

b. *Moom laa la di reyal

(9) a. Yaa ngi ma=y gaañ ! « Tu me blesses ! » Prés2S O1S=INACC blesser

b. *Yaa ngi ma di gaañ !

(10) Nanga=y am fit-u jëf « Il vous faudra souvent avoir le courage d’agir » OBL2S=INACC avoir courage-CONN acte

b. *Nanga di am fitu jëf La position de =y est conforme à ce que nous avons vu précédemment pour le

Narratif. Les indices de sujet et objet précèdent le clitique de l’inaccompli, de la même façon qu’ils précèdent le lexème verbal dans les constructions à l’accompli (Dafa ko laxal vs. Dafa ko=y laxal). Cependant, avec ces paradigmes, l’enclitique peut être considéré comme un simple morphème de TAM qui se place après le clitique objet. En effet, le déplacement des marques de sujet et d’objet est ici moins évident. Il nous faudra donc prouver que la variante =y présente également des caractéristiques d’auxiliaire, et tenter de comprendre pourquoi les paradigmes présentés dans cette section ne sont pas compatibles avec la variante autonome di.

2.1.3. Troisième type de configuration : les amalgames

Avec les deux paradigmes restants : Parfait et Négatif, le cas est plus complexe. De part leur valeur, l’inaccompli est incompatible avec ces paradigmes. Le Parfait (ou perfect) est lié à l’expression d’un état résultant au procès et le Négatif indique la négation de l’accomplissement du procès. Dans ces conjugaisons, les marques sont suffixées ou postposées à la base verbale.

(11) Lekk na ko « Il l’a mangé » manger P3S O3S

b. *di lekk na ko / *lekk na ko=y

(12) Lekk-uma ko « Je ne l’ai pas mangé » manger-NEG1S O3S

b. *di leek-uma ko / lekk-uma ko=y

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Cependant, le déplacement des clitiques sujet et objet sur la forme autonome di est possible. On peut remarquer dans ces déplacements que l’ordre entre la base verbale et les clitiques se retrouve à l’identique lorsque ces clitiques sont liés à l’inaccompli. Avec le Narratif, les clitiques entourent la base verbale comme ils entourent di. Avec les conjugaisons préposées à la base verbale, ces marques sont également préposées à la variante =y. Et dans ce troisième type de configuration, les marques d’accord sont postposées à l’inaccompli di, comme au lexème verbal au Parfait et au Négatif.

Parfait : V-so —> di-so V Négatif : V-so —> di-so V

Ces structures, composées de di et des paradigmes du Parfait et du Négatif, renvoient respectivement aux paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique. Ils sont posés comme figés dans la plupart des présentations du wolof, essentiellement parce que l’analyse de leur composition ne tient plus en synchronie.

En effet, le résultat de la suffixation sur di des marques du Négatif, lui-même composé de la négation -ul et des marques de sujet du Narratif, n’est pas toujours conforme. Dans le paradigme du Négatif Emphatique (cf. Tableau 3 - Le Négatif Tableau 4), la marque de la négation –ul ~ –u est systématiquement présente. La variante –oo pour la 2S se retrouve dans de nombreux autres contextes ; on peut la définir comme une forme clitique qui ne répond à aucune règle phonologique connue dans la langue.

1 lekkuma ko lekkunu ko 1 d-uma ko lekk d-unu ko lekk 2 lekkuloo ko lekkuleen ko 2 d-oo ko lekk d-ungeen ko lekk 3 lekku ko lekkuñu ko 3 d-u ko lekk d-uñu ko lekk

Tableau 3 - Le Négatif Tableau 4 – Le Négatif Emphatique

Par contre, le wolof acceptant la longueur vocalique, il est difficile d’expliquer la disparition du –i de la marque de l’inaccompli. C’est pourquoi certaines descriptions proposent une variante d- dans ce paradigme, et n’identifient pas ce morphème comme la marque de l’inaccompli. La disparition de la forme mu pour la 3S8 et les divergences pour les indices de sujet des 2e personnes du pluriel – Nég2P lekkuleen vs. NE2P dungeen lekk – n’ont pour l’instant fait l’objet d’aucune explication.

8 On pourrait retenir l’explication de Church (1981) pour les différences de formes entre le Parfait et l’obligatif. Ces deux paradigmes sont à considérer comme totalement identiques dans leur formation d’origine, avec seulement des positions différentes par rapport au verbe. La chute de certains éléments au Parfait, qui reste à l’Obligatif, serait due à la position de l’accent sur le mot verbal. Le wolof n’est pas une langue tonale, il a un accent dit de mot ou de groupe qui tombe sur la première syllabe. Cet accent expliquerait la persistance de la marque na à l’Obligatif ná-nga=dem que l’on ne retrouve pas dans le Parfait dém=(na-)nga.

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Le paradigme du futur pose moins de problèmes, il y a une transparence parfaite de la suffixation des marques du Parfait sur di (cf. Tableau 5 - Le Parfait Tableau 6 - Le Futur).

1 lekk naa ko lekk nanu ko 1 di-naa ko lekk di-nanu ko lekk 2 lekk nga ko lekk ngeen ko 2 di-nga ko lekk di-ngeen ko lekk 3 lekk na ko lekk nañu ko 3 di-na ko lekk di-nañu ko lekk

Tableau 5 - Le Parfait Tableau 6 - Le Futur

Les raisons qui conduisent à poser ces paradigmes comme figés en synchronie

tiennent, d’une part au fait que la suffixation des marques de TAM n’est pas toujours transparente et que d’autre part ces nouveaux paradigmes sont eux-mêmes compatibles avec la variante clitique =y de l’inaccompli (cf. (13) et (14)).

(13) Dina=y nekk ci kër gi « Il lui arrive d’être à la maison » FUT3S=INACC se.trouver prép.loc. maison DEF

(14) […]duma=y bëgg=a gallaxndiku « […], je n’aime pas me rincer la bouche » NE1S=INACC vouloir=ASP rincer.la.bouche

On comprend alors que les descriptions du wolof dissocient les formes di ~ d- en deux morphèmes distincts. L’un sert à la construction du Futur et du Négatif Emphatique et présente les alternances di ~ d- ; l’autre marque l’inaccompli et présente les alternances di ~ =y. Comme dans Robert (1991) où di (~ =y) est identifiée comme marque de l’inaccompli, et di (~ d-) comme centre de prédication sans valeur d’inaccompli9.

Les différences de compatibilité entre les paradigmes et les différentes variantes associées à ces formes tendraient à confirmer une telle distinction.

Nous voudrions, cependant, montrer que l’intégration de la marque de

l’inaccompli dans la catégorie des auxiliaires permet, à la fois, de décrire les différences de compatibilité avec les paradigmes de conjugaison, et d’expliquer la présence de deux marques d’inaccompli dans les formes sur-composées du Futur et du Négatif Emphatique à l’inaccompli (cf. (13) et (14) ci-dessus).

2 .2. Une tentative d’explication

En 2.1.1, nous avons vu que seul le paradigme du Narratif est compatible avec les deux formes de l’inaccompli. Il a été noté que ce paradigme est souvent considéré comme le plus simple : les marques de sujet ne sont pas amalgamées à des marques de TAM et on les retrouve en partie dans la formation d’autres paradigmes (cf. par exemple le cas du Négatif emphatique). Le déplacement des

9 D’après Robert (1991: 271), dans le ‘futur de certitude’, formée par la marque di suffixée des marques du Parfait, la marque di ~ d- encode « non pas l’inachèvement du procès (di ~ –y), car celui-ci est saisi dans sa globalité et n’est pas enclenché, mais au contraire le hiatus, la différence entre T2 (moment de réalisation du procès) et T0 (moment d’énonciation). Nous poserons donc, pour l’instant que c’est là le rôle du morphème di. »

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indices sujet et objet autour de di tend à confirmer que ce dernier présente un fonctionnement identique au lexème verbal, puisqu’il accepte les mêmes marques : ma di ko lekk « Je suis en train de le manger / Je le mange » comparé à ma lekk ko « Je l’ai mangé ».

Sur le même principe, la construction du Futur et du Négatif Emphatique peut être expliquée par la montée des indices sujet et objet sur la marque de l’inaccompli di : lekk-naa ko « Je l’ai mangé » comparé à di-naa ko lekk « Je le mangerai » et lekk-uma ko «Je ne l’ai pas mangé » comparé à d-uma ko lekk « Je ne le mangerai pas / je n’ai pas l’habitude d’en manger ».

Les autres paradigmes, eux, ne sont compatibles qu’avec la variante clitique =y.

Or, ces paradigmes sont également ceux où les indices sujet et objet sont préposés au lexème verbal. On peut alors considérer que cette position particulière et la complexité de leur forme sont les indices que ces formes sont déjà complexes. Autrement dit, dans ces conjugaisons, le déplacement des clitiques sujet et objet a déjà eu lieu, sur un autre élément que celui de l’inaccompli.

On peut alors émettre une hypothèse phonologique pour expliquer le fait que la variante autonome di n’est pas acceptée avec ces formes complexes. Notons que l’orthographe de cette langue masque le fait que la plupart des marques de conjugaison sont des affixes ou du moins des clitiques. Autrement dit, l’ensemble des marques qui précèdent la variante clitique =y forme un tout phonologique où la variante autonome di ne peut trouver place.

En effet, avec le Narratif, l’ordre des éléments est : s V o ou s AUX o V. Il s’agit de la seule conjugaison où les marques d’accord sujet ont un fonctionnement proche d’un pronom10 ; ces marques sont celles qui n’ont pas encore un vrai comportement de clitique. Ce qui explique que l’on puisse trouver la forme autonome avec le Narratif, aussi bien que sa variante clitique.

L’utilisation de l’inaccompli avec les marques du Parfait et du Négatif fait apparaître la variante d-, car dans ce cas particulier, l’inaccompli sert de support à la suffixation des marques de ces paradigmes.

La complexité des formes des autres paradigmes montre qu’un déplacement

des clitiques a déjà eu lieu. Ils ont tous la configuration soV, dans laquelle s est le résultat de la fusion de l’indice sujet et d’une marque de TAM, donc déjà sAUXoV. L’ajout d’une valeur d’inaccompli dans cette configuration est alors possible, mais uniquement avec la variante clitique, dont la position reste stable, postposée au clitique objet s-AUX o=y V.

Cette hypothèse permet d’expliquer les restrictions des formes de l’inaccompli

avec les différentes conjugaisons. L’auxiliaire de l’inaccompli di a une variante d- 10 Le narratif est un des paradigmes de conjugaison pour lequel le constituant sujet plein de 3ème personne ne peut se cumuler avec les marques de conjugaison. Les clitiques sujet et objet dans ces propositions ont la même position syntaxique que les syntagmes qu’ils remplacent (Mamadou lekk ceeb. “Mamadou mange le riz.” Mu lekk ko. “Il le mange.”)

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lorsqu’il est support de suffixation. La variante clitique =y est en variation libre avec di au Narratif ou constitue la seule forme possible pour l’inaccompli lorsque la position d’auxiliaire est déjà remplie.

Bien évidemment, cette explication se base uniquement sur les propriétés

morphosyntaxiques de l’inaccompli et des marques de conjugaison, elle laisse de côté les valeurs aspecto-modales propres à chacune des formes et celles qui se dégagent de ces formations. Cette hypothèse pour être validée demandera un examen attentif de ces valeurs. Même si nous n’entrons pas ici dans le détail des valeurs aspecto-modales de ces formes, certaines remarques peuvent être formulées.

Dans les travaux précédents, la séparation entre di ~ -y marque d’inaccompli et di ~ d- centre de prédication (copule) sans valeur d’inaccompli est essentiellement basée sur les deux points suivants :

1) l’absence de la valeur d’inaccompli, dans son sens restreint de procès en cours de réalisation, dans les paradigmes de conjugaison où di ~ d- sert à la formation des marques de TAM, et

2) le problème que pose le double marquage inaccompli dans ces conjugaisons

En ce qui concerne l’absence de la valeur d’inaccompli dans son sens restreint dans les paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique, il ne faut pas oublier que ces paradigmes sont surcomposés. Les valeurs de ‘futur de certitude’11 et de ‘négation de l’habitude’ véhiculées par les deux paradigmes composés de l’inaccompli et du Parfait ou du Négatif, respectivement, peuvent alors être vues comme un résultat, tout à fait probable, de l’interaction entre les marques aspecto-modales amalgamées aux indices de sujet et l’inaccompli. On pourrait alors objecter que le Négatif et le Parfait ont des affinités très nettes avec la valeur d’accompli, mais il serait faux pour autant de considérer ces marques comme étant des marques l’accompli et par conséquent incompatible avec l’inaccompli. Le Parfait encode la concomitance (Cohen, 1989), c’est-à-dire un procès qui se trouve à proximité du moment de référence, soit parce l’état résultant est toujours pertinent au moment de référence, soit parce qu’il se déroule au moment de référence. De la même façon, le Négatif est également en rapport avec la notion de concomitance. Il s’agit de la « négation de l’accomplissement du procès au moment d’énonciation » (Robert : 1991), que l’on pourrait reformuler par la négation de l’état résultant du procès au moment de référence. Ces valeurs de concomitance et de négation de la concomitance sont par ailleurs compatibles avec l’inaccompli et construisent en wolof le Futur, désigné parfois par prospectif (inaccompli et concomitant) et Négatif Emphatique (inaccompli et négation de la concomitance)

11 Santos (1981: 286) indique également que ce paradigme a également une valeur d’habitude. Dinaa bey gerte “Je cultive des arachides (habituellement).

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L’intégration de di comme auxiliaire implique également que les conjugaisons formées à l’aide de cet élément ne soient pas des conjugaisons simples, mais conduisent à des formes verbales analytiques dans lesquelles le verbe lexical est régi par l’auxiliaire. Or, dans de nombreuses langues, les verbes auxiliés peuvent prendre des marques de TAM. Par conséquent, il n’y aurait pas une redondance de marque, mais des distinctions aspectuelles entre des constructions où seul l’auxiliaire est marqué à l’inaccompli et des constructions où l’auxiliaire et l’auxilié sont marqués par l’inaccompli.

Cette hypothèse s’appuie essentiellement sur le fait que les paradigmes qui acceptent uniquement la variante clitique sont construits à l’aide d’une marque de TAM, qui a dû avoir à un moment donné une fonction d’auxiliaire12, et de marques d’accord sujet. Or les paradigmes, où la marque de TAM montre le mieux cette fonction d’auxiliaire, sont justement le Négatif Emphatique et le Futur. Il semble même que conserver en synchronie cette fonction d’auxiliaire pour di permet de lever les derniers obstacles d’analyse de ces paradigmes. Dans cette perspective, le lexème verbal (l’auxilié) est à la forme infinitive et peut également prendre une marque aspectuelle, de la même façon que cela a été décrit pour d’autres types de prédication complexe en wolof (Voisin, 2006). Dans la section suivante, en effet, nous montrons que le morphème de l’inaccompli présente plusieurs comportements qui permettent de l’intégrer dans la catégorie des auxiliaires.

3 . L’inaccompli comme auxiliaire

3.1. La notion d’auxiliaire

Pour la définition de la notion d’auxiliaire, nous nous baserons sur Creissels (2006). Cette définition part du principe que les auxiliaires se rencontrent uniquement dans la formation des formes verbales analytiques. L’auxiliaire présente « les caractéristiques morphologiques d’une forme verbale simple indépendante », cependant, il « ne manifeste aucune propriété prédicative d’assignation de rôles sémantiques à des arguments, seul intervenant à ce niveau l’auxilié » (2006 :161). À l’inverse d’autres définitions sur l’auxiliaire, cet auteur ne prend pas en compte des critères syntaxiques. Adoptant une visée dynamique de la grammaticalisation, le critère d’insertion d’éléments entre l’auxiliaire et l’auxilié est un critère qui permet de mettre en évidence le passage de l’auxiliaire, en tant qu’élément autonome partageant les caractéristiques morphologiques du verbe, à celui de morphème grammatical (clitique ou affixe) entrant dans la catégorie des marques de TAM.

3 .2. Forme verbale analytique et montée des c litiques

L’hypothèse formulée dans la section précédente s’appuie sur le fait que les différences de formes de l’inaccompli s’expliquent par sa position dans le 12 Cf. la chaîne “verb-to-aspect” de Heine (1993).

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complexe verbal. Il s’agit dans tous les cas d’un auxiliaire. Ses variantes dépendent de la position des clitiques sujet et objet.

Envisager l’inaccompli di comme un auxiliaire implique que les constructions dans lesquelles il intervient soient de type analytique et par conséquent que le verbe lexical présente une forme non finie. Jusqu’à présent, si l’insertion de l’inaccompli a eu comme effet un déplacement des clitiques, nous n’avons remarqué aucune morphologie additionnelle sur le lexème verbal. Les seules conséquences de l’ajout de l’inaccompli dans le syntagme verbal ont, au contraire, montré que le verbe lexical perdait ses capacités de porter une partie de la morphologie verbale. Ces caractéristiques renvoient à ce que nous avons décrit dans un article ultérieur sur les formes verbales non finies dans les constructions à prédication complexe (Voisin, 2006). Sur cette base, nous avons pu définir l’infinitif du wolof comme une base verbale nue acceptant des marques aspectuelles.

Dans ces constructions, l’inaccompli di commute avec ø ou a (cf. soog en (15), (16) et (17)). La position de di et a est toujours au plus près du verbe auxilié.

(15) Xaar-al ba mu géex, nga soog ko=o13 tër-al attendre-IMP2S SUBab. N3P faire.son.rot N2S venir.de O3S=ASP se.coucher-CAUS

« Attends qu’il fasse son rot avant de le faire coucher »

(16) Mu ngi soog di ñëw Tokyo.« Il vient à Tokyo pour la première fois » Prés3S venir.de INACC venir Tokyo

(17) Danga ko=y lott-al sog Ø génn-e EV2S O3S=INACC ê.épuisé-CAUS venir.de ø sortir-CAUS

« Il faut épuiser ses forces avant de sortir » À la différence des auxiliaires des prédications complexes présentées dans

Voisin 2006, l’auxiliaire di n’a plus aucun fonctionnement en tant que verbe lexical, son origine est même difficilement retraçable. 3 .3. Compatibil ité entre l ’ inaccompli et la morphologie verbale

Nous avons vu que l’inaccompli est compatible avec les marques aspecto-modales qui forment les différents paradigmes de conjugaison (2.1). Dans cette section, nous montrons que l’inaccompli peut également recevoir les marques temporelles de passé. En wolof, le passé est marqué soit par woon ~ -oon ‘passé déterminé’, soit par waan ~ -aan ‘passé indéterminé ou habituel’.

Dans les configurations vues en 2.1.1 et 2.1.2, l’ajout du passé à ces

constructions à l’inaccompli montre que : 1) le morphème du passé se suffixe sur l’inaccompli et non sur la base lexicale ; 2) le morphème de l’inaccompli a une variante d- ; 3) sa position dans le complexe verbal est celle de la variante clitique =y et non

celle de di.

13 Par d’assimilation, la marque aspectuelle =a prend ici la forme =o.

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L’INACCOMPLI EN WOLOF

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Configuration 1 : le Narratif Il a été mis en évidence que l’inaccompli avec le Narratif uniformise les

constructions, la structure verbale est : s di o V, avec la variante autonome et s o=y V, avec la variante clitique.

Le morphème du passé se place à la fin du groupe de clitiques qui précède le lexème verbal. Cette suffixation du passé fait apparaître la variante d- de l’inaccompli (comparer (18) à (19)).

(18) […]soo ko=y topp « […] si tu le suis » HYP.N2S O3S=INACC suivre

(19) […]soo ko d-oon topp « […] si tu le suivais » HYP.N2S O3S INACC-PASSE suivre

(20) Ma ko d-oon fattarñi… « Je le débouchais… » N1S O3S INACC-PASSE déboucher

Configuration 2 : soV et la variante =y Les paradigmes complexes n’acceptent pas la variante autonome di et l’ordre

des éléments avec la variante clitique est systématiquement : s o=y V. Cependant, l’ajout du passé rend compatible l’utilisation de la marque di ~ d- avec ces paradigmes14. La structure a la même forme que celle décrite pour le Narratif : s o d-oon V.

Emphatique du verbe (21) Dama ko doon diiju, mu mer « Je le singeais, il s’est fâché »

EV1S O3S INACC-PASSE singer N3S se.fâcher

Emphatique du sujet (22) Moo la d-oon tette « C’est lui qui guidait tes pas »

ES3S O2S INACC-PASSE guider

Emphatique du complément « C’est le lendemain que nous l’attendions, […] » (23) Ca suba sa lanu ko doon xaar, […]

prép.loc. demain DEF EC1P O3S INACC-PASSE attendre

Présentatif

(24) Mu ngi ko d-oon tëru « Il le guettait » Pres3S O3S INACC-PASSE guetter

Configuration 3 : les amalgames Les suffixes du Négatif et du Parfait sont postposés à la variante autonome de

l’inaccompli et forment les paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique : d(i)-so V. Seul le passé indéterminé/habituel –aan ~ waan est accepté dans ces formations. L’ajout de cette marque montre que : 1) le morphème du passé se suffixe sur l’inaccompli et non sur la base lexicale ; 2) le morphème de l’inaccompli présente la même variante d- ;

14 Exception faite de l’Obligatif qui n’est pas compatible avec le passé.

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3) sa position dans le complexe verbal reste la même ; 4) comme pour les verbes lexicaux au Parfait et au passé déterminé (cf. gis-oon na

ko), le suffixe du passé indéterminé précède les clitiques sujet et objet ;

(25) Sama yaay d-aan na ma ñaw-al yére ndëll POSS1S mère INACC-PASSE P3S O1S coudre-APPL habit molleton

« Ma mère me cousait des habits en molleton »

(26) Xanaa d-aa-wuloo ko nàmp-al ? « Est-ce que tu ne l’allaitais pas ? » INTER INACC-PASSE-NEG2S O3S têter-CAUS

Ainsi, dans toutes les configurations, l’ajout du passé ne modifie pas les structures à l’inaccompli.

s di o V Configuration 1 so=y V so d-oon V

Configuration 2 so=y V so d-oon V Configuration 3 d-so(=y) V d-aan so V

La suffixation du passé à l’inaccompli met en évidence une alternance =y ~ d-

dans une même position (configuration 1 & 2), ce qui tend à confirmer que les différences de formes ne sont pas dues à des morphèmes différents15. Ceci confirme le fait que l’inaccompli a des variantes différentes selon qu’il termine le groupe =y ou sert de support à la suffixation d-.

3 .4. Utilisation de l ’ inaccompli comme copule

Le wolof est souvent décrit comme une langue sans copule, dans le sens où aucune forme ne se retrouve de façon systématique dans les différentes opérations reconnues aux copules16.

De tous les paradigmes de conjugaison reconnus, seuls le Narratif et le Parfait ne sont pas utilisés dans ces types de constructions. Les autres paradigmes sont spécialisés dans une opération en lien direct avec leur signification aspecto-modale : l’Emphatique du Sujet dans l’identification et la catégorisation (27), le Présentatif dans la localisation (28) et l’Emphatique du Complément dans la caractérisation (29).

(27) Maa=y buur « C’est moi le roi / c’est moi qui suis roi » ES1S=INACC roi

(28) Ñu nga fa « Ils sont là-bas » Prés3P là-bas

(29) Taabal-u bant la « C’est une table en bois » table-CONN bois EC3S

15 Nous aurions également pu montrer que l’inaccompli est compatible avec le négatif –ul, de la même façon que pour le passé, et que le complexe di-ul-oon est également possible. 16 Les opérations traditionnellement associées aux copules ou aux constructions à prédication non verbale sont l’identification, la catégorisation, la caractérisation et la localisation d’un référent. (Cf. Creissels, 2006 : Chapitre 20)

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À ces quatre opérations s’ajoutent deux autres constructions. L’Emphatique du Verbe a une valeur de caractérisation, mais uniquement dans le cadre d’une explication de situation (30).

(30) Dama=y naar rekk, moo tax mu suufeel ma ES1S=INACC maure seul. ES3S causer N3S mépriser O1S

« C’est que je suis maure, c’est pourquoi il me méprise » Le Négatif Emphatique est spécialisé dans la négation de l’identification (31).

(31) Doo sama baay « Tu n’es pas mon père » EN2S POSS1S père

Ces constructions nécessitent la marque de l’inaccompli17, qui peut être identifiée comme copule. Ce qui ne fait que renforcer son statut d’auxiliaire. Dans ces mêmes constructions, c’est également l’inaccompli qui porte le suffixe du passé, tandis que dans les constructions sans di, le passé apparaît dans sa forme autonome woon.

(32) Moo d-oon farba « c’est lui qui était Premier ministre » ES3S INACC-PASSE premier.ministre

(33) Mu ngi fi woon léegi « Il était là il y a un instant » Prés3S loc. PASSE instant

(34) Buur bu aaytal la woon « c’était un méchant roi » roi JONC ê.méchant EC3S PASSE

Les propositions impersonnelles d’indentification sont également construites à l’aide de di.

(35) mu=y ñett-i far-i xuuge ! « C’était trois amants bossus ! » N3S=INACC trois-CONN amant-CONN bossu

(36) Dafa di tasee-guloo ak gaynde EV3S INACC rencontrer-NEG2S avec lion

« Le fait est que tu n’as pas encore rencontré un lion » En conséquence, l’inaccompli di accepte une partie de la morphologie verbale,

il est utilisé dans certaines constructions comme copule. Les clitiques de sujet et d’objet lui sont syntaxiquement reliés, mais il ne leur attribue aucun rôle sémantique. Tous ces éléments montrent que l’inaccompli présente des comportements typiques d’un auxiliaire. Les différentes variantes qui lui sont associées constituent les signes de sa grammaticalisation. Elles ont la particularité d’avoir deux formes, =y lorsque la variante termine le groupe, d- lorsqu’elle sert de support à la suffixation, pour les marques de passé –oon ou –aan, comme pour les indices de sujet des paradigmes de Parfait et de Négatif.

Dans la section suivante, nous allons voir que même si cette analyse complexifie la présentation traditionnelle des paradigmes de conjugaison en wolof, elle rend la comparaison avec d’autres langues atlantiques plus évidente, et offre des pistes prometteuses pour la comparaison. 17 Les exceptions sont la localisation (Présentatif) et de la caractérisation (Emphatique du Complément).

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4. L’inaccompli dans d’autres langues atlantiques

Dans les autres langues atlantiques, l’inaccompli ou le progressif se construit également dans une structure où le verbe lexical est à l’infinitif, que l’infinitif ait une marque particulière (diola et peul) ou n’ait aucune marque apparente (palor).

Diola-fogny (Sapir, 1965 : 101)

(37) injɛ di kansankɛn « Je parle / je suis en train de parler » S1S LOC parler.INF

Peul, variété du Fouta-Djalon (Labatut, 1982 : 380)

(38) me ɗe nyaam-de « Je mange » S1S DUR manger-INF18

Si toutes les variétés de peul ont des formes d’infinitif, toutes n’ont pas cette structure. Elle est uniquement décrite pour le Fouta Djalon.

Palor (d’Alton, 1987)

(39) gumuʔ na tik tik-o « La hyène fait la cuisine » hyène DUR cuisiner cuisiner-EA19

Dans certaines de ces langues, comme en wolof, la marque de l’inaccompli s’est amalgamée avec les indices de sujet.

En peul, une des série d’indices de sujet s’analyse comme la fusion d’une série simple et de la marque durative ɗo(n). Son identification dans les formes pronominales peut poser quelques difficultés selon les dialectes, par la supplétion à certaines personnes de la marque e du concomitatif. (Labatut, 1982 : 214).

Parlers occidentaux

singulier pluriel 1 mi-ɗɔ , mi-ɗa, mbo-ɗɔ e-min; (hiɗen Guinée) 2 a-ɗa, a-ɗɔ (=Mali); (hiÎa

Guinée) ɔ-don

3 ɔ-mo, ɔ-mbo ; (himo Guinée) e-∫ɛ; (hi∫E Guinée)

Parlers orientaux singulier pluriel

1 mi-ɗɔ , mi-ɗɔn e-min, i-men, min-ɗon 2 e-ɗa, i-ɗa, a-ɗon ɔ-ɗon, i-ɗon, ɔn-ɗon 3 i-mo, e -don, ɔ-ɗon e-ɓɛ, i-ɓɛ, ɓɛ-ɗon

Tableau 7 - Indices sujet et duratif20 dans les différents dialectes peuls21

18 S1S = marque d’accord sujet de 1e personne du singulier; DUR = marque aspectuelle du duratif; INF = infinitif. 19 DUR = aspect duratif ; EA = modalité état acquis. 20 Les variations dialectales du duratif sont en forme autonome : ɗo dans le Gombé et états haoussas ; ne au Dinguiray ; no au Fouta Djalon ; na ~ ina ~ nanaa au Sénégal et ana ~ ani au Mali

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En palor (d’Alton, 1987), les indices sujet simples (série I) s’amalgament avec la

marque du duratif na et forment un nouveau paradigme (série II). On trouve également, dans cette langue, un amalgame entre deux marques de TAM ʔe (présentatif= ʔe … ɗa / ɗaa (forme emphatique)) avec le duratif (présentatif duratif) qui forment respectivement la série III.

Par conséquent, de la même façon qu’en wolof, les langues atlatniques qui sont décrites avec des paradigmes de conjugaison amalgamés montrent à l’origine des constructions AUX V. Dans certaines langues atlantiques, ce type de construction est même la forme (analytique) synchronique pour l’expression de l’inaccompli.

Étant donné que les auxiliaires ont le plus souvent pour origine un élément verbal, nous allons dans la section suivante émettre une hypothèse sur l’origine de cette marque. La présentation des différents processus de grammaticalisation de l’inaccompli dans les langues va nous donner des informations sur les structures dans lesquelles tend à se développer ce type d’aspect.

5 . La grammaticalisation de l ’ inaccompli

Les processus de grammaticalisation qui sont à l’origine de l’émergence d’un inaccompli sont souvent présentés comme universels.

Les travaux respectifs de Comrie (1976) et de Bybee et al. (1994) tendent à montrer que le sens premier d’un inaccompli doit être de type progressif. Ce morphème ne devait s’appliquer qu’aux seuls verbes dynamiques. Autrement dit, dans les processus de grammaticalisation le progressif serait le sens premier, à partir duquel l’évolution des constructions pourrait aboutir aux autres sens liés à la notion d’inaccompli (imperfective), jusqu’à avoir dans certaines langues un sens très général d’inaccompli ou de présent22. Par exemple, les marqueurs progressifs ont évolué en inaccompli en yoruba et turc (Comrie 1976) et en présent dans les dialectes chamus du maa.

En yoruba, la structure locative qui exprime le progressif et l’inaccompli est également utilisée par certains locuteurs pour l’habituel (Comrie, 1976 : 101)

(40) ó ´n s̥is̥é « Il est en train de travailler » S3S dans travailler23

L’objectif de cette section n’est pas de remonter des différentes valeurs du progressif allant à celles attestées en synchronie en wolof. Nous nous attacherons plus aux constructions et aux éléments qu’elles nécessitent dans l’expression d’un sens très général d’inaccompli.

na ~ ana au Burkina (Labatut, 1982 : 205, note 1) 21 D’après les données de Labatut (1982) et Labouret (1952). 22 Dans la conception de Bybee & al. (1994 : 126), le présent recouvre différents types de situations imperfectives ayant le moment d’énonciation comme point de référence. 23 S3S = marque d’accord sujet de 3e personne du singulier

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En ce qui concerne les sources possibles pour ce type de marqueur, les travaux sur la grammaticalisation montrent un certain consensus sur le sémantisme d’origine des sources. Pour Bybee et al. (1994 : 131), tous les progressifs dérivent de constructions dans lesquelles les processus de grammaticalisation « involving a stative auxiliary always derives from a construction which originally included an element with locative meaning. Or, stated another way, aside form movement sources, reduplications, and constructions with verbs meaning ‘to keep on’, all progressives derive from locative constructions. ».

Différentes sources locatives sont à l’origine de la grammaticalisation d’un progressif. La notion de localisation peut être exprimée soit par un verbe locatif (aller, venir, marcher + loc. en tok pisin), soit par une adposition locative (dans, sur, à…). Cette universalité vient renforcer les données de Heine, Claudi et Hünnemeyer (1991) sur les langues africaines, où des sources locatives sont également désignées pour l’émergence d’une marque de progressif.

Les langues atlantiques vues dans la section précédente confirment également cette hypothèse. En diola-fogny, Blansitt (1975 : 17) propose comme source du progressif la marque locative di. Sapir (1965) indique que « a noun or a pronoun, plus di, plus an infinitive placed as a verb complement, forms a progressive. »

Sapir (1965 : 112 & 101) (41) ni-juk-ɔ di kalibisak « Je l’ai vu dans la pièce »

24S3S-voir-O3S LOC pièce

(42) injɛ di kansankɛn « Je parle / je suis en train de parler » S1S LOC parler.INF

En diola-banjal, le locatif et l’inaccompli présentent la même forme ni (Bassène, 2006). En palor, la marque du duratif est en isomorphie totale avec la postposition signifiant ‘dans’ (43).

(43) mI xelte ri laasa na « Je l’ai laissé dans la chambre » S1S laisser O3S chambre LOC25

Dans les différentes variétés de peul, Labatut (1982) indique que le duratif ɗo(n) est issu du démonstratif locatif signifiant « ici ».

Malgré ces pistes, l’origine de la marque de l’inaccompli di en wolof reste difficile à reconstruire. Il existe à l’heure actuelle une seule préposition locative en wolof. Les valeurs locatives « sur, dans, vers… » sont toutes regroupées sous la préposition ci. Les verbes locatifs de déplacement sont dem « aller, partir », ñëw « venir », dox « marcher » et les verbes locatifs statifs sont nekk « être quelque part, se trouver », des « rester » et toog « rester, s’asseoir ».

24 S1S = marque d’accord sujet de 1e personne du singulier; LOC = marque locative; INF = infinitif. 25 S1S= accord sujet 1e personne du singulier; O3S = accord objet 3e personne du singulier; LOc= post-position locative.

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Certains de ces éléments sont proches de l’inaccompli, les sources verbales possibles sont des et dem, la préposition locative montre une voyelle identique, mais aucun de ces éléments n’est synchroniquement une source frappante.

Heine (1997) indique que plus que la source même du morphème, la

construction dans laquelle cette source entre permet de comprendre dans quel type d’aspect se dirige la grammaticalisation. Il envisage la problématique sous un angle quelque peu différent. Il s’agit pour lui de montrer que les constructions de possession peuvent être à l’origine de marques aspectuelles. Ainsi, la structure prédicative de possession « X a Y » peut être une étape intermédiaire entre le schéma locatif et l’aspect. Mais surtout, il montre qu’il n’y a pas de corrélation immédiate entre le type de schéma source et la notion aspectuelle concernée. Il renvoie à l’opposition de grammaticalisation aspectuelle entre les langues indo-européennes où la possession conduit à l’émergence de l’aspect accompli (cf. français (44)) et les langues africaines où les structures de possession conduisent à l’émergence de l’aspect inaccompli.

(44) J’ai un livre « X a Y »

J’ai travaillé. Le type d’aspect obtenu à la fin du processus de grammaticalisation n’est donc

pas lié à la structure de l’expression de la possession, ni au schéma source (localisation ou accompagnement, par exemple). L’élément qui semble le déclencheur du type d’aspect obtenu est la morphologie du verbe.

“If the main verb is presented as a time-stable or static concept, typically encoded by means of a participial morphology, the grammatical category involved is that of a perfective/resultative. Conversely, if the verb is dynamic, referring to events rather than states and being marked by infinitival or gerundival morphology, the resulting categories are likely to denote progressive and related notions.” (Heine, 1997: 197)

Ceci permet de confirmer que quelle que soit la source de di, la structure

d’origine correspond bien à celle que nous avons décrite comme étant toujours active dans cette langue, à savoir que di fonctionne comme un auxiliaire et que le verbe lexical est à l’infinitif. Il serait tentant de calquer les constructions des autres langues atlantiques sur celles du wolof et de conclure que dans cette dernière, de la même façon que dans les autres langues atlantiques, le morphème de l’inaccompli di provient d’une préposition locative. Mais on sait également que si les processus de grammaticalisation sont considérés comme universels, cela ne signifie pas que toutes les langues ont une origine identique pour des marques particulières, ni que toutes les langues d’une même famille ont suivi les mêmes processus. D’autres recherches doivent être menées en wolof pour parvenir, un jour, à une réponse sur l’origine de cette marque.

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6. Conclusion

La problématique de départ était de confirmer ou d’infirmer la dissociation faite dans les descriptions du wolof de la forme di. L’analyse de la répartition de ses variantes et des différentes positions qu’elles peuvent prendre dans le syntagme verbal conduit plutôt à considérer le morphème de l’inaccompli comme un auxiliaire. En effet, nous sommes parvenue à montrer que les variantes répondent à des contextes particuliers ; la forme di renvoie à la forme autonome : la variante =y est utilisée en fin de groupe de clitiques ; enfin, la variante d- sert de support à la suffixation. Les positions différentes de ces variantes proviennent de la montée des clitiques sur cet élément. Cette analyse de di comme auxiliaire de l’inaccompli est renforcée par le fait qu’il accepte d’autres éléments de la morphologie verbale ; la compatibilité avec le passé à été montré ici ; et qu’il fonctionne comme copule.

Ces conclusions conduisent à revoir le groupe verbal, puisque le statut d’auxiliaire de l’inaccompli tend à analyser le groupe verbal comme analytique, ce qui a forcément des répercussions sur le statut du verbe lexical. Or les propriétés du verbe lexical dans ces constructions, à savoir l’absence de clitiques sujet et objet, l’absence de morphologie de passé, permettent de l’identifier comme un verbe à l’infinitif. Ce qui semble en accord avec la théorie de grammaticalisation développée par Heine.

Les théories de grammaticalisation s’accordent sur une origine locative pour l’inaccompli. Cependant, la grammaticalisation de cet élément en auxiliaire aspectuel en wolof semble avoir modifié sa forme. Même si dans les autres langues atlantiques, les structures du type : préposition locative et verbe lexical à l’infinitif forment le progressif, il est difficile, dans l’état actuel des connaissances du wolof de rapprocher di de la préposition locative ci ou des verbes locatifs des et dem.

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APPL=Applicatif; ASP=Marque aspectuelle; CAUS=causatif; CONN=morphème génitival; DEF=Défini singulier; EC1S=Emphatique du complément personne et nombre; ES1S=Emphatique du sujet personne et nombre; FUT1S =Futur personne et nombre; HYP=Subordonnant hypothétique; IMP2S= Impératif 2e personne du singulier; INACC=Inaccompli; INTER=Interrogatif; JONC=morphème de construction adjectivale; loc.=clitique locatif; N1S =Narratif personne et nombre; NE1S = Négatif Emphatique personne et nombre; NEG1S = Négatif personne et nombre; O1S, =clitique objet personne et nombre; OBL1S =Obligatif personne et nombre; P1S =Parfait personne et nombre; Prés1S = Présentatif personne et nombre; POSS1S =Possessif personne et nombre; PRO1S =Pronom personne et nombre; SUBab.= subordonnant d’aboutissement; TEMP=Subordonnant temporel. 8 . Annexe – Les paradigmes de conjugaison du wolof

Les indices sujet et objet (ko ) en gras dans ces tableaux fonctionnent pour tous les nominaux, quelle que soit leur classe nominale.

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1S ma lekk ko 2S nga lekk ko 3S mu lekk ko 1P nu lekk ko 2P ngeen lekk ko 3P ñu lekk ko

Tableau 1a : Le narratif dans les propositions indépendantes et certaines subordonnées

1S ma ko lekk 2S nga ko lekk 3S mu ko lekk 1P nu ko lekk 2P ngeen ko lekk 3P ñu ko lekk

Tableau 1b : Le narratif dans certaines propositions subordonnées

1S dama ko lekk 2S danga ko lekk 3S dafa ko lekk 1P danu ko lekk 2P dangeen ko lekk 3P dañu ko lekk

Tableau 2 : L'Emphatique du verbe

1S maa ko lekk 2S yaa ko lekk 3S moo ko lekk 1P noo ko lekk 2P yeena ko lekk 3P ñoo ko lekk

Tableau 3 : L'Emphatique du sujet

1S li laa ko lekk 2S li nga ko lekk 3S li la ko lekk 1P li lanu ko lekk 2P li ngeen ko lekk 3P li lañu ko lekk

Tableau 4 : L'Emphatique du complément

1S maa ngi ko lekk 2S yaa ngi ko lekk 3S mu ngi ko lekk 1P nu ngi ko lekk 2P yeena ngi ko lekk 3P ñu ngi ko lekk

Tableau 5 : Le Présentatif

1S naa ko lekk 2S nanga ko lekk 3S na ko lekk 1P nanu ko lekk 2P nangenn ko lekk 3P nañu ko lekk

Tableau 6 : L'obligatif

1S lekk naa ko 2S lekk nga ko 3S lekk na ko 1P lekk nanu ko 2P lekk ngeen ko 3P lekk nañu ko

Tableau 7 : Le Parfait

1S lekkuma ko 2S lekkuloo ko 3S lekkul ko 1P lekkunu ko 2P lekkuleen ko 3P lekkuñu ko

Tableau 8 : Le Négatif

1S duma ko lekk 2S doo ko lekk 3S du ko lekk 1P dunu ko lekk 2P dungeen ko lekk 3P duñu ko lekk

Tableau 9 : Le Négatif emphatique

1S dinaa ko lekk 2S dinga ko lekk 3S dina ko lekk 1P dinanu ko lekk 2P dingeen ko lekk 3P dinañu ko lekk

Tableau 10 : Le Futur

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