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62 La Météorologie 8 e série - n° 2 - juin 1993 CLIMATOLOGIE INTRODUCTION LES DONNEES TRAITEES ET LA METHODE L'INFLUENCE DE LA CIRCULATION ATMOSPHERIQUE A 200 HPA SUR LA PLUIE AU SAHEL Jean-Pierre Céron Météo-France, ENM 42, avenue G. Coriolis, 31057 Toulouse Cedex Le travail présenté dans cet article a été réalisé dans le cadre du projet AZ3 de l'OMM (WMO, 1984). Ce projet a pour charge l'étude et le suivi du bilan en eau en zone tropicale semi-aride en liaison avec les besoins exprimés par l'agriculture. Un des objectifs de ce travail (WMO, 1984) est de prévoir tout ou partie des caractéristiques des précipitations sur les régions sahéliennes. Naturellement, il n'y a pas de bonnes prévisions sans, au préalable, de bons diagnostics tant il est vrai qu'il faut d'abord comprendre avant de vouloir prévoir. Aussi, ces travaux s'inspirent d'une démarche proche de celle du «naturaliste» : décrire pour comprendre et comprendre pour prévoir. Les résultats commentés ici s'inscrivent plus dans le cadre de l'étude diagnostique que dans celui de l'étude prévisionnel le. Ils ont été obtenus en aval d'un ensemble d'études qui constituent une suite logique (Céron, 1988) : - étude des caractéristiques des précipitations sahéliennes, - influence des conditions météorologiques dans l'hémisphère Nord sur la pluie au Sahel, - approfondissement des liaisons statistiques mises en évidence dans l'hé- misphère Nord, - influence de la circulation générale à 200 hPa sur les précipitations sahéliennes. On a travaillé sur une période de 5 ans correspondant à la disponibilité des analyses du CEPMMT. Il s'agit des années 1980à 1985 moinsl'année 1983 retirée, dans un premier temps, pour cause de El Nino. Compte-tenu de l'étude concernant les caractéristiques des précipitations sahéliennes et, en particulier, des résultats sur l'importance relative des échelles d'espace-temps, les données sont toutes utilisées au pas de temps décadaire sous la forme d'anomalies désaisonnalisées. Pour caractériser les pluies au Sahel, on a utilisé les hauteurs de précipitations de 50 stations du réseau synoptique sahélien fournies par le centre Agrhymet de Niamey (figure 1). Pour caractériser la circulation générale, on a utilisé les analyses du vent zonal (noté U) et du vent méridien (noté V) fournies par le CEPMMT sur une grille régulière de 2°5 de latitude et de 2°5 de longitude. Le choix du niveau 200 hPa découle logiquement des résultats encourageants obtenus avec le vent géostrophique sur l'hémisphère Nord. Par ailleurs, la plupart des auteurs (Sadourny, 1986) considèrent les niveaux 850 et 200 hPa comme caractéristiques de la circulation générale. Enfin, et pour commencer, on peut rai-

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62 La Météorologie 8 e série - n° 2 - juin 1993

CLIMATOLOGIE

INTRODUCTION

LES DONNEES TRAITEES

ET LA METHODE

L'INFLUENCE DE LA CIRCULATION ATMOSPHERIQUE A 200 HPA SUR LA PLUIE AU SAHEL

Jean-Pierre Céron Météo-France, ENM 42, avenue G. Coriolis, 31057 Toulouse Cedex

Le travail présenté dans cet article a été réalisé dans le cadre du projet A Z 3 de l ' O M M ( W M O , 1984). Ce projet a pour charge l 'é tude et le suivi du bilan en eau en zone tropicale semi-ar ide en liaison avec les besoins expr imés par l 'agricul ture. Un des objectifs de ce travail ( W M O , 1984) est de prévoir tout ou partie des caractérist iques des précipitat ions sur les régions sahél iennes.

Naturel lement , il n ' y a pas de bonnes prévisions sans, au préalable, de bons diagnost ics tant il est vrai qu ' i l faut d ' abord comprendre avant de vouloir prévoir. Aussi , ces travaux s ' inspirent d ' une démarche proche de celle du «naturaliste» : décrire pour comprendre et comprendre pour prévoir .

Les résultats commentés ici s ' inscrivent plus dans le cadre de l 'é tude diagnost ique que dans celui de l 'é tude prévisionnel le. Ils ont été obtenus en aval d ' un ensemble d 'é tudes qui consti tuent une suite logique (Céron, 1988) :

- étude des caractérist iques des précipitat ions sahél iennes,

- influence des condit ions météorologiques dans l 'hémisphère Nord sur la pluie au Sahel ,

- approfondissement des l iaisons statistiques mises en évidence dans l ' hé ­misphère Nord,

- influence de la circulation générale à 200 hPa sur les précipitat ions sahél iennes.

On a travaillé sur une période de 5 ans correspondant à la disponibil i té des analyses du C E P M M T . Il s 'agit des années 1980à 1985 m o i n s l ' a n n é e 1983 retirée, dans un premier temps, pour cause de El Nino.

Compte- tenu de l 'é tude concernant les caractérist iques des précipitat ions sahél iennes et, en particulier, des résultats sur l ' impor tance relative des échelles d ' e space- temps , les données sont toutes utilisées au pas de temps décadaire sous la forme d ' anomal ies désaisonnal isées .

Pour caractériser les pluies au Sahel, on a utilisé les hauteurs de précipitat ions de 50 stations du réseau synoptique sahélien fournies par le centre Agrhymet de Niamey (figure 1).

Pour caractériser la circulation générale , on a utilisé les analyses du vent zonal (noté U) et du vent méridien (noté V) fournies par le C E P M M T sur une grille régulière de 2°5 de latitude et de 2°5 de longitude.

Le choix du niveau 200 hPa découle logiquement des résultats encourageants obtenus avec le vent géost rophique sur l 'hémisphère Nord. Par ailleurs, la plupart des auteurs (Sadourny, 1986) considèrent les niveaux 850 et 200 hPa c o m m e caractérist iques de la circulation générale . Enfin, et pour commencer , on peut rai-

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sonnablcment penser que le niveau 200 hPa sera le moins perturbé par les effets locaux et ce d 'autant plus qu ' on a souhaité utiliser la d ivergence c o m m e traceur de l 'act ivi té convect ive .

En effet, à partir de ces deux paramètres , on a recalculé la d ivergence (notée D) par les formules classi­ques (Holton, 1972)

I BU 3V V . te q>

D = + -

a . cos q> 3À, 3(p a

cp représente la latitude

A. représente la longitude

a représente le rayon terrestre et une approximat ion de r = a + z (z alti tude « a)

Les dérivées partielles ont été es t imées par la méthode des différences finies. Les vents d 'oues t et de sud ont été comptés posi t ivement alors que les vents d 'es t et de nord ont été comptés négat ivement .

Enfin, pour des quest ions de traitement informatique, on a condensé les données du C E P M M T sur une grille réduite de 37 x 72 points (figure 2); la valeur en chaque point de la grille réduite étant la moyenne ari thmétique des 4 points les plus proches de la grille initiale.

La mé thode ayant été exposée p r é c é d e m m e n t (Céron, 1993), on se contentera d 'en rappeler les différents é léments :

- calcul station par station sur la saison des pluies (mars / novembre) ,

- utilisation des anomal ies décadaires désaisonnal isées sans déphasage ,

- calcul d 'un coefficient de corrélation des rangs entre chaque série d ' anomal ies pluviométr iques et chacune des séries d ' anomal ies observées aux différents points de la grille réduite, un niveau et un paramètre étant fixés.

De plus, on peut relever des variations importantes dans le c h a m p de vent pendant la saison des pluies sahél iennes. On a donc découpé la saison des pluies en trois périodes sensiblement homogènes : le début (mai/juin), le milieu (juillet/août) et la fin (septembre/octobre) de cette saison.

Le résultat que l 'on obtient est donc , pour une station donnée , pour une période et un paramètre (U. V ou D) fixés, un champ de corrélation des rangs (figure 3).

La corrélation est calculée entre la série des rangs des anomal ies pluviométr iques à la station considérée et chacune des séries de rangs des anomal ies du paramètre choisi observées aux différents points de la grille réduite. Pour une période et un paramètre donnés , on dispose donc de 50 champs de corrélation dont il faut analyser la structure. Pour cela, on c o m m e n c e par regrouper les champs de corrélation qui se ressemblent en utilisant une classifica­tion hiérarchique ascendante . La distance «d» choisie entre les c h a m p s est une distance eucl idienne pondérée :

K N r 2

1 _ . . RA(i, . j) R B ( i . j ) d 2 (A, B ) = 1J 2 . -

K . N i = l j = l l - R A ' ( i , j ) l - R B 2 ( i , j )

Figure 1 - Stations utilisées (indicatifs ASECNA)

Figure 2 - Grille utilisée pour les données du CEPMMT et sous-domaines associés

Figure 3 - Champ de corrélation entre la station de Ouagadougou et le vent méridien à 200 hPa en début de saison des pluies

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où RA(i , j ) et RB(i , j) représentent les coefficients de corrélat ions entre le point M(i , j) d 'un sous-domaine (dimension K . N) de la grille réduite et respect ivement deux stations A et B avec laconvent ion suivante : si R A ( i J ) et RB (i. j) < 0 , 3 5 (significativité au seuil 5%), alors on annule la contribution du point M(i , j ) à la dis tance d(A, B) donc (RA( i , j ) = 0 = R B ( i , j ) ) .

Le critère d 'aggloméra t ion utilise est le critère de Ward et la recherche d 'une partition dans l 'arbre de classification s 'effectue en utilisant les indices de niveau de la hiérarchie et les écarts entre les parti t ions successives.

De plus, pour compléter l 'analyse des champs de corrélation et la cartogra­phie des classes obtenues , on a utilisé des projections de matr ices d ' in terdis tances (Der Mégrédi tchian, 1988). Ce dernier outil est part icul ièrement utile pour visualiser les classes obtenues (forme, d ispers ion, . . . ) et en déduire les é léments typiques ou atypiques, les é léments de transition entre les différentes c l asses . . . et ainsi conforter l ' analyse des champs de corrélation.

Enfin, il faut signaler que , pour des quest ions de réalisation informatique, on a découpé les champs de corrélation globaux en 3 sous-domaines (figure 2) appelés «hémisphère Nord» ((p > 25° N), «hémisphère Sud» ((p > 25° S) et «régions intertropicales» (25° N < (p < 25° S).

En résumé, pour chaque paramètre (U, V et D) et chaque période on obtient trois classifications et trois projections que l 'on utilise pour déceler les structures de corrélation c o m m u n e s aux différents champs de chaque classe.

nrcniTATC Les résultats ont été synthétisés en utilisant les différentes classifications, les L t D n L b U L I Al b projections des matrices d ' in terdis tances ainsi que les corrélat ions stables et signi­

ficatives dans les différentes classes.

En premier lieu, on a obtenu des synthèses géographiques (une synthèse par période et par sous-domaine) qui représentent les zones homogènes par rapport aux sol 1 ici tations des trois paramètres étudiés; à chaque zone correspondent trois champs de corrélation caractérist iques (pour U, V et D) obtenus en analysant la structure des champs de corrélation par classe.

A titre d ' exemple , la figure 4 décrit la synthèse géographique obtenue pour l 'hémisphère Nord en fin de saison des pluies. On y repère les trois régions bien définies que consti tuent le sud du Sénégal et du Mali (zone 1), le nord du Sénégal et la Mauri tanie (zone 2) et le Niger (zone 3). Les stations du Mali semblent assez hétérogènes ainsi que celles du Burkina-Faso.

D ' u n e manière générale, on constate que les regroupements les plus constants se font :

- en début de saison sur le Niger, le Sénégal et la Mauri tanie,

- en milieu de saison sur le Niger, le Burkina-Faso et le Sénégal ,

- en fin de saison sur le Niger, le Burkina, le Sénégal et la Mauri tanie .

En second lieu, l 'analyse des champs de corré­lation caractérist iques de chaque zone laisse entrevoir des interprétations très intéressantes pour ce qui con­cerne la compréhens ion des précipitat ions sahél iennes.

11 faut tout d ' abord remarquer la grande cohérence des corrélat ions entre les différents paramètres . Cela souligne que l 'on a mis en évidence des mécan ismes globaux qui influent sur la pluviométr ie sahélienne.

Sans passer en revue tous les é léments que l 'on a pu mettre en évidence, on peut s ' intéresser au rôle part iculier du Bassin Méditerranéen et des condit ions météorologiques sur le Golfe de Guinée pour la pluie au Sahel . En effet, des discussions avec les prévisionnistes ont fait apparaître que les condit ions météoro­logiques régnant sur la Médi terranée semblaient influencer la pluie au Sahel .

Figure 4 - Synthèse géographique pour l'hémisphère Nord en fin de saison des pluies

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Au début de la saison des pluies, toutes les stations sont influencées par la diminution des échanges méridiens sur la Méditerranée. Le déplacement de la convergence de Lybie vers les régions Grèce-Ital ie semble jouer un rôle fondamental dans la mise en place de la saison des pluies sur le Sahel . On peut noter que pour les stations les plus à l 'est le déplacement de la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) sur le Soudan a un effet favorable sur les précipitations qu'elles reçoivent.

En milieu de saison des pluies, c 'es t au contraire le renforcement de l 'activité méridienne qui favorise les précipitat ions.

Cependant , les zones Sénégal et Niger ne semblent pas réagir aux mêmes situations synoptiques (figures 5 et 6). En effet, l ' augmentat ion de la d ivergence d 'a l t i tude sur la région Corse-Ital ie couplée à celle de la convergence sur le proche Atlantique et l 'est du bassin médi terranéen peut correspondre à des situations favorables aux cyclogenèses en Médi terranée, situations correspondant à l 'accrois­sement des précipitations sur la zone «Sénégal» .

Par contre, les situations favorables aux précipita-lions sur la zone «Niger» correspondent à une augmen­tation de la convergence sur Corse-Ital ie suivie à l 'est d ' u n e augmenta t ion de la d ivergence près de la Turquie ;

En fin de saison des pluies, les stations du «Sénégal» et du «Niger» ont des sensibilités opposées à ce regain d ' a c t i v i t é m é r i d i e n n e , les s i tua t ions favorables aux cyclogénèses correspondant toujours à un accroissement des précipitat ions sur la zone «Sénégal» .

Les corrélat ions observées avec la divergence sur le golfe de Guinée se révèlent ext rêmement riches dans leurs interprétations.

En début de saison des pluies, les précipitations p o u r t o u t e s les s t a t i ons é t u d i é e s sont i n f l u e n c é e s favorablement par l ' augmentat ion de la convergence sur le golfe de Guinée. On petit donc penser qu'il existe une branche subsidente liée aux contrastes océan-cont inent sur le golfe de Guinée , et que le renforcement de cette branche subsidente induit un renforcement de la convergence d 'hu­midité sur le continent et plus part icul ièrement sur les régions sahél iennes (figure 7).

A l 'évidence, le renforcement de cette convergence à 200 hPa pourrait être relié à une anomalie négative de température de surface de la mer (SST) dans ce m ê m e gol le de Guinée , anomal ie probablement liée à la mise en place des upwell ings côtiers. Ainsi , les anomal ies négatives de SST dans le golfe en mai/juin seraient un facteur favorable aux préc ip i ta t ions en par t ic ipant , par ce b ia is , à la convergence d 'humidité dans les basses couches .

De plus, en milieu de saison des pluies, on ne retrouve pas le rôle de cette convergence sur les corréla­tions. Il est m ê m e plutôt inversé pour les stations à l'est du Sahel.

Ce la souligne, si la première interprétation est correcte, que le rôle des anomal ies de SST ne reste pas constant sur l ' ensemble de la saison des pluies au Sahel et selon la zone considérée.

On peut apporter un élément de réflexion sur ce sujet : en début de saison des pluies, la Z C I T étant relat ivement basse en latitude, les facteurs prépondérants dans le déc lenchement des précipitat ions sont des facteurs relatifs aux pulsions de la mousson (ce qui est le cas du renforcement de la subsidence sur le golfe de Guinée) . Par contre, en milieu de saison des pluies, la Z C I T est relativement bien installée sur le Sahel et, du coup, les facteurs prépondérants quant aux précipitat ions ne sont plus liés, en priorité, à ses déplacements .

Par ailleurs, cette remarque pourrait expl iquer les échecs des tentatives de prévisions de précipitations à partir des anomal ies de SST (effet dépendant de la pér iode et de la zone considérée) .

Figure 5 - Variations de la divergence correspondant à des pluies accrues sur la zone "Sénégal" en milieu de saison des pluies

Figure 6 - Variations de la divergence correspondant à des pluies accrues sur la zone "Niger" en milieu de saison des pluies

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Enfin, en fin de saison des pluies, dans les facteurs favorables aux précipitat ions, on retrouve le rôle de la convergence pour toutes les stations étudiées mais , cette fois, couplée avec une augmentat ion de la divergence sur la Z C I T . Il est donc possible qu ' i l se crée une circulation régionale de type «Hadley» entre la Z C I T et le golfe de Guinée , le renforcement de l 'une quelconque des branches a s c e n d a n t e ou d e s c e n d a n t e en t r a înan t ipso- fac to le renforcement de l 'autre. Il est donc difficile ici d ' évoquer une relation de cause à effet à propos de la SST.

Un autre é lément de réflexion concerne , en début de saison des pluies, l 'activité mér id ienne . En effet, si l 'on se place à l 'échelle globale, l 'activité mér idienne doit aug­menter entre l 'Amér ique du Sud et Madagascar pour l 'hémisphère Sud et sur les «bords» de la carte pour l 'hémisphère Nord, c 'es t-à-dire à l 'Ouest et à l 'Est (fi­gure 8) .

Les anomal ies de l 'activité méridienne favorables aux précipitations semblent donc être portées par des ondes en opposit ion de phase dans les deux hémisphères , de nombre d 'onde égal à 1. De plus, on note que l 'accroisse­ment des transferts méridiens dans l 'hémisphère Sud favo­rise l ' injection de «bouffées d ' a i r f ro id» su r l ' o céan Indien dans la ceinture inter-tropicale au niveau du canal du Mozambique . Il est alors tentant de faire le rapprochement avec le mécan i sme des ondes 30-60 jours proposé par Yasunari (1981) , mécan isme faisant intervenir des inva­sions d 'a i r «froid» dans la ceinture inter-tropicale en pro­venance de l 'hémisphère Sud.

Par ailleurs, l ' influence de l 'hémisphère Sud en début de saison des pluies semble très caractérist ique pour l ' ensemble des stations du Sahel.

Ceci est plutôt encourageant dans la perspect ive de la prévision du déc lenchement des précipitat ions pendant la mise en place de la mousson africaine. Or, compte- tenu des applicat ions agricoles, cette phase hydrique est la plus «sensible» pour les semis; la prévision à réaliser pendant cette pér iode est donc part iculièrement importante.

On peut tenter d ' interpréter les corrélat ions obser­vées dans l 'hémisphère Sud par rapport aux échanges énergét iques (schéma du type Lorenz) . En effet (figure 9), le développement de l ' instabilité barocline à partir de la m e r d e Weddell pourrait correspondre ici à l ' augmenta t ion de l 'activité mér idienne. Au passage, on peut noter que les pulsions engendrées par cette activité sont susceptibles d 'ê t re reliées à l ' augmentat ion de la convergence constatée près des côtes brési l iennes (encore qu ' i l soit difficile de discerner la relation de cause à effet).

Dans cet esprit, il faut également noter le ralent issement du Jet subtropical de l 'hémisphère Sud sur l 'Austral ie , ralentissement cohérent avec la diminution de la convergence à 200 hPa sur le désert australien. Il faut observer que ce ralent issement pourrait être relié aux fluctuations à 30-60 jours que l 'on remarque dans la cl imatologie de la convergence à 200 hPa sur l 'Austral ie. On peut penser qu ' i l pourrait se développer une instabilité barotrope à partir de l 'Austral ie. Ce phéno­mène , générateur d 'énerg ie cinét ique turbulente serait donc capable de participer à l 'act ivat ion des transferts méridiens à partir de l 'Amér ique du Sud.

11 va de soi que , pour aller plus en avant dans cette interprétation des corrélat ions, il faudrait disposer d ' informat ions sur les échanges énergét iques que, pour l ' instant, nous ne possédons pas. Cela dit, cette voie mérite sans doute d 'ê t re approfondie.

Figure 7 - Schéma-type de circulation méridienne favorable aux précipitations en début de saison des pluies

Figure 8 - Activité méridienne correspondant à des pluies accrues en début de saison des pluies

Figure 9 - Schéma-type de circulation dans l'hémisphère Sud correspondant à un accroissement des pluies au Sahel

La Météorologie 8L' série - n° 2 - ju in 1993 67

Enfin, en début de saison des pluies, il faut relever que les corrélat ions sur les régions sahéliennes sont relat ivement faibles ce qui confirme, si besoin était, que pour cette période-là et pour réaliser une prévision, il faudra aller chercher l ' infor­mation utile en dehors des zones sahél iennes.

Pour conclure sur ce chapitre il faut encore évoquer le rôle important que semblent devoir jouer les régions de l ' Inde, de l 'Asie du Sud-Est , de l ' Indonésie ou encore du Groenland-Labrador . En particulier, en milieu de saison des pluies, on relève que les augmenta t ions de la d ivergence sur la région Inde-Thibet correspon­dent à des augmenta t ions des précipitat ions sur le Sahel.

CONCLUSION Les différentes corrélat ions que l 'on a pu mettre en évidence, bien que très intéressantes, sont s implement des illustrations propres à guider la pensée dans la compréhens ion des phénomènes étudiés. Elles ne peuvent , en aucun cas , être considérées c o m m e des faits certains et acquis .

En effet, les séries utilisées sont très courtes et, de plus , des changements importants dans le modè le du C E P M M T peuvent fausser la perception que l 'on a des phénomènes naturels au travers des analyses du modèle . A titre d ' exemple , on peut relever le changement de paramétr isat ion de la convect ion profonde réalisé en mai 85 qui est, en tout ou en partie (?). masqué par la position de la Z C I T sur le Sahel part iculièrement en début de saison des pluies (position plus nord que la normale sur l 'est).

Il faudra donc vérifier la stabilité des résultats présentés ici avec les données les plus récentes du C E P M M T . D 'aut re part, quelques réflexions c o m m e le rôle de l 'Austral ie , de l ' Inde ou du golfe de Guinée méritent d 'ê t re confirmées ou infirmées par d 'aut res méthodes que celles utilisées ici. A ce titre, il convient , sans doute , d 'ut i l iser des modèles numériques . A partir des corrélat ions observées , on peut, en effet, introduire des forçages (sur la divergence par exemple) dans un modè le et regarder quelles sont les réponses de l ' a tmosphère aux sollicitations proposées; ce type d 'ana lyse doit permettre de vérifier les interprétations des corrélat ions, ainsi que leurs cohérences globales . Il faut signaler que l 'on a c o m m e n c é ce type de démarche à l ' E N M à Toulouse , à partir d 'un modè le global s imple à un niveau et q u ' o n compte la poursuivre ensuite avec un modèle à plusieurs niveaux comprenant également une partie physique modulaire .

Dans l 'esprit annoncé , il faut également souligner le rôle ex t rêmement important que doivent jouer les prévisionnistes en pratiquant, en quelque sorte, le j eu de la vérité terrain (ce qui doit être possible en particulier pour les résultats concernant le bassin médi terranéen et l 'Afrique).

Enfin, quelques déve loppements en direction des oncles 30-60 jours , des interactions océan-a tmosphère ou encore des échanges énergét iques et de la circu­lation générale ont été esquissés ici ; il reste à les mener à bien.

Remerciements Il faut remercier tout part icul ièrement le centre Agrhymet de Niamey ainsi que le C E P M M T pour la mise à disposit ion du jeu de données qui a servi dans cette étude.

BIBLIOGRAPHIE Céron, J.P., I988.AZ3. un projet, des études. Document de travail de la Direction de la Météorologie nationale, Toulouse.

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