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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance Josée St-Pierre, Ph. D Claude Mathieu, Ph. D

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LL’’iinnnnoovvaattiioonn ddee pprroodduuiitt cchheezz lleess PPMMEE mmaannuuffaaccttuurriièèrreess :: oorrggaanniissaattiioonn,, ffaacctteeuurr ddee ssuuccccèèss eett ppeerrffoorrmmaannccee

Josée St-Pierre, Ph. D Claude Mathieu, Ph. D

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Les auteurs aimeraient remercier Daniel Pitre et Julie Croteau pour leur travail d’assistance de recherche ainsi que le professeur Louis Raymond pour ses conseils judicieux et les discussions enrichissantes, notamment au niveau de la validation du modèle final.

L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

par

Josée St-Pierre, Professeure titulaire

Directrice du Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises

et Claude Mathieu, Professeur agrégé

Rapport de recherche

présenté au

Ministère des Finances, de l’Économie et de la Recherche

Mars 2003

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

Sommaire exécutif

Le besoin des entreprises manufacturières d’innover n’est plus un

phénomène contestable en soit, étant donné la réduction de la durée de vie des

produits et la présence d’une concurrence de plus en plus vive et de moins en moins

prévisible. Ne pas innover, que ce soit à la marge ou de façon radicale, c’est refuser

de s’adapter aux exigences accrues des clients et de se soumettre aux normes

qu’impose le nouvel environnement économique mondial. Un certain nombre de PME

acceptent de se soustraire à ces nouvelles réalités en produisant des produits

particuliers pour une clientèle fidèle dont les exigences évoluent peu. Mais ces

entreprises constitueront de plus en plus l’exception.

Innover n’est pas synonyme de facilité. Il faut se remettre en question,

gérer l’incertitude, être créatif et accepter que des erreurs coûteuses n’entraînent

pas l’abandon des activités mais plutôt une révision des façons de faire. Les

organisations de petite et moyenne taille n’ont pas toutes les capacités d’innover, et

certaines de celles qui ont ces capacités n’ont pas les ressources pour le faire ou ne

savent pas comment composer avec un environnement où l’incertitude et le risque

dominent.

Vouloir stimuler l’innovation chez les PME, alors que celle-ci est empreinte

d’incertitude et de risque, implique qu’il faille peut-être assurer un certain contrôle

sur l’environnement afin de permettre aux entrepreneurs de réduire les risques

d’échec qu’ils sont souvent incapables d’encaisser sans conséquences majeures.

L’innovation est un processus dynamique qui évolue selon un cycle de vie au cours

duquel les besoins, l’incertitude et les défis se modifient continuellement. Un soutien

financier à certaines étapes critiques de l’innovation, un soutien en ressources

humaines ou en expertise marketing à une autre étape ou encore un soutien

technique pour réduire l’incertitude dans le développement des nouveaux produits ou

modifiés sont des interventions « ciblées » qui peuvent favoriser l’innovation chez les

PME. Ces différentes interventions peuvent prendre les formes suivantes :

développer des activités de veille stratégiques ciblées afin de connaître les

besoins des clients et réduire l’incertitude commerciale,

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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suggérer l’utilisation d’outils ou de systèmes de production qui permettent

une définition précise des produits pour réduire les coûts et rendre plus

efficace leur développement,

favoriser les collaborations spécifiques avec les partenaires de la chaîne

logistique en conception/R-D, en production et en marketing/ventes,

implanter certaines pratiques de gestion des ressources humaines pour

favoriser la rétention du personnel clé que les PME ont des difficultés à

recruter,

formaliser les activités de R-D afin de créer un environnement propice, créatif

et flexible, et

assurer un financement adéquat à certaines phases critiques alors que les

marchés financiers sont peu enclins à intervenir.

Ces interventions pourraient permettre à certaines PME d’innover, à

condition qu’elles aient à leur tête un dirigeant ouvert, pro-actif, engagé et qui vise

le développement de son entreprise. Au-delà de ces interventions et parce que

l’innovation est un processus évolutif, il faut « supporter » les PME de diverses

façons.

Finalement, accentuer l’innovation chez les PME peut mettre un certain

temps à produire des retombées positives. En effet, l’innovation stimule la

croissance, mais à court terme, elle peut réduire la productivité. La patience doit

guider les interventions des pouvoirs publics. Il nous paraît plus important de

développer à court terme les capacités d’innovation des PME qui, conjuguées à des

activités de R-D formalisées, favoriseront la compétitivité et la productivité des

entreprises à long terme.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

Table des matières

Sommaire exécutif ................................................................................... i

Table des matières ................................................................................... iii

Liste des tableaux .................................................................................... iv

Liste des figures et des schémas ................................................................ v

Introduction ............................................................................................ 1

1. L’innovation dans les PME : mise en contexte ......................................... 5

2. Les variables stimulant l’innovation dans les PME : Développement d’un cadre conceptuel .......................................................................... 9

2.1. L’entrepreneur ............................................................................ 9

2.2. L’environnement interne (les ressources et l’organisation)................ 11

2.2.1. Les ressources disponibles chez l’entreprise.......................... 12

2.2.2. L’organisation de l’entreprise et son mode de travail.............. 16

2.3. L’environnement externe.............................................................. 24

3. L’innovation et la performance dans les PME........................................... 26

3.1. L’innovation et la performance...................................................... 27

3.2. L’innovation et l’exportation ......................................................... 28

3.3. Synthèse.................................................................................... 31

4. Présentation des résultats et analyse des données .................................. 32

4.1. Description de l’échantillon et de l’innovation.................................. 32

4.2. Description des entreprises selon leur degré d’innovation ................. 36

4.3. Compréhension de l’innovation dans les PME manufacturières .......... 43

4.3.1. Détermination des facteurs influençant l’innovation ............... 43

4.3.2. Relations entre l’innovation et la performance des entreprises ....................................................................... 46

5. Relations entre l’entreprise, l’intensité de la R-D, l’innovation et la performance....................................................................................... 52

6. Principales références .......................................................................... 55

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

Liste des tableaux

1 Proportion d’innovateurs en nouveaux produits par taille (%) .............. 7

2 Innovation chez les entreprises manufacturières de l’Union Européenne ................................................................................... 7

3 Description sommaire de l’échantillon (N = 343) ................................ 32

4 Répartition des activités de R-D chez les entreprises québécoises................................................................................... 33

5 Répartition des ventes des deux dernières années (en %)................... 33

6 Relation entre l’innovation et la réalisation d’activités de R-D............... 34

7 Taux d’innovation des entreprises selon leur engagement dans des activités de R-D (%) ................................................................. 34

8 Décisions des entreprises concernant la protection de leur savoir-faire ou de leurs innovations .................................................. 35

9 Caractéristiques de l’entrepreneur et degré d’innovation ..................... 36

10 Profil général de l’entreprise et degré d’innovation ............................. 37

11 Ressources financières et degré d’innovation ..................................... 38

12 Pratiques de gestion des ressources humaines et degré d’innovation .................................................................................. 39

13 Proximité du marché et stratégie marketing et degré d’innovation .............. 40

14 Origine, gestion et diffusion de l’information et degré d’innovation .............. 40

15 Collaborations d’affaires et degré d’innovation ................................... 42

16 Recherche et développement et innovation........................................ 42

17 Flexibilité et contrôle et innovation ................................................... 43

18 Relations entre le profil de l’entrepreneur, les caractéristiques de l’entreprise et l’innovation........................................................... 44

19 Relations entre différents indicateurs de performance et le degré d’innovation des PME ............................................................. 47

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

Liste des figures et des schémas

Figure 1 Le modèle des entreprises « intelligentes » de Matheson et Matheson (2001).............................................................. 3

Figure 2 Évolution des incertitudes et des flux monétaires selon le stade de développement d’un projet ....................................... 15

Schéma 1 Besoins, incertitude et défis particuliers liés à l’innovation selon les stades de développement ....................... 22

Figure 3 Cadre conceptuel expliquant les relations entre les caractéristiques de l’entreprise, l’innovation et la performance........................................................................ 31

Figure 4 Relations entre les PME, le degré d’innovation et la performance........................................................................ 49

Figure 5 Relations entre l’entreprise, l’intensité de la R-D, l’innovation et la performance................................................ 50

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

Introduction

Dans le nouvel environnement global dominé par l’accélération des

changements technologiques, les exigences accrues des clients, la réduction de la

durée de vie des produits, et une offre de biens et services de plus en plus étendue,

l’innovation est vue comme un élément clé du maintien de la compétitivité des

entreprises (Chapman et al., 2001). Ceci justifie l’intérêt qu’on peut accorder à

l’innovation, celle-ci étant considérée comme un moteur de croissance économique

et de création de richesse significatif.

Ainsi, l’innovation de produits permettrait aux entreprises de maintenir leur

position sur le marché ou leurs relations avec leurs clients importants, l’innovation

dans leurs façons de faire viserait une production à des coûts de plus en plus bas

pour demeurer compétitifs, et l’innovation sociale assurerait un climat propice à la

flexibilité de l’organisation (Heunks, 1998). Les entreprises incapables de s’adapter à

ces nouvelles exigences en modifiant leurs façons de faire et en ajustant leur

organisation risquent de perdre des parts de marché et leur position concurrentielle

(Koufteros et al., 2002).

Simon et al. (2002) ajoutent que l’introduction de nouveaux produits sur le

marché peut accroître la richesse de son créateur de façon considérable dans le cas

d’un succès, ou le pousser vers la faillite dans le cas d’un échec! Les effets de

l’innovation sur la performance sont donc loin d’être évidents et ne font pas

nécessairement l’unanimité. L’innovation est synonyme de nouveauté et d’incertitude

et donc, de risque, ce qui accroît la complexité de sa gestion.

Certaines entreprises réussissent à innover alors que d’autres connaissent

des échecs retentissants. Dans le cas des plus petites entreprises, leur fragilité et

leur dépendance à l’environnement ne leur permettent pas de connaître plusieurs

échecs sans mettre leur survie en cause. Li et Atuahene-Gima (2001) expliquent que

l’absence de consensus concernant les conséquences positives de l’innovation sur la

performance est attribuable au fait qu’on ne tient pas compte des facteurs de

contingence pouvant modérer cette relation, comme la turbulence de

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l’environnement, le degré de compétition, le soutien gouvernemental et institutionnel

offert aux entreprises. Leurs résultats confirment ainsi que l’innovation n’est pas une

activité « individuelle » devant être considérée uniquement au niveau de l’entreprise,

mais que son succès est lié à son intégration dans une vision plus large qui prend en

compte l’environnement interne et externe de la firme. Pour Schumpeter,

l’innovation ne mène pas uniquement à des produits et services supérieurs, mais elle

remet en question la position concurrentielle des entreprises qui refusent de

progresser et de s’adapter aux nouvelles façons de faire (Vossen, 1998).

L’analyse de l’innovation dans le but d’identifier des facteurs de succès doit

alors s’étendre aussi bien aux ressources de l’entreprise qu’à son développement

organisationnel, à sa stratégie, à ses façons de faire, à son comportement, etc.

Olson et al. (2001) ajoutent que l’innovation ou le développement de nouveaux

produits est un processus multi disciplinaire qui exige une certaine coordination et

une gestion « intelligente » pour devenir un succès. Les entreprises qui augmentent

le degré d’interactions entre les départements, pendant un processus d’innovation,

en développant les mécanismes de coordination et les structures organisationnelles

appropriées connaissent plus de succès dans leurs activités d’innovation que les

autres.

Toutes ces études montrent à quel point l’environnement interne de

l’entreprise, son mode d’organisation, ses processus d’affaires doivent être combinés

d’une façon cohérente pour stimuler l’innovation ou faire en sorte que celle-ci puisse

se développer dans un climat propice. À partir de l’étude de plusieurs centaines

d’entreprises, Matheson et Matheson (2001) ont élaboré un modèle de gestion,

identifié aux neuf principes de l’entreprise intelligente, selon lequel les valeurs et la

culture de l’organisation sont mises en évidence comme des facteurs favorisant

l’implantation de saines pratiques de gestion, contribuant à la performance de celle-

ci. Ils présentent ainsi un modèle qualifiant les entreprises intelligentes ou

susceptibles de connaître plus de succès dans l’adoption de bonnes pratiques

d’affaires, à partir de neuf principes de base illustrés à la figure 1.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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FFiigguurree 11 LLee mmooddèèllee ddeess eennttrreepprriisseess «« iinntteelllliiggeenntteess »» ddee MMaatthheessoonn eett MMaatthheessoonn ((22000011))

Les entreprises qui utilisent de « bonnes pratiques » et qui gèrent de façon

« intelligente et professionnelle » leur développement ont cinq fois plus de chances

de devenir des leaders dans leur milieu. L’intérêt de cette figure est qu’elle permet

d’attirer l’attention sur les dimensions favorisant le succès des entreprises. Nous

nous en inspirerons pour montrer qu’au-delà du simple concept d’innovation ou de

pratiques destinées à favoriser l’innovation, comme la R-D, il y a des éléments

qualitatifs de l’environnement et de l’organisation de l’entreprise qui sont

susceptibles d’agir positivement sur l’innovation. Nous rejoignons ainsi les propos de

Landry et Amara (2002, p. iv), qui affirment que :

(…) l’innovation ne dépend plus uniquement de l’utilisation de facteurs tangibles comme les ressources financières et les technologies avancées, mais elle dépend de plus en plus de la façon dont les entreprises utilisent les facteurs intangibles. Ces facteurs intangibles concernent la façon de mobiliser des connaissances associées tant à des facteurs internes qu’à des facteurs externes aux entreprises. Les facteurs internes concernent le capital intellectuel des entreprises, en particulier les caractéristiques de la main-d’œuvre, les activités de R-D, le capital technologique et divers autres facteurs contextuels. Quant aux facteurs externes, ils renvoient aux connaissances qui proviennent du capital de réseau des entreprises, notamment l’intensité d’utilisation des sources externes de connaissances.

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Dans le même ordre d’idées, St-Pierre et al. (2003) ont pu mettre en

évidence, dans une étude empirique réalisée sur des PME québécoises, le lien

existant entre les orientations stratégiques de l’entrepreneur, l’organisation de son

entreprise et sa performance. Les résultats de cette étude montrent qu’une cohésion

entre les orientations stratégiques et l’organisation de l’entreprise favorise une

bonne performance, que celle-ci soit liée ou non à l’innovation. Autrement dit, une

PME n’a pas besoin d’être innovante pour être performante alors qu’une PME

innovante doit avoir un environnement aligné sur sa stratégie pour être performante.

Ce qui signifie que l’innovation réalisée dans un environnement inadéquat peut ne

pas être associée à la performance.

Ces propos justifient qu’on regarde avec des lunettes différentes le

phénomène de l’innovation dans le but d’identifier des pratiques, des politiques ou

des outils à mettre en place dans les PME pour les inciter à innover davantage. Ce

sera l’objet de ce rapport qui sera consacré à l’étude d’un important échantillon1 de

PME manufacturières québécoises. L’étude de l’innovation dans le but de documenter

les pratiques utilisées par les entreprises innovantes se fera ainsi dans un contexte

global.

Ce rapport sera composé de quatre parties. Dans la première partie, nous

discuterons des difficultés à définir l’innovation et de la confusion présente dans la

littérature, confusion qui a contribué à expliquer le faible niveau de connaissances

que nous avons du phénomène. Les deuxième et troisième mettront en lumière les

concepts relevés dans la littérature qui permettront d’identifier les facteurs clés de

l’innovation, de définir les liens attendus entre l’innovation et la performance et

finalement, de lier l’innovation à l’exportation des PME. La quatrième partie sera

consacrée à la présentation et à l’analyse des résultats, après quoi nous formulerons

les conclusions et certaines recommandations pour les pouvoirs publics.

------------------ 1 Les divers travaux recensés dans la littérature sur les PME font souvent appel à de petits échantillons ou à des études de cas sur un nombre restreint d’observations, pour mettre en évidence divers phénomènes. Des études statistiques sur des échantillons de plusieurs centaines d’entreprises, comme dans le cas présent, constituent plus l’exception que la règle, ce qui justifie que nous considérions «important» l’échantillon.

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1. L’innovation dans les PME : mise en contexte

La recherche sur l’innovation est présentement dans un état de confusion

relativement grand étant donné le peu d’homogénéité dans la définition même de

l’innovation qui est pourtant au centre des réflexions. Karlsson et Olsson (1998)

mentionnent quelques-unes de ces définitions relevées dans la littérature : pour

Elam, l’innovation est définie comme la combinaison de matières d’une façon

différente pour produire « autre chose » ou la même chose mais de manière

différente; Urabe soutient que toute innovation doit générer un développement

positif, soit en termes de croissance économique, de croissance de l’emploi ou

d’amélioration de la rentabilité; pour Biemans, l’innovation est liée à l’un des trois

concepts suivants : le processus de développement d’un nouveau produit, le

processus d’adoption d’un nouveau produit, ou le nouveau produit en tant que tel.

Ces définitions ne sont pas toujours « opérationnalisables » et peuvent présenter

certains problèmes de mesure lorsqu’on veut avoir une image globale du phénomène

et de son intensité.

Parmi les mesures utilisées, on trouve le budget de R-D dédié au

développement de produit, la détention de brevets ou de marques de commerce, le

taux d’introduction sur le marché de nouveaux produits pour l’entreprise, le taux

d’introduction sur le marché de nouveaux produits pour le marché, etc. Les premiers

indicateurs ne conviennent pas aux PME et ce, pour les raisons suivantes.

Premièrement, leurs activités de R-D sont souvent informelles et non comptabilisées,

sauf si les entreprises sollicitent des crédits fiscaux. Ajoutons, comme le fait

Audretsch (1995) que les activités de R-D ne sont pas toutes destinées à la

production d’innovation, mais qu’elles peuvent également être orientées vers

l’imitation d’une nouvelle technologie ou son transfert dans l’entreprise. L’utilisation

du budget destiné aux activités de R-D pour mesurer l’importance de l’innovation

dans les PME peut ainsi sous-évaluer de façon significative leur taux réel

d’innovation. En effet, les PME ne mesurent pas toujours de façon formelle les

sommes d’argent qu’elles consacrent à la R-D surtout si les processus sont diffus et

non organisés, alors qu’elles peuvent développer de nouveaux produits sans que les

processus ne soient structurés. Par ailleurs, il existe habituellement un écart

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temporel plus ou moins grand entre les activités de R-D et l’innovation en tant que

telle, selon son degré de nouveauté ou de « radicalité ». Il est donc relativement

difficile d’associer « correctement » et sans ambiguïté ces deux notions.

Deuxièmement, les innovations des PME sont souvent non brevetables, ou

les entreprises ne veulent pas les breveter pour diverses raisons. D’une part, les

délais ou les exigences administratives ne conviennent pas à la réalité des PME et,

d’autre part, les obligations de révélation de certaines informations stratégiques sur

l’innovation peuvent placer l’entreprise en situation de vulnérabilité face à des

concurrents ayant plus de ressources. Finalement, leurs innovations sont souvent

marginales et incrémentales d’où la difficulté d’en déterminer l’origine et l’ampleur.

En somme, les activités de R-D, les ressources qui y sont allouées, la

détention de brevets ou de marques de commerce, ne permettent pas de cerner

l’innovation en tant que telle, mais plutôt certains éléments du processus pouvant

mener à l’innovation.

Garcia et Calantone (2002), dans un important travail de synthèse pour

arriver à présenter une certaine cohérence, ont critiqué les chercheurs en mettant en

parallèle le manque de rigueur dans les définitions utilisées et le niveau relativement

faible de connaissance qu’on ait encore aujourd’hui de ce phénomène qui a

abondamment été étudié depuis plus d’un demi siècle. Ils ont d’ailleurs relevé, dans

la littérature, 51 mesures distinctes de l’innovation sur le développement de

nouveaux produits, rendant hasardeuse toute comparaison des résultats des

recherches et empêchant la formulation d’un cadre conceptuel global pour poursuivre

la recherche dans ce domaine. Ils ajoutent que ces définitions différentes ne peuvent

que nuire à une bonne compréhension du phénomène de l’innovation dans la mesure

où des facteurs clés jugés importants par un auteur devant stimuler l’innovation

peuvent être utilisés par un autre qui ferait appel à une mesure différente de

l’innovation.

Les statistiques publiées récemment pour les pays de l’Union européenne

montrent que les taux d’innovation varient selon la taille des entreprises et le pays

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où elle se trouve. Par contre, le tableau 1 montre que dans tous les pays, les

échantillons de grandes entreprises présentent un pourcentage plus élevé

d’entreprises innovantes que les autres catégories.

TTaabblleeaauu 11 PPrrooppoorrttiioonn dd’’iinnnnoovvaatteeuurrss eenn nnoouuvveeaauuxx pprroodduuiittss ppaarr ttaaiillllee ((%%))

BBeellggiiqquuee AAlllleemmaaggnnee EEssppaaggnnee FFrraannccee IIrrllaannddee PPaayyss--BBaass AAuuttrriicchhee FFiinnllaannddee SSuuèèddee RRooyyaauummee--UUnnii NNoorrvvèèggee

Total 14 24 11 20 27 28 24 18 25 19 14

PE 12 19 7 14 23 21 14 12 21 15 8

ME 13 22 17 22 28 33 31 17 24 19 17

GE 29 46 38 42 50 53 42 45 43 37 36

Source : Foyn, 2000

Une autre source d’information internationale répartit les taux d’innovation

des entreprises selon leur pays d’appartenance. Les statistiques du tableau 2 (partie

A) ne sont pas tout à fait conformes à celles du tableau 1, confirmant les difficultés à

mesurer adéquatement l’innovation dans les entreprises. Ceci justifie la décision de

l’OCDE de procéder à une définition formelle de l’innovation afin de s’assurer de la

comparabilité des informations relevées dans différents pays (Manuel d’Oslo). Le

même tableau montre que l’intensité de l’innovation (partie B) et le taux d’innovation

(partie C) sont également variables d’un pays à l’autre.

TTaabblleeaauu 22 IInnnnoovvaattiioonn cchheezz lleess eennttrreepprriisseess mmaannuuffaaccttuurriièèrreess ddee ll’’UUnniioonn EEuurrooppééeennnnee

A. Pourcentage d’entreprises innovantes BBeellggiiqquuee AAlllleemmaaggnnee EEssppaaggnnee FFrraannccee IIrrllaannddee LLuuxxeemmbbuurrgg PPaayyss--BBaass AAuuttrriicchhee FFiinnllaannddee SSuuèèddee RRooyyaauummee--UUnnii NNoorrvvèèggee

27 69 29 43 73 42 62 67 36 54 59 48

B. Dépenses d’innovation en pourcentage du chiffre d’affaires* BBeellggiiqquuee AAlllleemmaaggnnee EEssppaaggnnee FFrraannccee IIrrllaannddee LLuuxxeemmbbuurrgg PPaayyss--BBaass AAuuttrriicchhee FFiinnllaannddee SSuuèèddee RRooyyaauummee--UUnnii NNoorrvvèèggee

2,2 4,1 1,8 3,9 3,3 - 3,8 3,5 4,3 7,0 3,2 2,7

C. Pourcentage du chiffre d’affaires total imputable aux nouveaux produits ou aux produits améliorés dans le secteur manufacturier

BBeellggiiqquuee AAlllleemmaaggnnee EEssppaaggnnee FFrraannccee IIrrllaannddee LLuuxxeemmbbuurrgg PPaayyss--BBaass AAuuttrriicchhee FFiinnllaannddee SSuuèèddee RRooyyaauummee--UUnnii NNoorrvvèèggee

14 43 27 21 32 - 25 - 25 31 23 20

* Inclut les investissements intra-muraux dans la R-D, l’acquisition de machines et d’équipements, la technologie non incorporée tels les brevets, les inventions non brevetées, les licences, les savoir-faire et les marques (1996)

Source : Eurostat, 1999

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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On retiendra la définition que l’OCDE2 (p. 112) donne de l’innovation et qui

fait la distinction entre deux éléments importants, soit l’invention et l’innovation,

celle-ci ayant atteint le marché, et le fait que le processus soit itératif et donc

dynamique, pouvant ainsi comprendre des innovations radicales et d’autres plus

marginales :

(…) Innovation is an iterative process initiated by the perception of a new market and/or new service opportunity for a technology-based invention which leads to development, production, and marketing tasks striving for the commercial success of invention.

Dans ce rapport, tout comme Garcia et Calantone (2002), nous définirons

l’innovation du point de vue de l’entreprise, soit à partir du volume d’activités

attribuable à de la nouveauté. Cette définition convient à la réalité des PME, comme

le note Freel (2000a, b), et nous permettra de nous concentrer sur le processus et

les facteurs organisationnels qui peuvent stimuler l’introduction de nouveaux

produits ou de produits modifiés sur le marché.

La prochaine section sera consacrée à l’identification et à la justification des

variables qui serviront à réaliser les tests statistiques présentés à la quatrième

partie. Le développement de ce cadre conceptuel est nécessaire pour permettre une

meilleure compréhension du contexte dans lequel se développe l’innovation dans les

PME. Il est possible à l’occasion de voir des contradictions quant au rôle que

certaines variables doivent jouer, ce qui est normal et montre à quel point ce

phénomène est mal connu dans le contexte particulier des PME. Cet aspect retiendra

notre attention et sera approfondi dans le travail statistique. Dans la troisième

section, nous ferons le lien entre l’innovation et la performance et finalement, entre

l’innovation et l’exportation. Un schéma de ce cadre conceptuel sera présenté à la fin

de cette section.

------------------ 2 Voir Garcia et Calantone (2002).

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2. Les variables stimulant l’innovation dans les PME : Développement d’un cadre conceptuel

Il semble que certaines variables fassent une relative unanimité quant à

l’importance du rôle qu’elles jouent sur la propension à innover des PME ainsi que sur

leur degré d’innovation.

Parmi les principaux facteurs jouant un rôle déterminant sur l’innovation,

Karlsson et Olsson (1998) considèrent les réseaux ainsi que les caractéristiques de

l’entreprise et son environnement. Pour Heunks (1998), l’innovation dépend du

degré de maturité de l’entreprise, de sa flexibilité, du type d’entrepreneur et de la

disponibilité de ressources diverses. Reprenons ces facteurs au regard des

justifications formulées par divers auteurs.

2.1 L’entrepreneur

Évidemment, parce que nous sommes dans un contexte de PME, il nous faut

analyser le rôle de l’entrepreneur sur le développement de l’innovation. Karlsson et

Olsson (1998) rappellent d’ailleurs que la présence de personnel qualifié ne suffit pas

si l’entrepreneur n’est pas « engagé » dans le succès de l’innovation. Son intérêt

pour celle-ci, sa capacité à générer de nouvelles idées, sa propension à encourager

l’intrapreneurship seront des éléments clés permettant de maintenir un climat

« créatif » et propice à l’innovation. Cette idée est également confirmée par Docter

et al. (1989), dans une enquête sur l’innovation dans les PME hollandaises.

Pour Heunks (1998), l’intérêt que manifeste l’entrepreneur pour l’innovation

et l’expérience qu’il détient dans la gestion de celle-ci au moment de créer

l’entreprise devraient stimuler l’innovation. Les entrepreneurs affichant un certain

degré de créativité et d’innovation sont hautement scolarisés, extravertis, ouverts

aux défis, orientés vers l’indépendance, preneurs de risque. L’orientation vers

l’indépendance peut toutefois venir en contradiction avec d’autres variables qui

présentent les entrepreneurs innovateurs comme étant ouverts et flexibles, ce qui

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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aura évidemment des incidences sur les choix de financement et pourrait nous

mener à des résultats ambigus.

Pour favoriser le succès de l’innovation, Simon et al. (2002), dans le cas

particulier des produits innovateurs pour le marché (créant un nouveau marché),

insistent sur l’importance de l’engagement et de l’adaptabilité de l’entreprise.

L’engagement est nécessaire étant donné le risque élevé associé à ce type

d’innovation lié notamment à l’incertitude dans la demande, l’importance des

investissements exigés, la période d’attente avant d’atteindre la rentabilité et les

délais de développement supérieurs à ceux des produits modifiés. L’engagement est

mesuré par la présence d’un inventeur dédié au succès de son produit, la confiance

de l’entrepreneur et l’orientation « marketing » de l’entreprise (étude de marché,

force de vente, veille commerciale, réaction de la concurrence). Quant à

l’adaptabilité, elle est nécessaire afin de permettre à l’entreprise de réagir

rapidement à toute information provenant du marché et modifiant les conditions

d’acceptation du produit, ou encore à réagir au comportement de la concurrence. Elle

est mesurée par l’esprit entrepreneurial de l’entreprise (tolérance aux erreurs,

flexibilité), le degré de nouveauté technologique (contenu technologique du produit)

et le dynamisme environnemental. Une forte propension de l’entrepreneur à être

pro-actif et agressif dans l’implantation des nouvelles technologies ou l’introduction

de nouveaux produits et services sont reconnus comme des éléments favorisant

l’adaptabilité.

Finalement, l’entrepreneur « fondateur » peut être un moteur de l’innovation

dans la mesure où la création de l’entreprise est elle-même considérée comme une

innovation qui, en ce sens, a nécessité de suivre une démarche semblable à celle de

développement d’un nouveau produit.

Dans une étude statistique récente, St-Pierre et al. (2003), ont confirmé

l’influence significative que jouait l’entrepreneur sur les orientations de l’entreprise et

le modèle d’affaires auquel elle adhère, à partir de la définition de ses objectifs

stratégiques, de sa volonté de croissance et de son ouverture vers l’extérieur. Dans

cette étude, les entreprises « innovantes » ou fortement orientées vers des modèles

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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d’affaires dynamiques sont dirigées par des entrepreneurs plus scolarisés, ouverts et

qui manifestent un intérêt marqué pour la R-D, alors que les PME « globales » ont à

leur tête des dirigeants ouverts, modernes, ambitieux et qui sont tournés vers les

pratiques d’affaires exemplaires. Il est alors incontestable que l’étude de l’innovation

dans la PME ne puisse se faire sans prendre en considération l’entrepreneur, sa

vision, ses objectifs, etc.

2.2 L’environnement interne (les ressources et l’organisation)

L’environnement interne de l’entreprise est considéré par plusieurs auteurs

comme un catalyseur important et significatif des activités d’innovation. L’innovation

étant la matérialisation de la créativité, celle-ci ne peut se réaliser que si

l’environnement est stimulant et qu’une possibilité de situation chaotique ne perturbe

pas de façon majeure l’entreprise. On a alors besoin de flexibilité, de motivation, de

participation et d’engagement de la direction et des employés.

L’innovation est également considérée comme un processus collectif et non

individuel. Elle dépend d’une combinaison efficace entre la flexibilité de l’entreprise

pour permettre la créativité et l’émission d’idées nouvelles et un contrôle plus diffus

afin d’assurer une certaine liberté et un déplacement des idées de bas en haut dans

l’entreprise (Heunks, 1998). Pour créer un environnement propice, on aura alors

une entreprise qui est capable de se remettre en question rapidement et

efficacement. L’information y circule librement et les activités de veille sont

organisées et structurées. Le personnel est impliqué, motivé et invité à prendre part

aux décisions.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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22..22..11 LLEESS RREESSSSOOUURRCCEESS DDIISSPPOONNIIBBLLEESS CCHHEEZZ LL’’EENNTTRREEPPRRIISSEE

La taille de l’entreprise

Parce qu’elles bénéficient d’économies d’échelle et de pouvoir de marché, les

grandes entreprises pourraient être plus aptes à innover que les plus petites. Cette

affirmation, inspirée des travaux de Schumpeter au milieu du siècle dernier,

considérait les ressources au niveau de leur disponibilité, de leur accès et du contrôle

que leur détention procurait sur l’environnement, comme stimulant l’innovation

(Vossen, 1998). Le pouvoir de marché permet aux entreprises de réduire

l’incertitude liée au processus de R-D, favorisant ainsi des investissements

supérieurs (Van Dijk et al., 1997).

D’un autre côté, une taille plus importante permet aux entreprises de

couvrir les coûts fixes liés aux activités de R-D et de répartir les risques du

lancement d’un nouveau produit sur l’ensemble de leur portefeuille de projets,

réduisant ainsi les pressions sur le reste de l’organisation (Vossen, 1998; Van Dijk

et al., 1997).

Par contre, l’instabilité du marché et la réduction de la durée de vie des

produits que l’on connaît depuis plusieurs années devrait diminuer l’intérêt pour la

production de masse dominée par les grandes entreprises et favoriser la production

plus spécialisée, en petits lots, qui exige plus de flexibilité de la part des producteurs.

De même, un contact plus près de la clientèle et du marché constituerait un atout

important assurant l’adoption plus rapide du produit. Cette proximité du marché et

la flexibilité des entreprises seraient plus souvent rencontrées chez les PME

(Menkveld et Thurik, 1999; Roper, 1997). Van Dijk et al. (1997) ajoutent à ceci que

les plus jeunes entreprises sont plus susceptibles de présenter ces caractéristiques

d’adaptabilité, d’efficience et de flexibilité, qui ont tendance à s’estomper à mesure

qu’elles confirment leur position sur le marché.

Le rôle de la taille et l’influence des économies d’échelle dans le

développement de l’innovation pourront être réduits dans la mesure où les

entreprises peuvent combler leur manque de ressources en partageant avec d’autres

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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celles qui sont nécessaires. On fera alors intervenir comme facteur stimulant,

l’appartenance à des réseaux ou le développement de collaborations ou d’ententes

de travail. D’un autre côté, la flexibilité et le mode de fonctionnement des PME

pourraient également contrebalancer l’importance de la taille, confirmant ainsi que

leur principal avantage dans le développement de l’innovation, est de nature

comportementale (Freel, 2000b).

Les ressources financières

À cause des longs délais de récupération et du risque des activités de nature

immatérielle lié à l’incertitude, l’innovation requiert des ressources financières qui ne

sont pas facilement accessibles aux petites entreprises. Ces besoins financiers

évolueront au rythme de l’innovation, pour couvrir les étapes de R-D où l’incertitude

technologique est importante, jusqu’à la mise en marché alors qu’on devra faire face

à une plus grande incertitude commerciale. D’ailleurs, les besoins financiers de cette

dernière phase sont estimés à 20 fois les ressources investies en R-D (Freel, 2000b),

ce que la plupart des PME ne peuvent s’offrir. Par contre, une clientèle composée de

quelques clients pourrait réduire les besoins d’une mise en marché de masse.

Quoi qu’il en soit, le problème est suffisamment important pour faire l’objet

d’un groupe de travail spécifique à l’OCDE depuis plusieurs années, groupe dont les

travaux consistent à identifier des solutions pour favoriser l’innovation chez les PME,

en leur fournissant les ressources financières en quantité suffisante, au moment

opportun et à des conditions qui respectent leurs spécificités sans augmenter le

risque total de l’entreprise. Dans son Bulletin d’information, la Banque de France

affirmait d’ailleurs récemment (Planès et al., 2002, p. 67) :

(…) qu’un tiers des firmes ayant eu un projet innovant entre 1994 et 1996 ont fait face à des contraintes financières qui se reflètent dans le coût d’accès au crédit. Elles se caractérisent à la fois par une plus faible autonomie financière qui augmente le risque de faillite et une plus forte part de l’immatériel dans l’investissement innovant. Ce dernier facteur diminue la part recouvrable des actifs par les partenaires financiers et augmente le risque de crédit.

Les marchés financiers semblent peu enclins à financer les activités

d’innovation des PME, parce qu’ils ont souvent de la difficulté à en déterminer le

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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niveau de risque réel ou qu’ils ne comprennent pas bien son processus de

développement. Même les sociétés de capital de risque ont modifié leur offre de

financement dans les dernières années, à cause des pertes encourues sur une

grande partie de leur portefeuille, se déplaçant des stades de création-démarrage

aux étapes de commercialisation, là où la concurrence entre les bailleurs de fonds

est la plus importante. Évidemment, il s’agit en même temps des projets les plus

faciles à financer, étant donné la réduction significative de plusieurs facteurs

d’incertitude comme le montre la figure 2, dans laquelle on peut apprécier le fait que

le type d’incertitude s’ajuste à l’évolution du projet. La phase de recherche est

dominée par une incertitude technologique qui cède graduellement sa place à

l’incertitude commerciale lorsqu’on se trouve à l’étape de développement. On

pourrait ajouter à ces deux types d’incertitude, l’incertitude financière qui caractérise

les PME en général et le financement de l’innovation en particulier et qui

commencera à se manifester lorsque les besoins financiers seront supérieurs à la

capacité d’autofinancement de l’entreprise, ce qui peut être très variable selon le

contexte.

Malheureusement, seulement un petit nombre de projets d’innovation ayant

survécu aux phases de création se rendront à l’étape de commercialisation, à cause

notamment, d’un manque de ressources financières adaptées aux particularités du

projet. Comme le rappelle Lachman (1996, à partir de Adam et Farber), 90 % des

projets d’innovation sont abandonnés; 80 % le seront à la phase de recherche et

10 % (50 % des 20 % restants) échoueront au lancement. Le taux d’échec est

éloquent, indiquant bien le degré de risque inhérent à ce type d’activité.

Compte tenu de l’attitude des marchés financiers face au financement de

l’innovation, la rentabilité passée des entreprises ou leurs capacités de financement à

même leurs ressources internes pourrait être un facteur stimulant l’investissement

dans la R-D ou l’innovation (Van Dijk et al., 1997). L’autofinancement devient alors

la principale source de financement de l’innovation et celle-ci dépend de la rentabilité

historique de l’entreprise. Les résultats présentés par Planès et al. (2002) confirment

d’ailleurs cette situation a posteriori. Les entreprises qui innovent sont celles qui ont

réussi à autofinancer leur production, ce qui nous renseigne peu sur celles qui ont dû

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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laisser tomber un certain nombre de projets « prometteurs » pour des raisons

financières.

FFiigguurree 22 ÉÉvvoolluuttiioonn ddeess iinncceerrttiittuuddeess eett ddeess fflluuxx mmoonnééttaaiirreess sseelloonn llee ssttaaddee ddee ddéévveellooppppeemmeenntt dd’’uunn pprroojjeett

Source : Guinet, 1995

Les ressources humaines (expertise, connaissances, compétences et pratiques de gestion)

L’innovation se développe dans un environnement particulier, où la

communication est fluide, les compétences sont présentes et les connaissances sont

diffusées (Karlsson et Olsson, 1998). Les premières étapes de développement de

l’innovation requièrent des connaissances et des compétences particulières qui

peuvent être la clé des développements subséquents. On pense notamment à

l’embauche de personnel scientifique ou d’ingénieurs qui sont qualifiés pour

développer les nouveaux produits ou modifier les façons de faire des entreprises.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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Leur capacité restreinte à attirer du personnel qualifié a été mentionnée

comme pouvant être un frein à l’innovation dans les PME, favorisant largement la

grande entreprise qui a les ressources financières pour recruter de tels employés et

pouvant leur offrir des possibilités de développement de carrière plus intéressantes.

Par contre, une taille plus petite peut favoriser une plus grande valorisation du talent

et une meilleure reconnaissance des réalisations individuelles, contrairement à la

grande entreprise qui est souvent plus dépersonnalisée. Une politique de

rémunération adéquate et une meilleure qualité de vie pourront aussi permettre à la

PME de concurrencer la GE sur le plan de l’embauche de personnel qualifié. D’un

autre côté, l’absence de ce type de personnel dans le cas des PME pourrait être

compensée par des activités de formation sur mesure adaptées aux besoins de

l’innovation, ou par des collaborations avec certains partenaires spécifiques.

Lorsque le produit est complété et qu’il faut le mettre en marché, une

expertise en marketing est nécessaire. Le contact avec le marché et la connaissance

des besoins des clients devraient favoriser le succès de l’introduction de nouveaux

produits (LaBahn et al., 1996). Oakey et al. (cités dans Karlsson et Ohsson, 1998)

rappellent toutefois que la force de vente constitue l’un des points faibles d’un bon

nombre de petites et moyennes entreprises. Ce problème sera toutefois moins

critique pour les entreprises qui travaillent en sous-traitance ou en relations étroites

avec quelques clients importants.

22..22..22 LL’’OORRGGAANNIISSAATTIIOONN DDEE LL’’EENNTTRREEPPRRIISSEE EETT SSOONN MMOODDEE DDEE TTRRAAVVAAIILL

Source, gestion et diffusion de l’information

L’innovation est une activité qui se développe dans un climat d’incertitude

plus ou moins grande, selon le degré de nouveauté, qui met à contribution des

expertises diverses des différents départements de l’entreprise et où l’information

demeure un facteur clé non négligeable. L’incertitude se caractérise par le fait que

les informations qui circulent dans un tel contexte peuvent être interprétées de

diverses façons par différentes personnes, ajoutant ainsi de la confusion à

l’incertitude. Des sources d’information fiables, un traitement efficace par des outils

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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appropriés et une diffusion adéquate dans l’entreprise pourraient permettre de

réduire l’incertitude, éviter les interprétations équivoques et favoriser le

développement de l’innovation (Koufteros et al., 2002). Song et al. (cités dans

Koufteros et al., 2002) soulignent l’importance d’obtenir des informations riches,

pertinentes, précises et au moment opportun, dans un tel contexte d’incertitude. Des

activités de veille et des études de marché bien ciblées seront importantes pour

justifier les développements et faciliter la prise de décision, alors que des outils

technologiques permettront d’accroître l’efficience de l’utilisation de cette

information, grâce à des échanges rapides entre les départements et les diverses

personnes engagées dans l’innovation.

Les activités de recherche et développement

Longtemps associée à une mesure de l’innovation, les activités formelles de

recherche et développement ne sont peut-être pas indispensables à l’innovation dans

les PME. Par contre, la R-D peut être utile autant pour le développement de

produits/procédés que pour conserver ou accroître les compétences de l'entreprise

dans le traitement et l’exploitation des informations externes (Karlsson et Olsson,

1998). La présence d’activités de R-D permet de créer un climat propice aux remises

en cause, favorisant ainsi la flexibilité des entreprises, leur capacité à intégrer de

nouveaux concepts et leur adaptabilité à toute modification des conditions du marché

(Freel, 2000b). Dans le même ordre d’idées, Brouwer et Kleinknecht (1996) ajoutent

que l’expérience et les connaissances accumulées dans des activités de R-D passées,

de même que la permanence de celles-ci, contrairement à leur réalisation sur une

base sporadique, devraient favoriser l’innovation dans les entreprises. Roper et Love

(2002) confirment que la présence de personnel dédié à la R-D contribue à la

créativité de l’entreprise, stimule les échanges avec l’externe et accroît l’utilisation de

sources d’information riches.

L’appartenance à des réseaux et le développement de collaborations

Tel qu’il a été dit plus haut, les petites entreprises peuvent atténuer leur

problème de ressources limitées en travaillant en collaboration avec d’autres

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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organisations afin de développer ou d’assurer le succès d’une innovation. Karlsson et

Olsson (1998) résument les principales raisons pour lesquelles des entreprises

pourraient développer des collaborations : (i) partager les coûts, (ii) partager les

risques, ce qui est important surtout dans les innovations radicales où le degré

d’incertitude est relativement élevé, (iii) obtenir une meilleure connaissance du

marché, (iv) compléter la gamme d’expertise nécessaire, (v) desservir un marché

international relativement important et (vi) développer des standards industriels.

Dans l’ensemble, ces collaborations visent à réduire l’incertitude et à bénéficier

d’économies d’échelle ou de diversification. Dans le cas des PME, le premier objectif

est probablement le plus important dans la mesure où le volume et le type d’activités

ne permettent pas des économies substantielles, alors que l’incertitude est un

facteur de stress majeur qui peut compromettre leur existence.

À l’intérieur de la chaîne d’approvisionnement, Tether (2002) affirme que

des collaborations entre l’entreprise et ses clients présentent l’avantage de réduire

l’incertitude commerciale, grâce à un meilleure connaissance de leurs besoins et, en

conséquence, une plus grande probabilité qu’ils acceptent l’innovation. L’entreprise

innovante peut tirer les mêmes bénéfices de collaborations avec ses fournisseurs

pour des activités de R-D et de production. Les fournisseurs pourront ainsi offrir des

produits conformes aux besoins de l’entreprise innovante, dans les délais, la

quantité, la qualité et les prix prévus (Tether, 2002).

Par ailleurs, les difficultés pour les PME d’embaucher les ressources

scientifiques ou techniques nécessaires pour développer des solutions innovantes

pourront être amoindries par des collaborations avec des centres de recherche, des

universités ou des agences gouvernementales (Tether, 2002). D’un autre côté, les

grandes entreprises seraient plus susceptibles que les petites de développer de telles

collaborations puisqu’elles ont plus de ressources pour les assumer financièrement et

elles sont plus sensibles aux avantages que ces collaborations peuvent leur apporter

(Tether, 2002).

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

19

Un aspect moins souvent discuté dans la littérature et pouvant influencer le

succès de l’introduction d’un nouveau produit, est le temps de développement3

nécessaire avant d’intégrer celui-ci sur le marché. LaBahn et al. (1996) évoquent la

nécessité de réduire les délais d’entrée sur le marché, pour diminuer les risques liés

à l’arrivée de produits concurrents ou substituts et pour amoindrir l’incertitude et les

coûts de développement. On suppose qu’une assistance externe non technique

(marketing, planification stratégique et soutien à la production) pourrait nuire au

cycle de développement à cause des efforts de coordination supplémentaires exigés

et des difficultés à gérer ces inter-relations, surtout pour les PME, alors que des

activités de contrôle (suivi des délais prévus et du calendrier d’activités) devraient

contribuer à la réduction du cycle de développement. Par contre, des activités de

contrôle trop strictes pourraient nuire aux délais dans la mesure où les employés

passeraient plus de temps à remplir leur rapport qu’à compléter le projet. Ces

relations sont toutefois modérées par la croissance du marché (un marché en forte

croissance permet des erreurs de définition du produit puisque les clients sont moins

exigeants, contrairement à un marché mature et très compétitif) et le degré de

nouveauté du produit (plus le produit est nouveau, plus les délais sont difficiles à

prévoir et plus des activités de contrôle risquent d’entraîner des décisions inefficaces

parce qu’elles permettent peu de flexibilité).

Les réseaux peuvent être considérés comme des stimuli à l’innovation en

influençant directement la demande pour les produits de l’entreprise (demand-pull).

Dans le cas d’une petite entreprise appartenant à un réseau de sous-traitant sous la

dépendance d’un donneur d’ordres multinational, il est fort possible, effectivement,

que l’innovation soit dictée par le client plutôt que le fruit uniquement de la créativité

du sous-traitant (science-push). Dans ces conditions, l’entreprise pourrait avoir un

profil différent des autres innovateurs qui sont plus « libres » dans leur

développement. Ajoutons que les tendances à l’intégration constatées dans ces

réseaux et la volonté du donneur d’ordres d’être directement en relation avec le

moins de sous-traitants possibles amènera les entreprises innovantes à collaborer

------------------ 3 Le temps de développement est calculé en nombre de mois à partir de la date de mise en forme de

l’idée jusqu’à son introduction sur le marché. Les auteurs restreignent toutefois le cycle de développement à partir du développement du produit en faisant abstraction des étapes préliminaires. Cette définition est évidemment plus facile à modéliser pour des fins d’enquête.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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encore plus avec leurs fournisseurs, ceux-ci étant maintenant à un niveau inférieur

dans la hiérarchie du réseau (plutôt que de travailler directement avec le donneur

d’ordres, ils travaillent avec d’autres sous-traitants du réseau) (Julien et al., 2003;

Liker et al., 1998). Autrement dit, on pourrait constater que les entreprises sous-

traitantes ou sous la domination d’un grand donneur d’ordres pourraient collaborer

plus activement avec leurs fournisseurs que les autres.

Pour Hanna et Walsh (2002), le nouvel environnement économique dans

lequel les grands donneurs d’ordres tendent de plus en plus à vouloir devenir des

« assembleurs » et à délaisser les activités de design et de fabrication à leurs

fournisseurs, crée des pressions chez certaines PME qui n’ont pas toujours les

compétences pour répondre à court terme à toutes les exigences. Les collaborations

deviennent une solution puisqu’elles permettent aux entreprises de demeurer

compétitives sur les prix et les délais, mais conduisent-elles à une innovation de

qualité? Les résultats de leur enquête auprès de trois courtiers en réseautage sont

plutôt mitigés et laissent supposer que les collaborations fructueuses sont

relativement rares et ne conduisent pas vraiment à des innovations significatives.

Les auteurs imputent à un problème de vision de la part de la petite entreprise les

insuccès des collaborations, celle-ci devant mieux « tolérer le risque de travailler

avec d’autres organisations qui ont des compétences similaires à la sienne ». De leur

côté, Barringer et Harrison (2000) rapportent des taux d’échecs des alliances inter-

organisationnelles supérieurs à 50 %, ce qui ne semble pas dissuader les dirigeants

de recourir à cette forme d’organisation, les alliances stratégiques étant un

phénomène en pleine croissance (augmentation de 25 % par année).

Flexibilité et contrôle

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les ressources limitées des PME

peuvent être contre-balancées par un mode de fonctionnement plus flexible qui

favorise une plus grande capacité d’adaptation aux besoins de l’environnement

(Heunks, 1998). On trouvera toutefois une apparente contradiction entre le besoin

de flexibilité pouvant assurer un environnement propice à la créativité et un besoin

de contrôle nécessaire pour s’assurer que le processus complexe et risqué de

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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l’innovation n’excède pas de façon indue les délais prévus (Labahn et al., 1996), ce

qui influencera significativement l’utilisation et le coût des ressources (Freel, 2000b).

Si l’on considère l’innovation comme un processus dynamique qui évolue selon un

modèle de cycle de vie, on pourra comprendre que la flexibilité et la créativité sont

nécessaires dans les premières étapes de développement et de mise en forme de

l’« idée innovante » alors que la planification et le contrôle seront nécessaires pour

assurer le succès des étapes de développement et de mise en marché. Les deux

positions peuvent donc être réconciliées dans une vision dynamique de l’innovation.

Le manque de consensus sur les déterminants de l’innovation et sa relation

avec la performance peut être attribué au fait que plusieurs auteurs considèrent

cette activité de façon statique et non dynamique, selon un modèle qui pourrait

s’apparenter à celui du cycle de vie d’un produit.

Docter et al. (1989) ont élaboré un modèle du cycle de vie suivant lequel

l’innovation dans les PME se développe selon les phases suivantes : (i) formation de

l’idée, (ii) étude de faisabilité économique, (iii) essais d’élaboration technique, (iv)

concrétisation (développer et tester le prototype), (v) ajustement des moyens de

production et (v) introduction sur le marché. Biemans (1992, cité dans Karlsson et

Olsson, 1998)) ajoute que ces phases de développement de l’innovation seront

réalisées dans les départements de (i) R-D, (ii) design, (iii) production et (iv)

marketing (cette vision simpliste ne tient toutefois pas compte que les relations

inter-départementales sont importantes.

Olson et al. (2001) confirment l’importance de tenir compte des stades de

développement dans l’étude de l’innovation. Ils montrent que les collaborations

inter-départementales dans la réalisation d’un projet dépendent du stade de

développement de l’innovation et sont de plus en plus importantes à mesure que le

projet évolue; les collaborations entre les départements de R-D et de marketing sont

plus importantes au début, alors que les collaborations entre les départements de

marketing et de production d’une part et de R-D et de production d’autre part sont

plus importantes dans les phases plus avancées. La performance du projet est

supérieure lorsque les départements de R-D et de production et ceux de marketing

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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et de R-D coopèrent dans les phases initiales du projet, permettant de mieux définir

les éléments techniques de l’innovation et les besoins du client lorsque le niveau

d’incertitude est relativement grand. L’importance de ces collaborations inter

départementales est toutefois contingente au degré de nouveauté de l’innovation.

Le schéma 1 montre qu’à chaque stade de développement sont associés des

besoins spécifiques, des domaines d’incertitude précis et des défis différents.

SScchhéémmaa 11 BBeessooiinnss,, iinncceerrttiittuuddee44 eett ddééffiiss ppaarrttiiccuulliieerrss lliiééss àà ll’’iinnnnoovvaattiioonn sseelloonn lleess ssttaaddeess ddee ddéévveellooppppeemmeenntt

Be

so

ins

Environnement favorable :

• Créativité • Flexibilité

Compétences techniques;

Ressources financières;

Responsable de projet

Compétences techniques;

Contrôle et gestion de projet

Compétences MRK;

Gestion, ententes, contacts

Connaissance des besoins du marché;

Capacités d’adaptation ou de modification des produits;

Inc

ert

itu

de

Technique, commerciale

Technique, commerciale,

financière

Technique, financière

Commerciale, financière

Commerciale

fis

Passer de l’idée au concept

Prouver la faisabilité financière;

Trouver du financement

Développer à un coût raisonnable; Trouver du financement

Percer le marché;

Gérer la croissance Remplacer et/ou se retirer sans perte

IIDDÉÉEE - création -

RREECCHHEERRCCHHEE - faisabilité -

DDÉÉVVEELLOOPPPPEEMMEENNTT - prototypage -

IINNDDUUSSTTRRIIAALLIISSAATTIIOONN - mise en marché -

MMAATTUURRIITTÉÉ - remplacement ou retrait -

Passer d’un stade à un autre nécessite la disponibilité et l’engagement de

différentes ressources dans l’entreprise. Par exemple, passer de l’idée à la phase de

recherche fera appel à la créativité et à la flexibilité de l’entreprise pour la

concrétiser. La phase de recherche sera caractérisée notamment par une évaluation

de la pertinence financière ou économique justifiant la réalisation du projet. Les

gestionnaires doivent faire des prévisions quant au marché potentiel auquel est

------------------ 4 L’incertitude technique est liée aux défis «techniques» que présentent la réalisation du produit et à la

faisabilité à des coûts raisonnables; l’incertitude commerciale est liée à la réaction du marché, des clients et des concurrents; l’incertitude financière est liée à la disponibilité de ressources financières en quantité suffisante, à des coûts raisonnables et au moment opportun.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

23

destiné l’innovation et à ses coûts de développement. Or, il a été montré que la PME

a peu d’expertise dans ces domaines, ce qui l’amène à surévaluer le marché tout en

sous-évaluant les coûts de développement et de production, résultant ainsi en une

évaluation irréaliste de la rentabilité financière du projet (St-Pierre et Beaudoin,

2003). En plus, Guihur et St-Pierre (2002) ont mis en évidence les difficultés

auxquelles font face les entrepreneurs dans la recherche des informations

pertinentes pour l’évaluation de leurs projets innovateurs, difficultés qui nuisent

considérablement à l’obtention d’une information fiable, valable et utile pour une

prise de décision éclairée.

C’est à l’étape de recherche qu’on invoque souvent le besoin de personnel

scientifique spécialisé qui peut faire défaut dans le cas des PME. L’incertitude

technique est relativement importante et on ne peut passer à l’étape suivante sans

avoir mis sur papier des spécifications minimales concernant le projet. Des

collaborations d’affaires ou un partage d’expertise entre la PME et le donneur

d’ordres pourront réduire l’impact de l’absence de personnel scientifique. Par ailleurs,

pour passer à l’étape suivante, l’entreprise doit engager des ressources financières

que les marchés ne sont pas toujours disposés à offrir. L’entreprise réseautée ou

autonome sur le plan financier pourra passer à la prochaine étape, contrairement à

un plus grand nombre, dépendantes des marchés financiers.

Lorsque l’entreprise sera au stade de développement du prototype, les

aspects de créativité devront faire place à des outils de gestion et de contrôle,

puisque le défi à relever consistera surtout à développer à un coût raisonnable donc

en utilisant les ressources de façon efficiente. Un des problèmes rencontrés en

évaluation de projet est la tendance à vouloir réduire la durée de développement

pour pouvoir rapprocher la date de mise en marché. Cette stratégie, préconisée par

les entreprises n’ayant pas les ressources financières pour supporter ces délais, est

fortement risquée et contraint souvent les firmes à abandonner leurs projets à une

étape ultérieure, provoquant des pertes financières encore plus importantes.

La mise en marché de l’innovation exigera pour sa part des compétences en

marketing et une bonne connaissance du marché, autant pour évaluer la réceptivité

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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des clients potentiels que pour appréhender la réaction des concurrents possibles.

Une introduction prématurée demandera à l’entreprise de modifier son produit pour y

apporter les ajustements nécessaires selon les besoins des clients, ce qui nécessitera

une grande « adaptabilité » et une certaine « flexibilité » pour corriger rapidement le

tir.

Finalement, lorsque la demande ne génère plus les ressources suffisantes

pour conserver le produit sur le marché sans le modifier, il faut penser à son retrait

ou à son remplacement.

En somme, lorsqu’on considère les aspects dynamiques d’un projet, il nous

paraît normal de voir les auteurs confondre les dimensions de flexibilité, de

créativité et de contrôle, lorsqu’il est question de déterminer les facteurs clés de

l’innovation!

2.3 L’environnement externe

Par ailleurs, certains chercheurs considèrent l’environnement externe ou

le milieu dans lequel se trouvent les entreprises comme stimuli à l’innovation. Cet

environnement jouerait un rôle déterminant sur la disponibilité des ressources

humaines ou des compétences spécifiques, des infrastructures et des ressources

financières nécessaires aux petites entreprises pour réaliser avec succès des activités

immatérielles. L’innovation pourrait ainsi être stimulée davantage par un

environnement urbain plutôt que rural, ce qui a pu être confirmé par Brouwer et

Kleinknecht (1996) auprès d’entreprises hollandaises. D’un autre côté, Karlsson et

Olsson (1998) ajoutent qu’un environnement urbain peut réduire la flexibilité des

entreprises par des salaires élevés, des coûts de production supérieurs, des

difficultés de déplacement qui inhibent les comportements créateurs par une

réduction de la qualité de vie.

Le stade de développement de l’industrie est également un facteur

expliquant les taux d’innovation. Si l’industrie est dominée par des produits

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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standardisés dont les modifications sont peu fréquentes, il est probable que le taux

d’innovation soit relativement faible. C’est pourquoi on associe le degré de maturité

de l’industrie à la possibilité d’innover davantage. Mais les PME seront avantagées

dans les industries en croissance parce que leur flexibilité devrait leur permettre

d’assimiler rapidement les rendements des activités de R-D alors que dans les

phases de maturité de l’industrie, les entreprises de taille plus importante seront

favorisées à cause de la productivité plus grande de leur capital et des économies

d’échelle dont elles bénéficient. Roper et Love (2002) nuancent toutefois l’influence

du secteur sur le degré d’innovation des entreprises dans la mesure où la décision de

s’engager dans des activités de R-D et d’innovation est propre à chaque entreprise

puisque c’est elle qui en assume seule les inconvénients et les bénéfices!

Par ailleurs, au-delà du secteur d’activités, le degré de maturité de

l’entreprise pourrait être associé à son taux d’innovation. Les jeunes entreprises se

concentrent surtout à développer leur marché et leur structure de production, alors

que pour assurer leur développement, celles qui sont en croissance pourraient devoir

innover (Heunks, 1998). Cette hypothèse, également suggérée par Van Dijk et al.

(1997), ne mentionne pas la causalité de la relation : est-ce la croissance qui stimule

l’innovation, ou l’inverse? Seules des études longitudinales ou des études

d’événements peuvent permettre de répondre, sans trop de confusion, à une telle

question.

La diversité de la clientèle peut également influencer l’innovation, dans la

mesure où elle déterminera les besoins de l’entreprise de développer de nouveaux

produits ou de modifier des produits existants. Parce que les donneurs d’ordres et les

sous-traitants doivent collaborer plus étroitement dans les nouvelles formes

d’organisation qu’impose la globalisation, les PME manufacturières sous-traitantes

sont de plus en plus contraintes à devenir des entreprises de « classe mondiale »

étant donné que leurs partenaires ne comptent pas seulement sur leurs capacités ou

spécialités de production, mais également et surtout, sur leurs connaissances,

savoir-faire et capacités innovatrices (Julien, 1998). Une petite entreprise ayant

développé d’étroites relations commerciales avec quelques grands clients est alors

davantage incitée à allouer les ressources nécessaires à l’innovation dans le but de

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

26

satisfaire les exigences de qualité, de coûts et de développement de produits de ses

clients internationaux (St-Pierre et Raymond, 2002) ou simplement dans le but de

maintenir ou d’améliorer sa position dans la chaîne d’approvisionnement (Hanna et

Walsh, 2002).

Salavou (2002) confirme que l’innovation est un facteur significativement

associé à la performance des entreprises qui sont très orientées vers leur marché.

Leur proximité du marché leur permet de mieux évaluer les besoins de leurs clients

et ainsi d’accroître les chances d’adoption de leurs nouveaux produits et de s’adapter

rapidement aux modifications des besoins.

3. L’innovation et la performance dans les PME

La section précédente a mis en évidence différents facteurs relevés dans la

littérature et pouvant stimuler l’innovation chez les entreprises. L’étape suivante

consiste à faire le lien entre l’innovation et le succès ou la performance des PME,

ainsi qu’entre l’innovation et l’exportation. Les variables identifiées dans la section

précédente permettent de définir le contexte favorable à l’innovation, ce que nous

essaierons de mettre en évidence ici. Malheureusement la littérature n’est pas d’un

grand secours puisque les travaux se concentrent surtout sur les déterminants de

l’innovation, celle-ci étant la variable dépendante des études, alors que peu de

recherches ont porté directement sur la relation entre l’innovation et la performance,

ce phénomène étant considéré comme implicite.

Nous conclurons le résumé de la littérature par une synthèse et la

présentation d’un modèle utile qui sera validé dans la quatrième section.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

27

3.1 L’innovation et la performance

La relation entre l’innovation et la croissance ou le volume d’activités des

entreprises est reconnue, ce dernier élément ayant souvent été à l’origine du

processus d’innovation (Storey, 1994; Geroski et Machin, 1992, cités dans Freel,

2000a; Roper, 1997). L’innovation stimulera la croissance tant que l’entreprise

pourra bénéficier de l’avantage de l’initiateur ou du premier sur le marché. On pourra

alors considérer que la durée de cet avantage sera d’autant plus longue que

l’innovation sera radicale et que l’entreprise sera apte à conserver sa domination sur

ses compétiteurs.

De leur côté, Tether et Massini (1998) ont mis en évidence la relation

significative entre l’innovation des PME et la création d’emplois, en comparant le

comportement des entreprises innovantes à celles des non innovantes pendant plus

de 11 ans. Leurs résultats confirmant que l’innovation stimule l’emploi sont nuancés

par le fait qu’une bonne partie des emplois créés le seraient par un faible nombre

d’entreprises innovantes, 9 % des PME ayant généré 48 % des nouveaux emplois.

Ces entreprises, que l’on nomme les gazelles, présentent des comportements

particuliers et fausseraient alors les statistiques rapportées sur l’ensemble des PME.

Une augmentation du volume d’activités (ventes et emplois) est un

indicateur de performance économique, mais pas nécessairement de performance

financière, de rentabilité ou de productivité. L’innovation devrait conduire à une

augmentation du prix de vente grâce à la nouveauté du produit, ou à une réduction

des coûts étant donné une amélioration des systèmes ou processus de production. Si

l’innovation conduit à une croissance substantielle des ventes, celle-ci a pu

nécessiter des investissements supplémentaires dans la R-D, les actifs de production,

la formation du personnel etc., de sorte que l’effet sur les profits pourra être diffus

ou retardé dans le temps. Ainsi, Freel (2000a) et Heunks (1998) suggèrent que

l’innovation dans les PME pourrait entraîner une réduction de l’évolution des profits,

lorsque le phénomène est observé en coupe instantanée, alors qu’une étude

longitudinale devrait révéler une relation positive. Dans son étude empirique, Freel

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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(2000a) met plutôt en évidence la non-linéarité de la relation entre la rentabilité et

l’innovation, suggérant l’influence significative d’autres facteurs non identifiés.

Moore (1995, cité dans Freel, 2000a) n’observe aucune relation

systématique entre l’innovation et la rentabilité alors que Geroski et Machin (1992,

cités dans Freel, 2000a) confirment une relation robuste et persistante à l’effet que

les PME innovantes ont des marges de profit supérieures à celles des non

innovantes.

D’un autre côté, Wynarzyk et Thwaites (1997, cités dans Freel, 2000a) ont

mis en évidence le fait que les entreprises innovantes avaient des bénéfices

réinvestis supérieurs aux autres. On ne discute toutefois pas de la causalité de la

relation à savoir si c’est l’innovation qui augmente la performance ou si les firmes

performantes ont tendance à innover davantage que les autres, que ce soit pour

maintenir leurs parts de marché ou simplement parce qu’elles peuvent financer ces

activités risquées. Rappelons que la tiédeur des marchés financiers à financer des

projets innovants chez les PME peut expliquer que seules les entreprises dont les

activités ont généré des fonds importants avaient les ressources pour innover, ce qui

biaiserait de façon systématique les échantillons et les observations qu’on peut en

tirer.

Ainsi, la relation entre l’innovation et la rentabilité observée pourrait

simplement s’expliquer par le fait que les entreprises innovantes sont celles qui ont

pu assurer l’autofinancement de leurs projets, d’où l’apparente relation entre la

rentabilité et l’innovation.

3.2 L’innovation et l’exportation

L’intensité de l’exportation dans un pays est considérée, par plusieurs,

comme un signe de vitalité et de compétitivité important dans la mesure où cela

permet de créer de la richesse. L’exportation est-elle efficace parce que les

entreprises font plus appel à des technologies nouvelles ou à de l’innovation, ou si

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

29

c’est plutôt le fait d’exporter et de travailler dans un environnement et dans des

conditions différentes qui amènent les entreprises à accroître l’innovation, l’utilisation

de nouvelles technologies et même à implanter de nouvelles pratiques d’affaires plus

sophistiquées et qui conviennent mieux aux besoins de l’exportation? Il existe un

problème évident de causalité dans la relation entre l’exportation et l’innovation, qui

a été identifié et commenté par différents auteurs (voir Nassimbeni, 2001).

Freel (2000a) suggère une relation théorique entre l’innovation, parce

qu’elle permet de développer des produits uniques et distincts, et la propension à

exporter des entreprises. Cette relation fait toutefois abstraction du rôle significatif

de l’entrepreneur et de la taille du marché intérieur qui peut être suffisant pour

permettre aux entreprises de croître de façon importante sans assumer les risques

des activités internationales. Ses résultats statistiques ne permettent toutefois pas

de supporter ses hypothèses.

Dans une méta-analyse, Zou et Stan (1998) mettent plutôt en évidence une

relation significative entre l’organisation et la performance de l’exportation et

l’adaptation des produits de l’entreprise aux besoins des clients étrangers. Cette

relation peut s’expliquer par le fait que l’entreprise exportatrice pourrait contrôler

une plus grande partie de l’incertitude en vendant à l’étranger les produits qu’elle

sait faire et qu’elle maîtrise. Cette conclusion nous mènerait alors à constater une

relation plus forte entre les activités de modifications de produits et l’exportation,

plutôt qu’entre les activités de développement de nouveaux produits et l’exportation.

Sharmistha (1999), dans une étude conduite auprès de 54 PME ontariennes

visant à examiner les caractéristiques des entreprises qui exportent de façon plus

régulière et en quantité plus importante ainsi qu’auprès de celles qui exportent plutôt

de façon ad hoc, note que les firmes ayant une forte orientation vers l’exportation

accordent plus d’importance au développement de nouveaux produits sur une base

continue ainsi qu’à l’amélioration des méthodes de production existantes.

Pour Julien (2000), il faut rencontrer au moins deux conditions nécessaires

pour réussir à l’exportation: avoir un marché de base national solide et offrir des

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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produits relativement originaux et innovateurs. De leur côté, De Toni et Nassimbeni

(2001) ajoutent que la complexité des activités internationales exige des PME

qu’elles aient une structure organisationnelle bien développée, qu’elles utilisent les

pratiques de gestion avancées et que leur système de production soit relativement

sophistiqué afin de répondre adéquatement aux particularités de la demande des

importateurs.

Nassimbeni (2001) confirme l’importance de l’innovation en montrant que la

propension à exporter des PME est liée à leurs capacités à offrir des produits

innovateurs et à développer des collaborations fructueuses avec des partenaires de

leur environnement, alors que le profil technologique ne joue aucun rôle significatif,

contrairement à ce qu’ont affirmé beaucoup d’auteurs. Préoccupées par le service de

leurs clients à l’étranger, les entreprises exportatrices adoptent des stratégies de

production liées davantage au produit (système de conception de produits, dessins

assistés, etc.) qu’aux procédés (ateliers flexibles, automates programmables,

machines à contrôle numérique, etc.).

Roper et Love (2002) montrent que dans les installations britanniques et

allemandes, la probabilité d’exporter est positivement liée à l’innovation de produit.

Du côté de la Grande-Bretagne, l’innovation est également liée positivement à

l’intensité de l’exportation, alors que cette relation est inverse en Allemagne où la

relation négative s’explique par le fait que les besoins de ce pays, qui est en

profonde réorganisation structurelle, présentent des opportunités de marché

majeures pour les entreprises innovantes. Ce dernier résultat peut être utilisé pour

justifier que plusieurs PME ayant le potentiel d’exporter ne le font pas parce que leur

marché national offre des opportunités de croissance suffisantes permettant de

satisfaire les objectifs de certains entrepreneurs. Ceci dit, l’exportation ne serait

alors pas motivée uniquement par le besoin de croissance des entreprises.

De son côté, St-Pierre (2003) a montré, sans prouver de relation causale,

que les entreprises exportatrices canadiennes sont plus fortement engagées dans

des activités de R-D et dans des collaborations d’affaires, possèdent en plus grande

proportion leur produit maison, sont moins productives mais plus performantes que

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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leurs consœurs qui se concentrent sur leur marché local. Ces résultats sont

contingents à la destination de l’exportation, que celle-ci soit rapprochée (États-Unis)

ou éloignée (outre-mer). Par contre, il semble que la stratégie développée par

l’entreprise pour vendre ses produits à l’étranger soit un facteur prédictif plus

important de l’organisation et de la performance de l’exportation que ne peut l’être

l’innovation.

3.3 Synthèse

En résumé, et d’après les résultats que l’on trouve dans la littérature, nous

proposons le modèle suivant que nous allons tester à partir de la base de données

PDG®, où la propension à innover des PME est un indicateur permettant d’identifier si

l’environnement est propice ou non à l’innovation.

FFiigguurree 33 CCaaddrree ccoonncceeppttuueell eexxpplliiqquuaanntt lleess rreellaattiioonnss eennttrree lleess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee ll’’eennttrreepprriissee,, ll’’iinnnnoovvaattiioonn eett llaa ppeerrffoorrmmaannccee

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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D’après ce modèle, nous devrions observer des relations significatives entre

l’entrepreneur, l’environnement interne, l’environnement externe et la propension à

innover des PME; ces trois premières variables ainsi que l’exportation devraient aussi

être liées au degré d’innovation. Dans un deuxième temps, on devrait observer que

la propension à innover des PME ou le degré d’innovation devraient influencer la

performance qui peut être mesurée par la rentabilité, la productivité et la croissance,

cette dernière étant possible sur les marchés intérieurs ou sur les marchés

internationaux.

4. Présentation des résultats et analyse des données

4.1 Description de l’échantillon et de l’innovation

L’échantillon étudié est composé de 343 PME manufacturières de la base de

données PDG® ayant entre 5 et 138 ans, comptant de 6 à 405 personnes à leur

emploi et dont le chiffre d’affaires se situe aux environs de 8 millions de dollars (voir

le tableau 3). Leur taux de croissance dans l’ensemble s’est situé autour de 30 %

avec quelques entreprises ayant décuplé leur volume d’activité pendant cette

période. activité

TTaabblleeaauu 33 DDeessccrriippttiioonn ssoommmmaaiirree ddee ll’’éécchhaannttiilllloonn ((NN == 334433))

Écart-type Médiane Moyenne

Âge des entreprises 19,71 22,00 26,73 Nombre d’employés 52,26 44,00 60,89 Chiffre d’affaires (en millions de dollars) 9,2 5,2 7,9 Taux de croissance moyen des trois dernières années ( %) 161,06 13,96 28,45

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

33

Parmi les 343 entreprises de l’échantillon, 241 affirment réaliser des

activités de R-D5 ou d’amélioration systématique de leur équipement ou de leurs

procédés de production ou de leurs produits. Les activités de R-D chez ces

entreprises sont formalisées à des degrés très divers, comme le montre le tableau 4,

mais celles-ci se concentrent surtout sur l’amélioration des produits.

TTaabblleeaauu 44 RRééppaarrttiittiioonn ddeess aaccttiivviittééss ddee RR--DD cchheezz lleess eennttrreepprriisseess qquuéébbééccooiisseess

Budget de recherche et développement (en % des ventes), destiné à :

Employés dédiés à

la R-D ( % du total) l’amélioration des

produits l’amélioration de

l’équipement l’amélioration des procédés

toutes les activités

Médiane 2,88 0,55 0,24 0,27 1,85 Moyenne 4,66 1,82 1,07 0,58 3,35

Quant au taux d’innovation des entreprises (tableau 5), mesuré à partir des

ventes des deux dernières années issues de nouveaux produits ou de produits

modifiés, il est également très variable mais montre une certaine concentration

autour des nouveaux produits ou des produits modifiés selon les exigences des

clients.

TTaabblleeaauu 55 RRééppaarrttiittiioonn ddeess vveenntteess ddeess ddeeuuxx ddeerrnniièèrreess aannnnééeess ((eenn %%))

Attribuables à des produits modifiés selon :

Attribuables à de nouveaux

produits les activités

de R-D les exigences des clients

l’achat d’une nouvelle technologie/licence

Degré d’innovation

total Médiane 5,00 1,00 4,50 0,00 25,00 Moyenne 11,91 9,98 13,70 1,97 37,37 Écart type 16,67 18,94 24,08 8,10 33,16

Par ailleurs, un certain nombre d’entreprises ne concentrent pas leurs

activités de R-D sur le développement ou l’amélioration de produits, comme il a été

spécifié dans la présentation de la littérature, surtout dans le cas spécifique des PME

manufacturières. Ce constat est confirmé au tableau 6 où on peut voir que les ventes

de 204 entreprises sur 230 étaient liées à de nouveaux produits ou à des produits

------------------ 5 Les informations étudiées ne sont pas toutes pour l’année 2003. L’année courante correspond à

l’année au cours de laquelle les entreprises ont complété le questionnaire PDG. Nous ne ferons ainsi aucun lien entre l’année réelle et les années pour lesquelles les informations sont disponibles.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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modifiés, alors que 35 d’entre elles, soit 17 %, n’étaient pas engagées dans des

activités de R-D, contre 122 (60 %) qui avaient réalisé des activités de R-D

destinées aux produits.

TTaabblleeaauu 66 RReellaattiioonn eennttrree ll’’iinnnnoovvaattiioonn eett llaa rrééaalliissaattiioonn dd’’aaccttiivviittééss ddee RR--DD

Pas d’innovations sur le marché ( %)

Innovations sur le marché ( %)

Total

Nombre d’entreprises sans activités de R-D ( %)

15 (15/50 = 30 %)

35 (35/50 = 70 %)

50 (50/230 = 22 %)

Nombre d’entreprises avec des activités de R-D ( %)

11 (11/180 = 6 %)

169 (169/180 = 94 %)

180 (180/230 = 78 %)

Nombre d’entreprises dont les activités de R-D étaient destinées aux produits ( %)

3 (3/125 = 2 %)

122 (122/125 = 98 %) 125

Total 26

(26/230 = 11 %) 204

(204/230 = 89 %) 230

Les entreprises qui font de la R-D ont une répartition de leurs innovations

différente des autres comme le montre le tableau 7. Les statistiques de ce tableau,

en comparant les taux d’innovation selon la présence ou l’absence d’activités de R-D,

indiquent également que les activités de R-D stimulent le taux d’innovation. On

constate que les écarts les plus importants entre ces groupes d’entreprises sont

observés, tel qu’attendu, pour les nouveaux produits et les produits modifiés à

l’initiative de l’entreprise (modifiés selon les activités de R-D de l’entreprise).

TTaabblleeaauu 77 TTaauuxx dd’’iinnnnoovvaattiioonn ddeess eennttrreepprriisseess sseelloonn lleeuurr eennggaaggeemmeenntt ddaannss ddeess aaccttiivviittééss ddee RR--DD ((%%))

Produits modifiés selon : Innovation

totale Nouveaux produits

les activités de R-D

les demandes des clients

l’achat d’une licence/technologie

Sans R-D

Avec R-D

Sans R-D

Avec R-D

Sans R-D

Avec R-D

Sans R-D

Avec R-D

Sans R-D

Avec R-D

Médiane 20,00 30,00 0,00 8,00 0,00 5,00 2,00 5,00 0,00 0,00 Moyenne 28,38 39,79 8,27 12,90 0,76 12,51 17,24 12,72 1,53 2,09 Écart type 32,21 33,08 13,45 17,34 3,23 20,61 31,16 21,75 5,12 8,74

Finalement, même si les données du tableau 8 sont très sommaires, elles

confirment le fait que les PME ne « protègent » pas leurs innovations ou leur savoir-

faire de façon automatique. Plus de la moitié des entreprises faisant de la R-D et

ayant des innovations à protéger ont décidé de ne pas demander de protection

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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(58 %), alors que 61 % des entreprises ayant des produits innovateurs ont pris la

même décision. Les raisons expliquant ces comportements de la part des dirigeants

de PME peuvent être très diverses : les exigences administratives, le manque de

ressources, l’ignorance des conséquences de l’absence de protection ou simplement

sa faible pertinence pour le genre d’innovation réalisée par ces entreprises.

TTaabblleeaauu 88 DDéécciissiioonnss ddeess eennttrreepprriisseess ccoonncceerrnnaanntt llaa pprrootteeccttiioonn ddee lleeuurr ssaavvooiirr--ffaaiirree oouu ddee lleeuurrss iinnnnoovvaattiioonnss

Dans la prochaine section, nous allons comparer les entreprises selon leur

degré d’innovation afin d’identifier si l’utilisation des pratiques d’affaires, leurs modes

d’organisation, leurs ressources diffèrent de façon significative. Nous allons d’abord

analyser ces éléments un à un, avant de les reprendre en bloc dans la dernière

section.

Les entreprises sont classées selon leur taux d’innovation, soit faiblement

innovantes (10 % et moins de nouveaux produits ou de produits modifiés), soit

fortement innovantes (40 % et plus de nouveaux produits ou de produits modifiés).

Ce classement arbitraire n’est utilisé qu’à des fins statistiques et pour réaliser les

tests univariés (section 4.2); les entreprises se trouvant entre ces deux groupes ont

été retirées de l’échantillon. Elles seront réintégrées dans la section d’analyse

multivariée (section 4.3).

Entreprises qui font de la

R-D

Entreprises qui ont des produits innovateurs Total

Nous n’avons procédé à aucune innovation 17 21 50 Aucune de nos innovations ne peut être protégée 72 54 85 Entreprises ayant des innovations à protéger (les groupes ne sont pas indépendants)

148 127 202

Nos innovations sont protégées ou en cours de protection

62 (42 %) 50 (39 %) 69 (34 %)

Nous avons décidé de ne pas protéger nos innovations

86 (58 %) 77 (61 %) 133 (66 %)

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

36

4.2 Description des entreprises selon leur degré d’innovation

Le modèle développé aux sections 2 et 3 et illustré à la figure 3 montre que

l’innovation chez les PME devrait être influencée par le type d’entrepreneur à la tête

de l’entreprise. Son profil, ses stratégies, ses ambitions pourraient jouer un rôle

significatif sur le degré d’innovation des PME6.

Ces hypothèses sont confirmées au tableau 9 dans lequel on peut

reconnaître chez les entreprises fortement innovantes un entrepreneur plus jeune

(non significatif), davantage spécialisé en production, qui manifeste plus souvent un

intérêt pour la R-D et qui est plus souvent le fondateur de l’entreprise. Ce dernier

résultat pourrait confirmer le dynamisme des fondateurs et leur créativité, cette

qualité pouvant toutefois s’estomper lorsque l’entreprise passe d’une génération à

une autre, ou lorsqu’elle se « professionnalise », obligeant ainsi les entrepreneurs à

se concentrer davantage sur des problèmes de gestion quotidienne.

TTaabblleeaauu 99 CCaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee ll’’eennttrreepprreenneeuurr eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible

(N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Âge 49,00 45,00 1,33 Pourcentage d’entrepreneurs détenant un diplôme collégial ou universitaire

72,41 78,48 0,67

Pourcentage d’entrepreneurs ayant une formation en production (technique ou ingénierie) 42,37 59,49 3,97 **

Intérêt manifesté par l’entrepreneur pour certaines fonctions de l’entreprise : • pourcentage pour exportation

42,37 43,04 0,01

• pourcentage pour R-D 30,51 49,37 4,95 ** Pourcentage d’entrepreneurs ayant participé à la création de l’entreprise

50,85 70,89 5,78 **

Nombre d’années d’expérience dans l’industrie 15,00 12,00 0,59 Taux de croissance moyen souhaité dans les deux prochaines années

43 % 75 % 2,68 ***

Pourcentage d’entrepreneurs qui partagent ou sont prêts à partager le contrôle de l’entreprise

74,14 85,53 2,73 *

* p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

------------------ 6 Afin de ne pas alourdir inutilement la présentation des résultats, nous n’avons retenu, pour les fins de

la discussion, que les résultats les plus significatifs ou intéressants dans le but de proposer des recommandations d’intervention publique. |Statistique| signifie que les statistiques sont en valeurs absolues.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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Ces entrepreneurs sont ambitieux, comme l’indique le taux de croissance

souhaité pour les deux prochaines années (presque deux fois supérieur aux autres)

et sont cohérents dans leur stratégie, étant prêts à ouvrir leur capital à la venue d’un

partenaire financier, si ce n’est déjà fait.

La relation positive entre l’innovation et l’intérêt de l’entrepreneur envers la

R-D confirme les résultats de Karlsson et Olsson (1998), Heunks (1998) et le

principe d’engagement de Simon et al. (2002). Cependant, l’ouverture du capital va

à l’encontre de la recherche d’indépendance (Heunks,1998); on pourrait en déduire

que nous sommes peut-être en présence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs.

Le tableau 10 montre que l’âge de l’entreprise peut réduire le degré

d’innovation, tel qu’affirmé précédemment. En effet, ce sont les plus jeunes

entreprises qui sont les plus innovantes et elles ont également connu un rythme de

croissance nettement supérieur dans les trois dernières années. Finalement,

contrairement à ce qu’ont affirmé certains auteurs (Vossen, 1998; Van Dijk et al.,

1997), la taille des entreprises est relativement comparable entre les deux groupes

ce qui pourrait être attribuable au fait que notre échantillon n’est composé

uniquement que de PME.

TTaabblleeaauu 1100 PPrrooffiill ggéénnéérraall ddee ll’’eennttrreepprriissee eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible

(N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Âge de l’entreprise 23,0 18,0 2,04 **

Nombre d’employés 46,0 44,0 0,29

Chiffre d’affaires à la dernière année d’exploitation (en millions de dollars)

6,9 4,0 1,20

Taux de croissance réalisé au cours des trois dernières années 9,8 % 20,7 % 3,54 *** * p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Par ailleurs, la disponibilité de ressources financières a souvent été invoquée

comme frein à l’innovation dans les entreprises de plus petite taille, à cause de

l’attitude des marchés financiers à leur égard et plus particulièrement pour les

projets risqués. Le tableau 11 montre que les entreprises innovantes sont plus

endettées que les autres, mais elles présentent en même temps des marges de profit

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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supérieures. Cette dernière relation entre la marge nette et l’innovation rejoint les

résultats de Van Dijk et al. (1997) et Planès et al. (2002) qui concluent que la

rentabilité historique peut stimuler l’innovation en permettant à l’entreprise de

dégager une marge de manœuvre nécessaire. Par ailleurs, la marge

d’autofinancement des entreprises innovantes est probablement considérée par les

banques comme une preuve suffisante de leurs capacités à rembourser leurs

emprunts, ce qui expliquerait un endettement supérieur. Toutefois, combiné à un

environnement empreint d’incertitude et de risque, l’endettement n’est pas une

solution financière souhaitable pour les PME innovantes, celui-ci contribuant à

accroître leur vulnérabilité.

TTaabblleeaauu 1111 RReessssoouurrcceess ffiinnaanncciièèrreess eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible

(N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Pourcentage de contrôle détenu par le dirigeant et sa famille

90,00 75,50 0,59

Taux d’endettement bancaire moyen des trois dernières années

29,52 39,20 2,23 **

Marge de profit nette moyenne des trois dernières années 2,10 3,90 1,89 * * p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Un autre des freins à l’innovation dans les PME invoqué par plusieurs

auteurs, et devant favoriser la grande entreprise, serait leurs difficultés à attirer des

ressources humaines compétentes7, dont du personnel scientifique. Cette situation

peut toutefois être contrebalancée par la mise en place d’un certain nombre de

pratiques de gestion des ressources humaines pouvant favoriser le recrutement, la

motivation et la rétention du personnel qualifié. Les résultats du tableau 12 nous

permettent de supposer que cette stratégie est effectivement utilisée par les PME les

plus innovantes, celles-ci ayant implanté en plus grande proportion des pratiques de

GRH pertinentes dans le présent contexte, comme une politique de recrutement et

un programme de participation aux profits. Ces pratiques sont complétées par des

activités de formation plus importantes, dont un budget supérieur et un recours plus

fréquent à des activités de formation sur mesure visant à former le personnel selon

les besoins spécifiques de l’entreprise. ------------------ 7 Cette lacune possible des PME peut aussi être compensée par des collaborations diverses. Celles-ci

sont présentées au tableau 15.

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TTaabblleeaauu 1122 PPrraattiiqquueess ddee ggeessttiioonn ddeess rreessssoouurrcceess hhuummaaiinneess eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible (N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Pourcentage d’entreprises ayant un responsable RH

49,15 55,70 0,58

Pourcentage d’entreprises ayant une politique de recrutement

33,90 51,90 4,44 **

Pourcentage d’entreprises ayant un programme de participation aux profits

16,95 39,24 8,04 ***

Budget annuel de formation en % de la masse salariale

1,00 1,50 2,03 **

Pourcentage d’entreprises utilisant la formation sur mesure

62,07 81,01 6,09 **

* p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Contrairement à nos attentes et aux prévisions de Labahn et al. (1996), les

entreprises innovantes n’ont pas une « stratégie » marketing différente des autres

(tableau 13), même si leur dirigeant principal manifeste un intérêt relativement

important pour ces activités (résultat non significatif). Le fait qu’elles soient plus

jeunes et que leur production doive plus souvent répondre aux besoins d’un client

important pourraient expliquer ces résultats.

Par contre, ces entreprises consultent beaucoup plus leurs clients/donneurs

d’ordres que les autres pour des informations commerciales (tableau 14), et

collaborent plus souvent avec eux (tableau 15), ce qui pourrait réduire les besoins de

procéder à des études de marché structurées ou d’avoir une fonction

marketing/ventes conventionnelle faisant appel à certaines pratiques reconnues. Ces

derniers résultats pourraient ainsi montrer que les PME fortement innovantes sont

plus près de leur marché que les autres et ont ainsi une plus grande capacité pour

définir leurs besoins et répondre à leurs attentes.

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TTaabblleeaauu 1133 PPrrooxxiimmiittéé dduu mmaarrcchhéé eett ssttrraattééggiiee mmaarrkkeettiinngg eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible

(N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Pourcentage d’entreprises où le dirigeant manifeste un intérêt pour la fonction MRK/Ventes

50,85 64,56 2,62

Pourcentage d’entreprises ayant un responsable désigné pour les activités de ventes/marketing

81,36 87,34 0,94

Ratio du nombre de représentants au nombre total d’employés

3,23 3,45 0,17

Pourcentage d’entreprises réalisant fréquemment des activités de prospection de nouveaux clients/marchés

44,44 58,11 2,34

Pourcentage d’entreprises ayant commercialisé un produit maison

49,15 62,03 2,28

Pourcentage des ventes avec les trois principaux clients 41,00 47,00 1,05 Pourcentage des achats auprès des trois principaux fournisseurs

60,00 40,00 2,27 **

Pourcentage d’entreprises dont la production doit répondre aux normes de qualité d’un client important

49,15 74,68 9,53 ***

Pourcentage d’entreprises dont le client principal est une PME 42,11 38,96 0,13 Pourcentage d’entreprises dont le client principal est une grande entreprise nationale

29,82 32,47 0,11

Pourcentage d’entreprises dont le client principal est une multinationale

22,81 23,38 0,01

* p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

TTaabblleeaauu 1144 OOrriiggiinnee,, ggeessttiioonn eett ddiiffffuussiioonn ddee ll’’iinnffoorrmmaattiioonn eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible (N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Veille commerciale • Pourcentage d’entreprises consultant les cadres et le

personnel de vente 77,97 91,14 4,73 **

• Pourcentage d’entreprises consultant les clients, fournisseurs et donneurs d’ordre

69,49 86,08 5,60 **

• Pourcentage d’entreprises consultant les journaux et foires

76,27 79,75 0,24

Veille technologique • Pourcentage d’entreprises consultant les cadres et le

personnel de production 64,41 75,95 2,19

• Pourcentage d’entreprises consultant les clients, fournisseurs et donneurs d’ordre

40,68 54,43 2,56

• Pourcentage d’entreprises consultant les journaux et foires

71,19 72,15 0,02

Pourcentage d’entreprises utilisant un système intranet 42,37 60,76 4,58 ** Pourcentage d’entreprises utilisant Internet/extranet 71,19 91,14 9,36 *** Pourcentage d’entreprises utilisant l’échange de documents informatisés

30,51 29,11 0,03

Niveau de diffusion des informations (1 = faible… 4 = élevé)

• Opérationnelles (objectifs + résultats de productivité) 3,03 3,20 1,44 • Économiques 2,67 2,90 1,93 • Stratégiques (changements organisationnels,

changements technologiques) 3,47 3,31 1,17

* p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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Une recherche d’information riche, des sources pertinentes et une diffusion

large à l’intérieur de l’entreprise sont considérées comme des activités pouvant

favoriser un climat créatif et une organisation flexible. Les résultats du tableau 14

montrent que les entreprises fortement innovantes ont des activités de veille

commerciale plus développées que les autres, mais très ciblées, utilisent plus

souvent des systèmes informatisés d’échange d’information, mais ne diffusent pas

plus largement les informations de nature opérationnelle, économique ou

stratégique. Sauf en ce qui concerne la diffusion des informations, ces résultats

confirment les conclusions de Koufteros et al. (2002) et Song et al. (cités dans

Koufteros et al., 2002). Une consultation plus fréquente des

clients/fournisseurs/donneurs d’ordre pour les informations commerciales peut

accroître le taux d’innovation en permettant une meilleure définition des produits,

assurant ainsi leur conformité aux besoins et exigences des clients. Cette information

peut également être recueillie à l’interne auprès des cadres et du personnel de vente

qui sont plus près de la clientèle.

Ces entreprises collaborent également plus souvent avec leurs

clients/donneurs d’ordres pour les différentes activités permettant de définir le

produit, de le fabriquer et ensuite de le distribuer (voir tableau 15). Cette

collaboration sur toute la chaîne logistique assure une plus grande efficacité aux

entreprises innovantes car elles font face à une moins grande incertitude

commerciale et technologique. Par ailleurs, pour combler leur présumée faiblesse en

conception/R-D ou pour bénéficier d’une expertise complémentaire, les entreprises

fortement innovantes collaborent plus avec des maisons d’enseignement que les

autres. Finalement, les collaborations plus fréquentes avec leurs fournisseurs pour

les activités de marketing/ventes pourraient être associées à une forme de

« réseautage » dans le but de mieux connaître et satisfaire les besoins de leurs

clients, besoins qu’elles communiquent à leurs fournisseurs.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

42

TTaabblleeaauu 1155 CCoollllaabboorraattiioonnss dd’’aaffffaaiirreess eett ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible

(N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Pourcentage d’entreprises qui collaborent en conception/R-D avec :

• Un donneur d’ordres ou les clients 10,17 32,91 9,81 *** • Les fournisseurs 15,25 24,05 1,62 • Un centre de recherche 20,34 27,85 1,03 • Une maison d’enseignement 3,39 16,46 5,95 ** Pourcentage d’entreprises qui collaborent en marketing/ventes avec :

• Un donneur d’ordres ou les clients 22,03 35,44 2,91 * • Les fournisseurs 3,39 17,72 6,77 *** Pourcentage d’entreprises qui collaborent en production avec :

• Un donneur d’ordres ou les clients 13,56 27,85 4,05 ** • Les fournisseurs 28,81 34,18 0,45 * p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Conformément aux résultats de Roper et Love (2002) et à ceux de Brouwer

et Kleinknecht (1996), les entreprises fortement innovantes ont des activités de R-D

plus formalisées que les autres, ce qui peut être mesuré par la présence d’un

responsable désigné de même que par le fait qu’un plus grand nombre d’employés y

consacrent une partie de leur temps (tableau 16).

TTaabblleeaauu 1166 RReecchheerrcchhee eett ddéévveellooppppeemmeenntt eett iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible (N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Pourcentage d’entreprises ayant un responsable désigné pour les activités de R-D

35,59 64,56 11,36 ***

Pourcentage du personnel affecté aux activités de R-D 0,64 2,91 2,66 *** Pourcentage des ventes destiné à la R-D sur les produits

0,69 2,37 4,81 **

Pourcentage des ventes destiné à la R-D sur les équipements

0,80 0,70 0,04

Pourcentage des ventes destiné à la R-D sur les procédés

0,20 0,54 7,31 ***

Pourcentage des ventes destiné à la R-D (total) 1,67 3,60 3,95 ** * p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Finalement, les entreprises fortement innovantes utilisent plus que les

autres des outils/systèmes assistés par ordinateur pour la conception, le dessin et la

fabrication. Ces systèmes procurent une plus grande efficacité et un meilleur contrôle

dans l’utilisation des ressources, parce qu’ils permettent plus rapidement de

procéder à des ajustements au besoin.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

43

TTaabblleeaauu 1177 FFlleexxiibbiilliittéé eett ccoonnttrrôôllee,, eett iinnnnoovvaattiioonn

Innovation nulle ou faible

(N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Pourcentage d’entreprises qui utilisent un système de conception assistée par ordinateur

24,53 55,13 12,07 ***

Pourcentage d’entreprises qui utilisent un système de dessin assisté par ordinateur

47,27 75,95 11,60 ***

Pourcentage d’entreprises qui utilisent un système de fabrication assistée par ordinateur

11,11 41,56 14,29 ***

Pourcentage d’entreprises qui utilisent un système de conception/fabrication assistées par ordinateur

10,91 31,08 7,37 ***

* p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Nous avons ainsi fait le tour des concepts pouvant jouer un rôle significatif

sur le degré d’innovation des PME, mais sur une base individuelle. L’ensemble de ces

concepts sera repris dans une approche multivariée qui nous permettra de

déterminer l’importance relative de chacun d’eux par rapport aux autres.

4.3 Compréhension de l’innovation dans les PME manufacturières

44..33..11 DDÉÉTTEERRMMIINNAATTIIOONN DDEESS FFAACCTTEEUURRSS IINNFFLLUUEENNÇÇAANNTT LL’’IINNNNOOVVAATTIIOONN

Notre modèle suppose qu’un certain nombre de facteurs devraient influencer

la propension à innover des PME, en créant un climat favorable grâce à des modes

de fonctionnement particuliers et à la disponibilité de ressources en qualité et en

quantité suffisantes. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons utilisé des modèles de

régression pas à pas (stepwise) qui confirment que la propension à innover des PME

ainsi que leur degré d’innovation sont influencés par ces concepts, mais dans des

proportions et des combinaisons différentes.

Toutes les variables utilisées dans les tests univariés (section 4.2) ont été

analysées et insérées dans ces modèles de régression8. Les mêmes variables ont été

utilisées pour expliquer, d’une part la probabilité d’innover des PME (mesurée par ------------------ 8 Des tests de corrélation ont permis d’éliminer des variables mesurant les mêmes concepts, alors que

des tests de normalité ont entraîné la correction de certaines variables, par des transformations logarithmiques ou de racine carrée notamment.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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une variable binaire prenant la valeur de 0 lorsque les ventes de nouveaux produits

ou de produits modifiés sont inférieures ou égales à 10 %, et 1 dans le cas contraire)

et, d’autre part leur degré d’innovation (mesuré par le pourcentage des ventes issu

des nouveaux produits ou des produits modifiés). L’utilisation des régressions pas à

pas permet de retenir dans le modèle seulement les variables significatives à un seuil

de tolérance que nous avons fixé à 15 %, en raison de la nature exploratoire de ces

tests. Ces résultats sont présentés au tableau 18.

TTaabblleeaauu 1188 RReellaattiioonnss eennttrree llee pprrooffiill ddee ll’’eennttrreepprreenneeuurr,, lleess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee ll’’eennttrreepprriissee eett ll’’iinnnnoovvaattiioonn

Propension à innover (N = 150)

Taux d’innovation (N = 150)

Ordonnée à l’origine 0,00 15,87 Entrepreneur Entrepreneur ayant participé à la création de l’entreprise (oui/non)

0,30 0,15 **

Nombre d’années d’expérience du dirigeant dans l’industrie 0,29 * -0,11 Profil de l’entreprise Chiffre d’affaires à la dernière année

-0,59 *** -0,16 **

L’entreprise est située dans une région périphérique (oui/non) -0,14 ** Taux de croissance réalisé au cours des trois dernières années 0,32 Pratiques de GRH Utilisation d’un programme de participation aux profits

0,52 **

Utilisation de la formation sur mesure 0,69 *** 0,28 *** Proximité des marchés Taux d’exportation ( % des ventes)

0,76 ***

Pourcentage des ventes avec les trois principaux clients 0,18 *** La production doit répondre aux normes de qualité d’un client important (oui/non)

0,55 *** 0,20 ***

Information Veille commerciale : consultation des cadres et du personnel de vente

0,11

Veille commerciale : consultation des clients/ fournisseurs/ donneur d’ordres

0,47 **

Utilisation d’un système Internet/extranet (oui/non) 0,24 0,22 *** Collaborations d’affaires Collaboration marketing/ventes avec donneur d’ordres/client

-0,50 ***

Collaboration marketing/ventes avec fournisseur 0,58 ** Activités de R-D Présence d’un responsable désigné pour la R-D (oui/non)

0,49 *** 0,23 ***

Pourcentage du personnel engagé dans des activités de R-D 0,41 *** Budget de R-D destiné aux produits (% des ventes) 0,30 ** Flexibilité et contrôle Système de dessin assisté par ordinateur (oui/non)

0,16 **

Système de fabrication assistée par ordinateur (oui/non) 0,51 ***

R2 ajusté ,6412 ,3717

Test statistique F 7,82 *** * p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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La propension à innover des PME est d’abord influencée 9 par les activités de

développement de marché (exportation et production devant répondre aux normes

de qualité d’un client important) et ensuite par les pratiques de gestion des

ressources humaines (utilisation d’un programme de participation aux profits et de la

formation sur mesure). Du côté de leurs caractéristiques, on notera que ce sont les

plus petites entreprises qui sont les plus susceptibles d’innover et qui ont les plus

hauts degrés d’innovation, alors que les collaborations peuvent influencer la

probabilité d’innover, mais pas nécessairement le taux d’innovation des entreprises.

Ces résultats mettent en évidence qu’un environnement adéquat peut

stimuler l’innovation, mais que son intensité sera influencée par d’autres facteurs,

comme le fait d’avoir une clientèle concentrée, ce qui réduit du même coup les

besoins d’activités marketing et de prospection de marché. Par contre, une

concentration de la clientèle peut favoriser une innovation « réussie » dans la

mesure où il est plus facile pour les PME de définir avec précision les besoins des

clients. Cette réduction de l’incertitude commerciale constitue un avantage important

pour les PME qui sont confrontées à toutes sortes d’aléas dans leur développement

et qui sont souvent fragiles à de petites modifications de leur environnement

externe.

L’utilisation d’un système Internet/extranet permettant de fournir des

informations riches et pertinentes et de les faire circuler efficacement, probablement

entre elles et les clients avec qui elles travaillent étroitement, favorise le degré

d’innovation des PME, tel que supposé initialement.

Comme bon nombre d’auteurs qui l’ont souligné, la formalisation des

activités de R-D, grâce à la présence d’un responsable désigné, stimule la probabilité

d’innover alors que l’importance des sommes qui sont allouées aux activités de R-D

destinées aux produits ainsi que le pourcentage des employés qui y consacrent une

partie de leur temps affectent positivement le taux d’innovation des PME.

------------------ 9 Les coefficients de régression ont été standardisés afin de permettre de les comparer entre eux et

d’identifier plus facilement l’importance relative de chacune des variables.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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Finalement, on notera que l’entrepreneur fondateur, sans augmenter la

probabilité d’innover des PME en influence l’intensité. De plus, les régions

n’influencent pas le potentiel à innover : chaque région à un potentiel d’innovation

équivalent, mais les entreprises se situant dans les régions « périphériques »

(Montérégie, Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Estrie et Mauricie) innovent

moins que celles qui sont soit dans les grands centres (Montréal, Laval et Québec) ou

dans les régions éloignées (Bas-St-Laurent, Côte-Nord, Laurentides, Saguenay-Lac

St-Jean, Abitibi et Outaouais).

En somme, ces résultats globaux confirment les conclusions formulées à

partir des tests univariés. Voyons maintenant le lien entre l’innovation et la

performance.

44..33..22 RREELLAATTIIOONNSS EENNTTRREE LL’’IINNNNOOVVAATTIIOONN EETT LLAA PPEERRFFOORRMMAANNCCEE DDEESS EENNTTRREEPPRRIISSEESS

L’innovation est-elle liée à la performance des entreprises? Dans

l’affirmative, cela justifierait qu’on y consacre beaucoup d’attention parce qu’elle

permettrait d’accroître la richesse et la compétitivité d’un pays. Des tests univariés,

utilisés pour comparer un ensemble d’indicateurs de performance d’entreprises

faiblement et fortement innovantes, montrent que ces dernières affichent une

performance supérieure aux autres (tableau 19). La croissance des ventes, la

productivité et l’importance de l’exportation des entreprises fortement innovantes

sont toutes supérieures à celles des entreprises faiblement innovantes. Il est

intéressant de constater que les ventes par employé ont augmenté plus vite chez les

entreprises fortement innovantes. En plus d’être plus performantes en termes

absolus, les entreprises innovantes semblent contribuer à une croissance réelle de la

richesse grâce à une augmentation de leur productivité.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

47

TTaabblleeaauu 1199 RReellaattiioonnss eennttrree ddiifffféérreennttss iinnddiiccaatteeuurrss ddee ppeerrffoorrmmaannccee eett llee ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn ddeess PPMMEE

Innovation nulle ou faible (N = 59)

Innovation forte

(N = 79)

|Statistique|

Croissance Croissance moyenne des ventes sur 3 ans (%) 9,82 20,66 3,54 *** Croissance moyenne des ventes sur 3 ans par rapport au secteur (%)

-0,22 0,28 2,16 **

Rentabilité Marge brute moyenne sur 3 ans (%) 18,44 22,18 1,65 * Marge nette moyenne sur 3 ans (%) 2,10 3,90 1,89 * Taux de rendement sur l’actif (3 ans) 9,27 10,78 0,86 Productivité Croissance du bénéfice net par employé sur 2 ans (en %)

-31,03 2,07 2,45 **

Ventes par employé moyenne sur 2 ans ($) 123 275 $ 101 369 $ 1,54 Croissance des ventes par employé sur 2 ans (en %) -1,61 5,46 2,07 ** Exportation Pourcentage d’entreprises réalisant des ventes hors Canada

59,65 82,28 8,56 ***

Pourcentage de ventes hors Canada 15,00 22,00 1,61 Pourcentage d’entreprises réalisant des ventes outremer

24,56 35,44 1,84

Pourcentage de ventes outremer 5,85 6,00 0,00 * p <= 10 %; ** p <= 5 %; *** p <= 1 %

Cependant, il est plus intéressant de mesurer les relations simultanément

entre toutes les variables afin de mieux comprendre les relations entre l’innovation,

ses déterminants et la performance des entreprises. C’est ce que nous avons fait en

utilisant un modèle d’équations structurelles dont les résultats sont présentés à la

figure 4. Pour faciliter l’interprétation des résultats, nous avons sélectionné un

certain nombre de variables pertinentes qui ont été intégrées au modèle. Les

résultats présentés à la figure 4 sont les plus significatifs. On y constate que,

globalement, les relations entre l’organisation et l’innovation et entre l’innovation et

la performance, sont plus difficiles à expliquer que ce qui a été observé sur le plan

univarié. Parmi les facteurs expliquant le plus l’innovation, c’est l’organisation de

l’entreprise qui domine (coefficient de 0,25 significatif à 1 %), ce qui était prévisible

selon la littérature. Viennent ensuite les ressources (0,21) où, encore une fois, la

relation négative avec les ventes confirme que ce sont les plus petites entreprises qui

sont susceptibles d’innover davantage. Les activités de R-D constituent également un

stimulant significatif du degré d’innovation (0,16), et le rôle de ce concept est

suffisamment important pour justifier l’intervention des pouvoirs publics en ce sens,

contrairement à ce qui a été observé sur divers échantillons de PME. Finalement,

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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lorsque le rôle de l’entrepreneur est mesuré en même temps que celui des trois

autres concepts, il devient négligeable et même non significatif. Malgré l’influence

non significative de l’entrepreneur, les résultats vont dans le même sens que ceux

des régressions multiples présentés au tableau 19.

Par ailleurs, tel qu’indiqué plus haut, la relation entre l’innovation et la

performance est loin d’être évidente comme le confirment les résultats de ce modèle

global d’analyse, ceci étant prévisible à la lumière de la littérature. L’innovation

influence positivement la rentabilité et la croissance des entreprises, lorsque ces

concepts sont mesurés par la marge bénéficiaire brute, le taux de rendement de

l’actif, la croissance des ventes et l’exportation. Par contre, l’influence de l’innovation

sur la productivité est négative, celle-ci étant mesurée par le ratio des ventes par

employé et des ventes par dollar d’actif. Un aspect temporel non considéré peut

expliquer ces résultats. En effet, l’innovation peut, à court terme, nécessiter

l’embauche de personnel supplémentaire et l’achat d’actifs spécifiques, expliquant

que le degré d’utilisation de ces éléments de capital soit moins élevé. Ces effets

devraient toutefois se renverser lorsque l’entreprise aura retrouvé son équilibre et

que les investissements seront mieux contrôlés. Du côté de la croissance, on notera

que c’est d’abord le développement des ventes qui est lié au degré d’innovation, et

non l’exportation. Ces résultats pourraient confirmer partiellement que les

entreprises n’innovent pas nécessairement pour exporter, mais que cette voie ne

constitue qu’une avenue possible favorisant leur développement.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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FFiigguurree 44 RReellaattiioonnss eennttrree lleess PPMMEE,, llee ddeeggrréé dd’’iinnnnoovvaattiioonn eett llaa ppeerrffoorrmmaannccee1100

En dernier lieu, et conformément à plusieurs courants de recherche, nous

avons voulu voir si la performance de l’entreprise pouvait plus facilement être

expliquée par la R-D que par l’innovation. Pour vérifier ceci, nous avons repris le

même modèle et ajouté des liens entre les éléments définissant l’entreprise et

l’entrepreneur et l’intensité de la R-D d’une part, et entre celle-ci et les concepts de

performance, d’autre part. Ces résultats sont présentés à la figure 5, où l’on constate

des relations plus fortes entre la R-D et la performance qu’entre l’innovation et la

performance.

------------------ 10

Les valeurs indiquées à côté des flèches représentent la force de la relation entre le construit et sa mesure, soit un coefficient de corrélation. Par exemple, les déterminants du concept de l’entrepreneur sont les objectifs de croissance et l’expérience dans le secteur. Le concept de l’entrepreneur est mieux mesuré par son expérience dans le secteur (0,89) que par ses objectifs de croissance (0,48). Les mêmes explications sont valables pour les autres mesures et concepts.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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FFiigguurree 55 RReellaattiioonnss eennttrree ll’’eennttrreepprriissee,, ll’’iinntteennssiittéé ddee llaa RR--DD,, ll’’iinnnnoovvaattiioonn eett llaa ppeerrffoorrmmaannccee

Les objectifs de l’entrepreneur, incluant ses orientations stratégiques en ce

qui a trait au développement de marché et à l’adoption de nouvelles technologies,

sont liés significativement à l’intensité des activités de recherche et développement,

mais pas à l’innovation. Ces résultats confirment que les entrepreneurs orientés vers

la croissance et l’expansion de leur entreprise sur des marchés plus complexes et

avant-gardistes utilisent les activités de R-D pour rencontrer leurs objectifs.

Les concepts d’organisation de l’entreprise et des ressources ne sont pas liés

significativement à l’intensité de la R-D mais favorisent le degré d’innovation. Ces

résultats sont conformes à ce qui a été observé sur le plan univarié ou au niveau des

régressions à l’effet que l’adoption de normes de qualité d’un client important,

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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l’utilisation d’un réseau de communication interne et la formation sur mesure

favorisent l’innovation contrairement à la taille qui joue le rôle inverse.

Du côté de la performance, l’intensité de la R-D est un facteur explicatif

significatif et non négligeable. La R-D contribue à accroître la performance (0,32)

mais surtout la marge brute des entreprises, ce qui avait déjà été observé dans

d’autres études puisque ces activités sont supposées favoriser le développement de

produits à valeur ajoutée, ou accroître l’efficacité des systèmes de production afin de

réduire les coûts associés à cette fonction. La R-D favorise également la productivité

des entreprises (0,20) et finalement la croissance (0,18), mesurée principalement

par l’évolution du chiffre d’affaires. Ce dernier résultat est intéressant puisqu’il

confirme, comme mentionné plus haut dans le texte, que ce ne sont pas les

ressources individuellement qui sont importantes, mais leur cohérence avec les

objectifs stratégiques et l’organisation de l’entreprise.

Finalement, les différences observées entre l’impact de la R-D et de

l’innovation sur la performance s’expliquent en partie par des effets temporels,

comme suggéré plus haut, mais également par le fait que ce sont deux stratégies qui

ne visent pas les mêmes objectifs, qui dépendent de l’environnement de l’entreprise

et des orientations de son dirigeant principal.

5. Conclusions et recommandations

Parce que l’innovation peut contribuer à accroître la compétitivité et la

richesse d’un pays, il est important de savoir comment elle peut être stimulée,

surtout chez les petites entreprises qui sont au centre de la croissance économique

de plusieurs pays industrialisés. Nos résultats montrent qu’un environnement

flexible, un entrepreneur ouvert, des pratiques de gestion des ressources humaines

adéquates, des collaborations d’affaires avec des partenaires particuliers, une

relation étroite avec quelques clients importants et une gestion efficace de

l’information sont des éléments pouvant stimuler l’innovation chez les PME

manufacturières.

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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Par ailleurs, les résultats montrent également que l’innovation et la R-D ne

se développent pas nécessairement dans les mêmes conditions, ce qui pourrait

laisser croire qu’elles ne visent probablement pas les mêmes objectifs du dirigeant.

L’innovation serait associée prioritairement à la croissance des entreprises alors que

la R-D viserait davantage la rentabilité et la productivité (voir la figure 5).

Pour favoriser l’innovation chez les PME, il n’est peut-être pas nécessaire

d’accroître leur budget de R-D, quoique cela peut aider, mais il serait peut-être plus

utile de leur permettre de créer un environnement créatif, flexible et valorisant pour

le personnel.

Vouloir accentuer l’innovation dans le but de favoriser à court terme la

performance des entreprises n’est peut-être pas une bonne idée. En effet, comme il

a été dit plus haut, l’innovation stimule la croissance mais réduit à court terme la

productivité. Quant à la rentabilité, nous observons des relations relativement

faibles. La patience doit guider les interventions des pouvoirs publics. Il nous paraît

plus important de développer à court terme les capacités d’innovation des PME qui,

conjuguées à des activités de R-D formalisées, favoriseront la compétitivité et la

productivité des entreprises.

L’innovation est empreinte d’incertitude et donc de risque. Vouloir la

stimuler chez les PME implique qu’il faille peut-être assurer un certain contrôle sur

l’environnement afin de permettre aux entrepreneurs de réduire les risques d’échec,

qu’ils sont souvent incapables d’encaisser sans conséquences majeures.

En somme, pour accroître l’innovation chez les PME, nos travaux suggèrent :

De favoriser le réseautage ou les collaborations entre la PME et des partenaires stratégiques pour accroître l’innovation; ces partenaires stratégiques sont les institutions d’enseignement pour les activités de conception/R-D, les fournisseurs pour les activités de production et les clients/donneurs d’ordre pour les activités de conception/R-D et ventes/marketing;

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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D’aider les entreprises à identifier les besoins de leur clientèle et réduire l’incertitude commerciale pour mieux définir leurs produits et accroître les chances d’acceptation. Les PME sont réputées montrer certaines faiblesses dans leurs activités de commercialisation et de relations avec le marché, sauf celles qui sont sous-traitantes ou en situation de dépendance commerciale. Développer les capacités « marketing » des PME devrait générer des bénéfices à long terme, puisqu’elles pourraient conquérir de nouveaux marchés ou développer une nouvelle clientèle et en même temps, pour certaines d’entre elles, réduire leur dépendance face à un faible nombre de clients importants.

D’accompagner les entreprises ayant le potentiel d’innover, dans toutes les phases de l’innovation, en gérant les différents types d’incertitude. Passer d’une phase à une autre de l’innovation nécessite des ressources particulières, qui peuvent être comblées par les pouvoirs publics. Ces ressources sont souvent humaines et représentent une expertise qui n’est pas toujours disponible dans les PME. Par ailleurs, les ressources financières à certaines étapes de l’innovation pourront fournir le coup de main nécessaire pour ne pas retarder indûment le développement tout en s’assurant que celui-ci a été réalisé correctement;

D’accompagner les entrepreneurs dans la démarche d’innovation en facilitant, par exemple, la qualification de la main-d’œuvre et la mise en place de programmes de rétention de personnel visant à ne pas perdre le personnel qualifié, ce qui se solderait par des pertes d’efficacité importantes;

Viser des interventions sur mesure et adaptées à la réalité de chaque entreprise. L’hétérogénéité des PME, de plus en plus reconnue, demande que les interventions des pouvoirs publics soient surtout sur mesure plutôt que génériques. Il existe différents types de PME qui présentent des profils très particuliers et qui ne répondront pas de la même façon à des stimuli externes, surtout si ceux-ci ne sont pas cohérents avec la stratégie du dirigeant;

Sensibiliser les PME à l’importance de s’ouvrir sur le monde extérieur, via des activités de veille ciblées pour colliger des informations pertinentes et au moment opportun. Les contacts avec des clients, fournisseurs, ou même les conseillers économiques qui sont réseautés, permettent d’accroître la richesse et la pertinence des informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées.

La flexibilité et la créativité, le contrôle et l’efficacité, l’engagement et la

motivation sont tous des déterminants significatifs de l’innovation dans les PME et

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L’innovation de produit chez les PME manufacturières : organisation, facteur de succès et performance

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d’une relation entre celle-ci et la performance de l’organisation. Vouloir accroître

l’innovation sans créer un climat propice sera vain et peut davantage nuire à

l’entreprise que favoriser son développement. Ce qui a été mis en évidence dans

cette étude est l’importance qu’il faut accorder à l’organisation de l’entreprise dans

son ensemble et à son mode de fonctionnement et non à une dimension en

particulier. Cette cohérence et cette cohésion entre les facteurs de production sont

les vrais stimuli à l’innovation.

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