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Association des maires de France Monsieur François Baroin, Président Association des Maires Ruraux de France Monsieur Michel Fournier, Président Association France Urbaine Madame Johanna Rolland, Présidente Paris, le 30 janvier 2021 Lettre ouverte L’instruction en famille, une chance pour la France ! Monsieur le Président, Madame la Présidente En France, comme dans de nombreuses démocraties, c'est l'instruction qui est obligatoire, pas l'école. Tout parent peut se retrouver dans la nécessité de retirer un enfant de l’école pour un temps (harcèlement, profils atypiques, troubles dys, handicap en cours de reconnaissance, etc.). Savoir que cette possibilité légale existe est rassurant. Le projet de suppression du libre choix de l’instruction en famille concerne dès lors tous les citoyens. Le 2 octobre 2020, le Président de la République a annoncé un projet de loi visant à lutter contre les « séparatismes ». Renommé depuis projet de loi « confortant le respect des principes de la République », il sera présenté à l'Assemblée nationale le 1er février 2021. Le Président de la République a affirmé : « Dès la rentrée 2021, l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans. L'instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé. » L’article 21 du projet de loi « confortant le respect des principes de la République » est l'expression de la volonté du gouvernement de supprimer l'instruction en famille. Cet article vise en effet à rendre la scolarisation obligatoire pour tous les enfants dès trois ans en établissement scolaire. L'instruction en famille ne serait plus possible que sur dérogation soumise à autorisation administrative préalable annuelle. En l'absence d'autorisation, les parents encourraient de lourdes sanctions : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Par la présente, nous souhaitons vous alerter quant à la nécessité de préserver le libre choix de l'instruction en famille, qui est un des piliers de la liberté d’enseignement, constitutionnellement protégée, et aussi une liberté fondamentale. 1 « S’il devait y avoir un conflit entre la République et la liberté, c’est la République qui aurait tort » Georges Clemenceau, Président du Conseil (1841 - 1929)

L’instruction en famille, une chance pour la France

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Page 1: L’instruction en famille, une chance pour la France

Association des maires de France Monsieur François Baroin, Président

Association des Maires Ruraux de France Monsieur Michel Fournier, Président

Association France Urbaine Madame Johanna Rolland, Présidente

Paris, le 30 janvier 2021

Lettre ouverte                      

                                              L’instruction en famille, une chance pour la France !

Monsieur le Président, Madame la Présidente

En France, comme dans de nombreuses démocraties, c'est l'instruction qui est obligatoire, pas l'école. Tout parent peut se retrouver dans la nécessité de retirer un enfant de l’école pour un temps (harcèlement, profils atypiques, troubles dys, handicap en cours de reconnaissance, etc.). Savoir que cette possibilité légale existe est rassurant. Le projet de suppression du libre choix de l’instruction en famille concerne dès lors tous les citoyens.

Le 2 octobre 2020, le Président de la République a annoncé un projet de loi visant à lutter contre les « séparatismes ». Renommé depuis projet de loi « confortant le respect des principes de la République », il sera présenté à l'Assemblée nationale le 1er février 2021. Le Président de la République a affirmé : « Dès la rentrée 2021, l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans. L'instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé. » L’article 21 du projet de loi « confortant le respect des principes de la République » est l'expression de la volonté du gouvernement de supprimer l'instruction en famille. Cet article vise en effet à rendre la scolarisation obligatoire pour tous les enfants dès trois ans en établissement scolaire. L'instruction en famille ne serait plus possible que sur dérogation soumise à autorisation administrative préalable annuelle. En l'absence d'autorisation, les parents encourraient de lourdes sanctions : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Par la présente, nous souhaitons vous alerter quant à la nécessité de préserver le libre choix de l'instruction en famille, qui est un des piliers de la liberté d’enseignement, constitutionnellement protégée, et aussi une liberté fondamentale.

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« S’il devait y avoir un conflit entre la République et la liberté, c’est la République qui aurait tort »Georges Clemenceau, Président du Conseil (1841 - 1929)  

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L'instruction en famille : un des piliers de la liberté d'enseignement Le libre choix de l’instruction en famille fait partie intégrante du paysage éducatif français depuis un siècle et demi (lois de Jules Ferry). En 2021, environ 60 000 enfants sont instruits en famille (0,5 % des effectifs en âge de scolarisation obligatoire). Selon l'arrêt du Conseil d'État du 19 juillet 2017 : « Le principe de la liberté de l'enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, implique la possibilité de créer des établissements d'enseignement, y compris hors de tout contrat conclu avec l'État, tout comme le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l'instruction au sein de la famille. » Comment une loi visant à renforcer les principes républicains – le premier étant la liberté – peut-elle proposer de rayer d'un coup de crayon une liberté fondamentale inscrite depuis 139 ans dans notre Constitution et qui participe à la résilience du système scolaire français ? Le ministre de l’Éducation nationale lui-même, Monsieur Jean-Michel Blanquer, soulignait encore le 18 juin 2020 devant le Sénat : « Cette liberté d'enseignement à domicile, elle a un fondement constitutionnel puissant et qu'on ne peut que reconnaître et qui est, je pense, positif. » Le projet de loi visant à renforcer les principes républicains est un texte essentiellement répressif. Concernant l'instruction en famille, le Conseil d'État l'a considéré, dans son avis du 3 décembre 2020, comme disproportionné et injustifié, arguant que l'étude d'impact ne permettait pas d'identifier « les carences reprochées » à l'instruction en famille, ni « la clarification et la hiérarchisation des objectifs du gouvernement ». Des enfants socialisés et parfaitement intégrés à la société

Les enfants instruits en famille et leurs parents sont parfaitement intégrés à la société. La socialisation est la capacité des enfants à interagir avec tous les acteurs de la société, tous âges confondus. Elle n'est pas l'apanage exclusif de l'école. La socialisation est d'autant plus efficace qu'elle se fait à l'échelle de la société dans laquelle évoluent les enfants. L'instruction en famille, cette « école de la vie », permet en effet de multiples rencontres. De nombreuses études ont montré que les enfants instruits en famille ont une très bonne maturité sociale, sont particulièrement autonomes et capables de s’adapter facilement au système scolaire puis au monde du travail quand ils choisissent de retourner à l’école ou de poursuivre une formation (1, 2, 3). Sur le terrain, dans les villes et villages, les maires le savent : investies dans les associations, les familles se rencontrent régulièrement et entretiennent des contacts fréquents et enrichissants. Que ce soit pour une journée ou une semaine, à travers des activités sportives ou artistiques régulières, des visites (musées, ateliers), des sorties diverses, via un engagement associatif ou des échanges sur Internet, les interactions sont innombrables. De plus, 94 % des enfants instruits en famille participent à de nombreuses activités extrascolaires avec des enfants de la même classe d'âge qui sont scolarisés (musique, danse, sports collectifs, etc.) (4). Isabelle Filliozat, spécialiste de la parentalité, témoigne : « L’instruction en famille forme des enfants passionnés, à l’aise avec les adultes, autonomes et responsables. Leur esprit civique est souvent manifeste. » Philippe Bongrand, chercheur en sciences de l'éducation et spécialiste de l'instruction en famille en France souligne : « Nos entretiens auprès de parents comme de contrôleurs invitent, à ce stade de la recherche, à nous défier de toute généralisation : le constat de la fréquentation des équipements collectifs, des clubs sportifs ou des écoles de musique, en même temps que d’autres jeunes qui sont scolarisés, mais aussi la socialisation entre familles “non-sco”, permettent, entre autres, de se défaire de la représentation de jeunes sans liens autres que familiaux. » (3) Plusieurs maires, notamment dans des communes rurales, ont pu s'appuyer sur les parents instruisant leurs enfants en famille qu'ils connaissaient pour aider d'autres parents moins expérimentés à « faire l'école à la maison » pendant le confinement. Ils ont écrit aux députés et sénateurs avec lesquels ils sont en contact pour témoigner de la richesse qu'apportent la diversité éducative et la

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liberté d'enseignement, y compris dans des circonstances qu'il n'était pas possible d'imaginer il y a encore quelques mois, permettant une fructueuse collaboration entre familles ayant opté pour des choix différents.

Un mode d'instruction déjà très encadré

Comme vous le savez, une enquête de la mairie a lieu tous les deux ans, afin de vérifier si les conditions de vie et d’apprentissage sont conformes à l’état de santé de l’enfant et à son droit à l’instruction, et afin de connaître les raisons du choix de l’instruction en famille. De plus, une inspection par l’Éducation nationale a lieu tous les ans (avec possibilité de venir de manière inopinée), afin de vérifier les acquisitions des enfants, qui doivent être conformes au socle commun de connaissances, de compétences et de culture de l’Éducation nationale. L'augmentation des effectifs d'enfants déclarés comme instruits en famille en 2020 est essentiellement contextuelle : elle est liée, d'une part, à la scolarisation obligatoire à 3 ans (loi Blanquer de 2019), et d'autre part à la situation sanitaire. L'instruction en famille est un choix exigeant, qui demande une grande disponibilité des parents et qui restera minoritaire.

Le gouvernement se trompe de cible Le guide interministériel à destination des mairies pour le contrôle de l'instruction dans la famille signale : « Les cas d’enfants radicalisés à l’occasion de l’instruction au domicile familial sont exceptionnels » (5), tout comme le souligne également le vade-mecum d'octobre 2020 à destination des inspecteurs pour le contrôle de l'instruction dans la famille (6). Par ailleurs, en cas d'éventuelle suspicion de radicalisation religieuse dans une famille, ces documents indiquent comment activer les dispositifs déjà prévus. Encore très récemment, en juillet 2020, madame Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la Commission d’enquête sénatoriale sur la radicalisation islamiste, a estimé qu’interdire l’instruction en famille serait dénué d’intérêt. Elle explique que : « L'instruction est obligatoire, mais elle est libre. Des familles ont fait le choix de la scolarisation à domicile sans avoir la moindre velléité d'éloigner leur enfant de la République. À mon sens, il revient plutôt à l'Éducation nationale de veiller à ce que les enfants présentant un risque de radicalisation ne quittent pas l’école (98 % des effectifs en âge de scolarisation obligatoire, ndlr). » Les travailleurs sociaux dans certains quartiers le savent bien : la prise en charge d’enfants dans des « structures de fait » non déclarées a lieu avant et après le temps scolaire… De plus, les enfants « hors radar » ou les enfants en décrochage scolaire ne font, par définition, pas partie de ceux instruits en famille, qui sont quant à eux suivis et contrôlés par l’État. Faut-il rappeler que l'islamisme radical cible et recrute en priorité dans les lieux collectifs, principalement aux abords des lycées (en repérant des jeunes dans une dynamique de dérégulation sociale : échec scolaire, perte de sens, rupture des liens notamment avec la famille) et en prison ? Aucun terroriste connu à ce jour, n'a été instruit en famille. Les maires de France ne peuvent pas laisser sacrifier la liberté d’enseignement Dans ce contexte, la suppression du libre choix l'instruction en famille est vécue comme une punition collective injuste, dont les conséquences seront une perte de confiance dans un État vécu comme oppressif et une dépréciation du sens civique. En effet, cet article bafoue l’autorité parentale et les libertés individuelles. L'histoire nous a appris qu'un État qui veut imposer sa vision de « l’intérêt supérieur » de l’enfant, y compris contre la volonté des parents, est un état totalitaire. Les libertés fondamentales sont à notre démocratie ce que les fondations sont à une maison. Nul ne saurait s'en prendre à ces fondements sans glisser dangereusement vers un état de non-

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droit. Les préserver, c’est refuser de céder à l’obscurantisme, qu’il faut combattre par des moyens appropriés, mais sans se tromper de cible. Face à un tel enjeu pour notre démocratie, les députés et sénateurs sont déjà nombreux à nous avoir manifesté leur soutien. Nous comptons aussi sur les maires pour témoigner de l’intégration des familles instruisant leurs enfants à la vie de la cité et pour défendre la liberté d'enseignement. Vous trouverez en pièce jointe le dossier documentaire que nous avons élaboré afin de faire mieux connaître l'instruction en famille. Nous espérons qu'il vous intéressera. Voici aussi le lien vers les prises de positions de chercheurs qui, depuis l'international, s'inquiètent de mesures si autoritaires et soutiennent le libre choix de l'instruction en famille : https://droit-instruction.org/wp-content/uploads/2021/01/Dossier-des-chercheurs-internationaux-sur-lIEF.pdf.

Comptant sur votre attachement à faire respecter les principes républicains et les libertés fondamentales, nous vous prions, Monsieur le Président, Madame la Présidente, d’agréer l’expression de nos salutations les plus distinguées.

Les associations et collectifs signataires :

CISE (Choisir d'instruire son enfant) FELICIA (Fédération pour la Liberté du Choix de l'Instruction et des Apprentissages) LED’A (Les enfants d’abord) LAIA (Libres d'Apprendre et d'Instruire Autrement) UNIE (Union Nationale pour l'Instruction et l’Epanouissement) L'École est la Maison (EELM) PIEE (Parents Instructeurs Enfants Épanouis) Enfance Libre Liberté Éducation

Contact pour plus d'informations : Thérèse Louvel (association CISE) [email protected] 06 68 67 45 75

_____ Références : 1- Shyers L "Comparison of Social Adjustment Between Home and Traditionally Schooled Students" thèse de doctorat University of Florida's College of Education,1992. https://ufdc.ufl.edu/AA00017640/00001/1j. 2- Smedley TC "Socialization of Home Schooled Children: A Communication Approach" thèse Master of Science in Corporate and Professional Communication, Radford University, Radford, Virginia, 1992. http://myplace.frontier.com/~thomas.smedley/smedleys.htm 3- Bongrand P, Glasman D, Instruction(s) en famille Explorations sociologiques d'un phénomène émergent, Revue française de pédagogie 2018/4 (n°205) https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2018-4-page-5.htm 4- Enquête nationale réalisée par le collectif Félicia entre le 13 et 30 novembre 2020 sur un panel de 3654 foyers représentant 6 295 enfants en IEF déclarés sur l'année 2020-2021. https://instructionenfamille.org/wp-content/uploads/2020/12/Communique_de_presse_-_Sondage_2020_instruction_en_famille_-_Felicia.pdf 5- http://dsden88.ac-nancy-metz.fr/medias/fichier/guide-acteurs-locaux-ief_1513019158823-pdf 6- https://eduscol.education.fr/2212/l-instruction-dans-la-famille

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Présentation des organisations signataires et contacts

L’association CISE (Choisir d'instruire son enfant) est une association de soutien et de défense de l’IEF encourageant une instruction parentale diversifiée, progressive et qui réponde aux besoins de l'enfant pour lui permettre de devenir un citoyen éclairé et responsable. www.cise.fr Contact : [email protected] / 06 84 94 66 28.

La Fédération FELICIA représente des associations locales et plus de 4400 familles membres du groupe https://www.facebook.com/groups/fedefelicia/, pour défendre la liberté du choix de l’instruction et des apprentissages. https://www.federation-felicia.org / [email protected] / 06 19 10 37 88.

L'association LAIA (Libres d'Apprendre et d'Instruire Autrement) représente environ 450 familles adhérentes réparties sur toute la France. Elle existe depuis 14 ans et édite le seul magazine dédié à l'instruction en famille, le trimestriel "Les Plumes". laia-asso.fr. Contact : [email protected] / 06 99 33 89 96 ou 06 71 93 87 72 ou 06 95 95 55 26.

L’association LED’A (Les enfants d’abord), créée en 1988, regroupe plus de 1 400 familles adhérentes instruisant leurs enfants. Elle se mobilise pour défendre leur liberté d'instruction et pour permettre les rencontres facilitant les partages d'expériences et d’informations. www.lesenfantsdabord.org/ Contact : [email protected] / 0689987526 ou 0670100140 ou 0608950100

L’association UNIE (Union Nationale pour l'Instruction et l’Epanouissement) est investie dans l'entraide et la coopération entre familles. Elle est ouverte à tous ceux pour qui l’instruction doit se faire dans le respect de l’épanouissement de l’enfant. UNIE apporte conseils et aide aux 5 300 familles adhérentes et aux 12 000 personnes du groupe Facebook. association-unie.fr. Contact : Armelle - [email protected] / 07 68 47 76 40.

Le collectif l'Ecole est la Maison (EELM) représente et défend l'instruction formelle en famille. Il est force de propositions pour un juste encadrement de l'instruction en famille. w w w . l e c o l e e s t l a m a i s o n . b l o g s p o t . c o m . C o n t a c t : L a u r e n c e F o u r n i e r - [email protected] / 06 62 92 84 70.

Enfance Libre est un mouvement de défense de l'indépendance des familles en matière éducative. Sa priorité est de faciliter l'accès des enfants à la parole publique et politique. www.enfance-libre.fr. Contact : [email protected]

L'association PIEE (Parents Instructeurs Enfants Epanouis) Métropole et Île de La Réunion est une association d'information, d'accompagnement, et de défense des droits des familles instruisant leurs enfants en famille. Site : http://piee.wifeo.com Contact : [email protected] / 06 21 07 69 83

L’association Liberté éducation a pour mission de défendre la liberté d’éducation, en particulier l’instruction en famille, sans aucune considération d’origine, de religion ni de ressources des parents, avec un souci particulier pour les jeunes parents, les parents seuls et les personnes défavorisées. Elle pourra aussi engager des actions en justice pour défendre cette liberté. www.liberteeducation.com Contact : [email protected].

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