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CONSEIL DE FAMILLE Une Comédie de Martine RIGOLLOT Décembre 2012 A mes trois enfants, qui m’apprennent la vie chacun à leur manière

CONSEIL DE FAMILLE Une Comédie de Martine … · semble être soumise à son mari, mais les apparences peuvent être quelquefois ... Il a de la chance mon fils davoir une épouse

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CONSEIL DE FAMILLE

Une Comédie de Martine RIGOLLOT

Décembre 2012

A mes trois enfants, qui

m’apprennent la vie chacun à

leur manière…

Conseil de famille

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AVERTISSEMENT Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En

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obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation

la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…)

doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit

produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non

respect de ces règles entraine des sanctions (financières

entre autres) pour la troupe et pour la structure de

représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y

compris pour les troupes amateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les

troupes et le public puissent toujours profiter de

nouveaux textes.

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Les personnages :

Josefina, « Mamma ». La mère de Luigi et de Angelina. Une forte femme qui est

aussi bienveillante et pleine de bon sens. Elle apprécie beaucoup Antonella la

femme de Luigi. Elle est veuve. Son cher Mari était lui aussi faussaire de génie. La

maison où vit toute la famille lui appartient.

Luigi : Le mari de Antonella. Au début de la pièce, il fête sa sortie de prison où il a

purgé une peine de 18 mois pour faux et usage de faux. Il est macho et grande

gueule, mais en fait se fait mener par le bout du nez par les femmes de la maison. Il

n’a pas les idées larges lorsqu’il s’agit des fréquentations de sa fille.

Antonella : Femme de Luigi et mère de Claudia. Une femme de bon sens qui

supporte avec bonne humeur les hauts et les bas de la famille et les séjours de Luigi

sous les verrous. Elle a de la ressource. Elle est tolérante mais ne s’en laisse pas

compter par Luigi. Ils forment un bon couple.

Claudia : Fille de Antonella et de Luigi. Elle est célibataire, romantique. Elle vit

encore dans la maison familiale et participe à la bonne marche des différentes

« activités » de la famille. Petites escroqueries en tout genre. Elle va présenter un

garçon de bonne famille à ses parents.

Angelina : La sœur de Luigi et fille de Josefina. Elle mène une vie légère elle est la

maitresse d’un homme marié. Cette situation lui convient très bien car elle est

allergique à la vie à deux. Elle joue au poker. C’est dans le milieu du Poker qu’elle a

rencontré son amant.

Xavier : Le petit ami de Claudia. Il est issu d’une famille honnête. Il est conseiller

financier dans une grande banque.

Charles Legrand : Le père de Xavier. Un riche industriel. Strict en apparence.

Marthe Legrand : Femme de Charles et mère de Xavier. Une femme très BCBG, qui

semble être soumise à son mari, mais les apparences peuvent être quelquefois

trompeuses. Elle est très proche de son fils.

LE DECOR : La pièce à vivre d’un appartement un peu surchargé.

LES COSTUMES : Contemporains. En accord avec les personnages. Au choix des

interprètes.

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SCENE 1 : ANTONELLA – JOSEFINA – CLAUDIA – ANGELINA.

(Antonella et Josefina sont sur scène. Elles sont de très bonne humeur.)

ANTONELLA : 18 mois ! J’ai bien cru que ça ne finirait pas Josefina ! JOSEFINA :

Tu as raison ma belle. Moi aussi, j’ai trouvé le temps long cette fois-ci. (elle regarde Antonella avec tendresse) Heureusement que tu étais là…Il a de la chance mon fils d’avoir une épouse comme toi. J’en connais plus d’une qui serait partie depuis longtemps. ANTONELLA :

C’est vrai qu’avec Luigi la vie n’a rien d’un long fleuve tranquille…. Moi qui déteste la routine, j’ai été servie ! JOSEFINA (en riant) :

Il est comme son père. Quand j’ai rencontré Massimo il m’a dit « Avec moi tu manqueras peut-être quelquefois d’argent, mais jamais ni d’amour ni d’imprévu. ».J’ai tout de suite su que je serais heureuse avec lui. ANTONELLA : En prenant des années, je suis quelquefois fatiguée d’être plus souvent au parloir de la prison que dans ma cuisine… JOSEFINA : Je te comprends, ma belle. ANTONELLA :(qui regarde sa montre)

J’espère que Claudia ne sera pas en retard. JOSEFINA : Ne parle pas de malheur ! Je n’ai jamais manqué une seule levée d’écrou. C’est une question de principe. Quelle idée d’avoir pris la voiture juste aujourd’hui ? Elle sait bien qu’on en a besoin. ANTONELLA :

Les sœurs du calvaire attendaient leur livraison de médailles bénies et d’eau de Lourdes. JOSEFINA :

Tu parles ! ça ne devait pas être si urgent que ça ! Des sœurs, ça n’est jamais pressé ! ANTONELLA :

Justement si. Elles recevaient un groupe de japonais pour une retraite et vous savez comme moi qu’ils sont grands amateurs d’objets pieux.

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JOSEFINA :

Il faudrait arrêter les fausses médailles et l’eau de Lourdes. Quand la mère supérieure t’a appelée lundi dernier pour visiter l’atelier Il m’a semblé qu’elle avait un doute. Il faut savoir changer quand il est encore temps. En plus, j’ai mauvaise conscience de tromper des bonnes sœurs, ça va finir par nous porter malheur ! (elle fait le signe de croix) ANTONELLA : Vous avez raison, moi aussi ces derniers temps, j’ai des scrupules à leur mentir. On vieillit, vous ne trouvez pas ? JOSEFINA : Ça, c’est bien possible ! (Entrée d’une jeune femme souriante. Elle vient embrasser Josefina et Antonella.) CLAUDIA :

J’étais coincée dans les embouteillages. C’est quoi, cette histoire d’incendie dans l’atelier ? La mère supérieure était toute affolée… J’ai fait semblant d’être au courant. ANTONELLA :

Josefina dit qu’il est temps de cesser le commerce avec le couvent. Elle pense que ça sent le roussi. CLAUDIA :

C’est pour ça que vous leur avez dit que les locaux avaient brûlé ? Papa va être furax. Ça le rassure de faire du business avec ces « saintes femmes » comme il les appelle ! Il a l’impression de faire une bonne action ! En plus, il a une cote d’enfer au couvent ! Oui, je sais, le mot est mal choisi ! JOSEFINA :

Au risque de briser des cœurs, il va falloir arrêter ! Ce soir, réunion exceptionnelle du conseil de famille. (en s’adressant à Antonella) Allez ma belle, il est l’heure. Claudia, je suppose que tu ne viens pas avec nous ? CLAUDIA : Les sorties de prison, c’est pas mon truc... (Antonella et Josefina sortent. Claudia reste seule sur scène. Son portable sonne. Elle décroche) Allo. C’est toi mon chéri…. Impossible ! Ce soir nous fêtons la sortie de Papa. Il ferait une attaque si je n’étais pas là ! La famille, pour les italiens, c’est sacré. (Claudia est toujours au tél. Une femme habillée de façon un peu voyante rentre.)En parlant de famille ma tante Angelina vient d’arriver. Je te laisse, Je te rappelle tout à l’heure, j’essaierai de m’échapper…Moi aussi. A ce soir…(elle raccroche) Tante Angelina ! Je ne savais pas que tu étais revenue ! (Les deux femmes s’embrassent) ANGELINA

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Je t’ai déjà demandé de m’appeler Angelina tout court ! Quand tu dis « tante Angelina » j’ai l’impression d’avoir cent ans ! Nous sommes rentrés ce matin. Comment va ma nièce préférée ? CLAUDIA :

Je vais bien. ANGELINA : Et tes amours ? CLAUDIA :

Mes amours aussi, justement ... ANGELINA : Tu as rencontré quelqu’un ? Raconte ! J’espère qu’il est riche, jeune, beau et très amoureux de toi ! Je n’ajouterai pas « fidèle », parce que là, c’est mission impossible … ! CLAUDIA :

Tu exagères, comme toujours ! Tous les hommes ne sont pas infidèles ! ANGELINA : Ah bon ? Ne change pas de conversation ! Cet homme à qui tu téléphonais quand je suis arrivée, qui est-ce ? Il a quel âge ? Il s’appelle comment ? Est-ce qu’il est riche ? Vous vous connaissez depuis combien de temps ? CLAUDIA :

Laisse- moi parler si tu veux que je te raconte. On se connait depuis 8 mois et quatorze jours. ANGELINA :

Et tu ne nous a rien dit ? Bonjour la confiance ! CLAUDIA : Avec vous je me méfie ! Il y en a toujours un pour mettre les pieds dans le plat. J’attendais le moment opportun pour vous en parler. ANGELINA : Tu n’as pas répondu à ma question ! Est-ce qu’il est riche ? CLAUDIA :

Il gagne bien sa vie, mais pour moi, c’est vraiment secondaire. ANGELINA :

Quelle insouciance ! Mais c’est très important qu’il soit riche ! Un homme riche te semblera beaucoup moins ennuyeux au fil des années, crois- en mon expérience ! Surtout lorsqu’il gagnera en ventre ce qu’il perdra en cheveux…Et il fait quoi, dans la vie cet oiseau rare ? CLAUDIA :

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Il est conseiller financier. ANGELINA :

C’est un bon point pour lui ! Il va pouvoir aider Luigi à blanchir ses bénéfices. CLAUDIA : Pas question de blanchir quoi que ce soit ! Xavier gagne sa vie honnêtement. ANGELINA :

Et ses parents ? CLAUDIA : Ils sont morts dans un accident de voiture lorsqu’il avait un an. Il a été élevé par sa tante. ANGELINA : Tiens, c’est drôle, Charles aussi, a élevé son neveu avec sa femme. Et ces bons samaritains, Ils sont honnêtes, eux aussi ? CLAUDIA : Evidemment ! ANGELINA :

Ça promet ! Quand ton père va apprendre ça ! Je l’entends hurler d’ici ! Je connais Luigi, ça va lui faire un de ces chocs ! Il va falloir le préparer tout doucement…Tu sais qu’il a un souffle au cœur depuis qu’il est tout petit ? CLAUDIA : Tu exagères encore ! On dirait que je vais lui annoncer que je viens de rencontrer l’étrangleur de Boston ! Charles, ton amant du moment, il a bien une feuille de paie lui aussi ! ANGELINA :

Ça n’a rien à voir ! Entre nous il n’est pas question d’amour, de mon côté en tout cas ! Charles, pour moi c’est un peu… comme un livret A, tu comprends ? Il travaille, c’est vrai, mais tu sais, un homme d’affaires qui réussit dans l’import/export est rarement très honnête. CLAUDIA :

Pauvre Charles ! Etre comparé à un livret A ! C’est dur ! ANGELINA : Ils ont le plafond un peu bas tous les deux … Mais revenons à ton chéri. CLAUDIA : Je vais profiter de l’euphorie du retour pour parler de Xavier à papa. Tu vas voir, ça passera comme une lettre à la poste ! ANGELINA :

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Tu plaisantes ! Jaloux comme il est, il va falloir qu’il s’accroche ton Xavier… Il travaille, ses parents aussi, on peut dire qu’il cumule les handicap ! J’ai beau chercher, je n’ai pas souvenir d’un précédent dans la famille ! CLAUDIA : On arrête ! Et ce voyage à Dubaï ? ANGELINA :

J’avais hâte de rentrer… Une semaine en tête à tête avec Charles, ça m’a fait un peu long ! Heureusement qu’il était pris par ses affaires dans la journée ! Je ne suis pas faite pour avoir un homme dans les pattes 24 h sur 24 ! J’ai rencontré un homme charmant à un tournoi de poker. Je ne lui suis pas indifférente, si tu vois ce que je veux dire … CLAUDIA : Je vois parfaitement ! ANGELINA :

Il est immensément riche, et possède, entre autre, une galerie d’art. Je lui ai parlé du talent de Luigi pour la peinture, et Il m’a fait comprendre à demi- mot qu’il pouvait être intéressé. C’est l’occasion rêvée de développer notre business à l’international. Il m’a invitée le mois prochain. CLAUDIA :

Et Charles ? ANGELINA : Il n’est pas obligé de le savoir ! Il m’a dit l’autre jour que je le fatiguais… Ça le reposera … Finalement, il sera très heureux de se retrouver un peu au calme avec « Maman ». Je le garde quand même au chaud, mais je pense en avoir fait le tour ! CLAUDIA :

Quel cynisme ! Tu ne changeras jamais… ANGELINA : Ça n’est pas du tout dans mes intentions ! (elle regarde sa montre) J’ai hâte de retrouver mon abominable frère ! On a beau dire, la famille, c’est une valeur sûre ! Les affaires vont pouvoir reprendre ! Luigi va être fier de moi…J’ai quelques idées qui devraient lui plaire … CLAUDIA : J’en ai assez de voir Papa gaspiller son talent dans des combines qui l’envoient systématiquement en prison. ANGELINA :

Tu exagères ! Reconnais quand même qu’il a eu des idées de génie qui vous ont rapporté un maximum de fric, comme ce soi disant croquis de Léonard de Vinci plus vrai que nature que les collectionneurs du monde entier se sont disputés ...

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CLAUDIA :

Je ne dis pas le contraire, mais maintenant, Il pourrait se ranger des voitures … (Angelina lui coupe la parole) ANGELINA : Comme tu y vas ! Pourquoi pas travailler et cotiser à la caisse de retraite pendant que tu y es ! CLAUDIA : C’est ce que font la plupart des gens! ANGELINA :

Ma pauvre enfant, tu ne sais pas de quoi tu parles ; Tu imagines ton pauvre père se levant tous les matins à l’aube et travaillant pour un patron qui l’exploiterait pour un salaire de misère ? CLAUDIA : Il pourrait trouver un super job dans le milieu de l’art ! ANGELINA :

Et être arraché prématurément à notre affection, emporté par un infarctus dû au stress et à la pression? Tu sais, quelquefois Charles est vraiment « borderline ». Gagner sa vie honnêtement est épuisant ! C’est un entrainement de tous les instants ! C’est comme la danse, il faut avoir commencé très jeune ! CLAUDIA :

En attendant, Charles est peut-être « borderline », mais il ne vient pas de faire 18 mois de prison ! ANGELINA :

Notre père disait toujours que ce sont les risques du métier ! CLAUDIA : Parce que tu appelles ça un métier ! …(on entend des bruits de voix)

FIN SCENE 1

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SCENE 2 : JOSEFINA – ANTONELLA – CLAUDIA – ANGELINA – LUIGI –

(Entrée de Luigi, accompagné des deux femmes ; Il est volubile, heureux d’être

revenu chez lui visiblement)

LUIGI : (en prenant Claudia dans ses bras) : Voilà la plus belle ! Ma Claudia, si tu savais comme tu m’as manqué… CLAUDIA :

Toi aussi papa. Tu as vu, je t’ai écrit toutes les semaines ! Promets-moi que c’est la dernière fois… LUIGI :

Je te promets que c’est la dernière fois que je me fais pincer…(il aperçoit Angelina) Angelina tu es là aussi ! Viens dans mes bras ! ANGELINA :

Je n’allais pas rater la sortie de mon frère ! (elle se tourne vers Josefina – elle l’embrasse) JOSEFINA :

Mes enfants, je suis si heureuse que nous soyons à nouveau tous réunis. Que Dieu nous accorde sa protection… Comme j’aimerais que Massimo soit ici avec nous… ANTONELLA :

Josefina, je ne veux pas vous voir triste aujourd’hui. Claudia, sers le champagne et trinquons à nos retrouvailles ! (Claudia fait le service). LUIGI :

Luigi is back ! Les choses sérieuses vont pouvoir reprendre ! J’ai eu quelques idées intéressantes pour relancer le business… JOSEFINA :

En parlant de business, nous nous sommes très bien débrouillées pendant ton absence… ANTONELLA :

Les demandes pour mes consultations de voyance sur internet ont explosé ! Je refuse du monde tous les jours ! LUIGI :

C’est bien des histoires de bonnes femme la voyance…Entre nous je ne comprends pas les gens qui paient pour savoir à l’avance les emmerdements qu’ils auront le lendemain…Il faut être maso ! Enfin, si ça t’amuse, ça te fait de l’argent de poche… ANTONELLA : En attendant, mes histoires de bonnes femmes, me rapportent entre 5000 et 6000 euros par mois.

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LUIGI :

Ah quand même ? JOSEFINA : Antonella a un don ! Tu peux être fier d’elle Luigi ! LUIGI :

Je le suis Mamma ,je le suis. Mais il faut reconnaitre que côté business, c’est moi qui lui ai tout appris … JOSEFINA :

Cesse de faire le fanfaron mon fils. LUIGI (à Claudia) : Et toi, « bella mia » tu donnes aussi dans le pendule et la boule de cristal ? CLAUDIA :

Je n’ai aucun don pour ça ! Je continue le business avec le couvent. Les objets pieux sont devenus super tendance ! Les ventes ont grimpé en flèche ces six derniers mois. Par contre, Mamma pense qu’il est temps d’arrêter. LUIGI : Arrêter, « ma perche » Mamma ? JOSEFINA :

Ça m’embête de mentir aux bonnes sœurs, et puis il me semble que la mère supérieure commence à avoir un petit doute. Elle veut visiter l’atelier de fabrication de médailles avec des touristes japonais. Antonella lui a dit qu’il avait été détruit dans un incendie. Si elle téléphone à l’évêché, on est foutus… LUIGI :

Arrête de t’inquiéter Mamma ! Fais- moi confiance ! Tu sais bien la mère supérieure a toujours eu un faible pour moi ! On ne va pas arrêter une activité en plein essor ! Et ma petite sœur, qu’est ce qu’elle raconte ? ANGELINA : J’ai un filon pour développer notre business d’œuvres d’art à l’export… Je rentre de Dubaï où j’ai rencontré un homme d’affaires charmant, grand amateur de poker, qui possède, entre autre, une galerie et qui pourrait te brancher avec des « passionnés d’art ». Je le revois le mois prochain. Antonella et toi devriez m’accompagner. Qu’est-ce que tu en dis ? LUIGI : Je dis pourquoi pas… Il faut voir de quoi il a l’air. Je suis du genre méfiant pour le business, surtout avec un nouvel associé. Et puis un petit voyage nous ferait du bien, pas vrai ma douce ? (Avant qu’Antonella ait pu répondre e téléphone sonne Luigi est à côté il décroche, c’est la mère supérieure on entend ce qu’elle dit)

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LUIGI :

Allo ? Ah, bonjour ma Mère, vous avez toujours votre voix de velours ! MERE SUPERIEURE : Bonjour mon fils. Vous ne changez pas ! Quelle joie de vous entendre ! Comment s’est passé ce long pèlerinage ? LUIGI : Très bien, merci….Justement je pensais à vous…J’allais vous appeler. MERE SUPERIEURE :

Les grands esprits se rencontrent !! Mes sœurs et moi nous espérons que vous viendrez nous faire un compte-rendu de votre périple et nous montrer toutes les belles photos que vous avez du prendre ! Vous devez vous sentir un autre homme ! LUIGI : C’est bien simple, je ne me reconnais plus ! MERE SUPERIEURE :

J’appelais Antonella pour savoir si il n’y avait pas moyen d’honorer les commandes de médailles que nous avons en cours en attendant que l’atelier soit remis en état après l’incendie ? LUIGI : En fait, il ne s’agit pas d’un incendie à proprement parler, plutôt un petit court circuit ! Antonella vous a alarmée pour rien. Depuis quelque temps, elle m’inquiète beaucoup… Elle a, comment dire ça, des absences… MERE SUPERIEURE :

La pauvre enfant ! Elle est encore si jeune ! Elle m’a pourtant semblée bien, au téléphone l’autre jour. LUIGI :

Elle arrive encore à donner le change quelquefois, mais son état se dégrade, je l’ai trouvée terriblement changée à mon retour. MERE SUPERIEURE :

Quelle tristesse ! La vie nous réserve parfois bien des épreuves ! Je vais prier pour elle, je vous le promets ! LUIGI :

Comment vous remercier ? Il faut accepter ce que Dieu nous envoie… A propos de notre affaire, je vais voir quelle est la meilleure solution, et je vous rappelle. MERE SUPERIEURE : A bientôt, mon fils. Courage ! (Luigi raccroche, d’un air détaché. il évite le regard des femmes,). ANTONELLA :

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Si tu rencontres Luigi Vallone, dis-lui que je suis de tout cœur avec lui. Ça ne doit pas être drôle tous les jours, de vivre avec une femme qui perd la tête… LUIGI : Mais, » amore mio », c’est pour le business ! Tu as bien vu que la mère supérieure ne se doute de rien, ce serait dommage de ne pas en profiter ! ANTONELLA (hurlant) : J’en ai marre de ton business ! De toutes ces combines, marre, marre, marre ! Tu m’entends ! ANGELINA : Cette maison retrouve enfin une atmosphère normale ! Il était temps, on commençait à s’endormir ! CLAUDIA (qui profite de l’agitation): Je sors un moment ! LUIGI :

Comment ça tu sors ! On s’est à peine vus ! Tu as une urgence ? CLAUDIA : Un ami qui veut me voir. Je ne serai pas longue. LUIGI :

Tu dois l’aimer beaucoup cet ami pour sortir en plein conseil de famille…Je le connais ? JOSEFINA :

Luigi, laisse Claudia tranquille. Elle est majeure depuis longtemps, tu te rappelles ? LUIGI : Qu’est-ce que ça veut dire « majeure » ? Qu’il ne peut plus rien lui arriver de mal ? Qu’elle ne peut plus se faire agresser par des malades qui trainent en ville ? Même majeure, une femme seule est une proie facile. CLAUDIA :

Justement, tu vas être content parce que je ne suis plus vraiment seule. Il faudra que je vous présente quelqu’un. J’y vais ! (elle sort en vitesse) LUIGI :

Mais de quoi elle parle ? ça veut dire quoi, nous présenter quelqu’un ? Antonella, tu es au courant ? On me cache tout dans cette maison … ANTONELLA : Calme-toi Luigi. Je n’en sais pas plus que toi ! Si Claudia a rencontré quelqu’un, tant mieux ! Tu préfèrerais peut-être qu’elle finisse vieille fille, comme ta cousine Bianca qui est aigrie et desséchée comme un vieux cornichon ?

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LUIGI :

Je vois ça d’ici ! Elle s’est laissée embobiner par le premier venu ! (Josefina se met à rire, Luigi se tourne vers elle).Il était temps que je rentre ! Mamma, tu sais quelque chose ? Qu’est-ce qui te fait rire ? JOSEFINA : C’est toi qui me fais rire ! Fais confiance à ta fille, et attends de voir le garçon avant de te mettre dans tous tes états. LUIGI : Vous n’allez pas me faire croire que personne ne sait rien sur cet individu ? (il jette un regard circulaire comme pour interroger les gens) ANGELINA (après une petite hésitation): Claudia m’en a un tout petit peu parlé en vous attendant… LUIGI :

Tu sais qui c’est ? Je suis sûr que c’est le fils de Francesco, ce barbouilleur qui se prend pour Michel Ange…Il lui tourne autour depuis qu’ils sont petits ! En plus, Francesco est un véritable escroc ! . JOSEFINA : Tandis que toi, tu es un modèle d’honnêteté ! LUIGI :

Moi je suis un artiste ! Pas un gagne petit ! ANTONELLA : Luigi, avec l’âge tu devrais mettre de l’eau dans ton vin ! Tu deviens ridicule ! LUIGI :

Réponds- moi Angelina ! C’est le fils de Francesco ! Pas la peine de nier, je le sens, tu sais que mon intuition ne me trompe jamais ! ANGELINA :

Arrête avec le fils de Francesco ! Elle m’a simplement dit qu’elle avait rencontré un garçon très bien, sérieux. Il est …. LUIGI :

Il est quoi ? ANGELINA : Conseiller financier… LUIGI (qui semble réfléchir): Conseiller financier, …c’est pas mal comme couverture. ANGELINA :

Ça n’est pas une couverture. ..C’est son métier. ..

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LUIGI (incrédule):

Son métier ? Qu’est ce que tu racontes ? Tu veux dire qu’il travaille ? ANTONELLA : Luigi Vallone, arrête de faire le guignol. Où est le problème ? LUIGI :

Où est le problème ? Ma fille est tombée amoureuse d’un homme qui n’est pas de notre milieu et tu me demandes où est le problème ? JOSEFINA :

Au moins Claudia ne gâchera pas ses plus belles années à attendre que son homme sorte de prison. LUIGI :

Ma parole, on vous a fait un lavage de cerveau pendant que j’étais en prison ! Vous avez fait trop de business avec les bonnes sœurs ; ça vous a retourné la tête ! Croyez-moi, il va falloir qu’elle s’explique …(pendant qu’il finit de parler Claudia rentre) ANTONELLA (en s’adressant à Claudia):

Ma chérie tu tombes à pic, ton père est dans tous ces états parce que Angelina nous a dit que tu avais rencontré un garçon très bien ! CLAUDIA :

Franchement, tante Angelina, tu aurais pu attendre… ANGELINA : Arrête de m’appeler « tante » ! Qu’est-ce que vous êtes compliqués dans cette famille ! C’est quand même incroyable ! CLAUDIA : Ce qui est incroyable, c’est que tout le monde se mêle de mes affaires et parle derrière mon dos ! Vous me fatiguez ! ANGELINA : Je préfère rentrer chez moi. (elle embrasse Josefina) « Arrivederci Mamma ». Bonne soirée, bande d’excités … (elle sort). JOSEFINA : Sois prudente en rentrant Angelina. Mes enfants calmez-vous ! Claudia, parle-nous de ce jeune homme ? CLAUDIA :

Il m’aime, je l’aime, et nous avons l’intention de vivre ensemble. Voilà, vous savez tout. Sur ce, je vais me coucher ! LUIGI :

Mais dis quelque chose Antonella !

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ANTONELLA :

Nous sommes très heureux pour toi. N’est-ce pas Luigi ? LUIGI (sinistre): C’est bien simple je n’ai jamais été aussi heureux ! Et son père, il fait quoi ? J’imagine qu’il a aussi une feuille de paie ? CLAUDIA : Il a perdu ses parents lorsqu’il était tout petit. Il a été élevé par sa tante et son mari. Son oncle a une entreprise d’import/export. Sa tante s’occupe d’humanitaire. Il les considère comme ses parents. Voilà, tu sais tout ! LUIGI (ricanant méchamment) :

Et il s’appelle comment, le fils adoptif de Bill Gates et de Mère Thérésa ? CLAUDIA : Il s’appelle Xavier. ANTONELLA :

Arrête Luigi, tu deviens grotesque ! moi j’ai hâte de faire sa connaissance, quand est-ce que tu nous le présentes ? CLAUDIA :

Je pourrais lui dire de passer à la maison prendre un verre un de ces soirs ? LUIGI (ironique à fond): Prendre un verre à la maison…Magnifique ! Je saute de joie ! J’espère qu’il viendra avec ses faux parents ! Je nous imagine déjà en train de parler des cours de la bourse et de la dernière vente de charité pour les pauvres enfants de détenus qui n’ont pas de quoi manger à leur faim ! …Si l’on m’avait dit que le jour même de ma sortie, je serai poignardé dans le dos par ma propre famille, j’aurais beaucoup ri ! Je suis devenu un étranger dans ma propre maison. Je préfère aller me coucher. …Si je dérange je peux aller dormir à l’hôtel… ANTONELLA (qui applaudit) :

Bravo ! Tu es toujours aussi doué pour « la comedia » Luigi ! LUIGI : Tu ne m’aurais jamais parlé comme ça avant ! ANTONELLA :

Il s’agit du bonheur de notre fille et je suis bien décidée à t’empêcher de lui mettre des bâtons dans les roues ! CLAUDIA : Arrêtez ! Avec vous, il faut toujours que ça dégénère ! Pourquoi on ne peut pas parler tranquillement ! JOSEFINA :

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Parce qu’on a le sang chaud sans doute ! Ce qui compte, c’est qu on se parle quand même…Luigi, ne gâchons pas ton retour à la maison pour des bêtises ! LUIGI : Des bêtises Mamma ? Ma fille s’apprête à trahir toute sa famille, et tu penses que ce sont des bêtises ? ANTONELLA : Luigi, tu dois accepter son choix. Claudia va inviter ce jeune homme avec ses parents pour prendre un verre, et nous ferons connaissance tranquillement. Ça va comme ça Claudia ? CLAUDIA :

Ça va !. (en s’adressant à Luigi) Papa, je compte sur toi pour être aimable et ne pas faire de gaffes ! Les parents de Xavier ne sont pas au courant de tes …activités. LUIGI :

Tu as honte de ton père ! Mamma, dis quelque chose, on traine ton fils dans la boue, je ne sais pas si je pourrais survivre à cet affront… JOSEFINA :

Arrête ton cinéma Luigi. Je suis très heureuse pour Claudia. Elle a le droit de vivre sa vie comme elle l’entend. Romeo et Juliette, c’est fini Luigi ! LUIGI :

Alors, même toi Mamma, tu es contre moi ? Je n’ai pas mérité ça ! JOSEFINA : Personne n’est contre toi, tu le sais très bien. Quand tu étais petit, tu exagérais déjà tout. LUIGI : Puisque tout le monde est d’accord, recevons cet individu ! Et pour les parents, je suis censé faire quoi ? CLAUDIA : Il leur a dit que tu étais dans le milieu artistique, ce qui, sans vouloir jouer sur les mots, n’est pas faux ! LUIGI : Très drôle…J’ai une meilleure idée, je vais leur dire que je suis évêque ou cardinal, comme ça, ça leur inspirera confiance ! CLAUDIA :

Papa, tu ne vas pas faire ça ! ANTONELLA : Bien sûr que non ! Ton père plaisante, n’est-ce pas Luigi ? En attendant, il se fait tard et je vais me coucher ! «Buona notte » tout le monde. Luigi, essaie l’hôtel de La Poste, à deux rues d’ici, ils ont peut-être une chambre de libre, on ne sait jamais…

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JOSEFINA :

On dirait des gamins tous les deux ! Bonne nuit mes enfants ! Luigi, nous sommes tous très heureux que tu sois rentré chez toi… LUIGI :

Moi aussi Mamma ! Dors bien. (à Antonella) J’appellerai l’hôtel de la poste demain, il est trop tard ……. (ils sortent tous. Noir)

FIN SCENE 2

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SCENE 3 : JOSEFINA – ANTONELLA – LUIGI – CLAUDIA - ANGELINA.

(Antonella Claudia et Josefina sont sur scène, elles prennent leur petit déjeuner Elles

sont en peignoir)

CLAUDIA : J’espère que papa va être calmé ce matin… ANTONELLA :

Tu sais ce que l’on dit ? « La notte porta consiglio » La nuit porte conseil. Il va rouspéter pour la forme, mais je suis sûre qu’il aura réfléchi, et qu’il sera revenu à de meilleurs sentiments. JOSEFINA : Ta mère a raison ! Je connais bien mon fils …L’important, c’est de lui offrir l’occasion de ne pas perdre la face. On va le laisser nous reparler de Xavier de lui-même. Il faut lui donner l’illusion qu’il maitrise la situation. (Arrivée de Angelina, tout sourire). ANGELINA (elle embrasse les 3 femmes):

Coucou ! Je venais voir si personne n’était resté sur le carreau… C’était plutôt chaud hier soir quand je suis partie ! (elle se sert une tasse de café et se fait une tartine) ANTONELLA :

Luigi nous a joué la grande scène du 3. Il a même menacé d’aller dormir à l’hôtel, puis finalement, il est allé se coucher, écoeuré par tant de trahison… JOSEFINA :

Il était à fond notre Luigi ! J’ai été rassurée, j’avais peur que la prison nous l’ai ramolli ! (elles rient de bon cœur toutes les 4 – Luigi arrive à son tour)) LUIGI :

Oh la la ! 4 femmes qui rient ensemble de bon matin, ça ne me dit rien qui vaille ! De qui est ce que vous vous moquez ? Pas de moi, j’espère ? (il les embrasse tour à tour, en commençant par Mamma) ANGELINA : Penses-tu, on parlait de Valentina qui s’est encore fait refaire les seins ! Tu as bien dormi ? LUIGI : Tu parles ! J’ai tourné toute la nuit. Je n’ai pas fermé l’œil ! Mais… c’est bon d’être dans son lit, et d’entendre sa femme qui dort paisiblement … ANTONELLA : Qu’est-ce qui t’a empêché de dormir ? LUIGI :

Ce garçon dont nous a parlé Claudia, ce Xavier !

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JOSEFINA :

Xavier ? Je pense qu’on s’est emballé un peu vite. Je suis sûre que Claudia va réfléchir. N’est-ce pas, ma chérie ? CLAUDIA :

Mamma a raison, après tout, c’est bien aussi de rester vieille fille. Et puis, il voudrait sûrement avoir plein d’enfants, tu te vois, avec une ribambelle de marmots pendus après toi quand tu voudrais peindre ou être tranquille ! Je me suis peut-être emballée un peu vite..N’en parlons plus ! (elle sort de la pièce ) LUIGI :(qui rêve d’être grand-père…) :

Tu dis qu’il veut plein d’enfants ? (rêveur)… ANTONELLA : Je ne me sens pas du tout prête à être grand-mère ! En plus, tu as raison Luigi, il n’est pas de notre milieu. Claudia ne pourrait jamais être heureuse avec un homme sérieux et travailleur, qui lui ferait la vie douce…C’est d’une banalité ! ANGELINA :

Qu’est ce qu’elle s’ennuierait ! LUIGI : On pourrait lui dire de passer un de ces soirs avec ses faux parents, juste pour se faire une idée, histoire que la petite ne nous reproche rien. ANTONELLA : Tu crois ? Tu as peut-être raison, après tout, c’est toi le chef de famille ! Je te laisse voir ça avec Claudia. Je file prendre une douche ! LUIGI : Qu’est- ce que tu en penses Mamma ? JOSEFINA :

Antonella a raison, c’est toi le chef de famille mon fils. On va faire comme tu dis, on va inviter ces gens. Je vais me préparer pour aller au marché. Angelina, tu viens avec moi ? ANGELINA : Bien sûr, Mamma. Je t’attends. (Josefina sort) LUIGI (à Angelina) : Et toi, tu en penses quoi de tout ça ? ANGELINA : Tu as raison de vouloir rencontrer cet homme. Après tout, il vaut peut-être le coup ? LUIGI :

Tu crois ? (après un temps de réflexion) . Je vais voir si Claudia est par là.

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ANGELINA :

Moi, j’attends Mamma.(elle se ressert un café - Son téléphone sonne).Allo. Charles ? ça va ? Tu as une drôle de voix… (On entend ce que lui dit son correspondant) CHARLES : Je suis dans la merde Angelina ! Tu ne peux pas savoir à quel point… ANGELINA :

Comment ça, dans la merde ? (sur le ton de la plaisanterie) Qu’est ce qui t’arrive ? Tu as fini par étrangler ta femme ? CHARLES :

C’est pire que ça ! J’ai perdu au poker. Et pas qu’un peu ! ANGELINA : Combien ? CHARLES :

30 000 euros. ANGELINA : Ah quand même ! Et tu comptes faire comment pour payer ta dette ? CHARLES :

Si je le savais, je dormirais mieux. ANGELINA : J’imagine que ta femme n’est pas au courant ? CHARLES :

Tu penses bien que non ! En ce moment, elle est sur un nuage parce que notre fils a soit disant rencontré une fille épatante, la femme de sa vie parait-il. ANGELINA :

C’est plutôt une bonne nouvelle, non ? CHARLES : J’en sais rien. Il a été incapable de me dire ce qu’elle faisait dans la vie, ni ses parents d’ailleurs. Il m’a parlé du milieu de l’art. Une famille d’italiens. Enfin bref, tout ça m’a l’air foireux au possible. Je ne voudrais pas qu’il se fasse avoir. On dirait qu’il nous cache quelque chose. ANGELINA (songeuse) :

Une famille d’italiens ? … Tu sais comment elle s’appelle, cette fille en question ? CHARLES : Je crois qu’il nous a parlé d’une Claudia, mais, quelle importance ? ANGELINA (qui accuse le coup…):

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Et ton fils, il s’appelle comment déjà ? CHARLES :

Xavier. Pourquoi tu me demandes ça ? Je t’annonce que je suis au fond du trou, et toi tout ce qui t’intéresse c’est de savoir le prénom de mon fils ! Comme si c’était important ! (Angelina s’assoit, et ne dit plus rien pendant un long moment…) ANGELINA (après plusieurs minutes) : Tu as raison Charles, on est dans la merde ! CHARLES :

Pourquoi « on » ? ANGELINA : Je t’expliquerai. Je réfléchis et je te rappelle. (retour de Luigi) LUIGI :

Ça y est ! J’ai parlé à Claudia. On invite cet homme et ses faux parents, et s il ne me plait pas, elle ne le reverra plus jamais. C’est un bon deal, tu ne trouves pas ? ANGELINA :

Finalement, je ne sais pas si c’est une si bonne idée de les recevoir. Rien ne presse… LUIGI :

Alors là, je comprends plus rien. C’est toi qui me conseillais de les inviter ? ANGELINA (super énervée): Faites comme vous voulez, je m’en fiche ! LUIGI :

Qu’est-ce qui te prend ? (arrivée de Josefina) JOSEFINA : Vous êtes vraiment pires que des gamins tous les deux ! Toujours à vous chamailler ! On y va Angelina ? (les deux femmes sortent – Luigi reste sur scène - Antonella et Claudia rentrent- Antonella a un papier à la main) ANTONELLA: Josefina a encore oublié sa liste ! (en s’adressant à Luigi) Claudia m’a dit que tu es d’accord pour inviter Xavier ? Ma chérie, je te laisse voir avec lui. Je serai très heureuse de le rencontrer ainsi que ses parents.

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CLAUDIA :

Je l’appelle tout de suite, comme ça, pas question de changer d’avis ! (en regardant Luigi) Suivez mon regard ! (elle sort) LUIGI :

Qu’est-ce qu’elle insinue ? Luigi Vallone n’a qu’une parole ! Par contre, si le garçon ne me plait pas, ce qui sera sûrement le cas…elle ne le reverra pas. On est d’accord là-dessus. ANTONELLA : Claudia est d’accord ? Tu en es sûr ! LUIGI :

Evidemment ! Je suis encore le chef de famille. ANTONELLA : Et, comment il voit les mois à venir, le chef de famille ? LUIGI :

On va partir à Dubaï voir l’homme qu’Angelina a rencontré. Si ça se trouve, c’est un filon en or. Et « Avanti la musica ! » ANTONELLA :

J’ai eu une idée dont je voulais te parler . Je lisais l’autre jour que les portraits sont très demandés en en ce moment. Avec ton talent, tu pourrais peindre à la demande pour des particuliers. Je suis sûre que tu gagnerais super bien ta vie. LUIGI : Tu me vois, moi, Luigi Vallone, gagner ma vie en peignant des portraits de chiens-

chiens à leur mémère ! Quelle honte pour un artiste ! ANTONELLA : C’est quand même terrible ! On ne peut pas parler avec toi ! Tu montes tout de suite sur tes grands chevaux ! Promets-moi de réfléchir ! LUIGI : C’est tout réfléchi ! (il jette un regard à Antonella)… Bon, je vais voir …On a le temps, non ? (retour de Claudia, tout sourire) CLAUDIA : J’ai eu Xavier. Il vient ce soir pour l’apéritif, avec son oncle et sa tante. LUIGI : Dis donc !I il n’a pas trainé ! Il est accro le gars ! ANTONELLA (toute joyeuse) :

J’espère qu’il aime la mozzarella ton Xavier ! Je vais préparer quelques spécialités !

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CLAUDIA :

Il aime tout ! …Maman, c’est un apéritif ! Pas un repas de Noël ! Ne prévois pas trop ! Il ne mange pas beaucoup ! ANTONELLA :

Comment ça, il ne mange pas beaucoup ? Il est malade ? CLAUDIA : Bien sûr que non. Il fait attention à son apparence, et ça me plait. J’ai toujours aimé les hommes soignés. LUIGI : Ma fille est tombée amoureuse d’un anorexique qui passe son temps à se regarder dans la glace ! ça promet ! ANTONELLA : Luigi Vallone, un mot de plus et je demande le divorce !

FIN SCENE 3 (NOIR)

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SCENE 4 : JOSEFINA – ANTONELLA – LUIGI – CLAUDIA – ANGELINA – XAVIER – CHARLES – MARTHE.

(Josefina et Antonella sont sur scène – Elles préparent l’apéritif pour recevoir Xavier et ses « parents. Elles sont très volubiles.) JOSEFINA :

C’est un jour béni ! Je désespérais de voir Claudia nous présenter un amoureux ! ANTONELLA : Si elle nous l’amène, c’est que c’est du sérieux ! Espérons que Luigi ne fera pas sa tête de mule et surtout qu’il ne nous sortira pas un de ces numéros… JOSEFINA : Je m’inquiète un peu. Il a lâché l’affaire trop facilement. J’espère qu’il n’a pas une idée derrière la tête… ANTONELLA : Il a fait un deal avec Claudia : Si Xavier ne lui plait pas, elle acceptera de ne plus le revoir. JOSEFINA : Ah, je me disais aussi …Et Claudia est d’accord ? C’est incroyable ! ANTONELLA :

Bien sûr que non ! Mais c’est le seul moyen qu’elle a trouvé dans un premier temps pour que Luigi accepte de voir Xavier. Elle m’a bien prévenue : elle aime ce garçon et elle ne le quittera pas. JOSEFINA : Elle a bien raison ma Claudia ! Lorsque l’on tient le bonheur, il ne faut pas le laisser filer ! Nous n’en sommes jamais propriétaire …Nous ne sommes que locataires…quelquefois la vie décide de ne pas renouveler le bail…(elle devient pensive). ANTONELLA : Pas de tristesse aujourd’hui ! Au contraire ! Je crois que tout est prêt ! Josefina, nous avons bien travaillé ! Une fois de plus ! JOSEFINA : Angelina arrive à quelle heure ? ANTONELLA : Vers 20 h. Quand je l’ai invitée, on aurait dit que quelque chose l’ennuyait…Je n’ai pas compris quoi ? (Entrée de Luigi. Il porte un vieux pantalon et un vieux pull – il jette un œil aux préparatifs ) LUIGI (super moqueur en regardant les préparatifs) :

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Ma parole, on reçoit une célébrité ? Une tête couronnée peut-être …Je n’ai pas eu droit à tout ça pour ma sortie de prison … J’ai hâte de voir tout ce beau monde ! ANTONELLA : Arrête ton cirque Luigi Vallone ! Tu devrais aller te changer, le temps passe, tu ne vas pas rester en loques ? LUIGI : Comment ça, en loques ? Moi j’aime bien. Après tout, je ne suis qu’un ancien taulard, c’est bien suffisant pour moi. Tu dis toujours qu’il ne faut pas juger les gens sur leur apparence, vraiment, ça m’étonne de toi… JOSEFINA :

Luigi, mon fils, cette fois, tu passes les bornes. LUIGI : Vous avez perdu le sens de l’humour toutes les deux. Antonella, viens me dire ce que je dois mettre, comme ça, vous n’aurez pas honte du repris de justice. (Antonella et Luigi sortent de la pièce – Josefina regarde sa montre). JOSEFINA : C’est vrai que l’heure tourne ! Il faut que j’aille me préparer aussi ! Je veux que Claudia soit fière de moi ! ( Angelina fait son entrée – les deux femmes s’embrassent). Tu es en avance, ma chérie. Je vais me changer. (elle regarde Angelina) Tu as l’air contrariée, Quelque chose ne va pas ? ANGELINA :

Tout va bien Mamma, je t’assure, Va vite… Comme d’habitude, ce sera toi la plus belle ! (sortie de Josefina en riant – Le tél de Angelina sonne – Elle répond, c’est Charles. On entend la conversation) ANGELINA :

Vous serez là dans combien de temps ? … ok. Bon, on récapitule, toi et moi, on ne se connait pas, on se voit pour la première fois ! CHARLES :

Je ne comprends pas pourquoi tu stresses comme ça ! ANGELINA : Je ne stresse pas ! Mais si Marthe découvre notre liaison, on est foutus ! CHARLES : Marthe n’a aucune raison de découvrir quoi que ce soit ! Personne n’est au courant à part toi et moi. Arrête ta parano ! Crois-moi, j’ai bien d’autres soucis… ANGELINA : Tu n’as toujours pas trouvé l’argent ?

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CHARLES :

Toujours pas. ANGELINA : J’ai peut-être une solution… CHARLES :

On t’a offert une lampe magique avec un génie dedans ? ANGELINA : Disons que je connais quelqu’un qui pourrait peut-être te tirer d’affaire. CHARLES :

Et c’est qui, ce bon samaritain ? ANGELINA : Mon frère, Luigi. CHARLES :

Luigi ! Le père de Claudia ? Il est si riche que ça ? ANGELINA : Pas vraiment, mais il connait sûrement un moyen de se procurer rapidement cette somme. CHARLES : Alors là, chapeau ! Mais, dis moi, pourquoi il accepterait de m’aider, on ne se connait pas. ANGELINA : Parce qu’il est comme ça, Luigi Vallone ! Bien-sûr, il ne faut pas être trop regardant ! CHARLES :

Comment ça pas regardant ? ANGELINA : En ce qui concerne l’origine de l’argent… CHARLES :

Parce qu’il vient d’où cet argent ? S’il n’est pas riche, c’est un trafiquant ! J’y suis, il vend de la drogue ! ANGELINA : Mais tu es complètement givré ! On peut être faussaire et sortir de prison sans être forcément trafiquant de drogue ! Pour qui tu nous prends ? CHARLES : Luigi sort de prison ? Je savais bien qu’il y avait un truc pas net. Je sentais que Xavier me cachait quelque chose. Tu ne penses pas que je vais marcher dans des combines sordides ?

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ANGELINA :

C’est vrai ! J’oubliais que tu étais l’honnêteté même ! Excuse-moi ! Tu veux que je parle à ta femme de tes petites magouilles au sein de ta société ? CHARLES :

Tu mélanges tout ! ça n’a rien à voir ! Pas question de lui demander quoi que ce soit ! Compris ? ANGELINA :

C’est toi qui décides. Après tout, c’est ton problème, pas le mien..(elle raccroche). (Josefina et Antonella reviennent sur scène. Elles sont élégantes et joyeuses.) ANTONELLA : Je suis contente que tu sois venue. J’avais peur que tu aies des soucis. ANGELINA :

Qu’est ce que vous avez tous à croire que j’ai des soucis ? J’espère seulement que Claudia a fait le bon choix…Et d’ailleurs, elle est où Claudia ? ANTONELLA :

Elle va arriver avec Xavier. (retour de Luigi– Il est bien habillé, Costume cravate - Il a l’air mal à l’aise). ANGELINA (admirative) : Luigi Vallone ! Quelle classe ! Tu sais que tu es magnifique ! Tu m’impressionnes… LUIGI :

C’est ça, moque-toi de moi ! Je me sens étriqué et déguisé, mais il faut bien que j’ai l’air d’un pingouin, si je veux passer inaperçu au milieu de tout ce beau monde … JOSEFINA :

Tu es très beau mon fils ! Tu ressembles tellement à ton père… (elle ne peut pas continuer, on sonne à la porte d’entrée) ANTONELLA (toute excitée) :

Les voilà ! Luigi, je compte sur toi pour éviter de dire des horreurs ! (elle l’embrasse en passant) Je vais ouvrir ! LUIGI : (prenant un ton super snob)

Des horreurs, moi ? Mais, très chère, où avez-vous la tête ? ANTONELLA :

N’en fais pas trop quand même … (Elle ouvre la porte et fait rentrer la famille de Xavier – Marthe est très chic, Charles semble un peu méfiant et distant) Entrez, »prego » je vous en prie !.Je suis Antonella la mère de Claudia.! Je suis très heureuse de vous rencontrer. Laissez-moi vous présenter notre famille : Josefina, notre précieuse Mamma, son fils Luigi, mon mari, le père de notre Claudia.

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LUIGI : (toujours avec son accent snob sautant sur la main de Marthe pour lui faire

un baise-main) Le père de Claudia, c’est ce que l’on m’a toujours dit ! J’ai fait confiance, avais-je le choix ?(en s’adressant à Charles) Nous, les hommes, savons bien que la paternité est un acte de foi, n’est-ce pas ? (Antonella, lui coupe la parole tout de suite…) ANTONELLA :

Mon mari adore plaisanter ! (elle foudroie littéralement Luigi du regard – elle continue les présentations). Angelina, ma belle-soeur. (Angelina et Charles ne sont pas très à l’aise! CHARLES : C’est un grand plaisir de faire votre connaissance, n’est ce pas Marthe ? MARTHE :

Un grand bonheur ! … JOSEFINA : « Prego » Venez vous asseoir, je vous en prie ! (Ils s’installent. Ils ne savent pas trop quoi se dire. L’arrivée de Claudia et Xavier tombe à pic). CLAUDIA (aux parents de Xavier) :

Je suis heureuse de vous connaitre enfin ! Papa, Maman, je vous présente Xavier. ANTONELLA : Xavier soyez le bienvenu dans notre famille. J’espère que vous vous y sentirez bien ! Nous sommes très agités, mais nous ne sommes pas méchants, vous verrez ! XAVIER : Claudia m’a souvent parlé de vous, j’ai un peu l’impression de vous connaitre … LUIGI :

Elle ne vous a pas parlé de moi ? Son père adoré ? Sans doute parce que j’étais en (il s’arrête car Claudia le foudroie du regard) parce que j’étais absent… MARTHE :

Ah ! Les hommes et leurs voyages d’affaires ? (à Antonella) Vous aussi, vous avez épousé une étoile filante ? ANTONELLA : En quelque sorte. C’est vrai que Luigi a été souvent absent ces derniers mois. MARTHE :

C’est comme Charles. A peine rentré de Dubaî ,il m’annonce qu’il doit repartir pour Shangaï…!(regard interrogateur de Angelina à Charles).

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LUIGI :

aïe, aïe, aïe ! (Antonella le fusille du regard) Pardon. CLAUDIA : Quelle coïncidence, Angelina revient aussi de Dubaï ! Si ça se trouve vous vous êtes croisés dans l’avion ! ANGELINA (un peu mal à l’aise) : Ne dis pas de bêtises ma chérie ! Des tas de gens prennent l’avion tous les jours et ils ne font pas pour autant connaissance ! MARTHE : Il y a parfois des coïncidences incroyables ! (à Angelina) Vous avez remarqué ? ANGELINA : (super mal à l’aise)

Incroyable ! C’est le mot ! Le hasard sans doute ? JOSEFINA : Le hasard n’existe pas. Tout ce qui arrive a une raison d’être, même si parfois on ne le comprend pas tout de suite. ANTONELLA : Luigi, si tu veux bien nous servir, nous porterons un toast à la rencontre de nos chers enfants.(Luigi fait le service) LUIGI (à Charles sur un ton très soupçonneux) : Il parait que vous êtes dans l’import/export ? ça gagne bien ça ? CHARLES :

Je n’ai pas à me plaindre. Et vous-mêmes, je n’ai pas bien compris dans quel domaine vous travaillez. Xavier m’a parlé du milieu de l’art ? CLAUDIA : (qui s’empresse de prendre la parole…)

Tout à fait ! Papa est un artiste. Il peint à la perfection…C’est aussi un musicien hors pair ! MARTHE : (admirative)

Une famille d’artiste ! Comme c’est romantique ! ANGELINA : C’est romantique, mais ça ne nourrit pas toujours son homme ! MARTHE : Si j’osais, je vous demanderais de me montrer quelques unes de vos œuvres…J’imagine que vous avez votre propre style ? LUIGI (emporté par son élan, ne fait plus attention à ce qu’il dit) : Vous savez, ça dépend de ce que l’on me commande. MARTHE :

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Vous travaillez à la demande ? Il parait que de plus en plus d’artistes optent pour cette formule… LUIGI : C’est un peu ça. Le dernier tableau que Dédé la pince m’a demandé, c’était Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet. (Incompréhension de Marthe). Est-ce que vous savez que ce tableau s’est d’abord appelé « Le bain ? » (Marthe fait signe que non) Il a fait scandale à l’époque ; Vous pensez, voir au premier plan une femme à poil qui pique-nique avec deux mecs en costard, c’est pas passé inaperçu ! ANTONELLA :

A ses heures perdues Luigi s’amuse à peindre des reproductions de tableaux célèbres pour ses amis. Cela le repose… JOSEFINA (qui vient au secours de Antonella) :

Déjà tout petit Luigi peignait des billets de banque ! L’hérédité sans doute … MARTHE : Votre mari est banquier ? JOSEFINA :

Pas du tout ! Massimo était très doué pour la peinture. Luigi a hérité de son don. Il était aussi très doué fort pour l’imprimerie… MARTHE :

Encore une coïncidence ! Comme c’est amusant ! Mon beau-père était imprimeur, lui aussi. N’est ce pas Charles ? CHARLES :

Je ne pense pas qu’ils avaient la même notion de l’imprimerie… ANGELINA (qui sent que cela tourne au vinaigre) : Si on parlait un peu de nos tourtereaux ? C’est grâce à eux que nous sommes réunis ce soir. (à Xavier) Comment vous êtes-vous rencontrés ? XAVIER : Sur internet. MARTHE :

Sur internet ! J’adore ! (en s’adressant à Charles) Et quand je pense que tu me disais que sur internet on se faisait arnaquer à tous les coins de rue ! CLAUDIA (en riant) : Je savais bien que cela vous ferait parler ! JOSEFINA :

Ma petite fille, tu as raison. Il faut vivre avec son temps. Si j’étais plus jeune, je me laisserais bien tenter moi aussi … LUIGI (scandalisé) :

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Mamma ! Mais tu as perdu la raison ! Si mon pauvre père t’entendait ! A ton âge ! ANTONELLA (qui s’amuse):

Il n’y a pas d’âge limite pour surfer sur le net ou pour apprendre ce qui nous fait envie. ANGELINA :

Tu as raison ! Mamma m’a demandé l’autre jour de lui apprendre le poker ! MARTHE : Je vous comprends ! J’ai toujours rêvé de savoir y jouer moi aussi ! CHARLES (qui buvait son champagne, s’étrangle)

Jouer au poker, toi ! ANGELINA : Et pourquoi pas ! Aucun problème Marthe ! On commence quand vous voulez ! MARTHE :

Le plus vite possible ! ANGELINA ; On dit demain ? MARTHE :

Demain c’est parfait ! Je suis toute excitée ! ANTONELLA : Moi aussi, je m’inscris à l’atelier poker ! LUIGI :

L’atelier poker ! Mais je rêve ! JOSEFINA : Je sens que nous allons nous amuser comme des folles ! (Devant cette entente entre les femmes, Luigi et Charles se sentent un peu dépassés, Luigi leur ressert un verre). LUIGI (très contrarié): Je vous rappelle que nous sommes réunis pour parler de l’avenir de nos enfants. C’est sérieux ! JOSEFINA :

Luigi, mon fils, ces enfants sont bien ensemble, ils sont adultes et responsables, faisons-leur confiance et laissons-les vivre leur vie comme bon leur semblera. MARTHE :

Josefina, vous êtes le bon sens même !

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CLAUDIA :

Maintenant que vous avez fait connaissance, nous allons vous laisser ! Xavier m’invite au restaurant. Bonne soirée à tous. ANTONELLA :

Bonne soirée mes enfants. (elle les embrasse tous les deux. Ils sortent) ANGELINA : Ah ! c’est beau l’amour ! LUIGI :

Ah bon, tu crois à l’amour toi maintenant ? C’est nouveau ! (Angelina est mal à l’aise, elle regarde Charles qui est de plus en plus de mauvaise humeur) JOSEFINA : Luigi adore taquiner sa sœur, Il a toujours été comme ça. C’est un jeu entre eux… CHARLES (en s’adressant à l’assistance) :

Il se fait tard, nous allons vous laisser. (tout le monde se lève) MARTHE :

Merci de votre accueil. (en se tournant vers Angelina ) Alors, à demain ! (Antonella les raccompagne) ANTONELLA :

A demain, Marthe, nous disons 14 h ? MARTHE : 14 h ! J’ai hâte d’y être ! (ils sortent tous) ANTONELLA (en s’adressant à Luigi): Alors Luigi Vallone, ton verdict ? Moi, j’ai trouvé Xavier charmant… et ses parents sympathiques. Surtout Marthe… LUIGI : Bien sûr, pour toi, tout le monde est très sympathique ! Tu n’as aucun sens critique ! ANGELINA :

Comme ça, avec toi, ça s’équilibre ! Tu critiques tout ! JOSEFINA :

Mamma mia ! mais arrêtez tous les deux ! Marthe me plait aussi beaucoup ! LUIGI : Parce qu’elle veut apprendre le poker ? ANTONELLA :

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Arrête tes bêtises. Qu’est-ce que tu penses de Xavier ? LUIGI :

C’est moins pire que j’aurais crû…. D’un autre côté, on ne l’a pas beaucoup entendu. Ç’est pas bon signe, un homme qui ne dit rien…Je me méfie ! JOSEFINA :

On ne lui a pas beaucoup laissé l’occasion d’en placer une ! LUIGI : Si il a l’intention de rentrer dans la famille, il va falloir qu’il apprenne à s’imposer, sinon, il est cuit d’avance ! ANTONELLA (qui empile des verres sur un plateau ) : Je compte sur toi pour lui montrer comment faire... ANGELINA (un peu songeuse) :

Moi aussi, j’ai trouvé Marthe terriblement sympathique…Contre toute attente… JOSEFINA : Pourquoi « contre toute attente ? ». ANGELINA :

Autant vous le dire tout de suite, parce que de toute façon, vous l’apprendrez tôt ou tard… LUIGI :

Oh la la ! ça sent l’embrouille, ça sent l’embrouille… ANTONELLA : Laisse parler Angelina ! ANGELINA :

Charles est mon amant … LUIGI : Le pauvre vieux ! Comment il fait pour te supporter ? Tu veux que je te dise ? Il m’est déjà un peu plus sympathique ! JOSEFINA : « Mio Dio ! ma no è possibile ! ANTONELLA :

J’espère que Claudia n’est pas au courant ! ANGELINA : Bien sûr que non ! (en se tournant vers Luigi) Je compte sur votre discrétion…N’est-ce pas Luigi ?

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LUIGI :

Pour qui tu me prends ? JOSEFINA : Quelle journée mes enfants ! J’ai besoin de repos ! A demain. Angelina, ma fille, il est tard, je serais plus tranquille si tu restais dormir ici. ANGELINA : « Va bene Mamma ». Je reste.. (sortie de Josefina) ANTONELLA : C’est complètement dingue, cette histoire ! ANGELINA :

Il faut que ça m’arrive à moi ! LUIGI : Sur ce coup là tu as fait très fort ! Je suis impressionné ! ANGELINA :

Tu crois peut-être que je l’ai fais exprès!! LUIGI : On pourrait se le demander !!! Allez, je vais me coucher ! Je vais finir par regretter le calme de ma cellule ! Tu viens, Antonella ? ANTONELLA : J’arrive. (Luigi sort). Angelina ma belle, ne t’en fais pas trop. Essaie de dormir. (elle sort ; Angelina éteint la lampe. Elle sort à son tour).

NOIR

FIN SCENE 4

Conseil de famille

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SCENE 5 : ANGELINA – LUIGI – CLAUDIA – JOSEFINA – ANTONELLA - MARTHE

(Angelina est sur scène. Elle boit un café. Luigi la rejoint) ; ANGELINA (sert un café à Luigi) : « Ciao, come stai ? » ce matin ? LUIGI :

J’ai encore pas fermé l’œil. Charles savait que tu es la tante de Claudia ? ANGELINA : Bien sûr que non. Je m’en suis rendue compte hier en discutant avec lui au téléphone. Il est tombé des nues quand je l’ai mis au courant… (Entrée de Claudia, radieuse- Elle porte un sac de voyage. Elle embrasse Luigi en premier) CLAUDIA :

Angelina, tu as dormi ici ? ANGELINA : Oui, tu sais que Mamma s’inquiète quand je rentre tard chez moi ! CLAUDIA :

Alors, comment vous avez trouvé Xavier ? LUIGI : Xavier ? ça n’est pas lui le plus gros problème…C’est plutôt ses parents… CLAUDIA :

Quoi, ses parents ? Ils ne vous ont pas plu, c’est ça ? Ils sont trop honnêtes ? ANGELINA : Mais non, qu’est ce que tu vas chercher ? LUIGI :

Le père m’a tout l’air d’être un sacré cavaleur… CLAUDIA : Papa, je ne vais pas épouser Charles, mais Xavier. LUIGI : Quant à sa femme, elle cache bien son jeu, sous des dehors très BCBG, elle ne rêve que de se dévergonder. On commence par le poker, après, on tombe dans l’alcool, la drogue, et ensuite, on se prostitue pour payer sa dose, c’est bien connu ! CLAUDIA (en riant) :

Dis donc, c’est du Zola ! Tu ne crois pas que tu noircis le tableau !

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LUIGI : Demande à ta tante si je noircis le tableau …(tout en parlant, il remarque le sac de voyage de Claudia). C’est quoi ce sac, tu pars en voyage ? CLAUDIA :

Je pars quelques jours en Normandie avec Xavier. Ses parents nous prêtent leur maison de campagne. Je ne t’en avais pas parlé ? Je croyais que si… LUIGI :

Ne me prends pas pour un imbécile. Encore une fois, on ne me dit rien. Je suppose que ta mère et ta grand-mère sont au courant ? CLAUDIA :

Oui, comme ça elles pourront te donner des détails. Mon petit Papa, je file ! (elle sort sans attendre) LUIGI (décontenancé):

Tu rentres quand ? …Soyez prudents ! C’est incroyable, tout de même ! Je suis toujours le dernier averti ! Il va falloir que ça change, tu entends Claudia ? ANGELINA :

Pas la peine, elle est déjà partie ! LUIGI : Qu’est ce que tu vas faire par rapport à Charles ? ANGELINA :

Cesser de le voir. De toute façon, j’y pensais déjà depuis quelques semaines. LUIGI : Finalement, ça t’arrange bien cette situation ? ANGELINA :

Disons que finalement ça me facilite les choses…A propos de Charles, il lui arrive un drôle de truc… LUIGI :

Raconte ! ANGELINA : Il a perdu 30 000 euros au poker l’autre soir. LUIGI : Il trompe sa femme, il joue au poker, dis donc, le vernis craque ! Qu’est ce que tu veux que ça me fasse? Tu veux que je pleure ? ANGELINA : Il ne sait pas comment trouver cet argent. Il a deux semaines pour payer sa dette. J’ai pensé que tu aurais peut-être une idée…

Conseil de famille

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LUIGI :

Tu as pensé, ou « il » a pensé ? ANGELINA : « J’ai » pensé. Lui, il ne veut pas en entendre parler. Il préfère se débrouiller seul. LUIGI :

Il a bien raison… Chacun sa vie. Un honnête homme ne peut pas demander à un repris de justice de l’aider à trouver 30 000 euros . ANGELINA :

Justement, c’est plus facile pour toi, tu le sais très bien. LUIGI : Tu ne m’as pas dit qu’il préférait se débrouiller seul ? ANGELINA :

Oui, mais si jamais il revenait sur sa décision, est ce que tu l’aiderais ? LUIGI : On pourrait peut-être l’envisager. Par contre, il faudrait que l’honnête homme me le demande personnellement, en y mettant des formes…Bien sûr, au cas très improbable où il déciderait de l’aider, le repris de justice prélèverait sa commission. Tout travail mérite salaire. ANGELINA : Laisse tomber. Je ne sais même pas pourquoi je t’ai parlé de ça… LUIGI :

Comme tu voudras. Si il change d’avis, dis lui que je verrai ce que je peux faire… ANGELINA : Il ne changera pas d’avis… LUIGI :

Si tu le dis…Je sors faire un tour, je ne voudrais pas perturber l’atelier poker… (il sort- Josefina et Antonella s’installent au salon) JOSEFINA : J’espère que Marthe sera à l’heure ! A propos de Marthe, Angelina, ma fille, qu’est –ce que tu comptes faire ? ANGELINA :

Rompre avec Charles ! C’est pas plus compliqué que ça ! ANTONELLA : Je t’envie de pouvoir tourner la page aussi rapidement !

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ANGELINA :

Toi, ma belle, en plus du poker, tu devrais aussi apprendre à être moins sérieuse ! Une petite aventure de temps en temps t’apporterait …de la légèreté ! ANTONELLA :

Veux-tu te taire ! Si ton frère t’entendait… JOSEFINA : Angelina a raison…Une petite escapade n’a jamais fait de mal à un couple, bien au contraire ! ANTONELLA : Mamma ! C’est vous qui dites ça ! Alors là, les bras m’en tombent ! Ne me dites pas que vous avez été infidèle à votre cher Massimo ! JOSEFINA : L’essentiel est que l’intéressé ne l’apprenne jamais. Si on ne sait rien, on ne peut pas avoir de peine… ANGELINA : Je suis comme Antonella Mamma, je n’en reviens pas ! JOSEFINA :

Il y a beaucoup de choses que les enfants ignorent à propos de leurs parents, et c’est bien comme cela…Il faut protéger son jardin secret… (On sonne à la porte. Antonella va ouvrir. C’est Marthe). MARTHE : Bonjour. Je suis très heureuse de vous retrouver. JOSEFINA :

Ma chère, quelque chose me dit que nous allons devenir des amies sincères. ANTONELLA : Installez-vous Marthe. C’est vraiment gentil de prêter votre maison aux enfants. MARTHE :

C’est bien normal. Nous n’en profitons presque jamais. Comme je vous le disais, Charles est un courant d’air. ANTONELLA :

Les voyages d’affaires j’imagine ? MARTHE :

Les voyages d’affaires, les escapades avec ses maitresses, les tournois de poker. Le pauvre est quelquefois à court d’idées pour justifier ses absences. En tout cas je rends hommage à son imagination ! ANGELINA : Vous êtes au courant depuis longtemps ?

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MARTHE :

Depuis des années. J’avais dix huit ans lorsque je l’ai épousé. Je venais de perdre ma sœur et mon beau-frère dans un accident. J’étais déstabilisée et Charles me rassurait. J’avais obtenu la garde de Xavier malgré mon jeune âge, et j’avais plus à cœur de lui faire oublier la tragédie qu’il venait de vivre que de réussir ma vie amoureuse. Charles a été comme un père pour lui, et je lui en serai toujours reconnaissante. Nous nous sommes éloignés petit à petit, comme beaucoup de couples en somme..Charles n’est pas le seul fautif. Il m’a toujours assuré une vie facile, et a fait en sorte de m’épargner pour que je ne souffre pas de ses frasques. Nous avons toujours fait preuve d’un grand respect mutuel. JOSEFINA : Comment avez-vous fait pour tout découvrir ? MARTHE :

J’avais compris depuis longtemps que Charles me trompait, alors, j’ai engagé un détective privé, comme dans les séries télé... Je sais, ça n’est pas très reluisant… Il m’a tout dévoilé, les maitresses, le poker… ANGELINA : A propos de ses maitresses… (Marthe lui coupe la parole) MARTHE :

Je suis au courant. Ce qui est incroyable, c’est ce concours de circonstances qui nous a mis en présence …Les enfants ne savent rien, c’est tout ce qui compte… ANTONELLA :

Et pour Luigi, vous savez aussi ? MARTHE : En enquêtant sur Angelina, le détective s’est intéressé à votre famille et à ses moyens d’existence. Il a appris que votre mari était en prison. ANGELINA : Vous devez m’en vouloir terriblement ! MARTHE :

Charles a cherché ailleurs ce que je ne lui donnais pas, voilà tout. J’ai compris beaucoup de choses ces derniers temps…Je suppose qu’il fallait que nous en passions par là, lui et moi ; Curieusement, il me semble que maintenant, nous pourrions repartir sur de nouvelles bases et reconstruire quelque chose de neuf… ANGELINA : Marthe, si vous saviez comme je regrette … Est-ce que Charles vous a parlé de ses soucis financiers ? MARTHE : Charles a des soucis d’argent ?

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ANGELINA :

Il a perdu au poker… MARTHE : Combien ? ANGELINA :

30 000 euros… MARTHE : Nom de Dieu ! Et il va faire comment pour rembourser ? ANGELINA :

En fait… je lui ai dit que Luigi pourrait sans doute l’aider… ANTONELLA : Mais qu’est ce qui t’a pris de lui dire une chose pareille ? ANGELINA :

Ne t’énerve pas Antonella. Luigi a toujours un ou deux bons plans sous le coude, tu sais bien. ANTONELLA :

Peut-être, mais en l’occurrence, cela me semble très inapproprié. ANGELINA : De toute façon, Charles a refusé. Pas la peine de s’agiter ! MARTHE :

Si seulement il m’en parlait je pourrais l’aider. Grâce à Xavier, j’ai réalisé de très bons placements. Il y a quelques semaines, il m’a conseillé de revendre certaines actions, et il a bien fait, car j’ai touché un joli pactole. ANTONELLA : Charles n’est pas au courant ? MARTHE :

J’ai toujours eu besoin de garder mon jardin secret. Au fond, Charles ne sait pas grand-chose de moi. Il pense que je suis une petite femme BCBG, occupée par ses associations caritatives et ses amies de la bonne société. Il ne me connait pas, et je pourrais bien encore le surprendre. J’aime d’ailleurs beaucoup cette idée… ANGELINA : Vous allez dire à Charles que vous pouvez l’aider ? MARTHE :

Surtout pas ! J’ai une bien meilleure idée…Voilà ce que nous allons faire …

FIN SCENE 5 NOIR

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SCENE 6 : LUIGI – ANGELINA - CHARLES–JOSEFINA – ANTONELLA - MARTHE

(Luigi est sur scène. Il lit un journal. On frappe à la porte. C’est Angelina ; toute excitée). ANGELINA :

Salut ! Tu es tout seul ? LUIGI : Mamma et Antonella sont au marché. Tu es bien matinale, qu’est-ce qui t’a tiré du lit si tôt ? ANGELINA : Un coup de fil de Charles. LUIGI :

Je croyais que c’était fini entre vous ? ANGELINA : Evidemment que c’est fini. Il m’appelait pour me parler de sa dette de jeu. Tu te souviens ? LUIGI : Vaguement… Pourquoi ? ANGELINA :

Il a eu une idée pour se procurer l’argent dont il voudrait parler avec toi. Il voudrait un avis de spécialiste. LUIGI (flatté):

C’est que je suis très occupé en ce moment…je ne sais pas si je vais trouver du temps pour lui. Enfin, tu peux toujours lui dire de passer, à tout hasard, je verrai si je peux dégager un moment. Ça ne va pas être facile. ANGELINA : Je savais qu’il pourrait compter sur toi. En fait, il est en bas, dans sa voiture, au cas où tu pourrais le recevoir… D’un autre côté je comprendrais très bien que tu ne sois pas intéressé, tu dois avoir bien d’autres projets en ce moment… LUIGI :

Comme je te l’ai déjà dit, je suis surbooké. C’est dommage, mais cela ne va pas être possible avant plusieurs semaines. Je suis sûr qu’il se débrouillera très bien sans moi.. ANGELINA :

Tu as raison. N’en parlons plus…Mon Luigi, je te laisse, je vais lui expliquer. Arrivederci ! (elle se dirige vers la porte) LUIGI (qui se lève pour la rattraper) :

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Attends ! ça m’ennuie quand même de laisser le père du petit ami de ma fille dans la panade. ANGELINA : Je croyais que tu n’étais pas d’accord pour que Claudia fréquente Xavier ? LUIGI :

Tu m’énerves ! Tout n’est pas tout blanc ou tout noir dans la vie ! On a le droit de changer d’avis, non ? ANGELINA :

Alors là, je n’en reviens pas …Luigi Vallone qui met de l’eau dans son vin ! Tu sais que tu m’épates, si si, tu m’épates ! LUIGI :

Va lui dire de monter avant que je ne t‘étrangle. Je suis curieux de savoir comment il compte s’y prendre pour trouver ce fric… et pourquoi il pense que je peux l’aider. Dépêche ! Je n’ai pas de temps à perdre ! ANGELINA : Je te l’envoie ! N’empêche que tu m’épates ! LUIGI :

File ! (Angelina sort – Luigi reste seul. Il est content de lui – il chantonne…- On frappe. C’est Charles. Il va ouvrir) LUIGI : Charles, quel bon vent vous amène ? CHARLES : (pas très à l’aise)

Bonjour Luigi. Angelina a dû vous parler de mon problème. LUIGI (toujours l’air supérieur) : En effet. J’aimerais pas être à votre place. Asseyez-vous. Qu’est-ce que vous prenez ? Café, whisky , Gin ? CHARLES : Whisky. Bien entendu, Marthe n’est pas au courant…(Luigi remplit 2 verres) LUIGI (qui prend bien son temps et savoure la situation) :

Je m’en doute. Les dettes de jeu on ne sait jamais comment ça peut tourner. Je me suis toujours tenu éloigné de ce milieu là. J’ai trop vu de gars désespérés, qui allaient jusqu’à se suicider. Vous avez combien de temps pour rembourser ? CHARLES :

Dix jours. LUIGI : Ça veut dire qu’on a pas des années pour trouver une solution.

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CHARLES : Angelina m’a mise parlé de vos… activités et elle m’a dit que vous pourriez éventuellement m’aider. LUIGI (qui « se la joue ») : En ce moment, je suis débordé. Tout le monde attendait ma sortie, et maintenant, je croule sous les propositions, très bien payées pour certaines… CHARLES : Je suis dans de sales draps. J’ai vraiment besoin que vous m’aidiez. Votre prix sera le mien. LUIGI : Ce n’est pas qu’une question d’argent…Expliquez moi comment vous voyez les choses, on avisera après. CHARLES : J’ai trouvé un moyen pour me procurer les 30 000 euros que j’ai perdus, mais je ne peux pas y arriver seul. LUIGI Ah bon ? Pourquoi ? CHARLES :

Je manque d’ expérience en perçage de coffre-forts. LUIGI : Et vous avez pensé à moi ! CHARLES :

Exactement. Disons que vous avez les compétences requises. Je vous explique : Marthe a une amie, Gladys, qui est immensément riche, et qui a , en plus ,gagné une très grosse somme aux machines à sous. LUIGI : Ya vraiment pas de morale ! Les riches ne devraient pas avoir le droit de jouer à des jeux d’argent, et encore moins de gagner ! C’est écoeurant ! CHARLES Je ne vous le fais pas dire…Gladys a raconté à Marthe qu’elle gardait ce pactole dans le coffre de son appartement parce qu’elle n’avait pas encore eu le temps de le déposer à la banque. LUIGI : Et alors ?: CHARLES :

Alors, c’est là où vous intervenez…

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LUIGI :

Allez-y, développez ! CHARLES : Gladys doit passer le week- end à Marrakech, il n’y aura donc personne chez elle jusqu’à lundi matin, ce qui nous laisse tout le temps de nous servir ! Qu’est-ce que vous pensez de mon idée ? LUIGI :

C’est toujours facile d’avoir des idées quand on fait pas le boulot soi-même. Le perçage de coffre-fort c’est pas vraiment ma spécialité. Je préfère la peinture. J’ai peur d’être un peu rouillé, vu que ça fait un moment que j’ai pas fait de travaux pratiques… En plus, votre Gladys, si elle est très riche, elle doit avoir fait installer un super coffre-fort classe 4 ou 5, qui résiste aux explosifs, au feu et à toutes sortes d’effractions, alors, à moins d’avoir les moyens du GIGN, on est super mal barrés, je vous le dis ! CHARLES : Ça veut dire que vous acceptez de m’aider ? LUIGI :

Ça veut dire que c’est pas gagné…Le mieux serait de nous introduire dans l’appartement quand elle est là, et lui faire ouvrir le coffre sous la menace, mais j’ai toujours refusé ce genre de pratique, surtout avec une femme, c’est une question de principe, et je badine pas avec ça. CHARLES :

C’est tout à votre honneur. Gladys est une vieille amie, et je suis très mal à l’aise d’envisager de lui voler de l’argent, je ne voudrais pas en plus, qu’elle vive une situation traumatisante. LUIGI : Je comprends, je comprends. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider. CHARLES :

Ne me laissez pas tomber Luigi, Vous seul pouvez me sortir de là. LUIGI (qui laisse passer quelques secondes) : Bon, je vais voir ce que je peux faire, mais je vous promets rien. Je vous appelle. (Charles se lève. Les deux hommes se serrent la main. Charles se dirige vers la porte, avant de sortir il se retourne vers Luigi) CHARLES :

Merci. Luigi, vous m’êtes très sympathique… LUIGI : (bourru) Vous aussi. Allez, filez ! CHARLES :

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Vous m’appelez hein ? LUIGI (impatient) :

Oui ! (sortie de Charles. Une fois resté seul, Luigi réfléchit – Le retour de Josefina et de Antonella le sort de ses pensées) JOSEFINA : Nous avons croisé Charles en bas. Il est passé nous voir ? LUIGI :

Il est passé « me » voir. ANTONELLA : Pour te parler des enfants ? LUIGI :

Non. Il s’est mis dans le pétrin et il voudrait que je l’aide. JOSEFINA : Quel genre de pétrin ? LUIGI :

Il a perdu 30 000 euros au poker. ANTONELLA : Et en quoi est-ce que cela te concerne ? LUIGI :

Parce que j’ai, disons, des aptitudes qu’il n’a pas. ANTONELLA : Des aptitudes pour quoi faire ? LUIGI :

Pour ouvrir les coffres-forts. ANTONELLA : Tu es en train de nous dire que Charles t’a demandé d’organiser un cambriolage pour récupérer de quoi rembourser sa dette ? LUIGI : En gros c’est ça…Une amie de Marthe, qui est très riche, a gagné hier soir une grosse somme aux machines à sous. Elle garde l’argent chez elle dans son coffre pendant le week- end. Cette amie doit s’absenter, ce qui nous laisserait le champ complètement libre pour récupérer de quoi rembourser la dette de Charles. Vous comprenez ? ANTONELLA :

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Nous comprenons trop bien. Ce ne sont pas les scrupules qui étouffent Charles ! Faire ça à une amie, c’est limite ! LUIGI : Mais Gladys est très très riche, ce sera sans conséquence ! JOSEFINA :

Vous êtes complètement fous Charles et toi ! Tu n’as pas accepté, j’espère ? ANTONELLA : Josefina a raison ! En plus, tu n’as peut-être plus tout à fait la main pour ce genre d’exercice, après 18 mois « au repos »… LUIGI : Dites tout de suite que je suis bon pour la maison de retraite ! Je vous rappelle que Dédé le Chalumeau et moi on a réussi d’autres coups bien plus difficiles que celui-là ! ANTONELLA :

Donc, tu vas accepter ! LUIGI : J’ai dit à Charles que je réfléchissais. C’est bien de le faire mijoter un peu. Je vais passer voir Dédé, c’est LE spécialiste des coffres. Il maitrise toutes les techniques de pointe pour venir à bout de n’importe quel modèle. Il va me briefer. S’il me dit que c’est impossible, je renoncerai. Les affaires reprennent ! A tout à l’heure. (il sort). JOSEFINA : Marthe avait raison ! Charles a plongé tête baissée ! Elle le connait bien… ANTONELLA :

Luigi aussi, a plongé tête baissée … Je ne m’étais pas autant amusée depuis longtemps ! J’appelle Marthe !(elle fait le numéro de Marthe) ANTONELLA :

Marthe, c’est Antonella. Vous avez eu une idée de génie avec cette histoire ! Ils sont tous les deux à fond ! …Oui, avec plaisir ! …A tout de suite ! (elle raccroche et s’adresse à Josefina) Elle arrive. (Arrivée de Angelina) ANGELINA : Alors, où en est-on ? JOSEFINA : Luigi a foncé chez Dédé le Chalumeau. Si tu l’ avais vu , il a rajeuni de dix ans ! ANTONELLA :

(On entend frapper).C’est surement Marthe. J’y vais. (Entrée de Marthe, légère et joyeuse – elle embrasse les trois femmes. Elles se disent bonjour)

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MARTHE :

Je savais que ça marcherait ! Je connais bien Charles, la perspective de transgresser la loi n’est pas pour lui déplaire, même si j’imagine ses remords à l’idée de dépouiller Gladys. Quant à la « future victime », elle s’amuse beaucoup … ANGELINA : Elle a drôlement le sens de l’humour... Franchement, à sa place, je serais moyennement emballée à l’idée de retrouver ma porte d’entrée complètement bousillée et mon coffre explosé ! MARTHE :

Gladys est très riche. Son mari était coureur automobile. Il est mort dans un grand prix et lui a légué une fortune colossale. L’aspect matériel des choses lui est étranger… Cela ne l’empêche pas d’être très généreuse. JOSEFINA : Votre stratagème est remarquable Marthe ! Et quelle grandeur de votre part… Les femmes sont vraiment incroyables ! . ANTONELLA : Marthe votre idée est positivement géniale ! ANGELINA :

Les femmes sont merveilleuses ! « Nous » sommes merveilleuses ! Espérons que Luigi ne s’en verra pas trop pour venir à bout de toutes les serrures !!! MARTHE :

Ne vous inquiétez pas pour ça. (Retour de Luigi. Il a l’air super content. ) LUIGI :

Marthe ! Quelle bonne surprise ! Comment allez-vous ? Vous êtes venue pour l’atelier poker ? MARTHE :

Exactement … ANGELINA : L’autre jour, nous avions surtout papoté … Nous allons essayé de rattraper le temps perdu. LUIGI : Marthe, vous devriez laisser tomber le poker. On se retrouve parfois dans des situations très délicates. MARTHE :

Comment ça ? LUIGI : Si on perd au jeu par exemple. Je ne voudrais pas que vous le regrettiez.

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MARTHE : Ne vous inquiétez pas pour moi. Au train où vont les choses, il me faudra bien dix ans avant d’être opérationnelle ! Charles peut dormir tranquille. Ce n’est pas encore demain qu’il aura à rembourser mes dettes de jeu… A propos de Charles, il voulait passer vous voir. Il est venu ? LUIGI (pris au dépourvu) : Non, enfin, oui. .. Il voulait me demander un conseil. MARTHE :

Un conseil, dans quel domaine ? LUIGI (pris de cours) : …Le bricolage. MARTHE :

Le bricolage ? Charles ne sait même pas planter un clou ! Il vous a dit ce qu’il voulait faire ? LUIGI (super gêné) :

Je ne me souviens plus. Il voulait apprendre à servir d’une perceuse, je crois… MARTHE : Une perceuse, rien que ça ! Dites-moi Luigi, j’espère qu’il ne va pas devenir perceur de coffre-fort ! LUIGI (décomposé) : Qu’est-ce que vous allez imaginer ? MARTHE (joyeuse) :

Je plaisante ! (elle regarde l’heure !) Il faut que je file ! J’ai passé un très bon moment. A bientôt. (Marthe prend congé et elle sort – Josefina la raccompagne jusqu’à la porte.) ANTONELLA : Alors, Dédé a rendu son verdict ? LUIGI :

D’après lui, pas de problème. Il me prépare tout le matos. Rien que du haut de gamme. On passera le prendre avec Charles demain soir. Par contre, je ne suis pas très à l’aise vis-à-vis de Marthe…Vous avez entendu ce qu’elle m’a demandé, elle est medium ou quoi ? Vous êtes bien sûres qu’elle ne se doute de rien ? ANGELINA : Mais oui ! Tu as bien vu qu’elle plaisantait ! LUIGI :

J’espère que tu dis vrai.

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ANTONELLA :

Soyez tout de même prudents ! C’est risqué cette histoire… JOSEFINA : Tu as raison ma belle, cela ne me dit rien qui vaille. LUIGI ;

Arrêtez toutes deux ! Vous allez finir par me porter la poisse ! Dédé me prépare tout le matériel, il n’y a aucune raison pour que ça foire…Je suis très content de me remettre dans le bain. En plus, Je vais gagner de l’argent facilement sur ce coup là. J’ai dit à Charles qu’il me donnera ce qu’il veut. A mon avis, je ne vais pas y perdre… Allez, je l’appelle... Hauts les cœurs les filles ! JOSEFINA : Si tu le dis…!

FIN SCENE 6 (NOIR)

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SCENE 7 : JOSEFINA – ANTONELLA – LUIGI – CLAUDIA – ANGELINA – MARTHE – CHARLES – XAVIER - (Josefina , Antonella et Luigi sont sur scène. Antonella reçoit un appel de Claudia) ANTONELLA (qui répond au téléphone) :

Allo ! C’est toi ma chérie ! Comment ça va ? ….Tant mieux ! … Surtout soyez bien prudents ! ….A tout à l’heure ! ….Oui, je leur dirai. …Moi aussi je t’embrasse. (elle raccroche) C’était Claudia. Elle rentre aujourd’hui. Elle est très heureuse ! Elle vous embrasse bien fort. JOSEFINA :

C’est bien qu’elle soit de retour, et qu’elle ait enfin trouvé un homme à son goût ! LUIGI : C’est vrai qu’il pourrait être pire… ANTONELLA (en s’adressant à Luigi)

Ça n’est peut- être pas indispensable de leur parler de vos projets. Ils n’ont pas besoin d’apprendre que leurs pères respectifs s’apprêtent à dépouiller une faible femme ! D’autant plus que Xavier la connait très bien … JOSEFINA : Tu as raison ma belle. Ça n’est pas très glorieux… LUIGI :

Figurez-vous que j’y avais pensé, je ne suis pas complètement abruti ! Ceci dit il ne faut rien exagérer ! On ne s’apprête pas non plus à voler une pauvre femme dans le besoin. Je vous rappelle que cette Gladys est immensément riche et qu’elle ne s’apercevra peut-être même pas du vol ! ANTONELLA :

Mais que je suis bête ! Quand elle va rentrer elle va trouver tout à fait normal de voir sa porte d’entrée et son coffre complètement défoncés !... (Arrivée de Angelina, toute pimpante). ANGELINA :

Salut ! Vous êtes bien sérieux ! Mamma, c’est un conseil de famille ou quoi ? JOSEFINA : On discutait du cambriolage. ANGELINA : Inutile de dire à Charles que Mamma et Antonella sont au courant. Il a des remords vis-à-vis de Gladys.

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LUIGI :

J’espère qu’il ne se dégonflera pas ! J’ai pas envie qu’on se pointe et qu’il décide de faire marche arrière ! ANGELINA :

T’inquiète pas pour ça. Il est coincé, il ne renoncera pas. Comment vous vous organisez ? LUIGI :

Je suis censé avoir deux places pour le championnat de boxe de demain soir. Charles va dire à Marthe que je lui ai proposé de m’accompagner. Ils viendront ici en fin d’après-midi. On discute un peu, Charles et moi on part au match de boxe, et Marthe reste avec vous…vous passez une petite soirée entre femmes. Nous, on fait notre affaire, et quand on a fini, on revient tranquillement, et hop, elle n’y voit que du feu ! Ah ! il est fort, Luigi ! Allez, reconnaissez-le ! ANGELINA :

Tu as raison, tu es trop fort ! On s’incline…On se demande vraiment où tu vas chercher tout ça … LUIGI :

C’est inné chez moi ! Mes enfants, les affaires reprennent ! Charles balise un peu, mais au fond, je sens que ça lui plait beaucoup…Si ça se trouve, il a de bonnes dispositions…Je vais voir ce qu’il donne en situation réelle…Après, on pourrait peut-être … JOSEFINA (lui coupant la parole) :

Luigi, rassure-moi ! Tu n’as pas l’intention d’entrainer Charles dans tes combines ? LUIGI : Mais non Mamma, qu’est ce que tu vas chercher ? Je lui rends service, c’est tout. Je ne sais pas pourquoi mais je sens que ça va marcher comme sur des roulettes, le bon Dieu est avec moi… JOSEFINA :

Laisse le Bon Dieu là où il est , mécréant ! (Arrivée de Claudia) CLAUDIA : Je suis trop contente de vous retrouver ! (elle embrasse chaque personne) JOSEFINA : Ma Claudia ! Comme tu as bonne mine ! Le bonheur te va bien, bella. (les deux femmes s’embrassent- Ensuite, chacun veut parler à Claudia et il s’ensuit un grand désordre) ANTONELLA :

Josefina a raison. Tu es resplendissante ma chérie ! Xavier n’est pas avec toi ?

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CLAUDIA :

Il est allé embrasser ses parents. LUIGI : Et ton vieux père, tu ne l’embrasses pas ? CLAUDIA :

Mais si ! (elle embrasse Luigi) ANGELINA : Alors, Raconte ! CLAUDIA :

Laissez-moi arriver ! C’était super ! On serait bien restés plus, mais Xavier devait rentrer pour son travail. Et ici, quoi de neuf ? LUIGI :

La routine. ANTONELLA (qui veut vite changer de sujet de conversation) : Tu sais que nous faisons de grands progrès au poker avec Marthe ! Elle vient presque tous les jours. ANGELINA : Si tu voyais Mamma ! Elle est très douée ! CLAUDIA :

C’est génial ! Je vous avais dit que Xavier avait des parents super. LUIGI : Disons qu’ils ne sont pas trop mal pour des gens honnêtes …Enfin, quand je dis honnêtes…Dis-moi, bella, ton Xavier, il te plait toujours ? CLAUDIA : Toujours ! Pourquoi tu me demandes ça ? LUIGI :

Pour savoir si j’ai raison d’aider Charles.(il réalise qu’il a fait une gaffe) CLAUDIA : L’aider à faire quoi ? JOSEFINA (qui vole au secours de Luigi) : A choisir une toile pour l’anniversaire de Marthe. Il veut lui faire une surprise. CLAUDIA : Vous savez quel jour c’est ? J’aimerais bien lui offrir quelque chose. LUIGI (embarassé) :

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Il ne m’a pas parlé du jour exact. Pour l’instant, c’est juste une idée qu’il a eue, et, comme il sait que je m’y connais en peinture, il m’a demandé un conseil. CLAUDIA : Je demanderai à Xavier tout à l’heure. (elle marque un temps) Vous savez ce qui me ferait plaisir ? ANTONELLA : Non. Dis-nous ! CLAUDIA :

Qu’on aille au restaurant tous ensemble. Qu’est-ce que vous en dites ? JOSEFINA : C’est une bonne idée. Pour une fois, Antonella et moi, on ne fera pas la cuisine ! ANTONELLA :

Josefina a raison ! Allez, on va se préparer ! LUIGI : On pourrait aller chez Angelo, il parait qu’il a un nouveau pizzaïolo ! Avanti ! (Tous sortent de scène)

FIN SCENE 7

Si vous souhaitez obtenir la fin de Conseil de Famille, vous pouvez en faire la

demande à l’auteur par courriel : [email protected]

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