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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 6 475 LES FRANCOPHONES DANS LA LITTÉRATURE INTERNATIONALE L’intensité de la douleur de l’accouchement varie au cours du nycthémère Chronobiology of labour pain perception: an observational study. Aya AG, Vialles N, Mangin R, Robert C, Ferrer JM, Ripart J, de la Coussaye JE. Br J Anaesth 2004;93:451-3. De nombreuses régulations physiologiques, telles les sécré- tions hormonales (ACTH, endorphines, cortisol), suivent un rythme nycthéméral. L’intensité de la douleur elle-même semble différente en fonction de l’heure du jour et de la nuit. Le travail obstétrical constitue un bon modèle pour évaluer la possibilité d’une variation circadienne de la dou- leur. Des données précédentes ont déjà permis d’évoquer cette hypothèse, tel que le fait que la durée d’analgésie résultant d’un bolus péridural d’anesthésique local varie en fonction de l’heure d’administration. Deux cent vingt-deux parturientes nullipares se présentant pour un travail spon- tané après une grossesse normale, ont été consécutivement évaluées dans cette étude. L’intensité douloureuse mesurée à l’aide d’une échelle visuelle analogue correspondait à la douleur créée par les contractions au moment où les partu- rientes se présentaient pour bénéficier d’une analgésie péri- durale. Les résultats ont été analysés en 4 périodes : la nuit (01-07 h), le matin (07-13 h) ; l’après-midi (13-19 h) et le soir (19-01 h), puis regroupées en deux périodes : le jour et la nuit. L’intensité douloureuse était significativement plus faible le jour (75,6 ± 15,1) que la nuit (85,7 ± 14,1). Les sco- res obtenus le matin étaient également plus faibles que ceux des autres périodes. Ces résultats sont en accord avec des données précédentes (Debon R et al. Anesthesiology 2002 ; 96 : 542-5). Bien que robuste, la démonstration n’est pas très élaborée et il aurait été intéressant par exemple de connaître le modèle mathématique de variation ou de savoir si c’est l’horaire ou la luminosité qui interfère avec l’inten- sité douloureuse. De même « l’atmosphère » de la nuit et l’environnement hospitalier qui lui correspond, ainsi que des évènements intercurrents comme la privation de som- meil, peuvent éventuellement augmenter l’angoisse des par- turientes ou la perception de la douleur et expliquer partiellement le phénomène observé. Par ailleurs, la ques- tion persiste de savoir si ces résultats seraient reproducti- bles avec d’autres modèles douloureux. Cependant, ces résultats très intéressants ouvrent la porte à une meilleure compréhension et donc à une meilleure approche théra- peutique de la douleur. Francis BONNET Hôpital Tenon, Paris.

L’intensité de la douleur de l’accouchement varie au cours du nycthémère

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 6 475

L E S F R A N C O P H O N E S D A N S L A L I T T É R A T U R E I N T E R N A T I O N A L E

L’intensité de la douleur de l’accouchementvarie au cours du nycthémère

Chronobiology of labour pain perception: an observational study.

Aya AG, Vialles N, Mangin R, Robert C, Ferrer JM, Ripart J, de la

Coussaye JE. Br J Anaesth 2004;93:451-3.

De nombreuses régulations physiologiques, telles les sécré-tions hormonales (ACTH, endorphines, cortisol), suivent unrythme nycthéméral. L’intensité de la douleur elle-mêmesemble différente en fonction de l’heure du jour et de lanuit. Le travail obstétrical constitue un bon modèle pourévaluer la possibilité d’une variation circadienne de la dou-leur. Des données précédentes ont déjà permis d’évoquercette hypothèse, tel que le fait que la durée d’analgésierésultant d’un bolus péridural d’anesthésique local varie enfonction de l’heure d’administration. Deux cent vingt-deuxparturientes nullipares se présentant pour un travail spon-tané après une grossesse normale, ont été consécutivementévaluées dans cette étude. L’intensité douloureuse mesuréeà l’aide d’une échelle visuelle analogue correspondait à ladouleur créée par les contractions au moment où les partu-rientes se présentaient pour bénéficier d’une analgésie péri-durale. Les résultats ont été analysés en 4 périodes : la nuit

(01-07 h), le matin (07-13 h) ; l’après-midi (13-19 h) et lesoir (19-01 h), puis regroupées en deux périodes : le jour etla nuit. L’intensité douloureuse était significativement plusfaible le jour (75,6

± 15,1) que la nuit (85,7

± 14,1). Les sco-res obtenus le matin étaient également plus faibles queceux des autres périodes. Ces résultats sont en accord avecdes données précédentes (Debon R et al. Anesthesiology2002 ; 96 : 542-5). Bien que robuste, la démonstration n’estpas très élaborée et il aurait été intéressant par exemple deconnaître le modèle mathématique de variation ou de savoirsi c’est l’horaire ou la luminosité qui interfère avec l’inten-sité douloureuse. De même « l’atmosphère » de la nuit etl’environnement hospitalier qui lui correspond, ainsi quedes évènements intercurrents comme la privation de som-meil, peuvent éventuellement augmenter l’angoisse des par-turientes ou la perception de la douleur et expliquerpartiellement le phénomène observé. Par ailleurs, la ques-tion persiste de savoir si ces résultats seraient reproducti-bles avec d’autres modèles douloureux. Cependant, cesrésultats très intéressants ouvrent la porte à une meilleurecompréhension et donc à une meilleure approche théra-peutique de la douleur. ■

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.