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Luxemburger Wort Donnerstag, den 10. Februar 2011 Luxemburger Wort Donnerstag, den 10. Februar 2011 LUXEMBURGER WORT@MUDAM AKADEMIE LUXEMBURGER WORT@MUDAM AKADEMIE 14 15 Guy Debord et la critique de la «société du spectacle» L’internationale situationniste Extrait du film de Guy Debord de 1973. Le commentaire de ce film est entièrement composé d'extraits de la première édition du livre «La Société du spectacle» et l'emploi des images est orienté par le principe du détournement. PAR CHRISTIAN MOSAR «La poésie doit être faite par tous». Les situationnistes entendaient faire de cette idée de Lautréamont une réalité. Ils ne souhaitaient ni révolu- tionner les formes et les modes d'ex- pression, ni saboter de l'intérieur l'art estimé moribond, ils projetaient de le dissoudre dans une révolution permanente de la vie quotidienne fondée sur la «construction de situa- tions». L'internationale situationniste, dont Guy Debord a été le fondateur et le principal animateur, a existé de 1957 à 1971, année de son auto-disso- lution. Les situationnistes dévelop- paient des techniques comme la dé- rive et le détournement qui devaient proposer une alternative à la société du spectacle. C'est à celle-ci que Debord consacre en 1967 son célèbre livre «La Société du spectacle». A l'époque de Mai-68, c'est un best- seller qui accompagne de nombreux combats et de nombreuses ré- flexions. Debord articule son essai autour de 221 thèses. En voici des extraits: «Quand l’art devenu indépendant représente son monde avec des couleurs éclatantes, un moment de la vie a vieilli, et il ne se laisse pas rajeunir avec des couleurs éclatan- tes. Il se laisse seulement évoquer dans le souvenir. La grandeur de l’art ne commence à paraître qu’à la retombée de la vie.» (thèse 188) «L’art à son époque de dissolu- tion, en tant que mouvement négatif qui poursuit le dépassement de l’art dans une société historique où l’his- toire n’est pas encore vécue, est à la fois un art du changement et l’ex- pression pure du changement im- possible. Plus son exigence est gran- diose, plus sa véritable réalisation est au delà de lui. Cet art est forcé- ment d’avant-garde, et il n’est pas. Son avant-garde est sa disparition.» (thèse 190) «Le dadaïsme et le surréalisme sont les deux courants qui marquè- rent la fin de l’art moderne. Ils sont, quoique seulement d’une manière relativement consciente, contem- porains du dernier grand assaut du mouvement révolutionnaire prolé- tarien; et l’échec de ce mouvement, qui les laissait enfermés dans le champ artistique même dont ils avaient proclamé la caducité, est la raison fondamentale de leur immo- bilisation. Le dadaïsme et le surréa- lisme sont à la fois historiquement liés et en opposition. Dans cette opposition, qui constitue aussi pour chacun la part la plus conséquente et radicale de son apport, apparaît l’insuffisance interne de leur criti- que, développée par l’un comme par l’autre d’un seul côté. Le da- daïsme a voulu supprimer l’art sans le réaliser ; et le surréalisme a voulu réaliser l’art sans le supprimer. La position critique élaborée par les situationnistes a montré que la sup- pression et la réalisation de l’art sont les aspects inséparables d’un même dépassement de l’art». (thèse 191) L'art du XX e siècle (5/10) Le Mudam a organisé un cycle de cours d'Histoire de l'art du XX e siècle afin de permettre au public de mieux compren- dre la création contemporaine. Le «Lu- xemburger Wort» s'est associé à cette action pédagogique en offrant à ses lecteurs de larges aperçus de ces cours. Dans ces deux pages le lecteur trou- vera la substance du cinquième cours, tel qu'il sera donné aujourd'hui même au Musée d'art moderne Grand-Duc Jean. L'après-guerre et l'émergence de l'Ecole de New York L'art dans le monde moderne Le déplacement du centre artistique de Paris à New York Jackson Pollock dans son atelier, photographié par Hans Namuth en 1950. (PHOTO: HANS NAMUTH ESTATE) Jackson Pollock, The She-Wolf, 1943, huile, gouache et plâtre sur toile (The Museum of Modern Art, New York). (PHOTO: POLLOCK-KRASNER FOUNDATION / ARS) Mark Rothko, n o 3/n o 13., 1949, Huile sur toile (Museum of Modern Art, New York). (PHOTO: KATE ROTHKO PRIZEL & CHRISTOPHER ROTHKO / ARTISTS RIGHTS SOCIETY (ARS), NEW YORK) PAR CLAUDE MOYEN «Vous comprendrez, quand vous verrez l'Amérique, qu'un jour ils auront des peintres, parce que ce n'est pas possible, dans un pays pa- reil, qui offre des spectacles visuels aussi éblouissants, qu'il n'y ait pas de peintres un jour» (Propos de Henri Matisse, rapportés par André Masson 1 ). L'émigration aux Etats-Unis, et no- tamment à New York entre 1933 et 1942, d'intellectuels, d'architectes et d'artistes européens fuyant le nazisme a une influence détermi- nante sur les artistes américains dont elle secoue l'isolement ou le découragement face à la guerre et consécutif à la crise. Il suffit de citer, entre autres, l'anthropologue et ethnologue Claude Lévy-Strauss, l'historien d'art Erwin Panofsky, le philosophe T.W. Adorno, le poète et dramaturge Bertolt Brecht, les architectes Ludwig Mies Van der Rohe et Walter Gropius, le compo- siteur Arnold Schönberg, le poète et fondateur du surréalisme André Breton, les artistes Max Ernst, An- dré Masson, Salvador Dalí, Marcel Duchamp et Piet Mondrian, pour comprendre les résonances specta- culaires sur le tissu culturel qui les accueille. Ces Européens célèbres, d'un tempérament énergique et résolu- ment optimiste, apportent quelque chose de nouveau: ils infusent à la scène artistique new-yorkaise la pleine conscience de son rôle à jouer dans le modernité. Les jeunes artistes américains souffrent en ef- fet de l'absence d'un art américain indépendant. Ils se sentent écrasés, pour certains, par l'héritage res- senti comme insurmontable de monstres sacrés comme Matisse ou Picasso, et sont partagés, pour d'au- tres, entre une immédiate expres- sion de soi du surréalisme et une construction rigoureuse de l'abs- traction géométrique. Dès 1940, de jeunes peintres américains – Jackson Pollock, Ro- bert Motherwell, Mark Rothko, Willem de Kooning, Clyfford Still, encore inconnus en 1942 – com- mencent à formuler leur propre projet artistique. De l'abstraction géométrique, ils conservent l'indé- pendance des moyens picturaux comme éléments de construction du processus créatif. Du surréalis- me, ils mettent en avant «l'écriture automatique» ou l'automatisme psychique et se débarrassent pro- gressivement de la figure. Ainsi, le motif du rêve freudien est remplacé par l'archétype de l'inconscient col- lectif de Carl Jung, qui à son tour est évacué au profit du seul événement pictural, débarrassé de toute anecdote. Leurs tableaux sont con- çus comme le résultat d'un proces- sus qui n'est pas planifié. L'arrêt de ce processus correspond à l'ac- complissement du tableau. Cette «fin» est ressentie de manière in- tuitive par le peintre. Le geste pictural, la performance de l'acte de peindre, le corps du peintre, la réa- lité des matériaux et leur résistance physique font une entrée spectacu- laire sur le devant de la scène. En même temps, ces jeunes peintres s'intéressent à l'art des Indiens d'Amérique. En quête d'une iden- tité culturelle propre, imperméable aux références étrangères, les artis- tes américains tentent de retrouver dans l'inconscient et dans le mythe une énergie originale et fondatrice. Le retour aux sources primitives, son expression artistique à travers l'automatisme se conjuguent dans un contexte de crise et de guerre mondiale où la confiance en une raison qui domine la nature a mani- festement été ébranlée. La quête des jeunes peintres donne nais- sance à l'Ecole de New York et à son programme: l'expressionisme abstrait. La figure emblématique du mythe fondateur de cette nouvelle peinture américaine sera le peintre Jackson Pollock. «J'ai besoin de la résistance d'une surface dure» «Je ne fais pas une peinture de chevalet. Je ne tends pratiquement jamais ma toile avant de peindre. Je préfère clouer ma toile non tendue sur le mur ou le plancher. J'ai besoin de la résistance d'une surface dure. Sur le plancher je me sens plus à l'aise. Je me sens plus proche de la peinture, je m'y intègre davantage puisque je peux ainsi en faire le tour, travailler à partir des quatre côtés et littéralement être dans la peinture. Cette méthode s'appa- rente à celle des Indiens de l'Ouest des Etats-Unis qui créent des for- mes sur le sol avec des sables de couleur. De plus en plus, j'aban- donne les instruments de la pein- ture traditionnelle tels que le cheva- let, la palette, les pinceaux etc. Je préfère les bâtons, les truelles, les couteaux, faire couler (NDLR: ,drip- ping‘) de la peinture liquide ou bien une pâte épaisse mélangée de sable, verre pilé et d'autres matières.» 2 Dans ses tableaux révolutionnai- res de la fin des années quarante, Jackson Pollock fait couler la pein- ture sur le tableau en créant des configurations de plus en plus com- plexes, rythmées par les gestes et les mouvements tantôt contrôlés tantôt extatiques sur la toile. Comme l'écrit le critique américain Harold Rosenberg, la toile devient «une arène offerte à son action plutôt qu'un espace où reproduire, recréer, analyser ou exprimer un objet réel ou imaginaire.» Une telle définition met en valeur non seule- ment la performance de l'activité et l'exploit physique mais aussi l'au- teur, qui devient une sorte d'héros au centre de son arène. La nouvelle image héroïque du peintre améri- cain est à l'image de la nation triom- phante. La victoire américaine de 1945 euphorise la vie artistique ne- w-yorkaise et impose l'expressio- nisme abstrait avec une puissance d'impact qui fait de New York le nouveau centre artistique mondial. Cet impact est autant formel, que théorique, social et économique. Il va surtout devenir le produit d'un système redoutablement efficace de promotion, de spéculation et de diffusion de l'art, organisé et déve- loppé à une échelle jusque-là incon- nue. 1 Henri Matisse, Ecrits et propos sur l'art, Editions Hermann, Paris, 1972 2 Jackson Pollock dans Possibilities n°1, New York, Wittenborn (Motherwell, Rosenberg, Chareau et Cage éd.), hiver 1947-1948 Kunst und Skandale Jean Dubuffet und die Kunst der Geisteskranken Antikultureller Impuls und Suche nach dem Ursprünglichen Adolf Wölfli, Heilanstalt Waldau, 1921. Jean Dubuffet, Bertelé bouquet fleuri, portrait de parade, 1947, huile sur toile, National Gallery of Art, Wa- shington. VON MARKUS PILGRAM Nach der Katastrophe des Zweiten Weltkriegs entwickelte sich in Pa- ris recht schnell ein Konsens unter Kulturschaffenden, dass die franzö- sische Hauptstadt als international maßgebliches Zentrum der Avant- garde seine Rolle wiedereinneh- men würde. Das Projekt der Moder- ne, das seinen Ausgangspunkt im späten 19. Jahrhundert genommen hatte, sollte sich trotz des Bruchs des Krieges fortsetzen und in einer zur „Weltsprache“ hochstilisierten gegenstandslosen Malerei vollen- den. Gegen diese fast einhellig ge- teilte Meinung positionierte sich ein Quereinsteiger in die Kunst, dessen absichtlich antikulturelle Malerei Verwirrung und Skandal erzeugte. Jean Dubuffet (1901-1985), der zunächst als Künstler dilettiert hatte, bevor er sich dem väterlichen Weinhandel zuwandte, beschloss 1944 ernsthaft, Künstler zu werden. Als Außenseiter stellte er sich ab- sichtlich und wohlüberlegt dem da- maligen Zeitgeist und der Elite der, wie er sie nannte, „intellectuels de carrière“, entgegen, indem er sich der Abstraktion verweigerte und figürlich malte und darüber hinaus mit vollkommen „unwürdigen“ Ma- terialien arbeitete. Die kräftig gestalteten Oberflä- chen seiner Gemälde, die er mit als unästhetisch geltenden Stoffen wie Teer, Kohle, Kieselsteinen, Kor- deln, Sand, Zement und Haaren rea- lisierte, empörten und faszinierten Kritiker und Publikum zugleich. Seine ersten in den Jahren 1944, '46 und '47 in der Pariser Galerie René Drouin und die nur wenig später in New York durch Pierre Matisse organisierten Ausstellungen lösten harsche Kritiken aus, hatten aber in ihrer Unangepasstheit einen nicht zu unterschätzenden Einfluss auf seine Zeitgenossen, für die sich mit seinem geistigen Konzept einer ab- soluten Freiheit gegenüber den Traditionen ungekannte Türen öff- neten. „Eine künstlerisch Sackgasse. Die Bilder aus Dreck und Abfall würdigen die Moderne zu einer Farce herab“ war zu lesen, während andere meinten: „Dubuffets Arbei- ten sind von brutaler Aggressivität und erinnern an das Gekritzel von Kindern.“ „All das ist tief ernst zu nehmen“ Die Kritiker hatten nicht völlig Un- recht, hatte sich doch Dubuffets an- tikultureller Impuls an Kunstformen orientiert, die früher bereits durch ihre Andersartigkeit eine romanti- sche Faszination ausgeübt hatten. Volkskunst, „primitive“ Kunst, Kin- derkunst und die von Dubuffet soge- nannte „Art Brut“, hatten immer wieder beeindruckt. Bereits 1912 hatte Paul Klee hier die Uranfänge von Kunst gesehen, als er schrieb: „All das ist tief ernst zu nehmen, ernster als sämtliche Pinakotheken.“ Doch was Dubuffet als kalkulier- ten Skandal geplant hatte, als Kampfbegriff gegen die „arts offi- ciels“, wurde bald ebenso schnell von der Kunst und ihren Denkern eingehegt wie die meisten anderen Ausbruchsversuche. Dubuffet, hatte von der „Bildnerei der Geisteskran- ken“, wie sie in dem epochemachen- den Buch des Arztes Hans Prinzhorn schon 1922 beschrieben wurde, be- reits eine Vorstellung, als er sich 1945 bei einer Reise in die Schweiz in mehreren psychiatrischen Klini- ken Bilder von Patienten zeigen ließ, die ihn veranlassten, Werke dieser „rohen“ Künstler zu sammeln. Seine im Lauf der Zeit stark ange- wachsene Sammlung ist heute im Musée de l’Art Brut in Lausanne zu sehen. Doch während Jean Dubuf- fet mit dem Begriff der „Rohen Kunst“ einen scheinbar so verein- heitlichenden Begriff schuf, der heute oft als ein „Stil“ neben ande- ren begriffen wird, zeigt ein ge- naueres Hinsehen, dass die Künst- ler der Art Brut, ob sie nun Adolf Wölfli, Aloïse Corbaz oder Louis Soutter hießen, kaum über einen Kamm zu scheren waren, und dass das Etikett, das ihnen mit dem Be- griff der Art Brut angeheftet wurde, einerseits zwar eine Blicköffnung hin zu Werken dieser gesellschaftli- chen Außenseiter ermöglicht hat. Andererseits behindert aber genau dieses Etikett auch einen vorbehalt- losen Blick auf Kunstwerke, die rein ästhetischen Kriterien absolut standhalten.

L’internationale situationniste (5/10)

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Page 1: L’internationale situationniste (5/10)

Luxemburger WortDonnerstag, den 10. Februar 2011

Luxemburger WortDonnerstag, den 10. Februar 2011LUXEMBURGER WORT@MUDAM AKADEMIE LUXEMBURGER WORT@MUDAM AKADEMIE14 15

Guy Debord et la critique de la «société du spectacle»

L’internationale situationniste

Extrait du film de Guy Debord de 1973. Le commentaire de ce film est entièrementcomposé d'extraits de la première édition du livre «La Société du spectacle» etl'emploi des images est orienté par le principe du détournement.

P A R C H R I S T I A N M O S A R

«La poésie doit être faite par tous».Les situationnistes entendaient fairede cette idée de Lautréamont uneréalité. Ils ne souhaitaient ni révolu-tionner les formes et les modes d'ex-pression, ni saboter de l'intérieurl'art estimé moribond, ils projetaientde le dissoudre dans une révolutionpermanente de la vie quotidiennefondée sur la «construction de situa-tions».

L'internationale situationniste,dont Guy Debord a été le fondateuret le principal animateur, a existé de1957 à 1971, année de son auto-disso-lution. Les situationnistes dévelop-paient des techniques comme la dé-rive et le détournement qui devaientproposer une alternative à la sociétédu spectacle. C'est à celle-ci queDebord consacre en 1967 son célèbrelivre «La Société du spectacle». Al'époque de Mai-68, c'est un best-seller qui accompagne de nombreuxcombats et de nombreuses ré-flexions.

Debord articule son essai autourde 221 thèses. En voici des extraits:«Quand l’art devenu indépendantreprésente son monde avec descouleurs éclatantes, un moment dela vie a vieilli, et il ne se laisse pasrajeunir avec des couleurs éclatan-tes. Il se laisse seulement évoquerdans le souvenir. La grandeur del’art ne commence à paraître qu’à laretombée de la vie.» (thèse 188)

«L’art à son époque de dissolu-tion, en tant que mouvement négatif

qui poursuit le dépassement de l’artdans une société historique où l’his-toire n’est pas encore vécue, est à lafois un art du changement et l’ex-pression pure du changement im-possible. Plus son exigence est gran-diose, plus sa véritable réalisationest au delà de lui. Cet art est forcé-ment d’avant-garde, et il n’est pas.Son avant-garde est sa disparition.»(thèse 190)

«Le dadaïsme et le surréalismesont les deux courants qui marquè-rent la fin de l’art moderne. Ils sont,quoique seulement d’une manièrerelativement consciente, contem-porains du dernier grand assaut dumouvement révolutionnaire prolé-tarien; et l’échec de ce mouvement,qui les laissait enfermés dans lechamp artistique même dont ilsavaient proclamé la caducité, est laraison fondamentale de leur immo-bilisation. Le dadaïsme et le surréa-lisme sont à la fois historiquementliés et en opposition. Dans cetteopposition, qui constitue aussi pourchacun la part la plus conséquenteet radicale de son apport, apparaîtl’insuffisance interne de leur criti-que, développée par l’un commepar l’autre d’un seul côté. Le da-daïsme a voulu supprimer l’art sansle réaliser ; et le surréalisme a vouluréaliser l’art sans le supprimer. Laposition critique élaborée par lessituationnistes a montré que la sup-pression et la réalisation de l’artsont les aspects inséparables d’unmême dépassement de l’art». (thèse191)

L'art du XXe siècle (5/10)Le Mudam a organisé un cycle de coursd'Histoire de l'art du XXe siècle afin depermettre au public de mieux compren-dre la création contemporaine. Le «Lu-xemburger Wort» s'est associé à cetteaction pédagogique en offrant à ses

lecteurs de larges aperçus de ces cours.Dans ces deux pages le lecteur trou-vera la substance du cinquième cours,tel qu'il sera donné aujourd'hui mêmeau Musée d'art moderne Grand-DucJean.

L'après-guerre et l'émergence de l'Ecole de New York

L'art dans le monde moderneLe déplacement du centre artistique de Paris à New York

Jackson Pollock dans son atelier, photographié par Hans Namuth en 1950. (PHOTO: HANS NAMUTH ESTATE)

Jackson Pollock, The She-Wolf, 1943, huile, gouache et plâtre sur toile (TheMuseum of Modern Art, New York). (PHOTO: POLLOCK-KRASNER FOUNDATION / ARS)

Mark Rothko, no 3/no 13., 1949,Huile sur toile(Museum ofModern Art,New York).(PHOTO: KATEROTHKO PRIZEL &CHRISTOPHERROTHKO / ARTISTSRIGHTS SOCIETY(ARS), NEW YORK)

PAR CLAUDE MOYEN

«Vous comprendrez, quand vousverrez l'Amérique, qu'un jour ils auront des peintres, parce que cen'est pas possible, dans un pays pa-reil, qui offre des spectacles visuelsaussi éblouissants, qu'il n'y ait pasde peintres un jour» (Propos deHenri Matisse, rapportés par AndréMasson1).

L'émigration aux Etats-Unis, et no-tamment à New York entre 1933 et1942, d'intellectuels, d'architecteset d'artistes européens fuyant lenazisme a une influence détermi-nante sur les artistes américainsdont elle secoue l'isolement ou ledécouragement face à la guerre etconsécutif à la crise. Il suffit deciter, entre autres, l'anthropologueet ethnologue Claude Lévy-Strauss,l'historien d'art Erwin Panofsky, lephilosophe T.W. Adorno, le poèteet dramaturge Bertolt Brecht, lesarchitectes Ludwig Mies Van derRohe et Walter Gropius, le compo-siteur Arnold Schönberg, le poèteet fondateur du surréalisme AndréBreton, les artistes Max Ernst, An-dré Masson, Salvador Dalí, MarcelDuchamp et Piet Mondrian, pourcomprendre les résonances specta-culaires sur le tissu culturel qui lesaccueille.

Ces Européens célèbres, d'untempérament énergique et résolu-ment optimiste, apportent quelquechose de nouveau: ils infusent à lascène artistique new-yorkaise lapleine conscience de son rôle àjouer dans le modernité. Les jeunesartistes américains souffrent en ef-fet de l'absence d'un art américainindépendant. Ils se sentent écrasés,pour certains, par l'héritage res-senti comme insurmontable demonstres sacrés comme Matisse ouPicasso, et sont partagés, pour d'au-tres, entre une immédiate expres-sion de soi du surréalisme et uneconstruction rigoureuse de l'abs-traction géométrique.

Dès 1940, de jeunes peintresaméricains – Jackson Pollock, Ro-bert Motherwell, Mark Rothko,Willem de Kooning, Clyfford Still,encore inconnus en 1942 – com-mencent à formuler leur propreprojet artistique. De l'abstractiongéométrique, ils conservent l'indé-pendance des moyens picturauxcomme éléments de constructiondu processus créatif. Du surréalis-me, ils mettent en avant «l'écritureautomatique» ou l'automatismepsychique et se débarrassent pro-gressivement de la figure. Ainsi, lemotif du rêve freudien est remplacépar l'archétype de l'inconscient col-lectif de Carl Jung, qui à son tour estévacué au profit du seul événementpictural, débarrassé de touteanecdote. Leurs tableaux sont con-çus comme le résultat d'un proces-sus qui n'est pas planifié. L'arrêt dece processus correspond à l'ac-complissement du tableau. Cette«fin» est ressentie de manière in-tuitive par le peintre. Le gestepictural, la performance de l'acte depeindre, le corps du peintre, la réa-lité des matériaux et leur résistancephysique font une entrée spectacu-laire sur le devant de la scène. Enmême temps, ces jeunes peintres

s'intéressent à l'art des Indiensd'Amérique. En quête d'une iden-tité culturelle propre, imperméableaux références étrangères, les artis-tes américains tentent de retrouverdans l'inconscient et dans le mytheune énergie originale et fondatrice.

Le retour aux sources primitives,son expression artistique à traversl'automatisme se conjuguent dansun contexte de crise et de guerremondiale où la confiance en uneraison qui domine la nature a mani-festement été ébranlée. La quête

des jeunes peintres donne nais-sance à l'Ecole de New York et àson programme: l'expressionismeabstrait. La figure emblématique dumythe fondateur de cette nouvellepeinture américaine sera le peintreJackson Pollock.

«J'ai besoin de la résistanced'une surface dure»

«Je ne fais pas une peinture dechevalet. Je ne tends pratiquementjamais ma toile avant de peindre. Je

préfère clouer ma toile non tenduesur le mur ou le plancher. J'ai besoinde la résistance d'une surface dure.Sur le plancher je me sens plus àl'aise. Je me sens plus proche de lapeinture, je m'y intègre davantagepuisque je peux ainsi en faire letour, travailler à partir des quatrecôtés et littéralement être dans lapeinture. Cette méthode s'appa-rente à celle des Indiens de l'Ouestdes Etats-Unis qui créent des for-mes sur le sol avec des sables decouleur. De plus en plus, j'aban-donne les instruments de la pein-ture traditionnelle tels que le cheva-let, la palette, les pinceaux etc. Jepréfère les bâtons, les truelles, lescouteaux, faire couler (NDLR: ,drip-ping‘) de la peinture liquide ou bienune pâte épaisse mélangée de sable,verre pilé et d'autres matières.»2

Dans ses tableaux révolutionnai-res de la fin des années quarante,Jackson Pollock fait couler la pein-ture sur le tableau en créant desconfigurations de plus en plus com-plexes, rythmées par les gestes etles mouvements tantôt contrôléstantôt extatiques sur la toile.Comme l'écrit le critique américainHarold Rosenberg, la toile devient«une arène offerte à son actionplutôt qu'un espace où reproduire,recréer, analyser ou exprimer unobjet réel ou imaginaire.» Une telledéfinition met en valeur non seule-ment la performance de l'activité etl'exploit physique mais aussi l'au-teur, qui devient une sorte d'hérosau centre de son arène. La nouvelleimage héroïque du peintre améri-cain est à l'image de la nation triom-phante. La victoire américaine de1945 euphorise la vie artistique ne-w-yorkaise et impose l'expressio-nisme abstrait avec une puissanced'impact qui fait de New York lenouveau centre artistique mondial.

Cet impact est autant formel, quethéorique, social et économique. Ilva surtout devenir le produit d'unsystème redoutablement efficacede promotion, de spéculation et dediffusion de l'art, organisé et déve-loppé à une échelle jusque-là incon-nue.

1 Henri Matisse, Ecrits et propos sur l'art, Editions

Hermann, Paris, 19722 Jackson Pollock dans Possibilities n°1, New York,

Wittenborn (Motherwell, Rosenberg, Chareau et

Cage éd.), hiver 1947-1948

Kunst und Skandale

Jean Dubuffet und die Kunst der GeisteskrankenAntikultureller Impuls und Suche nach dem Ursprünglichen

Adolf Wölfli, Heilanstalt Waldau, 1921.

Jean Dubuffet,Bertelé bouquetfleuri, portrait deparade, 1947,huile sur toile,National Galleryof Art, Wa-shington.

V O N M A R K U S P I L G R A M

Nach der Katastrophe des ZweitenWeltkriegs entwickelte sich in Pa-ris recht schnell ein Konsens unterKulturschaffenden, dass die franzö-sische Hauptstadt als internationalmaßgebliches Zentrum der Avant-garde seine Rolle wiedereinneh-men würde. Das Projekt der Moder-ne, das seinen Ausgangspunkt imspäten 19. Jahrhundert genommenhatte, sollte sich trotz des Bruchsdes Krieges fortsetzen und in einerzur „Weltsprache“ hochstilisiertengegenstandslosen Malerei vollen-den.

Gegen diese fast einhellig ge-teilte Meinung positionierte sichein Quereinsteiger in die Kunst,dessen absichtlich antikulturelleMalerei Verwirrung und Skandalerzeugte. Jean Dubuffet (1901-1985),der zunächst als Künstler dilettierthatte, bevor er sich dem väterlichenWeinhandel zuwandte, beschloss1944 ernsthaft, Künstler zu werden.Als Außenseiter stellte er sich ab-sichtlich und wohlüberlegt dem da-maligen Zeitgeist und der Elite der,wie er sie nannte, „intellectuels decarrière“, entgegen, indem er sichder Abstraktion verweigerte undfigürlich malte und darüber hinausmit vollkommen „unwürdigen“ Ma-terialien arbeitete.

Die kräftig gestalteten Oberflä-chen seiner Gemälde, die er mit alsunästhetisch geltenden Stoffen wieTeer, Kohle, Kieselsteinen, Kor-deln, Sand, Zement und Haaren rea-lisierte, empörten und fasziniertenKritiker und Publikum zugleich.Seine ersten in den Jahren 1944, '46und '47 in der Pariser Galerie RenéDrouin und die nur wenig später inNew York durch Pierre Matisseorganisierten Ausstellungen löstenharsche Kritiken aus, hatten aber inihrer Unangepasstheit einen nichtzu unterschätzenden Einfluss aufseine Zeitgenossen, für die sich mitseinem geistigen Konzept einer ab-soluten Freiheit gegenüber denTraditionen ungekannte Türen öff-neten.

„Eine künstlerisch Sackgasse.Die Bilder aus Dreck und Abfallwürdigen die Moderne zu einerFarce herab“ war zu lesen, währendandere meinten: „Dubuffets Arbei-ten sind von brutaler Aggressivitätund erinnern an das Gekritzel vonKindern.“

„All das ist tief ernst zu nehmen“

Die Kritiker hatten nicht völlig Un-recht, hatte sich doch Dubuffets an-tikultureller Impuls an Kunstformenorientiert, die früher bereits durchihre Andersartigkeit eine romanti-sche Faszination ausgeübt hatten.Volkskunst, „primitive“ Kunst, Kin-derkunst und die von Dubuffet soge-nannte „Art Brut“, hatten immerwieder beeindruckt. Bereits 1912hatte Paul Klee hier die Uranfängevon Kunst gesehen, als er schrieb:„All das ist tief ernst zu nehmen,ernster als sämtliche Pinakotheken.“

Doch was Dubuffet als kalkulier-ten Skandal geplant hatte, alsKampfbegriff gegen die „arts offi-ciels“, wurde bald ebenso schnellvon der Kunst und ihren Denkerneingehegt wie die meisten anderenAusbruchsversuche. Dubuffet, hattevon der „Bildnerei der Geisteskran-

ken“, wie sie in dem epochemachen-den Buch des Arztes Hans Prinzhornschon 1922 beschrieben wurde, be-reits eine Vorstellung, als er sich1945 bei einer Reise in die Schweizin mehreren psychiatrischen Klini-ken Bilder von Patienten zeigen ließ,die ihn veranlassten, Werke dieser„rohen“ Künstler zu sammeln.

Seine im Lauf der Zeit stark ange-wachsene Sammlung ist heute imMusée de l’Art Brut in Lausanne zusehen. Doch während Jean Dubuf-fet mit dem Begriff der „RohenKunst“ einen scheinbar so verein-heitlichenden Begriff schuf, derheute oft als ein „Stil“ neben ande-ren begriffen wird, zeigt ein ge-naueres Hinsehen, dass die Künst-ler der Art Brut, ob sie nun AdolfWölfli, Aloïse Corbaz oder LouisSoutter hießen, kaum über einenKamm zu scheren waren, und dassdas Etikett, das ihnen mit dem Be-griff der Art Brut angeheftet wurde,einerseits zwar eine Blicköffnunghin zu Werken dieser gesellschaftli-chen Außenseiter ermöglicht hat.Andererseits behindert aber genaudieses Etikett auch einen vorbehalt-losen Blick auf Kunstwerke, dierein ästhetischen Kriterien absolutstandhalten.