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BENOIT CHÊNE, « ÉLISABETH I ÈRE D’ANGLETERRE OU LE REFUS DE PERDRE LA FACE », Le Verger – bouquet n°XI, juin 2017. 1 ÉLISABETH I ERE D’ANGLETERRE OU LE REFUS DE PERDRE LA FACE Benoît CHÊNE (U. Grenoble-Alpes) « Le monde entier est une scène, / Où tous les hommes et les femmes sont de simples acteurs, / Ils ont leurs entrées, leurs sorties, et chacun / Joue bon nombre de rôle dans sa vie (…) » (W. Shakespeare, Comme il vous plaira, II, 7, 138-141) À la Renaissance, les enfants royaux sont soumis à une discipline qui entend policer le corps autant que l’âme. Quel meilleur indice de ces impératifs d’obéissance et de maîtrise de soi, si ce n’est le succès grandissant des traités de civilité au sein de la société européenne du XVI e siècle ? Parce qu’ils définissent des normes comportementales strictes, ces traités de savoir-vivre fournissent un idéal en matière d’éducation qui contribue à l’incorporation des vertus. Les gestes, les propos et l’affectivité des monarques en devenir se plient petit à petit aux dures lois de la société aulique 1 . Telles sont donc les conditions fondatrices du bien commun à l’orée de la modernité 2 . Bien entendu, le cas de la dernière représentante de la dynastie des Tudors, Élisabeth I ère (1533-1603), ne saurait faire exception à la règle. Très tôt, en effet, la fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn suit un enseignement fait de règles morales qui veillent à chasser « la folie […] liée au cœur de l’enfant […] » grâce à « […] la verge de la discipline […] », pour reprendre les Écritures (Proverbes, 28, 15). Déclinée dans son versant féminin, cette éducation se fonde sur un lien consubstantiel entre érudition, vertu, pureté et beauté 3 . Peut-être est-ce la raison pour laquelle bon nombre des apparitions publiques prennent souvent la forme d’une mise en scène, de tentatives de séduction et de « mise en beauté du pouvoir » dans la vie d’Élisabeth à partir du moment où elle monte sur le trône, suite à la mort de sa sœur Marie le 17 novembre 1558 4 . Mais toute médaille a ses revers. Bien qu’elle compte parmi les éléments déterminants de l’identité princière, cette « esthétique du pouvoir » peut se changer en contrainte, tant elle suppose un effort continu d’embellissement pour ne pas « perdre la face » 5 . Or, il va de soi qu’une telle tâche relève de la gageure avec l'âge, surtout si l’on prend note qu’Élisabeth a presque soixante-dix ans lorsqu’elle s’éteint. 1 Georges Vigarello, Le corps redressé: Histoire d'un pouvoir pédagogique, Paris, A. Colin, [1979] 2001, p. 15. 2 Sur l’éducation princière, voir Jean Meyer, L'Éducation des princes du XV e au XIX e siècle, Perrin, « Pour l'histoire », Paris, 2004 ; Sylvène Édouard, Les Devoirs du prince - L'éducation princière à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, 2014; Aysha Pollnitz, Princely Education in Early Modern Britain, Cambridge University Press, 2015. 3 Cet article est un condensé de certaines analyses de mon mémoire de recherche. Pour une version plus complète, je me permets de renvoyer à Benoît Chêne, Le corps en majesté : Élisabeth I ère d’Angleterre (1533-1603), Mémoire de Master 2, sous la direction de Mme Nahéma Ghermani, 2015. 4 L’expression est empruntée à Françoise Autrand, Jean de Berry : l'art et le pouvoir, Paris, Fayard, 2000, p. 379, 473 et 478. 5 GOFFMAN E., Les rites d’interaction, Paris, Minuit, 1974, p. 9. La notion de face renvoie à tout un dispositif de promotion de l’image de soi adopté par chaque individu. Pour être plus précis, elle se définit comme « la valeur sociale positive qu’une personne revendique effectivement au travers de la ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours d’un contact particulier ».

ÉLISABETH IERE D’ANGLETERRE OU LE REFUS DE PERDRE LA …cornucopia16.com/wp-content/uploads/2017/04/Verger-XI... · 2017-06-13 · BENOIT CHÊNE, « ÉLISABETH I ÈRE D’ANGLETERRE

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BENOITCHÊNE,«ÉLISABETHIÈRED’ANGLETERREOULEREFUSDEPERDRELAFACE»,LeVerger–bouquetn°XI,juin2017.

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ÉLISABETHIERED’ANGLETERREOULEREFUSDEPERDRELAFACE

BenoîtCHÊNE(U.Grenoble-Alpes)

«Lemondeentierestunescène,/Oùtousleshommesetlesfemmessontdesimplesacteurs,/Ilsontleursentrées,leurssorties,etchacun/Jouebonnombrederôledanssavie(…)»

(W.Shakespeare,Commeilvousplaira,II,7,138-141)

ÀlaRenaissance,lesenfantsroyauxsontsoumisàunedisciplinequientendpolicerlecorpsautantquel’âme.Quelmeilleur indicedeces impératifsd’obéissanceetdemaîtrisedesoi,sicen’estlesuccèsgrandissantdestraitésdecivilitéauseindelasociétéeuropéenneduXVIe siècle? Parce qu’ils définissent des normes comportementales strictes, ces traités desavoir-vivre fournissent un idéal enmatière d’éducation qui contribue à l’incorporation desvertus.Lesgestes,lesproposetl’affectivitédesmonarquesendevenirseplientpetitàpetitauxduresloisdelasociétéaulique1.Tellessontdonclesconditionsfondatricesdubiencommunàl’oréede lamodernité2. Bien entendu, le casde ladernière représentantede ladynastiedesTudors,ÉlisabethIère(1533-1603),nesauraitfaireexceptionàlarègle.

Très tôt, en effet, la fille d’HenriVIII et d’AnneBoleyn suit un enseignement fait derèglesmoralesquiveillentàchasser«lafolie[…]liéeaucœurdel’enfant[…]»grâceà«[…]lavergedeladiscipline[…]»,pourreprendrelesÉcritures(Proverbes,28,15).Déclinéedanssonversant féminin, cette éducation se fonde sur un lien consubstantiel entre érudition, vertu,pureté et beauté3. Peut-être est-ce la raison pour laquelle bon nombre des apparitionspubliques prennent souvent la forme d’unemise en scène, de tentatives de séduction et de«miseenbeautédupouvoir»danslavied’Élisabethàpartirdumomentoùellemontesurletrône,suiteàlamortdesasœurMariele17novembre15584.Maistoutemédailleasesrevers.Bienqu’ellecompteparmilesélémentsdéterminantsdel’identitéprincière,cette«esthétiquedu pouvoir» peut se changer en contrainte, tant elle suppose un effort continud’embellissementpournepas«perdrelaface»5.Or,ilvadesoiqu’unetelletâcherelèvedelagageureavecl'âge,surtoutsil’onprendnotequ’Élisabethapresquesoixante-dixanslorsqu’elles’éteint.

1GeorgesVigarello,Lecorpsredressé:Histoired'unpouvoirpédagogique,Paris,A.Colin,[1979]2001,p.15.2Surl’éducationprincière,voirJeanMeyer,L'ÉducationdesprincesduXVeauXIXesiècle,Perrin,«Pourl'histoire»,

Paris,2004;SylvèneÉdouard,LesDevoirsduprince-L'éducationprincièreàlaRenaissance,Paris,ClassiquesGarnier,2014;AyshaPollnitz,PrincelyEducationinEarlyModernBritain,CambridgeUniversityPress,2015.

3Cetarticleestuncondensédecertainesanalysesdemonmémoirederecherche.Pouruneversionpluscomplète,jemepermetsderenvoyeràBenoîtChêne,Lecorpsenmajesté:ÉlisabethIèred’Angleterre(1533-1603),MémoiredeMaster2,sousladirectiondeMmeNahémaGhermani,2015.

4L’expressionestempruntéeàFrançoiseAutrand,JeandeBerry:l'artetlepouvoir,Paris,Fayard,2000,p.379,473et478.

5GOFFMANE.,Les ritesd’interaction,Paris,Minuit, 1974,p.9.Lanotionde face renvoieà toutundispositifdepromotiondel’imagedesoiadoptéparchaqueindividu.Pourêtreplusprécis,ellesedéfinitcomme«lavaleursociale positive qu’une personne revendique effectivement au travers de la ligne d’action que les autressupposentqu’elleaadoptéeaucoursd’uncontactparticulier».

BENOITCHÊNE,«ÉLISABETHIÈRED’ANGLETERREOULEREFUSDEPERDRELAFACE»,LeVerger–bouquetn°XI,juin2017.

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Les lignes qui suivent mettront justement en lumière le contraste entre un fastemonarchique représentantune reineéternellement jeuneetune réalitébienplusprosaïque:celle d’un corps féminin défait par le poids des années. Pour ce faire je rappellerai, toutd’abord, les impératifs de beauté et de pureté auquel est soumis le corps féminin dansl’AngleterreduXVIesiècle.Caronnepeutcomprendre lescanonsesthétiquespropresàunesociétédonnéesansmettrepréalablementenévidencelefaitquelebeauetlelaidformentuncouple indissociable. Tout à l’opposé de l’image figée et marmoréenne véhiculée par lesportraitsofficiels,nous verrons sedessiner, en filigrane, la valeurpéjorativeque l’Angleterreélisabéthaine accorde à la vieillesse. Toutefois, cette dernière peut paradoxalement endosserunevaleurenthousiasmante,ausensétymologiqueduterme,commeentémoigneunportraitrécemmentdécouvertd’Élisabeth,dontjeproposeraiuneanalyse.

BEAUTEVERSUSLAIDEUR:NORMATIVITEETDEVIANCESCORPORELLES

Avant qu’elle ne monte sur le trône, la vie d’Élisabeth est marquée du sceau de lasimplicité. Hormis quelques apparitions ponctuelles, sa jeunesse se déroule loin desmondanitésdelacour.Aussineporte-t-ellequepeud’attentionàlamode,aumaquillageouaux bijoux. C’est ce que confie son précepteur, Roger Ascham, dans une lettre de 1550 qu’iladresseà JeanSturm,recteurde l’universitédeStrasbourg:«auniveaude laparure,elleestplusélégantequetapageuse,etceparsonméprisdel’oretdescoiffures(….)»confie-t-ilavecfierté6.Cette sobriétéde la jeuneÉlisabethdoitbeaucoupà l’éducationprotestantequ’elle areçue, portée par un souci d’humilité vestimentaire. Une inversion totale de cette tendancesurvient à partir de 1559, date à laquelle Elisabeth est couronnée reine. La coquetterie estdésormaisérigéeaurangd'artdevivre.Lanouvellereineserévèlemêmeviteobsédéeparsonapparencephysique.Peut-on,pourautant,yvoirleseulfruitd’unepersonnaliténarcissique?Difficilederépondreparl’affirmativesansprendrelerisquedetomberdansunesimplificationà outrance. La réalité est bien entendu plus complexe: elle découle des normes corporellespropresàlasociétédecouretàlamystiqueroyale.

Unereinequidoitêtrebelleetbonne

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder de près les commentaires des auteurs desmiroirsdesprinces(speculaprincipis).Cesderniersinsistentparticulièrementsurlanécessitépourtoutmonarquededisposerd’uncorpsharmonieuxdelatêteauxpieds.Ildoitêtredotéd’uneconstitutionphysiquerobuste,decontoursdélicats,detraitssanslamoindredisgrâceetdeproportionssubtiles.Leprinceesteneffetlemiroirédifiantdanslequelsonpeuplesemireetforgesonidentité7.Commel’asoulignéWimBlockmans,«pouruneprincesse,labeautéetun “corps bien formé” reflètent des qualités morales et nourrissent l’espoir d’une grandefertilité»8.L’ensemblede ces impératifs estd’autantplus fort à l’aubede lamodernité, à enjuger par le regain d’intérêt pour la physiognomonie, la kalokagathia (καλοκαγαθία) et lapensée néoplatonicienne. La première d’entre elles, la physiognomonie, renvoie à unediscipline héritée de l’Antiquité selon laquelle la forme du visage est révélatrice des traitsprofondsdelapersonnalitédetoutindividu.Considéréscommelesmiroirsdel’âme,levisageet le regard restent les vecteurs par lesquels transparaissent des messages parmi les plus

6RogerAscham,TheWholeWorksofRogerAscham:Lifeandletters,VolumeI,partI,JohnRusselSmith,London,1865,p.63.7ChiaraContinisio, « Il corpodelprincipee l’ordinedelmondo.Grammaticadelle virtùegestidelpoterenella

trattatisticaitalanad’anticoregime»,dansMarcelloFantoni,Igestidelpotere,Firenze,LeCáriti,2011,p.119-153.

8WimBlockmans,«Beau,fortetfertile:l’idéalducorpsprincier»,dansAgostinoParaviciniBagliani,LeCorpsduPrince,Firenze,MicrologusXXII,2014,p.767-781.

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indicibles, les plus ambigus9. Quant à la kalokagathia, elle désigne un idéal emprunté àl’éthique aristocratique de la Grèce ancienne, reposant sur l’union parfaite entre la beautéphysique et la beauté morale, synonymes de jeunesse et de force physique10. L’une desmeilleures illustrations de ces principes se trouve dans un manuel de savoir-vivre dontl’influenceàl’échelleeuropéennen’estplusàdémontrer:LeLivreduCourtisandeBaldassarreCastiglione,traduitenanglaisen1561parSirThomasHoby:

«[…] je dirais que la beauté vient de Dieu, et qu’elle est comme uncercle dont la bonté est le centre; et par conséquent, il ne saurait yavoirdebeautésansbonté.Aussiest-ilrarequel’âmemauvaisehabiteunbeaucorps,etc’estpourquoilabeautéextérieureestlevraisignedelabeauté intérieure,etdans lecorpsdecettegrâceest impriméeplusou moins comme par une marque l’âme qui se ferait ainsiextérieurementconnaître[…]»11.

Àl’aunedecesidéauxsociaux,ilapparaîtclairementquelamoindreinfirmitédemeurel’indice extérieurd’un trouble intérieur. Siégeant au centred’uneviede couroù la «culturedes apparences» règne enmaîtresse12, Élisabeth n’a d’autre choix que de se conformer auxcanons esthétiques de son temps. Faute de quoi, elle prendrait le risque de perdre toutecrédibilité, s’exposerait à toutes sortes de quolibets et son honneur n’en sortirait pas intact.Difficile d’oublier, par ailleurs, le poids dans les représentations collectives de lacorrespondanceentrelemicrocosmeetlemacrocosme,selonlaquellelesdivinesproportionsde la reine sont le reflet de l’harmonie céleste13. Tout cela contribue à donner au quotidienroyaldesalluresdethéâtre,oùlabeautéoccupeledevantdelascèneetoùledroitàl’erreurn’a guèredeplace. Élisabethnepensepas autrement lorsqu’elle déclare en 1586devantunedélégationdesLordsetdesCommunes:«Nousautresprinces,jevousledis,noussommessurune scène, au vu et au su du monde entier ;de nombreux yeux guettent nos actions, lamoindretâchesurnosvêtementsestinspectée;lemoindredéfautdansnosfaitsetgestesestrapidementnoté »14. La vieprincièrene laisse, pour ainsi dire, aucuneplace à l’intimité.Nepouvantsedéroberàsondevoird’exemplarité, lareineanglaiseestconscientequesavieestunereprésentationperpétuelle.

Pudeuretpuretécorporelle

Lapudeurestl’autrecomposanteindispensableàlabeautéfémininesurlaquelleilfautàprésents’arrêter.«Compagneetgardiennedesbonnesmœurs»tellequelaqualifieÉrasmedans son Traité de la civilité puérile, traduit en anglais en 153215, la pudeur est la base surlaquelle s’échafaude le degré de respectabilitémorale d’un individu auXVIe siècle.D’autantque«toutepudeurducorpsdépenddelapuretédel’âme»rappelleSaintAugustin16.Lecorpsn’apasd’autrechoixquedesesoumettreàunevéritable«disciplinarisation»,autrementdità

9Voir Jean-JacquesCourtine.,Histoireduvisage.Exprimer et taire ses émotions : duXVIe siècleaudébutduXIXe

siècle,Paris,Payot&Rivages,1988.10 Henri-Irénée Marrou,Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Paris, Le Seuil, 1948, p. 78-80; Werner Jaeger,

Paideia,laformationdel'hommegrec,Paris,Gallimard1964,pp.29-41.11BaldassareCastiglione,LeLivreduCourtisan,présentéettraduitdel'italienparGabrielChappuis,Paris,1987,livre

IV,chap.LVII.12DanielRoche,Laculturedesapparences.Unehistoireduvêtement(XVIIe-XVIIIesiècles),ParisFayard,1990.13SylvèneÉdouard,Lecorpsd’unereine.Histoiresingulièred’ÉlisabethdeValois(1546-1568),Rennes,PUR,2009,p.

176.14CitédansJohnErnestNeale,ElizabethIandHerParliaments1559-1581,London,JonathanCape,p.119.15Érasme,Lacivilitépuérile,traduitparAlcideBonneau,Paris,Ramsay,1977,p.35.16SaintAugustin,Œuvrescomplètes,Volume17,Bar-le-Duc,LouisGuérin(éd.),1873,p.470.

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unemodérationentouteschosesetuncontrôledesoitotal17.Or,forceestdereconnaîtrequelapudeurcorporellesedéclinepourl’essentielsurunmodefémininàlaRenaissance.JuanLiusVivésconsacreàcesujetdespages fortéloquentesdansL'Instructionde la femmechrétienne(1523),dédiéeàCatherined’Aragon:«Chezunefemme,lachastetéestl’équivalentdetoutesles vertus. […] La femme chaste est belle, charmante, talentueuse, noble, fertile et possèdetouteslesqualitéslesplusexceptionnelles[…]»18.DanslasociétéanglaiseduXVIesiècle,oùlarelationentrelessexesoscilleentreinterdépendanceetsubordinationhiérarchique,lerapportquelesfemmesentretiennentavecleurcorpsseplieàl’observancedelapureté,surunplanàla fois éthique et esthétique. Il ne pourrait en être autrement dans les représentationscollectivesdelaRenaissanceoùl’impudicitéfaitfiguredeflétrissurequi«laissedesmarquesréellessurlecorpsdelafemme»19.Aussile«verrouillagesymboliqueducorpsféminin»est-ilune préoccupation de tous les instants20. Nul n’ignore, en effet, que le dimorphisme sexuelrepose en grande partie sur la virginité prénuptiale imposée aux jeunes filles. Il en va de lasauvegardedel’honneurfamilialetdumaintiendusystèmedetransmissionpatrilinéaire.C’estpourquoi, selon les moralistes, les filles d’Ève – l'éternelle tentatrice responsable du péchéoriginel–doiventcacherlanuditédeleurcorpspournepaséveillerdesdésirslubriquesdanslecœurdeshommes.Pourlamêmeraison,ellessonttenuesdenepointtropattirerl’attentionparunusageexcessifdefardsouautrescolifichets21.Levêtement,ce«corpsducorps»commele surnommeÉrasme22,nedevrait avoirpour seule fonctionquededissimuler lespartiesducorps jugées érotiques, tels que les jambes, le ventre, la poitrine ou les bras. La moindreincartade aux règles que nous venons d’évoquer, quimêlent apparence et bienséance, feraitsombrer n’importe quelle femme – quand bien même elle soit de sang royal – dansl’impudicité,devenantdelasorte«[…]unemeretunréservoirdetouslesmaux»23,selonlaformuledeVivés.Ilesticiquestiond’une«laideurontologique»qui,àterme,peutpervertiretdéformerl’âmeautantquelecorpsdelafemmeimpudique24.Loindeseréduireàdescritèrespurement physiques, la beauté d’une femme – et a fortiori celle d’Élisabeth – dépend de laconservationdesavertu,plusquetoutautrechose. Instrumentde légitimations’ilenest, lavertu demeure d’ailleurs la parure du corps royal, dont la gestuelle est régulée par unerhétoriquedel’exemplarité25.

LAVIEILLESSEPOURFARDEAU

Lacour, formant l’entouragequotidiend’Élisabeth,est la scèneoù ledéploiementduparaître prend tout son sens. Fondée surunmodèle relationnel alliant luttes d’influences etmimétisme social, l’institution curiale est le laboratoire où sont déterminés les canonsesthétiques. Or jeunesse et beauté y font recette, tandis que la vieillesse (surtout dans sadéclinaisonféminine)sevoitravaléeaurangdeparangonde la laideur.Eneffet, lavieillesserésonnebiensouventdansl’espritdescourtisanscommelapertedetoutpouvoirdeséduction

17ChristineDétrez,Laconstructionsocialeducorps,Paris,PointsSeuil,2002,p.116.18 Juan Luis Vivés, The Education of a Christian Woman: A Sixteenth-century Manual, trad. Charles Fantazzi,

Chicago,ChicagoUniversityPress,2000,p.85et116.19LauraGowing,CommonBodies:Women,Touch,andPowerinSeventeenth-CenturyEngland,NewHaven,YaleUP,

2003,p.31.20Meryem Sellami, «La pureté des jeunes filles en Tunisie», dans Bernard Andrieu et Gilles Boëtsch,Corps du

monde:atlasdesculturescorporelles,Paris,ArmandColin,2013,p.90-93.21ClaudineSagaert.,Histoiredelalaideurféminine,Paris,Imago,2015,p.40-45.22Érasme,op.cit.,p.77.23JuanLuisVivés,op.cit.24ClaudineSagaert,op.cit.,p.58-59.25Quentin Skinner,The foundations ofmodern political thought. Volume one, The Renaissance, Cambridge,New

York,CambridgeUniversityPress,1978,p.126-128etp.229-231.

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(préoccupationpremièredesmembresdelacour)etpardessustoutcommeunglasfunèbre.Lalittératureanglaise,dontraffolentcesélites,fourmilled’indicesquicorroborentcedégoûtpour la vieillesse. La sénescence féminine y est souvent dépeinte comme une marqueapparenteduvice,dupéché,deladécomposition,voiredelasorcellerie26.C’estsurcettetoiledefondques’établitla«fabrication»ducorpspubliceticoniquedelareine27.CommeSylvèneÉdouard,insistonssurlefaitque«lecorpsdelareine,soumisaucérémonialdecour,[est]uncorpsorganisantautourdeluil’espacedévoluàsonautorité,àsamajesté,réglantainsilaplaceet le comportement de chacun autour de son corps, cœur tabou d’une majesté à la foisprotégée par les convenances et soumis à elle»28. Rien d’étonnant, en conséquence, à cequ’Élisabeth soit sans cesse hantée par le spectre de l’enlaidissement, contre lequel ellesouhaiteseprémunirlepluslongtempspossible.

Unestratégiede«miseenbeautédupouvoir»

Lecorpsde la reineanglaise faitnaturellement l’objetd’un soinassidu.Chaque jour,elles’astreintàuneascèsedesplusrigoureuses:hormisquelquesdouceurssucrées,toutexcèsestbannidesatable.Encomplément,desexercicesphysiquesréguliers,commeladanseetlachasse, ponctuent ses journées. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, certes, car ce genre dedistraction est largement répandu dans l’éducation des princesses et des jeunes filles del’aristocratie au XVIe siècle29. Mais à la différence de beaucoup de ses contemporaines,Élisabethchasseetdanseavecpassiontoutaulongdesavie,etcemêmeàunâgeavancé.«Lareineseportesibienquejevousassurequesixouseptgaillardesparmatinée,enplusdelamusiqueetduchant,composentsonexercicequotidien»écriten 1589 JohnStanhope30.Dixans plus tard, c’est au tour de l’ambassadeur espagnol de relater, non sans une pointed'exaspération, que «la cheffe de l’Église d’Angleterre et d’Irlande a été vue, malgré savieillesse, en traindedanser trois ouquatre gaillardes »31.Outre le plaisir qu’elle procure, àquoi peut bien tenir un tel engouement pour la danse ? Des éléments de réponse sont àchercherdanslestraitésdeBaldassarreCastiglioneetdeJeanTabourot(ditThoinotArbeau).Aumême titreque lamusique et le chant, la danse est décrite commeun exercice corporelconseilléauxfemmesdecourpouraccroîtreleurbeauté,dansLeLivreduCourtisan32.Desoncôté,Tabourotreprenduntoposdéjàbienconnu:«ladanceousaltationestunartplaisantetproffitable,quirendetconservelasanté,convenablejeusnes,aggréableauxvieux,etbienséantà tous»33. Procurer une complexion de fer et entretenir les charmes féminins, telles sontquelques-unesdesmissionsessentiellesassignéesàladanse.

À la rigueur du régime alimentaire et aux exercices physiques viennent s’ajouter despratiquesd’embellissementqui répondentàune tentativede«miseenbeautédupouvoir».26 VoirGeorgesMinois.,Histoire de la vieillesse enOccident:De l'Antiquité à la Renaissance, Paris, Fayard, 1987,

chap.IX;NanetteSalomon,«PositioningWomeninVisualConvention:TheCaseofElizabethI»,dansBettyTravistky et Adele F. Seeff (dir.), Attending to Women in Early Modern England, Newark, University ofDelawarePress,1994),p.64-95,notammentp.82-83;ClaudineSagaert,op.cit.,chap.III.

27 Jereprendsici letitredePeterBurke,TheFabricationofLouisXIV,NewHaven-Londres,YaleUniversityPress,1992.28SylvèneÉdouard.,Lecorpsd’unereine…op.cit.,p.43.29 Marie-Ange Boitel-Souriac, « Quand vertu vient de l'étude des bonnes lettres. » L'éducation humaniste desEnfants de France de François Ier aux derniers Valois, dans Revue historique, 2008/1, n° 645, p. 33-59; SylvèneÉdouard,Lecorpsd’unereine…op.cit.30EdmundLodge(ed.),IllustrationsofBritishHistory,Biography,andMannersintheReignsofHenryVIII,EdwardVI,Mary,Elizabeth,andJamesI,VolumeII,London,1838,p.386.31 Martin Andrew Sharp Hume (ed.),Calendar of Letters and State Papers Relating to English Affairs: PreservedPrincipallyintheArchivesofSimancas,Volume4,1899,p.650.32AnnaRomagnoli,LadonnadelCortegianonelcontestodellatradizione(XVI)secolo,tesididottoratoinFilologiaromanica,UniversitatdeBarcelona,2009,p.133-138.33 Thoinot Arbeau, Orchésographie: traité en forme de dialogue par lequel toutes personnes peuvent facilementapprendreetpratiquerl'honnêteexercicedesdanses,Langres,JeandesPreys,1589,p.5.

BENOITCHÊNE,«ÉLISABETHIÈRED’ANGLETERREOULEREFUSDEPERDRELAFACE»,LeVerger–bouquetn°XI,juin2017.

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Cequ’ilfautentendreparlà,c’estquedesparuresetdesétoffestoutesplusluxueuseslesunesquelesautres,ainsiquediverssoinscosmétiques,sontmobiliséscommeunlangagecorporeld'apparat.Lesaudiencesroyalesenfournissentdesexemplessaisissants.Lorsqu’ilestreçuparlareineaupalaisdeSans-Pareilen1599,ThomasPlatterenbrosseunportraitsaisissant:

«Elle était somptueusement vêtue d’une robe de pur satin blanc,brodéed’or,avecunoiseauduparadisenguisedepanache,disposésurl’avantdelatêteetparsemédebijouxcoûteux.[Elle]portaitunénormependantdeperlesrondesautourducouetdesgantsélégants,ornésdebaguescoûteuses.Enbref,elleétaitmagnifiquementapprêtéeet,mêmesielleavaitdéjàsoixante-quatorzeans,ellefaisaitencoretrèsjeuneenapparence,semblantnepasdépasservingtans.Elleavaitunportdigneetroyal»34.

Mêmes’ilatendanceàhyperboliser(ellen’aalorsquesoixante-sixans),lelocuteurfournitdesdétails précieux sur le luxe monarchique. La reine s’appuie sur le pouvoir évocateur desornements corporels pour impressionner ses hôtes, fairemontre de samagnificence et ainsiétablirsaprécellencesocialesurleplanvisuel.Defaçonplusgénérale,ilfautdirequedepuisl’automne 1562 durant lequel elle a contracté la variole, le recours aux cosmétiques devientsystématique chez Élisabeth, puisqu’elle perdit alors une bonne part de ses cheveux et desirruptionscutanéesfinirentparrecouvrirses jouesdecicatrices.D’oùlerecoursaufardet leportdeperruquespourapaiserlescomplexesliésàsonaltérationphysique.Lareinesecréedela sorte un visage provisoire, une figure sociale retravaillée et déclinable à volonté, dansl’optique de faire face aux regards inquisiteurs des courtisans. Lemasque de fardmaintientainsi l’illusiond’unebeautépure35. Sauver la facedemeure,de toute évidence,unenécessitéplusimpérieusequecellequiconsistepourlareineàappliqueràlarèglelesrecommandationsdesmoralistesquiprofèrentdesinvectivescontrelemaquillageoutrancier,perçucommeunemarquedetravestissement,deduplicité,voired’idolâtrie.

Toutefois de tels effortsne fontque retarder l’inévitable. Plongéedansuneprofondedénégation, Élisabethmultiplie les ruses pourmasquer l’impactmortifère du temps sur soncorpsbiologique. JohnClapham– assistantdeWilliamCecil – remarque, par exemple, queplus les années passent et plus la reine mise sur des bijoux toujours plus clinquants. Elleentend,decettemanière,d’unepart,détournerlesregardsdesesimperfectionsliéesàl’âgeet,d’autrepart,bénéficierdespouvoirstonifiantsquel’onaccordeauxpierreriessurlapeauetlasantéengénérale36.C’estunpointdevuequepartageaposterioriFrancisBacon:«ellepensaitquelepeuple,quiestplusinfluencéparlesapparencesextérieures,seraitdistraitparl’éclatdesesbijoux,plutôtquederemarquerlacorruptiondesesattraitspersonnels»37.

Autre stratégie: à l’approche de ses soixante-dix printemps, elle n’hésite pas unesecondeàsecacherparfoislevisagesousunvoileenpublic.C’estentoutcascequedéclarelepère jésuite Anthony River, dans une lettre datée du 3mars 1602: «seul son visage, qu’elledissimuleenpublic,montredessignesdedécrépitude.Elledisposedefinestoilesdetissusursabouchepour couvrir ses joues […]»38.Néanmoins, les artificesne suffisentpas toujours à

34CitédansSusanWatkins,ThePublicandPrivateWorldsofElizabethI,NewYork:ThamesandHudson,1998,p.76-75.35 Catherine Lanohë, La poudre et le fard : une histoire des cosmétiques de la Renaissance aux Lumière, Seyssel,

ChampVallon,2008;LaurencePfeffer,«Lesdess(e)insduvisageféminin.Uneanthropologiedumaquillage»,dansRevuedessciencessociales,2005,33,p.50-57.

36 John Clapham, Elizabeth of England: Certain Observations Concerning the Life and Reign of Queen Elizabeth,Philadelphia,UniversityofPennsylvania,EvelynPlummerReadandConyersRead,1951,p.86.

37 Cité dans Agnès Strickland, Lives of the Queens of England, from the Norman Conquest, volume VI, Lea andBlanchard,1847,p.172.

38DansHenryFoley,RecordsoftheEnglishProvinceoftheSocietyofJesus,VolumeI,London,1877,p.24.

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trompercertainsregardsperçants.TelestlecasdujuristeallemandPaulHentznerquidresse,en1598,unportraitd’unréalismeincisifd’Élisabethdanssesvieuxjours:

«[…]Lareine,danslasoixante-cinquièmeannéedesonâge,nousdit-on, [était] trèsmajestueuse. Sonvisageoblong, réguliermais ridé, sesyeuxpetits,encorenoirsetagréables,sonnezunpeucrochu,seslèvresétroites et ses dents noires une imperfection [liée au fait] que lesAnglais semblent soumis à une trop grande consommation de sucre.[…]Elleportaitdefauxcheveuxdecouleurrouge»39.

Nombre d’éléments relatifs à la laideur ontologique semble transparaitre ici, toutparticulièrementl’idéeselonlaquellecette«femmeâgéeapparaîtcommelaquintessencedelanégativité».Aufond,«qu’importesonhistoire,sapersonnalité,sonunicité,[elle]estcellequiest sansavoiret sansêtre,n’ayantplus labeauté,ellen’estplusqu’unmoindreêtre.N’étantpluspotentiellementobjetdedésir,ellen’estplusrien»pourreprendrelesmotsdeClaudineSagaert40. Élisabeth refuse, de toute évidence, de se soumettre au temps qui passe; l’idéemême de se voir vieillir semble totalement insoutenable. Il lui arrive même de jalouser labeautééclatantedecertainesjeunesfemmesdelacourquipourraitluifairedel’ombre.

Les portraits royaux, lieux de mise en scène et d’élaboration du «masque de lajeunesse»

Lejeusocialdel’apparenceetl'étiquetterégissantlaviedecourtrouventunéchodansles portraits royaux: ils en cristallisent les valeurs, de même que les codes esthétiques.L’imagerie officielle désigne la reine comme un corps iconique, « miroir de perfection etmodèle à imiter »41.Le Portrait deDarnley, peint aux alentours de 1575, illustre très bien lesoucidemise en scène contrôléedu corps etdes émotions. Sur ce tableau, la reine jetteunregard froid, impassible et impérieux sur le spectateur42. Cette morgue (gravitas), qui seretrouve dans les portraits de bien des princes européens, passe pour la composantecaractérologiquedelamajesté43.Lagrandesévéritédel’expressionfacialeestaccentuéeparlemaquillage: ses yeux marron foncés sont cerclés de noir, tandis que ses lèvres fines sontrehaussées par un rouge discret. Une expertise récente menée sous la houlette de TarnyaCooper a révélé que le teint opalescent d’Élisabeth sur ce portrait n’est que le fruit d’unéclaircissementdes couleurs,dûaumauvais vieillissementdespigments44.Quoiqu’il en soit,derrièresafiguresoigneusementfardée,Élisabeths’assureuneparfaitemaîtrisedesonvisage,au sensoù cemasquede fardprésente l’avantagededissimuler ses émotionsautantque sesimperfections.Quediredes vêtements et des accessoires? Ils témoignentd’un certain «(…)engouement pour la confusion(…) » androgynique, sans atteindre le travestissement envigueuràlacourd’HenriIIIdeFrance45.Larobeprésente,eneffet,quelquesdétailsmasculins:lemilieu du corsage est fermé par une rangée de boutons avec brandebourg écarlates, à la

39CitédansJohnLimbird,TheMirrorofLiteratureAmusement,andInstruction,London,VolumeVIII,1826,p.278.40ClaudineSagaert,op.cit.41DanielArasse,Ledétail,pourunehistoirerapprochéedelapeinture,Paris,Flammarion,1992,p.44.42Voir: http://www.npg.org.uk/collections/search/portraitLarge/mw02075/Queen-Elizabeth-

I?LinkID=mp01452&search=sas&sText=elizabeth+I&role=sit&rNo=543 Fernando Checa Cremades, «Comment se présente un Habsbourg d'Espagne ?», dans Gérard Sabatier etMargarita Torrione (dir.), ¿ Louis XIV espagnol ?: Madrid et Versailles, images et modèles, Versailles, Centre deRechercheduchâteaudeVersailles,2009,p.17-37.44 Voir Tarnya Cooper et Charlotte Bolland,The Real Tudors: Kings and Queens Rediscovered, National PortraitGallery,London,2014.45 Isabelle Paresys, « Corps, apparences vestimentaires et identités en France à la Renaissance », Apparence(s)[Online], 4 | 2012, Online since 07 février 2012, URL : http://apparences.revues.org/1229 : la confusion desapparencesest«(…)enréalitéunedesexpressionsdelasensibilitécurialed’alors,présenteaussibiendanslesfêtesouledécorquedanslesornementsducorps».

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manièred’undoublet.Enrevanche,lecollierdeperlesfinesqu’elleporteautourducoup,ainsiquel’éventailenplumesd’autruchesdanssamaindroitesontplutôtassociésàlaféminité.Leport des perles, pour lesquelles Élisabethnourrit unepassion immodérée, intervient dans laconstruction symboliqueducorpsvirginal. Il s’agitd’un symboledepuretéetd’immortalité,car la forme sphériqueet lablancheurnacréedesperles rappellent les caractéristiquesde lalune.C’estunrenvoiàDiane,déesseromaineàlaquelleÉlisabethaimeêtreassociée,enraisonde sa virginité qui la rendait insoumise aux turpitudes des dieux et des hommes46.Quant àl’éventail, il est à la Renaissance l’accessoire indispensable à la réputation d’élégance et deraffinementdetoutedamedecourquiserespecte;surleplansymbolique,c’estunemblèmetraditionnel de royauté47. On l’aura compris, dans les portrait royaux, lemoindre détail estporteurd’undiscoursallégoriquequimétamorphosel’enveloppecharnelledelareineenune«incarnation parfaite des valeursmonarchiques et consensuelles et de vertus dans lesquellestoutelasociétépeutsecontempler»48.

Lors des décennies 1570 et 1580, la représentation «au naturel» perd peu à peu duterrainfaceàl’idéalisationdestraitsetàlaprofusionornementale.Cettetendanceestpatentedans les trois Portraits de l’Armada (1588) qui célèbrent la victoire anglaise sur la flotteespagnoledePhilippeII49.Surchacundesexemplaires,Élisabethestaupremierplan,occupantles trois-quarts de la composition. Comme sur beaucoup de toiles, elle porte une robed'envergureàcorsage,avecd'amplesmanchesquinelaissentdépasserquesesmainsetsatête,miseenvaleurparunelargefraise.Soncorpssetrouve,decettefaçon,métamorphoséenuneicône recouverte de tissus brodés aux fils d'or et rutilants de pierres précieuses du plus beleffet: larobedeveloursnoir, le jupondesatinetlesmanchessontparésdeperles,derubis,d’émeraudes,ainsiquedemotifsdécoratifsflorauxetsolaires.Lareinesedévoileauxyeuxduspectateurcommeunemblèmedemajesté: lapostureet l’habillement inspirentuneidéedeforce. Le principe à l’œuvre ici est celui de promotion de soi dans un esprit curial decompétitionetdeséduction,fondésurl’expressiond’uneféminitéexacerbée50.Sileregardesttoujoursintense,levisaged’Élisabethnelaisseparaîtreaucunsentiment,ilprendlaformed’un«masque distant et inexpressif, avec sa vision sereine et sans limite»51. Il convient deremarquer que les Portraits de l’Armada ne montrent que peu de signes physiques devieillissement: quelques cernes sous les yeux, certes, mais aucune ride sur le visage, alorsqu’Élisabeth est âgée de cinquante-cinq ans. Tout est agencé de manière à porter l’œil duspectateursurtoutsurleluxedelatenueetdesornements.

L’idéalisationphysiquesedurcit lorsdesseptdernièresannéesdurègneoùlepeintreminiaturiste, Nicholas Hilliard, est sollicité pour parer Élisabeth de ce que Roy Strong aqualifiéde«masquede la jeunesse»52.Pasmoinsde seizeminiatures, exécutéespar l’atelierd’Hilliard,noussontparvenuessur lesquelles levisaged’Élisabethestparfaitement lisse, son

46 Sur la symbolique associant les perles à la virginité, voir Frances Yates, Astraea: The Imperial Theme in theSixteenth Century, Routledge, London and New-York, 1999 [1975], p. 78 ; Roy Strong, The cult of Elizabeth :Elizabethan portraiture and pageantry, London, Thames andHudson, 1987, p. 68 ; id.,Gloriana: The Portraits ofQueenElizabethI,London,1987.47KevinSharpe,SellingtheTudormonarchy:authorityandimageinsixteenth-centuryEngland,NewHaven,London,YaleUniversityPress,2009,p.373-374.48 ClaudieMartin-Ulrich,La persona de la princesse auXVIe siècle : personnage littéraire et personnage politique,Paris,Champion,2004,p.109.49 Pour voir la version conservée à la National Portrait Gallery:

http://www.npg.org.uk/collections/search/portraitLarge/mw02077/Queen-Elizabeth-I?LinkID=mp01452&search=sas&sText=elizabeth+I&role=sit&rNo=8

50LineMay-Shine,«QueenElizabeth’slanguageofClothingandtheContradictionsinherConstructionofImages»,dansNationalCheng-kungUniversityHistoryJournal,n°38,p.89-130;FrancesYates,op.cit.125.51RoyStrong,Gloriana.Op.cit.,p.38.52RoyStrong,Gloriana…op.cit..,p.147-151;id.,PortraitsofQueenElizabethI,Oxford,OxfordUniversitypress,1963,

p.94-97.

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teint sansdéfautet sachevelurebouclée,d’unblondvénitien flamboyant53.Auvudecequenous avons évoqué précédemment, il va de soi qu’il s’agit ici de rajeunir une femmevieillissante,deluiconférerunebeautéetunejeunesseéternelle,delamêmefaçonquelefontlespoètes:«L’âgedelajeunesseluifaitencoregrâce,/Etsesyeuxetsesjouess’imprègnent,/De fraicheur juvénile et de beauté » chante Francis Davison54. Corrélativement, les effigiesmonétairesaffichent,ellesaussi, les traitsd’une jeunesse inaltérable.Àbieny regarder,ellessemblent se décliner sur le modèle du portrait de sacre, sans que l'on puisse parler strictosensu d'un cas d’intericonicité55. Une femme au regard froid et impassible s’offre au regard,revêtuedesregalia,leslèvresserréesetlescheveuxlongsrelâchés,ensymbolesdevirginité56.Dernier exemple notoire: le célèbre Portrait à l’arc-en-ciel, peint aux alentours de 1601 parMarcusGheeraertsLe Jeune.On remarquedès lepremier regardqu’aucune ridene sillonneson front, alors que la reine atteint ses soixante-huit ans. Pourquoi un tel besoin d’occultertoute tracededéchéancephysique?La réponse résidepeut-êtredans le fait qu’Élisabethnes'estàaucunmomentinscritedansl’expériencedelamaternité.Jusqu'àunedatetardive,ellene dispose pas d'un héritier clairement désigné dans la force de l'âge qui viendrait incarnercettevitalitédupouvoir.D’oùlebesoinpressantdesauverlaface,denepascrieràcoretàcrique quelque chose va s'achever avec elle. Le Portrait à l’arc-en-ciel semble jouer sur cetteparfaitesauvegardedesapparences: riennesembleavoirchangéenelle,commesi le tempsn'avaitpasd'emprisesurÉlisabeth,enqui lepassé, leprésentet le futurrésonnententotaleharmonie.C’est,encela,uneparfaitemiseenimagedesadevise«sempereadem»(«toujourslamême»).

Situéàmi-cheminentreembellissementettrucage,leportraitmagnifiéestdevenu,aumêmetitrequelemaquillage,unmasquequipermet,surunplansymbolique,deconjurerlesaffresduvieillissement,vécucommeunedéfiguration,unedépossession57.Maiscesubterfugen’estpasqu’unesimpleparadequivientpanseruneblessurenarcissique.Ilestmotivépardesimpératifspolitiques: lesportraitstransfigurentleurmodèleafindemettreenscènelecorpspolitique de la reine, celui renfermant sa dignitas, c'est-à-dire l’essence incorruptible de lasouveraineté,enaccordaveclathéoriedesdeuxcorpsduroi58.C’estparleprismedel’idéalitéqu’ilconvientdedéchiffrercesimagesetcessonnets.Endestermesnéoplatoniciens,onpeutdire que le corps de la reine brille d’une «beauté suprasensible» jusqu’à s’afficher commel’incarnationdubongouvernement59.

«Lagrâceesttrompeuse,etlabeautéestvaine»(Proverbes30-31)

C’est une stratégie figurative bien différente qui s’applique au portrait récemmentdécouvert d’Élisabeth, vraisemblablement peint à nouveau parMarcusGheeraerts vers 1595.On ydécouvreune reineportant toutes lesmarquesde la vieillesse: les ridesdu front sont

53 Voir : http://collections.vam.ac.uk/item/O1070379/elizabeth-i-portrait-miniature-hilliard-nicholas/http://collections.vam.ac.uk/item/O16578/queen-elizabeth-i-miniature-hilliard-nicholas/#54FrancisDavison,Thepoeticalrhapsody:towhichareaddedseveralotherpieces,London,WilliamPickering,1826,p.113-114.55Propreaumondedel’image,leconceptd’intericonicitéestcalquésurceluid’intertextualité,telqu’ilaétédéfiniten sémiotique littéraire par Julia Kristeva. En peinture, il désigne l’insertion, dans une composition, d’un ou deplusieursélémentsempruntésàuncorpuspictural(commelamêmepostured’unmodèle),afindecomposeruneautre scène. Pour un exemple de pièce d’or de la fin du règne, voir:http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details/collection_image_gallery.aspx?assetId=733315001&objectId=1065385&partId=156 Voir les analyses et les effigies monétaires dans Brown D. et Comber C. H., «Portrait punches used on thehammeredcoinageofElizabethI»,Britishnumismaticjournal,1988,volume58,p.90-95.57DavidLeBreton,Desvisages.Essaid’anthropologie,Paris,Métailié,1993.58 ErnestKantorowicz,TheKing’s TwoBodies,A Study inMedieval Political Theology, Princeton, PrincetonUniv.Press,1957;MaryHazard,«TheCaseforCase»,dansReadingElizabethanPortraits,Mosaic23,1990,p.61-88.59UmbertoEco,HistoiredelaBeauté,traduitdel'italienparMyriemBouzaher,Paris,Flammarion,2004,p.184-185.

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profondes,lessillonsnasogéniens,lesjouesetlescernesparticulièrementcreusés.L’ensemblemetenreliefsonregardàtraverslequels’esquisseunecertainesouffrancemorale.Lechoixdemontrerunvisageavili adequoi surprendre: c’est le seul exemplede la findu règnequi, ànotreconnaissance,metteenexerguesoncorpsnaturel,sansriengommerdesimperfections.Bienquel’onnedisposequedetrèspeud’informationsàsonsujet,ilapparaîtclairementquecettetoileestlapreuvequederrièrel’imageélisabéthainesecacheuneréalitépluriellequinese laissepas forcémentappréhenderd’unemanièreunivoque.LatoiledeGheeraertsexprimeuncertainpenchantpourune«esthétiquedescontraires»:ilyaambivalenceentrelevisagedéfaitd’Élisabethquis’offreentoutetransparenceetl’abondancedebijouxplussomptueuxlesunsque lesautres60.Laideur (ducorps)etbeauté (despierreries) se côtoient.Du faitdecescaractéristiques ce tableau se rapproche de la vanité, genre artistique très en vogue à laRenaissancequi tire sonmessagemoralisateurdesÉcrituresetde la littératureantique61.Enl’occurrence,Gheeraertsdonneprobablementàvoirlacaducitédesplaisirsqu’offrelemonded’ici-bas, lanaturehautement corruptiblede la chair,unpeuà lamanièredesnus fémininspeints parCranach. Beauté, pouvoir, richesse et gloire, toutes ces valeurs qui ont émaillé lerègned’Élisabethapparaissentbienvainesauregarddudestinauquelnuln’échappe:lamort.C'estcequ'exprimelasentencebienconnueduCréateuràAdam:«souviens-toi,homme,quetu es poussière et que tu retourneras en poussière » (Genèse, 2, 19). Le visage de la reine,arrivéeàl’automnedesavie,agiraitcommeunesortedemementomori(«souviens-toiquetuvasmourir») aux implications théologiquesetmessianiques. Il inviterait, non seulement, lespectateur à faire pénitence dans l’attente du Jugement dernier,mais aussi àméditer sur saresponsabilitépersonnelledevantDieu.Untelregardintrospectif,emplidelucidité,estcenséamenerlefidèleàlaconclusionquelameilleuremanièred’assurersonsalutestd’embrasserlafoi anglicane, dont la reine est la gardienne. C’est la raison pour laquelle il y a tout lieu depenser que ce tableau ferait quelque part office de profession de foi en faveur del’anglicanisme, désigné implicitement comme la seule confession chrétienne capable degarantir l’amour divin, la résurrection des corps des Justes et, par làmême, la vie éternelle.Notonsenfinquelemediumutilisépourdélivreruntelmessageetletransmettreàlapostéritéest paradoxalement une image peinte, summum des vanités selon le dogme anglican àtendanceiconoclaste62.

***Derrière les apparencesquiprennent la formed’unegrâce inspiratriced’amour etde

déférence se cache, en réalité, un corps de reine soumis à un devoir de beauté etd’irréprochabilité.L’assautdelavieillesse,etleslégionsderidesquil’accompagne,ressortentcommel’unedespiresépreuvesquepuisseendurerlecorpsd’Élisabeth.Elleconsacre,defait,beaucoupdetempsàsauvegarderlajeunessedesoncorpsetdesonvisage,maisenvain.Touslesmoyenssontbonspournepasperdrelaface,quitteàdissimulersavéritableapparence.Unfossésecreusepeuàpeuentreuncorpsbiologiquequifléchitsouslepoidsdesannéesetuncorpspolitiquequi, telqu’ilestexaltépar lepinceaudespeintreset laplumedespoètes,vitdansun«présentperpétuel»63.Lecorpsdecettereinemetainsienrelieftoutelafragilitéd’unpouvoir en formation: la gynécocratie. Bien que cette dernière apporte une pierre nonnégligeableàl’absolutisationdupouvoirenAngleterre,ellen’enrestepasmoinssoumiseàun

60L’expressionest empruntéeàDominiqueRigaux,À la tableduSeigneur: l'Eucharistie chez lesPrimitifs italiens,1250-1497,Cerf,1989,p.45.61AgnèsVerlet,LesvanitésdeChateaubriand,LibrairieDroz,Genève,2001,p.11-15.62 Sur la méfiance à l’égard des images religieuses comme profanes dans l’anglicanisme, voir entre autre JohnPhillips,The Reformation of Images. Destruction of Art in England, Berkeley, Los Angeles et London, 1973 ; RoyStrong,EnglishIcon:ElizabethanandJacobeanPortraiture,London,1967,p.3.63MaryHazard,«TheCaseforCase»,dansReadingElizabethanPortraits,Mosaic23,1990,p.61-88.

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devoirdebeautéquipèse,sinonexclusivement,dumoinsd’unemanièreplusaccablantesurlagentféminine.

Outildepromotionmémorielle s’il enest, l’artduportraitoccupe,quelquepart,unefonctiondetestamentpicturaletpoétiquequifigelestraitsidéalisésdelareineviergepourlapostérité.Aprèssamort,le24mars1603,cettefictionde«reineintacte»(reginaintacta)estportéeàsonpinacleparsesthuriféraires64,commeentémoigneàplusd’untitrelefrontispicedesAnnalesdelaReineÉlisabeth(1615)deWilliamCamden.ExécutéeparFrancisDelaram,lagravures’inspiredirectementd’unmodèleantérieurdeNicholasHilliardaujourd’huiperdu.Lareinedéfunte,aucentrede lacomposition, trôneenmajestédans lescieux.Lacentralitéestaccentuéeparlesnuagesetlehalodelumièrequil’entourentpresquecommeunemandorle.Juste au dessus de sa tête, on peut lire une inscription écrite en italien: «À travers chaquechangement, je suis (toujours) là» (Per tal variar son qui)65. Or, cette idée d’une constanceinaltérablefaitéchoàladeviseroyale.D’oùlestraitsduvisaged’unefraicheurimmaculéequinesontpassansrappelerlabeautéimmatérielledesanges,refletdelasplendeurdivine66.

64AnnaWhiteloch,Elizabeth'sBedfellows:AnIntimateHistoryoftheQueen'sCourt,SarahCrichtonBooks,2013,p.

344-346.65Voir : http://www.npg.org.uk/collections/search/portraitLarge/mw91196/Queen-Elizabeth-I?LinkID=mp01452&search=sas&sText=elizabeth+I&wPage=2&role=sit&rNo=4466AnnaRiehlBertolet, «Shine like anAngelwith thy starry crown':QueenElizabeth theAngelic.» dansCarole

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