Littérature de Jeunesse - Un Intérêt Et Un Besoin de Formation Croissants

Culture, le magazine culturel en ligne de l'Universit de Lige

Universit de Lige - http://culture.ulg.ac.be/ - 23/04/2015- 1 -

Littrature de jeunesse : un intrt et un besoin de formation croissants

Depuis maintenant quelques annes, on constateque les chiffres de vente de la littrature de jeunesse ne cessent de s'amliorer, dpassant parfois ceuxdes ventes de la littrature gnrale. La raison est simple : des best-sellers aux ouvrages plus discrets,il y en a pour tous les gots. Non seulement, la littrature pour la jeunesse reste un matriau formidablepour l'apprentissage de la langue, mais elle l'est aussi en ce qui concerne la littrature et la culture engnral. Cependant, on constate que, jusqu' prsent, en Belgique francophone, il n'existe que trs peude formations sur la littrature pour la jeunesse bases sur une recherche scientifique pointue qui sedestineraient des futurs instituteurs, futurs professeurs de franais et trs peu de formations continues destination des professeurs dj en place. Aprs les premires semaines d'application du nouveau dcretPAYSAGE rgissant l'enseignement suprieur, il nous semblait important de faire un petit tat des lieux surle sujet en Belgique francophone, et plus particulirement Lige et l'ULg.



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L'enseignement de la littrature de jeunesse en FranceJusqu'en 2002,dans la formation des matres, la place accorde la littrature pour la jeunesse taitvariable selon l'intrt que l'enseignant portait cette matire. Pour les futurs professeurs de collge, ils'agissait davantage d'une information que d'une formation, cependant, la formation continue l'poquepermettait de nombreux enseignants de dcouvrir ou de d'approfondir leur connaissance du secteur.

En 2002, les programmes du ministre de Jack Lang indiqurent de faon trs nette que, ds la maternelle,la littrature pour la jeunesse permettait de se construire une premire culture littraire avec des uvresclassiques et des uvres nouvelles caractristiques de la littrature de jeunesse d'aujourd'hui. Lesprogrammes insistaient sur le travail spcifique qui tait men lorsqu'il s'agissait de comprendre les texteslittraires.

Ainsi, en 2005 tait crel'option Littrature de jeunesse au concours de professeur des coles. Dans cette preuve, le candidatapportait une uvre de son choix, la lisait et devait, dans son expos, faire apparatre les connaissances(histoire, thmes, tendances, relations avec la littrature) et la culture du candidat (textes et illustrations)dans ce domaine et s'attacher montrer les apports de la littrature de jeunesse l'enseignement del'cole maternelle et lmentaire1. 60 heures taient destines cette option dans la prparation duconcours. On s'y entranait la lecture et l'interprtation des textes et des images, on tentait galementde comprendre ce qui faisait la spcificit des textes et leur intrt et surtout, ce qui permettait aux futursprofessionnels de l'enseignement d'apprendre utiliser l'uvre sans trop la scolariser .



Depuis 2010, l'option a disparu et l'enseignement de la littrature de jeunesse est devenu optionnel ouintgr des modules orients sur d'autres thmes. Ainsi, on peut dire aujourd'hui que dans la formationinitiale en France, la culture en littrature est devenue limite et pour certains nulle2.

Le cours de Littrature de jeunesse l'ULg, un cas unique en FdrationWallonie-Bruxelles

En Fdration Wallonie-Bruxelles, la situation est quelque peu diffrentepuisqu'il n'existe pas de programme qui rgisse l'enseignement suprieur. Qu'ils soient destinationdes universits ou non, ces programmes sont construits sur la base des choix poss par les pouvoirsorganisateurs de chaque formation. Ainsi, ce sont les directions et les enseignants qui dcident si lalittrature pour la jeunesse fait partie des programmes ou non. Le manque de lgitimit de la littrature de jeunesse est rel. Il est vrai que les choses changent maislentement. nous confie Daniel Delbrassine, chercheur en langues et littratures modernes l'ULg. En Belgique francophone, le seul cours de Littrature pour la jeunesse que l'on peut trouver dans lesuniversits est celui qui a t propos par Michel Defourny l'ULg et que j'ai repris il y a 4 ansmaintenant.



Ainsi, ds le mois de fvrier 2015, ce sera Daniel Delbrassine quidispensera le cours qui vient d'tre intgr la mineure en Cultures populaires aux cts de cours commeGenres paralittraires, Littrature et cinma, Histoire de la Bande dessine ou encore Histoire et analysedes pratiques du jeu vido On peut imaginer que, dans cette nouvelle configuration, le cours vadpasser le cadre de la section Langues et littratures romanes. Et mme s'il est vrai que de plus en plusd'tudiants d'autres sections (comme la Communication ou encore les Langues et littratures modernes) etd'tudiants en rasmus suivaient le cours ces dernires annes, je m'attends accueillir en fvrier 2015 unpublic plus diversifi que les annes prcdentes.

En Belgique francophone, il n'y pas d'autre cours qui soit intitul Littrature de jeunesse ou Littrature pourla jeunesse qui soit dispens dans une universit. l'UCL, il semblerait que Jean-Louis Tilleuil voquele sujet dans le cadre d'un de ses cours mais ce n'est qu' l'universit Charles de Gaulle - Lille 3 que l'ontrouve un cours de littrature de jeunesse dispens par Laurent Dom (qui a dfendu une thse de doctoratsur la littrature de jeunesse l'UCL.) On constate cependant que de plus en plus de mmoires portentsur le sujet, que ce soit en langues et littratures romanes mais aussi en germaniques, en modernes et encommunication. L'intrt pour cette littrature est donc une ralit.

1 Voir Max Butlen, La littrature de jeunesse l'cole, trente ans d'volution. Histoire d'une lgitimation ,

dans le numro spcial de l'Ecole des Lettres, La littrature des enfants fait cole , 2008-2009, n4, pp.29-49.



2 (Pour prolonger la rflexion sur le cas franais, voir article : http://bbf.enssib.fr/consulter/

bbf-2013-02-0016-003 )

Pourquoi enseigner la littrature de jeunesse de futurs professeurs dusecondaire suprieur ?

En effet, les programmes dusecondaire suprieur n'voquent pas la littrature pour la jeunesse, on pourrait donc comprendre queson enseignement ne fasse pas partie de la formation universitaire. Malgr cela, pour Daniel Delbrassine, une bonne connaissance de la littrature pour la jeunesse est indispensable la formation de tousles enseignants, et ce pour deux raisons : soit elle reprsente le corpus sur lequel travailler (maternelle,primaire et secondaire infrieur) soit elle constitue le bagage d'expriences de lecture des lves(secondaire suprieur). Autrefois, certains enseignants du secondaire suprieur, qui ne s'taient jamaisintresss la littrature pour la jeunesse, imaginaient qu'ils allaient arriver en classe et installer laLittrature avec un grand L en rase campagne. Mais la plupart du temps, a ne fonctionnait pas. Leslves d'hier ou d'aujourd'hui sont confronts en permanence de nombreux concepts littraires maisgalement de nombreux types de rcits diffrents qu'on retrouve dans les rcits littraires destins lajeunesse. Dans ces conditions, il n'tait pas tonnant que se produise un choc culturel entre les lves etleur bagage et ce que les professeurs taient censs leur apporter.

D'autres exemples peuvent galement illustrer ce phnomne. En 2008, par exemple, a t organis enFrance un colloque international sur le moyen ge et littrature pour la jeunesse. Les mdivistes avaientpris conscience du fait que la littrature pour la jeunesse contemporaine tait finalement une cl essentiellepour que leur corpus continue d'exister. Les textes mdivaux sont de moins en moins accessibles pourles jeunes gnrations, mais, depuis peu, ils ont retrouv un nouveau souffle par le biais d'adaptations



contemporaines. Et finalement, ces textes mdivaux adapts, retranscrits, parodis ( plagis parfoisaux yeux des lves qui dcouvrent les originaux ) sont aussi des prtextes exceptionnels pour voquertoute une srie de concepts essentiels pour entrer dans la culture et faire des liens. Et si les lvesapprennent faire ces liens-l, ils les feront aussi avec d'autres rcits

La littrature pour la jeunesse en Haute cole et dans la formation desmatres

l'heure actuelle, la plupartdes matres-assistants en langue franaise en Haute cole sont titulaires d'une licence en langues etlittratures romanes. Il est donc assez rare que ces formateurs aient eu la chance de suivre un cours delittrature pour la jeunesse pendant leur formation universitaire. Un rapide sondage ralis auprs desmatres-assistants concerns des diffrentes hautes coles de Lige montre qu'une srie d'entre euxont suivi, aprs leur formation, le cours de Michel Defourny et/ou celui de Daniel Delbrassine. D'autres,intresss par le sujet ont suivi des formations ou se sont forms seuls. Igor Mojzes

la Haute cole Charlemagne, par exemple, un cours de Littrature pour la jeunesse est dispens auxfuturs bacheliers en franais/franais langue trangre et franais/morale de la Haute cole Charlemagneen 1re et en 2e anne.. Nous avons cr le cours en 2010, sur la base d'initiatives personnelles. nous confie la titulaire du cours Valrie Centi. La littrature pour la jeunesse tait un sujet qui me tenait



particulirement cur puisqu'avant d'entrer dans l'enseignement, j'avais travaill quelque temps dans unelibrairie spcialise en littrature de jeunesse. Lorsque nous avons eu l'occasion de rorganiser les coursde franais en 2010, nous avons propos avec quelques collgues de dissocier la littrature gnrale de lalittrature de jeunesse dans la formation des AESI franais/morale et franais FLE. Aujourd'hui, 60 heuresen premire anne et 60 heures en 2e sont consacres l'enseignement de la littrature pour la jeunesse. Ilest vrai que jusqu'alors, le professeur de littrature voquait la littrature pour la jeunesse ou non dans soncours, suivant ses affinits avec le sujet. Nanmoins, l'heure actuelle, il n'existe que peu de cours consacrs intgralement la Littrature pourla jeunesse dans les hautes coles de Lige. Quand ce cours existe, c'est l'intrieur de l'intitul gnralFranais. Pour pouvoir dvelopper davantage de cours consacrs la Littrature de jeunesse et sadidactique, les professeurs semblent tre en demande d'une formation spcifique, qu'ils ont bien dumal trouver.

Valrie Manca, matre-assistante la HEL dans lepdagogique nous explique : Quand j'ai dbut en haute cole dans la formation des instituteurs primaireset que j'ai d faire face l'enseignement de la littrature pour la jeunesse, j'tais un peu dsempare.C'est ce moment-l que j'ai appris qu'il tait possible de suivre un cours sur le sujet l'ULg, et puisquemon horaire me le permettait, c'est ce que j'ai fait. Ensuite, j'ai construit mon cours sur cette base mais il



faut bien avouer qu'en premire, c'est surtout de l'histoire de la littrature de jeunesse que l'on aborde (ense basant sur l'un ou l'autre ouvrage) mais en deuxime anne, j'avais construit un cours sur plusieursthmes : la censure, les caractristiques du roman pour la jeunesse, et sur le Petit Chaperon rouge o l'onessayait de dgager de grands concepts (l'importance de la tradition orale, les rcritures, les mises enrseaux, l'intertextualit). J'ai suivi le cours l'ULg mais je sais qu'il y aurait encore beaucoup de choses amliorer au niveau de l'enseignement de la littrature pour la jeunesse. Et mme si c'est un sujet que l'onapprcie, on manque de formation et souvent de temps pour approfondir le sujet avant de le transmettre.

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En effet, dans les conditions actuelles, il s'avre que s'auto-former en littrature de jeunesse et renouvelerrgulirement les leons en fonction des parutions et de l'intrt des enfants et adolescents est un travail delongue haleine qu'il est presque impossible rsorber tous les niveaux. De plus, le manque de formationcontinue sur le sujet et les difficults pratiques pour les matres-assistants de suivre le seul cours delittrature de jeunesse dispens l'universit en Belgique francophone ne font qu'empirer les choses. Lademande des professionnels de l'enseignement est toutefois bien relle puisqu'on constate que chaqueintervention d'un spcialiste de la question bnficie d'un engouement exceptionnel. Par exemple,le 16 octobre dernier tait organise par la BILA, dans le cadre de leurs Sminaires de l'Imaginaire,une confrence sur Lord Voldemort dispense par une chercheuse de l'Universit de Poitiers. Lesspectateurs se sont presss en masse l'entre du Thtre de Lige, la surprise des organisateurs quin'avaient pas prvu une telle affluence.

Pistes pour une amlioration de la formationAux premiers jours d'une refonte de l'enseignement suprieur, il serait utile d'envisager les diffrentes pistesqui pourraient tre mises en place pour qu'enfin la littrature de jeunesse accde au statut de littrature.Salon Daniel Delbrassine, un cours pourrait venir enrichir le master finalit didactique l'universit : Uneversion master du cours de littrature de jeunesse qui existe actuellement. Ce serait un approfondissementqui se donnerait en fin de journe et qui permettrait aux matres-assistants ou aux autres professionnels del'enseignement de suivre le cours. Une chose est sre, les sujets ne manquent pas Et 2015 serait le bon moment pour insuffler une bouffe d'air frais la formation des enseignants dufranais puisque se tiendra du 20 au 23 juillet, Lige, le 2e forum mondial de la langue franaise3 auquell'association belge des professeurs de franais prendra activement part.

Vincianne d'AnnaNovembre 2014



Vincianne d'Anna est journaliste indpendante, spcialise en littrature de jeunesse

Daniel Delbrassine est chercheur en littrature de jeunesse l'ULg. Ses principalesrecherches portent sur la littrature pour adolescents.

3 http://www.forumfrancophonie.org/content/participez#cond

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