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HANDICAP ET VIEILLISSEMENT : UN CONCEPT ÉVOLUTIF, UN RISQUE OU UNE OPPORTUNITÉ DANS UNE SOCIÉTÉ PLURIELLE État des lieux dans le monde et champs des possibles, Focus France : perte d’autonomie, prévoyance-invalidité, assurance-vie, retraite LIVRE BLANC

Livre Blanc sur le handicap et le vieillissement · Entre État et collectivités locales, notamment le département en charge des personnes âgées. Entre gestionnaires de la protection

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  • HANDICAPET VIEILLISSEMENT :

    UN CONCEPT VOLUTIF,UN RISQUE

    OU UNE OPPORTUNITDANS UNE SOCIT

    PLURIELLE

    tat des lieux dans le monde et champs des possibles,Focus France : perte dautonomie,

    prvoyance-invalidit, assurance-vie, retraite

    LIVRE BLANC

    4, place Raoul Dautry - 75716 Paris cedex 15 - Association rgie par la loi du 1er juillet 1901

    Dpt lgal parutionImpression : La Fabrique d'Assurance sous le n 978-2-9558285-1-9

    N W751224917

    Septembre 2017 - 40

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    Selon la banque mondiale, environ 15 % de la population vit avec une forme de handicap. Lestimation mondiale de la prvalence du handicap est en hausse en raison du vieillis-sement de la population et de la propagation rapide des maladies... Face ce dfi majeur pour notre socit, La Fabrique dAssurance prsente des regards croiss et va au-del des constats pour tre force de propositions dans le domaine du handicap et du vieillissement.

    Les pistes dactions proposes se veulent pragmatiques. Elles sadressent tous (tat, institutions publiques, associations, assureurs, mutuelles, institutions de Prvoyance, opra-teurs, bnficiaires) et ont pour objectif de contribuer une rflexion collective dans une dynamique solidaire.

    Inspire des Fab Lab , La Fabrique dAssurance se veut tre un point de rencontre et de dialogue pluridisciplinaire face aux mutations du secteur de lassurance.Lassociation a pour vocation dimpulser une dynamique collaborative et innovante pour anticiper les usages de demain et rpondre aux besoins rels des citoyens.

    Lapproche transversale permet de runir, la fois des experts en termes de mtiers, de secteurs et de domaines dactivits diffrents. De lincubateur au Think Tank, du consommateur linstitutionnel, lintelligence du systme permet de runir en son sein, diffrents profils en fonction de la thmatique aborde.En somme, il convient de repartir du besoin, de (re)penser lAssurance diffremment en se fondant sur les connaissances et les comptences concrtes des intervenants dans une logique dintelligence collective qui tient compte des enjeux de lconomie Sociale et Solidaire.

    Le trsor de la vie et de lhumanit est la diversit EDGAR MORIN Dialogue sur la nature humaine

  • SOMMAIREPrsentation de La Fabrique dAssurance Remerciements

    I - IntroductionI.1 - DfinitionI.2 - Chiffres clsI.3 - Gographie

    II - La prise en charge du handicap travers le mondeII.1 - Dfinition II.2 - Les limites II.3 - Les volutions positives des produits assurantielsII.4 - Les produits dassurance dpendance

    Focus 1 : France perte dautonomie : tre autonome demain : un enjeu de socit Introduction par Monsieur Patrick Gohet

    I - tat des lieux : les enjeux et lorganisation de laide lautonomie en FranceII - La perception des franais les rsultats du baromtre OCIRP Autonomie 2017III - Autonomie : quelles perspectives pour lassurance ? Prconisations Focus 1 : France perte dautonomie :

    Focus 2 : France prvoyance invalidit : Amliorer la prise en charge de lincapacit et de linvalidit pour mieux rpondre aux besoins des assurs Introduction par Monsieur Thomas Behar

    I - Contexte et dfinitionII - Le fonctionnement de la couverture de ce risque III - Produits et solutions existantes Prconisations Focus 2 : France prvoyance invalidit

    Focus 3 : France assurance-vie, retraite : Financer et accompagner le parcours de vie de la personne en situation de fragilit Introduction par Monsieur Jean-Jacques Berthel

    I - Le handicap II - Les diffrentes facettes du handicapIII - Quelle rponses lassurance vie peut-elle apporter ?Prconisations Focus 3 : France assurance-vie, retraite

    III - Les acteursIII.1 - Les consommateursIII.2 - Les assureurs

    IV - LtatIV.1 - Un rle cl de financementIV.2 - Un rle incitatifIV.3 - Un rle global de rduction des barrires lies au handicap

    V - Des leviers organisationnels et technologiques au profit dune meilleure inclusion des personnes en situation de handicap

    V.1 - Laccessibilit des services de prise en charge et de comprhension des besoinsV.2 - Lamlioration des capacits danticipation du risque pour lassureur, une cl de succs ?V.3 - Les nouveaux usages technologiques au service de linclusionV.4 - Un business model lpreuve de lavenir de lhumanit

    VI - Conclusion

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    Le calcul des probabilits, appliqu la mortalit humaine a

    donn naissance une science nouvelle : celle des assurances.

    mile de GIRARDIN

    Le recours tardif pour des soins dits de rparation est plus

    coteux pour la collectivit et peut mme conduire une situation

    de handicap.

    Paul DOURGNON

    Outre les accidents et la maladie, il existe donc un autre

    type de handicap : celui provoqu par la folie des hommes.

    Philippe CROIZON

    Contrairement au sexe et lge, le handicap nest pasune variable statistique clairement dfinissable, mais un terme ouvert interprtation en fonction du contexte. Par consquent, les donnes relatives au handicap ne peuvent fournir que des approximations et doivent tre traites avec la plus grande prudence. Organisation Mondiale de la Sant

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  • PRFACEHandicap et vieillissement : un concept volutif, un risque ou une opportunit dans une socit plurielle.

    Plusieurs des contributions de ce livre blanc le rappellent : la croissance dans les dcennies venir des personnes prouvant des difficults fonctionnelles, du fait notamment du vieillissement, est un dfi majeur pour notre socit.

    Si les progrs mdicaux et sociaux ont permis que lon meurt, en moyenne, plus tard que les gn-rations prcdentes, il faut admettre aussi leur corollaire : de plus en plus de personnes vivent avec une maladie chronique, de plus en plus seront concernes, un moment ou lautre de leur existence, par une altration de leur autonomie. Par ailleurs, Simone Veil me rappelait quau moment de la loi de 1975 sur les personnes handicapes, le vieillissement des personnes handicapes navait pas t anticip.

    Ces perspectives ouvrent un certain nombre de dfis quil sagit de bien apprhender et anticiper si lon veut que notre socit puisse apporter des rponses adquates, sans faire peser de faon excessive, ce qui malheureusement est dj trop souvent le cas, la charge daccompagnement sur les proches.

    Bien videmment, ces dfis ont une composante financire mme si les rcentes projections du Haut conseil du financement de la protection sociale amnent aussi relativiser cette donne : laune des risques maladie et vieillesse, le risque perte dautonomie reste, mme lhorizon 2070, un risque modeste et finanable, lenjeu tant denviron 1 point de PIB supplmentaire.

    Ceci rappelle lintrt dune vision globale, prospective et rigoureuse de lquilibre financier de la protection sociale, et notamment lenjeu qui sattache tenir le calendrier dextinction de la dette sociale gre par la CADES, qui dgagerait plus de 17 milliards deuros par an lhorizon 2024... dont une partie pourrait abonder le risque dpendance.

    Ces dfis sont aussi institutionnels : ils imposent le dcloisonnement entre les trs nombreux acteurs de ce secteur.

    Entre acteurs du handicap et de la perte dautonomie, qui sont en France des secteurs trs spars (y compris souvent dans la gestion gouvernementale...), contrairement dautres pays, comme il lest rappel juste titre dans ce livre blanc.

    Entre tat et collectivits locales, notamment le dpartement en charge des personnes ges.

    Entre gestionnaires de la protection sociale de base et complmentaire, car plus que dans dautres domaines ou des interrogations existent sur la plus-value de leurs interventions croises (la maladie voire la retraite), il apparait trs difficile denvisager la construction dun systme universel et viable conomiquement sans lun et lautre.

    Entre acteurs du sanitaire et du social et acteurs du domicile et de lhbergement en tablisse-ments. Lenjeu nest pas seulement de btir des solutions financires qui permettent chacun de faire face ses limitations fonctionnelles, mais aussi de btir des parcours de vie qui tiennent compte de lvolution de la personne et de son entourage dans une logique dinclusion, et essayent au maximum dtre dans des logiques dinclusion et non de sgrgation.

    Par la richesse et la diversit des points de vues, la grande qualit des contributions quil a pu recueillir, ce livre blanc peut tre un point dappui trs utile pour notre rflexion collective.

    Dominique LIBAULT, Directeur Gnral de lcole nationale suprieure de Scurit Sociale

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    PRSENTATION DE LA FABRIQUE DASSURANCE

    Assurer est-il un verbe qui puisse encore avoir une rsonnance pour le grand public, mais aussi pour les professionnels du secteur ?

    Retrouver des racines professionnelles pour redonner un sens au verbe ASSURER. Les uns et les autres : dans nos diffrentes responsabilits au sein du secteur de lassurance, nous sommes submergs par un tsunami prudentiel et rglementaire qui nous dtourne de notre raison dtre profonde : rpondre aux besoins de confiance et de scurit de nos contemporains.

    La Fabrique dAssurance est une association runissant des assureurs et des experts dhorizons diffrents, au travers dateliers, colloques, lettres bimestrielles et outils digitaux. Il sagit de proposer des recommandations novatrices rpondant aux besoins daujourdhui et demain des assurs. Inspi-re des Fab Lab , La Fabrique dAssurance se veut tre un point de rencontre et de dialogue pluridisciplinaire. Lassociation a pour vocation dimpulser une dynamique innovante en sloignant des schmas classiques. Dans cette approche, les enjeux de lconomie Sociale et Solidaire sont au centre de nos rflexions.

    De lincubateur au Think Tank, du consommateur linstitutionnel, lintelligence du systme permet de runir en son sein, en fonction de la thmatique aborde, diffrents profils :

    Assureurs, Experts, Think Tanks internationaux, Instituts, Fondations, Associations, Universits, coles, Chercheurs, Start-up, Incubateurs, Assurs.

    Le fonctionnement de lassociation sarticule autour de deux types dvnements-cls : des ateliers thmatiques et un colloque annuel avec pour volont de sortir des sentiers battus, dinventer ou de redfinir les usages de demain en se fondant sur les besoins rels des citoyens. Le premier permet, sur des thmatiques prcises, une rflexion aboutissant llaboration de rapports comprenant des propositions de recommandations pouvant tre communiques notamment aux pouvoirs publics et aux acteurs du secteur. La rflexion des deux premiers ateliers collaboratifs a port en 2016 sur la micro-assurance et en 2017 sur Le handicap et vieillissement un concept volutif, un risque ou une opportunit dans une socit plurielle ?

    Sur le premier sujet, la rflexion est partie dun constat : dans notre pays, pionnier en matire de microcrdit, il nexiste pas encore de rponse pertinente en matire de micro-assurance. Il sagit alors dinventorier les besoins rels en matire dassurance des populations identifies. Ainsi, latelier sest appliqu identifier les freins et leviers au dveloppement de ce type de produits et, aprs la ralisa-tion dun benchmark, faire des recommandations.

    Le deuxime atelier en 2017 porte sur la thmatique du handicap et vieillissement un concept volutif, un risque ou une opportunit dans une socit plurielle ? Dans un contexte de progrs scientifiques, il explore de nouvelles pistes concernant les contenus assurantiels et les solutions dindemnisation du handicap. Dautres ateliers en 2018, tels que les dfis pour lassurance des nouvelles formes de travail verront le jour.

    Concernant le livre blanc 2017 sur : Le handicap : un concept volutif, un risque ou une opportunit dans une socit plurielle, trois Focus France ont t organiss autour dexperts, sur :

    la perte dautonomie, la prvoyance et linvalidit, et lassurance-vie, retraite.

    Ces trois Focus France viennent complter ltat des lieux du handicap dans le monde et lEurope. Ils se concrtisent par des prconisations pour la France.

    Jean-Louis BANCELPrsident de la Fabrique dAssurance

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  • I - IntroductionL'conomie des risques englobe l'ensemble des transac-tions entre assureurs et assurs dont le but est la couver-ture des dommages qui dcoulent des risques, contre le paiement d'une prime. En ralit, l'assurance enca-dre les risques avant (ex ante) et aprs (ex post) la surve-nance d'un sinistre. Mais son rle primordial est d'inter-venir quand l'vnement assur se produit et de ddom-mager ses consquences. Autrement dit, le risque devient rel au moment o le sinistre apparat. C'est la concrti-sation des risques qui constitue le vritable enjeu des assurances. Une des caractristiques du modle cono-mique assurantiel consiste transfrer un risque par une personne, prise dans sa singularit de personne physique ou morale vers un assureur (quel que soit son statut juridique : socit capital ou mutuelle) en change duquel lassur versera une prime ou des cotisations et bnficiera de contreparties lors de la survenance de ce risque. La capacit de l'assureur garantir une multi-tude de personnes face divers risques rside dans un double facteur : la mutualisation des risques et des primes entre tous les assurs, et la capacit statis-tique des assureurs envisager le risque et adapter les primes/cotisations en fonction de ces donnes.

    Le modle conomique est particulirement prenne ds lors que les assurs paient leur prime et que leurs besoins sont identifiables en matire de couverture. Or, quel que soit le handicap, dont la dfinition sera abor-de un peu plus tard, le modle conomique tradition-nel de lassurance peut tre boulevers. En effet, plusieurs problmatiques, semblables de nombreux pays, sont observables et risquent de bouleverser ce modle : vieillissement des populations, baisse des dpenses publiques de sant, augmentation des pratiques risques. Les statistiques montrent que le handicap gnre un risque plus important de dvelopper dautres mala-dies, dtre en retrait de la vie conomique et sociale et donc en extrapolant aux compagnies dassurance, de faire plus souvent appel un assureur (image ci-contre : Disability and health1). Lexistence dune occurrence statistique suprieure la moyenne conduit les assu-reurs craindre des mcanismes de slection adverse. Ainsi, la Banque mondiale estime que seules 5 15 % des 70 millions de personnes ayant besoin dun fauteuil roulant y ont accs, et 200 millions de personnes mal-voyantes nont pas accs aux lunettes ou aux dispo-sitifs permettant de corriger une mauvaise vue.

    Le secteur de lassurance se retrouve ainsi confront une difficult majeure. Comment couvrir une part impor-tante de la population mondiale, prsentant des risques suprieurs aux personnes dites valides, tout en assu-rant sa viabilit conomique et financire ?

    Aujourdhui, les personnes en situation de handicap constituent le plus grand groupe minoritaire du monde 2.

    La Banque mondiale indique ainsi que plus dun milliard de personnes vivent avec un handicap, soit 15 % de la population mondiale. Un chiffre qui devrait crotre au cours des prochaines dcennies, du fait de lapparition de nouveaux facteurs de risques (maladie, augmen-tation de la dure de vie, conflit, terrorisme.). De son ct lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS3), consi-dre ainsi que les personnes handicapes ont une probabilit 50 % plus forte de devoir faire face des dpenses de sant catastrophiques et que cela est susceptible dentrainer leur famille dans la pauvret4. Divers mcanismes existent, coexistent ou peuvent tre mis en uvre pour amliorer la couverture et laccessi-bilit, tant technique que financire, de tous aux services de soins. Pourtant les progrs des sciences et des techniques naugmentent-ils pas les perspectives de pouvoir rduire les effets du handicap (mythe de lHomme rpar) ?

    Si cette situation entrane une relle responsabilit pour les assureurs, elle implique une rflexion sur les couver-tures proposes, et sur le dveloppement possible des produits accessibles et efficaces destins aux personnes en situation de handicap. Cette adquation entre loffre de service et le besoin est dautant plus importante que les spcificits personnelles (diffrenciation des handi-caps, diffrenciation des situations sociales.) peuvent faire grandement varier leurs besoins assurantiels. Aujour- dhui, les assureurs ont privilgi la catgorisation des handicaps sans prendre en compte les situations indivi-duelles, ncessaires une dfinition prcise du risque, dfinition utile autant pour lassur (couverture efficiente) que pour lassureur (risque mesur).

    Le premier jalon vers une socit plus humaine serait daccepter que les personnes vulnrabilises par le handicap ont hrit dun rle salutaire de veilleur. Dans notre socit daujourdhui, dboussole, les veilleurs, que sont les personnes fragiles nous indiquent une autre voie pour nous diriger vers une socit plus humaine5. tudier les dispositifs assurantiels dvelopps au profit des personnes en situation de handicap apparat donc comme clairant pour le monde de lassurance afin dtre en veille sur son propre secteur et dapporter des solutions nouvelles pour faire progresser et voluer la socit dans son ensemble, et grer les dfis qui lattendent : dveloppement de la prise en charge domicile, inclu-sion des personnes handicapes au sein de la socit ou prvention des comportements risques (addictions, conduite risque.). Par exemple, 80 % des dficiences visuelles et la quasi-totalit des dficiences auditives pourraient tre vites grce des stratgies prven-tives et curatives6.

    I.1 - DfinitionUn des enjeux importants de lassurance reste doffrir chacun une couverture adapte ses besoins et ses moyens afin dattnuer les chocs auxquels les mnages sont confronts7.

    Cette vision protectrice de lassurance (par tymologie, lassurance signifie apporter de la scurit son bn-ficiaire8) est essentielle ds lors quon lie la notion das-surance et de handicap.

    LOMS dfinit depuis 1946 la sant comme un tat de complet bien-tre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmit.9 La notion de handicap pourrait ds lors sentendre a contrario, lorsque ltat complet de bien-tre nest pas pleinement et entirement atteint. Pour autant, les notions de Handicap et de Sant ne sont pas forc-ment antagonistes. Ainsi, dans une tude mene en Australie auprs de personnes lourdement ou svre-ment handicapes, 40 % dentre elles estimaient leur tat de sant comme bon, trs bon ou excellent10.

    Si la dfinition de sant, au sens de lOMS, na pas volu depuis la constitution de lorganisme, la notion de handi-cap est plus complexe. Elle est particulirement proti-forme car elle envisage des ralits trs diffrentes.

    Historiquement, le handicap a t abord avec une approche causale, dite aussi approche mdicale11. Les causes du handicap ne sont pas toujours visibles et sont souvent loignes du clich de la personne en situa-

    tion de handicap avec un fauteuil roulant. Plusieurs causes peuvent tre ainsi mises en exergue : affection de longue dure (ALD), accident de la route, du travail, de la vie courante. Concernant les ALD, elles peuvent tre lies une maladie, une hrdit mais aussi lies la vie quotidienne (malnutrition, absence dactivit sportive, conduite addictive tabagisme, alcoolisme, stupfiants). Le rapport mondial de lOMS estime que les maladies chroniques sont lorigine de 66,5 % de lensemble des annes vcues avec une incapacit12 dans les pays revenu faible ou intermdiaire13. Elles reprsenteraient aujourdhui 40 % des dpenses de sant dans une vie14.

    Depuis 2001, la classification internationale du fonction-nement du handicap et de la sant (CIF)15 dfinit, le handi-cap comme un terme gnrique dsignant les dficiences16, limitations dactivit et restrictions de participation .

    En 2001 ltablissement de la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapes (CRDPH)17 marque un changement important dans la comprhension mondiale de la notion de handicap. Les institutions internationales ont intgr la notion denvironnement social la dfinition du handicap, mettant ainsi plus en exergue les consquences que les causes18. Derrire cette notion denvironnement, lide est de partager les responsabilits, et de changer le regard de la socit sur le handicap. Cette vision vise remettre en cause le fatalisme li au caractre naturel du handi-cap en faveur de la ncessaire prise en compte de lindividu au sein dune communaut de vie. Ainsi, quelle soit malade chronique, handicape moteur ou dficiente visuelle, ce qui met la personne en situa-tion de handicap est lenvironnement dans lequel elle volue, et les barrires se traduisent par une rduction partielle ou totale de la capacit accomplir certains gestes ou certaines activits allant des actes lmentaires physiques (se tenir debout, se lever, monter un escalier, etc.) ou psychiques (mmoriser, etc.), aux actes plus complexes (s'habiller, se servir d'un tlphone, parler avec plusieurs personnes, etc.) 19.

    Lexprience du handicap se caractrise alors par linteraction entre des personnes prsentant des dficiences et les barrires comportementales et environnementales qui font obstacle leur pleine et effective participation la socit sur la base de lga-lit avec les autres 20.

    Cette vision du handicap prend sa source dans la Vie Autonome aux tats-Unis21, qui prne que le handicap nest pas li la personne mais aux barrires physiques et psychologiques que dresse la socit. Ainsi, ce ne sont pas seulement linfirmit motrice, la dficience visuelle, la maladie de Crown, le diabte qui constituent le handicap mais le fait quils engendrent des attitudes ngatives (violence, moquerie), labsence daccs certains services (transports, btiments publics, soins) voire mme aux activits sociales (travail, loisirs,). Cette dfinition se retrouve galement dans des textes et politiques europens. En Norvge, par exemple, le handi-cap est considr comme un dcalage entre les capa-cits dune part, les attentes de lindividu et, dautre part, les exigences de lenvironnement et de la socit pour prserver et maintenir dans des domaines qui sont essen-tiels pour tablir et maintenir une vie sociale indpen-dante .22 Et derrire cette dfinition, cest lide que le handicap cre un dsavantage injuste dans la vie prive, sociale, ou professionnelle dune personne .23

    Cette approche permet galement dtre optimiste quant la situation des personnes handicapes, puisquun grand nombre de barrires peuvent tre leves par des mesures prventives (sensibilisation sur les risques, sur le handicap lui-mme), correctives (amnagements des locaux, des lieux publics) et compensatoires (assu-rance, Scurit sociale..).

    Cette nouvelle approche environnementaliste a gale-ment pour particularit de ne pas aborder le handicap sous langle de lge. Cest la capacit, ou non, dintera-gir avec son environnement ou daccomplir des actes de la vie courante (manger seul, signer des docu-ments, se dplacer,), qui va primer pour qualifier la perte dautonomie et la dpendance de la personne, et dfinir ainsi son degr de handicap.

    Les textes nationaux lient fortement ces deux notions de handicap et de dpendance (en France : perte dauto-nomie). Ainsi, le droit social allemand dfinit la notion de dpendance comme toute personne ayant besoin daide pour lhygine corporelle, lalimentation, la mobilit et les tches domestiques sans distinction dge. Il distingue cependant le handicap, dventuels problmes physiques, mentaux ou psychiques ; alors mme dail-leurs que lensemble de ces causes constitue un handi-cap au sens de lOMS.

    En France, depuis la loi du 11 fvrier 2005 pour l'galit des droits et des chances, la participation et la citoyen-net des personnes handicapes , la dpendance des personnes ges est considre comme une forme de handicap. Cette loi dfinit le handicap sans critre dge. La dpendance est ainsi juridiquement une sous-cat-gorie du handicap et les personnes dpendantes sont des personnes handicapes, attributaires du droit compensation pos par larticle 11 de la loi du 11 fvrier 2005 (L.114-1-1 du code de laction sociale et des familles, CASF). La loi supprime ainsi le critre dge qui dfinit le champ dapplication de ce droit. La distinction se retrouve pourtant dans les prestations accordes aux personnes en situation de handicap et les personnes ges.

    I.2 - Chiffres clsLes diffrences dans la dfinition nationale, dans les modes de recensement et de prise en charge influent sur les chiffres prcis pour dterminer le nombre de personnes en situation de handicap.

    Contrairement au sexe et lge, le handicap nest pas une variable statistique clairement dfinissable, mais un terme ouvert interprtation en fonction du contexte et des modalits de recensement. Le cas du recense-ment en Irlande en 2006 a montr un cart de 9 points entre les personnes stant dclares ds lenvoi du questionnaire (9 %) et celles qui se sont dclares lors de lenqute (18 %). Le nombre de questions et le format personnalis de lenqute ont permis de mieux identifier les personnes en situation de handicap24. Les chiffres sont le plus souvent issus de dclarations. Or, le handicap revt un caractre subjectif. Ainsi les personnes ges qui peuvent elles aussi connaitre une situation dont les caractristiques sont proches de celles du handicap, ne se dclarent pas comme tel, estimant leur tat en rapport avec leur ge.

    Rserves : La Fabrique d'Assurance s'assure de le validit scientifique et de la qualit ditoriale des travaux qu'elle publie, mais les opinions et les jugements qui y sont formuls sont exclusivement ceux de leurs auteurs. Ils ne sauraient tre imputs ni la Fabrique d'Assurance, ni a fortiori, ses organes directeurs.

    *

    REMERCIEMENTSSelon Antoine de SAINT-EXUPRY : Lavenir tu nas pas le prvoir mais le permettre.

    Pour llaboration de ce livre blanc sur le handicap et le vieillissement, trois ateliers FOCUS France ont t constitus sur les thmes suivants : la perte dautonomie, la prvoyance et linvalidit et lassurance-vie, retraite.

    Les personnes ayant accept de participer ces groupes de travail viennent dhorizons divers et com-plmentaires : juristes, avocats, assureurs, mutualistes, banquiers, actuaires, chercheurs, universitaires, hauts-fonctionnaires.

    Nos remerciements tous les membres des groupes de travail et contributeurs :

    Bernard ALTARIBA, Erwan AUDUIT, Thomas BHAR, lisabeth BERG-SUET, Anne BOY, Jean-Jacques BERTHEL, Carole BONNET, Arnaud BREUIL, Christine CABROLIER, Pascal CHAMPVERT, Edwige CHAUVEAU, Philippe CHERVIN, Hubert DUMONT SAINT-PRIEST, Laurent DUVIOLS, ric DEMOLLI, Franoise FORETTE, Jean-Louis GARCIA, Adeline GRARD, Franois-Ren GERMAIN, Romain GIZOLME, Florence GROSSEN, Serge GURIN, Pascal JACOB, Claudie KULAK, Jrme KULLMANN, Jean-Manuel KUPIEC, Dominique LEDOUBLE, Andr MOLIN, Jean-Baptiste NESSI, Anna PICARD, Jrme PIGNIEZ, Anglique RIBEIRO, Pascale RIBES, Annie RIPON-SERRE, Thierry TALVA, Richard THOUVENOT, Alain VILLEMEUR

    Leur participation assidue aux nombreuses runions de travail, leurs rflexions et leurs communica-tions crites ont contribu la qualit et la pertinence des prconisations formules dans ce livre blanc sur le handicap et le vieillissement pour La Fabrique dAssurance*.

    Nos remerciements aux personnalits ayant accept de participer nos djeuners de travail :

    Pierre-Louis BRAS, Arnaud de BROCA, Bertrand FRAGONARD, Patrick GOHET, Sandrine LEMERY, Dominique LIBAULT.

    Nos remerciements, enfin, aux personnalits qui participent aux deux tables rondes du colloque annuel de La Fabrique dAssurance au Conseil conomique, Social et Environnemental (CESE) :

    Jean-Louis BANCEL, Thierry BEAUDET, Marie-Claire CARRRE-GE, Axel KAHN, Frdric LAVENIR, Marie-Anne MONTCHAMP, Bernard SPITZ.

    Oser, le progrs est ce prix.Victor HUGO

    Longue vie, donc, La Fabrique dAssurance appele, depuis sa cration, se dvelopper et rayonner, dj, par ses analyses et ses propositions pour un monde meilleur.

    Alexandre ANDRDirecteur Gnral de la Fabrique dAssurance

    Rserves : La Fabrique dAssurance sassure de la validit scientifique et de la qualit ditoriale des travaux quelle publie, mais les opinions et les jugements qui y sont formuls sont exclusivement ceux de leurs auteurs. Ils ne sauraient tre imputs ni la Fabrique dAssurance, ni fortiori, ses organes directeurs.

    06

  • I - IntroductionL'conomie des risques englobe l'ensemble des transac-tions entre assureurs et assurs dont le but est la couver-ture des dommages qui dcoulent des risques, contre le paiement d'une prime. En ralit, l'assurance enca-dre les risques avant (ex ante) et aprs (ex post) la surve-nance d'un sinistre. Mais son rle primordial est d'inter-venir quand l'vnement assur se produit et de ddom-mager ses consquences. Autrement dit, le risque devient rel au moment o le sinistre apparat. C'est la concrti-sation des risques qui constitue le vritable enjeu des assurances. Une des caractristiques du modle cono-mique assurantiel consiste transfrer un risque par une personne, prise dans sa singularit de personne physique ou morale vers un assureur (quel que soit son statut juridique : socit capital ou mutuelle) en change duquel lassur versera une prime ou des cotisations et bnficiera de contreparties lors de la survenance de ce risque. La capacit de l'assureur garantir une multi-tude de personnes face divers risques rside dans un double facteur : la mutualisation des risques et des primes entre tous les assurs, et la capacit statis-tique des assureurs envisager le risque et adapter les primes/cotisations en fonction de ces donnes.

    Le modle conomique est particulirement prenne ds lors que les assurs paient leur prime et que leurs besoins sont identifiables en matire de couverture. Or, quel que soit le handicap, dont la dfinition sera abor-de un peu plus tard, le modle conomique tradition-nel de lassurance peut tre boulevers. En effet, plusieurs problmatiques, semblables de nombreux pays, sont observables et risquent de bouleverser ce modle : vieillissement des populations, baisse des dpenses publiques de sant, augmentation des pratiques risques. Les statistiques montrent que le handicap gnre un risque plus important de dvelopper dautres mala-dies, dtre en retrait de la vie conomique et sociale et donc en extrapolant aux compagnies dassurance, de faire plus souvent appel un assureur (image ci-contre : Disability and health1). Lexistence dune occurrence statistique suprieure la moyenne conduit les assu-reurs craindre des mcanismes de slection adverse. Ainsi, la Banque mondiale estime que seules 5 15 % des 70 millions de personnes ayant besoin dun fauteuil roulant y ont accs, et 200 millions de personnes mal-voyantes nont pas accs aux lunettes ou aux dispo-sitifs permettant de corriger une mauvaise vue.

    Le secteur de lassurance se retrouve ainsi confront une difficult majeure. Comment couvrir une part impor-tante de la population mondiale, prsentant des risques suprieurs aux personnes dites valides, tout en assu-rant sa viabilit conomique et financire ?

    Aujourdhui, les personnes en situation de handicap constituent le plus grand groupe minoritaire du monde 2.

    La Banque mondiale indique ainsi que plus dun milliard de personnes vivent avec un handicap, soit 15 % de la population mondiale. Un chiffre qui devrait crotre au cours des prochaines dcennies, du fait de lapparition de nouveaux facteurs de risques (maladie, augmen-tation de la dure de vie, conflit, terrorisme.). De son ct lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS3), consi-dre ainsi que les personnes handicapes ont une probabilit 50 % plus forte de devoir faire face des dpenses de sant catastrophiques et que cela est susceptible dentrainer leur famille dans la pauvret4. Divers mcanismes existent, coexistent ou peuvent tre mis en uvre pour amliorer la couverture et laccessi-bilit, tant technique que financire, de tous aux services de soins. Pourtant les progrs des sciences et des techniques naugmentent-ils pas les perspectives de pouvoir rduire les effets du handicap (mythe de lHomme rpar) ?

    Si cette situation entrane une relle responsabilit pour les assureurs, elle implique une rflexion sur les couver-tures proposes, et sur le dveloppement possible des produits accessibles et efficaces destins aux personnes en situation de handicap. Cette adquation entre loffre de service et le besoin est dautant plus importante que les spcificits personnelles (diffrenciation des handi-caps, diffrenciation des situations sociales.) peuvent faire grandement varier leurs besoins assurantiels. Aujour- dhui, les assureurs ont privilgi la catgorisation des handicaps sans prendre en compte les situations indivi-duelles, ncessaires une dfinition prcise du risque, dfinition utile autant pour lassur (couverture efficiente) que pour lassureur (risque mesur).

    1 Infographie sur les impacts du handicap en matire de sant - Center for Disease Control and Prevention agence gouvernementale amricaine sur les questions de sant - Septembre 2015 2 Disability Statistics : facts on disabilities and disability issues mise jour en Janvier 2017 - Disabled World presse numrique amricaine indpendante sur les sujets de sant et de handicap

    3 Organisation Mondiale de la Sant - Autorit directrice dans le domaine de la sant des travaux ayant un caractre international au sein du systme des Nations-Unies4 World Health Survey. Geneva, World Health Organization, 20022004 (http://www.who.int/healthinfo/survey/en/, accessed 9 December 2009)

    Le premier jalon vers une socit plus humaine serait daccepter que les personnes vulnrabilises par le handicap ont hrit dun rle salutaire de veilleur. Dans notre socit daujourdhui, dboussole, les veilleurs, que sont les personnes fragiles nous indiquent une autre voie pour nous diriger vers une socit plus humaine5. tudier les dispositifs assurantiels dvelopps au profit des personnes en situation de handicap apparat donc comme clairant pour le monde de lassurance afin dtre en veille sur son propre secteur et dapporter des solutions nouvelles pour faire progresser et voluer la socit dans son ensemble, et grer les dfis qui lattendent : dveloppement de la prise en charge domicile, inclu-sion des personnes handicapes au sein de la socit ou prvention des comportements risques (addictions, conduite risque.). Par exemple, 80 % des dficiences visuelles et la quasi-totalit des dficiences auditives pourraient tre vites grce des stratgies prven-tives et curatives6.

    I.1 - DfinitionUn des enjeux importants de lassurance reste doffrir chacun une couverture adapte ses besoins et ses moyens afin dattnuer les chocs auxquels les mnages sont confronts7.

    Cette vision protectrice de lassurance (par tymologie, lassurance signifie apporter de la scurit son bn-ficiaire8) est essentielle ds lors quon lie la notion das-surance et de handicap.

    LOMS dfinit depuis 1946 la sant comme un tat de complet bien-tre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmit.9 La notion de handicap pourrait ds lors sentendre a contrario, lorsque ltat complet de bien-tre nest pas pleinement et entirement atteint. Pour autant, les notions de Handicap et de Sant ne sont pas forc-ment antagonistes. Ainsi, dans une tude mene en Australie auprs de personnes lourdement ou svre-ment handicapes, 40 % dentre elles estimaient leur tat de sant comme bon, trs bon ou excellent10.

    Si la dfinition de sant, au sens de lOMS, na pas volu depuis la constitution de lorganisme, la notion de handi-cap est plus complexe. Elle est particulirement proti-forme car elle envisage des ralits trs diffrentes.

    Historiquement, le handicap a t abord avec une approche causale, dite aussi approche mdicale11. Les causes du handicap ne sont pas toujours visibles et sont souvent loignes du clich de la personne en situa-

    tion de handicap avec un fauteuil roulant. Plusieurs causes peuvent tre ainsi mises en exergue : affection de longue dure (ALD), accident de la route, du travail, de la vie courante. Concernant les ALD, elles peuvent tre lies une maladie, une hrdit mais aussi lies la vie quotidienne (malnutrition, absence dactivit sportive, conduite addictive tabagisme, alcoolisme, stupfiants). Le rapport mondial de lOMS estime que les maladies chroniques sont lorigine de 66,5 % de lensemble des annes vcues avec une incapacit12 dans les pays revenu faible ou intermdiaire13. Elles reprsenteraient aujourdhui 40 % des dpenses de sant dans une vie14.

    Depuis 2001, la classification internationale du fonction-nement du handicap et de la sant (CIF)15 dfinit, le handi-cap comme un terme gnrique dsignant les dficiences16, limitations dactivit et restrictions de participation .

    En 2001 ltablissement de la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapes (CRDPH)17 marque un changement important dans la comprhension mondiale de la notion de handicap. Les institutions internationales ont intgr la notion denvironnement social la dfinition du handicap, mettant ainsi plus en exergue les consquences que les causes18. Derrire cette notion denvironnement, lide est de partager les responsabilits, et de changer le regard de la socit sur le handicap. Cette vision vise remettre en cause le fatalisme li au caractre naturel du handi-cap en faveur de la ncessaire prise en compte de lindividu au sein dune communaut de vie. Ainsi, quelle soit malade chronique, handicape moteur ou dficiente visuelle, ce qui met la personne en situa-tion de handicap est lenvironnement dans lequel elle volue, et les barrires se traduisent par une rduction partielle ou totale de la capacit accomplir certains gestes ou certaines activits allant des actes lmentaires physiques (se tenir debout, se lever, monter un escalier, etc.) ou psychiques (mmoriser, etc.), aux actes plus complexes (s'habiller, se servir d'un tlphone, parler avec plusieurs personnes, etc.) 19.

    Lexprience du handicap se caractrise alors par linteraction entre des personnes prsentant des dficiences et les barrires comportementales et environnementales qui font obstacle leur pleine et effective participation la socit sur la base de lga-lit avec les autres 20.

    Cette vision du handicap prend sa source dans la Vie Autonome aux tats-Unis21, qui prne que le handicap nest pas li la personne mais aux barrires physiques et psychologiques que dresse la socit. Ainsi, ce ne sont pas seulement linfirmit motrice, la dficience visuelle, la maladie de Crown, le diabte qui constituent le handicap mais le fait quils engendrent des attitudes ngatives (violence, moquerie), labsence daccs certains services (transports, btiments publics, soins) voire mme aux activits sociales (travail, loisirs,). Cette dfinition se retrouve galement dans des textes et politiques europens. En Norvge, par exemple, le handi-cap est considr comme un dcalage entre les capa-cits dune part, les attentes de lindividu et, dautre part, les exigences de lenvironnement et de la socit pour prserver et maintenir dans des domaines qui sont essen-tiels pour tablir et maintenir une vie sociale indpen-dante .22 Et derrire cette dfinition, cest lide que le handicap cre un dsavantage injuste dans la vie prive, sociale, ou professionnelle dune personne .23

    Cette approche permet galement dtre optimiste quant la situation des personnes handicapes, puisquun grand nombre de barrires peuvent tre leves par des mesures prventives (sensibilisation sur les risques, sur le handicap lui-mme), correctives (amnagements des locaux, des lieux publics) et compensatoires (assu-rance, Scurit sociale..).

    Cette nouvelle approche environnementaliste a gale-ment pour particularit de ne pas aborder le handicap sous langle de lge. Cest la capacit, ou non, dintera-gir avec son environnement ou daccomplir des actes de la vie courante (manger seul, signer des docu-ments, se dplacer,), qui va primer pour qualifier la perte dautonomie et la dpendance de la personne, et dfinir ainsi son degr de handicap.

    Les textes nationaux lient fortement ces deux notions de handicap et de dpendance (en France : perte dauto-nomie). Ainsi, le droit social allemand dfinit la notion de dpendance comme toute personne ayant besoin daide pour lhygine corporelle, lalimentation, la mobilit et les tches domestiques sans distinction dge. Il distingue cependant le handicap, dventuels problmes physiques, mentaux ou psychiques ; alors mme dail-leurs que lensemble de ces causes constitue un handi-cap au sens de lOMS.

    En France, depuis la loi du 11 fvrier 2005 pour l'galit des droits et des chances, la participation et la citoyen-net des personnes handicapes , la dpendance des personnes ges est considre comme une forme de handicap. Cette loi dfinit le handicap sans critre dge. La dpendance est ainsi juridiquement une sous-cat-gorie du handicap et les personnes dpendantes sont des personnes handicapes, attributaires du droit compensation pos par larticle 11 de la loi du 11 fvrier 2005 (L.114-1-1 du code de laction sociale et des familles, CASF). La loi supprime ainsi le critre dge qui dfinit le champ dapplication de ce droit. La distinction se retrouve pourtant dans les prestations accordes aux personnes en situation de handicap et les personnes ges.

    I.2 - Chiffres clsLes diffrences dans la dfinition nationale, dans les modes de recensement et de prise en charge influent sur les chiffres prcis pour dterminer le nombre de personnes en situation de handicap.

    Contrairement au sexe et lge, le handicap nest pas une variable statistique clairement dfinissable, mais un terme ouvert interprtation en fonction du contexte et des modalits de recensement. Le cas du recense-ment en Irlande en 2006 a montr un cart de 9 points entre les personnes stant dclares ds lenvoi du questionnaire (9 %) et celles qui se sont dclares lors de lenqute (18 %). Le nombre de questions et le format personnalis de lenqute ont permis de mieux identifier les personnes en situation de handicap24. Les chiffres sont le plus souvent issus de dclarations. Or, le handicap revt un caractre subjectif. Ainsi les personnes ges qui peuvent elles aussi connaitre une situation dont les caractristiques sont proches de celles du handicap, ne se dclarent pas comme tel, estimant leur tat en rapport avec leur ge.

    Handicap etS A N T

    Les adultes handicaps sont plus susceptibles de :

    TRE OBSE

    AVOIR UNE PRESSIONARTRIELLE LEVE

    Avechandicaps

    Sanshandicaps

    38,4% 24,4%

    41,7% 26,3%

    Les personnes vivants avec un handicap sont

    3x plus susceptibles davoirmaladie cardiaque, AVC, diabtes, ou cancerSource: Center for Disease Control and Prevention- 2015

    Infographie sur limpact du handicap

    TRE INACTIFS 36,3% 23,9%

    FUMER 30,3% 16,7%

    07

  • I - IntroductionL'conomie des risques englobe l'ensemble des transac-tions entre assureurs et assurs dont le but est la couver-ture des dommages qui dcoulent des risques, contre le paiement d'une prime. En ralit, l'assurance enca-dre les risques avant (ex ante) et aprs (ex post) la surve-nance d'un sinistre. Mais son rle primordial est d'inter-venir quand l'vnement assur se produit et de ddom-mager ses consquences. Autrement dit, le risque devient rel au moment o le sinistre apparat. C'est la concrti-sation des risques qui constitue le vritable enjeu des assurances. Une des caractristiques du modle cono-mique assurantiel consiste transfrer un risque par une personne, prise dans sa singularit de personne physique ou morale vers un assureur (quel que soit son statut juridique : socit capital ou mutuelle) en change duquel lassur versera une prime ou des cotisations et bnficiera de contreparties lors de la survenance de ce risque. La capacit de l'assureur garantir une multi-tude de personnes face divers risques rside dans un double facteur : la mutualisation des risques et des primes entre tous les assurs, et la capacit statis-tique des assureurs envisager le risque et adapter les primes/cotisations en fonction de ces donnes.

    Le modle conomique est particulirement prenne ds lors que les assurs paient leur prime et que leurs besoins sont identifiables en matire de couverture. Or, quel que soit le handicap, dont la dfinition sera abor-de un peu plus tard, le modle conomique tradition-nel de lassurance peut tre boulevers. En effet, plusieurs problmatiques, semblables de nombreux pays, sont observables et risquent de bouleverser ce modle : vieillissement des populations, baisse des dpenses publiques de sant, augmentation des pratiques risques. Les statistiques montrent que le handicap gnre un risque plus important de dvelopper dautres mala-dies, dtre en retrait de la vie conomique et sociale et donc en extrapolant aux compagnies dassurance, de faire plus souvent appel un assureur (image ci-contre : Disability and health1). Lexistence dune occurrence statistique suprieure la moyenne conduit les assu-reurs craindre des mcanismes de slection adverse. Ainsi, la Banque mondiale estime que seules 5 15 % des 70 millions de personnes ayant besoin dun fauteuil roulant y ont accs, et 200 millions de personnes mal-voyantes nont pas accs aux lunettes ou aux dispo-sitifs permettant de corriger une mauvaise vue.

    Le secteur de lassurance se retrouve ainsi confront une difficult majeure. Comment couvrir une part impor-tante de la population mondiale, prsentant des risques suprieurs aux personnes dites valides, tout en assu-rant sa viabilit conomique et financire ?

    Aujourdhui, les personnes en situation de handicap constituent le plus grand groupe minoritaire du monde 2.

    La Banque mondiale indique ainsi que plus dun milliard de personnes vivent avec un handicap, soit 15 % de la population mondiale. Un chiffre qui devrait crotre au cours des prochaines dcennies, du fait de lapparition de nouveaux facteurs de risques (maladie, augmen-tation de la dure de vie, conflit, terrorisme.). De son ct lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS3), consi-dre ainsi que les personnes handicapes ont une probabilit 50 % plus forte de devoir faire face des dpenses de sant catastrophiques et que cela est susceptible dentrainer leur famille dans la pauvret4. Divers mcanismes existent, coexistent ou peuvent tre mis en uvre pour amliorer la couverture et laccessi-bilit, tant technique que financire, de tous aux services de soins. Pourtant les progrs des sciences et des techniques naugmentent-ils pas les perspectives de pouvoir rduire les effets du handicap (mythe de lHomme rpar) ?

    Si cette situation entrane une relle responsabilit pour les assureurs, elle implique une rflexion sur les couver-tures proposes, et sur le dveloppement possible des produits accessibles et efficaces destins aux personnes en situation de handicap. Cette adquation entre loffre de service et le besoin est dautant plus importante que les spcificits personnelles (diffrenciation des handi-caps, diffrenciation des situations sociales.) peuvent faire grandement varier leurs besoins assurantiels. Aujour- dhui, les assureurs ont privilgi la catgorisation des handicaps sans prendre en compte les situations indivi-duelles, ncessaires une dfinition prcise du risque, dfinition utile autant pour lassur (couverture efficiente) que pour lassureur (risque mesur).

    Le premier jalon vers une socit plus humaine serait daccepter que les personnes vulnrabilises par le handicap ont hrit dun rle salutaire de veilleur. Dans notre socit daujourdhui, dboussole, les veilleurs, que sont les personnes fragiles nous indiquent une autre voie pour nous diriger vers une socit plus humaine5. tudier les dispositifs assurantiels dvelopps au profit des personnes en situation de handicap apparat donc comme clairant pour le monde de lassurance afin dtre en veille sur son propre secteur et dapporter des solutions nouvelles pour faire progresser et voluer la socit dans son ensemble, et grer les dfis qui lattendent : dveloppement de la prise en charge domicile, inclu-sion des personnes handicapes au sein de la socit ou prvention des comportements risques (addictions, conduite risque.). Par exemple, 80 % des dficiences visuelles et la quasi-totalit des dficiences auditives pourraient tre vites grce des stratgies prven-tives et curatives6.

    I.1 - DfinitionUn des enjeux importants de lassurance reste doffrir chacun une couverture adapte ses besoins et ses moyens afin dattnuer les chocs auxquels les mnages sont confronts7.

    Cette vision protectrice de lassurance (par tymologie, lassurance signifie apporter de la scurit son bn-ficiaire8) est essentielle ds lors quon lie la notion das-surance et de handicap.

    LOMS dfinit depuis 1946 la sant comme un tat de complet bien-tre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmit.9 La notion de handicap pourrait ds lors sentendre a contrario, lorsque ltat complet de bien-tre nest pas pleinement et entirement atteint. Pour autant, les notions de Handicap et de Sant ne sont pas forc-ment antagonistes. Ainsi, dans une tude mene en Australie auprs de personnes lourdement ou svre-ment handicapes, 40 % dentre elles estimaient leur tat de sant comme bon, trs bon ou excellent10.

    Si la dfinition de sant, au sens de lOMS, na pas volu depuis la constitution de lorganisme, la notion de handi-cap est plus complexe. Elle est particulirement proti-forme car elle envisage des ralits trs diffrentes.

    Historiquement, le handicap a t abord avec une approche causale, dite aussi approche mdicale11. Les causes du handicap ne sont pas toujours visibles et sont souvent loignes du clich de la personne en situa-

    tion de handicap avec un fauteuil roulant. Plusieurs causes peuvent tre ainsi mises en exergue : affection de longue dure (ALD), accident de la route, du travail, de la vie courante. Concernant les ALD, elles peuvent tre lies une maladie, une hrdit mais aussi lies la vie quotidienne (malnutrition, absence dactivit sportive, conduite addictive tabagisme, alcoolisme, stupfiants). Le rapport mondial de lOMS estime que les maladies chroniques sont lorigine de 66,5 % de lensemble des annes vcues avec une incapacit12 dans les pays revenu faible ou intermdiaire13. Elles reprsenteraient aujourdhui 40 % des dpenses de sant dans une vie14.

    Depuis 2001, la classification internationale du fonction-nement du handicap et de la sant (CIF)15 dfinit, le handi-cap comme un terme gnrique dsignant les dficiences16, limitations dactivit et restrictions de participation .

    En 2001 ltablissement de la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapes (CRDPH)17 marque un changement important dans la comprhension mondiale de la notion de handicap. Les institutions internationales ont intgr la notion denvironnement social la dfinition du handicap, mettant ainsi plus en exergue les consquences que les causes18. Derrire cette notion denvironnement, lide est de partager les responsabilits, et de changer le regard de la socit sur le handicap. Cette vision vise remettre en cause le fatalisme li au caractre naturel du handi-cap en faveur de la ncessaire prise en compte de lindividu au sein dune communaut de vie. Ainsi, quelle soit malade chronique, handicape moteur ou dficiente visuelle, ce qui met la personne en situa-tion de handicap est lenvironnement dans lequel elle volue, et les barrires se traduisent par une rduction partielle ou totale de la capacit accomplir certains gestes ou certaines activits allant des actes lmentaires physiques (se tenir debout, se lever, monter un escalier, etc.) ou psychiques (mmoriser, etc.), aux actes plus complexes (s'habiller, se servir d'un tlphone, parler avec plusieurs personnes, etc.) 19.

    5 Philippe POZZO DI BORGO, Jean VANIER, Laurent de CHERISEY Tous intouchables ? p246 Budget Programme 2016 2017 Organisation Mondiale de la Sant7 Protger les plus dmunis Guide de la micro-assurance Craig Churchill Daprs MCCORD 20058 Risque, assurance et irrversibilit Andras NOVEMBER et Valrie NOVEMBER Revue europenne des sciences sociales 2004 p 161 - 1799 Principes de la Constitution de lOrganisation de lOMS, adopts en 1946 par 61 tats10 National Health Survey 20078: summary of results. Canberra, Australian Bureau of Statistics, 200911 Oliver M. The politics of disablement. Basingstoke, Macmillan and St Martins

    Press, 1990.

    12 Mesure l'importance de la perturbation. Elle est donc la consquence dune ou de plusieurs dficiences dun organe ou dun systme sur le fonctionnementde lindividu. Elle se traduit par une rduction partielle ou totale de la capacit accomplir certains gestes ou certaines activits allant des actes lmentairesphysiques (se tenir debout, se lever, monter un escalier, etc.) ou psychiques (mmoriser, etc.), aux actes plus complexes (s'habiller, se servir d'un tlphone, parler avec plusieurs personnes, etc.).

    13 Rapport mondial sur le handicap publi par lOMS et la Banque mondiale - 201114 Maintien domicile des personnes fragiles rapport dtonnement de

    latelier Institut des hautes tudes pour la science et la technologie15 Organisation Mondiale de la Sant rsolution WHA 54.21 - 200116 Altration dune structure ou dune fonction psychologique, physiologique

    ou anatomique. Elle rsulte d'une maladie (comme cest le cas pour les personnes ges) ou d'un traumatisme. Cette perturbation peut tre permanente ou temporaire. Une notion voisine plus couramment utilise est celle d'invalidit.

    17 Texte adopt par les Nations-Unies en 2006, qui a pour objet de promouvoir, protger et assurer la pleine et gale jouissance de tous les droits de lhomme et de toutes les liberts fondamentales par les personnes handicapes et de promouvoir le respect de leur dignit intrinsque.

    18 Leonardi M et al. MHADIE Consortium The definition of disability: what is in a name? Lancet, 2006

    19 Assurance dpendance : comment rendre lassurance individuelle plus attractive pour les clients et les assureurs ? Christelle DELFAU Travaux de lcole Nationale dAssurances - 2011

    Lexprience du handicap se caractrise alors par linteraction entre des personnes prsentant des dficiences et les barrires comportementales et environnementales qui font obstacle leur pleine et effective participation la socit sur la base de lga-lit avec les autres 20.

    Cette vision du handicap prend sa source dans la Vie Autonome aux tats-Unis21, qui prne que le handicap nest pas li la personne mais aux barrires physiques et psychologiques que dresse la socit. Ainsi, ce ne sont pas seulement linfirmit motrice, la dficience visuelle, la maladie de Crown, le diabte qui constituent le handicap mais le fait quils engendrent des attitudes ngatives (violence, moquerie), labsence daccs certains services (transports, btiments publics, soins) voire mme aux activits sociales (travail, loisirs,). Cette dfinition se retrouve galement dans des textes et politiques europens. En Norvge, par exemple, le handi-cap est considr comme un dcalage entre les capa-cits dune part, les attentes de lindividu et, dautre part, les exigences de lenvironnement et de la socit pour prserver et maintenir dans des domaines qui sont essen-tiels pour tablir et maintenir une vie sociale indpen-dante .22 Et derrire cette dfinition, cest lide que le handicap cre un dsavantage injuste dans la vie prive, sociale, ou professionnelle dune personne .23

    Cette approche permet galement dtre optimiste quant la situation des personnes handicapes, puisquun grand nombre de barrires peuvent tre leves par des mesures prventives (sensibilisation sur les risques, sur le handicap lui-mme), correctives (amnagements des locaux, des lieux publics) et compensatoires (assu-rance, Scurit sociale..).

    Cette nouvelle approche environnementaliste a gale-ment pour particularit de ne pas aborder le handicap sous langle de lge. Cest la capacit, ou non, dintera-gir avec son environnement ou daccomplir des actes de la vie courante (manger seul, signer des docu-ments, se dplacer,), qui va primer pour qualifier la perte dautonomie et la dpendance de la personne, et dfinir ainsi son degr de handicap.

    Les textes nationaux lient fortement ces deux notions de handicap et de dpendance (en France : perte dauto-nomie). Ainsi, le droit social allemand dfinit la notion de dpendance comme toute personne ayant besoin daide pour lhygine corporelle, lalimentation, la mobilit et les tches domestiques sans distinction dge. Il distingue cependant le handicap, dventuels problmes physiques, mentaux ou psychiques ; alors mme dail-leurs que lensemble de ces causes constitue un handi-cap au sens de lOMS.

    En France, depuis la loi du 11 fvrier 2005 pour l'galit des droits et des chances, la participation et la citoyen-net des personnes handicapes , la dpendance des personnes ges est considre comme une forme de handicap. Cette loi dfinit le handicap sans critre dge. La dpendance est ainsi juridiquement une sous-cat-gorie du handicap et les personnes dpendantes sont des personnes handicapes, attributaires du droit compensation pos par larticle 11 de la loi du 11 fvrier 2005 (L.114-1-1 du code de laction sociale et des familles, CASF). La loi supprime ainsi le critre dge qui dfinit le champ dapplication de ce droit. La distinction se retrouve pourtant dans les prestations accordes aux personnes en situation de handicap et les personnes ges.

    I.2 - Chiffres clsLes diffrences dans la dfinition nationale, dans les modes de recensement et de prise en charge influent sur les chiffres prcis pour dterminer le nombre de personnes en situation de handicap.

    Contrairement au sexe et lge, le handicap nest pas une variable statistique clairement dfinissable, mais un terme ouvert interprtation en fonction du contexte et des modalits de recensement. Le cas du recense-ment en Irlande en 2006 a montr un cart de 9 points entre les personnes stant dclares ds lenvoi du questionnaire (9 %) et celles qui se sont dclares lors de lenqute (18 %). Le nombre de questions et le format personnalis de lenqute ont permis de mieux identifier les personnes en situation de handicap24. Les chiffres sont le plus souvent issus de dclarations. Or, le handicap revt un caractre subjectif. Ainsi les personnes ges qui peuvent elles aussi connaitre une situation dont les caractristiques sont proches de celles du handicap, ne se dclarent pas comme tel, estimant leur tat en rapport avec leur ge.

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  • I - IntroductionL'conomie des risques englobe l'ensemble des transac-tions entre assureurs et assurs dont le but est la couver-ture des dommages qui dcoulent des risques, contre le paiement d'une prime. En ralit, l'assurance enca-dre les risques avant (ex ante) et aprs (ex post) la surve-nance d'un sinistre. Mais son rle primordial est d'inter-venir quand l'vnement assur se produit et de ddom-mager ses consquences. Autrement dit, le risque devient rel au moment o le sinistre apparat. C'est la concrti-sation des risques qui constitue le vritable enjeu des assurances. Une des caractristiques du modle cono-mique assurantiel consiste transfrer un risque par une personne, prise dans sa singularit de personne physique ou morale vers un assureur (quel que soit son statut juridique : socit capital ou mutuelle) en change duquel lassur versera une prime ou des cotisations et bnficiera de contreparties lors de la survenance de ce risque. La capacit de l'assureur garantir une multi-tude de personnes face divers risques rside dans un double facteur : la mutualisation des risques et des primes entre tous les assurs, et la capacit statis-tique des assureurs envisager le risque et adapter les primes/cotisations en fonction de ces donnes.

    Le modle conomique est particulirement prenne ds lors que les assurs paient leur prime et que leurs besoins sont identifiables en matire de couverture. Or, quel que soit le handicap, dont la dfinition sera abor-de un peu plus tard, le modle conomique tradition-nel de lassurance peut tre boulevers. En effet, plusieurs problmatiques, semblables de nombreux pays, sont observables et risquent de bouleverser ce modle : vieillissement des populations, baisse des dpenses publiques de sant, augmentation des pratiques risques. Les statistiques montrent que le handicap gnre un risque plus important de dvelopper dautres mala-dies, dtre en retrait de la vie conomique et sociale et donc en extrapolant aux compagnies dassurance, de faire plus souvent appel un assureur (image ci-contre : Disability and health1). Lexistence dune occurrence statistique suprieure la moyenne conduit les assu-reurs craindre des mcanismes de slection adverse. Ainsi, la Banque mondiale estime que seules 5 15 % des 70 millions de personnes ayant besoin dun fauteuil roulant y ont accs, et 200 millions de personnes mal-voyantes nont pas accs aux lunettes ou aux dispo-sitifs permettant de corriger une mauvaise vue.

    Le secteur de lassurance se retrouve ainsi confront une difficult majeure. Comment couvrir une part impor-tante de la population mondiale, prsentant des risques suprieurs aux personnes dites valides, tout en assu-rant sa viabilit conomique et financire ?

    Aujourdhui, les personnes en situation de handicap constituent le plus grand groupe minoritaire du monde 2.

    La Banque mondiale indique ainsi que plus dun milliard de personnes vivent avec un handicap, soit 15 % de la population mondiale. Un chiffre qui devrait crotre au cours des prochaines dcennies, du fait de lapparition de nouveaux facteurs de risques (maladie, augmen-tation de la dure de vie, conflit, terrorisme.). De son ct lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS3), consi-dre ainsi que les personnes handicapes ont une probabilit 50 % plus forte de devoir faire face des dpenses de sant catastrophiques et que cela est susceptible dentrainer leur famille dans la pauvret4. Divers mcanismes existent, coexistent ou peuvent tre mis en uvre pour amliorer la couverture et laccessi-bilit, tant technique que financire, de tous aux services de soins. Pourtant les progrs des sciences et des techniques naugmentent-ils pas les perspectives de pouvoir rduire les effets du handicap (mythe de lHomme rpar) ?

    Si cette situation entrane une relle responsabilit pour les assureurs, elle implique une rflexion sur les couver-tures proposes, et sur le dveloppement possible des produits accessibles et efficaces destins aux personnes en situation de handicap. Cette adquation entre loffre de service et le besoin est dautant plus importante que les spcificits personnelles (diffrenciation des handi-caps, diffrenciation des situations sociales.) peuvent faire grandement varier leurs besoins assurantiels. Aujour- dhui, les assureurs ont privilgi la catgorisation des handicaps sans prendre en compte les situations indivi-duelles, ncessaires une dfinition prcise du risque, dfinition utile autant pour lassur (couverture efficiente) que pour lassureur (risque mesur).

    Le premier jalon vers une socit plus humaine serait daccepter que les personnes vulnrabilises par le handicap ont hrit dun rle salutaire de veilleur. Dans notre socit daujourdhui, dboussole, les veilleurs, que sont les personnes fragiles nous indiquent une autre voie pour nous diriger vers une socit plus humaine5. tudier les dispositifs assurantiels dvelopps au profit des personnes en situation de handicap apparat donc comme clairant pour le monde de lassurance afin dtre en veille sur son propre secteur et dapporter des solutions nouvelles pour faire progresser et voluer la socit dans son ensemble, et grer les dfis qui lattendent : dveloppement de la prise en charge domicile, inclu-sion des personnes handicapes au sein de la socit ou prvention des comportements risques (addictions, conduite risque.). Par exemple, 80 % des dficiences visuelles et la quasi-totalit des dficiences auditives pourraient tre vites grce des stratgies prven-tives et curatives6.

    I.1 - DfinitionUn des enjeux importants de lassurance reste doffrir chacun une couverture adapte ses besoins et ses moyens afin dattnuer les chocs auxquels les mnages sont confronts7.

    Cette vision protectrice de lassurance (par tymologie, lassurance signifie apporter de la scurit son bn-ficiaire8) est essentielle ds lors quon lie la notion das-surance et de handicap.

    LOMS dfinit depuis 1946 la sant comme un tat de complet bien-tre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmit.9 La notion de handicap pourrait ds lors sentendre a contrario, lorsque ltat complet de bien-tre nest pas pleinement et entirement atteint. Pour autant, les notions de Handicap et de Sant ne sont pas forc-ment antagonistes. Ainsi, dans une tude mene en Australie auprs de personnes lourdement ou svre-ment handicapes, 40 % dentre elles estimaient leur tat de sant comme bon, trs bon ou excellent10.

    Si la dfinition de sant, au sens de lOMS, na pas volu depuis la constitution de lorganisme, la notion de handi-cap est plus complexe. Elle est particulirement proti-forme car elle envisage des ralits trs diffrentes.

    Historiquement, le handicap a t abord avec une approche causale, dite aussi approche mdicale11. Les causes du handicap ne sont pas toujours visibles et sont souvent loignes du clich de la personne en situa-

    tion de handicap avec un fauteuil roulant. Plusieurs causes peuvent tre ainsi mises en exergue : affection de longue dure (ALD), accident de la route, du travail, de la vie courante. Concernant les ALD, elles peuvent tre lies une maladie, une hrdit mais aussi lies la vie quotidienne (malnutrition, absence dactivit sportive, conduite addictive tabagisme, alcoolisme, stupfiants). Le rapport mondial de lOMS estime que les maladies chroniques sont lorigine de 66,5 % de lensemble des annes vcues avec une incapacit12 dans les pays revenu faible ou intermdiaire13. Elles reprsenteraient aujourdhui 40 % des dpenses de sant dans une vie14.

    Depuis 2001, la classification internationale du fonction-nement du handicap et de la sant (CIF)15 dfinit, le handi-cap comme un terme gnrique dsignant les dficiences16, limitations dactivit et restrictions de participation .

    En 2001 ltablissement de la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapes (CRDPH)17 marque un changement important dans la comprhension mondiale de la notion de handicap. Les institutions internationales ont intgr la notion denvironnement social la dfinition du handicap, mettant ainsi plus en exergue les consquences que les causes18. Derrire cette notion denvironnement, lide est de partager les responsabilits, et de changer le regard de la socit sur le handicap. Cette vision vise remettre en cause le fatalisme li au caractre naturel du handi-cap en faveur de la ncessaire prise en compte de lindividu au sein dune communaut de vie. Ainsi, quelle soit malade chronique, handicape moteur ou dficiente visuelle, ce qui met la personne en situa-tion de handicap est lenvironnement dans lequel elle volue, et les barrires se traduisent par une rduction partielle ou totale de la capacit accomplir certains gestes ou certaines activits allant des actes lmentaires physiques (se tenir debout, se lever, monter un escalier, etc.) ou psychiques (mmoriser, etc.), aux actes plus complexes (s'habiller, se servir d'un tlphone, parler avec plusieurs personnes, etc.) 19.

    Lexprience du handicap se caractrise alors par linteraction entre des personnes prsentant des dficiences et les barrires comportementales et environnementales qui font obstacle leur pleine et effective participation la socit sur la base de lga-lit avec les autres 20.

    Cette vision du handicap prend sa source dans la Vie Autonome aux tats-Unis21, qui prne que le handicap nest pas li la personne mais aux barrires physiques et psychologiques que dresse la socit. Ainsi, ce ne sont pas seulement linfirmit motrice, la dficience visuelle, la maladie de Crown, le diabte qui constituent le handicap mais le fait quils engendrent des attitudes ngatives (violence, moquerie), labsence daccs certains services (transports, btiments publics, soins) voire mme aux activits sociales (travail, loisirs,). Cette dfinition se retrouve galement dans des textes et politiques europens. En Norvge, par exemple, le handi-cap est considr comme un dcalage entre les capa-cits dune part, les attentes de lindividu et, dautre part, les exigences de lenvironnement et de la socit pour prserver et maintenir dans des domaines qui sont essen-tiels pour tablir et maintenir une vie sociale indpen-dante .22 Et derrire cette dfinition, cest lide que le handicap cre un dsavantage injuste dans la vie prive, sociale, ou professionnelle dune personne .23

    Cette approche permet galement dtre optimiste quant la situation des personnes handicapes, puisquun grand nombre de barrires peuvent tre leves par des mesures prventives (sensibilisation sur les risques, sur le handicap lui-mme), correctives (amnagements des locaux, des lieux publics) et compensatoires (assu-rance, Scurit sociale..).

    Cette nouvelle approche environnementaliste a gale-ment pour particularit de ne pas aborder le handicap sous langle de lge. Cest la capacit, ou non, dintera-gir avec son environnement ou daccomplir des actes de la vie courante (manger seul, signer des docu-ments, se dplacer,), qui va primer pour qualifier la perte dautonomie et la dpendance de la personne, et dfinir ainsi son degr de handicap.

    Les textes nationaux lient fortement ces deux notions de handicap et de dpendance (en France : perte dauto-nomie). Ainsi, le droit social allemand dfinit la notion de dpendance comme toute personne ayant besoin daide pour lhygine corporelle, lalimentation, la mobilit et les tches domestiques sans distinction dge. Il distingue cependant le handicap, dventuels problmes physiques, mentaux ou psychiques ; alors mme dail-leurs que lensemble de ces causes constitue un handi-cap au sens de lOMS.

    En France, depuis la loi du 11 fvrier 2005 pour l'galit des droits et des chances, la participation et la citoyen-net des personnes handicapes , la dpendance des personnes ges est considre comme une forme de handicap. Cette loi dfinit le handicap sans critre dge. La dpendance est ainsi juridiquement une sous-cat-gorie du handicap et les personnes dpendantes sont des personnes handicapes, attributaires du droit compensation pos par larticle 11 de la loi du 11 fvrier 2005 (L.114-1-1 du code de laction sociale et des familles, CASF). La loi supprime ainsi le critre dge qui dfinit le champ dapplication de ce droit. La distinction se retrouve pourtant dans les prestations accordes aux personnes en situation de handicap et les personnes ges.

    I.2 - Chiffres clsLes diffrences dans la dfinition nationale, dans les modes de recensement et de prise en charge influent sur les chiffres prcis pour dterminer le nombre de personnes en situation de handicap.

    Contrairement au sexe et lge, le handicap nest pas une variable statistique clairement dfinissable, mais un terme ouvert interprtation en fonction du contexte et des modalits de recensement. Le cas du recense-ment en Irlande en 2006 a montr un cart de 9 points entre les personnes stant dclares ds lenvoi du questionnaire (9 %) et celles qui se sont dclares lors de lenqute (18 %). Le nombre de questions et le format personnalis de lenqute ont permis de mieux identifier les personnes en situation de handicap24. Les chiffres sont le plus souvent issus de dclarations. Or, le handicap revt un caractre subjectif. Ainsi les personnes ges qui peuvent elles aussi connaitre une situation dont les caractristiques sont proches de celles du handicap, ne se dclarent pas comme tel, estimant leur tat en rapport avec leur ge.

    20 Rapport mondial sur le handicap publi par lOMS et la Banque Mondiale - 201121 Mouvement et philosophie, apparus sur les campus universitaires californiens

    dans les annes 1960. 22 Mieux accompagner et inclure les personnes en situation de handicap : un

    dfi, une ncessit Christel PRADO Juin 201423 Chapitre 17 le handicap et le travail (Concepts et dfinitions) Willi MOMM

    et Otto GEIECKER Bureau International du Travail 24 National Disability Survey 2006: first results. Dublin, Stationery Office, 2008

    Dpendance

    Handicap

    Incapacits

    Dficience

    Maladie

    Du concept de maladie au concept de dpendance

    Source : OMS

    09

  • En France, en 2015, sur 12 millions de personnes touches par le handicap :

    80 % ont un handicap dit invisible,

    13,4 % ont une dficience motrice,

    11,4 % sont atteintes dune dficience sensorielle,

    9,8 % souffrent dune dficience organique,

    6,6 % sont atteintes dune dficience intellectuelle ou mentale,

    2 3 % de la population utilisent un fauteuil roulant.

    Sources : INSEE, FIFHFP, AGEFIPH, association franaise des aidants

    Par consquent, les donnes relatives au handicap ne peuvent fournir que des approximations et doivent tre traites avec la plus grande prudence. Cependant, llaboration dune classification internationale a eu pour but dharmoniser les modes de calcul. Ainsi, ltude mene par la Banque mondiale et lOMS men-tionne que le handicap concernerait plus dun milliard de personnes travers le globe. Le handicap touche de manire disproportionne les populations vuln-rables, les plus dmunies, et les minorits (femmes, ethnies, enfants, personnes ges). Des chiffres font clairement apparatre une forte disparit entre les pays industrialiss et les pays en voie de dveloppement puisque 80 % des personnes en situation de handi-cap vivent dans les pays du Sud. Parmi cette impor-tante minorit, 190 millions de personnes seraient atteintes dun handicap dit svre, cest--dire quelles rencontrent de graves difficults dans leur vie quoti-dienne : manque daccs aux soins primaires, absences de services de prise en charge, de suivi et de radap-tation, limitation des accs aux lieux publics, aux trans-ports, ainsi qu linformation.

    Certaines communauts sont cependant plus touches. Ainsi, la prvalence est plus forte chez les femmes, les communauts ethniques (image ci-contre : Disability and Communities pour les tats-Unis25) et chez les personnes ges. Les donnes des enqutes menes dans certains pays montrent que les enfants des foyers dmunis et ceux appartenant des minorits ethniques sont aussi significativement plus exposs au risque de handicap que les autres26.

    LOMS a mis en avant une corrlation entre handicap et pauvret. Les statistiques sappuient sur le fait que les personnes ne travaillant pas, ayant un faible revenu ou un faible niveau dducation sont exposes un risque accru de handicap.

    Selon lOCDE, les personnes handicapes ont des reve-nus infrieurs la moyenne de la population. En Norvge,

    Suisse, Danemark, Finlande, Pays-Bas et Pologne, ils sont en moyenne infrieurs de 10 15 % alors que la proportion atteint 30 % en Irlande. En France, l'allocation adulte handicape (AAH), dont le montant taux plein est au 1er avril 2017 de 810,89 euros et reste au-dessous du seuil de pauvret fix 1008 euros en 2014.

    Paralllement, les cots moyens de la dpendance pour les mnages, quils soient lis au forfait hberge-ment (de 1 200 2 300 euros par mois en moyenne en France, environ 3 000 euros par mois en Espagne) ou domicile (1 500 euros par mois en moyenne) restent infrieurs la pension moyenne de 1 376 euros perus par les 16 millions de retraits en France, laissant prsa-ger un accroissement de la pauprisation des personnes ges en situation de handicap.

    Le professeur Amartya SEN27 a indiqu que le seuil de pauvret pour les personnes handicapes devrait prendre en compte les dpenses supplmentaires qu'ils encourent dans l'exercice de ce pouvoir d'achat. Une tude au Royaume-Uni a rvl que le taux de pauvret pour les personnes handicapes tait de 23,1 % par rapport 17,9 % pour les personnes non handicapes. Pour autant, ds lors que le calcul tient compte des dpenses supplmentaires associes uniquement au handicap, le taux de pauvret pour les personnes handicapes augmente 47,4 %28.

    A travers la notion de pauvret, ce sont aussi les cat-gories professionnelles les plus fragiles qui sont les plus vulnrables face au handicap. En France, en 2008, daprs lObservatoire des Ingalits, les individus dont la catgorie socioprofessionnelle est/ou a t ouvrier29 ont en moyenne 38 % de risques en plus d'avoir au moins un handicap que la moyenne de la population de mme sexe et de mme groupe d'ge30. Cest aussi dans ces pays industrialiss31 que les gens consacrent en moyenne environ 8 ans, soit 11,5 % de leur dure de vie, vivre avec un handicap32.

    Les chiffresdu handicap en france

    En mars 2015, daprs lOMS, 5 % de la population mon-diale, soit 360 millions de personnes, souffraient dune dficience auditive incapacitante33. Un tiers des personnes touches par ce handicap sont des personnes de plus de 65 ans. 285 millions de personnes vivent avec une dficience visuelle, dont 39 millions daveugles. Il est cependant difficile davoir des chiffres mondiaux carac-trisant lensemble des donnes mondiales par type de maladie. Lexemple de la France, (les chiffres du handi-cap en France, page 10) , et des tats-Unis (ci-dessous) permet cependant didentifier des grandes familles de handicap.

    De nombreuses donnes sont galement mises en vidence sur les consquences du handicap. Ainsi, les discriminations restent encore fortes. Les femmes et les filles sont particulirement vulnrables aux abus. En Inde, la quasi-totalit des femmes handicapes ont t battues leur domicile, et 25 % des femmes ayant une dficience intellectuelle ont t violes. La violence contre les enfants handicaps est quasiment 2 fois sup-rieure celle subie par des enfants non handicaps34. Selon des enqutes menes dans 14 pays, les diffrences entre les pourcentages denfants handicaps et non-han-dicaps frquentant les coles primaires vont de 10 % en Inde 60 % en Indonsie. Au niveau du secondaire, les diffrences de frquentation vont de 15 % au Cam-bodge 58 % en Indonsie35. Les pays europens ne sont pas en reste mme si nombre dentre eux ont mis en place des structures spcifiques de scolarisation.

    Les personnes handicapes sont aussi largement victimes de discrimination au travail, renforant ainsi la

    situation de prcarit et de pauvret, susceptible dag-graver le handicap. Les donnes de lenqute sur la sant dans le monde montrent que les taux demploi pour les hommes handicaps (53 %) et les femmes handicapes (20 %) sont infrieurs ceux des hommes (65 %) et femmes (30 %) non-handicaps . Selon une tude rcente de lOrganisation de Coopration et de Dveloppement Economiques (OCDE)36, les personnes handicapes en ge de travailler dans 27 pays souffrent dun dsavantage sensible sur le march du travail et obtiennent de moins bons rsultats que les personnes sans handicap en ge de travailler. Ainsi, le taux dinac-tivit tait environ 2,5 fois plus lev chez les personnes handicapes que chez les autres (49 % et 20 %, respec-tivement).

    Pour terminer, les personnes en situation de handicap sont particulirement vulnrables aux carences de services tels que les soins de sant, la radaptation, le soutien et lassistance. Daprs les donnes obtenues dans quatre pays dAfrique australe37, seulement 26 55 % des personnes bnficiaient de la radaptation mdicale dont elles avaient besoin ; 17 37 % avaient les aides techniques ncessaires ; 5 23 % suivaient une formation professionnelle adquate ; 5 24 % bnficiaient des services daide sociale ncessaires. Des tudes dans les tats indiens de lUttar Pradesh et du Tamil Nadu ont montr quaprs le cot, cest labsence des services dans la rgion qui tait la seconde raison la plus frquente pour les personnes handicapes de ne pas aller dans les tablissements de sant38.

    I.3 - GographieLa gographie de la prise en charge du handicap tient comme souvent compte du niveau de dveloppement. Seul grand point commun, malheureusement, la stigmatisation des personnes handicapes, qui, quel que soit le lieu o le handicap existe, prend des formes assez simi-laires39. Quatre stratgies ont t mises en vidence dans la gestion du handicap dans les diffrentes socits40.

    I.3.1 - Les modles lis la gestion du handicapLe premier modle est celui de lexclusion sociale qui est officiellement le moins dominant. Il est surtout le plus souvent soit non dlibr, soit peu admis socialement, ou publiquement. Dans ce modle, il y a une rupture progressive plus ou moins brutale des liens sociaux, notamment familiaux et par effet domino, du travail ou de lcole. Sil est peu couramment admis, force est de constater que seuls 45 pays dans le monde ont une lgis-lation non discriminatoire ou en lien avec le handicap41.

    25 Infographie sur les impacts du handicap en matire de sant - Center for Disease Control and Prevention agence gouvernementale amricaine sur les questions de sant - Septembre 2015

    26 United Nations Childrens Fund, University of Wisconsin. Monitoring child disability in developing countries: results from the multiple indicator cluster surveys. New York, United Nations Childrens Fund, 2008.

    27 conomiste (Novembre 1933 - ) prix Nobel dconomie pour ses travaux sur la famine, la thorie du dveloppement humain et lconomie du bien-tre. Il a beaucoup travaill sur les mcanismes fondamentaux de la pauvret et sur le libralisme politique.

    28 Disability statistics : Facts on disabilities and disability issues mise jour le 26 janvier 2017

    29 Population ge de 15 64 ans. 30 Des catgories sociales ingales face au handicap 7 fvrier 2013

    Observatoire des ingalits31 Pays o lesprance de vie est de plus de 70 ans.32 Disability Statistics : facts on disabilities and disability Issues mise jour

    en Janvier 2017 - Disabled World

    Handicap et communauts

    Source: Center for Disease Control and Prevention- 2015

    FEMMES

    1 4surFemmes ayant

    un handicap

    MINORITS

    3 10surNoirs non-hispaniques

    ayant un handicap

    10

  • En France, en 2015, sur 12 millions de personnes touches par le handicap :

    80 % ont un handicap dit invisible,

    13,4 % ont une dficience motrice,

    11,4 % sont atteintes dune dficience sensorielle,

    9,8 % souffrent dune dficience organique,

    6,6 % sont atteintes dune dficience intellectuelle ou mentale,

    2 3 % de la population utilisent un fauteuil roulant.

    Sources : INSEE, FIFHFP, AGEFIPH, association franaise des aidants

    Par consquent, les donnes relatives au handicap ne peuvent fournir que des approximations et doivent tre traites avec la plus grande prudence. Cependant, llaboration dune classification internationale a eu pour but dharmoniser les modes de calcul. Ainsi, ltude mene par la Banque mondiale et lOMS men-tionne que le handicap concernerait plus dun milliard de personnes travers le globe. Le handicap touche de manire disproportionne les populations vuln-rables, les plus dmunies, et les minorits (femmes, ethnies, enfants, personnes ges). Des chiffres font clairement apparatre une forte disparit entre les pays industrialiss et les pays en voie de dveloppement puisque 80 % des personnes en situation de handi-cap vivent dans les pays du Sud. Parmi cette impor-tante minorit, 190 millions de personnes seraient atteintes dun handicap dit svre, cest--dire quelles rencontrent de graves difficults dans leur vie quoti-dienne : manque daccs aux soins primaires, absences de services de prise en charge, de suivi et de radap-tation, limitation des accs aux lieux publics, aux trans-ports, ainsi qu linformation.

    Certaines communauts sont cependant plus touches. Ainsi, la prvalence est plus forte chez les femmes, les communauts ethniques (image ci-contre : Disability and Communities pour les tats-Unis25) et chez les personnes ges. Les donnes des enqutes menes dans certains pays montrent que les enfants des foyers dmunis et ceux appartenant des minorits ethniques sont aussi significativement plus exposs au risque de handicap que les autres26.

    LOMS a mis en avant une corrlation entre handicap et pauvret. Les statistiques sappuient sur le fait que les personnes ne travaillant pas, ayant un faible revenu ou un faible niveau dducation sont exposes un risque accru de handicap.

    Selon lOCDE, les personnes handicapes ont des reve-nus infrieurs la moyenne de la population. En Norvge,

    Suisse, Danemark, Finlande, Pays-Bas et Pologne, ils sont en moyenne infrieurs de 10 15 % alors que la proportion atteint 30 % en Irlande. En France, l'allocation adulte handicape (AAH), dont le montant taux plein est au 1er avril 2017 de 810,89 euros et reste au-dessous du seuil de pauvret fix 1008 euros en 2014.

    Paralllement, les cots moyens de la dpendance pour les mnages, quils soient lis au forfait hberge-ment (de 1 200 2 300 euros par mois en moyenne en France, environ 3 000 euros par mois en Espagne) ou domicile (1 500 euros par mois en moyenne) restent infrieurs la pension moyenne de 1 376 euros perus par les 16 millions de retraits en France, laissant prsa-ger un accroissement de la pauprisation des personnes ges en situation de handicap.

    Le professeur Amartya SEN27 a indiqu que le seuil de pauvret pour les personnes handicapes devrait prendre en compte les dpenses supplmentaires qu'ils encourent dans l'exercice de ce pouvoir d'achat. Une tude au Royaume-Uni a rvl que le taux de pauvret pour les personnes handicapes tait de 23,1 % par rapport 17,9 % pour les personnes non handicapes. Pour autant, ds lors que le calcul tient compte des dpenses supplmentaires associes uniquement au handicap, le taux de pauvret pour les personnes handicapes augmente 47,4 %28.

    A travers la notion de pauvret, ce sont aussi les cat-gories professionnelles les plus fragiles qui sont les plus vulnrables face au handicap. En France, en 2008, daprs lObservatoire des Ingalits, les individus dont la catgorie socioprofessionnelle est/ou a t ouvrier29 ont en moyenne 38 % de risques en plus d'avoir au moins un handicap que la moyenne de la population de mme sexe et de mme groupe d'ge30. Cest aussi dans ces pays industrialiss31 que les gens consacrent en moyenne environ 8 ans, soit 11,5 % de leur dure de vie, vivre avec un handicap32.

    En mars 2015, daprs lOMS, 5 % de la population mon-diale, soit 3