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N O u V u T LIVRES D'IMAGES • Chez Albin Michel jeunesse, de Ron et Atie Van der Meer, des dépliants-devinettes qui mettent en relation: le vrai et la peluche dans Qui est vrai ?, l'animal et sa nour- riture dans Qui a la pomme ? Même principe pour Quelle forme ? et Quelle couleur ? C'est assez subtil, mais un peu com- pliqué pour le résultat. Et puis, la suite de Combien sont-ils en plus ? de Colin Hawkins : voici donc Combien sont-ils en moins ? Tout aussi drôle... D Au Centurion, une livraison un peu terne dans son ensemble, d'où se détachent trois livres exceptionnels, signés Brandenberg et Aliki. Trois petits albums dont les héros sont une famille souris, trois filles, trois gar- çons, et les parents. Tout le monde est prêt raconte un voyage fort mouvementé, Ce n'est pas ma faute met en scène les innombrables façons de se chipoter, parents com- pris, à table en particulier. Les gentils voisins est le meil- leur. Les six enfants se sentant un peu seuls veulent jouer avec les petits voisins. Ils se font rembarrer et déci- dent après plusieurs rebuffades de rester entre eux et de faire une pièce de théâtre. Ils attirent alors les autres, bien sûr, et les accueillent. La pièce intitulée « Les trois souris aveu- gles » est inénarrable. C'est très pro- che de Lobel et Rudigoz, insolent et inventif. Le gâteau d'Auguste, Centurion jeunesse. A l'Eau Mimi Cracra d'Agnès Rosenstiehl est prévisible et impecca- ble. Images nettes, détails vrais, la vie quoi. Nicolas et son robot est au con- traire une histoire trop fabriquée pour être vraiment réussie. Gérard Pussey et Michel Gay ne nous font pas vraiment croire à cette amitié entre un petit garçon fils d'inventeur et un robot, fils du même inventeur. L'opposition entre monde des mômes et monde des adultes est factice, et convenue. Je pars à la guerre, je serai là pour le goûter, de Béatrice Ponce- let, est un livre-collage à la première personne. Béatrice Poncelet en avait déjà réalisé un sur ce mode. Un petit garçon fait l'inventaire de sa vie et de ses journées. On voit ses jouets, et des photos qui signalent une violence latente. Mais la poésie se fait trop pesante, et la symbolique appuyée. On voit assez mal à quels enfants ce livre s'adresse. • Le chevalier, la princesse et le dragon amusera beaucoup les gens de quatre ou cinq ans ; c'est une mignonne histoire de cochons très anglais, Alfred et Susie. L'intrigue est mince, mais propice aux rêves. Une nouvelle collection, Mon anni- versaire, synthétise pour chaque âge les moments spécifiques. On voit ainsi l'allure de la vie d'Amélie à un an, d'Alice à cinq ans... C'est psychologiquement et sociolo- giquement rigoureux, mais un peu décevant. Les gentils voisins, Centurion jeunesse. 8 /LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

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LIVRES

D'IMAGES

• Chez Albin Michel jeunesse, deRon et Atie Van der Meer, desdépliants-devinettes qui mettent enrelation: le vrai et la peluche dansQui est vrai ?, l'animal et sa nour-riture dans Qui a la pomme ?Même principe pour Quel leforme ? et Quelle couleur ?C'est assez subtil, mais un peu com-pliqué pour le résultat.Et puis, la suite de Combien sont-ilsen plus ? de Colin Hawkins : voicidonc Combien sont-ils enmoins ? Tout aussi drôle...

D Au Centurion, une livraison unpeu terne dans son ensemble, d'où sedétachent trois livres exceptionnels,signés Brandenberg et Aliki. Troispetits albums dont les héros sont unefamille souris, trois filles, trois gar-çons, et les parents. Tout lemonde est prêt raconte un voyagefort mouvementé, Ce n'est pas mafaute met en scène les innombrablesfaçons de se chipoter, parents com-pris, à table en particulier.Les gentils voisins est le meil-leur. Les six enfants se sentant unpeu seuls veulent jouer avec les petitsvoisins. Ils se font rembarrer et déci-dent après plusieurs rebuffades derester entre eux et de faire une piècede théâtre. Ils attirent alors lesautres, bien sûr, et les accueillent. Lapièce intitulée « Les trois souris aveu-gles » est inénarrable. C'est très pro-che de Lobel et Rudigoz, insolent etinventif.

Le gâteau d'Auguste,Centurion jeunesse.

A l'Eau Mimi Cracra d'AgnèsRosenstiehl est prévisible et impecca-ble. Images nettes, détails vrais, la viequoi.

Nicolas et son robot est au con-traire une histoire trop fabriquéepour être vraiment réussie. GérardPussey et Michel Gay ne nous fontpas vraiment croire à cette amitiéentre un petit garçon fils d'inventeuret un robot, fils du même inventeur.L'opposition entre monde des mômeset monde des adultes est factice, etconvenue.

Je pars à la guerre, je serai làpour le goûter, de Béatrice Ponce-let, est un livre-collage à la premièrepersonne. Béatrice Poncelet en avaitdéjà réalisé un sur ce mode. Un petitgarçon fait l'inventaire de sa vie et deses journées. On voit ses jouets, et desphotos qui signalent une violencelatente. Mais la poésie se fait troppesante, et la symbolique appuyée.On voit assez mal à quels enfants celivre s'adresse.

• Le chevalier, la princesse et ledragon amusera beaucoup les gensde quatre ou cinq ans ; c'est unemignonne histoire de cochons trèsanglais, Alfred et Susie. L'intrigueest mince, mais propice aux rêves.Une nouvelle collection, Mon anni-versaire, synthétise pour chaque âgeles moments spécifiques. On voitainsi l'allure de la vie d'Amélie àun an, d'Alice à cinq ans...C'est psychologiquement et sociolo-giquement rigoureux, mais un peudécevant.

Les gentils voisins,Centurion jeunesse.

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Le gâteau d'Auguste, de SvenNordqvist, c'est celui que leditAuguste confectionne trois fois paran pour son chat, qui a trois anniver-saires... Cette fois-ci il doit mettretoute sa ténacité pour parvenir à sesfins. C'est une histoire imperturbableet logique. Avec des images dont laséduction opère progressivement,mais à tout coup.

Dans La nuit Kersti Chaplet décritla vie la nuit. Des tableaux d'uneréelle beauté.

• Chez Duculot, deux titres deMarie H. Henry, Une journéechez grand-mère et Une jour-née comme une autre. Deux his-toires familiales style Beatrix Potter,petits lapins ronds et mignons. Ças'agite, ça a faim, ça se dispute et çase fait des farces. Fautes de ton etfacilité, un registre convenu.Angelina et la princesse faitsuite à Angelina ballerine. HelenCraig et Katherine Holabird nouscontent la triste histoire de cettepetite souris enfin devenue ballerine,mais qui a la mauvaise idée de tom-ber malade juste au moment desrépétitions du spectacle qui seradonné à la princesse. Résultat : pasde rôle. Jalousie. Plus qu'à espérer,non sans hypocrisie en plus, que lavedette choisie se casse la patte. Cequi arrive, alléluia. D'assez joliesimages pour une histoire pleine devilains sentiments mal déguisés, etmal ficelée de surcroît.Pour se consoler, deux albums deMartha Alexander. Pas de canarddans ma baignoire est l'histoireclassique du conflit entre un garçonet sa mère qui ne veut pas d'animal àla maison. Heureusement l'enfant aun complice, le voisin, monsieurLéon. Heureusement la nature saitménager ses surprises, et toutes sor-tes de choses peuvent sortir d'oeufsbanals.

N'aie pas peur Teddy, je teprotégerai des bêtes sauva-

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-

ges : dans le bois, le petit garçonréconforte son ours, ça lui donne del'assurance. De l'ombre sortent desbruits inquiétants. Mais voilà que lapeur jugulée par les mots augmente...L'ours materné devient protecteur.Et grandit. Remarquable. {Voir fichedans ce numéro.)

D A Y Ecole des loisirs, Beurk deJames Stevenson. Emma la petite sor-cière aimerait bien être adoptée parles deux ignobles sorcières vertesDolorès et Lavinia. Rejetée, elle sevenge avec la complicité des animauxhabituels, l'ours stevensonien, entreautres (voir fiche).

Michel Gay nous offre La surprisede Biboundé. Une histoire épa-tante. Pour son anniversaire,Biboundé reçoit un bateau jaune, lemême que papa. Il le perd, alors com-mence une recherche mouvementéeet anxieuse, en compagnie de sesnouveaux amis, l'ours — adorable —et les deux pingouins punks grandsfaiseurs de bêtises. Une idée géniale :chacun imagine le bateau perdu àl'aune de sa propre envergure. Une

Pas de canarddans ma baignoire,

Duculot.

obsession contagieuse : les glissadeschères au cœur de nos héros. Unefiliation de plus en plus évidente :l'univers clos et riche, sécurisant etmultiple de Babar.Rares sont les passages au grand for-mat. Voici l'exception qui confirmela règle : Gilberto et le vent deMarie Hall Ets. La poésie des imagesen est beaucoup plus forte. (Lireencandré page suivante.)

Gilberto et le vent,Ecole des loisirs.

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N O U V uUne nouvelle maison pour lafamille souris de Kasuo Iwamura,c'est un déménagement tout banal, ilfaut évidemment affronter diversdangers, la belette, le courant de larivière. Mais l'arbre trouvé est parfai-tement rassurant et chacun remplitses tâches comme dans un ballet.C'est fin et chaleureux, et ça plaîténormément aux enfants.Coin-coin de Frédéric Stehr estune histoire archétypale aux couleursdouces et pleine de fraîcheur. Onpense à Walt Disney et à BenjaminRabier. Un petit canard sort de sonœuf et part en quête de sa maman.Comment la reconnaître ? Elle surgitau moment crucial : c'est ainsi qu'onreconnaît les mamans... (et certainspapas). Un très bon livre pour lestout-petits.

La maison de Maurice penchede Dominique Spiessert et YvanPommaux i[ est une Cl) pour les gensde six ans, éclatante de couleurs et degags. De la parodie, des clins d'oeilaux Rapetou et à la peinture contem-poraine, des dialogues formidables.L'histoire : Josette qui a quitté Mau-rice, et lui qui a du chagrin. Et ce quis'ensuit.

Les aventures d'Arthur etd'Edmond de Bonté Duran sont denature à émerveiller les amateurs dedemi-teintes et d'humour pince-sans-rire. Un trait subtil, un fond jaune unpeu sépia, les deux enfants phoquesn'aiment pas la sieste, ils partent àl'aventure, rencontrent un requin quia une désagréable façon de sourire etune petite fille pique-niqueuse. Unlivre d'apparence banale mais bourréd'esprit : « Edmond était meilleurqu'Arthur en nage lente si bienqu 'Arthur arriva le premier... » Car-rollien est le mot.

D Chez Flammarion, un nouveaucoffret de poésies populaires mises enscène par Philippe Dumas. Il y aSaint Nicolas et les enfants, Laboulette, et Le cadeau pour

Gilberto et le ventGilberto et le vent n'est pas une vraie nouveauté. Il était déjà sorti en LutinPoche, et puis c'est un album paru à New York il y a vingt ans.Ce n'est pas nouveau non plus de dire que c'est un très bel album. D'un gra-phisme élégant, simple, évident. Le trait de quelqu'un qui sait dessiner etdire avec talent les jeux d'un enfant avec le vent. Original est le parti-pris descouleurs, l'utilisation du blanc — non pas le blanc aveuglant de la page blan-che mais plutôt le blanc d'un message à la craie blanche comme les enfantsen laissent sur les murs. C'est aussi Gilberto, avec son « o » et son teintbasané qui nous intéresse. Les enfants basanés sont bien rares dans les livresd'images. Mais ce qui est remarquable ici, c'est que la couleur de la peau deGilberto n'est pas justifiée pour une raison documentaire ou anecdotique.L'enfant de l'histoire qui joue avec le vent est basané, sans raison.Quel toupet !

Il est l'enfant du livre auquel l'enfant lecteur va s'identifier, l'enfant dans sagénéralité, aussi bien de couleur que blanc, voilà ce que l'album de MarieHall Ets vient rappeler. Gilberto n'est pas là pour la bonne conscience, pourfaire une pub pour l'Unesco. Il est là parce que la vie est comme ça. Gilbertoet le vent est un des rares livres qu'on pourrait faire lire et montrer à desenfants à Caracas, ou à Aubervilliers, ou dans n'importe quel village français.Gilberto, c'est notre pote ! Annie Pissard

« Edmondétait meilleurqu'Arthuren nage lentesi bienqu'Arthurarrivale premier. »

Marie. Les textes savoureux, plus oumoins bien connus, sont admirable-ment mis en valeur par le dessin méti-culeux et léger, savant et goguenardde Dumas. Il n'y a qu'à regarder lafemme du méchant boucher pour sai-sir l'horreur de l'histoire, ou la têted'une petite fille entre le vent et laterre.

Le plus monstrueux des mons-tres de Pat Hutchins est une histoiresavoureuse au graphisme original quirappelle Babette Cole (voir fiche etcouverture).

Dans la maisonde la famille Souris,

Ecole des loisirs.

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Le premier dit :« J'ai biendormi ! »Le second dit :« Et moiaussi ! »A ajoutéle plus petit :« Je croyaisêtreen paradis ! »

De Linda M. Jennings Le ballet deCoppélia. Un conte tiré du célèbreballet. La belle Coppélia sème la ziza-nie dans le village. Mais elle n'estqu'un automate jailli du cerveau del'inquiétant docteur Coppélius. Unehistoire mal mise en valeur par lesdessins de Chrystyna Turska, qu'on aconnue plus étincelante.

D Au Père Castor, des Premiersalbums : En promenade, Vive leroi, Jouons à la plage et Mespremiers repas.Pour l'étape suivante, des Petits Cas-tors : Mon chat de Martine Bourre,Une bonne promenade de MarieWabbes, Pour une fois deMichelle Daufresne. De bonnes his-toires dans l'ensemble, sans rien quitranche nettement.Catégorie cinq-six ans : voici les Far-fadets ; des rééditions de bonne qua-lité d'abord: Allons Grison deLucile Butel, Le petit cochontrop gourmand de Daniel Prévostet Romain Simon, Vacances dansle jardin de Kersti Chaplet, Lecoup de pied de Jacques Dourdicet François Davot, Pouske,Minouske, Patapouske et Petitchat perdu d'Albertine Deletaille.Ensuite des nouveautés, chacune surun thème psychopédagogique précis.Peur, pas peur, c'est la peur du

La maison de Maurice penche,dessin de Dominique Spiessert, Ecole des loisirs.

noir, par Jeanne-Marie Pubellier.Mon Ut dans les étoiles d'Anne-Marie Chapouton est une réponse àla question de notre place dans lemonde, Horreur peste vinaigre,du même auteur, c'est la mauvaisehumeur d'une gamine, et Agnès adisparu cause de la difficulté qu'il ya à accepter d'être encore petit. Desillustrations de Solvej Crévelier, deLucile Butel et Martine Bourre, clas-siques.

D Chez Gallimard jeunesse, un nou-vel album grand format de TonyRoss : c'est l'histoire classique duGarçon qui criait « au loup ! »Dans notre folklore, on l'appelle l'his-toire de Guillot. [ci le garçon

s'appelle Louis et le loup n'a pas denom. C'est lui qui gagne et mangetous les protagonistes de cette fable àcause de la sottise de Louis (à forcede crier « au loup ! » on n'émeut plus"personne), à cause de l'efficacitécynique lupienne. Avec un sens del'horrible qui le rapproche de Reiseret des intonations qui font parmoments penser à Ungerer, Rosss'amuse, délire : joue en virtuose surles détails qui tuent.Le grand éternuement de RuthBrown est d'un genre opposé. Lesimages sont autant de tableaux trem-pés d'une lumière hollandaise,impressionnante. Le fermier est danssa grange. Il éternue et provoque uneagitation contagieuse. Tout se détra-

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que. Jusqu'au moment où surgit lafermière : biblique et parfaite, mainsouvertes : « Que faites-vous monsieurmon mari ? »Et revoilà Tony Ross pour unedeuxième fournée de Mackintosh.Toujours le dessin énergique etcoloré, toujours la même façon dejouer sur la magie et la farce mélan-gées. Le meilleur c'est Mackintoshet la pomme enchantée, à causede la sorcière et de son casque demoto. Mackintosh fait des gri-maces joue sur le célèbre «Atten-tion tu resteras comme ça si le venttourne. » Quant à Mackintosh etla maison hantée, c'est une his-

. toire ambiguë qui laisse la possibilité,ouf, de croire aux fantômes.Papa chéri de Philippe Dupas-quier, c'est une lettre en imagesd une fillette à son père absent. Pasrenversant.

• Chez Grasset, trois petits albumsde Lou : Nathalie Nath et MoniqueFélix ont trouvé là un personnageduveteux à souhait, émouvant. Mal-

Le chat Grigride LionelKoechlin,

Hatier.

heureusement la deuxième série detitres (on se souvient de la Leçon demusique, l'an passé) est moins fraîcheque la première. Dans L'invita-tion, Lou va dormir chez sa meil-leure copine, Elodie. Il a un peu peurde cette grande famille bruyante etdu mal à s'endormir. Le téléphoneillustre l'hostilité des enfants àl'encontre de cette sonnerie qui leurenlève brutalement un parent enplein milieu d'un jeu ou d'une his-toire. On pourrait opposer auxauteurs le fait que le téléphone estsouvent aussi un très bon jeu, c'estquand même un bon livre. Unvilain rêve précipite Lou dans lachambre de ses parents qui n'appré-cient pas... Why not ?

• Chez Hatier, une nouvelle collec-tion, Hibou-Caribou, propose depetits albums carrés gais et toniques."Saluons cette tentative de renouveler"les livres pour les tout-petits : ça sefait rare ces temps-ci. Lionel Koech-lin propose donc les couleurs : Lebleu, Le rouge, Le jaune. Unbestiau rigolo déambule, un genre debonhomme-chat. Non sans uneespèce d'insolence, il initie à la cou-leur, selon un canevas identique danschaque livre. A la fin, l'auteur pro-pose à son jeune lecteur de colorierun escalier... Un exercice trop diffi-cile pour la tranche d'âge à qui le

v> livre s'adresse, et un genre d'activité/ moins bien accueilli qu'il y a une

La dent d'Ara,Le Seuil.

quinzaine d'années... Les tempschangent... Ça fait un défaut. Quipeut facilement s'arranger.Grégoire Solotareff a conçu troisautres livres : Qui vole ? Quiroule ? Qui flotte, qui nage ?Même principe : un personnage mar-rant pour aider à comprendre le mou-vement.

• Chez Ipomée, deux albums trèsdécevants. Narcisse de Jean Cha-Ion, illustré par Martine Delerm, estune histoire lourdement métaphori-que. Jeux de mots redoutables, miè-vrerie du ton et des images. A quelleenfance en conserve adresse-t-on cesfausses poésies ?Barambolas de Danièle Neumanna des couleurs plus gaies, un peu demuscle. Mais on se fiche un peu desaventures de cette petite fille qui n'apeur de rien. Cela manque désespéré-

"ment d'humour.

D Un nouvel éditeur (qui est unancien marionnettiste), Alain Istace,s'est établi à Caen, 92, rue Saint-Pierre, tél. (31)75.16.40. Il publie,pour inaugurer une collection « Illus-trateurs et littérature », un Pinoc-chio d'Alain Letort, dont le trait deplume nerveux rend sans concession,mais fidèlement, le dur univers collo-dieu. Pas de texte, rien que douzeplanches format 39 X 29 cm. Le même

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éditeur annonce une autre série deportfolios, d'un format plus petit,consacrée à des illustrateurs nonpubliés.

D Au Seuil, un album rigolod'Andrew Martyr et Paula Lawford :La dent d'Ara. Un joli titre. Ara lemorse a mal aux dents... Rendez-vouschez le dentiste (bonjour Steig et DeSoto). Mais voilà que ce malheureuxanimal se coince (on a traduit «secolle » dans le livre mais c'est uneerreur) dans son fauteuil. Il faut quetout le monde s'y mette pour l'enarracher... Et régler du même coup laquestion de la dent. Ça fonctionne,comme on dit, sans atteindre legénie.

« RoseBlanche » :un albumbouleversant.Voir notrePourou contredansce numéro.

U T

D Aux éditions Script de Lausanne,Rose Blanche de Roberto Inno-centi et Christophe Gallaz. Innocenti,c'est l'auteur de la très belle versionde Cendrillon parue chez Grasset-Monsieur Chat. On savait déjà qu'ilétait extrêmement doué. Il est ici,avec Christophe Gallaz, l'auteur d'unconte dès aujourd'hui très contro-versé : l'histoire d'une petite Alle-mande pendant la guerre. Une petiteville ordinaire et le nazisme ordi-naire. Un jour, d'un camion militaires'échappe un petit garçon vite rat-trapé grâce au bourgmestre nazi.Rose Blanche, bouleversée par lascène (nous aussi), suit le convoi etdécouvre un camp, et l'horreur de ladéportation. Apporte aux enfants der-rière les barbelés du pain. Retournetous les jours. Meurt d'une balle per-due le jour de la défaite nazie. L'his-toire et le conte, le génocide et laguerre, l'enfance et l'horreur. La vio-lence du débat qui s'est levé autour

Le Pinocchio d'Alain Letort, chez Alain Istace éditeur.

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N O U V ude ce livre est à la hauteur de saforce. Limpide, énigmatique, essen-tielle. (Voir Pour ou contre.)

BANDES

DESSINÉES

D Chez Boyard Presse, trois albumsrassemblent les aventures de Tom-Tom et Nana chères aux lecteurs deJ'aime lire. Jacqueline Cohen et Ber-nadette Després ont titré : Tom-Tom le roi de la tambouille,Tom-Tom et ses idées explosi-ves, et Tom-Tom et l'impossi-ble Nana. C'est toujours de bonnequalité et rigolo.

Pour les gens un petit peu plus vieux,un nouvel album des aventures dePetit-Renard par Régine Pascale etNadine Brass. C'est une B.D. Âstrapîdans la veine Yakari, qui s'appelleUn aigle dans l'orage : on voitPetit-Renard affronter de terriblesdangers, victorieusement bien sûr.

D Chez Casterman, un nouveau titrede Jean-Claude Denis : Luc Leroiremonte la pente. Notre anti-héros semblable à lui-même, dans denouvelles séquences courtes et rigolo-tes.

Noces de brume de Sokal est uneenquête décevante de l'inspecteurCanardo. On se laisse moins prendrepar l'atmosphère ténébreuse.Martiny et Petit-Roulet proposentune nouvelle aventure de Bruce Pré-dator : Le cœur et la boue. Onretrouve le graphisme qui faisait lecharme de Macumba River: entreTintin et Pieds Nickelés. Caricatureet documentaire intimement liés. Icil'histoire est un peu fumeuse, nonsans charme : il est question decinéma, de corruption, de produc-teurs... Et le scénario, comme les sil-houettes des héros, a quelque chosed'évanescent.

La « Petiteceinture »est une voiede cheminde ferqui fait le tourde Paris.

L'événement c'est, bien sûr, Lavoyageuse de petite ceinturede Pierre Christin et Annie Goetzin-ger. C'est l'histoire de Naïma, uneadolescente algérienne née enFrance, une beur. Elle choisit devivre sur la voie désaffectée de laPetite Ceinture, sauvage ; de temps àautre elle a des rendez-vous avec lemonde, et ça ne se passe pas très

Luc Leroi par J.-C. Denis,Casterman.

• Chez Dargaud, Godard et Riberanous offrent la suite du Vagabonddes Limbes: Les Loups deKohm ; assez décevant et sanguino-lent. Ne serait-il pas temps de con-clure ?

bien : elle n'est à vrai dire nulle partà sa place, et puis la dérive punk, laprostitution, ou le retour raté aupays, elle a trop de bon sens pour êtretentée. Un jour elle part, destinationinconnue. C'est un personnage fort.Même si l'on peut penser que l'allé-gorie ne fait pas dans la dentelle... Cen'est pas le boulot des allégories.

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Annie Goetzinger.

H Chez Dupuis, rien qui aille mêmeà la cheville de Naïma... Une aven-ture de plus pour Yoko Tsuno, parRoger Leloup : Le canon deKra...Un Boule et Bill pour les plus petits :Boule (et Bill) contre les mini-requins : une réédition en petit for-mat.Dupa se manifeste : un nouveauChlorophylle pour lequel il remplaceMacherot. Deux histoires marrantes.Et puis un Cubitus, Cubitus chiensans souci. Moyen. Le Chlo-rophylle s'intitule Faits divers...

ROMANS• Aux éditions de l'Amitié, de PaulThiès, Les aventuriers du Saint-Corentin. Corentin, un enfant richede treize ans, rêve de s'embarquer.Le sort lui sourit à cause d'un dramefamilial et le voilà mousse sur leSaint-Corentin. Où la vie est difficilemais mouvementée. Cela se passe en1885, c'est invraisemblable, maisassez vivant.

Dans la même collection Les Maîtresde l'aventure, un bon romand'Evelyne Brisou-Pellen : Prison-nière des Mongols. A traversl'histoire de la petite chinoise Tsing-Tchao, enlevée par les Mongols, unlivre qui apprend plein de choses surla civilisation mongole. C'est aussi un

bon roman d'amour et d'aventures.Bien écrit de surcroît.En Bibliothèque de l'amitié, Leroyaume de la rivière de Kathe-rine Paterson. Le héros, c'est Jess,Jess et ses quatre sœurs, un garçonéquilibré, gentil, ouvert. Il veutgagner la course, mais c'est Leslie lanouvelle qui gagne. Elle devient sonamie et l'emmène au pays magiquede Térabithia, qu'on atteint paramour, grâce à une vieille corde ten-due au-dessus du torrent. Et puis Les-lie se noie, et Jess doit continuer àfaire exister seul Térabithia. Appren-dre le deuil et que seul son amour dudessin peut le sauver. C'est un romansubtil, où le quotidien le plus familierest tissé de rêve, et de fantastique.

• Au Chardon Bleu, Plume Blan-che l'Indienne, de PhilippeRenard. Un nouveau titre dans la col-lection Grands caractères, mais inéditcelui-là. C'est un court récit mêlantconte et réel. Un village d'Indiens estattaqué par des soldats. Une petitefille en réchappe et devient l'amiedes rats qui grouillent dans sacachette, puis elle devient l'esclaved'un soldat brutal. Un beau texte, ori-ginal.

• A l'Ecole des loisirs, en Joie delire, Léo, Zack et Emma, d'AmyEhrlich et Steven Kellogg, est un

•M

récit idéal pour les lecteurs débu-tants. Une histoire d'amitié à trois oùles situations bougent, mais chaquefois, c'est difficile d'être celui qu'onlaisse de côté, même volontairement.Dans la même collection, Poinset-tia ne veut plus de sa famille deFelicia Bond est un récit plus sophis-tiqué, sensuel et drôle. C'est unepetite cochonne qui adore sa maison,la banquette de cuir rouge de l'entréeet lire tranquille. L'ennui, c'est lafamille nombreuse. Heureusementcelle-ci déménage. Poinsettia reste.Se sent bientôt seule. Une histoirebanale qui vaut pour la drôlerie deson vocabulaire.

Petit Poil d'Irina Korschunow,même collection, bénéficie d'aborddes illustrations exceptionnelles deReinhard Michl. Elles nous propo-sent l'image d'un Petit Poil, animalnon identifié entre ourson et lutin. Leconte lui-même est classique et sur-prenant à la fois. Classique : l'histoirede la rencontre avec une petite elfequ'il faut sauver, et le choix qu'il fautbientôt faire entre la vie terrienne etla vie aérienne des elfes, désincarnée.Original : le ton, romantique et fami-lier.

La collection Neuf s'étoffe ce coup-ci,après un démarrage timide. Elle cou-vre désormais un champ assez large :de neuf à treize ans, et s'adresse àdes lecteurs très variés :

Poinsettia, Ecole des loisirs.

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