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HACHETTE Éducation établi par Bertrand LOUËT, professeur certifié de Lettres modernes Trois Contes Flaubert Livret pédagogique

Livret pédagogique - BIBLIO - HACHETTE · Texte C : Extrait de Jacques Damour d’Émile Zola (pp.37 à 39). Texte D : Extrait du « Spleen de Paris », Les yeux des pauvres de Charles

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HACHETTEÉducation

établi par Bertrand LOUËT, professeur certifié de Lettres modernes

Trois Contes

FlaubertL i v r e t p é d a g o g i q u e

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Conception graphiqueCouverture et intérieur: Médiamax

Mise en pageMaogani

IllustrationFlaubert par Nadar,© Hachette Livre

Tous droits de traduction,de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

© Hachette Livre,2003.43,quai de Grenelle,75905 PARIS Cedex 15.ISBN:2.01.168701.2

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AVA N T-P R O P O S 4

TA B L E D E S CO R P U S 6

RÉ P O N S E S AU X Q U E S T I O N S 10

Bi lan de première lec ture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

U n c œ u r s i m p l e

Lec ture analyt ique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Lec tures croisées et t ravaux d ’écr i ture . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Lec ture analyt ique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Lec tures croisées et t ravaux d ’écr i ture . . . . . . . . . . . . . . . . 29

L a L é g e n d e d e s a i n t J u l i e n l ’ H o s p i t a l i e r

Lec ture analyt ique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Lec tures croisées et t ravaux d ’écr i ture . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Lec ture analyt ique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Lec tures croisées et t ravaux d ’écr i ture . . . . . . . . . . . . . . . . 46

H é r o d i a s

Lec ture analyt ique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

Lec tures croisées et t ravaux d ’écr i ture . . . . . . . . . . . . . . . . 55

BI B L I O G R A P H I E CO M P L É M E N TA I R E 63

S O M M A I R E

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Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettreen œuvre, il est demandé à la fois de conduire des lectures qui éclai-rent les différents objets d’étude au programme et, par ces lectures, depréparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficaced’un corpus de textes, analyse d’une ou deux questions préliminaires,techniques du commentaire, de la dissertation, de l’argumentationcontextualisée, de l’imitation…).

Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs.Un recueil de nouvelles comme Trois Contes permettra d’étudier l’esthétique du récit court : conte, nouvelle ou légende, et d’aborderdes mouvements essentiels du XIXe siècle : le réalisme, le naturalisme,le romantisme, le Parnasse et le symbolisme.Au fil des groupementsde textes, les élèves sont invités à s’exercer à divers travaux d’écriture.

Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvellecollection d’œuvres classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois :– motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation dutexte, moderne et aérée, qui facilite la lecture de l’œuvre grâce à desnotes claires et quelques repères fondamentaux ;– vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer lesélèves aux travaux d’écriture.

Cette double perspective a présidé aux choix suivants :

• Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page,afin d’en favoriser la pleine compréhension.

• Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendrela lecture attrayante et enrichissante, la plupart des reproductionspouvant donner lieu à une exploitation en classe.

• Précédant et suivant le texte, des études synthétiques et destableaux donnent à l’élève les repères indispensables : biographie del’auteur, contexte historique, liens de l’œuvre avec son époque, genreset registres du texte…

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A V A N T - P R O P O S

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• Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné àfaciliter l’analyse de l’œuvre intégrale en classe. Présenté sur des pagesde couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du texte (surfond blanc), il comprend :– Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classeaprès un parcours cursif de l’œuvre. Il se compose de questionscourtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sensgénéral de l’œuvre.– Cinq à sept questionnaires guidés en accompagnement des extraitsles plus représentatifs de l’œuvre : l’élève est invité à observer et à ana-lyser le passage ; les notions indispensables sont rappelées et quelquespistes sont proposées afin de guider sa réflexion et de l’amener àconstruire sa propre lecture analytique du texte. On pourra procéderen classe à une correction du questionnaire, ou interroger les élèvespour construire avec eux l’analyse du texte.– Cinq à sept corpus de textes (accompagnés parfois d’un documenticonographique) pour éclairer chacun des extraits ayant fait l’objetd’un questionnaire guidé ; ces corpus sont suivis d’un questionnaired’analyse et de travaux d’écriture pouvant constituer un entraînementà l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe dePremière, sur le «descriptif des lectures et activités » à titre de groupe-ments de textes en rapport avec un objet d’étude ou de documentscomplémentaires.

Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vosélèves, un outil de travail efficace, favorisant le plaisir de la lecture et laréflexion.

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T A B L E D E S C O R P U S

Composition du corpus

Texte A : Chapitre I d’Un cœur simple de GustaveFlaubert (pp.27 à 29).Texte B : Extrait de Madame Bovary de GustaveFlaubert (pp.35 à 37).Texte C : Extrait de Jacques Damour d’Émile Zola(pp.37 à 39).Texte D : Extrait du « Spleen de Paris »,Les yeux despauvres de Charles Baudelaire (pp.40-41).Texte E : Extrait de « Les Mains de Jeanne-Marie »d’Arthur Rimbaud (pp.41 à 44).Document F : E.Delacroix,La Liberté guidant le peuple (p.44).

Texte A : Extrait du chapitreV d’Un cœur simple deGustave Flaubert (p.87, l.1109,à p.88, l.1147).Texte B : Extrait des Misérables de Victor Hugo(pp. 93 à 96).Texte C : Extrait de La Place d’Annie Ernaux(pp. 96 à 98).Texte D : Extrait des Voyages de Gulliver deJonathan Swift (pp. 98 à 100).Texte E : Les Fleurs du mal, « La Mort des pauvres »de Charles Baudelaire (p. 100).

Corpus

La découverte dupeuple et despauvres(p.35)

La mort : récits etdiscours(p.93)

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Compléments aux travaux d’écrituredestinés aux séries technologiques

Question préliminaireEn quelle mesure peut-on dire que les cinq extraits etle document présentent le peuple de manièrecontrastée ?

CommentaireVous étudierez la mise en scène des différentspersonnages et vous analyserez le contraste entre lepersonnage de Catherine-Nicaise et l’ensemble desautres personnages.

Question préliminaireCes extraits présentent-ils la mort comme unmoment essentiel ? Comment ?

CommentaireVous étudierez l’image de l’immortalité proposée parce texte ;vous analyserez les procédés d’humour noir ;vous analyserez dans quelle mesure ce texte justifie lacondition mortelle de l’humanité.

Objet(s) d’étudeet niveau

La nouvelle (Première)Un mouvement littéraire : le réalisme(Seconde)

La nouvelle (Première)Un mouvement littéraire : le réalisme(Seconde)

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T A B L E D E S C O R P U S

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Corpus

Le récit court auXIXe siècle(p.111)

Chasseurs etchevaliers(p.137)

Salomé, ou lemythe de ladanseuse(p.209)

Composition du corpus

Texte A :Extrait de La Légende de saint Julien l’Hospitalierde Gustave Flaubert (p.103, l.1,à p.106, l.71).Texte B :Extrait de La Légende dorée de Jacques de Voragine(pp.112-113).Texte C : Extrait d’Après de Maupassant (pp.113-114).Texte D : Extrait du Chevalier double de Théophile Gautier(pp.115-116).Texte E : Extrait d’un article de Maupassant (p.117).Document F : Frontispice des Contes de Perrault parGustave Doré (p.118).

Texte A : Extrait de La Légende de saint Julien l’Hospitalierde Gustave Flaubert (p.129, l.287,à p.132, l.354).Texte B :Extrait d’Yvain ou le Chevalier au lion de Chrétiende Troyes (p.139).Texte C : Extrait du Chevalier invisible d’Italo Calvino(pp.140-141).Texte D : Extrait d’Entre chien et loup, « La véneriefrançaise » de Jim Harrison (pp.141-142).

Texte A :Extrait d’Hérodias de Gustave Flaubert (p.199,l.944,à p.202, l.1005).Texte B : Extrait de l’« Évangile selon Marc » (p.210).Texte C : Extrait de Nana d’Émile Zola (pp.211 à 213).Texte D :Extrait de Rimes dorées de Théodore de Banville(pp.213-214).Texte E : « Salomé » de Guillaume Apollinaire (pp.214-215).Document F : Audrey Beardsley, illustration pour laSalomé d’Oscar Wilde (p.215).

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Objet(s) d’étudeet niveau

Le conte, la nouvelle(Première)Un mouvement littéraire :le romantisme(Seconde)

Le conte, la nouvelle(Première)Un mouvement littéraire :le romantisme(Seconde)

Le conte, la nouvelle(Première)Un mouvement littéraire : Parnasse etsymbolisme (Seconde)

Compléments aux travaux d’écrituredestinés aux séries technologiques

Question préliminaireLe conte et le récit sont-ils encore pratiqués commedans ces extraits ? Donnez des exemples.

CommentaireVous analyserez l’atmosphère moyenâgeuse de cedébut de récit ;vous montrerez en quoi ce récit meten place un univers fantastique ;vous expliquerezdans quelle mesure la naissance de l’enfant s’apparenteà une naissance de conte de fées.

Question préliminaireDans quelle mesure peut-on dire que le Moyen Âgereste un sujet d’inspiration aujourd’hui ?

CommentaireVous analyserez la description de la bataille et direz enquoi elle est comique ;vous montrez que ce textetraite un épisode du Moyen Âge dans un stylevolontairement moderne.

Question préliminaireLa danse est-elle toujours un sujet d’inspiration pour les écrivains ?

CommentaireVous analyserez le registre du poème et montrerez enquoi il se distingue de celui d’Hérodias ; vouscommenterez l’énonciation dans ce poème et direzen quoi elle est singulière par rapport aux autres textesdu corpus.

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a Les deux principaux personnages d’Un cœur simple sont MmeAubain et Félicité,nommées dès la première phrase (l. 1-2 :« les bourgeoises de Pont-l’Évêque envièrent àMmeAubain sa servante Félicité ») ; cette phrase fixe aussi les rôles : la maîtresse et laservante.Ce couple du maître et du valet, très fréquent en littérature,prend ici unedimension plus pathétique,et Flaubert,tout au long de la nouvelle,utilise le contrasteentre le caractère dévoué de Félicité et la dureté de MmeAubain pour rendre plusémouvant encore son destin.

z À Pont-l’Évêque,où habitent Félicité et MmeAubain,mais aussi dans la régionnormande :la ferme de Gefosses,où l’on se rend en excursion (l.185 sq.) ;Trouville,où l’on va prendre des bains de mer pour la santé de Virginie (l.236 sq.) et où Félicitéretrouve sa sœur et son neveu Victor (l. 336) ; Honfleur, où Virginie est mise enpension et où Félicité va dire adieu à Victor (l.481 sq.)

e Dans la « géographie en estampes » (l. 175) offerte par l’avoué Bourais aux enfants.Les images de ce livre lui permettront, plus tard, d’imaginer le sort de Victor :« oubien,– souvenir de la géographie en estampes,– il était mangé par les sauvages » (l.521-522).Ce motif du livre d’estampes est l’occasion de souligner la simplicité de Félicité.

r Le perroquet Loulou a été rapporté d’Amérique par le baron de Larsonnière,ex-consul d’Amérique et nouveau sous-préfet de Pont-l’Évêque,nommé après la révolutionde Juillet (l.723-728).Au moment de son départ,il donne le perroquet à MmeAubain(l.782-787),qui le donne à Félicité (l.798).Cet animal fétiche du conte rappelle Victorà Félicité car il vient d’Amérique (l.786-790) et il est l’occasion du seul désir personnelformulé par Félicité,de manière détournée :« C’est Madame qui serait heureuse de l’avoir ! »,dit-elle en effet,un jour,n’osant dire qu’elle aimerait elle-même l’avoir.

t Lorsqu’il est vivant,le perroquet est un compagnon pour Félicité,« presqu’un fils,un amoureux » (l.877).À sa mort,Félicité le fait empailler, l’installe dans sa chambreet commence à le confondre avec le Saint-Esprit :« À l’église,elle contemplait toujoursle Saint-Esprit, et observa qu’il avait quelque chose du perroquet » (l. 972-973) ;puis,plusloin :« En l’enveloppant d’un regard d’angoisse, elle implorait le Saint-Esprit, et contractal’habitude idolâtre de dire ses oraisons agenouillée devant le perroquet » (l.1028-1031).

y Félicité reste seule dans la maison de sa patronne,démeublée sans égards par Paul(le fils de Mme Aubain) et son épouse, et qui tombe peu à peu en ruine, Félicitén’osant demander des réparations,de peur d’être renvoyée (l.1012 à la fin).

B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e ( p . 2 1 8 )

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

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u La naissance de Julien est marquée par deux prophéties prononcées par despersonnages mystérieux qui apparaissent successivement à la mère (l.66 : « Réjouis-toi,ô mère ! ton fils sera un saint ! »),puis au père (l.82-83 :«Ah ! ah ! ton fils !… beaucoupde sang !… beaucoup de gloire !… toujours heureux ! la famille d’un empereur »).

i Avant la scène de la chasse,Julien tue une souris,qui apparaît pendant la messe etqu’il piège (l.144-150 :«Ayant donc fermé la porte,et semé sur les marches les miettes d’ungâteau,il se posta devant le trou,une baguette à la main.Au bout de très longtemps un museaurose parut,puis la souris tout entière.Il frappa un coup léger,et demeura stupéfait devant ce petitcorps qui ne bougeait plus.Une goutte de sang tachait la dalle. Il l’essuya bien vite avec samanche, jeta la souris dehors, et n’en dit rien à personne »), des oisillons, puis un pigeon,dans un raffinement de cruauté surprenant (l. 165-170 :« Le pigeon, les ailes cassées,palpitait, suspendu dans les branches d’un troène.La persistance de sa vie irrita l’enfant. Il semit à l’étrangler ; et les convulsions de l’oiseau faisaient battre son cœur, l’emplissaient d’unevolupté sauvage et tumultueuse.Au dernier raidissement, il se sentit défaillir »).Ces deuxmeurtres d’animaux préfigurent la cruauté dont Julien fera preuve par la suite et quile conduira à tuer ses parents ; c’est d’ailleurs à la suite de ce passage que son pèredécide de lui apprendre la vénerie.

o Le cerf lui annonce qu’il est maudit et qu’il tuera son père et sa mère (l.344-345).

q Après la malédiction du cerf, Julien quitte le château de ses parents et mène uneexistence aventureuse de soldat ou de mercenaire.Cela le conduit à sauver l’empereurd’Occitanie,qui lui donne sa fille en récompense (l.452-462).

s À la guerre (l. 478) et à la chasse, de manière à « détourner son malheur ; car il luisemblait que du meurtre des animaux dépendait le sort de ses parents » (l.496-498).

d Deux « inconnus » (l. 527), vêtus comme des mendiants (l. 530-532 :« Et bientôtentrèrent dans la chambre un vieil homme et une vieille femme,courbés,poudreux,en habits detoile, et s’appuyant chacun sur un bâton »).

f En raison d’une méprise : en rentrant de la chasse, Julien trouve un couple dansson lit. Il croit qu’il s’agit de son épouse et de son amant et les tue (l. 685-697).Enréalité,il s’agissait de ses parents,que sa femme avait installés là pour qu’ils se reposent.

g Julien abandonne ses biens puis disparaît. Lors de l’enterrement, un « moine encagoule rabattue » (l.735-736) suivant le cortège et son attitude de pénitence (l.738-739 : « Il resta pendant la messe, à plat ventre au milieu du portail, les bras en croix, et lefront dans la poussière ») peuvent laisser supposer qu’il s’agit de Julien.

h Sur la terrasse de la citadelle de Machærous.

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B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e

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j Ils contemplent la mer Morte et la plaine entre les montagnes, sur laquelle setrouvent les troupes du roi des Arabes,par qui il craint d’être attaqué,comme par lesJuifs.Il attend avec inquiétude les secours romains,qui tardent à venir (l.52 :« Il fouillad’un regard aigu toutes les routes.Elles étaient vides »).

k L’action de ce conte se déroule en une journée.Elle commence un « matin,avantle jour » (l.14).Le chapitre II se déroule à partir de l’arrivée de Vitellius et des Romains,qui arrivent en milieu de journée.Le festin (chap.III) se déroule le soir et l’épiloguea lieu le lendemain matin :« À l’instant où se levait le soleil » (l.1066).

l Lucius Vitellius est le « gouverneur de la Syrie » (l.40-41),autrement dit le plus hautreprésentant du pouvoir impérial romain dans la région. Il est le père de VitelliusAulus qui deviendra empereur en 69.

m Le prétexte est de fêter son anniversaire ; en réalité, il veut rencontrer tous ceuxqui sont susceptibles de se liguer contre lui pour les adoucir ou se choisir des alliés(l.43-51 :«Agrippa,sans doute,l’avait ruiné chez l’Empereur ? Philippe,son troisième frère,souverain de la Batanée, s’armait clandestinement.Les Juifs ne voulaient plus de ses mœursidolâtres, tous les autres de sa domination ; si bien qu’il hésitait entre deux projets :adoucir lesArabes ou conclure une alliance avec les Parthes ; et, sous le prétexte de fêter son anniversaire,il avait convié, pour ce jour même, à un grand festin, les chefs de ses troupes, les régisseurs deses campagnes et les principaux de la Galilée »).Il expliquera ainsi l’affluence en son palaisà Vitellius :«Vitellius demanda pourquoi tant de monde.Antipas en dit la cause : le festinde son anniversaire » (l.402-403).

w Après la danse de Salomé,Hérode dit à la jeune fille :«Viens ! viens ! Tu auras […]la moitié de mon royaume » (l.989-991) ;celle-ci lui répond alors :« Je veux que tu medonnes dans un plat la tête… […] La tête de Iaokanann ! » (l.997-998).À regret,contraintpar sa parole,Hérode l’envoie chercher.

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◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 30 À 34)a Il s’agit d’un cadre spatio-temporel réaliste, fondé sur des références absolues,référentielles et prises dans le réel,comme des noms de villes (« Pont-l’Évêque »),delieux-dits (« Gefosses », «Toucques »),des dates (« au commencement de 1809 »).

z Il s’agit d’une maison bourgeoise de province.Le narrateur suit un parcours quiva du rez-de-chaussée (l. 14-24) aux étages (l. 25-37).On peut constater que sontici décrits les espaces de MmeAubain (salon,salle,bureau,puis chambre de madameet des enfants,et bureau et bibliothèque).La chambre de Félicité,seulement nomméeet située au deuxième étage,est expédiée en une ligne.On a donc une oppositiontrès claire entre l’espace de la patronne, décrit en détail, chargé de souvenirs et desymboles (l.23 :« un temple de Vesta » ; l.26-27 :« le portrait de “Monsieur”»),et celuide la servante,qui est une pure fonction.Au fil du récit cela s’inversera et à la fin lachambre de Félicité sera devenue une sorte de chapelle dédiée au culte du perroquet,chargée elle aussi des souvenirs d’une vie (l. 950-958 : « On voyait contre les murs :des chapelets,des médailles,plusieurs bonnes Vierges,un bénitier en noix de coco ;sur la commode,couverte d’un drap comme un autel, la boîte en coquillages que lui avait donnée Victor ; puisun arrosoir et un ballon,des cahiers d’écriture,la géographie en estampes,une paire de bottines ;et au clou du miroir,accroché par ses rubans,le petit chapeau de peluche ! Félicité poussait mêmece genre de respect si loin qu’elle conservait une des redingotes de Monsieur »).On peut ajouter que la maison est vieillissante,pleine de « souvenirs d’un temps meilleuret d’un luxe évanoui » (l. 35-36) : la vie de Mme Aubain est derrière elle, celle deFélicité commence.

e Mme Aubain est caractérisée comme n’étant pas une « personne agréable » (l. 6) ;pour le reste,on peut déduire de son mode de vie,ni magnificent,ni misérable,qu’elleappartient à la petite-bourgeoisie aisée de province :elle possède des fermes qui luidonnent des rentes et lui permettent de vivre sans travailler (l. 17-18 : elle reste« tout le long du jour,assise ») malgré une situation défavorable de veuve ayant à éleverseule deux enfants après la mort d’un mari pauvre lui ayant laissé des dettes (l.9).

r La vie de MmeAubain semble ici tout entière contenue dans les trois étapes quesont son mariage, la mort de son époux et son déménagement dans une maison« moins dispendieuse » (l.12-13) que celle qu’elle occupait avec lui.En fait,son itinéraireest résumé à l’extrême car il sert uniquement de cadre à celui de Félicité qui va êtreexposé pendant toute la durée du conte :la maîtresse sert de faire-valoir à la servante.

U n c œ u r s i m p l e ( p p . 2 7 à 2 9 )

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U n c œ u r s i m p l e

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t Ce passage,marqué par une atmosphère de répétition,est écrit à l’imparfait itératif,qui permet ici de souligner le caractère répétitif et monotone de la vie de Félicité,qui paraît faire ainsi invariablement la même chose,comme si sa vie était une longuesuite de journées et de tâches immuables (elle marchandait,elle « faisait le désespoir »,« elle mangeait »).Elle est comme une machine,elle semble d’ailleurs « automatique »(l.56).Chaque jour, elle travaille « sans interruption » puis s’endort d’épuisement « devantl’âtre », sans avoir la force d’aller se coucher. Ce résumé des journées de Félicitépermet d’insister sur le dénuement, la solitude et l’abnégation du personnage.Elledevient ainsi un parangon de servante,un modèle parfait ;Félicité commence à setransformer en héroïne.

y Les deux portraits,vestimentaires et physiques,confirment ce qui vient d’être misen place par la description de ses journées : en « toute saison » elle porte le mêmecostume,autrement dit sa vie est à nouveau marquée par la répétition ;à cet aspects’ajoute bien sûr la simplicité de sa mise,marquée par des vêtements simples (camisole,bonnet,mouchoir, tablier), presque une tenue de travail, et des étoffes bon marché(indienne).S’ajoute à cela qu’elle semble en apparence n’avoir qu’un seul âge :aucun,une sorte de maturité indéfinie,continue.Le premier portrait est en pied, tandis que le second semble d’abord s’intéresser auvisage de Félicité pour ensuite préciser sa démarche.Le premier la compare à une« infirmière d’hôpital », personnage qui symbolise le dévouement, la générosité (ceque Félicité finira par devenir,en prêtant secours aux pauvres dans le dernier chapitre),tandis que le second la compare à une « femme en bois »,« automatique », autrementdit une figure sans cœur, une machine animée – ce que Félicité est aussi dans lamesure où elle agit souvent par automatisme,comme,par exemple, lorsqu’elle va àl’église et qu’elle communie (au début) par pur mimétisme avec la petite Virginie.

u On peut dire que ce début met en scène à la fois un cadre simple et un personnagesimple. On comprend donc que la servante Félicité est vraisemblablement lepersonnage éponyme et qu’elle va être posée en exemple à la fois de cœur,c’est-à-dire de générosité,de dévouement et d’oubli de soi au profit des autres,et de simplicité,c’est-à-dire d’humilité et d’absence de complexité.

i et o Après la lecture de ce chapitre, on sait que c’est l’histoire de Félicité, du« demi-siècle » passé au service de MmeAubain qui va être raconté.Il est en revanchedifficile d’en imaginer plus : le dénuement volontaire de ce début ne laisse en effetpas entrevoir une suite narrative déterminée ; il n’y a pas le début d’un conflit oud’une intrigue amoureuse,par exemple.

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q Flaubert utilise la technique du relais de narration, c’est-à-dire qu’il place dansun personnage ou un groupe de personnages le point focal à partir duquel l’histoireest racontée.Ainsi, il aboutit à un effacement complet du narrateur de manière àce que l’histoire paraisse presque se raconter d’elle-même.Ainsi,dès la première phrase,le narrateur donne l’avis des « bourgeoises » sur Félicité,de sorte que la description de Félicité qui suit (l.3-6) puis celle de MmeAubain etde sa maison semblent portées par ce « chœur » des bourgeoises de Pont-l’Évêque.C’est le même procédé qui intervient à la ligne 44,mais cette fois-ci avec le « chœur »des servantes,qui admirent la qualité de son travail.

s Le pronom indéfini peut désigner le narrateur et le lecteur,les habitants de Pont-l’Évêque ; bref, il est assez ambivalent. À nouveau il permet ici l’effacement dunarrateur (derrière un groupe qui regarde et décrit la maison puis l’âge que l’ondonne à Félicité),tout en plaçant subrepticement le lecteur dans la position d’un desmembres du groupe : tout se passe alors comme si le lecteur devenait le narrateurde l’histoire.

d Les guillemets peuvent soit encadrer une citation,soit souligner un terme.Ici,ona affaire à une citation de Félicité qui nomme ainsi avec déférence sa patronne etson mari défunt,mais aussi de MmeAubain qui doit nommer son mari et se nommerelle-même de cette manière, à l’attention de Félicité. Ils traduisent donc à la fois lepoint de vue de Félicité et celui de MmeAubain ;à nouveau le narrateur s’efface.Simultanément,les guillemets soulignent ce propos,comme pour marquer le caractèrecontraint, protocolaire des relations qu’entretiennent Félicité et Mme Aubain, et,paradoxalement,ils apparaissent comme un jugement,un parti pris du narrateur surces relations.

f Flaubert semble faire décrire la maison de Mme Aubain par un « chœur » auxcontours imprécis,qui comprendrait les bourgeoises et les servantes de Pont-l’Évêque,Félicité et MmeAubain,parfois le lecteur :en tout cas,il multiplie les procédés (miseen place de relais de narration, emploi de l’indéfini « on », des guillemets), pourque le narrateur et l’auteur soient le plus effacés possible.

g Dans un récit réaliste, le narrateur est externe (il ne fait pas partie de l’histoire)et le point de vue est construit de telle manière que ce qui est raconté puisse l’êtrepar un ou plusieurs personnages présents dans le récit.De cette manière, l’histoiresemble plus réelle,comme si elle était portée par le personnage qui la rapporte.Toutse passe comme si le conte était le double témoignage des bourgeoises et des servantesde Pont-l’Évêque,plus qu’une fiction imaginée par l’auteur Flaubert.

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h Ces noms propres sont pris dans la réalité contemporaine des lecteurs de Flaubert,qui les identifient immédiatement,les situent sur une carte et parfois même y associentdes images,car il s’agit de lieux qu’ils connaissent.Ceci permet de créer une illusionréférentielle et de faire croire au lecteur que,puisque l’histoire a lieu dans un cadreréel, il s’agit d’une histoire réelle.

j Le point de vue,qui crée l’illusion que cette maison est décrite au moment oùelle est vue par les « bourgeoises », crée un premier effet de réel :– les énumérations d’objets (l. 18-24) qui donnent l’impression de pouvoir voir cequi est décrit ;– la présence d’objets traduisant la personnalité de la propriétaire (la pendule enforme de « temple de Vesta »,« le portrait de “Monsieur”»,le bureau animé par un certaindésordre) ;– l’organisation de la description (du rez-de-chaussée au second), avec le souci dupetit détail qui « fait vrai » :« Elle avait intérieurement des différences de niveau » (l. 15-16), « tout l’appartement sentait un peu le moisi » (l. 23-24), « le salon, toujours fermé »(l.29-30) ;– l’utilisation de références connues par les lecteurs (les gravures d’Audran, l.35).Tous ces procédés concourent à donner l’impression au lecteur qu’il a affaire à unemaison réelle et non à sa description.

k Champ lexical de l’usure et de la vieillerie :« entre un passage et une ruelle », « étroit »,« vieux piano », « tas pyramidal de boîtes et de cartons », « style Louis XV », « sentait unpeu le moisi », « fleurs pâles », « costume de muscadin » (mode surannée au moment del’écriture),« couchettes d’enfants,sans matelas », « salon,toujours fermé,et rempli de meublesrecouverts d’un drap », « paperasses », « souvenirs d’un temps meilleur et d’un luxe évanoui ».Ce champ lexical est abondant et important ; il montre que la description de lamaison, sous un apparent réalisme, est en fait très orientée : elle indique que la viede MmeAubain est derrière elle,qu’elle appartient au passé.La notation finale surla chambre de Félicité (« ayant vue sur les prairies ») indique symboliquement lecontraire, comme si la vie de Félicité commençait au moment où elle entre chezMmeAubain.

l Il y a d’abord,au rez-de-chaussée, le « vestibule » (l.16), la « cuisine » et la « salle »(l. 17).Au premier étage,« la chambre de “Madame”» (l. 25) puis celle « plus petite »(l.28) des enfants,et enfin,au second,la chambre de Félicité,éclairée par une lucarne(l. 36-37). Les espaces sont séparés, spécialisés, des seuils (« différences de niveau »)rappellent ces séparations.La cuisine est décrite à la fin,à travers les objets utiles qu’ony trouve :« âtre »,« casseroles » ;elle est le lieu d’une économie paysanne où Félicité

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enfouit la bûche sous la cendre et ramasse les miettes de pain sur la table.Elle estoccupée par Félicité de l’aube au soir,qui y travaille.MmeAubain séjourne dans lasalle « tout le long du jour », assise près de la croisée.On peut déduire de cette description que ces deux femmes, chacune à leur place,sont comme des images inversées : l’une travaille dans un lieu occupé par des objetsutiles,tandis que l’autre se repose dans un lieu plein de souvenirs et de bibelots (« unbaromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons », « pendule »…). Ce début est trèsconstruit, de manière à donner dès la première page une image hyperbolique dudévouement (et du dénuement) de Félicité,que le contraste avec la relative aisanceet le confort de MmeAubain fait encore ressortir.

m La chambre de Félicité n’est pas du tout décrite, contrairement à la cuisine. Ilsemble d’ailleurs que Félicité n’y passe que peu de temps,puisque sa vie est,dès cettepremière page,vouée au travail de servante.

w Le jugement sur MmeAubain est porté par le narrateur à la ligne 6 :elle « n’étaitpas une personne agréable » ; en fait, tout se passe comme si ce jugement était assumépar l’opinion publique du village, les bourgeoises de Pont-l’Évêque,mais aussi lesservantes.Ce jugement est dépréciatif.Au contraire,Félicité est appréciée par « lesbourgeoises » comme par « les autres servantes » qui admirent la qualité de son travail(« le poli de ses casseroles ») et son économie.À nouveau les deux femmes sont discrètement opposées,de manière à faire ressortirencore plus les vertus exceptionnelles de Félicité.

x Ce contraste inspire au lecteur un mélange de pitié, de sympathie pour Félicitéet son dénuement,et de tristesse.MmeAubain,caricature de bourgeoise provinciale,inspire une sorte d’indifférence par sa relative médiocrité bourgeoise ;elle ne provoqueà ce stade ni haine,ni sympathie,elle n’est en fait qu’un faire-valoir pour Félicité.

c Ces deux jugements sont très laudatifs.Cela donne dès le début une image trèsvalorisante de Félicité.

v Cette comparaison fait de Félicité un automate,comme une marionnette ou unpantin.Cette image insiste sur le caractère répétitif de son existence,où chaque journéerépète l’autre et où les actions (réveil,messe,travail,dîner,assoupissement…) s’enchaînentsans fin, comme provoquées par une mécanique immuable.D’ailleurs, elle devientune femme sans âge,c’est-à-dire, symboliquement,un être qui n’évolue plus.

b Comme on vient de le voir, la description de la maison et des personnages, enapparence réaliste,est en fait construite sur un jeu d’oppositions,d’antithèses fortesdont l’efficacité est d’autant plus grande qu’elles sont discrètes.La figure de Félicité

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devient ainsi progressivement une sorte de martyr, de personnage si dépourvu, sihumble, si modeste qu’il en devient exemplaire, presque mythique, au sens où lemythe est un personnage légendaire, inspiré de la réalité, qui sert de modèle.C’estbien ici le cas,puisque Félicité sert de modèle aux habitantes de Pont-l’Évêque.Mais Félicité n’est pas seulement un archétype de servante :cette condition sociale,par son humilité,l’élève à la figure de cœur simple,c’est-à-dire d’innocente quasimentdans le sens des Évangiles qui disent :« Heureux les simples d’esprit, le royaume des cieuxleur appartient.» En effet,sans le savoir,elle semble réaliser cette maxime qui veut quede la simplicité sorte une forme de justice et de bonté.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 35 À 46)

Examen des textes

a Dans l’extrait de Madame Bovary, le point de vue est externe, avec un narrateurqui semble assister à la scène,qui rapporte les propos et les impressions des personnages,sans s’immiscer réellement dans leurs pensées.C’est un point de vue typique duréalisme et du naturalisme.Dans l’extrait de Jacques Damour, le point de vue est externe mais avec un narrateuromniscient,qui a la faculté de traverser les époques (« À vingt-six ans », puis « Neufans plus tard », puis « Lorsque la guerre éclata »), de se rendre en différents lieuxsimultanément (« Quand les Prussiens marchèrent sur Paris », « Dans la salle à manger »)et de lire les pensées de ses personnages (« il n’avait pas d’idée arrêtée »).Ce point devue est aussi très fréquent dans le réalisme et le naturalisme.Dans le poème en prose Les Yeux des pauvres, le narrateur est interne et il relate sonpropre point de vue à la 1re personne,en faisant mine de s’adresser à une femme avecqui il se promène (« vous voulez savoir pourquoi je vous hais »).Ce point de vue narratifest fréquent dans la poésie lyrique et dans les écrits romantiques.Enfin,le poème de Rimbaud adopte un point de vue externe,qui se veut descriptif,presque réaliste.Toutefois le registre lyrique est présent grâce aux phrases interrogativeset exclamatives qui terminent plusieurs des quatrains et qui semblent apostropherle lecteur,comme si le poète l’interrogeait et l’appelait à prendre parti (« Sont-ce desmains de Juana ? ») ;parfois même il semble s’adresser aux mains qu’il décrit («Ah !quelquefois,ô Mains sacrées,/À vos poings,Mains où tremblent nos/Lèvres jamais désenivrées »).On peut donc classer dans un premier groupe les deux textes narratifs,où le narrateurest absent et ne prend pas le lecteur à partie,et dans un second groupe les poèmes,danslesquels le narrateur (ou poète) engage une sorte de dialogue avec un destinataire,présent(la femme dans Les Yeux des pauvres) ou absent (le lecteur dans Les Mains de Jeanne-Marie).

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z Ce sont deux vies de personnages populaires, de gens simples.On retrouve lemême cursus honorum des classes populaires :une enfance et une jeunesse très résumées(« À vingt-six ans, Jacques avait épousé Félicie »), souvent marquées par le travail (« Dèsl’âge de douze ans,Eugène fut mis à l’étau »,dit-on du fils de Jacques Damour),puis unevie de labeur.

e On ne peut manquer d’être frappé par la ressemblance entre les deux personnages :même humilité dévote,marquée par le « maintien craintif » et son propos final sur samédaille (« Je la donnerai au curé ») ;même durée (« ce demi-siècle de servitude ») ; etmême public des « bourgeois épanouis ». Il semble donc que ce personnage du cœursimple ait longtemps mûri chez Flaubert.Le personnage de Catherine-Nicaise estprésenté de manière plus sarcastique :Flaubert le pose en opposition au bourgeois,comme un reproche ;il permet donc d’éclairer une dimension critique de Félicité,très atténuée et discrète dans le conte.

r Le champ lexical du regard est très présent (« on vit », « elle voyait », « ce regardpâle », « elle considéra »…). Il renvoie au fait que cet épisode se déroule dans le cadred’un spectacle – les comices agricoles –,mais aussi au fait que c’est par le regard queles différentes classes se confrontent et entrent en contact. Cette thématique esttrès présente dans le texte de Baudelaire,où,comme ici,le pauvre présente un spectacleinsupportable pour les riches et où son regard montre que la richesse des autresl’éblouit (« Les yeux du père disaient :“que c’est beau ! […]”»).

t Dans le texte de Baudelaire, le « je » est très présent, il apparaît au début dutexte,pour présenter la situation (l’apparition des trois pauvres face au café splendide)et,à la fin,pour exposer les sentiments provoqués par ce spectacle (« j’étais attendri »)et les partager avec la femme aimée (« Je tournais mes regards vers les vôtres, cher amour,pour y lire ma pensée »).Le lyrisme est dans cette expression des sentiments personnels.Dans le poème de Rimbaud,le lyrisme est plus discret.Il prend la forme de modalitésinterrogatives et exclamatives qui témoignent qu’il s’agit d’un dialogue (« Sont-ce desmains de Juana ? ») et traduisent les sentiments du locuteur comme l’admiration,l’étonnement (« Plus forte que tout un cheval ! », «Tourne le crâne des brebis ! »), ou lacolère (« À travers Paris insurgé ! »).Dans le texte de Baudelaire, la figure féminine est la femme aimée et courtisée,comme dans la tradition pétrarquiste.Elle est ici une figure négative, qui prive lepoète de sa rêverie et lui rappelle que « la pensée est incommunicable ».Dans le poèmede Rimbaud, la figure féminine est une allégorie guerrière, une héroïne puissanteet libératrice.

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y Rimbaud utilise plusieurs procédés :– le motif du blason féminin (faire la louange d’une partie du corps féminin) pourle mettre au service non d’un discours amoureux,mais d’un discours révolutionnaire.Le choix des mains est symboliquement fort :ce sont elles qui tiennent la mitrailleuseici ;– la comparaison : Rimbaud oppose son héroïne aux « Juana », aux « cousines »,aux « ouvrières »,aux « femmes mauvaises »,faisant ainsi ressortir par négations successivesla figure de la communarde libre et forte ;– la métaphore :« Le dos de ces Mains est la place/Qu’en baisa tout Révolté fier ! », la maindevenant le champ de bataille.Ainsi,d’image en image, Jeanne-Marie devient l’allégorie de la Commune.

u Les deux personnages de Flaubert sont comparés l’un à « une femme en bois »,l’autre à « des animaux »,dont elle a le mutisme et la placidité.L’une comme l’autresont « humbles », respectueuses des devoirs de la religion, etc. Inversement, lespersonnages populaires de la ville semblent ne pas se résigner à leur destin :Damouret sa famille ont des économies (« ils possédaient plus de mille francs »),notation descriptivequi montre leur détermination à prendre leurs affaires en main, et ils sont« républicains »,c’est-à-dire pour l’époque « révolutionnaires ».Parmi les pauvres deBaudelaire, l’un des enfants constate que la richesse du café n’est pas pour « les genscomme nous » : cette remarque, associée au contraste entre la misère et la richesse,est le début de la révolte,de la revendication d’égalité.La Jeanne-Marie de Rimbaud est la plus révoltée : le poème multiplie les imagescombatives (mains « ployeuses d’échine », qui serreraient et broieraient, en chantantLa Marseillaise – chant révolutionnaire –,plutôt que des « Eleisons » – chant religieux.

i Les personnages sont placés au centre,ils sont le point focal,et la femme est commeune tache de lumière. Ils forment avec le drapeau une sorte de figure triangulaire,debout et en surplomb, alors que les autres personnages sont placés en contrebas.Leurs couleurs vives s’opposent aux couleurs sombres du cadre et de la barricade.

Travaux d’écriture

Question préliminaireLe peuple n’est pas absent de la littérature avant le XIXe siècle,mais il y est représentésous la forme stéréotypée de « types » : au Moyen Âge, les fabliaux popularisent lepersonnage du « vilain »,paysan pauvre,souvent cocu,et à qui le curé ou les voisinsjouent des tours ; au XVIIe siècle, le peuple prend la forme du valet de comédie,toujours soumis à son maître ;au XVIIIe siècle,le valet commence à s’émanciper pour

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devenir le symbole de la bourgeoisie montante,comme le Figaro de Beaumarchais,par exemple.La nouveauté,au XIXe siècle,est que les personnages populaires ne sontplus conçus comme des « types », des caractères « immuables »,mais comme despersonnes qui méritent autant d’être connues et étudiées que les riches.On voit bien, par exemple, dans le début de Jacques Damour, qu’il y a de la part deZola une volonté de dépeindre le milieu ouvrier,ses conditions de vie,sa mentalité.Cela est sensible dans la manière détaillée dont il raconte les étapes de l’existence decette famille, les naissances d’enfants, les difficultés (« elle arriva bien juste à nourrir leménage »), tout en tentant de nous présenter de manière dynamique la personnalitéde ses membres : Jacques, « grave » et indécis ; Félicie, « économe » et sérieuse.Cetintérêt pour les classes populaires date des romans-feuilletons : par exemple, LesMystères de Paris d’Eugène Sue,parus de 1842 à 1843,ou bien sûr Les Misérables deVictor Hugo,parus en 1862.Chez Flaubert,dans Un cœur simple comme dans Madame Bovary, la perspective n’estpas tout à fait la même :en apparence réaliste,il semble vouloir ériger ses personnagesen modèles,en figures qui viennent rappeler aux « bourgeois épanouis » qui les regardentla bassesse de leur existence.Il construit ainsi un jeu savant d’antithèses,d’oppositionsqui donnent cette dimension morale à ses personnages.La même dimension est présente dans le texte de Baudelaire, d’une manière plusgrinçante et mordante :Baudelaire,comme Zola,montre les désordres de la grandeville ;ses personnages se croisent dans Paris,aux abords d’un café en chantier.L’universde la ville moderne,comme dans Zola,rend possible ces confrontations,ces rencontresqui gênent (comme en témoigne la réaction de la jeune femme) et font prendreconscience d’une situation déséquilibrée (« je me sentais un peu honteux de nos verreset de nos carafes plus grands que notre soif », écrit ainsi Baudelaire).Dans le texte de Rimbaud,il en va tout autrement :les bourgeois ne sont plus présentsqu’à titre de comparaison et sont menacés de mort par les mains des révolutionnaires,qui, à travers la figure de Jeanne-Marie, sont présentés comme les messagères« merveilleuses » de l’avenir.Au total,ces cinq extraits donnent un aperçu de l’image nouvelle du peuple introduiteau XIXe siècle.

Commentaire

Introduction• Ce poème est un poème lyrique qui s’inspire du modèle pétrarquiste : le poètes’adresse à la belle et lui présente un objet dont le spectacle doit théoriquement la

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pousser à accepter ses avances.Mais ici tout est renversé :le poète ne présente pas unobjet attirant, au contraire, et la belle se détourne de lui et ne comprend pas sessentiments.• L’irruption des « pauvres » dans le couple lyrique ressemble à leur apparitiondans l’ordre bourgeois : elle gêne la vision et invite à repenser l’ordre social etl’esthétique.• Baudelaire dépasse la simple situation pétrarquiste traditionnelle, s’en sert commed’un canevas pour donner une image lyrique de la ville moderne.

1.Une reprise de la situation pétrarquisteA.L’énonciationLe dialogue homme/femme : un dialogue biaisé, un dialogue raté (le poète selaisse aller à une longue rêverie, il en sort pour s’apercevoir que sa compagne nes’y intéresse pas,ne la comprend pas).

B.Une situation détournéeIl s’agit d’une parodie de la situation galante, qui est ici détournée pour mettre enscène l’irruption de la famille d’« yeux »,l’encadrer.Cette situation disparaît au profitde la « vision ».

2. Le régime de la vision et de la rêverieA.Contraste des deux descriptions• Profusion du café.• Dénuement des pauvres.

B.L’imagerie du regard•Yeux qui parlent.• Famille d’yeux.•Yeux fascinés/fascinants.

C.Le rôle amplificateur de la double interprétation• Rêve du narrateur.• Malaise de la jeune femme.

D.Le rythme• Richesse de l’énumération infinie pour le café (les murs…, les nappes…,etc.).• Groupes avec la même structure,ample,qui s’oppose à la simplicité de la descriptiondes pauvres (phrases courtes,peu de qualificatifs).

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3.Un poème-chargeA.La mise en place d’une morale finale• Le recours à la maxime :« les chansonniers disent […] ».• L’impossibilité de partager.

B.Morale sociale• Opposition pauvre/riche.• Égoïsme des riches.

C.Morale esthétique• Le beau n’est pas pour nous.• Ceux qui le détiennent ne peuvent le percevoir.

D.La figure féminineBourreau et victime :ne comprend pas le poète mais sa médiocrité et sa bassessesont soulignées.

ConclusionOn le voit,Baudelaire décrit le Paris du Second Empire ; il expose aussi la nouvellesituation des artistes :le monde change autour d’eux – ce qui les oblige à chanter denouveaux objets que le public est inapte à saisir et à apprécier.

Dissertation

Introduction• On rappellera que les frères Goncourt (Edmond,1822-1896 ;et Jules,1830-1870)sont deux écrivains ayant travaillé ensemble jusqu’à la mort de Jules,auteur de nombreuxromans et d’un journal qui est une mine d’informations sur la vie littéraire du XIXe siècle.• Écrivains naturalistes, ils s’intéressent, dans leurs romans, à l’étude des caspathologiques. Dans Germinie Lacerteux, ils présentent le destin d’une servantehystérique.Leur apport au roman est essentiel car ce sont eux qui ont introduit lanotion d’observation du réel.Très critiqués pour la trivialité (voire la grossièreté) deleurs sujets,ils se défendaient dans des préfaces manifestes dont le sujet est extrait.Leregistre polémique,marqué par l’emploi d’une question oratoire, la reprise répétéed’arguments en témoignent d’ailleurs.• Le sujet demande de répondre à la question posée,à savoir :peut-on,est-il intéressantde choisir un sujet au sein du peuple pour en faire la matière d’un roman ? celaintéressera-t-il le lecteur, l’émouvra-t-il ?

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• En réalité, il s’agit d’une question oratoire : en effet, les Goncourt affirment unparti pris esthétique,dont leur œuvre est une illustration.• Cette question oratoire pose aussi la question de « l’objet » ou du sujet choisi parl’écrivain ou l’artiste, de la pertinence et de l’opportunité de ce choix, en relationavec la sensibilité et l’intérêt du lecteur,en le rapportant à la réception,à la sensibilitédes lecteurs.En effet,l’apparition d’une nouvelle littérature est liée aux caractéristiquesde l’époque contemporaine :une époque d’égalité,sans « classes » et sans « aristocratielégale ».À ce nouveau public il faut donc une nouvelle littérature,plus conforme àses préoccupations.• On pourra donc répondre à la question en posant la question du sujet et de sontraitement par l’écrivain,celle du sens et de la fonction de l’œuvre,et enfin celle deschoix esthétiques du réalisme et du naturalisme.

1. Le choix du sujet• Les mouvements du XIXe siècle revendiquent la liberté de choix du sujet :– le romantisme veut ouvrir le champ de la représentation littéraire à l’ensemble dumonde.On s’ouvre ainsi sur le passé (comme dans Saint Julien),sur l’Orient (commedans Hérodias) ;– cette ouverture n’est pas seulement géographique et historique,elle est aussi sociale :on s’intéresse au peuple et aux « larmes qu’on pleure en bas », comme dans Un cœursimple ou les différents textes du corpus ;– la représentation de personnages populaires évolue : ils deviennent les hérosd’histoires,on rapporte le récit de leur vie.• Ces changements de sujets invitent à s’interroger sur le sens et la fonction de l’œuvre.

2. Sens et fonction de l’œuvreA.S’adapter au goût du publicLes frères Goncourt le soulignent par allusion : il faut s’adapter au goût du publicqui, avec l’instruction obligatoire et l’essor de la presse, a évolué – la lecture s’estdémocratisée, on voit donc surgir une littérature répondant aux aspirations de cepublic populaire (romans-feuilletons comme Les Mystères de Paris ou nouvellesparaissant dans les journaux comme Jacques Damour).Simultanément,on s’interrogesur le sens et la fonction de l’œuvre qui ne doit plus se limiter à faire éprouver uneémotion esthétique mais doit aussi parler « à l’intérêt, à l’émotion, à la pitié », « fairepleurer ».

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B.Un objet sensible et de connaissanceAinsi l’œuvre doit être :– un objet sensible, qui « fait pleurer » ; c’est sur cette corde classique de l’art quejoue en partie Un cœur simple ou le personnage de Catherine-Nicaise (MadameBovary) ;– un objet de connaissance pour le lecteur.On décrit des milieux inconnus (la famillede Jacques Damour,celle des Yeux des pauvres),on propose au lecteur de faire attentionà ce que d’habitude il ne regarde pas.

C.Une arme politique• L’œuvre devient ensuite une arme politique :cette émotion et cette connaissanceservent de support à un discours de révolte,embryonnaire dans Les Yeux des pauvres,mais affirmé et revendiqué chez Victor Hugo,qui fait des Misérables un brûlot contrela misère,ou chez Rimbaud,qui,avec Les Mains de Jeanne-Marie,élève un monumentà la gloire des communards et, à travers eux,à celle des révoltés en général.• Ces nouveaux personnages répondent aussi à des choix esthétiques.

3.Choix esthétiquesA.Contre les mièvreries du XVIIIe siècleLe romantisme est une réaction aux mièvreries du XVIIIe siècle (littérature aristocratede salon,représentation convenue de l’amour,etc.) et à une vision jugée trop pompeuseet artificielle de la tragédie classique (Racine,Corneille). La comédie elle-même(Molière,et même les dramaturges du XVIIIe siècle comme Beaumarchais) est critiquéepour ces mêmes raisons.

B.La recherche du vraiRéalisme et naturalisme vont ainsi prôner la recherche du vrai,de la peinture d’aprèsnature,plutôt que la création de personnages conventionnels,répondant à des critèresesthétiques prédéfinis. Le perroquet multicolore de Félicité, le bric-à-brac de sachambre répondent à ces critères.

C.Une beauté authentiqueOn va tenter de trouver et de faire émerger une beauté plus quotidienne et immédiate,issue directement de la rue : l’exemple des Yeux des pauvres,qui s’oppose à la beautétrop fabriquée de l’intérieur du café, est typique de cette tendance esthétique.Onpeut signaler aussi que la beauté de Jeanne-Marie est opposée à des modèles convenus.On recherche une certaine authenticité.

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D.Une authenticité moraleLe beau pour lui-même passe au second plan ;on s’intéresse à la vérité,à l’authenticité,au sens moral de l’œuvre.Le Parnasse et le symbolisme reviendront sur ces conceptions,en prônant une beauté parfaite et à l’antique,comme dans Hérodias,par exemple.

ConclusionAu total, l’affirmation, sous la forme d’une question oratoire, des frères Goncourtprend donc un double sens : elle est à la fois politique et esthétique. Les auteursproposent des sujets adaptés au nouvel ordre social issu de la Révolution,celui d’unesociété sans classes. Ils proposent aussi une nouvelle vision de la beauté, fondée surl’observation du réel.

Écriture d’invention• On attirera l’attention des élèves sur les étapes d’une vie comme celle d’une employéede ferme au XIXe siècle : l’enfance ; les premiers travaux ; l’épisode amoureux (cf. chap. II d’Un cœur simple) ; l’embauche dans un poste définitif ; le récit d’unejournée type de la vie d’un adulte.• On attirera l’attention des élèves sur le respect du mode narratif : le texte devra êtreécrit à la 3e personne, avec un narrateur externe n’intervenant pas (ou trèsmarginalement) dans le récit.• On invitera les élèves à employer les temps du récit (passé simple et imparfait) età insérer dans leur narration des descriptions précises,pour répondre aux exigencesdu modèle « réaliste ».

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◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 89 À 92)a Le passage,écrit essentiellement à la 3e personne,avec quelques passages au discoursdirect, est raconté par un narrateur externe omniscient, qui a la faculté de passerde l’intérieur de la chambre (l. 1110 : « Félicité roula ses prunelles ») au parvis oùpasse la procession (l.1120 :« Le clergé parut dans la cour »).Il connaît aussi les penséesdes personnages :Félicité est « tourmentée » (l.1112),elle croit voir (l.1145).Mais,au sein de ce point de vue externe,Flaubert s’arrange pour introduire le regarddes personnages,de manière à ajouter de la vraisemblance à la scène :– il fait parler Félicité (« Est-il bien ? ») et lui fait rouler ses prunelles ;– avant de décrire la scène de la procession et le reposoir,il déplace La Simonne quigrimpe « sur une chaise pour atteindre à l’œil de bœuf » (l.1120-1121),de manière à ceque le point de vue du personnage soit le support de la description.On peut remarquer que le texte oppose le pronom indéfini « on » (l. 1116), quidésigne aussi bien les personnes présentes dans la chambre (Félicité, La Simonne)que toute autre personne et éventuellement même le lecteur,et le pronom « Elle »(l.1140),qui désigne et remet finalement Félicité au centre du conte.

z Le point de vue n’est pas toujours réaliste au sens strict,puisque Flaubert s’autoriseici des incursions dans la conscience de Félicité,lui prêtant en particulier des visionsau moment de sa mort,notamment celle du « perroquet gigantesque » (l.1146).

eVerbes de perception :« on distingua » (l.1116),« laissait voir » (l.1133),« humant »(l.1141),« crut voir » (l.1145).Ces verbes sont seulement au nombre de quatre, mais les termes indiquant desperceptions (sons :« râle », « ronflement » ;regard :« parut », « orné », « tiraient les yeux » ;odeur : « encensoirs », « vapeur d’azur », « narines ») sont très nombreux.Tout sepasse comme si la mort était mise en scène à l’aide de ces perceptions qui engendrentdes images et des impressions :la fusillade du début rappelant le glas,l’autel somptueux,le Saint-Esprit tel que Félicité se l’imagine, et le parfum final, la béatitude célestedans laquelle meurt l’héroïne.

r Flaubert choisit ici un lexique médical :« râle »,« bouillon d’écume »,« coins de sabouche », « côtes », le « corps tremblait », et des phrases très courtes, pour donnerl’impression d’une description clinique d’agonie.Il y a ici une recherche de simplicitéfactuelle,de style d’amphithéâtre,qui contraste avec la profusion éclatante et presquebaroque de l’autel.

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t La figure de l’énumération permet de donner à voir une série d’objets, commes’ils étaient présents devant nous, dans une hypotypose – ce qui se produit ici.Simultanément, l’accumulation donne un côté grandiose à l’autel, souligné par levocabulaire (« s’élançaient », « monceau de couleurs éclatantes ») – ce qui produit un effetd’hyperbole.

y La procession est d’abord décrite de manière sonore : « une fusillade ébranla »(l. 1109), « le ronflement des ophicléides, les voix claires des enfants, la voix profonde deshommes » (l. 1116-1117),puis visuelle :« Le clergé parut » (l. 1120),« Les fabriciens, leschantres, les enfants se rangèrent » (l. 1135).On voit des phrases à rythme ternaire, quirendent compte de la lenteur de progression de la procession.Le passage de l’ouïeà la vue permet de mettre en avant la perception de Félicité,qui reste ainsi au centredu texte.

u Plusieurs éléments relient les deux scènes :– Félicité réagit à l’arrivée de la procession en posant une question,montrant ainsiqu’elle en entend l’arrivée ;– son agonie progresse au même rythme que l’avancée des fidèles ; la procession semet en place autour de l’autel, fait « silence » (l. 1138), puis Félicité meurt,« commeun écho disparaît » ;– le parfum de l’encens semble relier la mourante et la procession.

i L’autel est comme une image du perroquet ; l’encens,dont le parfum monte etfait éprouver à Félicité cette « sensualité mystique », est ce qui provoque la vision(l.1141),créant un lien entre les deux actions.

o Cette question nous montre que,même au moment de mourir,Félicité s’oublieelle-même au profit de ceux qu’elle aime.Cette abnégation,ce don de soi,procheici du sacrifice,est l’une des caractéristiques de la sainteté.

q Champ lexical de la souffrance :« agonie », « râle », « bouillon d’écume », « soulevaitles côtes », « tremblait ».

s Malgré cette souffrance,Félicité continue à s’intéresser aux autres,comme on l’avu à la question 9. Ce contraste, cette opposition, met en valeur ses qualités dedévouement.

d On parle de ses « lèvres » et de son « cœur »,organes qui sont traditionnellementle siège de sentiments.Elle est ensuite comparée à « une fontaine [qui] s’épuise ».Danscette dernière description, tout se passe comme si son corps avait disparu,au profitde sensations suaves et de sentiments purs.Le champ lexical est celui de l’eau et de

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l’air (« vapeur », « azur », « narines »,« humant », « fontaine », « souffle », « planant »),qui donne cette impression de douceur et de légèreté.Félicité s’est métamorphoséeen pur esprit,par le parfum de l’encens,puis par la mort, signalée par la métaphorede la fontaine qui se tarit.

f La description de l’autel est marquée par la profusion (« monceau de couleurs ») etl’alliance d’objets hétéroclites (des reliques, un sucrier et des écrans chinois…),unmélange d’objets sacrés, rares et précieux.La chambre de Félicité comporte unecommode qui est « comme un autel » (l. 953) et on y trouve des objets disparates etvénérables : reliques de Virginie (son « chapeau de peluche »), de Victor (« la boîte encoquillages »), sans parler des « redingotes » du mari défunt de MmeAubain.Commepour l’autel,le perroquet est au centre et finit par être confondu avec le Saint-Esprit.

g On trouve le vert (guirlandes vertes), l’orange (oranger), le jaune, le rouge et lebleu,avec les fleurs :toutes les couleurs du perroquet,qui font de cet autel une imageagrandie du perroquet, comme s’il s’agissait d’une roue déployée par l’oiseau, à lamanière d’un paon.

h La religion de Félicité est tout intérieure, simple et modeste, au point qu’aumoment de mourir, elle s’oublie au profit de son perroquet mort. Que ce soitdans sa chambre ou au moment de sa mort,les icônes qu’elle vénère témoignent dela sincérité naïve de sa foi.Inversement,la religion des villageois est pleine d’ostentation :on note un peu plus haut qu’il y a des « rivalités » (l. 1055) entre les paroissiennes àpropos de l’installation d’un reposoir ; on constate que la procession se déroule demanière hiérarchisée et que les objets placés sur l’autel n’ont rien à voir avec laspiritualité mais sont plutôt des objets placés là parce qu’ils sont luxueux (le sucrieren vermeil) ou voyants. Il y a dans cette procession quelque chose qui rappellel’adoration du Veau d’or (Exode,32) dans l’Ancien Testament et on sent poindre dansla description de l’autel l’ironie de Flaubert.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 93 À 102)

Examen des textes

a Jean Valjean donne des explications sur le passé pour libérer la conscience deMarius et Cosette («Vous pouvez être riches tranquillement »), il se souvient de l’enfancede Cosette et des Thénardier,puis lui apprend le nom de sa mère :« voici le momentvenu de te dire le nom de ta mère. Elle s’appelait Fantine. » Il appelle à pardonner les

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Thénardier et demande une tombe simple (« vous n’oublierez pas que je suis un pauvre,vous me ferez enterrer dans le premier coin de terre venu »).Tout son discours est marqué par l’oubli de soi et la volonté de libérer Cosette etMarius de toute culpabilité ou regret.

z Antithèses : l’ombre et la lumière (« la lumière du monde inconnu », puis « c’est del’ombre. Je m’imaginais que tout cela m’appartenait ») ; la méchanceté (des Thénardier)et la bonté (de Fantine) ; le malheur et le bonheur (« Elle a eu en malheur tout ce quetu as en bonheur ») ; la terre et le ciel (« Il [Dieu] est là-haut, Il nous voit tous »). Lesantithèses frappantes concourent au registre pathétique du texte et constituent l’unedes marques du style hugolien.

e Dans le texte C,le narrateur est l’auteur.C’est la fille du mourant :cela est marquépar des pronoms et des déterminants possessifs (« mon père », « je suis montée », « mamère »). Il s’agit d’un narrateur interne, alors que les textes A et B sont des textesoù le narrateur est externe et ne participe pas au récit.

r La religion est envisagée comme un rituel sans contenu,de pure forme et sansvaleur spirituelle (« un marmottement chantant,entrecoupé de silences »), jugé de manièretrès péjorative (« L’extrême-onction du catéchisme.La chose la plus obscène qui soit »).

t Le texte d’Annie Ernaux est rédigé comme un témoignage, un journalchronologique – ce qui est marqué par le point de vue interne. La constructionest chronologique,marquée par les indications temporelles :« Dans la nuit », « Dansl’après-midi », « Par la suite », « Le dimanche matin », « Plus tard », « À midi et demi »,« vers une heure ».L’auteur prend soin aussi de distinguer le moment de l’histoire etle moment de la narration (« En me rappelant ce moment »), comme pour distinguerle compte rendu des faits et leur analyse.On note un vocabulaire cru,celui de la description physique sans concession :« C’étaithorrible parce qu’on ne savait pas si cela venait des poumons ou des intestins », « Sa maintremblait avec violence », «Autour du dentier […] ses lèvres se retroussaient »…

y Annie Ernaux s’efforce de présenter la mort comme un fait, un événement, enessayant de ne pas lui attribuer de sens,comme le font les autres auteurs.Ainsi,chaquefois qu’une signification pourrait apparaître, elle est dénoncée comme une pause.Ainsi,par exemple,lorsque la narratrice relève son père,elle se dit :« Je peux faire cela »ou « Je suis donc bien grande que je fais cela »,propos rapportés au discours direct pourmettre à distance,dénoncer l’interprétation des gestes.

u « Je n’ai jamais rien vu d’aussi répugnant, mais les femmes sont encore plus horribles que les hommes », dit le narrateur. Ce jugement est un paradoxe car il prend le

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contre-pied de la morale commune qui veut que l’on respecte et honore les anciens,les personnes âgées, qui sont ici montrées sous leur plus mauvais jour,notammentdans le premier paragraphe. Il s’agit d’un exemple d’humour noir.

i L’aspect physique délabré se retrouve.Mais la particularité des Struldbruggs estque cet aspect est figé pour l’éternité : « Leurs infirmités n’évoluent plus. » Là où lesautres meurent,les Struldbruggs,eux,perdent la tête,« ils ne trouvent plus leurs mots »,n’ont plus de mémoire… Swift les décrit ainsi pour prouver qu’il ne faut pas avoirpeur de la mort.

o La mort est « le but », « le seul espoir », « un élixir », « la clarté vibrante », « l’aubergefameuse », « un Ange », « la gloire des Dieux », « le grenier mystique », « la bourse du pauvreet sa patrie antique », « le portique ouvert sur les Cieux inconnus ». Le poème est unelongue métaphore filée où la mort est présentée comme un aboutissement et unerécompense.

Travaux d’écriture

Question préliminaireChaque texte, à sa façon,participe en effet à l’idée que la mort est un événementet un moment essentiels et d’une grande valeur symbolique.Même Annie Ernaux,qui s’efforce d’en proposer une présentation aussi neutre que possible, est obligée,comme on l’a vu, de se confronter avec les idées reçues que véhicule la mort (lesphrases au discours direct moquent le sentiment de fierté que,malgré elle, elle selaisse aller à éprouver relativement à sa capacité à faire face à la situation).Swift aborde, lui, la question par le paradoxe,en répondant de manière faussementnaïve à la question de savoir ce qu’il adviendrait si on ne mourait jamais,démontrantque l’homme raisonnable n’a pas de raison de craindre la mort.La mort est ainsi lesymbole du caractère fini de la vie humaine.Pour Flaubert,on l’a vu,la mort devient le moment de conclusion d’une vie,ce quilui donne son sens définitif, dans une sorte d’apothéose savamment mise en scèneavec le procédé de la simultanéité.Dans le texte de Hugo, la mort est le moment de la dernière parole,qui prend uneimportance essentielle car elle est mise en valeur par les circonstances dans lesquelleselle est prononcée.C’est aussi l’occasion pour lui d’un discours très moralisateurappuyé sur des antithèses et des images frappantes et au symbolisme puissant (l’ombre,la lumière, la Terre, le ciel, la méchanceté, la bonté,etc.).Dans le poème de Baudelaire, la mort est présentée paradoxalement comme unbonheur et une libération,un espoir,par opposition à une vie terrible.

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D’une manière générale, les écrivains s’intéressent donc à la mort comme à unphénomène qui donne sens à la vie : perçue comme une conclusion, un but ouun couronnement,elle n’est présentée comme une fatalité imprévue et contre laquelleon ne peut rien que par Annie Ernaux.

Commentaire

Introduction• Ce poème est l’avant-dernier poème du recueil Les Fleurs du mal, tel qu’il estparu en 1857.Il appartient à la section « La Mort »,la dernière du recueil,dans laquellele poète présente la mort comme le moment de reconstruction où l’artiste disparaîten tant qu’individu, pour devenir un artiste, c’est-à-dire une collection d’œuvreset d’idées qui subsistent dans la mémoire des hommes.Cette vision,impersonnelle,de l’artiste est très moderne et novatrice pour l’époque.• Ce poème est un sonnet régulier, dont le rythme est apaisé et majestueux (onremarque que le poème ne comporte qu’une phrase,qui développe,comme à l’infini,une série de métaphores et d’images réconfortantes sur la mort).• On pourra commenter ce texte en trois parties.

1. Les aspects narratifs• On constate que le poème est comme un court récit : il s’agit en effet d’arriver« jusqu’au soir » (v.1).• Ensuite, le second quatrain décrit cette progression dans son premier vers, en ladramatisant (« À travers la tempête,et la neige,et le givre »),avec la surcoordination,jusqu’àl’arrivée à l’« auberge ».• Enfin, les deux tercets sont marqués par une série d’images décrivant la mort enévoquant différents lieux (lit,grenier,patrie,portique,cieux) que celle-ci permet deparcourir.Cet itinéraire funèbre ouvre sur les aspects symboliques.

2. Les aspects symboliques• Le thème du voyage, symbole de la vie dans l’Antiquité,du cours de la vie,est iciprésent et la mort accompagne et guide ce voyage. « Clarté vibrante » à l’« horizonnoir », elle est présentée comme un phare vers lequel se dirige le marin.• On peut remarquer la subtilité du système des rimes (« espoir », « soir », « noir »,« asseoir ») qui tisse un réseau entre l’idée de repos,celle de fin,et l’espoir.

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• Baudelaire mêle dans le poème des références à la mythologie antique (« patrieantique »), une métaphore de la navigation, et des références religieuses (« le livre »,l’ange)…

3. Le discours sur la mortOn développera le fait que le poème se dirige tout entier vers la chute du derniervers « Cieux inconnus », la notion d’inconnu s’opposant à la thématique du poème,dans lequel la mort est présentée comme rassurante.Au total,la mort est une libération,mais elle est aussi un ailleurs,une découverte,un horizon de l’art,pourrait-on presquedire.

ConclusionOn a ici un texte «baudelairien» dans lequel la pureté de la forme poétique,presqueclassique et rassurante, entraîne dans une méditation sur la mort peu orthodoxe etdont le caractère paradoxal surprend.

Dissertation

Introduction• Ce sujet invite à s’interroger sur la représentation de la mort par la littérature et sursa signification.• En introduction,on pourra situer la question,en indiquant que la mort peut êtreprésente dans les œuvres littéraires, soit par la mort d’un personnage (comme dansTrois Contes),soit en étant évoquée comme une possibilité ou une idée (comme c’estle cas dans l’extrait de Swift ou dans le poème de Baudelaire).• On pourra ensuite s’interroger sur le type de registres (pathétique,tragique,comique)de ce genre de scène et enfin se demander comment la manière dont elle est traitéelui fait donner un sens ou non à la vie d’un personnage ou à la vie en général.

1. Les représentations de la mort• Récits de mort :on opposera des récits très construits pour que la scène d’agonieait un sens et fasse du mourant un héros ou un exemple (Hugo,Flaubert) aux récitsqui,au contraire,cherchent à donner une simple description,sans que l’ultime étapedonne un sens à cette fin (Ernaux).

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• On insistera sur la présence d’un discours sur la mort, dans les textes de Swift etBaudelaire : dans ces textes, sans parler de la mort d’un personnage,on parle de lamort en général et du sens qu’elle est susceptible de donner à la vie.

2. Les registres• D’une manière générale, la mort est un sujet qui relève du registre tragique oudu registre pathétique (Hugo,Flaubert,Ernaux), elle est le plus souvent l’occasiond’un discours sérieux, grave, proche de la réflexion philosophique (Baudelaire,Ernaux).• Lorsque la mort intervient dans un discours au registre comique (Swift),on a affairegénéralement à de l’humour noir.• Dans tous les cas, la présence du thème de la mort induit des questions et desinterrogations sur le sens de la vie, sa valeur.

3. La mort donne-t-elle un sens à la vie ?• C’est l’hypothèse choisie par la majorité des textes et les contes du recueil,qui fontde la description de ce moment ultime l’occasion d’un résumé de la vie (Hugo) oude son apothéose (Flaubert).Une telle présentation est présente dans la littérature etl’art : on pourra citer les vanités, des tableaux comme La Mort de Sardanapale… Leplus souvent,on en parle du point de vue de la vie :on pourra citer des textes commeLe Colonel Chabert (Balzac) ou La Mort d’Olivier Bécaille (Zola) qui racontent l’histoirede personnages ressuscités (on les a crus morts alors qu’ils avaient survécu).• Les textes qui,au contraire,présentent la mort comme un accident survenant parhasard à un moment imprévu,comme un événement non désiré et jamais accepté,sont plus rares (Ernaux,Swift) et témoignent d’une conception plus contemporaine.• Baudelaire donne une approche moderne : la mort est visée comme une formede vie supérieure. En parler permet de critiquer la condition humaine, sesimperfections,plus que de s’interroger réellement sur ce qu’est la mort,qui est poséecomme un « ailleurs »,un « inconnu », autrement dit une partie de la vie.

ConclusionOn rappellera que la mort fait l’objet de différents artifices de présentation et qu’autotal on en parle le plus souvent du point de vue de la vie : la mort, comme étapeultime, comme fin, est un élément qui permet d’interroger la vie, le monde, etd’en questionner le sens avec une grande intensité dramatique.

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Écriture d’invention• Dans un discours, une personne s’adresse à un groupe : on emploiera donc la1re personne, le présent et le passé composé.• Puisque c’est un préfet qui prononce cette allocution, on pourra employer unlangage très soutenu,construit.• On pourra, par exemple, rapporter les faits et gestes de Félicité sous la forme derécits, écrits au passé simple et à l’imparfait.

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◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 107 À 110)a L’histoire est racontée par un narrateur extérieur invisible, le narrateur typiquedes contes.Ce narrateur parle en son nom à la fin du conte en disant : « Et voilàl’histoire de Julien, telle à peu près qu’on la trouve, sur un vitrail d’église,dans mon pays.»

z L’extrait est presque exclusivement à l’imparfait jusqu’à la ligne 52 où l’on trouveun passé simple :« il lui vint un fils.» Ensuite,jusqu’à la fin de l’extrait,les passés simplesdominent.Cette opposition traduit l’importance de la naissance de Julien,événementdéclencheur dans un univers immobile de conte que met en place le début du récit.

e Indications temporelles :« depuis si longtemps » (l.19),« des armes de tous les temps »(l.30),«Toujours » (l.38),«Après beaucoup d’aventures » (l.44),« chaque matin » (l.49).Ces indications temporelles situent l’action dans un lointain passé, une époqueindéfinie et immuable.Il s’agit d’une temporalité typique du conte.Lors de la naissancede Julien,on trouve « trois jours et quatre nuits » (l.53-54),« Un soir » (l.61),indicationsplus ponctuelles mais qui situent l’action dans la temporalité indéfinie du conte.

r Le château est situé « au milieu des bois, sur la pente d’une colline » (l. 1-2) : c’estune image car les châteaux étaient toujours construits au sommet des collines,pourmieux en assurer la défense.

t Le père et la mère sont les personnages de premier plan :ils sont parfaits dans leurrôle de seigneurs,on dirait des enluminures.Le père,« bon seigneur » (l. 36), vêtu d’une « pelisse de renard », rend la justice, apaiseles querelles, cause avec les manants et donne des conseils.La mère n’est pas en reste (l. 46-52) : son vêtement est caractéristique du MoyenÂge (hennin, queue de sa robe) ; elle se signale par ses qualités domestiques et sapiété.

y Il s’agit des figurants (vassaux, manants, domestiques, servantes, la foule dubanquet…) : ils servent de cadre aux bons seigneurs,dont ils mettent en lumière labonté, la gentillesse et aussi la fermeté (la châtelaine « distribuait ses ordres »).

u L’ermite est un personnage un peu inquiétant dans cet univers parfait :sa vieillesseest visible, il est pauvrement vêtu (« en froc de bure ») et a l’insigne du nomade (« unebesace »). Il disparaît comme un songe. Ce personnage est porteur de l’élémentmerveilleux qui caractérise l’esthétique du conte.

La Légende de saint Julien l’Hospitalier (pp. 103 à 106)

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i Champ lexical du Moyen Âge :« château », « tours », « écailles de plomb », « douve »,« dragons », « basilic », « héliotrope », « pieux », « herse », « créneaux », « courtines »,« échauguette », « étendards », « pelisse », « vassaux », « manants », « lignage », « hennin »,« écuelles ».Ce vocabulaire donne une couleur moyenâgeuse à ce début de contedont le style correspond, sinon,plutôt au mode narratif du XIXe siècle.

o L’extérieur comme l’intérieur sont marqués par une perfection esthétique etd’organisation.Les lignes 25 à 28 témoignent particulièrement de cette impressiond’abondance par les verbes (« les armoires regorgeaient », « les tonnes de vin s’empilaient »,« craquaient sous le poids »).Plus loin,on trouve l’adjectif « somptueux ».La constructionnous fait aller de pièce en pièce et permet de montrer que chaque domaine est parfait(le bâti, le jardin, les réserves, les armes…). Il y a dans cette abondance et dans cetteperfection une image idéale d’un Moyen Âge rêvé.

q Ligne 19 :« On vivait en paix depuis si longtemps […].» À cette indication s’ajoutela protection conférée par les enceintes :« une forte haie d’épines » entoure la demeureen dernier lieu ;« l’archer »,qui « s’endormait comme un moine » à son poste de guet,quiindique qu’il n’y a jamais aucun danger.On peut ajouter à ces indications les multiplesnotations montrant le caractère régulier,parfois un peu répétitif de la vie des seigneurs.

s Ces comparaisons traduisent à nouveau la fonction symbolique de ce lieu en lecomparant à des lieux sacrés, censés représenter la spiritualité.

d Ce réseau complexe d’enceintes (l.11-18) rappelle l’organisation de l’espace d’uncloître :c’est un lieu symbolique,un paradis fermé.On retrouve aussi les différentesfonctions sociales (noblesse, jeux, services) disposées concentriquement autour duchâteau.

f Ces armes renvoient à la vie aventureuse vécue par le seigneur avant de se fixerau château (l.44 :«Après beaucoup d’aventures ») et représentent en réduction le mondeet l’Histoire, ainsi présents dans l’enceinte du château.

g Ils entretiennent des relations de supériorité, mais marquées par une grandedouceur et par une grande déférence de la part des « vassaux » et des « manants »– ce qui manifeste la légitimité de l’autorité des seigneurs et en fait de « bons »seigneurs.Selon la vision nobiliaire du monde, le seigneur est en effet le protecteurde ses vassaux et doit donc les soutenir et les protéger. C’est pour lui un devoir,plus qu’un droit.

hTous les éléments de ce début de récit, la famille de Julien, laissent présager unevie de seigneur pour Julien.Quelques indices indiquent,dans cet univers de tranquilité

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qu’est le château, les aventures qu’il aura à vivre: la salle d’armes (l. 29 à 32), le faitque le père a aussi vécu beaucoup d’aventures (l.44) et bien sûr la première prophétie.

j La naissance de Julien survient « à force de prier Dieu », elle est donc une sorte decadeau divin.Elle est marquée par de très grandes réjouissances et par la formulationd’une prophétie.La naissance extraordinaire est souvent caractéristique des personnagesqui sortent de l’ordinaire.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 111 À 120)

Examen des textes

a Flaubert ajoute tout ce qui concerne l’enfance et l’éducation de Julien. Ceséléments rendent le personnage très proche et le dotent d’une épaisseur psychologiquebien plus grande que le personnage de La Légende dorée de Voragine.

z Le traitement des personnages dans Saint Julien est,comme on l’a vu,beaucoup plusdéveloppé par Flaubert qu’il ne l’est dans La Légende dorée :à partir de la trame narrativede la légende,Flaubert forge ainsi une nouvelle (ou conte au sens du XIXe siècle),c’est-à-dire un récit complet dans lequel le principal personnage et les éléments de sa viesont présentés en détail,par opposition au texte de Voragine,qui ne s’attache qu’à laprésentation des épisodes fabuleux (prédiction du cerf,mort des parents).

e Dans Après, un narrateur externe met en scène deux personnages (« la comtesse »et « l’abbé Mauduit »). Le premier personnage demande à l’autre de lui expliquerpourquoi il a décidé de devenir curé. À partir de là, le narrateur fait une longuedescription du curé puis lui cède la parole pour lui faire raconter sa propre histoire.Ce début de conte met en place :– une situation qui rend la narration nécessaire,car demandée par l’un des personnages,destinataire du récit ;– un relais de narration,c’est-à-dire un personnage qui raconte l’histoire à la placedu narrateur.Ce procédé de narration est très fréquent dans le récit court au XIXe siècle et contribueà l’impression réaliste.

r Les marques d’énonciation du narrateur sont :– les phrases interrogatives, que la question s’adresse aux lecteurs : « Qui rend doncla blonde Edwige si triste ? » ou au personnage lui-même :« Edwige, blonde Edwige,necroyez-vous plus à Jésus-Christ […] ? » ;

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– les phrases exclamatives,qui manifestent le sentiment,l’avis du narrateur :« Hélas !hélas ! »

t Edwige (« la blonde Edwige ») est comparée à une statue d’albâtre, sa larme à lagoutte d’eau qui « use le granit », ses mains à celles de personnages de légendesscandinaves, les Elfes et les Willis. Sa douleur est ainsi décrite : « son cœur percé dessept glaives de la douleur ».L’étranger est comparé à un ange puis à un tigre.On peut donc noter la présence d’éléments naturels (l’eau, la pierre),d’animaux etde personnages légendaires qui servent à décrire les sentiments et les qualités moralesdes personnages. Ces images et ces comparaisons renvoient à la manière dont leXIXe siècle se représentait le Moyen Âge.

y Dans les deux cas,une jeune femme noble,une châtelaine du Moyen Âge,désireardemment un enfant qui tarde à venir.Lorsque cette naissance s’annonce, elle estdans les deux cas marquée par un signe mystérieux et infamant (la prophétie dansSaint Julien, le chanteur de Bohême dans Le Chevalier double).Tout se passe commesi les deux personnages féminins avaient conclu un pacte avec le Diable pour obtenirune grossesse.La forme narrative diffère car, dans Saint Julien, le narrateur est absolument absent,il ne se manifeste pas,tandis qu’au contraire,dans Le Chevalier double,il est omniprésent,sous la forme des questions qu’il pose sans cesse.

u Selon Maupassant, le conteur doit être un « psychologue profond »,c’est-à-dire êtrecapable d’indiquer des « figures complètes en quelques lignes » ;il doit aussi être un « évocateurd’âme » – ce qui signifie qu’il doit être capable de nous faire partager les pensées etles sentiments de ses personnages – ; enfin, il doit pouvoir faire revivre le milieuqu’il évoque. S’ajoute à ces capacités de l’écrivain réaliste le fait d’être un « artisteraffiné »,c’est-à-dire de faire en sorte qu’« on ne remarque jamais ses malices d’écrivain ».Un tel point de vue est assez classique au XIXe siècle où les écrivains se considèrentcomme des connaisseurs de l’âme et de la psychologie humaines et ont souvent àcœur de faire connaître le monde et la société qui les entourent à leurs lecteurs.Cetteconception réaliste de l’écrivain est en effet dominante à l’époque.Ces qualités sont présentes dans les textes du corpus.Flaubert et Gautier mettent enscène un Moyen Âge de convention avec une science raffinée de la description etde la narration.En quelques lignes et avec quelques images, ils construisent chacunun personnage de châtelaine du Moyen Âge, inquiète de ne pas voir arriver unenaissance.Quant à Maupassant, il n’est pas en reste :dans le début d’Après, il brosseen quelques lignes le portrait du curé qui va raconter son histoire, tout en créant

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autour de lui un milieu de noblesse campagnarde,digne et un peu désargentée,grâceau personnage de la Comtesse et de ses enfants.Ainsi, chaque texte propose,d’une manière rapide, la mise en place d’un milieu etle portrait complet d’un personnage.

i Seul le texte de Maupassant présente une situation narrative similaire à celleprésentée dans la gravure,c’est-à-dire un personnage racontant une histoire à d’autres.Dans Après,le curé occupe la place de la conteuse,la Comtesse celle des petits enfants,c’est-à-dire l’auditoire.Cette gravure est significative car elle résume bien la manièredont on met en scène le récit dans les nouvelles au XIXe siècle.

Travaux d’écriture

Question préliminaireComme en témoignent les différents extraits, au XIXe siècle, la nouvelle peut fairel’objet de différents modes narratifs :– récit à la 3e personne par un narrateur absent et externe (Flaubert) ;– récit à la 3e personne par un narrateur présent et qui intervient (Gautier) ;– relais de narration,avec mise en scène d’un narrateur à la 1re personne (Maupassant).La nouvelle peut être réaliste (Maupassant) ou bien à coloration fantastique (Flaubert,Gautier).Enfin, les thèmes abordés sont très nombreux : la nouvelle peut mettre en scène leMoyen Âge (Gautier, Flaubert) comme l’époque contemporaine (Maupassant),s’intéresser à une légende, celle de la vie d’un saint (Flaubert), à des personnagesimaginaires issus d’une tradition comme celle de la littérature scandinave (Gautier)ou de l’observation de l’époque contemporaine (Maupassant).Au total, la nouvelle, ou récit court, est un genre très souple qui permet d’aborderune infinité de questions, de sujets et de thèmes : en cela, elle est très proche de lachronique journalistique – ce qui est sans doute une des raisons de son succès auXIXe siècle,période d’essor de la presse.

Commentaire

Introduction• Ce texte est le début d’une nouvelle de Maupassant qui met en scène deuxpersonnages : la Comtesse et l’abbé Mauduit. Durant tout le texte, le premierpersonnage insiste pour que le second lui délivre son histoire,laquelle permettra derépondre à la question « pourquoi êtes-vous devenu prêtre ? »

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• On commentera d’abord la mise en place du cadre narratif,puis les portraits croisésde la Comtesse et du curé ;enfin,on parlera du suspense narratif.

1.Un cadre narratif intime, familial et villageois

A.Une scène familiale,dont l’intimité permet l’épanchement et la confidence

B.Une scène villageoise, campagnarde,qui renvoie au réalismeC’est une sorte de peinture de genre.

C.Une circulation de la parole• Elle légitime le récit (coucher des enfants dont la présence légitime la curiosité dela Comtesse).• Écoute attentive qui légitime le récit du curé qui va commencer après ce début.

2. Portraits croisés

A.Deux personnages typiques• La veuve noble.• Le curé de campagne.

B.Un portrait polyphoniqueLe curé est présenté par la Comtesse, les paysans du village et lui-même.

3. Le suspenseAu fur et à mesure du texte, le curé devient une énigme : il aurait pu devenir pèrede famille, vivre la vie de tout le monde ; le récit qu’il va faire répondra à cettequestion.

ConclusionCe début est une scène de campagne savamment construite et menée pour provoquerchez le lecteur l’attente du récit,éveiller son intérêt,tout en légitimant la narration.Le cadre narratif met en place un important effet de réel, rendant la narration à lafois réelle et nécessaire.

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Dissertation

Introduction• Jean-Pierre Aubrit insiste sur trois points essentiels : le quotidien et l’intimité, lasubjectivité,l’expérience concrète,comme éléments essentiels du domaine du récitbref.D’après lui, la présence de ces éléments caractérise l’univers et l’esthétique durécit bref, ajoutant que ce dernier excelle à faire entendre la voix des humbles.• Pour répondre à la question posée,on commencera par confronter les extraits ducorpus et les récits proposés dans le recueil à la définition de Jean-Pierre Aubrit,puison confrontera cette définition avec les récits longs,auxquels Jean-Pierre Aubrit peutsembler les opposer.Enfin,on tentera d’élargir cette définition,en ajoutant la notionde précipité ou d’instantané.

1.Une définition restrictive

A.De nombreux récits brefs correspondent à la définition d’AubritUn cœur simple ou Après, ou même Le Chevalier double, mettent bien en scène lequotidien et l’intimité de personnages humbles,inconnus et modestes,en présentanten effet les événements à travers le prisme de la subjectivité des personnages.

B.Le récit bref peut dépasser le strict cadre de l’intimité et du quotidien• Pour autant, en mettant en scène des personnages historiques (Hérodias) ou desévénements historiques (Jacques Damour), le récit bref peut dépasser le strict cadre del’intimité,du quotidien.• En somme, le récit bref ne se limite pas seulement à l’intime, au quotidien, ilpeut aussi aborder des sujets plus épiques,plus attendus dans le roman.

2. Le roman : distinction avec le récit bref

A.Par sa dimension et ses approfondissements…Chacun des sujets des Trois Contes a été traité par Flaubert sous la forme d’un roman.Le roman se distingue par sa dimension et par un approfondissement du caractèredes personnages,la présentation d’un milieu,de nombreux personnages secondaireset la construction d’une intrigue plus complexe et dont les ramifications sont plusnombreuses.

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B.… mais pas par ses sujets• Pour autant, le roman ne se prive pas ni de décrire les humbles (Les Misérables, lesromans de Zola),ni de parler de l’intimité et du quotidien.• La différence entre récits long et court tient donc moins au sujet qu’à la forme.

3.Des instantanés, des précipités

A.La pratique du journalismeLes nouvellistes,comme Maupassant,Gautier,Barbey d’Aurevilly (mais pas Flaubert),ont presque tous en commun d’avoir pratiqué le journalisme.La nouvelle est conçuecomme un instantané,un précipité,une « tranche de vie ».

B.L’intensité dramatiqueMaupassant, dans son article sur Tourgueniev, insiste sur « l’intensité dramatique ». Ilen donne un exemple dans Après,en brossant un portrait complet en quelques lignes.Un cœur simple réalise le même principe :avec quelques épisodes (le premier amourdéçu,l’attaque du taureau…),Flaubert donne une épaisseur au personnage de Félicité.Dans un roman,ces passages donneraient lieu à des explications,des développements,des commentaires. Ici, ils se suffisent à eux-mêmes.

ConclusionL’auteur a raison de dire que le récit court convient à la description de la viequotidienne.Pour autant,ce qui le distingue du roman n’est pas seulement le choixdu sujet,mais aussi cette intensité dramatique qui naît du fait qu’une nouvelle estsouvent un précipité,un instantané comme saisi sur le vif.

Écriture d’inventionSans proposer de sujet type,on attirera l’attention des élèves sur :– la mise en scène de la situation de narration (le lieu, le moment, les circonstancesqui introduisent au récit) ;– le dialogue entre destinataire et narrateur ;– le rôle du narrateur qui met en scène et décrit les personnages en tentant,à traversces éléments,de provoquer l’intérêt du lecteur.

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◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 134 À 136)a La forêt est présentée comme un lieu de triomphe :« une avenue » (l. 287) danslaquelle les grands arbres forment un « arc de triomphe » (l.288).Elle prend ensuite laforme d’un théâtre,« un cirque » (l.303).Elle est comparée avec une ville et un théâtre,elle se transforme en une scène,comme pour dramatiser l’instant de la chasse et dela prédiction du cerf.

z Les énumérations d’animaux vont de la ligne 287 à 294. Elles donnent unedimension hyperbolique à cette scène car leur arrivée semble inépuisable ;les animauxsont comme l’hydre de la mythologie :chaque fois que Julien en tue un,« d’autres »réapparaissent,« à chaque pas plus nombreu[x] » (l.294).Cette scène sert d’introductionà la description de la harde de cerfs qui en est le couronnement (l.302-304).

e Le grand cerf est présenté à deux reprises :d’abord comme un animal « monstrueuxde taille,[portant] seize andouillers avec une barbe blanche » (l.328-329),c’est-à-dire tousles symboles d’un âge vénérable,associé à la puissance de sa taille immense ;ensuitecomme un « prodigieux animal » (l.341) ;puis il est comparé à un patriarche et à unjusticier (l. 342).Cela valorise les capacités de chasseur de Julien, car le cerf est unadversaire exceptionnel par sa force.D’ailleurs,il semble d’abord résister aux flèchesde Julien (l.338 :« Le grand cerf n’eut pas l’air de la sentir ») avant de s’effondrer.

r Ces expressions sont nombreuses : « Julien ne se fatiguait pas de tuer » (l. 296),« tout s’accomplissant avec la facilité que l’on éprouve dans les rêves » (l.300-301),« L’espoird’un pareil carnage […] le suffoqua de plaisir » (l.305-306),et teintent cette chasse d’unenuance morbide et suspecte que la mise à mort des cerfs confirmera.

t Julien abat d’abord l’enfant, puis la mère, enfin le grand cerf. Symboliquement,et dans une lecture anthropomorphique, il commence donc par les plus faibles etles innocents (les enfants et les femmes),qu’un guerrier noble et valeureux devraitnormalement avoir à cœur de protéger.Cette tendance est déjà présente au débutde l’extrait, lorsque les animaux l’entourent « avec un regard plein de douceur et desupplication » (l.295-296) auquel il répond par le meurtre.

y Julien « ne pensait à rien,n’avait souvenir de quoi que ce fût » (l.298),« tout s’accomplissantavec la facilité que l’on éprouve dans les rêves » (l.300-301) ;ensuite, il « contemplait d’unœil béant » (l.323),« ne comprenant pas » (l.324) ; il est « exaspéré » (l.334),épouvanté(l.340),« stupéfait,puis accablé » (l.347) ;enfin,il s’enfuit,« poussé par un effroi » (l.352).

La Légende de saint Julien l’Hospitalier (pp. 129 à 133)

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Tous les sentiments éprouvés et qui gouvernent les actions de Julien sont marquéspar le sceau de la passivité : à aucun moment,en effet, il n’agit sous la gouverne dela raison.Ainsi, tout au long de cette chasse, ses actions sont provoquées par lesévénements,le surgissement des animaux,auxquels il répond,de manière quasimentréflexe,par le meurtre.Cela se termine avec la prophétie du cerf,qui semble casserle ressort de cette mécanique (l.347-349 :« un dégoût,une tristesse immense l’envahit »),qui s’amollit et devient impuissante.

u Cette double comparaison n’est ni neutre ni gratuite : elle est annoncée par ladescription qui précède (l. 328-331), qui pare l’animal des attributs d’un vieillardvénérable – ces qualités du cerf préparent l’accession à la sainteté de Julien,qui supposede passer d’abord par une épreuve qui lui rappellera l’humilité de sa condition.

i Les animaux se présentent à Julien comme en une sorte de ballet, dans unmouvement organisé et qui semble, de ce fait, celui d’une foule humaine. Ils sonthumanisés car, par leur regard, ils semblent parler à Julien : « Elles tournaient autourde lui, tremblantes, avec un regard plein de douceur et de supplication » (l. 294-296) ; cettehumanisation des animaux se poursuit évidemment avec la description des cerfs,qui sont comme une famille.La biche brame d’une « voix […] humaine » (l. 334).Plus loin,le cerf survivant parle,comme un être humain,et ses actions lui sont dictéespar un sentiment de vengeance, autrement dit un sentiment humain. Cettehumanisation des animaux nous projette dans un univers irréel : celui du contemerveilleux ou même fantastique.

o Cette formule témoigne que la perception du personnage commence à êtredéréglée,élément caractéristique du récit fantastique,car il permet d’introduire unévénement fantastique,dont le lecteur peut se demander s’il est réel ou au contrairerêvé par le personnage ;cette hésitation entre le réel et l’illusion est l’un des élémentsdu genre fantastique.

q Julien « se trouva presque immédiatement à la porte du château », comme si le tempset l’espace s’étaient abolis – autre caractéristique de la littérature fantastique. Cepassage magique d’un lieu à l’autre contribue aussi à cette hésitation sur la réalité dela chasse,dont on peut finalement se demander si Julien l’a vécue ou rêvée.

s La peur se manifeste de manière physique :d’abord la « fatigue »,puis « un effroi » ;puis julien prend la fuite – ce qui ne lui était jamais arrivé.

d Julien est accablé et pleure,il est triste.Alors qu’il était fier et orgueilleux,il devientfragile et humble : tout se passe comme si la prédiction du cerf l’avait amené à laconscience de la fragilité de sa condition.Un peu plus bas, il a peur que ses actes

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soient inspirés par le « Diable » (l. 359).Cet épisode a donc un caractère édifiant, ilfonctionne comme une leçon que Julien reçoit après avoir commis une faute,dont il va se repentir et pour laquelle il recevra l’absolution.Mais cet épisode n’estque la première étape du chemin vers la sainteté,dont l’étape la plus terrible,annoncéepar le cerf, est le meurtre des parents.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 137 À 143)

Examen des textes

a Champ lexical des qualités morales : « noble », « pitié », « franche et débonnaire »,« remerciait », « fidèlement ».Ce champ lexical est essentiel car, dans la logique de lachevalerie, le chevalier combat pour le bien,contre le mal.Ainsi au début, lorsqu’ilvoit le lion et le serpent combattre,Yvain se demande lequel des deux aider.Maisson choix est vite arrêté car « on ne doit faire de mal qu’aux êtres venimeux et pleins defélonie ».

z Le serpent est monstrueux : il « vomi[t] des flammes »,« brûl[e] toute l’échine » dulion,sa « gueule [est] plus large qu’une oule ».Ensuite,Yvain frappe et refrappe,et coupele serpent en « mille morceaux ».Ces hyperboles soulignent le courage du chevalier,qui ne craint pas d’affronter un adversaire terrible, et sa force, qui lui permet de leréduire en miettes.

e Dans les trois premiers textes,un narrateur externe rapporte les faits et gestes d’unpersonnage, sans s’impliquer dans le récit, sauf sous la forme de jugements morauxservant à justifier les actions des personnages (Yvain :« on ne doit faire de mal qu’auxêtres venimeux ») ou à expliquer leurs actions (Le Chevalier inexistant :« on risquait fort,en heurtant […] »). Hors ces interventions, il s’agit de récits à la 3e personne, aupassé simple et à l’imparfait.Inversement,le texte de Harrison est écrit à la 1re personne (« Mais j’avais assez enviede rester là », « Malgré ma surprise et ma confusion »). Il s’agit d’un témoignage ; ici, lenarrateur a assisté et participé à la scène qu’il rapporte.On peut noter toutefois qu’ilemploie le passé simple pour la raconter, donnant ainsi une coloration littéraire,narrative à son récit.

r Calvino s’amuse à faire effectuer à son narrateur des mouvements équivalents àceux d’une caméra : il va du plan d’ensemble (« Les deux nuages se rejoignirent ») augros plan de détail (« Le moindre déplacement latéral était difficile,à cause de ces sacrées lances,justement », « le sol étant déjà tout encombré de carcasses et de cadavres »).Ces va-et-vient

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permettent d’insister sur des détails secondaires – ce qui donne une tonalité comiqueà l’ensemble de la scène.

t Au-delà de la mise en scène analysée à la question précédente, Calvino faitappel au comique de situation : par exemple, en décrivant la bataille comme un« embouteillage », ou en décrivant en détail la technique qui consiste à désarçonnerl’adversaire en glissant sa lance entre sa selle et ses fesses, ou encore la descriptionde l’échelle des insultes.Il fait aussi appel au comique de mots, en employant des termes volontairementdéplacés dans le contexte (« hop », le « fracas des quintes de toux »…),et bien sûr, lesinjures finales,dans lesquelles,en plus,toutes les langues semblent se mélanger,pourle bonheur du lecteur.Il utilise aussi,tout au long du texte,l’anachronisme (l’emploi du mot « embouteillage » ;en décrivant ses chevaliers comme des guerriers contemporains, préoccupés parde petits détails techniques).Le procédé du grossissement lui donne enfin une tonalité burlesque qui fait leprincipal de l’aspect comique de ce texte et lui confère toute sa saveur parodique.Avec subtilité,Calvino détourne l’épopée des chevaliers en une collection de petitsfaits cocasses (la toux, l’équilibre, la crainte de tomber, les injures incomprises etintraduisibles…) qui la transforme en une comédie burlesque et humaine.

y Chez Calvino, l’anachronisme est essentiellement comique : il ramène l’épopéeà une dimension humaine, compréhensible, comme une sorte de jeu entrecontemporains.Chez Harrison, il s’agit au contraire de faire revivre une traditionancestrale, la chasse à courre, au sein du monde moderne. L’anachronisme a unefonction critique : il s’agit de dénoncer la platitude du monde moderne.

u Le monde moderne prend la forme d’une « route nationale »,d’un « affreux lotissementaméricanisé », puis du nom du chien « Khrouchtchev », nom donné sans doute pardérision car il s’agit du nom du secrétaire général du Parti communiste d’Unionsoviétique qui a engagé la détente en 1956… D’une manière générale, le mondemoderne est donc présenté comme envahissant et négatif (affreux) ;on tente de letenir à distance par la dérision.

Travaux d’écriture

Question préliminaireL’extrait d’Yvain n’est pas une représentation,mais un texte du Moyen Âge.Il proposeune image assez précise de ce que pouvait être un chevalier,de ses valeurs et de ce

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qu’il devait savoir faire. On peut constater que la scène de bataille présentée estéminemment symbolique : le combat du lion et du serpent est celui du bien et dumal ; le chevalier choisit bien sûr le bien et triomphe au prix d’un rude combat oùil fait preuve de sa valeur et de sa vertu.Cette figure idéale subit des variations diversesau cours de l’histoire,dont les trois autres textes sont des exemples.Chez Flaubert,comme chez Harrison,le Moyen Âge est conçu comme un lointainâge d’or,non encore compromis par la complexité moderne,ni pollué,au sens propredu terme.Pour Flaubert, c’est l’occasion de mettre en scène un univers de féerie, foisonnant,celui du conte merveilleux.Julien semble exister en référence aux valeurs expriméesdans Yvain : en effet, c’est parce qu’il tue sans distinction au cours de sa chasse, sansdistinguer entre le bien et le mal,qu’il est finalement châtié.Pour Harrison, la tradition de la chasse à courre est non seulement une forme derelation avec la nature (rendue difficile dans le monde moderne car cette relation estconstamment parasitée par la présence de villes, de routes…),mais aussi l’occasionde mettre en pratique des valeurs chevaleresques de bravoure et de courage,qui sontillustrées par la cérémonie de la mise à mort du cerf. L’animal est abattu selon desformes qui en font quasiment un égal,qui rendent hommage à son courage,ce rituelprovoquant une émotion dans l’assistance,qui se manifeste par une minute de silencepuis des sonneries de cor.Calvino,au contraire,parodie le passé :il refuse l’image convenue qu’en donne Yvainet propose de voir dans les chevaliers des hommes comme nous,c’est-à-dire parlantcomme des contemporains. Le Moyen Âge n’est pas conçu comme un âge d’or,mais comme une époque,presque un magasin des accessoires,dans lequel on puisedes décors et des aventures,pittoresques mais pas fondamentalement différentes decelles que nous pourrions rencontrer aujourd’hui.

Commentaire

IntroductionYvain ou le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes est un roman courtois du XIIe siècle,qui raconte les exploits du chevalier Yvain pour conquérir puis rester digne de l’amourde Laudine.Dans cet extrait,Chrétien de Troyes imagine et présente un épisodefrappant et comportant des éléments féeriques.La bataille contre le serpent permetà Yvain de faire preuve de sa bravoure et de ses qualités morales en secourant un lion,symbole de franchise, aux prises avec un serpent, symbole de félonie.

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1.Un épisode frappant

A.Des animaux exotiques et merveilleux

B.Le suspense final

2.Un exemple de bravoure

A.Le choix de combattre, la bravoure

B.Un adversaire terrifiant :preuve du courage

3.Un combat du bien contre le mal

A.Le symbolisme des animaux

B.Le revirement final du lion

ConclusionCe passage est un exemple de l’esthétique du roman courtois : le héros accomplitune prouesse,poussé par des motifs moraux et par sa bravoure.

Dissertation

Introduction• Comme l’affirme Maurice Bardèche,Saint Julien se présente comme un contede fées – ce qui est conforme à la représentation du Moyen Âge, généralementoptimiste et présenté comme un âge d’or.• On n’oubliera pas que le Moyen Âge peut aussi être représenté selon un tout autreregistre :comique,voire réaliste ou pathétique,comme dans le roman historique.

1.La Légende de saint Julien l’Hospitalier : un conte de fées

A.Les éléments du conteSon univers (château,bons seigneurs, forêts…).

B.Le merveilleuxProphéties, animaux parlants,mouvements identiques à ceux du rêve.

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2. Le Moyen Âge : un âge d’or ?

A. Saint Julien est une représentation idéale du Moyen Âge (ordre,harmonie…).

B. Des textes comme ceux de Gautier,ou encore celui de Harrison,témoignent dufait que cette époque est perçue comme un âge d’or, par opposition à l’époquecontemporaine.Pour autant,on peut aussi le présenter de manière ironique.

3.Un Moyen Âge complexe

A.Chez Flaubert comme chez GautierLe Moyen Âge est montré comme extrêmement violent, habité par la présenceconstante de la mort : l’histoire de Julien est jonchée de cadavres, d’animaux etd’hommes.Elle n’est donc pas si optimiste.

B.Chez HarrisonLe détour par des traditions anciennes permet de critiquer l’époque actuelle ;il s’agitplus de parler d’aujourd’hui que des traditions.

C.Chez CalvinoLe Moyen Âge est présenté avec ironie,comme s’il s’agissait de notre époque.

ConclusionSaint Julien est un conte de fées,mais conçu comme une échappatoire aux dramescontemporains.La représentation du Moyen Âge est donc souvent une manière deparler et de critiquer notre propre époque, soit de manière implicite (Flaubert,Gautier),soit de manière explicite,par la comparaison ou l’anachronisme (Harrison,Calvino).

Écriture d’inventionOn s’attachera à demander aux élèves :– de préciser la situation de dialogue (entre deux amis,deux adversaires) ;– de réfléchir aux conditions de la parodie :choix du vocabulaire,de la constructiondes phrases,de l’emploi d’anachronismes et d’effets comiques…

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◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 205 À 208)a Salomé entre « du fond de la salle » (l. 944) puis se place sur « le haut de l’estrade »(l.952).Elle est dans la situation d’un acteur,d’un jongleur sur une scène,elle donneun spectacle.Plus bas,elle est comparée à un pantomime (l.966).Cette mise en scènedramatise l’entrée et la danse de la jeune fille.

z À la fin de la danse,elle s’approche (l.985 :« elle tourna autour de la table d’Antipas »),puis s’éloigne (l.992-993 :elle « parcourut ainsi l’estrade »),puis s’enfuit à l’appel de samère et reparaît pour donner le coup de grâce à Hérode (l.1001-1002 :« Un claquementde doigts se fit dans la tribune.Elle y monta, reparut »), et c’est alors qu’elle demande latête de Jean-Baptiste.Ces déplacements insistent sur le caractère séduisant de sa danse,les apparitions et disparitions étant une mise en scène pour subjuguer Hérode et rappelerle rôle d’Hérodias,qui dit à sa fille qui vient la voir de demander la tête de Jean-Baptiste.

e La danse de Salomé est décrite en 14 paragraphes,de son entrée dans la salle dufestin jusqu’à la demande de la tête de Jean-Baptiste.Ces paragraphes sont assez brefs,certains ne faisant pas plus de deux lignes – ce qui contribue à donner un rythmerapide,haletant au texte.Plusieurs indications organisent cette danse en une série de scènes,comme un drameou un ballet :– les 3 premiers paragraphes sont consacrés à l’entrée en scène de la jeune fille et àson costume (l. 944-953). Ils se concluent par un mouvement théâtral, par lequelelle se fait connaître (l.952 :« elle retira son voile ») ;– les 4e et 5e paragraphes (l.954-965) décrivent le premier épisode de la danse.Onpeut noter que les verbes du 1er paragraphe indiquent que sa danse est expressive,qu’elle semble mimer un dialogue, presque raconter une histoire (« Ses bras […]appelaient quelqu’un,qui s’enfuyait toujours », « Elle le poursuivait »).La musique est trèsprésente ; on note un renversement de situation entre les deux paragraphes(« L’accablement avait suivi l’espoir »), souligné par le changement de registre de lamusique : les sons gais des « crotales et de la flûte » sont remplacés par le son funèbrede la gingras ;– les 6e et 7e paragraphes soulignent les réactions du public et précisent la cause desa venue ;– le 8e paragraphe commence par l’adverbe « Puis »,qui marque un nouvel épisode :la danse s’intensifie (« ce fut l’emportement de l’amour ») et devient séduction.Saloméest ici comparée à des figures de danseuses (prêtresse,bacchante) ;

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– dans les 6 derniers paragraphes, la scène devient réellement théâtrale :Hérodel’appelle, comme dans une scène à la Marivaux ; elle fait mine de fuir, puis revientet lui répond.

r Flaubert met en scène de nombreux regards sur Salomé,qui permettent de raconterla scène :– les participants au festin,qui sont d’abord « un bourdonnement » admiratif.Ce publicest ensuite désigné par le pronom indéfini « on » (l.946 et 961),qui permet de porterdes jugements, sans faire intervenir le narrateur (on ne savait pas si…) ;–Vitellius (l. 966),qui la compare à un artiste,puis Hérode,qui permet de préciserqu’il s’agit de la fille d’Hérodias,les deux femmes se mélangeant en une même visiondu tétrarque (l.968-969 :« La vision s’éloigna.Ce n’était pas une vision »…) ;– les nomades, les soldats, les avares publicains, les vieux prêtres ; ces personnes quisymbolisent l’abstinence,la débauche,le vice,la vertu et qui tous « palpitent de convoitise »en la regardant – ce qui permet à Flaubert, sans engager le narrateur, sans traced’énonciation,de souligner la sensualité de la danse de la jeune fille.Tous ces regards servent ainsi de relais à celui du narrateur.

t Champ lexical de l’Antiquité :« calcédoines », « duvet de colibri », « crotales », « Psyché »,« gingras », «Vitellius », « Mnester », «Aulus », «Tétrarque », « Hérodias », « Saducéen »,« Machærous », « bacchante », « Lydie », « soldats de Rome », « publicains », « rhombe »,« tympanons », « citadelles ».Ce champ lexical est abondant,il témoigne de la volontéde Flaubert de restituer l’atmosphère de l’époque historique dans laquelle il situeson récit.On pourrait aussi relever un certain nombre d’éléments de la description.

y Pour décrire la danse,Flaubert énumère des figures auxquelles on peut comparerSalomé : « Elle dansa comme les prêtresses des Indes, comme les Nubiennes des cataractes,comme les bacchantes de Lydie.Elle se renversait de tous les côtés, pareille à une fleur que latempête agite.»Il énumère ensuite les membres de l’assistance :« les nomades habitués à l’abstinence,lessoldats de Rome experts en débauches, les avares publicains, les vieux prêtres aigris par lesdisputes ».Puis, au discours direct,Hérode énumère les cadeaux qu’il peut offrir à Salomé :«Viens ! viens ! Tu auras Capharnaüm ! la plaine de Tibérias ! mes citadelles ! la moitié demon royaume ! »Chacune de ces énumérations montre qu’on atteint à chaque fois à une sorte d’absolu,de sommet de la danse,de la diversité du public conquis par cette danse et des présentspossibles en récompense. L’accumulation donne ainsi un effet de profusion,d’abondance inépuisable,doublé d’une hyperbole.

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u Plusieurs formulations ajoutent au mystère du personnage :– on ne découvre pas tout de suite qui elle est : elle apparaît en effet comme unejeune fille cachée sous un voile (l.945-948).Ensuite,l.952,il est dit :« C’était Hérodias » ;un doute pèse donc sur son identité,qui n’est levé qu’à la ligne 970,où le narrateurexplique qu’il s’agit de Salomé, instruite par Hérodias ;– elle est ensuite comparée à des personnages féminins chargés de mystères et queleurs pouvoirs magiques rendent inquiétants (prêtresse indienne,Nubiennes,bacchantesde Lydie), puis à une sorcière.Elle émet des « étincelles » (l. 977) et produit commedes « arcs-en-ciel » (l.996).Salomé est mystérieuse car inconnue et dotée de pouvoirsquasi magiques.

i La couleur :« bleuâtre », « blancheur », « gorge-pigeon », « colibri », « papillon », « fleur »,« couleur », « arcs-en-ciel », « lèvres peintes » ; la lumière : « orfèvrerie », « brillants »,« chatoyants », « étincelles », « enflammaient ».Cette description renvoie à l’esthétiqueromantique,qui apprécie la couleur,les contrastes et la lumière,comme en témoigne,par exemple, la peinture de Delacroix.

o On a relevé les différents spectateurs,comme supports du point de vue narratif,à la question 4. Ce qui est à souligner ici, c’est leur diversité, leur variété, et leur« convoitise ». Leur présence donne à la scène des accents de scène de cabaret, deroman historique un peu mélodramatique (Walter Scott,Alexandre Dumas) dans lamanière des premiers romantiques.

q Ces termes sont explicites : « indolente », son attitude semble « une caresse » ; ellefait onduler son ventre,fait trembler ses deux seins… Sa danse devient « l’emportementde l’amour qui veut être assouvi ».Cette danse est très clairement décrite comme unepavane érotique, sensuelle, destinée à enflammer les spectateurs et spécialementHérode.

s La danse comme un langage : « ses bras arrondis appelaient quelqu’un » (l. 955),« L’accablement avait suivi l’espoir » (l.960),« ses attitudes exprimaient des soupirs » (l.960-961).Enfin,Vitellius la compare à un « pantomime »,c’est-à-dire un artiste s’exprimantpar le langage du corps. L’idée que la danse est un art qui transforme le corps enesprit et lui permet de s’exprimer comme s’il parlait est partagée par de nombreuxartistes et poètes au XIXe siècle.

d On a souligné plus haut (question 8) l’importance du vocabulaire de la lumièreet de la couleur,notions visuelles et picturales ;on peut ajouter que Flaubert utilisele vocabulaire de la statuaire,en comparant Salomé à un « scarabée », animal dont lacarapace fait penser au bronze,et finalement à du « marbre blanc »,matière première

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essentielle pour le sculpteur.Ces allusions à la sculpture renvoient à l’idéal classiquede beauté, qui nous est parvenu à travers les statues des artistes antiques, comme laVénus de Milo, par exemple.À ces comparaisons s’ajoute la liste de figures comme« les bacchantes de Lydie » qui renvoient aux modèles de beauté de l’Antiquité.À travers ces comparaisons, Salomé apparaît comme un modèle de la beauté del’esthétique panthéiste ou symbolique :elle possède les caractéristiques de la statue,est acérée et lisse comme le scarabée,et possède une agilité qui lui permet de danserà la perfection.

f À l’exception de Vitellius, le public qui regarde Salomé éprouve des sentimentsqui vont de la franche paillardise (« Leurs narines palpitaient de convoitise ») à l’indifférence(«Aulus vomissait encore »).Salomé se « produit » donc devant un public incapable degoûter son art.

gVitellius se distingue du reste du public car il est le seul à voir en Salomé une artiste,en la comparant avec un autre artiste,« Mnester », le pantomime.En cela il s’opposeau reste de l’assistance,y compris Hérode,dont il souligne la médiocrité.Tout se passecomme si ce public n’était capable que de ressentir des émotions frustes, qui semanifestent par des réactions physiologiques (la voix d’Hérode est entrecoupéepar « des sanglots de volupté »).En cela elle représente les artistes du siècle, face à unpublic qui les comprend de moins en moins et qu’ils doivent séduire à l’aide deprocédés jugés douteux par eux-mêmes.

h La description de la danse de Salomé comporte des observations (l. 954 :« Sespieds passaient l’un devant l’autre au rythme de la flûte » ; l. 985 :« elle tourna » ; l. 992 :« Elle se jeta sur les mains » ; elle est comparée à un scarabée et devient comme untableau vivant, l. 994-999).Ces notations insistent donc sur la beauté plastique decette danse, sa perfection technique et esthétique.Conjointement, Salomé est uninstrument dans les mains de sa mère Hérodias qui « l’avait fait instruire [en pensant]que le Tétrarque [l’]aimerait » (l.969-970).Ce rôle qui lui est assigné s’exprime dans sadanse,extrêmement suggestive,où elle joue de toutes les parties de son corps (l.962-965),avant de venir tourner autour d’Hérode qui lui propose d’échanger ses charmescontre ce qu’elle veut :«Viens ! Viens ! tu auras […] » (l.989-991) – ce qui transformecette danse en une scène de racolage,de prostitution.Ce mélange de l’art et de la prostitution est très fréquent chez les artistes et les écrivainsdu XIXe siècle.Le mécénat royal ayant disparu, ils doivent vivre de leur art – ce quiles met face à des contradictions entre la liberté de l’art et la nécessité d’en tirer unrevenu.La figure de la prostituée de cabaret est l’une des formes que prend cettecontradiction insoluble,en donnant de l’artiste une représentation assez pessimiste.

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◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 209 À 217)

Examen des textes

a Dans l’Évangile, le personnage de Salomé est une pure fonction,l’instrument desa mère pour obtenir la tête de Jean le Baptiste :« La fille de cette Hérodiade vint exécuterune danse et elle plut à Hérode et à ses convives », dit l’Évangile de manière très sèche,car ce qui importe ici, c’est de faire le récit des circonstances de la mort de Jean leBaptiste,non d’approfondir le personnage de Salomé, jugé tout à fait secondaire.A contrario, Flaubert et Banville en font un personnage de premier plan, présentéde manière centrale et détaillée. L’un comme l’autre insistent sur sa beauté et savirtuosité et soulignent son inconscience et sa naïveté un peu infantile (Flaubert :« prononça ces mots,d’un air enfantin » ;Banville :« Car vous avez toujours aimé naïvement/Lesjoujoux flamboyants et les têtes coupées »).Flaubert met principalement en valeur la sensualité trouble et puissante de la jeunefille qui « enflammai[t] les hommes » (l. 978) ;Banville met en avant son goût pourles bijoux,la montrant « l’œil enchanté par les orfèvreries ».Les deux écrivains se rejoignenten y mêlant le thème de la mort (Flaubert :« Je veux que tu me donnes dans un plat latête… » ;Banville :« Les joujoux flamboyants et les têtes coupées »).

z Champ lexical artistique :« Rampe », « public », « grand air », « vers », « salle », « voixfausse », « parterre », « fauteuil d’orchestre », « talent », « chef d’orchestre ».Ce champ lexicalinsiste beaucoup sur le public,la salle et ses réactions.La prestation de Nana est traitéede manière péjorative : elle chante faux, avec une voix vinaigrée, aigre. Elle estrapidement appréciée cependant grâce à sa présence physique séduisante et sensuelle,très valorisée par le narrateur.Elle n’a « pas de talent » mais elle a « autre chose ».Ainsi,le balancement que l’on trouve disgracieux au début devient à la fin de la scène « uncoup de hanche qui dessin[e] une rondeur sous la tunique »… Nana est donc appréciéepour sa beauté féminine, sa sensualité, et non pour son talent artistique.Elle joued’ailleurs le personnage de Vénus,déesse de l’Amour et symbole d’érotisme.Cettecourte scène montre donc ce qu’est pour le public l’art lyrique et dramatique :une version édulcorée pour la bonne société de la prostitution.

e Nana est une danseuse et une jolie jeune femme, comme Salomé dans chacundes textes.Comme elle,elle subjugue son public masculin par un érotisme envoûtant.Mais le personnage de Nana est bien différent :le thème de la mort a disparu,remplacépar celui du commerce,de la « marchandisation » de la société.

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r Le motif de la pierre précieuse,de la joaillerie,de « l’orfèvrerie »,du bijou est le fildirecteur du texte : le vermeil et l’or provoquent la rêverie de Salomé,puis le soleil« met des pierreries » dans les « dessins » de l’or, ce mot rimant avec « dessein », projetde Salomé de demander la tête de Baptiste,comme pour indiquer qu’il s’agit d’uneseule et même œuvre d’art.Enfin, dans les tercets du sonnet,Banville crée un feud’artifice de pierreries,mêlant les sonorités et les couleurs, pour servir d’écrin à latête coupée (« Chrysoprase », « fauve incendie », « saphir », « ciel azuré », « sang des rubis »,« aux pleurs du diamant »). La dureté minérale des pierres, leur beauté luxueusescintillante et gratuite symbolisent ici cette esthétique panthéiste de l’art pour l’art,de la liberté totale de l’art dans la recherche de la beauté : Salomé fascine par songoût pour la beauté que rien n’arrête,pas même le crime, la tête coupée devenantun « joujou flamboyant ».Ce thème de la pierrerie, essentiel dans l’esthétique panthéiste, est présent chezFlaubert (à travers l’image du scarabée, l’utilisation des couleurs et de la lumière) ;il est absent des autres extraits.

t Apollinaire est le seul auteur de cette série d’extraits qui fasse parler Salomé.Elle s’adresse d’abord à Hérode (« Sire je danserai […] »),puis à Hérodias (« Ma mèredites-moi […] »), puis à une collectivité («Venez tous avec moi »), enfin au fou du roi(« Ne pleure pas ô joli fou du roi »).En donnant ainsi la parole à la jeune fille,Apollinairepropose d’explorer le mythe à travers un registre plus lyrique. Sur un mode léger,il montre une jeune fille innocente,qui danse et qui brode,et qui tourne en comptinecet épisode qui la dépasse.

y Ces textes datent de 1870 et 1913, autrement dit : la période panthéiste de« l’art pour l’art » pour le premier,la période symboliste pour le second.Les registrestragique et pathétique,présents dans l’Évangile et encore chez Flaubert ont quasimentdisparu pour ces deux auteurs :comme si l’art s’était détaché de la société et de sessoubresauts,pour accéder à une existence autonome et indépendante.Il y gagne uneliberté très grande,comme celle,par exemple,d’explorer d’un point de vue strictementesthétique la danse de Salomé,indépendamment de toute conception morale,maisc’est au risque aussi de se transformer en « marotte », c’est-à-dire en accessoire, enjoujou.

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Travaux d’écriture

Question préliminaireChacun des textes du corpus propose une interprétation du mythe de Salomé,dontl’extrait des Évangiles donne la version originale.La confrontation de cette source avec l’interprétation qu’en donnent les écrivainsrévèle immédiatement que le discours littéraire enrichit le personnage et sélectionnedes traits présents ou cachés dans le texte original.D’une manière générale, les écrivains sont tous sensibles à la jonction entre la mortet l’érotisme,que la mort de Jean le Baptiste soit traitée selon un registre tragique,qui en souligne la cruauté (Flaubert,Beardsley), ou au contraire qu’elle soit traitéeplus légèrement,dans un registre lyrique ou ironique (Banville,Apollinaire).Le texte de Zola est un contrepoint dans le groupement :la mythologie est devenueun spectacle que se donne la bourgeoisie (« Lorsque Vénus rôde le soir ») au théâtrede Boulevard. Son personnage de Nana a en commun avec Salomé cette capacitéà magnétiser son public par la danse,tout en étant un instrument dans les mains d’unautre personnage (le directeur du théâtre ;Hérodias).La comparaison des personnages permet ainsi d’éclairer l’une des dimensions de lafascination qu’exerce Salomé sur les écrivains et les artistes, du romantisme (1830)jusqu’au symbolisme (1920). Ils reconnaissent dans ce personnage une image de lasituation paradoxale de l’art et des artistes.Le paradoxe tient au fait que leur influence est infinie, sans limites, grâce à la magieet à la force de leur technique artistique (que représente ici le magnétisme de Saloméou de Nana),mais qu’elle n’existe qu’à condition de plaire,c’est-à-dire de se soumettreau diktat du public (le succès de Nana tient à la remarque du jeune homme :«Trèschic »). Ainsi,au moment où l’art s’affranchit du pouvoir politique,qui le subventionnait,il doit faire face aux jugements du public,situation nouvelle et difficile pour les artistes.Salomé et sa danse sont une manière de symboliser et de montrer cette tension,quela beauté soit totalement prostituée (comme chez Flaubert et Zola) ou qu’au contraireelle échappe,dans un esthétisme exigeant,mystérieux et hermétique (comme chezBanville et Apollinaire).

Commentaire

Introduction• Nana d’Émile Zola est un des volumes de la fresque des Rougon-Macquart.Dans ceroman,Zola raconte l’histoire d’une cocotte ou demi-mondaine,c’est-à-dire d’uneprostituée de haut vol,qui assure sa fortune grâce au commerce de ses charmes.

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• Dans cet extrait, situé dans le premier quart du roman, Nana fait sa premièreapparition sur la scène d’un théâtre,dans une opérette où elle joue le rôle de Vénus.Elle provoque d’abord l’étonnement par son incompétence artistique (elle ne saitni chanter,ni se tenir en scène),puis elle séduit le public par sa sensualité.• On pourra s’interroger sur la manière dont Zola décrit cette jeune femme,dontil caractérise les réactions du public, pour comprendre ce qu’elle symbolise et cequ’elle nous apprend sur la société du Second Empire.

1.Une entrée fracassante

A.Nana est incompétenteElle ne sait ni danser, ni chanter, ni marcher en scène.Elle finit quand même parretourner la situation à son avantage.

B.La remarque du jeune homme qui renverse le publicSa description montre qu’il est comme Nana : jeune,beau et peu expérimenté. Ils’oppose aux « beaux messieurs en gants blancs »,mais sa remarque renverse la situation :on peut alors apprécier Nana sur d’autres critères, les seuls qu’elle offre (sa beautécanaille et un peu dévergondée).

2.Un public équivoqueOn opposera le début, où le public est surpris car il évalue Nana sur des critèresartistiques, à la seconde moitié du texte où :– Nana établit une complicité quasi physique avec le public (rire, clins d’œil,déhanchement) ;– le public la juge sur ses propres critères (« elle n’avait pas de talent pour deux liards[…] elle avait autre chose »), à telle enseigne qu’elle arrête de chanter, pour ne plusexposer que son corps.

3.Une critique sociale

A.Un public indécisZola montre une salle,un public indécis,qui se renverse en un rien de temps (d’abordon croit que c’est « une plaisanterie »,on la trouve « inconvenante »).

B.La remarque du jeune hommeMais il suffit d’une remarque d’un jeune homme pour que ce qui paraissaitinconvenant devienne « enflammant », car elle « gratte le public au bon endroit ».

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C.Une excitation crescendoL’excitation du public va alors crescendo, la comparaison finale « sa nuque où descheveux roux mettaient comme une toison de bête » révélant ce qui se joue avec la sensualitétrouble de Nana :le théâtre,l’opérette n’est plus un lieu d’expression artistique,maisun lieu de prostitution et de débauche,et ceci de manière quasiment explicite.Toutse passe comme si le public et les actrices étaient tacitement d’accord sur ce constat.

ConclusionOn insistera sur la fonction symbolique de Nana qui,comme Salomé,est une allégoriedéceptive,une figure féminine qui,au lieu d’incarner des valeurs positives (l’agriculture,la justice…), représente la part noire, cachée de la société du Second Empire,dontl’amoralité est d’autant plus grande qu’elle est assumée et quasi revendiquée,puisqu’ellese donne en spectacle comme telle sur la scène du théâtre.

Dissertation

IntroductionL’affirmation de Maurice Nadeau propose une explication de la fascination desécrivains et des artistes pour l’épisode de Salomé : selon lui, cette danse symboliseune rupture,un renversement historique,le passage de l’Antiquité à l’histoire moderne.

1. Salomé : un personnage historique ?

A.Une figure historiqueNadeau pose Salomé comme une figure historique – ce qu’elle est dans les Évangiles.Sa danse, qui provoque la mort du Baptiste, est l’un des épisodes qui préparentl’avènement du christianisme.

B.Une figure poétiqueFlaubert traite ainsi cet épisode, comme en témoignent le luxe de détails et deprécisions historiques qu’il emploie dans son récit et sa volonté de faire revivre lapériode.Cependant, les autres écrivains en donnent un traitement plus poétique,détaché de la période historique.

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2.Un personnage mythique

A.Un mytheÉcrivains et artistes s’approprient le personnage et le transportent dans leur époque :il devient alors un mythe, c’est-à-dire un récit, porteur de sens, qui transcende lesrégions et les périodes historiques.

B.Une image de l’érotisme et de la mortSalomé est alors une image de l’érotisme et de la mort,une danseuse qui représenteun absolu esthétique ; elle rejoint la galerie de ces figures féminines sublimes etinquiétantes,comme Hélène,Vénus,Cléopâtre,qui,par le seul pouvoir de leur beauté,modifient le cours de l’Histoire. On en revient à l’Histoire, mais on voit que lepersonnage à une autre dimension.

3.Une métaphore

A.Une enfant inconsciente de ses pouvoirsSalomé subjugue les puissants, sans être elle-même tout à fait consciente de sespouvoirs et de leur conséquence :elle est une sorte d’image de l’art,présentée selonun registre dramatique par Flaubert,plus ironique par Apollinaire (l’enfant qui joueavec une tête de mort).

B.Une figure féminine du XIXe siècleLa situation historique où elle apparaît présente des similitudes avec l’époque deFlaubert : l’art n’est plus compris, ne maîtrise plus sa finalité ; la France sort de laguerre ; l’Empire s’est effondré et la IIIe République se met en place.Une nouvelleère s’ouvre. Salomé est ainsi une figure féminine qui permet d’interroger notreépoque, ses valeurs, à l’aide du passé.

ConclusionLa formule de Maurice Nadeau est juste et éclairante sur le personnage de Saloméet la vision qu’en propose Flaubert,mais elle ne doit pas faire oublier que Saloméest aussi un personnage mythique et que les écrivains la réinterprètent parfois commeune métaphore de la situation présente,de leur actualité.

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Écriture d’inventionOn rappellera aux élèves que :– le texte d’un critique commente une œuvre, une mise en scène sur laquelle ilformule un jugement de valeur argumenté.On pourra donner comme exemplele texte de Maupassant (cité p.117) ;– il s’agit d’un discours : le texte peut donc être écrit à la 1re personne ;– il s’agit d’un texte argumentatif, qui doit donc comporter des arguments en vuede convaincre le lecteur,de l’amener à partager la thèse soutenue.

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◆ ŒUVRES DE FLAUBERT

– Gustave Flaubert,Œuvres complètes,coll.« Bibliothèque de La Pléiade »,Gallimard,2001.

◆ SUR FLAUBERT

– Pierre-Marie de Biasi,Flaubert à l’œuvre,Flammarion,1980.

– Raymonde Debray-Genette,Flaubert,Didier,1970.

– Henri Guillemin,Flaubert devant la vie et devant Dieu,Plon,1939.

– Herbert Lottman,Gustave Flaubert,Fayard,1989.

◆ SUR LES TROIS CONTES

– Raymonde Debray-Genette,Métamorphoses du récit,Le Seuil,1988.

– Jean-Paul Sartre,L’Idiot de la famille, tome III,Gallimard,1971.

◆ SUR LES RÉCITS COURTS

– Collectif, «Aspects de la nouvelle »,L’École des lettres,15 mars 1982.

– René Étiemble,« Problématique de la nouvelle »,article « Nouvelle »,EncyclopediaUniversalis.

– René Godenne,La Nouvelle,Honoré Champion,1995.

– Daniel Grojnowski,Lire la nouvelle,Dunod,1993.

– Georges Jean,Le Pouvoir des contes,Casterman,1990.

– Gisèle Mathieu-Castellani,La Conversation conteuse,PUF,1992.

–Vladimir Propp,Morphologie du conte, 1928,repris en collection « Points »,Le Seuil.

–Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique,Le Seuil,1970.

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