13
MANIPULATIONS ET REPRESENTATIONS DE CIRCUITS ELECTRIQUES SIMPLES par des enfants de 7 à 12 ans INTRODUCTION Dans la perspective d'une Introduction à l'école pri- maire de l'usage de circuits électriques élémentaires (plies, fils électriques, Interrupteurs, ampoules et! ou moteurs électriques), nous nous sommes préoccupés de savoir comment des enfants entre 7 'et 13 ans manipulent et observent ce matériel, comment ils se représentent les phénomènes observés et quelle interaction Il peut y avoir entre ces représentations, lorsqu'elles existent, et le mode de manIpulation ou d'observation. Par contre nous n'avons pas recherché comment faire évoluer les représentations des enfants nous contentant d'observer leurs comportements. La méthode a consisté à se limiter à un très petit nombre d'enfants et à pratiquer l'interview de ceux-cl en notant dans le détail les conditions expérimentales et le contenu des Interviews. Il va de sol qu'un échantillon aussi faible de 10 enfants à raison d'un garçon et d'une fille par classe depuis le CP jusqu'au CM$ n'est en aucune manière représentatif sur le plan statistique de la popu- 32 latlon des écoles primaires française." Cette observation est de nature clinique et est donc automatiquement limi- tée dans l'interprétation que l'on peut en tirer. Nous esti- mons cependant que les comportements et représentations observés peuvent permettre l'élaboration de catégorfes utiles à une observation statistique qui porterait, avec des méthcdes différentes, sur un échantll10n d'enfants plus considérable. Certains aspects, en particulier I:exlstence de la notion de courants antagonistes ,dans le circuit élec- trique, ont été retrouvés sur une populatlcn Importante d'enfants plus âgés (environ 800 enfants de classe de quatrième). Il nous parait dcnc que l'approche retenue a le double avantage de préparer une éventuelle expé- rience statistique, qui ne peut avoir un caractère aussi fouillé et détaillé que l'approche clinique, et d'encourager les enseignants de l'école primaire qui s'engageraient dans ce genre d'activité avec leurs élèves, à pratiquer eux- mâmes, dans des conditions certes plus dlffflclles, cette observation de leurs élèves. Une telle observation nous semble âtre le. pclnt de départ d'une apprcche pédago- gique respectant l'enfant dans ses modes d'appréhension du réel et l'aidant à évoluer à partir de ce qu'II est. Comme il s'agit d'un encouragement à observer, nos conclusions ne doivent pas être considérées par les enseignants comme représentant des catégories définitives qui permettraient de faire l'économie de l'observation réelle en situation de 'classe. Remarquons enfin que nous nous, sommes volontai- rement limités à un aspect très restreint de la manipu- lation de ces circuits électriques: 11 s'agit d'un circuit simple ccntenant pl1e, fl1, ampoule, 1. DESCRIPTION DU PROTOCOLE La procédure a évolué avec l'àge des enfants Inter- viewés, Nous exposons la procédure utilisée avec des élèves de CM " CM 2 ainsi que les modifications de procédure avec les élèves des classes qui précèdent. a) Matériel 2 pl1es cylindriques de 1,5 V de tailles différentes. 1 pile plate de 4,5 V. 1 ampcule 3,5 V et 1 ampcule 7 V, le verre de l'am- poule de 7V est plus volumineux que celui de l'ampcule de 3,5 V. 1 fil de cuivre étamé non Isolé (15 à 20 cm). b) Procédure Oeux enfants dos à dos, sans Interactions apprécia- bles - en particulier au niveau de la découverte d'un savoir-faire - ont comme première tâche, définie orale-

l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

MANIPULATIONSET REPRESENTATIONSDE CIRCUITSELECTRIQUES SIMPLESpar des enfants de 7 à 12 ans

INTRODUCTION

Dans la perspective d'une Introduction à l'école pri­maire de l'usage de circuits électriques élémentaires (plies,fils électriques, Interrupteurs, ampoules et!ou moteursélectriques), nous nous sommes préoccupés de savoircomment des enfants entre 7 'et 13 ans manipulent etobservent ce matériel, comment ils se représentent lesphénomènes observés et quelle interaction Il peut y avoirentre ces représentations, lorsqu'elles existent, et le modede manIpulation ou d'observation.

Par contre nous n'avons pas recherché comment faireévoluer les représentations des enfants nous contentantd'observer leurs comportements.

La méthode a consisté à se limiter à un très petitnombre d'enfants et à pratiquer l'interview de ceux-cl ennotant dans le détail les conditions expérimentales et lecontenu des Interviews. Il va de sol qu'un échantillonaussi faible de 10 enfants à raison d'un garçon et d'unefille par classe depuis le CP jusqu'au CM$ n'est en aucunemanière représentatif sur le plan statistique de la popu-

32

latlon des écoles primaires française." Cette observationest de nature clinique et est donc automatiquement limi­tée dans l'interprétation que l'on peut en tirer. Nous esti­mons cependant que les comportements et représentationsobservés peuvent permettre l'élaboration de catégorfesutiles à une observation statistique qui porterait, avecdes méthcdes différentes, sur un échantll10n d'enfants plusconsidérable. Certains aspects, en particulier I:exlstencede la notion de courants antagonistes ,dans le circuit élec­trique, ont été retrouvés sur une populatlcn Importanted'enfants plus âgés (environ 800 enfants de classe dequatrième). Il nous parait dcnc que l'approche retenuea le double avantage de préparer une éventuelle expé­rience statistique, qui ne peut avoir un caractère aussifouillé et détaillé que l'approche clinique, et d'encouragerles enseignants de l'école primaire qui s'engageraientdans ce genre d'activité avec leurs élèves, à pratiquer eux­mâmes, dans des conditions certes plus dlffflclles, cetteobservation de leurs élèves. Une telle observation noussemble âtre le. pclnt de départ d'une apprcche pédago­gique respectant l'enfant dans ses modes d'appréhensiondu réel et l'aidant à évoluer à partir de ce qu'II est.Comme il s'agit d'un encouragement à observer, nosconclusions ne doivent pas être considérées par lesenseignants comme représentant des catégories définitivesqui permettraient de faire l'économie de l'observationréelle en situation de 'classe.

Remarquons enfin que nous nous, sommes volontai­rement limités à un aspect très restreint de la manipu­lation de ces circuits électriques: 11 s'agit d'un circuitsimple ccntenant pl1e, fl1, ampoule,

1. DESCRIPTION DU PROTOCOLE EXP~RIMENTAL

La procédure a évolué avec l'àge des enfants Inter­viewés,

Nous exposons la procédure utilisée avec des élèvesde CM

"CM2 ainsi que les modifications de procédure

avec les élèves des classes qui précèdent.

a) Matériel

2 pl1es cylindriques de 1,5 V de tailles différentes.1 pile plate de 4,5 V.

1 ampcule 3,5 V et 1 ampcule 7 V, le verre de l'am­poule de 7 V est plus volumineux que celui de l'ampculede 3,5 V.

1 fil de cuivre étamé non Isolé (15 à 20 cm).

b) Procédure

Oeux enfants dos à dos, sans Interactions apprécia­bles - en particulier au niveau de la découverte d'unsavoir-faire - ont comme première tâche, définie orale-

Page 2: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

ment par J'expérimentateur, d'allumer l'ampoule avec lematériel disposé devant eux (la plus grosse pile cyllnMdrique, une ampoule de 3,5 V et le fil).

Au bout de 30 minutes en cas d'Insuccès (15 minuMtes en CE2) l'expérimentateur Intervient d'une manièredifférente selon les enfants en demandant comment l'en­fant aurait procédé pour allumer une ampoule avec unepile plate (CMl , CM2) ou en lui faisant allumer l'ampouleavec ia pile plate (CE2 et CE,).

Lorsque l'enfant est parvenu à allumer l'ampoule aprèstâtonnement, ou explication de l'expérimentateur, celui-cidemande le dessin du montage lorsque l'ampoule est allu­mée. Après la réalisation du dessin, l'expérimentateurdébute son interview avec un enfant à la fois.

Les questions de l'interview sont ainsi formulées:

1) A quoi sert le fil électrique?

2} Pourquoi J'ampoule s'éteintMelle lorsqu'elle ne tou­che plus la pile? (L'expérimentateur fait l'expérienced'écarter l'ampoule pour l'éteindre.)

3) A quoi sert la pile?

4} PeuxMtu montrer avec ton doigt le chemin suivi parle courant? Le mot courant est chaque fois remplacé parle mot utilisé antérieurement par l'enfant. Lorsque l'enfantparle d'électricité, on lui demandera le chemin que suitl'électricité. En fait le mot le plus fréquemment introduitpar les enfants est le mot électricité.

5) L'expérimentateur présente à l'enfant ta pile de1,5 V de petit gabarit. « EstMce que cette pile va allumerl'ampoule de la même façon, plus fort ou moins fort? »

On demande à j'enfant de faire l'essai après avoir répondua priorI. On lui demande ensuite « s'il peut expliquer lerésultat ». Après explication la question est précisée sousla forme: « Quelle est la différence entre les déux piles? »

6) Avec les enfants de CM, et de CM2 ta question quisuit est ainsi formulée « d'après toi avec laquelle desdeux plies l'ampoule restera allumée le plus longtemps? »

On décrit aux plus jeunes un montage qui peut tenirlongtemps mécaniquement (afin d'éviter une réponse uniMquement basée sur la durée du maintien en position descontacts) et l'expérimentateur intercale la question « est­ce que l'ampoule s'éteindra un jour? » avant de poser laquestion sur la comparaison des durées d'éclairement.

SI la réponse est mauvaise, ce qui est rarement lecas, on précise que c'est la grosse pile qui durera le pluslongtemps et on leur demande qu'elle est la différenceentre les deux piles?

7) L'expérimentateur donne une ampoule de 7 V.Question: « EstMce que cette ampoule s'allumera plusfort, moins fort, autant que l'ampoule précédente? » Laréponse est demandée, là aussi, a priorI. L'élève fait l'essaiavec la nouvelle ,ampoule; si la réponse est mauvaise,

l'expérimentateur lui demande de faire les essais avec lesdeux ampoules successivement, d'en tirer la conclusion.Ensuite on lui demande: « Pourquoi cette ampoule s'al­IUmeMt-elie plus faiblement? »

8) Question suivante: « Que pourrais-tu faire pourqu'elle brille plus avec le matériel que tu as? »

c) Population

10 enfants, 2 par niveau (un garçon et une fille)sélectionnés au hasard (tirage aléatoire) dans des classesd'environ 35 à 40 enfants. L'école primaire appartient àl'agglomération rochellaise dans une zone de grandsensembles (5 groupes scolaires) avec une population dutype ouvrier spécialisé jusqu'à cadre moyen.

• Age

1 • Profession Avis de.!: .i des parents l'enseIgnantZ année mols

- ----CP G, 7 0 Père: ouvrier Niveau très moyen

CP F, 7 1 Mère: ouvrière Niveau assez bonPère décédé

CE, G, 7 7 Concierges Niveau moyen,apathique

CE, F, 7 a Père: C.A.S. Niveau bon,commère de laclasse

CE, G, a 9 Père: ouvrier Niveau moyen,français oral bon,écrit mauvais.Calcul moyen

CE, F, 9 4 Père: technicien Très bon niveausupérieur

CM, G. 11 a Mère: Bon élèvetechnicienne

(parents divorcés)

CM, F. 10 6 Père: peintre Efève moyenMère: ouvrière (moy. CP,(parents divorcés) moy. CE)

Moyen partout

CM, G, 11 11 Père: Officier Passe en 60 niveaumarine marchande Il

CM, F, 13 4 Père: serrurier Doublé CP et CElOrientée en classede transitionParle espagnolchez elle

Date de l'observation: juin 1973

Le niveau des élèves est défini par rapport à laclasse: dans une classe Il y a des bons, des moyens etdes faibles. Le jugement de l'enseignant ne se fait paspar rapport à des écoles extérieures dont le niveau moyenpeut être très différent.

33

3

Page 3: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

Il. RESULTATS

1) Allumage de l'ampoule avec la plie cylindrIque etcommentaires

Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,)est arrivé à allumer l'ampoule avec une pile cylindriquesans intervention de l'expérimentateur (SO mn d'attenteen CMl et CM2 - 15 minutes seulement en CEl et CE.2'car une lassitude certaine apparaTt au bout de ce tempset J'expérimentateur intervient plus rapidement).

G2• F2• Ga. Fs• Gs• F~ essaient à plusieurs reprisesd'allumer l'ampoule sans pour autant modifier le montaged'un essai à l'autre.

Pour G2• F2, Ga. Fa et G5 le montage est le suivant(cf. fig. 1). Une des extrémités du fil est appuyée sur laborne positive de la pile; j'autre extrémité touche la basede l'ampoule. Aucun circuit de retour n'est envisagé.

Figure 1.

F5 pose latéralement une extrémité du fil sur la bornepositive et appuie la base de l'ampoule sur le fil; l'autreextrémité du fil n'est pas reliée (fig. 2).

FIgure 2.

F4- réussit à allumer la lampe par hasard au bout de25 minutes, mais 10 minutes plus tard elle n'a pas réussià retrouver le mode de branchement.

G4 commence par faire un circuit en reliant les deuxbornes de la pile, avec le fil sur une des bornes il super~

pose au fil la base de l'ampoule (fig. 3).

34

Figure 3.

le fil chauffe, G4 sépare l'extrémité du fjJ de la bornequi touche le culot, appuie cette extrémité sur la vis duculot et i'ampoule s'allume (fig. 4).

/' ...

Figure 4.

Tout d'abord Il faut constater qu'aucun des enfantsne sait a priori ou ne se rappelle comment allumer l'am~

poule à l'aide du fil et de la pile. Ii est évident qu'un telrésultat n'est pas générallsabie et dépend beaucoup del'expérience pratique antérieure des enfants.

Sauf dans le cas de G4 qui parvient à allumer rapl~

dement, le tâtonnement des autres enfants est rigide. Ilsrépètent la même chose, sans essayer de modifier laforme de l'essai, malgré l'insuccès.

Il faut signaler l'impossibilité d'observer ceUe lenteuret cette rigidité de comportement dans une classe. Uneexpérience parallèle menée dans une classe de CE2(29 élèves, uniquement des fi lies) a montré que dés qu'unenfant avait réussi à allumer (en environ 20 minutes dansce cas), tous les autres imitaient son branchement et pa:r~

venaient alors très rapidement à faire briller la lampe.

De même en CM2, par exemple, il a suffi qu'un élèvey parvienne très rapidement pour que toute la classe réus~

slsse aussitôt. On perd donc toute information sur letâtonnement individuel au cours d'un travail colectif. lesenfants utilisent a priori l'ensemble des éléments dlspo~

nib/es, pile, fil, ampoule pour atteindre le but recherché.Aucun, par exemple, n'imaginera de rejeter le fil, mêmeFti qui n'utilise qu'une de ses extrémités.

L'agencement général des éléments consiste essen~

tleliement à relier la plie et l'ampoule par le fil, y comprisdans le cas de G4 sur lequel nous allons revenir. La plie

Page 4: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

(sauf pour G4) et l'ampoule sont considérées comme desobjets unipolaires. Le pôle est la région de l'objet où uncontact est établi pour que l'allumage puisse se produire.La borne positive de fa pife et l'ensemble du culot del'ampoule (tout ce qui n'est pas le verre de l'ampoule)sont en général retenus comme pôles. La liaison entre laplie et l'ampoule semble être anticipée par les enfantsselon un modèle unipolaire, car ils ne font intervenir pourl'action d'allumage qu'une seule région de contact sur lapile et sur l'ampoule.

Il est vraisemblable que chez G4 coexiste le sentimentde la nécessité d'utiliser les deux parties métalliques dela pile (les deux bornes) et le modèle causal linéaire (oumodèle unipolaire) pour l'allumage de l'ampoule. Il s'agitprobablement de la prise de conscience de l'existence dedeux éléments importants dans la pile (au lieu d'un seulpour les autres enfants). Obéissant à la règle du jeuimplicite qui consiste à employer tous les éléments dispo­nibles (cinq dans ce cas, l'objet pile avec ses deux bornes,l'objet fil avec ses deux bouts et l'ampoule), G4 tenterade les combiner et la méthode la plus simple consiste àfaire correspondre les deux extrémités du fil aux deux bor­nes de la pile. Et c'est indépendamment qu'il introduiral'ampoule (avec a priori une seule région de contact)comme un élément non intégré à toute correspondanceélémentaire.

Une autre explication du branchement essayé par G4pourrait être la préfiguration chez G4 du modèle des cou­rants antagonistes que nous rencontrerons plus loin. L'idéede la nécessité pratique d'employer les deux bornes dela pile serait justifiée a priori par l'idée qu'un courantdoit sortir de chaque borne et qu'il faut ces deux courantspour produire un effet en aval. Mais la conséquence pra­tique serait alors que le cuiot de l'ampoule peut êtreappuyé en tout point du fil alors que, pour G4 , c'est bienla borne positive qui est sélectionnée comme lieu decontact pour l'ampoule. Il nous semble de pIUs que cemodèle est déjà trop élaboré pour exister a priori chezG4 • Par contre, une fois reconnue la nécessité opératoired'un contact aux deux bornes de la pile, apparaîtra ensuitel'idée que le courant sort par ces deux bornes, commenous le verrons plus loin sur le schéma exécuté par G4et dans sa réponse à la 3° question de l'entretien,

Quelle que soit l'explication retenue, cette situationparait plus évoluée que la précédente, où l'élève,ne consi~

dérait qu'un seul pôle de la pile. D'ailleurs ce moded'essai que l'on qualifiera de bipolaire (pour la pile) sem­ble se produire après le premier type d'essai que l'on aqualifié d'unipolaire. En effet dans la classe de CE. déjàmentionnée on a nettement remarqué la progression del'essai d'un montage unipolaire vers un montage bipolairepour la pile (tout en continuant de considérer que l'am­poule n'a qu'un seul pôle).

2) Allumage de "ampoule avec la plie plaie - Commen­taire

L'expérimentateur (E) donne d'emblée une pile plateet une lampe aux deux enfants du CP (Gl et Fl ). Ceux~ci

l'allument en deux à trois minutes en essayant de relierles deux· bornes métalliques par une sorte de pont à l'aidede la lampe.

On voit dans l'entretien E-F1, l'intervention d'un fac~

teur extérieur, comme le boîtier de la pile; F1 n'est pasen mesure de décrire spontanément et d'une manièrecohérente le branchement réalisé pour parvenir à l'allu­mage.

Entreflens E~Fl

E : Que fals-tu pour allumer l'ampoule?

FI : Il faut appuyer sur quelque chose, sur un bout defil jaune. J'appuie l'ampoule dessus.

E : Est-ce ·qu'i1 faut appuyer l'ampoule à des endroitsprécis?

Fi: Oui.E : Montre-les moi.

FI : L'ampoule doit toucher la partie rouge (morceaude carton recouvrant le dessus de la pile).

E : C'est tout?

FI : Non, il faut que l'ampoule appuie sur un boutde fer.

G2 et F2 allument également rapidement (2 minuteset 5' minutes). Ils ont à la différence des premiers l'expé­rience du tâtonnement avec fa pife- cyHndrique, même sice tâtonnement n'a pas abouti. E leur donne en effet lapile plate, 15 minutes après qu'ils aient tenté en vaind'allumer l'ampoule avec la plie cylindrique.

Au niveau CEl (G2 et F2) l'enfant est davantage capa­ble de décrire ce qu'il a fait pour allumer l'ampoule, eten même temps on voit apparaître dans les réponses deF2 le modèle unipolaire, qui cependant n'est pas encoreassez structuré pour servir d'anticipation aux essais debranchement; et ceci malgré la manipulation préalable etsans succès de la pile cylindrique, du fil et de l'ampoule(la plie cylindrique peut, par sa configuration, davantageinduire le modèle unipolaire).

Entretien E~F2

F2 allume la lampe avec une plie plate.

E : Montre-moi comment tu as fait.

F2 : Je l'al mis au bout -et puis j'ai appuyé, un peupenché, et elle s'est allumée (F2 ne dit pas que l'ampouledoit toucher l'autre borne).

E : Pourquoi la penches-tu? AHume encore.

35

,

l'i

Page 5: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

E fait la manipulation sulvanta davant F2 : Eprendl'ampoule, pose son culot au milieu d'une tige de la pl/eet penche l'ampoule. Fais-tu autre chose?

F2 : Je ne mets pas t9ut à· fait au bout.

E : Tu ne fais rien d'autre quand tu penches?

Est-ce que les deux tiges de la plie sont utiles?

F. : Oui, mals pas la petite.E : Alors est-ce que les deux sont utiles?

F. : Une.E : Alors regarde! (E retourne la petite tige.) On

l'enlève puisque tu dis qu'elle n'est pas utile. Maintenant,allume la lampe.

F2 : N'y arrive pas et dit: « Parce qu'il faut que cebout-là touche le bout de fer jaune. »

Elle dessine alors son montage.

La procédure est la même en CE2• Mais Ga et Fa neparviennent pas· à allumer en 5 minutes. En effet assezsystématiquement Ils n'utilisent qu'une des bornes de laplie plate et ne tentent pas spontanément d'établir à l'aidede la lampe une sorte de pont entre les deux lames.Comme le montrent les entretiens cl-dessous réaliséspendant la période de tâtonnement entre E~G3 et E~F8'

Gg et Fa sont persuadés qu'une borne seule est utile.

Entretiens E-GaE.F.

E : Est~ce que les deux tiges de métal sont utiles?

Ga: Hésite et dit: Oui.

E : Tu dis que les deux tiges sont utiles. Essaie d'al~

lumer j'ampoule (essai). Pour l'allumer faut-II les utilisertoutes les deux?

G. : Non.

E : Pourtant tu dis qu'elles sont utiles toutes lesdeux?

Ga : Non. L'une n'est pas utile, j'autre l'est.

E : Si je te disais: suppose que toutes les deux sontutiles. Es-tu d'accord?

G.: Non.

E.F.

E : Est·ce que les deux tiges de métal de la pliesont utiles?

Fs : Je ne sais pas. " y en a une d'utile et l'autre pasutile.

E : Et alors pourquoi les a-t--on mises?

F8 : Pour trouver celle-là qui est bonne.

36

Il semble donc qu'à partir du niveau G, et Fa appa·raisse l'anticipation fondée sur la modèle unipolaire quipolarise le tâtonnement dans une direction moins pure­ment mécanique (qui relève moins du simple jeu de cons~

truction). Cela expliquerait cette difficulté croissante entreCP et CE2 d'allumer le lampe avec la plie plate.

Il est possible aussi que la rigidité du tâtonnementde Gs et Fg salt telle qu'ils continuent le même typed'essai en passant de la plie cylindrique à la plie plate.

3) Dessin du circuit plie, fil, ampoule, en état de marche

Tous les dessins ont été faits après allumage de lalampe correspondante.

Au niveau CP le dessin est assez imprécis. On voitseulement que la plie et la iampe font corps (plie plate).

Mals même imprécis le schéma Indique un modèleunipolaire (fig. 5).

Dessin (CP)

Figure 5

Le modèle unipolaire est précisé dans le dessin de6 2 , L'ampoule y est dessinée avec une grande précisionet pourtant le contact n'est établi qu'avec une des deuxlames. Il n'y a pas d'ambiguité sur la présence ou l'ab~

sence du deuxième contact. Celui-ci n'est pas représenté.On peut penser que lorsque les rames sont représentéesen premier elles sont à des distances relativement gran~

des sur le dessin et qu'il faudrait imaginer une très grosselampe pour faciliter le dessin du double contact. Quand,donc, l'enfant ne se trouve plus dans la situation expéri­mentale ou presque naturellement la lampe établit lecontact entre les deux lames dès qu'on la penche, lareprésentation unipolaire peut reprendre le dessus (fig. 6)(et Ce malgré le fait que l'élève ait réussi à faire fonction­ner son montage). La représentation schématique n'étantpas à l'échelle, déséquilibrera la vision de l'élève et favo~

risera l'expression du modèle unipolaire. li semble doncque ce modèle unipolaire soit présent très tôt et qu'IIsoit simplement masqué au début par la facilité du mon~

tage mécanique assurant les contacts de la lampe avecla plie plate.

Page 6: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

D.....ln de G2

Figure 6

Dessin de F.

®~

Figure 7

Toutefois, après entretien (cf. entretien E-F2 déjà rap­porté), Il apparaît que le dessin de F. (fig. 7) représentefidèlement ce qui a été exprImé à 'a fin de "entretienavec ajustement des lames pour arriver à cette fin: c'estdonc bien le double contact que F2 voulait représenter.Dans les divers cas le dessin est construit petit à petit,sans respect d'échelle et modifié éventuellement en fonc..tIon d'une présentation recherchée.

De plus, la reconnaissance précise de la zone decontact entre la borne de la pHe plate et la base du cuJotde l'ampoule n'est pas toujours atteinte d'emblée auniveau CEl" Dans son schéma l'enfant ne dIfférencie pas,par exempre, l'extrémité métaUique grise, son entourageplastique noir et le pas de vis métallique. Ceci apparaîtnettement dans Je dessin (avant entretien) de G2 et mêmedans celui après entretien de F2, mais cette Imprécisionapparaît aussi dans l'entretien de G2•

Entretien E.G.

G2 vient de faire le dessin du montage pile plate+ ampoule.

E : Que faut-il faire pour allumer l'ampoule?

G2 : Je mets le petit bout gris de l'ampoule sur le

morceau jaune de la pite. 81 je la mets toute droite ellene s'allume pas. Il faut que je la penche.

E : Est~ce que les deux tiges de la pile sont utiles?

G.: Oui.

E : A quoi sert l'autre? Est-ce qu'elle touche unepartie de l'ampoule?

G2 ; Oui, Je bout gris.

E : Tu me l'as déjà dit, que fait l'autre tige, quelleparUe de l'ampoule touche-t~elle?

G2 ne répond pas.

E demande d'essayer à nouveau d'aHumer ra lampe,ce que fait G•.

G2 montre alors la partie norre.

Les dessins du niveau CE2 ne présentent pas nonplus d'ambiguïté (fig. 8).

Dessin de Gs

,

Figure 6

Par contre, quand on considère la situation à 3 élé­ments, plie cylindrique, fil, ampoule, une difficulté d'ex~

pression réapparaît et certains enfants représenteront lemodèle bipolaire pour la pile seule (fig. 9 et 10). Et c'estd'autant plus surprenant que G4 par exemple qui donneune mauvaise représentation a' été le plus rapide à établirson branchement. On volt que cette composition à 3 élé~

ments présente des difficultés supplémentaires qui ne sontpas forcément résolues simultanément dans la réalité etsur le schéma résumant l'expérience de cette réalité.

37

Page 7: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

Dessin de G1Dessins de Gs

Figure 9

Dessin de G4

a) Dessin spontanéb) Dessin refait à la demande de E

a)

Figure 13

b)

Figure 10

Ces difficultés de' précision dans la· représentationschématique se manifestent toutefois d'une manière assezaléatoire et en grande partie indépendante du modèle defonctionnement auquel l'enfant se réfère éventuellementcomme on le voit dans les deux dessins suivants: celuide G2 est nettement meilleur que celui de FIS ou que ledessin spontané de GIS.

Dessin de G2

Figure 11

Dessin de FIS

Figure 12

III. ENTRETIENS ET COMMENTAIRESSUR LES RI!;PONSES

Question 1

A quoi sert le fil électrique?

G5 : A faire passer le courant.

F['i : Pour brancher la lumière. L'ampoule pour qu'ellemarche, sinon cela ne marcherait pas (rappelons que F5ne parle pas français chez elle).

G4 : On met le fil sur un bout de la lampe. Il jointl'ampoule et ça fait allumer la lampe. II sert à faire allumerla lampe.

F4 ': A donner de l'électricité.

Ga : A donner de l'électricité.

Fa : A allumer l'ampoule, E: et puis encore? Fa:à donner de l'électricité.

G2 : A donner de l'électricité à l'ampoule.

F2 : Il sert à allumer.

GI : A allumer l'ampoule.

FI : A allumer l'ampoule.

On trouve essentiellement deux types de réponse:

La première: « à allumer l'ampoule » est probable.ment bien explicitée par la réponse de G4 qui détaille.En fait G1, FI' F2, Fa, G4 et même Ffi semblent dans leurréponse faire référence à l'opération de branchement. Lefil est expliqué par son rôle pratique dans le montagece que l'on pourrait paraphraser par: « Quand on met lefil dans le circuit, alors l'ampoule brille. » C'est une sortede condition opératoire.

Page 8: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

Le deuxième type de réponse: « donner de l'électriwcité » fait référence au montage réallsé et à la jonctionqu'établit le fil entre la pile réservoir d'électricité et lalampe qui accueillerait l'électricité. A cet égard 11 s'agitd'une vision plus abstraite, faisant appel à un agent causalmédiateur de l'effet. GG s'exprime sous une autre forme,l'emploi du mot c, courant » vient probablement de safamiliarité avec les jouets électriques (il y joue avec sonpère).

L'absence à première vue de progression systéma­tique du mode de réponse, avec l'Age, est assez surpre­nante. Bien sOr, quand on continue d'interroger ceux quiparlent de l'électricité, ils finissent, à l'Inverse de Fa' pardire qu'elle sert à allumer l'ampoule. Cependant, les <:!iffi­cuités de langue et le faible niveau de F5, ainsi que,a contrarfo, f'habifeté expérimentale de G4 masquentpeut~être une évolution plus régulière de l'explication dupremier mode vers le second (ce que laisserait entre­voir la réponse de G.).

Quesllon 2 : A quoi sert la plie?

GG : A faire passer du courant dedans. E: dedansquoi?

G5 : Dans l'ampoule.

F. : La plie il y a de l'électricité dedans et elle sert èallumer l'ampoule.

G4 : Elle sert à donner de l'électricité, l'électricité faitmarcher l'ampoule.

F4 : Pour faire marcher le transistor, pour donner del'électricité au transistor. E: Et là, à quoi sert~elle? F4 :

Ici elle sert à allumer la petite ampoule.

E : Tu dis que le fil donne de l'électricité, à quoisert-elle?

Ga : A allumer l'ampoule.

E : D'où vient-elle cette électricité?

G.: De la plie.

E : Tu dis que l'électricité arrive à l'ampoule. Sais-tud'où elle vient?

Fa: Non.E : Tu es sare qu'il y en a?

F.: OuI.

E : Pourquoi?Fa : Car si Il n'y avait pas de l'électricité, l'ampoule

ne s'allumerait pas.E : Tu as raison, mais alors Il faut bien qu'elle vienne

de quelque part. D'où peut-elle venir? Tu ne vols pas?

F. : Non.

E : Dans le transistor, pour qu'il marche faut~i1 del'électricité?

F.: OuI.E : D'où vientwelte?

F. : Des plies.E : Ici, dans le montage que tu as dessiné, d'où

vientwelle?

Fa : Des piles.

E : L'électricité, d'où vient-elle?

G2 : De la plie.

E : Pourquoi une ampoule s'allumewt~elle?

F2 : Parce qu'il y a de l'électricité.

E : Là, où est-elle l'électricité?

F2 : Elle est dans la pile.

E : La plie. à quoi sert-elle?

G1 : A allumer la lumière.

E : Tu as une autre idée, l'ampoule au plafond com-ment marche-tMelle?

GI : C'est électrique.

E : Pourquoi l'ampoule s'allome-t-elle?

FI : Je ne sais pas.

E : La pile à quoi sert~elle?

F1 : Oui, pour allumer la lumière.

E : La pile que donne-t~elle à l'ampoule?

FI : Je ne sais pas.

E : Le fil à quoi sert-II?

FI : A tenir j'ampoule.

E : Qu'est~ce que donne, fournit une plie?

F, : A allumer.

Là encore le schéma général d'explication est celuide l'action de la plie sur l'ampoule par communication dequelque chose qui s'appelle électricité. Seuls GI et FI neproposent pas ce modèle causal et s'en tiennent à lastricte observation du phénomène: l'ampoule s'allume.Ceux qui ont répondu à la première question sur un modedescriptif (allumer l'ampoule), parviennent plus dlfflcllewment (F., F., F2) ou pas du tout (F" G,) à la propositionde l'électricité véhicule de l'action de la pile sur l'am­poule.

Question 3 (l'enfant a sous les yeux une lampe allu­mée: plie cylindrique + fil + ampoule). Les enfantscompléteront éventuellement leurs dessins par des f1êlchas.

39

Page 9: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

Peux-tu montrer avec ton doigt le chemin que suit lecourant?

Gl') part avec son doigt de la borne moins, traverse lapile, va vers la borne plus, puis à l'ampoule.

E : Est-ce qu'II (le courant) passe dans le fil?

G.: Oui,

E : Montre.

GIS ne répond pas.

F5 montre la borne - puis la borne + puis la lampe.

E : Le fil sert-JI à quelque chose?

Fl') : A rien.

E : Tu crois que sion l'enlevait, la lampe s'allu-merait?

F. : Non,

E : Le fil sert-If à quelque chose?

FIS : Oui, alors ça doit faire ça: fIS part du bas dela pile mais ne tait toujours pas Intervenir le fil.

GIS et FIS devant indiquer le trajet du courant se réfè­rent au modèle unipolaire. Le rôle du fil qui part del'autre borne et rejoint l'ampoule est tout simplementIgnoré ou nié (malgré l'existence du circuit en fonction­nement sous les yeux des enfants, ils continuent à sépa­rer les deux couples pjJe~fil et pile-ampoule). Bien queG5 et fIS soient dans une classe plus avancée que G4(et F4) ils emploient un modèle moins élaboré que celuide G4 •

G4 : « L'électricité monte dans l'ampoule et ça lefait marcher. ll-

E : Que se passe~NI?

G4 : S'II n'y avait pas de fil ça ne marcherait pas.L'électricité monte dans la pile (G4 va, avec son doigt,de la borne - à la borne +), elle rejoint le bout. Le cou­rant monte dans le fil et rejoint l'ampoule; G4 met desflèches sur son dessin (fig. 10) et dit: là (borne plus dudessin) le courant va dans le fil et rejoint là (borne moinset le culot de (a lampe), l'ampoule touche et faIt marcheravec le fil.

E : Cette électricité que fait-elle quand l'ampoules'allume?

F, : Elle fait allumer la petite ampoule,

E : Comment ça marche. Que se passe-t-II dans lefil?

F4 : L'électricité monte dans le fil, elle touche l'am­poule qui s'est allumée.

E : Quand elle est dans l'ampoule?

40

F, : Elle fait allumer l'ampoule.

E : Et après.

F4 : Pas de réponse.

E : Rallume la lampe devant F4' Tu dis que l'électri~

cité arrive à l'ampoule; une fols qu'elle est dans l'ampouleque fait-elle?

F, : Elle redescend dans le fil.

E : OuI.

F4: EUe retourne dans la pile.

E demande de faire des flèches sur son dessin.

Les réponses de F4 relèvent aussi du modèle unipo­laire. Mais F4 est incapable de stabiliser longtemps cemodèle, Le caractère cinétIque (transport) de ce modèledevient alors prépondérant puisqu'elle attribue la possibl~lité d'un retour par le même chemin sans intégrer le faitexpérimental que le phénomène observé est stationnaire.

On peut d'ailieurs émettre "hypothèse que c'est àpartir du moment où le phénomène (éclairement de lalampe) est perçu comme stationnaire, et que ceci estintégré au modèle unipolaire que nait la notion d'usurede l'électricité (qui part de la pile et qui est consommédans l'ampoule). F4 n'a pas conscience de la stationnaritédu phénomène puisqu'elle se laisse emporter par sonexplication cinétique (à caractère matériel: il y a l'idée del'électricité qui redescend - peut-être comme un corps enchute libre après avoir été lancé).

Par contre, chez G4 - dont l'habileté expérimentalea été reconnue précédemment - apparaît ce que nousapellerons le modèle des courants antagonistes que nousavions déjà décelé d'une manière assez systématiquechez des éleves plus âgés, de classe de 4<1. G4 rsconnaitl'existence et l'Importance des deux pôles de la pile etadmet deux progressions de courant. Un courant sort parune des bornes (après avoir traversé la pile) et va versla lampe. L'autre sort par l'autre borne et va égalementvers la lampe par l'Intermédiaire du fil.

l'Intégration du modèle unipolaire et de la nécessitéd'utiliser les deux bornes n'empêche pas l'enfant deconserver fondamentalement l'Idée d'une action causalelinéaire: la plie agIt sur l'ampoule. Mais comme Il faututiliser les deux pôles pour que cette action se produise,l'enfant fera l'hypothèse que l'agent médiateur, le courantou l'électricité, sort de la pile par les deux voies dispo­nibles pour se rendre à l'ampoule.

G.

E : Cette électricité que falt-elle? Qu'est-ce qui sepasse?

Ga : Pas de réponse.

E : Elle vient de la pJle pourtant?

Page 10: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

Ga: Oui.E : Elle traverse la fil?

Ga: Oui.

E : Après elle va dans "ampoule?

Ga: Oui.

E : Une fois qu'elle est dans l'ampoule qu'est~ca

qu'elle fait?

G,: Elle allume.

E : Et après.

G3 : Ça reste toujours allumé.

E : L'électricité que devient~elle?

Ga : De la lumière.

Fs : L'électricité vient de la plie, elle passe, dans lefil pour la donner à la petite ampoule.

E : Une fois qu'elle est à l'ampoule que se passe-t-i1?

Fs : Ça fait de la lumière.

E : C'est tout?

Fs : Qui.

E : Y a-t-il encore de l'électricité ou il n'yen a plus?

Fa: Il y en a encore.

E : Où va~t-elle?

Fa: Elle va dans l'ampoule.

E : Et après l'ampoule?

Fs : Elle fait de la lumière.

E : Oui et une fols que l'ampoule a fait de la lumière.Est-ce qu'il y a encore de l'électricité ou pas?

F,: Il n'yen a plus.

E : Qu'est devenue l'électricité?

Fs : Elle reste Ici.

E : Elle reste dans l'ampoule.

Fa: Oui.Chez Ga et Fs seul le modèle unipolaire apparaTt sans

intégration avec le mode d'emploi du fil. On volt bien appa­raTtre la notion d'usore de l'électricité (qui devient de lalumière) en même temps que la perception du phénomènestationnaire (ça reste toujours allumé).

E : Que se passe-t-il pour que l'ampoule s'allume?

G2 : L'électricité prend dans le fil, dans le bout defer.

E : Que veut dire prend?

Gz : Pas de réponse.

E : Elle prend, elle va dans l'ampoule?

G2 : Elle va dans l'ampoule.

E : Que se passe-t-il?

G2 : L:ampoule s'allume.

Fz : L'électricité passe dans le bout de fer et ellevient là.

E : Que devient cette électricité?

F2 : En feu, mais un tout petit.

Le modèle unipolaire est encore manifesté - sommai­rement - chez Fz, mais il semble totalement absent chezGz. Le. chemin de Gz contredit cependant cette absence etla signification de la réaction de Gz est peut-être obscur­cie par son emploi du verbe « prendre ».

GI et FI n'ont pas été interrogés sur cette questioncar visiblement ils n'étaient pas encore parvenus au mo~

dèle unipolaire.

Questions 5, 6 et 7

Les réponses de prévision et de constatation * auxquestions 5 et 7 sont rassemblées dans le tableau quisuit:

Piles (Question 5) Ampoules (Questlon 7)

moIns fort Constatation Prévision Constatation

G,F, Prévision moins fort plus fort moIns fort

G, moIns fort pareil moins fort moins fort

F, moins fort pareil plus fort plus fort

G, moIns fort moins fort

F, moIns fort plus fort plus fort moins fort

G. moIns fort pareil plus fort moins fort

F. moins fort pareil plus fort moins fort

G, (a entendu pareilG,)

F, (a entendu pareil plus fort moins fortF,)

Aux questions 5 et 7 on constate des réponses quasiunanimes sur toute la population. Une pile plus petite et

* L'expérlmentateur demande à l'enfant de prévoir si la pliecyl1ndrlque (de 1,5 v.) de la1l1e plus petite fera briller la lampe plusou moins que l'autre plie (également de 1,5 volt).

L'enfant faIt ensuite l'essal et constate.

41

Page 11: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

présentée comme telle donnera moins de lumière. Uneampoule présentée comme plus grosse donnera plus delumière. L'observation conduit une bonne partie desenfants sauf Fi' F2, Fa et Ga dans un cas sur 2, à consta~

ter que dans le cas de la pile plus petite l'intensité lumi­neuse est bien conservée et que dans le cas de l'ampouleplus grosse l'Intensité lumineuse est plus faible.

L'anticipation n'est donc pas très fortement encréedans l'esprit des enfants, peut-être à cause de l'insistancede l'expérimentateur à présenter la pile comme plus petiteet l'ampoule comme plus grosse. La comparaison à desmoments successifs (sériation) des intensités lumineusessemble être acquise au moins à partir du CE (constatationcorrecte). Il reste que cette anticipation reliant un para­mètre de ['objet agent (pile) ou de ['objet patient (am­poule) à la grandeur de l'effet se fait de la manière laplus simple possible: plus le paramètre est grand, plusl'effet est Important. Il ne semble pas qu'il y ait de rela­tion entre le modèle causal que peut avoir l'enfant avecl'anticipation proposée par eux dans ce cas. En parti­culier il n'y a pas de différence établie entre l'objet agentet l'objet patient.

Seul G4 proposera, a posteriori, un raisonnement quidifférencie agent et patient tout en continuant d'attribuerun rôle important au paramètre de la taille.

G4 constate que la grosse ampoule brille moins que lapetite (après avoir prédit qu'elle brillerait plus).

E : Pourquoi?

G4 : La grosse il faut plus de courant pour la faireallumer fort, la petite Il en faut moins.

G4 déclare donc qu'il faut plus de courant pour allu­mer cette ampoule plus grosse et donc comme la pilen'a pas changé, la grosse ampoule fonctionnera moinsfortement car elle est alimentée par le même courant quela petite. Le modèle causal avec les trois rôles d'agentsde véhicule et de patient (pile, courant, ampoule) estmanifestement dominé pour permettre un tel raisonne~

ment.

Les réponses à la questron sur la durée totale d'éclai~

rement Jusqu'à épuisement de la pile sont de même natureque celles à la question 5. La comparaison des tailles dela pile induit la prévision des importances de "effet saufexception où des éléments tout à fait extérieurs peuventintervenir.

Il parait exclu que puisse naître l'Idée d'une différenceentre flux d'électricité et quantité d'électricité stockéedans la plie. Des élèves de CM2 ayant l'expérience del'identité des éclairements avec deux piles de taille diffé­rente ainsi que celle de la plus grande durée d'éclairementde la plus grosse pile n'ont pas su trouver d'explications,

42

Question 8

L'enfant a réussi à allumer la lampe de 7 volts avecune pile de 1,5 volt. Elle brille faiblement. L'enfant adevant lui 2 plies de 1,5 volt, 1 fil et l'ampoule.

Question: Que pourrais-tu faire pour qu'elle brilleplus avec le matériel que tu as?

FI) : Je vals essayer avec deux piles.

GIS : Je prends une pile différente.

E : Dans ce cas que faudrait-il prendre comme pile?Ici FIS intervient et montre une pile de 1,5 volt de tailleintermédiaire entre les deux piles dont disposent lesenfants.

E : Tu crois qu'avec cette pile la lampe brilleraitplus?

GIS : Elle allumerait pareil.

E : Pourquoi? Qu'y a~t-ll écrit dessus?

Gs : Il y a 1,5 volt, c'est toujours pareil.

E : As-tu une autre solutron?

G5 : Prendre une pile plus forte.

E : Quand on ne dispose pas d'une pile plus forteque peut-on faire?

G5 : On peut prendre deux fils.

E : Tu crois que la lampe brillera plus fort?

GIS : Non ce sera pareil.

E : De quel matériel as-tu besoin pour faire allumerune ampoule?

GI) : Du fil, une pile, une ampoule.

GI) essaie alors un montage avec les deux piles.

E : Pourquoi en mets-tu deux?

GI): Parce qu'avec deux ça va faire plus de force.

E : Aurais-tu une solution avec le matériel dont tudisposes, pour que la lampe brille plus fort?

G, : Il faudrait la brancher à l'électricité ([1 indiqueune prise électrique dans la salle).

E : Mais avec le matériel que tu as.

G4 : Avec les deux piles.

F4 : Avec deux ampoules.

E : Deux ampoules?

F4 : Oui mettre une ampoule plus grosse.

E : Le matériel dont tu disposes te suffit,

Page 12: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

F4. : Prendre les deux ampoules sans le fll.

E : Essaie (F4. faft l'essai avec les deux piles).

Fu essaie tout de suite de faire le montage avec deuxplies.

G2 : (Je mets) le bout de fil dessous la grosse (pile)et I~ petite (pile) à côté de la grosse,

E : C'estMà-dire que tu utilises combien de piles?G2 : Deux.

F2 : En appuyant plus fort (l'ampoule sur la pile),

E : As-tu une autre solution?

F2 : En penchant un peu plus.

E : Une autre solution?

F2 : Non.

E : Essaie quelque chose.

F2 réalise le montage avec une pile.

E : Si tu utilisais les deux piles, est~ce que la lampebrillerait plus?

F2 : Plus,

Schémas du montage fait par les enfantspour essayer d'aUumer une lampe avec deux pUes rondes

G, F, G~ F, G, F, G. F, G, F.

f---- -- -- -- -- -- ----I-1 1 3 2 1 1 1

Presque tous les enfants F5 , G5 , F4.' G4 , Fa et G2 agis­sent pratiquement en prenant deux plies. Pour F5 c'estimmédiat. L'entretien semble éloigner G5 mais dès qu'ildoit manipuler plutôt que répondre il emploie deux plies,G4. commence comme G5 en proposant une source d'inMtensfté différente (une pile différente, la brancher à l'élec­tricité) et très vite revient, à cause du matériel qu'il adevant lui à l'usage de deux piles. Pour Fa et G2 l'emploides deux piles est également immédiat sans cherchera priori d'autres solutions. F2 par contre fait uniquementréférence à son expérience antérieure de tâtonnement etplacée devant la possibilité d'un essai revient pratique­ment au montage à une pile. F l et G l n'ont pas été inter­rogés sur ce point car l'interview les fatiguait visiblement.

la réalisation pratique du montage avec deux pilesconfirme à nouveau l'existence d'un modèle unipolaireguidant les élèves dans leur manipulation.

Le montage de type 1 introduit la deuxième pile enne tenant compte que d'une des bornes. Ceci est corro­boré par le fait qu'aucun des enfants qui réalise le mon­tage 1 ne demande du fil supplémentaire.

les enfants ajoutent un des pôles de la pile suppléMmentaire et ceci doit suffire pour augmenter l'effet. L'enMtretien de Gü'l< est révélateur sur Ce point: avant de proMposer de prendre deux piles, il propose deux fils avecla même pile. En prenant du courant à chaque pôle onaugmente ainsi "action de la pile sur J'ampoule. C'est enfait le même raisonnement avec les deux piles: on pren­dra du courant à 3 pôles disponibles.

On voit bien ainsi comment le modèle des courantsantagonistes peut se construire à partir du modèle uni­polaire et des nécessités opératoires du branchement. Lemodèle des courants antagonistes n'est pas contradic­toire par rapport au modèle unipolaire, il relève de lamême structure causale linéaire.

G4. à nouveau se distingue et fait intervenir les deuxbornes des deux piles, en accord avec sa représentationdes courants antagonistes (il demande un fil supplémen­taire). La mise en court-circuit de la deuxième pile conduitau même résultat que le montage 1: l'ampoule brillemais comme avant. L'objectif du travail n'est pas atteint.Seul G4 insatisfait du résultat continue de rechercher unnouveau montage, met les deux piles l'une sur l'autre(donc en série) et parvient au résultat.

Fg parvient à la solution directement par tâtonnement.

1 2 Demande un deuxième fil el réalise

3 Demande un deuxième fil et réussit à mettreles deux plies en série

* Remarquons Incidemment que G~ a très vite tiré des conclu­sions de l'Invariance de l'éclairement de l'ampoule en fonction de lataille de la pile: 1,5 volt est écrit sur chacune des piles et c'est"invariance de cette écriture qu'il met en relation avec l'invarianCed'éclairement,

43

Page 13: l'élaboration de catégorfes MANIPULATIONS DE CIRCUITS ...ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/... · Sur les 8 enfants (en dehors du CP), un seul G. (CM,) est arrivé

CONCLUSION

Sauf chez Fi et G1 on a pu observer tout au long dutâtonnement expérimental et de l'entretien l'existenced'une représentation simple du fonctionnement d'un cir­cuit électrique contenant plie, fil, ampoule que nous avonsappelé modéla unipolaire.

l'existence de ce modèle a une influence Sur letâtonnement expérimental pour l'allumage du circuit - enpartfculier dans le cas de la pile cylindrique.

Ce modèfe unipolaire peut s'enrichir de caractérisHtiques issues des nécessités opératoires de branchementpour devenir un modèle bipofaire pour la pile. ou un mc.dèle de courants antagonistes. Cependant cette évolutionne modifie pas sa caractéristique fondamentale fondéesur une structure causale Ilnéalre avec agent (plie} etpatient (ampoule).

Comme par exemple dans l'expérience R2 raPPortéepar Piaget dans son ouvrage « Les explicatIons causales )'(P.U.F., 71), on trouve dans l'analyse causale faite par lesenfants les deux niveaux de fa transmissIon immédiate etde la transmission médiate. Au niveau élémentaire il n'y

44

a pas de médiateur de l'action de la plie sur l'ampoule:le contact du fil permet Il la plia d'allumer l'ampoule. A Unniveau plus avancé l'électricité est le médiateur qui contenudans la plie sera transféré dans le fil et agira sur l'am­poule pour se transformer en lumière. Nous rencontronsici une situation épurée de tout aspect mécanique del'analyse d'Un modèle causal. Aucun mouvement ou dépla~

cement n'est la cause (la chaine de contact est perçuecomme nécessaire mals pas comme fa cause de l'éclal~

rament de l'ampoule).

Il serait cependant Important d'analyser plus en détaill'évolution des types de transmission employés par l'en~

fant el de les relier Il d'éventuels stades de développement.

Andrée TIBERGHIEN,Goéry DELACOTE,

Groupe de travailde la commissiOn de rénovatIon

de l'enseignement de la physique,Université de Parls~VII