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Amilcar Lopes Cabral est né en 1924 à Bafata, en Guinée Portugaise, d’un père professeur d’origine Cap Verdienne donc partiellement portugais et d’une mère africaine, il fit des études d’agronomie au Portugal et fut en 1952, l’un des rares fonction- naires nés en Guinée chargé d’une tâche impor- tante, celle de collecter les renseignements relatifs aux ressources agricoles. Au bout d’une année, et grâce à ce travail, il tire une parfaite connaissance de son pays et cela lui sera nécessaire dans l’ave- nir. C’est à cette époque qu’il voudra créer une as- sociation sportive des jeunes africains. Jugé sus- pect par les Portugais, il se retrouve muté en Angola. A l’un de ses retours en Guinée Bissau il y fonde le 19 septembre 1956 avec cinq camarades un mouvement qu’ils débaptisent P AIGC Partido Africano para a Independencia da Guine e de Cabo Verde (parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) avec Luis Cabral, Aristide Pereira – qui deviendra plus tard président du Cap-Vert – et Rafaël Barboza. D’entrée, les fu- turs dirigeants de la résistance contre les Portugais vont aplanir la distinction géographique existant entre Bissau et les Iles du Cap-Vert en les considé- rant comme une entité unique. La grève des dockers de Bissau en 1959 marque le point de départ du mouvement de lutte anti-colo- niale qui trouvera son apogée en 1963, début de la lutte armée. Les troupes armées du PAIGC mettront à mal les troupes coloniales mais Cabral n’assiste- ra pas au triomphe couronné par l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert. Il est assassiné le 20 janvier 1973 en Guinée Conakry. L Le e S Se en ns s d de e l l H Hi i s st t o oi i r r e e LA RÉVOLUTION ET AMILCAR 92 l’arbre à Palabres # 13 - Mai 2003

LLee SSeennss ddee ll’’HHiissttooiirree · Amilcar Lopes Cabral est né en 1924 à Bafata, en Guinée Portugaise, d’un père professeur d’origine Cap Verdienne donc partiellement

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Amilcar Lopes Cabral est né en 1924 à Bafata, enGuinée Portugaise, d’un père professeur d’origineCap Verdienne donc partiellement portugais etd’une mère africaine, il fit des études d’agronomieau Portugal et fut en 1952, l’un des rares fonction-naires nés en Guinée chargé d’une tâche impor-tante, celle de collecter les renseignements relatifsaux ressources agricoles. Au bout d’une année, etgrâce à ce travail, il tire une parfaite connaissancede son pays et cela lui sera nécessaire dans l’ave-nir. C’est à cette époque qu’il voudra créer une as-sociation sportive des jeunes africains. Jugé sus-pect par les Portugais, il se retrouve muté enAngola. A l’un de ses retours en Guinée Bissau il yfonde le 19 septembre 1956 avec cinq camaradesun mouvement qu’ils débaptisent PAIGC PartidoAfricano para a Independencia da Guine e deCabo Verde (parti africain pour l’indépendance dela Guinée et du Cap-Vert) avec Luis Cabral,Aristide Pereira – qui deviendra plus tard présidentdu Cap-Vert – et Rafaël Barboza. D’entrée, les fu-turs dirigeants de la résistance contre les Portugaisvont aplanir la distinction géographique existant

entre Bissau et les Iles du Cap-Vert en les considé-rant comme une entité unique.La grève des dockers de Bissau en 1959 marque lepoint de départ du mouvement de lutte anti-colo-niale qui trouvera son apogée en 1963, début de lalutte armée. Les troupes armées du PAIGC mettrontà mal les troupes coloniales mais Cabral n’assiste-ra pas au triomphe couronné par l’indépendancede la Guinée et du Cap-Vert. Il est assassiné le 20janvier 1973 en Guinée Conakry.

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LA RÉVOLUTION EN GUINÉE BISSAUETAMILCAR LOPES CABRAL

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LE ENS DE L’HISTOIRELE ENS DE L’HISTOIRESSSS

Amilcar Lopes Cabral – alias AbelDjassi, son nom de guerre – passe pour êtrel’un des plus brillants théoriciens du groupedes Modernisateurs marxistes. S’il estd’obédience marxiste, il n’exclut pas l’adap-tation du marxisme au contexte africain.

La création du PAIGC procède du faitqu’il fallut s’organiser pour porter la luttearmée en Guinée Bissau contre le colonisa-teur Portugais, qui jusque-là avait toujoursrefusé tout règlement pacifique et négociéde la décolonisation. De même, l’actionviolente n’était pas la priorité des militantsdu PAIGC, puisque, avant et après les opéra-tions qui aboutirent à la guérilla intensifiée,des tentatives furent faites en vue de négo-cier de façon pacifique avec le Portugal. Ilfallut attendre 1961, du reste, pour que lePAIGC acquiert l’expérience et la formationthéorique et pratique nécessaire pour la mi-se sur pied effective d’un mouvement pou-vant se déterminer comme mouvement delibération nationale.

Cabral vouait un véritable culte àNkrumah, Mao Tsé Toung et CheGuevara, qui eurent un impact certain etdécisif sur sa conception politique deschoses de la société civile. Cependant, àtravers Return to the source et Revolutionin Guinéa 1 le parallèle qui y naît entre lasituation historique algérienne et celle dela Guinée Bissau, aboutit à ce que les so-lutions proposées par Cabral avoisinent

celles de Fanon.De l’avis de Cabral, le colonialisme en

Guinée n’était aucunement comparable àcelui des autres régions d’Afrique. À celaune raison. Le Portugal quoique ayant étépuissance en force au début des posses-sions coloniales, n’avait pu suivre le mou-vement et se retrouvait dans le lot des paysen voie de développement. Comme lespays dans cette situation, le Portugaln’avait pas encore atteint un niveau appré-ciable d’industrialisation et de modernisa-tion auquel étaient arrivés ses partenairesde l’aventure coloniale : la France et laGrande-Bretagne, dans les dernières an-nées de leur emprise sur l’Algérie et leTanganyika. Si la contribution au mieuxêtre des populations sous la juridiction desdeux dernières puissances que nous venonsde citer, avait eu des proportions quelquepeu acceptables selon les États considérés,le Portugal quant à lui, ne pouvait promou-voir ce bien être pour ses colonies en géné-

ral et le cas de la Guinée Bissau est assezmanifeste. Elle demeura non seulementsous-développée d’un point de vue so-cio-économique, mais d’un point de vuegénéral. Du fait de sa situation écono-mique et industrielle et contrairement à cequi se passait dans les territoires angolaiset mozambicains où s’étaient constituéesde véritables fortunes qui se substituaientà l’autorité coloniale qui prenait ses

EN GUINÉE BISSAULOPES CABRAL

1 - Amilcar CABRAL, Revolutionin Guinea, Londres, Stage 1, 1969.Return to the source : Selectedspeeches of Amilcar Cabral, NewYork, Monthly Review Press,1973.

BENOIST LHONI

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ordres à Lisbonne, pour promouvoirl’économie et le mieux être des ressortis-sants Portugais. La Guinée Bissaun’ayant pas été gagnée par ce type de réa-lisation, le Portugal était incapable detrouver des capitaux qui auraient servi àla promotion de la Guinée Bissau. Depuisl’abolition de la Monarchie en 1910 etl’établissement de la République, la dicta-ture de Salazar n’a pas eu les moyens fi-nanciers et techniques requis pour déve-lopper ces territoires africains inviolés,dont la surface totale approche deux mil-lions de kilomètres carrés et porte une po-pulation indigène d’environ neuf millionsd’habitants (31 millions estimation 2002).

Ainsi, l’industrie était inexistante.Pas de capitaux pour développer les in-frastructures nécessaires, comme lesécoles dans lesquelles les Guinéens au-raient pu trouver les substrats de la mo-dernité. Et, de ce fait, quand s’engageala lutte de libération à la fin des années1950, les Guinéens étaient illettrés pourla plupart et le taux d’analphabétismeavoisinait les 99 %.

Cela a abouti au fait que les Guinéensne pouvaient pas objectivement apprécierles promesses de prospérité qui venaientdu gouvernement portugais à Lisbonne.L’ignorance permet de manipuler aisé-ment les hommes en jouant sur leur cré-dulité pour leur faire avaler toutes les ex-plications et toutes les excuses justifiantles retards dans l’application des ré-formes économiques. 2

L’arriération et la grande misère quiétaient le quotidien des Guinéens, leurôtaient toutes les facultés pouvant leurpermettre d’apprécier le rythme du pro-grès qui aurait considérablement modifiéleur ordinaire. Seule la puissance coloni-satrice, en substance le Portugal, bénéfi-ciait du fruit de leurs durs labeurs. Dèslors, comment une société qui avait com-me base de référence la vie associative,communautaire selon les principes tradi-tionnels, pouvait-elle appréhender laconception occidentale de la richesse etdu progrès, ainsi que l’exploitation éhon-

tée dont elle était victime, en violation deces critères.3

Tout était ainsi permis aux colons por-tugais. Ils n’avaient rien en face d’euxque de pauvres bougres qui ne compre-naient rien à la subtilité des lois et droitssous lesquels ils étaient administrés. Ettoute velléité de résistance était impitoya-blement réprimée.

En ce qui concerne la Guinée Bissau,Lisbonne n’avait pas de raisons de re-chercher un modus vivendi avec le PAIGCen se conformant au processus classique :l’effacement de la domination colonialeouverte au bénéfice d’un compromis detype néocolonial.

Dans les visées des dirigeants portu-gais, une seule alternative s’imposait :contrer le PAIGC sous toutes ses formes ouse faire mettre hors de Guinée.

Amilcar Cabral s’est de ce fait trouvéobligé d’élaborer une stratégie politiqueayant pour objectif, la libération nationa-le : l’essence profonde de la doctrine deCabral.

Dans la conception, la doctrine deCabral était assez proche de celle deFanon. La différence se situait simple-ment en ce que Fanon s’il avait participéactivement au combat du peuple algérienpour se sortir de la sphère française,c’était en qualité de médecin clinicien etthéoricien tandis que Cabral était à la têtedu PAIGC, fer de lance de la lutte anti-co-loniale du peuple guinéen.

L’imbrication de la théorie et de lapratique était très poussée chez Cabral,mais ne rend pas supérieure sa théorie parrapport à celle de Fanon.

Cabral devint théoricien lorsqu’ilcomprit qu’il y avait lieu de faire digres-sion entre les stratégies des divers mou-vements de libération nationale à traversle monde, et la situation de la GuinéeBissau à laquelle devait être adaptée unestratégie plus appropriée. Aussi, la pre-mière maxime théorique de Cabral, à ten-dance marxiste, est que la pratique doittoujours se fonder sur une analyse théo-rique minutieuse des conditions maté-

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2 - Christian POTHOLM, La poli-tique africaine : théories et pra-tiques. Éd. Economica, Paris, 1981.3 - Ibid.

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rielles propres au pays intéressé. Et c’est par l’intermédiaire de l’expé-

rience empirique de la pratique révolu-tionnaire qu’il faudra contrôler en perma-nence si la théorie s’applique de manièreconcise et adéquate, et au besoin et en casd’échec, corriger la pratique ou la straté-gie. Cabral ne soutient pas seulement quela théorie ne doit pas guider la pratique,mais il reconnaît que la théorie peut êtreerronée. Cabral refuse en outre d’expli-quer une crise qui vient de l’intérieur d’unmouvement de libération, par un manquede maturité politique dudit mouvementqu’il impute en définitive au manque deconnaissances.

C’est le refus de l’orthodoxie et sa dé-marcation d’un Nyerere par exemple quitient à des principes qui doivent guiderune nation dans son évolution vers unesociété socialiste.

Du reste, le mot socialisme n’apparaîtpas dans le programme du PAIGC, ni n’estutilisé très souvent dans les autres docu-ments ni dans les déclarations publiques.Cependant il ne peut y avoir de doutesquoique l’analyse sociale et idéologiquedu PAIGC que nous avons trouvée dans cesdocuments, ait un caractère socialiste,même si à un degré plus élevé il existeplusieurs autres idéologies dont les repré-sentants brandissent la lourde étiquette dusocialisme plus facilement que ne le faitle PAIGC.

La raison en est simple puisqueAmilcar Cabral fait toujours rarement unedistinction entre la formulation des butsconcrets susceptibles d’être atteints pourle pays, dans la situation historique de laGuinée Bissau, et le type de la penséethéorique nécessaire pour avoir une em-prise sur la réalité d’un tel pays.

À en juger par ce que nous considé-rons comme une vision de Cabral, le butd’une société socialiste en Guinée Bissauest encore éloigné. Encore que la GuinéeBissau soit économiquement et technolo-giquement un pays agricole sous-déve-loppé, qui est également demeuré sous-développé par l’entremise des méca-

nismes de la dépendance coloniale.L’analyse sociale qui se rapporte à la

situation de la Guinée Bissau, d’autrepart, peut encore être socialiste dans lesens marxiste du terme et par conséquent,l’examen du socialisme est naturelle etdésirable comme but pour le développe-ment à grande échelle du pays. Dans cet-te perspective, le socialisme, et finale-ment aussi bien que le communisme, de-viennent simplement synonymes de libé-ration et d’émancipation humaines.

La version la plus complète que don-ne Cabral de sa théorie et sa perceptiondes conditions de transformation sociale,dans les pays sous-développés et dépen-dants encore d’un colonisateur, se trouvedans son intervention à la première confé-rence Tricontinentale des peuples d’Asie,d’Afrique et d’Amérique Latine, à laHavane en janvier 1966.

À cette conférence, Cabral développaune conception ou une vision marxisteclaire et systématique de l’histoire, qu’ilappliquait aux problèmes de libérationnationale dans le Tiers Monde. Ces décla-rations ne tiennent rien de neuf, de sup-plémentaire ou d’essentiellement diffé-rent des formulations idéologiques géné-rales, et ne changent rien d’important àl’image donnée par Cabral de son propresystème idéologique et de ce fait, de celuidu PAIGC.

Des rapports avec l’idéologie généra-le et l’analyse sociale du PAIGC, nous pou-vons nous concentrer sur le discours deCabral à la Havane.

Un important point soulevé parCabral est que la lutte de libération estune lutte qui doit être faite par les peupleseux-mêmes dans leur propre pays etcontre leurs propres faiblesses. Évidem-ment, les autres cas diffèrent de celui dela Guinée mais notre expérience nous amontré (au PAIGC) que dans le cadre de lalutte générale de tous les jours, cette luttecontre nous-mêmes – quelles que soientles difficultés que l’ennemi peut créer –est la plus difficile de toutes, que ce soitpour le présent ou l’avenir de notre

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peuple. Cette lutte est l’expression descontradictions internes sur le plan écono-mique, social et culturel – et par consé-quent historique – et la réalité de chacunde nos pays. Nous sommes convaincusqu’une révolution sociale ou nationalequi n’est pas basée sur la connaissancede la réalité fondamentale, court le risquegrave d’être condamnée à échouer. 4

Et si l’on surmonte avec succès la lut-te contre les contradictions de sa propresociété, il est nécessaire de savoir ce quel’on va faire, ce que l’on est capable defaire et ce que l’on voudrait faire. Il estnécessaire en d’autres termes d’avoir uneidéologie, un système d’évaluation et uneconnaissance positive qui lient en mêmetemps vos buts politiques et les conditionsréelles : L’insuffisance idéologique, nonpas l’absence totale d’idéologie, au seindes mouvements de libération nationale –laquelle insuffisance est due fondamenta-lement à l’ignorance de la réalité histo-rique que ces mouvements veulent trans-former – constitue l’une des plus grandesfaiblesses de notre lutte contre l’impéria-lisme. Sinon la plus grande faiblesse detout. 5

En donnant son analyse de cette réali-té historique, Cabral souhaitait contribuerà notre connaissance aux objectifs et fon-dations de libération nationale. Commenous l’avons vu, Cabral pense qu’aucuneidéologie ne pouvait se traduire en fait ac-compli en méconnaissant la réalité.

Au début de l’analyse de sa théorie,Cabral débat la vieille question de ce quiconstitue la force motrice de l’histoire. Ilaccepte la vision marxiste traditionnelleen ce que la force motrice procède de lalutte des classes, mais il souhaite réviseret spécifier ce postulat classique, pour lerendre plus applicable aux situations despeuples colonisés et dominés par l’impé-rialisme. Ainsi, il élargit son analyse poury inclure les facteurs et les conditions in-ternationales et leur effet sur les condi-tions internes de chaque pays.

Pour commencer, Cabral considère lagenèse des classes de la manière suivante :

Le phénomène socio-économique de laclasse est créé et développé en fonctionde deux moindres variables essentielles etsolidaires – le niveau des forces produc-tives et le type de propriété des moyens deproductions. Ce développement prendplace graduellement, lentement et inté-gralement par d’imperceptibles varia-tions quantitatives et généralement dansles parties fondamentales. Dès qu’un cer-tain degré d’accumulation est atteint, ceprocessus conduit alors à un relèvementqualitatif, caractérisé par l’apparitiondes classes et des conflits entre elles. 6

Jusqu’ici, Cabral demeure dans les li-mites de la structure conventionnelle ouclassique, marxiste. La même chose estvraie dans la prochaine étape de son argu-mentation, où les conditions internatio-nales et globales sont rapportées par cetteimage : Évidemment et cependant, lespossibilités de ce processus sont notoire-ment influencées par des facteurs exo-gènes et particulièrement par l’interac-tion des groupes humains. Cette interac-tion est considérablement développée parl’évolution des moyens de transport et decommunications, qui ont créé le mondemoderne, éliminant l’isolement desgroupes humains dans les limites d’unterritoire, des territoires dans les limitesd’un continent et entre les continents. Cedéveloppement, caractéristique d’unelongue période historique qui commençaavec l’invention du premier moyen detransport, était déjà très évident du tempsdes voyages puniques et dans la colonisa-tion grecque, et fut accentué par les dé-couvertes maritimes, l’invention de lamachine à vapeur, et la découverte del’électricité. Et, à notre époque, avec la do-mestication progressive de l’énergie ato-mique, il est possible de promettre, si celane mène pas les hommes dans les Etoiles,au moins, d’humaniser l’Univers. 7

Cabral atteint ici une position des plusdélicates, parce qu’il lui faut affirmer sacapacité de leader politique d’un peupledont la lutte des classes n’est pas encoretrès prononcée. Et c’est à ce stade que

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4 - Amilcar CABRAL, Revolutionin Guinea, Op. Cit.5 - Ibid.6 - Ibid.7 - Ibid.

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Cabral voudrait également réviser et spé-cifier le traditionnel postulat marxiste àpropos de la force motrice de l’histoire :Ceci nous amène à nous poser la question

suivante : est-ce que l’histoire ne com-mence seulement qu’avec le développe-ment du phénomène de classes, et parconséquent de la lutte des classes ?Répondre par l’affirmative serait placeren dehors de l’histoire toute une périodede la vie d’un groupe humain depuis ladécouverte de la chasse, et après, del’agriculture nomade et sédentaire, àl’organisation des troupeaux et à l’appro-priation privée des terres. Ce serait aussiconsidérer – et cela nous refusons de l’ac-cepter – que divers groupes humains enAfrique, en Asie et en Amérique latine, vi-vaient sans histoire, ou en dehors de l’his-toire, au moment même où ils étaient as-sujettis au joug de l’impérialisme. Ce se-rait considérer les peuples de nos pays telsque les Balantes de Guinée, lesCoaniamas de l’Angola et les Macondesde Mozambique, encore en vie aujour-d’hui – si nous faisons abstraction de lamoindre influence du colonialisme, à la-quelle ils ont été contraints – qu’ils sont endehors de l’histoire ou qu’ils n’ont pas

d’histoire.Notre refus est aussi basé sur la

connaissance concrète de la réalité so-cio-économique de nos pays et sur l’ana-

lyse du processus de déve-loppement du phénomènede classe , comme nousl’avions vu tantôt, ce quinous amène à conclure quesi la lutte de classes est laforce motrice de l’histoire,c’en est ainsi, dans une pé-riode de l’histoire seule-ment. Ceci veut direqu’avant la lutte de classes– et nécessairement aprèselle, depuis que dans lemonde il n’y a plus d’avantsans après – un ou plu-sieurs autres facteursétaient ou seront encore laforce motrice de l’histoire.

Il n’est pas difficile devoir que ce facteur danschaque groupe humain, est

le mode de production – le niveau desforces productives et le modèle de pro-priété – caractéristique de ce groupe. Enoutre, comme nous l’avions vu, lesclasses elles-mêmes, la lutte de classe etleur définition consécutive, sont le résul-tat du développement des forces produc-tives en conjonction avec le modèle depropriété et les moyens de production.Par conséquent, il me semble correct deconclure, que le niveau des forces pro-ductives, l’élément déterminant et essen-tiel dans la capacité et sous la forme delutte de classe, est la vraie et permanenteforce motrice de l’histoire.

Si nous acceptons cette conclusion,alors les doutes dans nos esprits sont dis-sipés. D’une part, nous pouvons voir quel’existence de l’histoire avant la lutte declasse est garantie, et par conséquent évi-ter pour quelques groupes humains dansnos pays – et peut être sur notre continent– la triste position d’être des peuples sanshistoire, et d’autre part nous pouvons voirque l’histoire a une continuité, même

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après la disparition de la lutte de classeou des classes elles-mêmes.8

Si l’origine des classes sociales est is-sue de l’interaction entre les forces pro-ductrices et les relations de production,c’est-à-dire, dans le mode de production,qui dans la terminologie marxiste est unterme théorique compréhensif pour la to-talité de cette interaction, alors nous pour-rons aussi accepter la forme logique duraisonnement de Cabral. Notammentlorsqu’il argue que le mode de productionest fondamentalement plus important quela lutte des classes elle-même, et que parconséquent, le niveau du développementdes forces productives devra être désignécomme la vraie et la permanente forcemotrice de l’histoire. Mais alors et enco-re, il ne semble pas être en très bon accordavec la vision dialectique du Marxismede regarder le niveau du développementcomme force motrice.

Selon Marx lui-même, c’est précisé-ment la tension dialectique, la contradic-tion entre le niveau des forces produc-trices et les relations de production, quiengendre les classes, accélérant de ce faitle développement de l’histoire. Il est vraique le niveau des forces productrices estl’ultime facteur déterminant dans ce pro-cessus, mais cela en fait l’unique forcemotrice. Il apparaît par conséquent queCabral a réfuté effectivement la visionpolémique et superficielle que certainespersonnes manquent d’histoire : en argu-mentant à la place, sur la ligne de Mao TseToung, se basant elle-même sur la décla-ration du leader Chinois il ra ppelle queles contradictions surgissent ou s’élèventcontinuellement et sont continuellementrésolues ; ceci est la loi de la dialectiquedu développement des choses. 9

Tel qu’il est bien connu, Mao recon-naissait la possibilité que les contradic-tions apparaissent aussi dans une sociétésocialiste. Mais ce sont des contradic-tions au sein des peuples et non descontradictions entre le peuple et ses enne-mis. Par conséquent, les contradictions dela société socialiste sont non antago-

niques plutôt qu’antagoniques. Il est na-turellement possible d’imaginer, de ma-nière analogique, que l’histoire était pro-voquée par des contradictions non anta-goniques aussi, avant l’émergence de lalutte des classes. S’il en est ainsi, les no-mades et les chasseurs primitifs doiventavoir leur place dans l’histoire. En outreMao écrit lui-même, avec une formula-tion supportant cette interprétation, queles contradictions au sein du peuple onttoujours existé.10

Après avoir fait cette mise au pointpolitique, Cabral aborde la question dudéveloppement historique. Il commencepar présenter trois étapes de sa proprecombinaison, qui diffèrent, sur quelquespoints importants, du système marxisteclassique, dans lequel féodalisme, capita-lisme et socialisme sont précédés par dessociétés primitives (quelquefois aussi pardes sociétés esclavagistes) et éventuelle-ment se terminer par le communisme.Dans les trois étapes du système deCabral, les sociétés agricoles tradition-nelles ont leur propre place et ne sont pasconsidérées comme antérieures au féoda-lisme. Cependant les sociétés bourgeoiseset féodales sont considérées comme pos-térieures à une même période, en d’autrestermes, la période de l’appropriation pri-vée des moyens de production. Alorsnous constatons encore que Cabral estanxieux de rendre justice à la perspectivehistorique se différenciant de la perspecti-ve unique occidentale, mais sans aban-donner les acquis théoriques du marxis-me. Il peut, au contraire, contribuer à avi-ver ces acquis à travers son effort de lesfaire appliquer plus globalement : le pré-cédent et la réalité actuelle, nous autori-sent à déclarer que l’histoire d’unecouche sociale ou de l’humanité traverseau moins trois étapes :

La première est caractérisée par lebas niveau des forces productrices - de ladomination de l’homme sur la nature ; lemode de production est de caractère rudi-mentaire, l’appropriation privée desmoyens de production n’existe pas vrai-

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8 - Ibid.9 - Mao Tse Toung, On the correcthanding of contradictions amongthe people, Peking, ForeignLanguages Press, 1957, p. 2610 - Ibid., p. 80

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ment, il n’y a pas de classes ni par consé-quent, de lutte de classes.

- La seconde étape, l’accroissementdu niveau des forces productrices,conduit à l’appropriation privée desmoyens de production, compliquant pro-gressivement le mode de production, pro-voquant des conflits d’intérêts au sein dumouvement socio-économique tout entier,et rend possible l’apparition du phéno-mène classe et de là, à la lutte de classes,l’expression sociale de la contradictiondans le champ économique entre le modede production et l’appropriation privéedes moyens de production.

- Dans la troisième étape, une foisqu’un certain niveau de forces produc-tives est atteint, l’élimination de l’appro-priation privée des moyens de productionest possible, en même temps que l’élimi-nation du phénomène de classes et de cefait de la lutte de classes.

En langage d’économie politique, lapremière étape correspondrait à la socié-té d’élevage et agricole, dans laquelle lastructure sociale est horizontale sanscouches sociales. La seconde quant à elleserait féodale ou assimilée aux sociétésbourgeoises, agricoles ou agro-indus-trielles avec une structure sociale vertica-le et des strates sociales. La troisièmecorrespondrait aux sociétés socialistes oucommunistes dans lesquelles l’économieest principalement, si ce n’est pas exclu-sivement, industrielle (depuis que l’agri-culture est devenue elle-même une formed’industrie) dans lesquelles les condi-tions sociales tendent à disparaître pro-gressivement, ou ayant actuellement dis-paru, et où la structure sociale redevienthorizontale, au plus haut niveau desforces productives, des relations socialeset de l’appropriation des valeurs hu-maines. 11

Ainsi, Cabral n’hésite pas quand ilparle du niveau théorique et abstrait desbuts du développement de la société àlongue échéance. Il présume que l’hom-me à travers l’histoire s’efforce de parve-nir au développement total et libre de ses

possibilités dans la vie. Il définit le but decet effort universel en des termes socia-listes. Il analyse également le long che-min conduisant vers le but, c’est-à-dire lepassé et l’avenir probable de l’histoire del’humanité – en mettant en pratique laperspective du matérialisme historique.Cependant, l’avantage de la position deCabral n’est pas celle d’un théoricien eu-ropéen pas plus que celle du NordAméricain, mais celle d’un leader d’unpeuple engagé dans la lutte la plus cruellecontre le colonialisme et l’impérialisme.Par conséquent, la perspective du maté-rialisme historique ainsi mise en pratiquepar Cabral n’a pas exactement les mêmesnuances que celles que nous trouvons ha-bituellement dans la littérature. Les diffé-rences essentielles, comme celles quenous avons vues, se rapportent à l’accentque met Cabral sur l’existence de l’histoi-re précoloniale, et son ambition consé-quente à éviter de définir les sociétés tra-ditionnelles agricoles comme antérieuresà l’histoire. En regroupant les sociétésféodales et bourgeoises dans une même etlarge catégorie, Cabral énonce égalementun message de relativisme historique quiaurait pu être utile à certains de ses audi-teurs européens à la Havane.

Un autre problème théorique de gran-de importance pour Cabral à cause de sonrôle politique et de ses tâches, concerne lasuccession des étapes historiques de dé-veloppement. Est-ce que tous les paysdoivent exactement passer par les mêmesétapes et exactement par les mêmes sé-quences ?

Cabral évite de répondre par l’affir-mative à cette question, inter alia en atti-rant notre attention sur le développementinégal : certaines sociétés peuvent être in-tégralement développées dans ce sens quedifférentes étapes se manifestent simulta-nément et concrètement d’elles-mêmes,au sein d’une même société.

Un autre point important se rapporteau fait que le développement inégal oul’inégal développement international, enlui-même, est souvent la cause de l’inégal

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11 - Ibid., p. 9

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développement interne. Contre cette ba-se, ce fond, Cabral clame que les peupleset les pays du Tiers Monde, en dépit deleurs positions actuelles, défavorables,ont une certaine chance de se libérerd’eux-mêmes de l’exploitation et dusous-développement, en avançant rapide-ment et loyalement à travers les étapes.Dans certains cas, il peut même être pos-sible d’éviter ou de sauter l’étape de tran-sition.

L’existence actuelle des États socia-listes dans le monde, est un facteur impor-tant dans ce contexte : Nous pourrionsaussi noterque dans laphase ac-tuelle de lavie de l’hu-manité, etpour don-ner un en-semble so-cio-écono-mique, lasuccessiondes mo-ments destrois étapes caractéristiques n’est pasindispensable. Malgré son niveau deforces productives et sa structure socia-le actuelle, une société peut passer ra-pidement les étapes déterminées, ap-propriées, pour arriver aux réalités lo-cales concrètes (à la fois historiques ethumaines) et atteindre le stade le plus éle-vé de l’existence. Ce progrès dépend despossibilités concrètes du développementdes forces productives de la société et estprincipalement gouverné par la nature dela puissance politique commandant la so-ciété, ce qui veut dire, par le type d’Étatou, si on veut, par le caractère de la clas-se dominante ou des classes au sein de lasociété.

Une analyse plus détaillée pourraitdémontrer que la possibilité d’un tel sautdans le processus historique, se produitprincipalement dans le champ écono-mique, et procède de la puissance des

moyens accessibles à l’homme au mo-ment de dominer la nature. Dans lechamp politique, du nouvel événementqui a radicalement changé la face dumonde et le développement de l’histoire,la création des États socialistes.

Ainsi nous voyons que nos peuplesont leur propre histoire sans faire atten-tion à leur développement économique.Quand ils étaient soumis à la domina-tion impérialiste, le processus histo-rique de chacun de nos peuples (ou desgroupes humains desquels ils sont com-posés) était exposé à l’action violented’un facteur externe. Cette action –l’impact de l’impérialisme dans nos so-ciétés – ne pourrait manquer d’influen-cer le processus de développement desforces productives dans nos pays et lastructure sociale de nos pays, aussibien que le contenu et la forme de nosluttes de libération nationale.

Mais nous voyons aussi que dans lecontexte historique du développement de

ces lut tes , nospeuples ont la pos-sibil i té concrèted’évoluer de leursituation actuelled’exploités et desous-développés,vers un nouveaustade de leur pro-cessus historique

qui peut les conduire vers une formed’existence économique, sociale et cultu-relle, plus importante.12

Afin de mieux apprécier comment enréalité, la possibilité indiquée ici parCabral se place actuellement, il est néces-saire de faire une analyse détaillée, à lafois des relations internationales de domi-nation et de dépendance ainsi que leur im-pact sur les structures sociales endogènesdes pays indépendants. Il est nécessaireen d’autres termes, d’analyser l’impéria-lisme et ses conséquences.

Cabral commence son analyse en seréférant au postulat léniniste : Nous affir-merons simplement que l’impérialisme

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12 - Amilcar CABRAL, Revolutionin Guinea, Op. Cit.

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peut être défini comme une expressionuniverselle de la recherche des profits etde l’accumulation toujours croissante dela valeur excédentaire, par le monopoledu capital financier, centré en deux en-droits du Monde ; en premier en Europepuis en second, en Amérique du Nord. 13

Ce à quoi nous ajouterons la réflexion deCabral qui pense que l’impérialisme estune piraterie transplantée, sortie desmers pour la terre ferme, piraterie réor-ganisée, consolidée et adaptée aux viséesd’exploitation des ressources naturelleset humaines de nos peuples. 14 Dans unautre sens : Nous ne choquerons personneen admettant que l’impérialisme... a étéune nécessité historique, une conséquen-ce de l’élan donné par les forces produc-tives et la transformation des moyens deproduction... 15

Cependant la chose la plus importanten’est pas celle consistant à choisir entredes méthodes moralisantes et analytiquesde description de l’impérialisme. La cho-se importante pour nos peuples est cellede savoir si l’impérialisme dans son rôlecomme capital d’action, a accompli dansnos pays sa mission historique : l’accélé-ration du processus de développementdes forces productrices et de leur trans-formation dans le sens d’augmenter lacomplexité dans les moyens de produc-tion ; augmenter la différenciation entreles classes avec le développement de labourgeoisie, et d’intensifier la lutte desclasses. Cela vaut la peine aussi d’exami-ner les influences et les effets de l’actionimpérialiste sur les structures sociales etle processus historique de nos peuples.

Nous ne condamnerons ni ne justifie-rons l’impérialisme ici ; nous affirmeronssimplement, que ce soit au niveau écono-mique, ou au niveau social et culturel,que le capital impérialiste n’a pas encoreaccompli sa mission historique mise àexécution par le capital dans les paysd’accumulation. Cela signifie d’une partque si le capital impérialiste a eu, dans lamajorité des pays dominés, la simplefonction de multiplier la valeur excéden-

taire, on peut voir d’autre part, que la ca-pacité historique du capital (comme ac-célérateur indestructible du processus dedéveloppement des forces productrices)repose strictement sur sa liberté, ce quiveut dire sur le degré d’indépendanceavec lequel il est utilisé.

Nous devons de quelque manière quece soit, reconnaître que dans certains cas,le capital impérialiste ou le capitalismemoribond, a eu assez d’intérêts person-nels, de force et de temps, pour augmen-ter le niveau des forces productrices –aussi bien que celui de construire desvilles – et de permettre à une minorité dela population locale d’atteindre un trèshaut niveau de vie, contribuant ainsi à unprocessus que d’aucun traiterait de dia-lectique, en multipliant les contradictionsau sein des sociétés en question.

Dans d’autres cas, même très rares, ila existé la possibilité d’accumulation ducapital créant les conditions pour le déve-loppement de la bourgeoisie locale. 16

Puis Cabral distingue deux formes dedomination impérialiste : La première estla domination directe, par l’entremised’une puissance politique exercée par unpeuple étranger sur le peuple dominé(forces armées, police, agents adminis-tratifs et immigrants). Cela est générale-ment appelé colonialisme classique ousimplement colonialisme. La seconde for-me est la domination indirecte par unepuissance politique formée essentielle-ment ou complètement d’agents indi-gènes, cela est appelé néocolonialisme. 17

Pour ce qui est du colonialisme clas-sique, Cabral distingue trois types deconséquences pour le peuple dominé :

1) - La totale destruction générale-ment accompagnée par l’élimination im-médiate ou graduelle de la population in-digène et par conséquent de la substitu-tion par une population étrangère.

2) - La destruction partielle, généra-lement accompagnée par une faible ouune très grande affluence de la popula-tion étrangère.

3) - Une conservation apparente,

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13 - Ibid.14 - Lénine vu par Cabral, Op.Cit., p. 7915 - Ibid.16 - Ibid. p. 80 et suivante17 - Ibid. p. 81

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consistant à regrouper la société indigèneaux zones ou réserves, n’offrant généra-lement pas les possibilités de vivre, suivied’une importante implantation de la po-pulation étrangère. 18

Les deux derniers cas relèvent du pro-blème de la libération nationale. Dans cesdeux cas, de l’impérialisme résulte uneparalysie, une stagnation, et dans d’autrescas, une régression historique.

Mais cette paralysie n’est pas complè-te et Cabral souligne que : Dans un sec-teur ou un autre, qui fait partie de l’en-semble socio-économique en question,des transformations concrètes peuventêtre espérées, grâce à l’act ion dequelques facteurs internes, permanente,ou encore par l’action de nouveaux fac-teurs introduits par la domination colo-niale, telle que l’introduction de l’argentou le développement des centres urbains.

Parmi ces transformations nous note-rons particulièrement, dans certains cas,la perte progressive du prestige des règlesou secteurs de classes indigènes domi-nantes, l’exode forcé ou volontaire d’unepartie de la population paysanne vers lescentres urbains avec le développementconséquent d’une nouvelle classe sociale: les travailleurs salariés, les commis, lesemployés de commerce et les professionslibérales, et une couche instable de per-sonnes non employées.

Dans la région, il se développe unecouche composée de petits propriétairesfonciers avec une intensité variée et tou-jours liée au milieu urbain. 19

Cabral fait aussi ressortir que la domi-nation impérialiste dans la forme néoco-loniale est maintenue grâce à une bour-geoisie locale ou pseudo bourgeoisie. Laprincipale caractéristique de la domina-tion impérialiste reste la même sous le co-lonialisme et le néocolonialisme. Il rap-porte à ce propos que la négation du pro-cessus historique des peuples dominésest provoquée par le biais de l’usurpationviolente de la liberté de développementdes forces productrices nationales. Cetteobservation s’identifie à l’essence des

deux formes apparentes de la dominationimpérialiste, et nous semble être d’unegrande importance pour la pensée etl’action des mouvements de libération àla fois au cours de la lutte et après l’ac-cession à l’indépendance.20

Cela procède de cette observationqui rapporte que : La libération natio-nale existe seulement lorsque les forcesproductrices ont été complètement dé-barrassées de toute forme de domina-tion étrangère.21

Puis seulement, un peuple devra re-tourner à l’histoire, comme Cabral aimel’y renvoyer. Cela signifie que, se servantdes caractéristiques essentielles et aussides expériences de l’économie contempo-raine, aussi bien que des expériences dé-jà tentées dans le domaine de la lutte an-ti-impérialiste, l’aspect principal de lalutte de libération nationale est la luttecontre le néocolonialisme. Par ailleurs, sinous acceptons que la libération nationa-le demande une profonde mutation dansle processus de développement des forcesproductrices, nous constatons que ce phé-nomène de libération nationale corres-pond nécessairement à une révolution. Lemieux est d’être conscient des conditionsobjectives et subjectives dans lesquellescette révolution peut se faire et deconnaître le type ou les types de lutte lesmieux appropriées à sa réalisation. 22

Ces conditions sont bijectives : favo-rables et défavorables. Cabral veut attirerl’attention sur les conditions défavorablesexistant à la fois sur le plan exogène (in-ternational) et endogène (national) ausein des pays dominés. Au niveau interna-tional, il nous semble que les facteurs sui-vants sont au moins défavorables auxmouvements de libération nationale. La si-tuation néocoloniale d’un grand nombred’États ayant obtenu leur indépendancepolitique, qui ont maintenant tendance à sejoindre déjà aux autres dans cette situa-tion. Le progrès fait par le néocolonialis-me, particulièrement en Europe, où l’im-périalisme adopte des investissements pré-férentiels, encourageant le développement

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18 - Ibid. 19 - Ibid.20 - Ibid., p. 8221 - Ibid., p. 8322 - Ibid.

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d’un prolétariat privilégié et faisant ainsibaisser le niveau révolutionnaire desclasses ouvrières. La position néocolonia-le ouverte ou dissimulée de certains Étatseuropéens qui, comme le Portugal, ont en-core des colonies. Ladite politique de l’ai-de aux pays sous-développés adoptée parl’impérialisme avec le but de renforcer etde créer les pseudo bourgeoisies indigènesqui sont nécessairement dépendantes de labourgeoisie internationale, obstruant ain-si une partie de la révolution. La claustro-phobie et la timidité révolutionnaires quiont guidé quelques récents États indépen-dants dont les conditions économiques in-ternes et politiques sont favorables à la ré-volution pour accepter les compromis avecl’ennemi et ses agents. Les contradictionscroissantes entre les États anti-impéria-listes. Et finalement, la menace à la paixdu monde par la perspective de la guerreatomique de la part de l’impérialisme.Tous ces facteurs renforcent l’action del’impérialisme contre les mouvements delibération nationale. 23

Il est vrai que les interventions suc-cessives et l’accroissement d’agressivitéde la part de l’impérialisme, peuvent êtreconsidérées comme des signes de faibles-se et de désespoir. Mais elles peuvent êtreaussi expliquées comme résultant des fai-blesses produites par des facteurs interna-tionaux défavorables à la bataille anti-im-périaliste (Cf. supra), à laquelle nous de-vons ajouter les facteurs internes. Au ni-veau interne, nous pensons que les fai-blesses les plus importantes ou les fac-teurs défavorables sont inhérents à lastructure socio-économique et dans lestendances de son évolution sous la pres-sion impérialiste. Ou être un peu plusprécis ou ne pas faire attention aux ca-ractéristiques de cette structure et de cestendances provenant des mouvements delibération nationale en décidant de lastratégie de leurs luttes.24

En disant cela, Cabral ne minimisepas l’importance de certains facteurs in-ternes défavorables à la libération natio-nale. Tels que le sous-développement éco-

nomique, la conséquence du retard socialet culturel des masses populaires, le tri-balisme et les autres contradictions demoindre importance. 25

Mais il souhaite faire la distinctionentre les facteurs de grande et moindreimportance, et il est angoissé de soulignerque les mouvements de libération natio-nale doivent chercher la réponse à leursquestions stratégiques, en analysant lesstructures sociales de la société qu’ilsveulent transformer.

Les questions de base traitées dansl’analyse de Cabral apparaissent commesimples mais pourtant très fondamen-tales : que perdraient ou gagneraient lesgroupes sociaux et les classes en entre-tenant le sous-développement ? Quellerentabilité les groupes et les classes at-tendent-ils de la lutte de libération na-tionale ?

En posant ce genre de questions,l’analyste sera capable de mieux y réflé-chir. Le problème du tribalisme, parexemple, doit être réduit à des propor-tions raisonnables. Cabral remarque queles sentiments tribaux sont souvent ex-ploités par des leaders opportunistes, quiont cessé de concevoir la réalité en termestribaux. Les contradictions entre lesclasses, même quand elles ne sont qu’àl’état embryonnaire, ne sont pas telle-ment importantes par rapport aux contra-dictions entre les tribus.26

À ce point, nous pouvons abandonnernotre sommaire du discours de Cabral à laHavane, comme les grandes parties res-tantes, surtout avec les problèmes d’orga-nisation et les questions que ne cesse de

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23 - Ibid., p. 8424 - Ibid.25 - Ibid.26 - Ibid., p. 85

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poser l’utilisation des diverses contradic-tions sociales par les mouvements de li-bération nationale, dans leur lutte contrele colonialisme, le néocolonialisme etl’impérialisme.

Pour le transfert de l’idéologie versles buts politiques, économiques, cultu-rels et sociaux, il est normal de commen-cer l’investigation des buts les plus spéci-fiques du mouvement politique, en enexaminant le programme ou la structurepolitique. Le programme du PAIGC com-porte deux parties : un programme mineurpour la lutte contre le colonialisme dansl’immédiat, et un programme majeur.

Il est évident quevu le contenu du pro-gramme mineur for-mulé au début de lalutte, l’organisationpolitique avait aussiévolué solidementavant que la lutte ar-mée n’ait commencé.Les buts indiqués dansle programme mineursont par conséquent très fondamentaux etmême très évidents pour un mouvementde libération nationale au seuil de sa luttearmée.

Le programme majeur est quant à lui,plus informatif, à la fois pour ce qu’il ditet pour ce qu’il ne dit pas. Comme il a étérapporté, il ne formule à aucun moment leterme abstrait de socialisme. Mais noustrouvons à la place des formulationsconcrètes simples de certains buts déve-loppeurs, sociaux et économiques.

Le chapitre I-V traite des buts poli-tiques. Juste comme s’il s’agissait despoints du programme mineur, ils doiventplutôt être considérés comme évidentsdans le contexte présent : l’indépendanceimmédiate et totale, l’unité dans les diffé-rents rapports entre la Guinée Bissau etles îles du Cap-Vert, l’unité africaine, unrégime moderne démocratique à viséesanti-colonialiste et anti-impérialiste.

Ces buts peuvent être considéréscomme procédant directement du fait

que le PAIGC est un mouvement de libé-ration nationale qui vise à libérer laGuinée Bissau et les îles du Cap-Vert ducolonialisme portugais. Quelle que soitl’idéologie adoptée par le mouvement,ces buts auraient probablement encoreété formulés approximativement, bienque la solide énergie agissant sur l’unitéafricaine indique un radicalisme poli-tique. Comme le rapporte le point V-1faisant état très naturellement, que le ré-gime démocratique ne devrait pas êtreseulement démocratique et non confes-sionnel , mais aussi anti-colonialiste etanti-impérialiste. Mais de telles déclara-

tions politiques ap-partiennent plutôt à lastructure idéologiqueen général, et nousdevons dans les diffé-rents chapitres, suivrele programme afind’obtenir une imagequelque peu concrètede la société que lePAIGC avec à sa tête

Amilcar Cabral, cherche à instituer.Le chapitre VI du programme est inti-

tulé Indépendance économique, unestructure économique et le développe-ment de la production. Les deux premierspoints de ce chapitre sont clairement for-mulés. Ils nous expliquent que toutes lesrelations colonialistes et impérialistes de-vront être terminées, et que l’économiedoit être planifiée et dirigée en rapportavec les principes du centralisme démo-cratique. Il ne sera pas facile d’appliquerces principes, voire impossible, dans unpetit pays sous-développé, fortement dé-pendant du monde extérieur. Rien n’estdit de la façon dont le PAIGC se proposed’affronter cette tâche, bien qu’il doiveêtre souligné ici que la tâche aurait été fa-cilitée si le PAIGC réussissait à suivre lespoints suivants.

Dans le point VI-3, il est rapporté quele PAIGC envisage trois types de propriété :État, coopérative privée, personnelle. Lestrois types concernent les moyens de pro-

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Cabral et Mario de Andrade

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duction et les services publics à différentsniveaux. L’intention est évidemment depermettre de faire de l’État et de la co-opérative, les propriétés dominantes, pen-dant que la condition de la propriété pri-vée reste très utile au développement. Ense basant sur l’agriculture, la productiondes biens de consommation et des pro-duits de l’artisanat, il est explicitement ditque la propriété deviendrait graduelle-ment coopérative sur la base d’un libreconsentement, pendant que l’État garde-rait toutes les ressources naturelles, lesmoyens de production industrielle et lesmoyens de communication et des trans-ports collectifs.

Le point VI-4, traite de la modernisa-tion et diversification de l’agriculturedans un sens plus technique.

Le point VI-5, traite des genres depropriétaires fonciers. Une réformeagraire est envisagée pour les îles du Cap-Vert, avec comme proposition de mettrefin à un grand nombre de propriétairesfonciers et des tenanciers de fermes, etd’introduire un système qui consacreraitla possession de la terre par celui qui lacultiverait, en d’autres termes, une straté-gie qui aurait pour but de créer une classede petits propriétaires terriens indépen-dants ou comme la première étape versune forme ou une autre, de socialisation del’agriculture.

À partir du point VI-3 par dessus le-quel on entrevoit des formes de coopéra-tives de la propriété agricole, nous pou-vons conclure que la dernière interpréta-tion rejoint de très près les intentions desauteurs du programme.

Les conditions définissant le problè-me agricole en Guinée Bissau, sont com-plètement différentes de celles rencon-trées au Cap-Vert. Il n’y a pas de groupede propriétaires terriens privés importantet exploitant le moindre travailleur agri-cole ni de tenanciers comme en GuinéeBissau. La terre est dans ses formes col-lectives traditionnelles, et le programmementionne seulement en termes géné-raux, que les structures agricoles tradi-

tionnelles, pourraient être utilisées et re-nouvelées de manière à ce qu’elles soientbénéfiques au progrès du peuple. En au-cun cas, il n’est envisagé de restructura-tion soudaine ou dramatique.

Le chapitre VII, porte le titre de jus-tice et progrès pour tous, avec deuxgrands titres : au niveau social et au ni-veau éducationnel et culturel (désignésrespectivement A et B dans les pointssuivants).

Point VII-A/1 commence par la for-mulation socialiste classique de l’éli-mination de l’exploitation de l’hommepar l’homme. Il contient également unedéclaration générale des intentions delutte contre toutes les formes d’oppres-sion et d’exploitation humiliante del’être humain, aussi bien que contre lesprofits injustes et les différentes formesde misère sociale.

Mais nous n’irons pas plus loin que lepoint VII-A/2, pour trouver des formula-tions concrètes, en rapport avec les garan-ties pour la protection des droits des tra-vailleurs. Ce point promet la fin de toustravaux forcés, ce vieux fléau centenairedes habitants des territoires portugaisd’Outre-Mer. Le droit de travailler pourtous ceux qui en sont capables, est égale-ment mentionné.

Nous pouvons conclure dans n’importequel cas, sur la base du matériel présenté,que le PAIGC est un mouvement de libéra-tion nationale avec une idéologie socialisteclaire, basée sur la pensée théoriqued’Amilcar Cabral qui se retrouve dans lesbases fondamentales du marxisme. Cesbuts concrets sont ou apparaissent à l’étapede son histoire, réalistes, en conformitéavec l’histoire de la Guinée Bissau et desîles du Cap-Vert. L’idéologie du mouve-ment plus celle de Cabral par conséquent,essayent de faire une synthèse de perspec-tive à longue ou courte échéance.

Quelque part dans le futur, une libresociété socialiste se discerne, le résultatd’un long et difficile développementconsciencieusement appelé vers l’avant, àtravers l’action politique. Mais en ce mo-

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ment, le pays n’est qu’au stade initial dece développement. La meilleure voieconduisant le mouvement droit à ce butest, conformément à l’idéologie deCabral et du PAIGC, de tenir compte dessolutions de l’évolution des problèmes desociété, d’émerger de la constante inter-action entre la réalité du peuple concrète-ment expérimentée et la large perspectivehistorique et idéologique du mouvementet de son leader dès lors que l’histoire duPAIGC et celle de Cabral se confondent ensa qualité d’idéologue du parti.

Il est mort assassiné en 1973, avant la

proclamation de l’indépendance de laGuinée Bissau et des îles du Cap-Vert etavec lui, la transcendance de sa concep-tion. Les îles du Cap-Vert se sont affran-chies de l’unité territoriale avec la GuinéeBissau et la lutte des factions est apparuedans celle-ci.

La Guinée Bissau de l’après Cabralest un pays confronté à tous les pro-blèmes auxquels tout État constituédoit faire face. Et le premier est celuide la réalisation du nouvel État dansles formes que l’on projetait dans lesmaquis.27 q

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27 - Pour se faire une idée assezprécise de la situation en Guinée-Bissau et dans les Iles du Cap-Vertaprès Amilcar Cabral, on se repor-tera à l’article de Patrick Chabal,Guinée-Bissau, Cap-Vert : Histoireet Politique, Revue Le Mois enAfrique n°190/191,oct.nov.1981 etégalement l’article consacré aucoup d’État du 14 novembre 1981dans Afrique Contemporainen°113 janv.-fév. 1981 dans la ru-brique Faits et documents, p. 18

Superficie: 36 125 km2Capitale: BissauPopulation : 1,3 millions d'habitantsPIB par habitant: 138 200 F CFA (210 €)

Taux de croissance du PIB en 2001: +0,2 %Prévisions de croissance du PIB en 2002: -4,3 %Inflation en 2002: +3,3 %

(Source: Commission de l'UEMOA, Décembre 2002)

Pays d'Afrique de l'Ouest, baigné par l'océan Atlantique, limité aunord par le Sénégal, et à l'est et au sud par la Guinée, la Guinée-Bissau comprend, soixante îles au large de ses côtes, dont l'archi-pel des Bissagos. Statut : république Gouvernement : régime démocratique ; comprend un président dela République, un Premier ministre et une Assemblée nationale dupeuple constituée de 100 élus par les conseillers régionaux Date importante : Indépendance le 24 septembre 1973 Langues parlées : portugais, langues locales, français Activités économiques principales : peu de richesses minières etaucune industrie. Toute l'acitivité est reportée sur l'agriculture Agriculture: principale activité du pays, notamment la culture duriz, du millet, de l'arachide. La spécialité nationale est la noix decajou et le pays se classe au 6e rang mondial pour cette production.

Après la découverte de la presqu'île du Cap-Vert par le naviga-teur Dinis Dias en 1444, les voyages de découverte marquent unepause. Deux italiens, le Vénitien Alvise da Cà da Mosto et leGénois Antoniotto Uso Di Mare ont dû faire escale à Sagres lorsd'une tempête. Les deux italiens se mettent au service de l'Infantainsi que le portugais Diogo Gomes.

La caravelle de Cà da Mosto quitte Lagos le 22 mars 1455. Le28 mars elle arrive à Madère mais le Vénitien n'est pas satisfait carles portugais sont déjà sur place et exploitent l'île. Aux Canariesqu'il atteint, ce sont les espagnols. Alors il s'avance vers l'Afriqueet fait une halte à l'île d'Arguim, entrepôt portugais du commerceavec l'Afrique noire. Là, les portugais échangent des marchandisesachetées au Maroc (chevaux berbères, tapis, blé...) contre de lapoudre d'or et des esclaves.

La caravelle reprend sa route vers le Sénégal où il fait une hal-te près du fleuve. Puis il reprend la mer...Un matin, il aperçoit deuxvoiles, celle d'un navire portugais et celle du bateau d'Antoniotto

Uso Di Mare. Les trois hommes décident de s'associer. Le lende-main, ils découvrent le Cap Vert (Dakar) et remplissent leurs na-vires de marchandises et d'esclaves. Mais les marins ont le mal dupays et les bateaux font demi-tour.

Henri le Navigateur les attend à Sagres et leur propose tout desuite de financer un nouveau voyage. Uso Di Mare et Cà da Mostorepartent en mai 1456. Une caravelle portugaise les accompagne.Le 25 juillet 1456 les deux navigateurs découvrent des îles L'unes'appellera Bona Vista et l'autre Sao Tiago.

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