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CHANTAL DECKMYN Lire la ville l’abécédaire (1974-2010) LiRe La ViLlE

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CHANTAL DECKMYN

Lire la ville

l’abécédaire

(1974-2010)

LiRe La ViLlE

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CHANTAL DECKMYN

Lire la ville

l’abécédaire

extraits :

espace(s)

espace privé

espace public

Morceaux choisis et réunis

par

Jean-Charles Agboton-Jumeau

LiRe La ViLlE

10, rue Colbert 13001 Marseille

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Espace(s)

« Dans la ville, l’espace construit, l’espace public,

l’espace social et l’espace symbolique se lisent l’un

l’autre, sont indissociables et constituent un seul et même

organisme, négocié pied à pied. » 1993-(7)10, p. 4

« Ce qui est tellement intéressant dans le travail de

l’espace, c’est que la moindre parcelle est un enjeu pour

tout le monde : les propriétaires, les voisins, ceux qui en

ont l’usage, ceux qui la voient ou la traversent, ceux qui la

respirent, ceux qui la convoitent, ceux qui spéculent, ceux

qu’elle gêne, ceux qui y ont leurs souvenirs d’enfance, etc.

Pour rester avec La Fontaine dont c’est le tricentenaire

cette année, disons que le moindre bout d’espace présente

autant d’intérêt pour beaucoup de personnes que leur

terrier pour le chat, la belette et le petit lapin. C’est un

objet idéal de parole, d’échanges et de négociation : il

importe de ne pas rater une telle aubaine, toutes ces

occasions de situations civilisées et civilisatrices. » 1995, p. 37-38

« Cependant identifier et situer un peu mieux notre

relation personnelle à l’espace avant d’aller manier celui

des autres, me paraissait une discipline architecturale

aussi importante que les autres.

« Ainsi, l’exercice du métier d’architecte me paraissait

requérir un préalable : la recherche, perpendiculaire aux

précédentes, de notre histoire intime de l’architecture, de

notre sentiment et de nos sensations de l’espace à l’état

natif - avant que la connaissance n’organise le regard et la

pensée, avant même, peut-être, que la parole n’identifie. » 1974(2004), p. 8

« Cette dimension spatiale fait souvent partie des

éléments de décodage qui restent en dehors du champ de

la conscience : l’espace est souvent vécu comme une

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donnée neutre, quelque fois purement quantitative et son

influence demeure inexplorée.

« Analyser et transformer les situations à partir de leur

aspect spatial – ce à quoi notre société assigne trop

exclusivement ses architectes et autres stratèges de

l’espace – peut pourtant s’avérer fructueux. On a toute

chance d’y trouver des éléments de résolution de conflits

dont les termes avaient été déplacés sur d’autres

domaines. Une difficulté pédagogique, un inconfort, une

demande d’aménagement d’horaires, une réclamation sur

les conditions de travail, peuvent cacher en amont un

problème d’organisation spatiale. » 1997-10, p. 65

« C’est pourquoi si nous façonnons l’espace celui-ci nous

façonne également en retour, forme notre façon d’agir et

de penser sans avoir besoin de nous dire un mot1.

L’espace urbain, en tant que territoire, n’a tout simplement

pas d’existence sans cet échange. Ce que nous avons à

trouver, ce n’est pas seulement le langage des habitants

ou seulement le langage du territoire, c’est leur dialogue

et ce qu’ils produisent ensemble. » 2007-4, p. 2

« Si l’on ne peut parler avec Alice Coleman2 de formes

architecturales "criminogènes", c’est que la forme ne peut

engendrer, causer la délinquance, en revanche elle peut

contribuer à la favoriser ou à la contrer. De même, le

détenu de la prison de Fresnes ou de Luynes, bien que les

conditions spatiales de sa vie soient pour lui absolument

1- « … d’ailleurs lorsqu’il ne parvient pas à se faire comprendre tout seul, il

a besoin de pancartes qui vont jouer le rôle des cartons dans les films

muets. Par exemple à Marseille sur la corniche, une pancarte vient

corriger par des mots - "Vous êtes en ville" - le message que nous

transmet le paysage. »

2- Utopia On Trial : Vision and reality in planned housing, London, Hilary

Shipman, 1990 (dont le dernier chapitre a été traduit par Paul Landauer,

« Le procès de l’utopie », Les cahiers de la recherche architecturale et

urbaine, n° 1, mai 1999, p. 51-64.)

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décisives, sait parfaitement que la cause de la privation de

sa liberté n’est pas dans la forme de son espace, dans les

murs de sa prison : la forme spatiale est en position non

de cause mais de condition. Certes, ces deux positions

sont aussi déterminantes l’une que l’autre mais elles ne

fonctionnent pas de la même façon3. »

2000-9, p. 20

« Les analystes de ZUP définissent souvent les quartiers

populaires par ce qui n’y est pas : manque d’équipement,

de confort, de travail. Ils disent parfois qu’on n’y trouve

rien, qu’on ne s’y retrouve pas, en terme d’adresse ni

autrement.

« Se pose alors la question de la perception et de la

reconnaissance du quotidien, de l’espace vécu, qui

relèvent davantage de l’habitude que du discours (À

l’origine de rien il y a res qui est quelque chose). Les

détours, aller faire ses courses par tel ou tel parcours, la

tonsure d’une pelouse cheminée, les papiers de bonbons

dans les massifs d’arbustes, l’escalier de béton poli par

des milliers de semelles sont autant de petits faits dont les

auteurs n’ont que peu à dire mais qui laissent des traces,

qui organisent sols et murs, qui dressent le théâtre du

domaine piéton : ce qui n’est pas rien lorsqu’un ménage

sur deux ne possède pas d’automobile.

« Autant d’empreintes matérielles et symboliques qui

tissent les éléments de pratiques urbaines, qui donnent

des poids différents aux lieux.

« Associées aux logiques de subsistance combinées

implicites et autres groupements potentiels, on peut

3- « "Dire que l’espace est dimension constitutive de la société c’est cerner

l’espace, non seulement comme le support technique d’une activité ou le

support symbolique d’une organisation, non seulement comme produit

ou moyen, mais tout à la fois comme psyché et comme matérialité […]

jeu fondamental sans cesse renouvelé entre sujet et objet, entre société et

espace. Non pas un rapport de causalité mais de réciprocité ou plutôt de

synthèse." Sylvia Ostrowestsky, L’imaginaire bâtisseur, les villes nouvelles

françaises, Paris, Librairie des Méridiens, 1983, p. 13-14. »

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envisager d’établir à partir de leur repérage la carte de

ces riens qui existent - donc ne manquent pas - et sur

lesquels peuvent s’appuyer des conceptions urbaines. » Durousseau 1992, p. 10

« La logique voudrait que l’on traite les questions

rencontrées avec des outils homogènes à leurs propres

données plutôt qu’à la catégorie de population concernée :

il n’est par exemple pas certain que la misère doive se

traiter par la misère, le chômage par des mesures sociales

(sinon sanitaires !), alors qu’il s’agit de questions dont les

données sont essentiellement économiques, techniques et

de culture dans un contexte international.

« Quelle que soit la population rencontrée sur le

territoire choisi il s’agit, c’est un peu le sens "civique" de

notre propos, de mettre à sa disposition des outils aussi

adaptés et performants que ceux auxquels recourt

l’industrie lorsqu’elle souhaite se séparer de cadres,

lorsqu’elle ferme un site ou licencie collectivement un

grand nombre de personnes de tous niveaux

hiérarchiques.

« Le luxe, (le calme ?), l’agrément et le confort du temps

et de l’espace sont ici considérés comme les chemins les

plus courts et les plus économiques possibles. » 1991-9a, p. 9

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« Premières pensées au sujet de Frais Vallon.

« Star parmi les grands ensembles de la France urbaine -

le plus grand, le plus mal chauffé, le plus de chômeurs,

premier des HVS, etc. - Frais Vallon n’a de raison d’être

que dans ses habitants dont le sentiment n’est pas

enthousiaste mais qui entendent bien rester là.

« Au poids des analyses, mémoires, rapports résumés,

notices, avant-propos, développements, exposés et

explications - une bibliothèque - Frais Vallon de la

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planète Mars… eille, pourrait bien passer pour la cité de

l’étrange : population étrangère ou d’origine - marseillaise

-, objets urbains étranges et se heurtant les uns aux

autres : bastides, pavillons de banlieue, barres, tours.

« Devant tous ces efforts pour observer, expliciter,

rendre intelligible, on est tenté de choisir d’autres voies

plus légères, tenté de reconnaître comment les choses se

passent, du point de vue de l’expérience rationnelle mais

aussi du point de vue de l’expérience éprouvée, ressentie.

« Les approches de l’habitat nous semblent devoir rester

du domaine des langues acquises par un long usage, des

langues naturelles, comme on le dit des sciences.

« Ayant traversé la compilation entière des études

existantes, nous pourrions passer la reconnaissance des

lieux par des chevau-légers, experts travaillant à la

première personne et répondant directement à la question

si fréquente : mais qu’en penserait un musicien, un

ethnologue, un qualiticien, un…

« De là nous tirerions des lectures à plusieurs voix

permettant de découvrir autre chose que ce qui a été si

intelligemment analysé.

« Et sur ce "parti pris des choses" nous construirions un

modèle de paysage potentiel dont la ronde des heures et

les points forts se situerait entre lieux et espaces, dans le

sens où en parle Merleau-Ponty : "l’espace serait au lieu

ce que devient le mot quand il est parlé"… c’est à dire

contingent et ambigu mais aussi seul substrat possible à

des projets. » 1992-7, p. 3

« L’apprentissage de la langue française est une question

centrale pour les hommes et les femmes immigrées qui

habitent les quartiers en Contrat de ville. Cet

apprentissage devrait être une occasion pour que, avec la

langue, se travaille le sens et la parole. Il pourrait de ce

fait représenter un des espaces où se parlent et se

discutent les différences et les inégalités en jeu dans les

rapports sociaux de sexe, dans leurs diverses variantes

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culturelles. Ce que n’autorisent pas la ségrégation, les

méthodes ni les outils actuellement à l’œuvre. » 2002-7-15, p. 28

« Il serait naïf de penser que, parce qu’ils pratiquent cet

espace, les intéressés détiennent un savoir à son sujet et

qu’ils peuvent (ou souhaitent) d’emblée en repenser le

renouvellement. Il convient de ne pas négliger certains

préalables dans l’appréhension d’une telle collaboration :

leur culture personnelle ne se situe pas forcément dans

l’architecture, ses termes, ses méthodes, la lecture de ses

images ou plans, ses différentes théories et pratiques, la

connaissance de ce qui s’est fait ici ou là d’intéressant.

Des manques peuvent rendre un dialogue infructueux,

voire frustrant.

« Ces mêmes manques peuvent également engendrer la

méfiance à l’égard d’un renouvellement dans ce domaine :

le souhait d’un maintien de l’état des choses ou encore la

proposition, voulue ou non, de leur reproduction. Toute

occasion sera donc bonne - apports, restitution d’idées

sous forme de dessins et plans faisant l’objet de

discussions et d’explications, recherches personnelles,

conférences, projections, etc. - pour leur fournir des

éléments de culture et de repérage afin qu’ils puissent

mener avec nous et avec d’autres professionnels, un

dialogue dont ils maitrisent le mieux possible les tenants

et les aboutissants. Il est à remarquer au passage que

cette culture, qui ne leur est certainement pas étrangère

non plus, trouve un point de départ (et d’application) très

naturel dans l’objet même de la SAFC qui, par le logement,

a tout de même quelques lieux communs avec

l’architecture. » 1991-9, p. 7

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1992-3, pl. II

« Parce qu’elle nous fait traverser des épaisseurs et des

volumes, la promenade est l’une des rares façons

d’appréhender les espaces de la ville et de l’architecture.

Mesures géométriques, plans, dessins et photos restent

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insuffisants à en rendre compte. Les espaces ne nous sont

compréhensibles qu’éprouvés par les déplacements du

corps, puis vérifiés par les autres sensations, la vue, le

son… » 2007-4, p.

« Pour ce qui est des bords de cet univers, de chacune

de ces fibres, on voit que s’est développée une culture du

galon, de l’arrangement de bordures successives – bandes,

ganses, ourlets, etc. – comme dans les jardins japonais où

les limites sont faites de rangées successives de bois, de

pierres et de graviers. La déclinaison des barrières, seuils,

plates-bandes, bandes d’éveil et bords de quais font ou

ont fait, l’objet d’un soin particulier, d’un savoir propre à la

SNCF.

« Pour ce qui est de la surface de ces fibres ou rubans

(les quais), elle est occupée de façon très particulière par

des séries hétérogènes d’objets qui se trouvent forcément

en ligne, en file indienne. Cette polarisation, cet

ordonnancement de l’espace fait qu’ils ne sont pas

arrangés ou aménagés les uns par rapport aux autres,

selon des logiques esthétiques ou d’usage, leur logique est

purement spatiale, ici linéaire. La mise en ligne d’un

poteau, un banc, une corbeille à papier, un distributeur de

boissons, un poteau, une corbeille, un abri pour voyageur,

un panneau d’affichage, etc., tient forcément de la liste

dite "à la Prévert" ou des rencontres d’objets évoquées par

les Surréalistes en forme de "cadavres exquis". Cette

minceur, qui ne s’oppose pas à une profondeur qui lui

serait préférable, est bien le fait d’un espace signé, d’une

topologie propre. Elle n’est pas sans faire penser au

travail de la scénographie qui joue de l’écartement réduit

entre les plans de décors pour faire exister un monde.4 »

1996-9, p. 20

4- « Il s’agirait d’une scénographie non baroque, dont les perspectives ne

seraient pas centrées sur un point de fuite : tout le contraire de l’espace

centralisé du Roi-soleil ! »

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« Montant et descendant des escaliers, croisant parfois

des troupes plus ou moins importantes, plus ou moins

calmes, de bambins à la démarche hésitante ou rêveuse,

de gamins bien rangés ou diaboliquement vociférants ;

rencontrant ici ou là un enfant solitaire glissant sa

silhouette le long d’un couloir ; ouvrant une porte sur une

classe attentive ou chuchotante ou sur une autre, remplie

de confusion adolescente – j’étais comme ces cuisiniers

qui hument et goûtent les plats sur le fourneau. Je sentais,

palpais, écoutais l’espace dans lequel vivaient ces

enseignants et ces enfants. Ma seconde nature

d’architecte me portait à faire l’épreuve consciente des

lieux. Ma première nature d’ancien enfant, ancienne

écolière, n’était bien sûr pas étrangère à l’expérience. » 1997-10, p. 64

« Je repensais au peu de goût, voire au dégoût pour les

études, au peu de sens de la discipline que, aux dires des

responsables, manifestent nombre d’élèves à Frais Vallon ;

ainsi qu’à la violence des rapports qui règne dans ces lieux

scolaires et dont se plaignent les enseignants – violence

dont l’expression comme la répression créent pour tous

des conditions de travail désastreuses. La civilité peut-

elle passer par l’espace ?

« Paradoxalement cette visite laissait un espoir : le

traitement des lieux dans les écoles était si peu réfléchi et

si peu "civil" (en dehors des maternelles) que l’on pouvait

améliorer les choses en les abordant simplement sous

l’angle spatial. D’autant que le rôle de l’espace dans les

situations pédagogiques, comme dans toute situation

sociale, est des plus déterminants. En effet, et cela rejoint

notre propos sur la nature "édifiante" de l’espace public,

chacune des situations que nous vivons a une dimension

spatiale – où interviennent le volume, les formes, la

composition, l’organisation, le traitement, l’orientation, les

proximités relatives, le degré et le type d’ouverture de

l’espace. » 1997-10, p. 65

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« En France, le modèle spatial des écoles est le modèle

francilien exporté dans tous les lieux du territoire quels

qu’en soient la végétation, la géologie, le relief et la

météorologie.

« En particulier le rapport entre les espaces intérieurs,

protégés du froid et de la pluie, et les espaces extérieurs

reste invariable alors que nos régions tempérées et

ensoleillées autoriseraient, si la pédagogie et le confort le

rendaient souhaitable, une utilisation des espaces

extérieurs pour environ 45% du temps scolaire.

« Réfléchissant aux espaces "privés" et "publics" des

établissements, le groupe [de travail] ne devrait pas se

censurer lorsqu’il rencontre des questions sur la

délimitation du "dedans" et du "dehors". » 1993-7-6, p. 18

« Comme l’espace public et pour les mêmes raisons, ce

sont des lieux particulièrement sensibles et donc fragiles

parce que l’objet d’agressions. Il importe ici de ne pas se

laisser guider par des catégories totalitaires : d’une part si

des toilettes par exemple sont vandalisées ou converties

en lieux de trafics, elles ne le sont que par une minorité ;

d’autre part les toilettes ne constituent pas un lieu

standard, leur emplacement et leur forme change avec

chaque gare. Ceci pour évoquer que ce qui est à

rechercher ce n’est pas une solution, encore moins une

solution une fois pour toutes : l’actuelle "solution" qui est

de les supprimer ne constitue d’ailleurs rien moins qu’une

punition collective (dont on sait le sentiment d’injustice et

donc de révolte qu’elle inspire). » 1996-9, p. 32

« A l’échelle des espaces résidentiels et privés, la cité

semble se trouver sous une juridiction de type

responsabilité collective dans laquelle, la totalité des

habitants se trouverait punie de la délinquance d’un petit

nombre d’entre eux : la nette amélioration de la sécurité et

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de la propreté notée dans son étude en 1989 par Nicole

Amphoux n’a connu aucune répercussion dans

l’aménagement des rez-de-chaussée qui n’en est pas

devenu moins sécuritaire (grilles, grillages, barreaux,

portes pleines en fer, absence d’ouvertures…) ; au

contraire - la cité ne désarme pas -, ni dans le paysage

des encombrants, déchets et poubelles toujours

omniprésents, ni dans les protocoles, offusquants, par

lesquels les habitants sont contraints de se défaire de

leurs ordures.

« Tout des espaces intimes de la cité et de leur mise en

scène - vues, accès, éclairages… - est voué à

l’automobile et à son parcage capricieux. Les immeubles

ne sont pas identifiés, les entrées n’ont pas d’adresse, les

piétons pas de passage, les adolescents aucun abri de la

pluie, du froid ou des regards. » 1993-2-25, p. 8

« Pour autant, pensée logistique ne veut pas dire pensée

logique. Au niveau du sol, le langage de l’espace

s’embrouille et se met à fourmiller de non sens et de

contresens (cheminements entravés par des chicanes,

orientation à gauche pour aller à droite, etc.) Il perd le

sens et une avalanche de signes tente en vain de venir à

son secours : hérissements de flèches, pictogrammes

simplistes, slogans infantilisants : "Je fais un effort",

"J’aime ma ville", "ma poubelle habituelle", etc. » 2009-3, p. 17

« Nous proposons de réfléchir avec un groupe de 5 à 8

enseignants, appartenant à différents établissements de

Frais Vallon, à la négociation pour chacun de l’espace

d’une classe avec les enfants, en vue d’arriver vers le

milieu du premier trimestre à un accord avec les élèves

sur l’organisation et l’usage de cet espace.

« Un espace qui soit l’objet d’un accord, d’une discipline

consentie et non le résultat d’une autorité, un espace

commun auquel on accorde une réelle attention ;

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l’expression et la prise en compte de la relation de chacun

à l’espace commun, peut-être celles des particularités de

son espace personnel ou culturel mais aussi, l’expression

et la prise en compte des règles du jeu et usages en

vigueur, de la place de chacun (celle des élèves n’est pas

identique à celle des enseignants), tout cela nous paraît de

nature à permettre une meilleure appropriation et un

meilleur usage de la classe considérée comme un lieu à la

fois physique et symbolique. » 1993-7-6, p. 17

« Cinq Nota Bene (déontologiques) :

- Les personnes consultées le seront sur la base du

volontariat.

- Certaines personnes ne souhaiteront pas participer à

cette démarche dans la mesure où ils n’en verront pas

l’intérêt, parce que leur sensibilité attachera par exemple a

priori plus d’importance aux notions de temps, ou de

relations, qu’à celle d’espace, la légitimité de cette

position sera également reconnue ;

- Les entretiens, travaux de groupes et travaux

personnels pour lesquels les salariés seront volontaires

seront pris sur leur temps de travail (environ 2 heures par

entretien individuels et 3 ou 4 heures pour les séances de

groupe).

- Ce travail sera placé sous le sceau d’une absolue

confidentialité tant que celle-ci sera souhaitée. Rien ne

sera jamais imposé pour forcer la modestie, la pudeur ou

les jardins secrets. Le cas échéant les données pourront

tout à fait être rassemblées, travaillées et présentées de

façon à préserver l’anonymat de chacun. L’inverse :

"publier" et signer ses suggestions ou travaux, sera

également possible si tel est le souhait des intéressés.

- Les travaux de la commission de "vigie", contrairement

aux entretiens individuels et de groupes, ne seront pas

soumis à la confidentialité : ils feront au contraire l’objet

d’un rapport dont la diffusion dans l’entreprise devra être

assurée. »

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1991-9, p. 9

De gauche à droite, la Faculté de Médecine et La Timone (1974 ?)

« Nota bene. Ainsi, de l’ancien hôpital seul reste debout,

à l’extrémité du boulevard Baille, ce bâtiment administratif

où nous logions. Nul ne sait pourquoi il a été ainsi sauvé

de la démolition mais ce que chacun peut voir aujourd’hui,

c’est la solitude dans laquelle il se tient. Même l’aile de

platanes et la pelouse dite d’apparat qui formaient son

parvis, un peu comme un bavoir brodé au point de croix,

ont été supprimés. C’est lui qui m’a fait comprendre la

différence entre un objet, si fort ou intéressant soit-il, et

un lieu ou, si l’on veut, entre une collection d’immeubles et

une ville ou un paysage. Lorsqu’il se trouve déshabillé des

creux et des espaces qui l’entourent, un bâtiment perd

davantage qu’un manteau ou une aura invisible, il perd son

univers, son orientation et sa place dans cet univers, donc

tout ce qui fait son sens, éventuellement son charme. Il est

réduit à l’état d’objet. Bien qu’il soit encore présent, ce

bâtiment n’a plus de mémoire ni de perspective, il est

comme un parent atteint d’Alzheimer et auquel l’accès est

devenu impossible. »

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1974(2004), p. 67

« Les concepts de "privé" et de "public" renvoient d’une

part aux notions abstraites de "sphère" privée ou

publique : par exemple la famille, le courrier personnel

font partie de la sphère privée, la politique, la presse, de

la sphère publique ; d’autre part à des éléments matériels,

visibles et mesurables : l’espace privé de l’habitation, de

la propriété et l’espace public de la ville ou de l’État, de la

république.

« De fait, sphère privée/publique et espace privé/public

renvoient constamment l’un à l’autre. Nous avons déjà

évoqué le rôle que joue la composition urbaine dans les

processus d’intégration. Mais ce sont tous ceux qui

viennent habiter les cités, et pas seulement les immigrés,

qui trouvent difficilement de quoi arrimer leur famille à un

cadre social dans des lieux quasi exclusivement voués au

logement : l’espace public qui a pour qualité de permettre

l’aventure, l’échappée ou la rencontre avec l’étranger et

l’inattendu mais qui a aussi pour vertu d’établir une

médiation entre les espaces privés, d’instruire subtilement

des lois de la république, l’espace public - cet espace en

creux - y manque cruellement5. »

1999-3, p. 34-35

5- « Voici ce qu’écrit l’architecte Henri Gaudin au sujet du manque de ces

lieux : "Malgré les effets dévastateurs du concept de clarté [porté par le

mouvement Moderne], l’entreprise de nettoyage continue de prospérer

avec le mot ‘transparence’ ; n’est-ce pas fortifier une stratégie de contrôle

et acculer notre corporéité à la visibilité totale ? […] Et n’est-ce pas la

pire claustration que d’être surexposé, sans lieu ? […] Les villes nouvelles

(ou les cités) sont pavées de douces intentions, elles dispensent

largement l’ouvert, mais la clarté nous y aveugle. / Quel chemin prendre

si rien ne s’offre à nous ? Comment se dérobe s’il n’y a pas de creux ?

Comment échapper au contrôle si les chicanes ne nous emportent ?

Comment être, si une ombre propice ne nous enveloppe ? […] Les

grands ensembles sont une anticipation de cette exclusion que constitue

la réduction de ce qui est habitable aux seules "cellules", derniers paliers

et couloirs de caves. » Seuil et d’ailleurs, Paris, Les éditions du Demi-

cercle, 1992, p. 10-11.

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1992-3 ; pl. VI

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Espace privé

« Curieusement, c’est pour les mêmes raisons qu’une

cabane au fond d’un jardin, une baraque dans un bidonville,

auront plus de chance de ressembler à un espace privé

appropriable, à un chez soi, qu’un appartement locatif dans

un immeuble et un ensemble d’HLM. Parce que la figure

de l’espace privé intérieur est le corollaire de

l’organisation matérielle et symbolique de l’espace public

et extérieur. Et parce que l’espace intérieur ne peut, pas

plus que l’espace extérieur, naître de la seule application

des règles techniques et des grilles administratives. » 2007, p. 11

« Dans cette nouvelle configuration, l’espace public n’est

pas seulement contrebattu dans ses vertus républicaines,

par un détournement de son usage, il lui arrive encore

autre chose : il disparaît physiquement car, à l’intérieur de

ces zones, les espaces ne sont plus vraiment publics, ils

sont devenus de drôles d’espaces privés, des hybrides :

des espaces privés à usage collectif. C’est ce que certains

auteurs comme l’urbaniste David Mangin appellent La ville franchisée6

: à l’intérieur des zones, l’espace dans son

entier appartient non plus à la ville mais à des organismes

de gestion. » 2004-1, p. 2

« Non, le caractère paradoxal de cet espace est encore

plus profondément structurant : la parcelle de 25 hectares

qui accueille les fondations des immeubles A à N de la cité

est une parcelle privée, qui ne relève ni des lois ni des

services de la république mais de ceux de son propriétaire

et gestionnaire, le bailleur. La cité n’est pas seulement

visiblement à part, elle est aussi une pièce découpée de

façon invisible dans l’espace de la ville. À l’intérieur de

son périmètre, comme lorsque l’on a passé une frontière,

6- La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, Paris,

éditions de La Villette, 2004.

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les paramètres de la vie personnelle et collective

changent : l’espace y est ordonné par les impératifs,

exclusifs et exigeants, de la gestion, et la vie collective y

est organisée, non plus par la démocratie mais par le

règlement intérieur. » 2007, p. 8-9

« Dans de rares cas, les espaces résiduels entre les

immeubles résidentiels, ces espaces non décidés, non

publics et surtout sans forme, donc non contenants, sont

rétrocédés à la ville et acquièrent de ce fait, au moins sous

l’angle administratif, le statut d’espaces publics.

« Excepté dans ce cas, nous sommes en présence de parcelles de propriété privée qui, paradoxalement, reçoivent un usage public. Ces parcelles, généralement de

grande taille, dessinent autant d’emporte-pièce qui font

autant de trous dans l’espace public, des sortes de fiefs,

d’enclaves dans lesquelles le règlement intérieur du propriétaire-gestionnaire l’emporte sur le Droit de la république. »

2001-10-25, p. 6

« Ainsi, la tendance est à reconnaître l’importance des

femmes dans les espaces extérieurs au logement, dans les

espaces "communs", "collectifs" ou pourquoi pas, "verts" ;

mais cette tendance ne fait qu’exclure un peu plus les

femmes de l’espace public. Et elle est contemporaine

d’une autre tendance, massive celle-là, par laquelle on

voit se raréfier cet espace public qui, à l’inverse de

l’espace "commun" forcément communautaire et

coutumier, était seul garant de l’égalité (en même temps

que de la liberté et de la fraternité). » 2004-1, p. 3

« Ainsi les familles sont-elles à la fois "cernées" et

"dépouillées" dans leur espace privé :

- d’une part parce que dans ces urbanisations, l’espace

social est réduit à l’espace familial sur lequel il pèse de

tout son poids : la famille y est réellement devenue la

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23

« brique de la société », une brique qui a même perdu son

ciment, le liant qui l’entourait : la famille, renvoyée à elle-

même, perd son enveloppe extérieure, son milieu

d’évolution naturel que sont la sphère et l’espace publics ;

- d’autre part parce que "surexposée", elle perd aussi la

doublure intérieure de son enveloppe : l’opacité de

l’espace personnel, de la membrane protectrice qui doit

l’entourer et la liberté qu’elle garantit ne sont pas

sauvegardées ; non plus que l’énigme de chacun, les

secrets de famille7et le respect qui leur est corollaire

8. »

1999-3, p. 36

« Si des femmes veulent s’émanciper, encore faut-il

qu’au sortir d’un espace privé régi par le droit coutumier

des traditions familiales, le droit de la république (ses lois,

ses institutions et ses représentants) ne leur fasse pas

défaut, ne les laissent pas à nouveau seules aux prises

avec la coutume, qu’elles puissent s’appuyer sur lui pour

information, garantie et protection, aide s’il le faut.

7- « Faut-il le préciser, nous n’incluons pas dans les secrets de famille à

préserver le viol, les sévices commis dans l’espace familial, tout ce qui

relève de la justice pénale : l’absence de l’espace et des services publics

non seulement manque à garantir l’enveloppe de l’espace privé mais

l’abandonne à lui-même, renvoie chacun, individus et familles à eux-

mêmes, c’est à dire à faire leur propre loi. Seule la confiance dans la

garantie offerte par la Loi et par la Justice comme service public pourra

désincarcérer un individu maltraité et prisonnier de la loi de sa famille. »

8- « En écho à ceux d’Henri Gaudin, voici, sur le même sujet, ceux du

philosophe Pierre Legendre : "L’impératif théâtral (la mise en scène de

l’espace public en fait partie) est immanent à la condition humaine. La

mise en scène est une mise à distance, et une mise en miroir qui permet la

respiration, qui permet aux individus et aux groupes de se trouver, de se

constituer en se séparant de leur propre image. Alors que la prétendue

convivialité, déthéâtralisée, déritualisée, casse l’humain, détruit les

individus en les laissant seuls face au néant. Démerde-toi, suicide-toi,

drogue-toi, c’est ton affaire, il y aura des garagistes qui répareront si c’est

réparable, et des flics si besoin est […] On veut tout mettre en pleine

lumière, mais l’humanité a besoin d’ombre pour échapper à la folie." (Le

Monde, mardi 22 avril 1997) »

Page 24: llv espace(s)

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« Encore faut-il que la coutume n’ait pas envahi

l’ensemble de l’espace non privé autour d’elles. Car il faut

le souligner, la partie du public qui a le plus à perdre dans

ce jeu de cache-cache entre droit et coutume, ce sont les

femmes : la loi qui garantit droits, égalité et liberté aux

femmes, leur est favorable, c’est la coutume qui leur est

particulièrement défavorable9. »

1999-3, p. 51

« Dans une stratégie à l’échelle du quartier, il n’est pas

question encore une fois de créer d’abord des emplois.

Il importe surtout de changer la nature de l’espace entre

les immeubles et de le faire évoluer vers un espace public,

un espace urbain qui lui, sera porteur d’une vie

économique. L’un n’empêche pas l’autre mais il s’agit de

différentier les priorités selon l’échelle à laquelle on

travaille. Que déjà les activités existantes – rentables ou

non – s’annoncent, prennent enseigne et pignon sur rue,

affichent leur professionnalisme au lieu de se cacher

derrière des statuts d’associations, des objectifs sociaux

et des portes en fer gris strictement anonymes. » 1995-12, p. 65

« À Frais Vallon comme dans les autres cités, les

habitants réclament de la signalisation : en fait, ce n’est

pas le signe qui manque à leur espace, c’est le sens.

« Que de surcroît manquent les panneaux indicateurs des

immeubles et des rues, qui de toute façon n’ont pas de

nom, n’est que le symptôme d’une privation bien plus

profonde.

« Que les avenues, les rues ni les places n’aient de nom,

que les adresses n’existent pas – les lieux ne sont pas

nommés mais numérotées – est un des signes qui dénotent

cette absence de tout espace public, l’abandon des lieux à

leur statut privé : chez soi, on n’écrit pas "salon",

"chambre" ou "cuisine" au dessus des portes. »

9- « …et il n’est pas besoin d’exotisme en la matière, les français ne sont

toujours pas les champions des droits des femmes. »

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1994-12, p. 2

« Ce qui est battu en brèche dans ces quartiers du tout

logement-tout social, c’est le respect de quelques règles

élémentaires de la vie des humains en société qui

voudraient que l’on ne vive pas dans ses déchets, que l’on

ne présente pas son arrière à son voisin d’en face, que la

vie privée ne soit pas surexposée et que la vie publique

soit accessible et non pas seulement la famille, le clan ou

le voisinage. » 2001-10-25, p. 7

« Une sorte de monstre en effet, ou de chimère, car cet

espace qui traverse La Valette de bout en bout et au beau

milieu, est d’abord une fibre neutre, froide, une longue

parcelle non seulement étrangère à la ville mais sans

commune mesure avec elle, à la fois extraterritoriale et

hors d’échelle. De son vrai nom A57-C52, elle est un

micro segment du vaste maillage que lance le réseau

autoroutier à travers toute la France et l’Europe. Mais ce

corps étranger et quasi sans attache à l’identité "globale",

que la localité ne retient que par ses deux petites

bretelles, est également un hybride : espace privé par son

statut, nul ne peut l’emprunter sans payer un droit

d’entrée, espace public par son usage. Un espace privé

appartient à quelqu’un, un espace public appartient à tout

le monde : cet espace chimérique, ni privé ni public est un

espace qu’il est impossible de s’approprier. Il fait partie de

ces espaces paradoxaux, dont la place et les effets sont

particulièrement difficiles à métaboliser, à intégrer dans

l’ordinaire de la vie courante. » 2005-4, p. 78-79

« On a tous assisté à l’atterrissage d’un OVNI, on sait

comment ça se passe : il provoque un grand nuage de

poussière et de cendres, il brûle le sol sur lequel il va

atterrir, dans un périmètre suffisant pour y poser ses

pattes, et en repartant il laissera un cratère

caractéristique. Une sorte d’Attila. Un bâtiment qui

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s’implante en ville, c’est tout le contraire : dans le

principe, il va venir s’encastrer délicatement à sa place,

négocier avec le sol et avec les formes présentes, avec

l’histoire et avec la géographie.

« Le rez-de-chaussée sur la rue est le lieu de cette

constante négociation : parcelle après parcelle, il dialogue

avec la terre et le rocher, gère les accidents de terrain,

absorbe les pentes. Outre cet arrimage, la ville lui doit

beaucoup de sa saveur et de son identité. Enfin, c’est une

articulation qui concentre une grande richesse : elle fait la

jonction entre horizontalité et verticalité, entre le sol

naturel et le bâtiment, par définition culturel, entre

l’espace public de la rue et l’espace privé de la maison. » 2009-3, p. 7-8

« L'incidence des politiques communales dans la

production et la maîtrise de leur espace public est peu à

peu devenue mineure au regard des grands aménageurs

institutionnels ou privés (DDE, Hôpitaux, OPAC, etc.) ;

pour autant c'est bien à elles qu'il revient de gérer les

conséquences de ces implantations sur le cadre de vie de

leurs habitants.

« De fait leur espace public se trouve aujourd'hui :

- soit morcelé ou écrasé comme on dit en informatique,

par des espaces institutionnels (au sens large) qui

constituent de véritables enclaves sur leurs territoires (Cf. carte des emprises extraterritoriales ci-après) ;

- soit rendu indistinct par un urbanisme de zone et de

transit qui engendre une confusion des espaces (espaces

privés, communs, extérieurs, publics, "verts", délaissés, en

friches, etc.)

« Le Contrat de Ville doit permettre aux communes et à

la communauté de redevenir des acteurs de plein exercice

dans la production de leur espace public, et non de se

trouver réduits à gérer des effets induits. » 2000-2, p. 103

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2000-2, p. 23

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29

Espace public

1999, p. 26

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30

« L’espace public est le premier des services publics, il

est le préalable à tous les autres, en ce qu’il devrait porter

et même alléger considérablement leurs missions. » 2009-3, p. 10

« La culture de l’espace public, n’est ni une culture écrite

ni une culture orale, c’est une culture de l’habitude, de

l’habitus. » 1994-12, p. 1

« Le patrimoine est la base, le langage continu de la ville

: pas de critères ethniques ou géographiques, pas de

logiques de séparation mais l’espace public considéré dans

son ensemble. L’espace public s’est transformé depuis le

premier enclos ; de plus en plus abstrait, il est difficile à

lire. » 1996-5, p. 51

« Dessiner des espaces publics sur un plan, et même au

sol, ne suffit pas à les faire exister. Pour que ces espaces

deviennent publics, il faut que les habitants viennent y

installer des usages, les patiner ; qu’ils viennent les faire,

comme on fait des chaussures neuves. » 2007-4, p. 5

« Bien entendu l’avalanche de vertus, la multitude de

propositions offertes par ce processus, et que l’on va lire

sous chacun de ces trois énoncés, ne fonctionnent pas au

sol comme un itinéraire magique d’initiation ; l’espace

public n’est pas un marabout garantissant à tous "amour,

santé, désenvoûtement et réussite dans les affaires."

« I1 ne s’agit que d’un ensemble de propositions, d’un

potentiel dans lequel chacun transformera ce qui

rencontrera ses propres dispositions, au gré des

événements, des imprévus, des variations dans les

densités et les répétitions et cela, à travers un processus

dont la durée n’a pas de limite, qui a toute la vie devant

soi. » 2000-9, p. 25

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« Et puis l’espace public se crée dans le conflit des

intérêts, dans la discussion, la négociation. On sait bien

que le danger de barbarie qui guette notre civilisation et

dont les ZUP ne sont pas protégées, c’est la séparation, le

mutisme, la télécommunication, c’est à dire la tenue à

distance en même temps que la primauté donnée aux

instruments automates : la perte de langage. » 1997-10, p. 62

« Ce double mouvement de retrait de l’espace public, et

de retrait des femmes de l’espace public, en particulier

lorsqu’elles habitent les quartiers d’habitat social (c’est à

dire en particulier lorsqu’elles sont majoritairement

pauvres et immigrées), hypothèque grandement la mixité

des hommes et des femmes ainsi que leur égalité dans la

ville. » 2004-1, 3

« Il ne s’agit pas ici de causalité, l’espace n’est pas cause

des situations sociales mais condition : il reflète une

organisation de société, il rend compte et permet ou ne permet pas que certaines situations aient lieu. »

1996-9, p. 12, note 13

« À une échelle un peu plus grande, la ville organise,

toujours dans des modalités à la fois matérielles et

symboliques, la mise en scène de la vie publique. Le

carrefour entre les deux avenues n’est pas simplement

routier ni fonctionnel, sa valeur d’espace public de

représentation est assurée par son ordonnancement et

affirmée par la fontaine monumentale qui occupe son

centre.

« Cette dernière fait écho à un autre théâtre urbain qui

met en scène l’arrivée de l’eau dans la ville : le palais

Longchamp avec ses sirènes et ses tritons, qui a tout de

même plus fière allure que la version purement technique

du "château d’eau". » 2009-3, p. 7

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« Cette qualité d’être un espace public a plusieurs

conséquences : elle a de grandes vertus, en particulier

dans ce cas, une capacité potentielle de réparation sociale

qui donne tout son sens à cette position, que nous avons

décrite par le terme d’agrafe, entre des tissus urbains et

sociaux de nature différente.

« Mais elle crée également chez le public une exigence :

on attend d’un espace public qu’il se tienne comme un

espace public, que le public, justement, y soit chez lui,

c’est à dire reconnu et respecté, que la justice veille à ce

que le plus fragile n’y soit pas lésé, etc. Si ces conditions

ne sont pas remplies, la situation peut parfaitement se

retourner, c’est à dire que les mêmes forces, mises en jeu

positivement par la qualité d’espace public, peuvent venir

s’y appliquer négativement. Un espace public, quel qu’il

soit, où qu’il se trouve, constituera toujours une bonne

adresse pour recevoir ce qui doit être dit à la puissance

publique. Un espace public qui sera interprété comme

méprisant de son public sera "attaqué" non pas seulement

en tant que tel service (par exemple la poste), mais à la

hauteur du sentiment de mépris ressenti globalement en

provenance du service public : le fisc, l’école, etc.

« C’est à dire que les sentiments, généralement très

mélangés, éprouvés à l’égard de la puissance publique vont

se réfracter positivement ou négativement, sur tel ou tel

lieu de l’espace public selon qu’il se montre conforme ou

non à ce que l’on attend de lui. C’est dire qu’il peut tirer

un grand bénéfice de son statut, et donner toute son

efficience pédagogique ou, à la moindre défaillance, payer

pour les autres. » 1996-9, p. 17

« La gratuité d’accès, la primauté des lois de la

république sur la règle et le règlement intérieur font partie

des caractéristiques de l’espace public. La SNCF est un

service public, les gares sont considérées comme des

lieux publics : il importe que l’on se tienne au plus près de

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ces définitions si l’on veut éviter que les gares ne

deviennent des cibles. Le maintien de ces caractéristiques

au plus près de leurs vertus originelles est à la fois la

meilleure pédagogie (parce que de fait) pour le jeune

public ou le public en rupture, et la meilleure garantie de

voir le droit respecté pour le personnel comme pour le

public. » 1996-9, p. 31

« La participation des habitants en matière de

programmation des espaces publics demande beaucoup de

précautions dans les objectifs comme dans les méthodes,

dans la mesure où la définition et la régulation de l’espace

public relèvent d’une responsabilité institutionnelle. Nous

considérons l’espace public comme l’un des premiers

services destinés au public, et demander à ce dernier d’y

participer peut se révéler une démarche paradoxale voire

une perversion (on peut demander aux justiciables de

donner leur avis sur la justice, pas de la faire eux-

mêmes). » 2010, p. 4

« C’est [la] contribution [des habitants de Frais Vallon]

à l’espace public de Marseille dans ce triangle du 13e

arrondissement compris entre deux voies rapides et une

colline escarpée. C’est un trésor impalpable qu’ils offrent.

Mais dans quel dénuement et dans quel abandon à

proprement parler de la part de leur ville et de la société

dont ils font partie. Car la ville ici n’indique plus rien,

n’accueille plus personne, n’offre plus cet espace public

qui devrait être la chose du monde la plus largement

partagée, elle ne contraint même plus ses citoyens : elle

les abandonne à eux-mêmes. » 1994-12, p. 2

« Cette surexposition est doublée par des conditions

d’habitation paradoxales, totalement inédites en leur

temps, même si par nappes successives, elle gagne

aujourd’hui la totalité de la ville : à Frais Vallon, petite

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ville de 6000 locataires, lorsque l’on sort de chez soi, de

son espace en principe privé, on n’entre pas pour autant

dans l’espace public. Cet état de fait n’est pas seulement

lié au caractère de monoculture de la cité : vouée quasi

uniquement au logement, habitée uniquement par les moins

riches d’entre nous, constituée d’immeubles présentant

tous la même forme, issus d’une seule époque et d’une

seule pensée, composée de points ayant tous la même

"valeur vectorielle" (qu’elle soit marchande ou

symbolique). » 2007, p. 8-9

« Le recensement puis le désencombrement de l’espace

public de tous les objets périmés, abandonnés, abîmés,

redondants ou dangereux est probablement l’un des

premiers gestes, à la fois simple et relativement peu

coûteux, qu’il est possible de faire pour commencer à

rendre à l’espace public ses qualités d’attention aux

habitants et d’hospitalité. » 2002-9, p. 7

2006-10, pl. VI

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35

« Dans le même registre mais cette fois-ci, de façon

corrective, les communes et leurs habitants (autochtones

comme nouveaux venus), tireraient un grand profit,

toujours en termes d’identité et d’aménités du territoire, à

combattre les messages négatifs qu’impose l’espace public

dès lors qu’il se trouve abandonné ou maltraité.

« Cela suppose un repérage et un retraitement :

- des éléments de non-sens, de chaos10

, de

désorientation : encombrement de l’espace public, objets

contradictoires, passages obstrués ou impraticables, etc.,

- ainsi que des éléments d’hostilité : punition collective,

objets agressifs, accumulation de déchets, etc.

« Bien qu’ils échappent le plus souvent à la vigilance des

autorités publiques, ces aspects négatifs n’en portent pas

moins, par leur seule présence, un discours actif, reçu en

direct par les "usagers" (accueillants comme accueillis) :

ils leur signifient à la fois négligence et hostilité.

« La désorientation, l’insécurité et les peurs mutuelles

s’en trouvent renforcées. » 2001-12, p. 82

10

- «…qui sont tout autre chose que ces nécessaires respirations, les friches,

les espaces en liberté non encore attribués à une fonction. »

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36

2006-10, fiche 2

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37

« Une dernière chose. Il est une manifestation de la vie

publique qui échappe à tout dispositif, ne grève pas les

budgets publics, et pourtant croise l’urbain, le social,

l’économique, s’avérant peut-être la plus révélatrice de

l’existence d’un espace public. C’est ce que l’on appelle

dans les pays du sud la passeggiata ou le paseo : une

sorte de parade amoureuse urbaine, où des familles, des

groupes, des solitaires, se baladent et croisent sur la

promenade ou la place centrale de la ville, s’arrêtant très

précisément au bord de l’espace public pour faire demi-

tour et revenir. Cela fait marcher les magasins de

chemises mais aussi les cafés, les marchands de glace, les

musiciens de rue. C’est vrai qu’on peut surtout l’observer

en Espagne ou en Italie mais aussi sur le cours Mirbeau à

Aix-en-Provence, sur le quai des Belges, à la rue Saint-

Ferréol ou sur la place d’Estienne d’Orves, à Marseille… » 1997-10, p. 68

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38

1996-9, p. 44

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39

BIBLIOGRAPHIE

Pour accéder aux ouvrages auxquels réfèrent le code

alphanumérique situé en bas et à droite de chaque extrait

(dates et n° de page), se reporter à la bibliographie ici : http://www.reseaufing.org/pg/file/LireLaVille/read/65724/bibliog

raphie-de-chantal-deckmyn