72

L’Âme de la prière

  • Upload
    others

  • View
    10

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’Âme de la prière
Page 2: L’Âme de la prière

L’Âmedelaprière

Page 3: L’Âme de la prière

BenoîtXVI

L’ÂMEDELAPRIÈRE

Page 4: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 5: L’Âme de la prière

font croître en nous le désir de puiser à la source de toutebeauté.Ce qu’a écrit un grand artiste,MarcChagall, demeureprofondémentvrai,àsavoirquependantdessiècles,lespeintresont trempé leurpinceaudans l’alphabetcoloréqu’est laBible.Combiendefois,alors, lesexpressionsartistiquespeuventêtredesoccasionsdenousrappelerdeDieu,pouraidernotreprièreouencorelaconversionducœur!PaulClaudel,célèbrepoète,dramaturgeetdiplomate français, ressentit laprésencedeDieudanslabasiliqueNotre-DamedeParis,en1886,précisémentenécoutant le chant duMagnificat lors de la messe de Noël. Iln’étaitpasentrédans l’églisepoussépar la foi, ilyétaitentréprécisémentpourchercherdesargumentscontreleschrétiens,etaulieudecela,lagrâcedeDieuagitdanssoncœur.

Je vous invite à redécouvrir l’importance de cette voieégalementpourlaprière,pournotrerelationvivanteavecDieu.Lesvilles et lespaysdans lemondeentier abritentdes trésorsd’artquiexprimentlafoietnousrappellentnotrerelationavecDieu.Quelavisiteauxlieuxd’artnesoitalorspasuniquementuneoccasiond’enrichissementculturel–ellel’estaussi–,maisqu’elle puisse devenir surtout un moment de grâce,d’encouragementpourrenforcernotrelienetnotredialogueavecleSeigneur,pournousarrêteretcontempler–danslepassagedela simple réalité extérieure à la réalité plus profonde qu’elleexprime – le rayon de beauté qui nous touche, qui nous«blesse»presqueauplusprofonddenotreêtreetnousinviteànous élever versDieu. Je finis par une prière d’un psaume, lepsaume27:

«Une chose qu’au Seigneur je demande, la chose que jecherche, c’est d’habiter la maison du Seigneur tous lesjours de ma vie, de savourer la douceur du Seigneur, derecherchersonpalais»(v.4).

Page 6: L’Âme de la prière

EspéronsqueleSeigneurnousaideàcontemplersabeauté,quecesoitdans lanatureoudans lesœuvresd’art,defaçonàêtre touchéspar la lumièrede sonvisage, afinquenousaussi,nouspuissionsêtrelumièrespournotreprochain.

Page 7: L’Âme de la prière

2.

Laprièredansl’AncienTestament

Page 8: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 9: L’Âme de la prière

E

3LaprièredeMoïse

nlisantl’AncienTestament,unefigureressortparmilesautres :celledeMoïse,précisémentcommehommedeprière.Moïse, le grand prophète et « condottiere » du

tempsdel’Exode,aexercésafonctiondemédiateurentreDieuetIsraëlensefaisantlemessager,auprèsdupeuple,desparolesetdescommandementsdivins,enleconduisantverslalibertédela Terre promise, en enseignant aux juifs à vivre dansl’obéissanceetdans la confianceenversDieuaucoursde leurlongséjourdans ledésert,maiségalement,et jediraissurtout,enpriant.Ilpriepour lepharaonlorsqueDieu,aveclesplaies,tentait de convertir le cœur des Égyptiens (cf. Ex 8-10) ; ildemandeauSeigneurlaguérisondesasœurMariefrappéeparlalèpre(cf.Nb12,9-13);ilintercèdepourlepeuplequis’étaitrebellé, effrayé par le compte rendu des explorateurs (cf Nb14,1-19);ilpriequandlefeuvadévorerlecampement(cf.Nb11,1-2)etquandlesserpentsvenimeuxfontunmassacre(cf.Nb21,4-9);ils’adresseauSeigneuretréagitenprotestantquandlepoidsdesamissiondevienttroplourd(cf.Nb11,10-15);ilvoitDieuetparle avec lui« face à face, commeunhommeparle àsonami»(cf.Ex24,9-17;33,7-23;34,1-10.28-35).

Mêmequandlepeuple,auSinaï,demandeàAarondefairele veau d’or, Moïse prie, en accomplissant de manièreemblématique sa propre fonction d’intercesseur. L’épisode estracontéauchapitre32duLivredel’Exode etpossèdeun récit

Page 10: L’Âme de la prière

parallèle dans le Deutéronome, au chapitre 9. C’est sur cetépisode que je voudrais m’arrêter dans la catéchèsed’aujourd’hui,etenparticuliersurlaprièredeMoïsequenoustrouvonsdanslerécitdel’Exode.Lepeupled’IsraëlsetrouvaitaupiedduSinaïtandisqueMoïse,surlemont,attendaitledondestablesdelaLoi,jeûnantpendantquarantejoursetquarantenuits (cf. Ex 24,18 ;Dt 9,9). Le chiffre quarante possède unevaleur symbolique et signifie la totalité de l’expérience, alorsqu’aveclejeûne,onindiquequelavievientdeDieu,quec’estlui qui la soutient. L’acte de manger, en effet, implique deprendrelanourriturequinoussoutient;jeûner,enrenonçantàla nourriture, acquiert donc, dans ce cas, une significationreligieuse:c’estunemanièrepourindiquerquel’hommenevitpas seulement de pain, mais de chaque parole qui sort de laboucheduSeigneur(cf.Dt8,3).Enjeûnant,Moïsemontrequ’ilattend le don de la Loi divine comme source de vie : celle-cirévèle lavolontédeDieuetnourrit le cœurde l’homme,en lefaisantentrerdansuneallianceavecleTrès-Haut,quiestsourcedelavie,quiestlavieelle-même.

Mais alors que le Seigneur, sur le mont, donne la Loi àMoïse, au pied de la montagne, le peuple la transgresse.Incapablederésisteràl’attenteetàl’absencedumédiateur,lesjuifsdemandentàAaron:

«Allons, fais-nous un dieu qui aille devant nous, car ceMoïse, l’hommequinousafaitmonterdupaysd’Égypte,nousnesavonspascequiluiestarrivé»(Ex32,1).

Las d’un chemin avec un Dieu invisible, à présent queMoïse,lemédiateur,aluiaussidisparu,lepeupledemandeuneprésencetangible,perceptible,duSeigneur,et il trouvedansleveau demétal fondu fait parAaron, un dieu rendu accessible,

Page 11: L’Âme de la prière

manœuvrable, à la portée de l’homme. C’est une tentationconstante sur le chemin de foi : éluder le mystère divin enconstruisant un dieu compréhensible, correspondant à sespropresconceptions,àsespropresprojets.CequiseproduitauSinaï révèle toute la stupidité et la vanité illusoire de cetteprétentioncar,commel’affirmeironiquementlepsaume106:

«Ilséchangeaientcequiétaitleurgloirepourl’imaged’untaureau,d’unruminant»(Ps106,20).

C’est pourquoi le Seigneur réagit et ordonne à Moïse dedescendredelamontagne,enluirévélantcequefaitsonpeupleetenterminantparcesmots:

«Macolèrevas’enflammer.Detoienrevanchejeferaiunegrandenation»(Ex32,10).

CommeavecAbrahamàproposdeSodomeetdeGomorrhe,à présent aussi, Dieu révèle à Moïse ce qu’il entend faire,comme s’il ne voulait pas agir sans son consentement (cf.Am3,7).Ildit:

«Macolèrevas’enflammer.»

En réalité, ce « Ma colère va s’enflammer » est ditprécisément pour queMoïse intervienne et lui demande de nepaslefaire,révélantainsiqueledésirdeDieuesttoujoursceluidusalut.Commepourlesdeuxvillesdel’époqued’Abraham,lapunition et la destruction, à travers lesquelles s’exprime lacolère de Dieu comme refus du mal, indiquent la gravité dupéché commis ; dans le même temps, la demande del’intercesseur entend manifester la volonté de pardon du

Page 12: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 13: L’Âme de la prière

manifestations de l’âme et de la foi, où tous peuvent sereconnaîtreetdanslesquelssecommuniquecetteexpériencedeproximité particulière avec Dieu à laquelle chaque homme estappelé.Etc’est toute lacomplexitédel’existencehumainequiseconcentredanslacomplexitédesdifférentesformeslittérairesdes divers psaumes : hymnes, lamentations, supplicationsindividuelles et collectives, chants de remerciement, psaumespénitentiels, psaumes sapientiels et d’autres genres que nouspouvonsretrouverdanscescompositionspoétiques.

Malgrécettemultiplicitéexpressive,deuxgrandsdomainesquisynthétisentlaprièredupsautierpeuventêtreidentifiés:lasupplique,liéeàlalamentation,etlalouange,deuxdimensionsreliéesetpresqueinséparables.Carlasuppliqueestaniméeparla certitudequeDieu répondra, et celaouvre à la louangeet àl’actiondegrâce ;et la louangeet le remerciementnaissentdel’expérienced’unsalutreçu,quisupposeunbesoind’aidequelasuppliqueexprime.

Dans la supplique, l’orant se lamente et décrit sa situationd’angoisse, dedanger, dedésolation, oubien, commedans lespsaumes pénitentiels, il confesse sa faute, le péché, endemandant d’être pardonné. Il expose au Seigneur son état debesoin dans la certitude d’être écouté, et cela implique unereconnaissancedeDieucommebon,désireuxdubienet«amantdelavie»(cf.Sg11,26),prêtàaider,sauver,pardonner.C’estainsi,parexemple,queprielepsalmistedanslepsaume31:

« En toi Seigneur j’ai mon refuge ; garde-moi d’êtrehumilié pour toujours […] Tu m’arraches au filet qu’ilsm’onttendu;oui,c’esttoimonabri»(v.2.5).

Danslalamentationpeutdoncdéjàapparaîtrequelquechosede la louange, qui se préannonce dans l’espérance de

Page 14: L’Âme de la prière

l’intervention divine et qui se fait ensuite explicite quand lesalut divin devient réalité. De manière analogue, dans lespsaumesd’actiondegrâceetdelouange,enfaisantmémoiredudon reçu ou en contemplant la grandeur de la miséricorde deDieu, on reconnaît également notre propre petitesse et lanécessitéd’êtresauvés,quiestàlabasedelasupplication.Onconfesse ainsi à Dieu sa propre condition de créatureinévitablementmarquéeparlamort,maispourtantporteused’undésirdevieradical.Lepsalmistes'exclamedoncdanslepsaume86:

«Jeterendsgrâcedetoutmoncœur,SeigneurmonDieu,toujours je rendrai gloire à ton nom ; il est grand, tonamourpourmoi:tum’astirédel’abîmedesmorts»(v.12-13).

Decettemanière,danslaprièredespsaumes,lasuppliqueetla louange se mêlent et se fondent dans un unique chant quicélèbre la grâce éternelle du Seigneur qui se penche sur notrefragilité.

C’estprécisémentpourpermettreaupeupledescroyantsdes’uniràcechantquelelivredupsautieraétédonnéàIsraëletàl’Église.Eneffet,lespsaumesenseignentàprier.Dansceux-ci,laparoledeDieudevientparoledeprière–etcesontlesparolesdupsalmiste inspiré–,quidevientégalementparolede l’orantquiprieavec lespsaumes.Telleest labeautéet laparticularitéde ce livre biblique : les prières qui y sont contenues, à ladifférence d’autres prières que nous trouvons dans l’Écrituresainte, ne sont pas insérées dans une trame narrative qui enspécifie le sens et la fonction. Les psaumes sont donnés aucroyant précisément comme texte de prière, qui a pour uniquebut de devenir la prière de celui qui les assume et avec eux

Page 15: L’Âme de la prière

s’adresse à Dieu. Étant donné qu’ils sont la parole de Dieu,celuiquiprielespsaumesparleàDieuaveclesparolesmêmesqueDieunousadonnées,ils’adresseàluiaveclesparolesquelui-mêmenousdonne.Ainsi,enpriantlespsaumesonapprendàprier.Ilssontuneécoledelaprière.

Il advient quelque chose d’analogue lorsque l’enfantcommence à parler, c’est-à-dire qu’il apprend à exprimer sessensations, ses émotions, sesbesoins avecdesmotsqui ne luiappartiennent pas de façon innée, mais qu’il apprend de sesparentsetdeceuxquiviventautourdelui.Cequel’enfantveutexprimer est son propre vécu, mais le moyen d’expressionappartientàd’autres;etlui,peuàpeu,s’enapproprie;lesmotsreçus des parents deviennent sesmots et à travers cesmots ilapprendaussiunemanièredepenseretdesentir,ilaccèdeàtoutunmondede concepts, et il grandit à l’intérieur de celui-ci, ilentreenrelationavec la réalité,avec leshommesetavecDieu.La langue de ses parents est enfin devenue sa langue, il parleavec lesmots reçus des autres qui sont désormais devenus sesmots.Ainsi en est-il avec la prière des psaumes. Ils nous sontdonnés pour que nous apprenions à nous adresser à Dieu, àcommuniquer avec lui, à lui parler de nous avec ses mots, àtrouverunlangagepourlarencontreavecDieu.Etàtraverscesmots, il sera possible aussi de connaître et d’accueillir lescritèresdesonaction,des’approcherdumystèredesespenséesetdesesvoies(cf.Is55,8-9),afindegrandirtoujoursdavantagedans la foi et dans l’amour. Comme nos mots ne sont passeulementdesmots,maisqu’ilsnousenseignentunmonderéelet conceptuel, de même ces prières aussi nous enseignent lecœurdeDieu,sibienquenonseulementnouspouvonsparlerdeDieu, mais nous pouvons apprendre qui est Dieu et, enapprenant comment parler avec lui, nous apprenons à êtrehomme,àêtrenous-mêmes.

Page 16: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 17: L’Âme de la prière

moment particulièrement significatif du début de sa vie. Et là,malgré la désolation du présent, le psalmiste reconnaît uneproximité et un amour divins si radicaux qu’il peut dès lorss’exclamer, en une confession pleine de foi et sourced’espérance:

«Dèsleventredemamère,monDieuc’esttoi»(v.11b).

Laplaintedevientàprésentunesuppliquevéhémente:

« Ne sois pas loin : proche est l’angoisse, point desecours!»(v.12).

La seule proximité que le psalmiste perçoit et qui l’effraieest celledesennemis. Il estdoncnécessairequeDieu se fasseprocheetlesecoure,parcequelesennemisentourentl’orant,ilsl’encerclent, et ils sont comme de puissants taureaux, commedeslionsquisortentleursgriffespourrugiretdéchiqueter(cf.v.13-14). L’angoisse altère la perception du danger, enl’agrandissant.Lesadversairesapparaissentinvincibles,ilssontdevenus des animaux féroces et très dangereux, tandis que lepsalmiste est comme un petit ver, impuissant, sans aucunedéfense.Maiscesimagesutiliséesdanslepsaumeserventaussiàdireque lorsque l’hommedevientbrutaletagresseson frère,quelquechosed’animals’emparede lui, ilsembleperdre touteapparencehumaine;laviolenceatoujoursensoiquelquechosedebestialetseulel’interventionsalvifiquedeDieupeutrendrel’homme à son humanité. À présent, pour le psalmiste, objetd’unesiféroceagression,ilsembleneplusyavoird’issue,etlamortcommenceàs’emparerdelui:

«Comme l’eau jem’écoule et tousmes os se disloquent

Page 18: L’Âme de la prière

[…] mon palais est sec comme un tesson, et ma languecollée à ma mâchoire […] ils partagent entre eux meshabitsettirentausortmonvêtement»(v.15.16.19).

Avecdesimagesdramatiques,quenousretrouvonsdanslesrécits de la Passion du Christ, est décrite la désagrégation ducorps du condamné, la soif insupportable qui tourmente lemourantetquitrouveunéchodanslademandedeJésus«J’aisoif»(cf.Jn19,28),pourarriveraugestedéfinitifdesbourreauxqui,commelessoldatssouslacroix,separtagentlesvêtementsdelavictime,considéréecommedéjàmorte(cf.Mt27,35;Mc15,24;Lc23,34;Jn19,23-24).

Voilàalors,pressant,ànouveaul’appelausecours:

«Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin, ôma force, vite àmonaide[…]Sauve-moi»(v.20.22a).

C’est un cri qui entrouvre les cieux, parce qu’il proclameune foi, une certitude qui va au-delà de tout doute, de touteobscurité et de toute désolation. Et la plainte se transforme,laisselaplaceàlalouangedansl’accueildusalut:

«J’annonceraitonnomàmesfrères,enpleineassembléejetelouerai»(v.22c-23).

Ainsi,lepsaumes’ouvreàl’actiondegrâce,augrandhymnefinal qui implique tout le peuple, les fidèles du Seigneur,l’assembléeliturgique,lesgénérationsfutures(cf.v.24-32).LeSeigneurestaccouruàl’aide,ilasauvélepauvreetluiamontréson visage demiséricorde.Mort et vie se sont croisées en unmystèreinséparable,etlavieatriomphé,leDieudusaluts’estmontré leSeigneur incontesté, que tous les confins de la terre

Page 19: L’Âme de la prière

célébreront et devant lequel toutes les familles des peuples seprosterneront.C’estlavictoiredelafoi,quipeuttransformerlamort en don de la vie, l’abîme de la douleur en sourced’espérance.

Cepsaumenous a conduits sur leGolgotha, au piedde lacroix de Jésus, pour revivre sa Passion et partager la joieféconde de la résurrection. Laissons-nous donc envahir par lalumière du mystère pascal même dans l’apparente absence deDieu, même dans le silence de Dieu et, comme les disciplesd’Emmaüs, apprenons à discerner la vraie réalité au-delà desapparences, en reconnaissant le chemin de l’exaltationprécisémentdans l’humiliation,et lapleinemanifestationde lavie dans la mort, dans la croix. Ainsi, en plaçant toute notreconfiance et notre espérance en Dieu le Père, lors de touteangoisse,nouspourronslepriernousaussiavecfoi,etnotrecridedemanded’aidesetransformeraenchantdelouange.

Page 20: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 21: L’Âme de la prière

quis’ouvredanslaterreetquidevientépi.PournousaussicettedécouvertedeJésus-Christestlagrandejoiedu«oui»deDieu,durétablissementdenotresort.Maiscommeceuxqui–revenusde Babylone pleins de joie – ont trouvé une terre appauvrie,dévastée,ainsiqueladifficultédessemaillesetquiontsouffertenpleurant,nesachantpassiréellementlarécolteauraiteulieuàlafin,nousaussi,aprèslagrandedécouvertedeJésus-Christ–notrevie, lavérité, lechemin–enentrantdans le terrainde lafoi,dansla«terredelafoi»noustrouvonsaussisouventunevie sombre, dure, difficile, des semailles de larmes,mais dansl’assurance que la lumière du Christ nous donne, à la fin,réellement, la grande récolte. Et nous devons apprendre celaégalementlorsdesnuitssombres;nepasoublierquelalumièreexiste, que Dieu est déjà au milieu de notre vie et que nouspouvonssemeraveclagrandeconfiancequele«oui»deDieuestplusfortquenoustous.Ilestimportantdenepasperdrecesouvenir de la présence de Dieu dans notre vie, cette joieprofonde queDieu est entré dans notre vie, en nous libérant :c’est la gratitude pour la découverte de Jésus-Christ, qui estvenuànous.Etcettegratitudesetransformeenespérance,elleestl’étoiledel’espérancequinousdonnelaconfiance,elleestla lumière, car précisément les douleurs des semailles sont ledébutd’unenouvellevie,delajoiedeDieugrandeetdéfinitive.

Page 22: L’Âme de la prière

V

10Lepsaume136(135)

LeGrandHallel

oici psaumequi résume toute l’histoire du salut dontl’Ancien Testament nous apporte le témoignage. Ils’agit d’un grand hymne de louange qui célèbre le

Seigneur dans les manifestations multiples et répétées de sabonté tout au longde l’histoire des hommes : c’est le psaume136–ou135selonlatraditiongréco-latine.

Prièresolennelled’actiondegrâce,connucommele«GrandHallel » ce psaume est chanté traditionnellement à la fin durepaspascaljuifetaprobablementétépriéégalementparJésuslorsdeladernièrePâquecélébréeaveclesdisciples;c’estàluieneffetquesemblefaireallusionl’annotationdesévangélistes:

«Aprèslechantdespsaumes,ilspartirentpourlemontdesOliviers»(cf.Mt26,30;Mc14,26).

L’horizondelalouangeillumineainsilechemindifficileduGolgotha.Toutlepsaume136sedéroulesousformedelitanie,rythmée par la répétition de l’antienne « car éternel est sonamour ». Tout au long de la composition sont énumérés lesnombreux prodiges deDieu dans l’histoire des hommes et sesinterventions constantes en faveur de sonpeuple ; et à chaqueproclamation de l’action salvifique du Seigneur répondl’antienne avec la motivation fondamentale de la louange :

Page 23: L’Âme de la prière

l’amour éternel deDieu, un amour qui, selon le terme hébreuutilisé, implique fertilité, miséricorde, bonté, grâce, tendresse.Telestlemotifunifiantdetoutlepsaume,répététoujourssousla même forme, tandis que changent ses manifestationsponctuelles et paradigmatiques : la création, la libération del’exode,ledondelaterre,l’aideprovidentielleetconstanteduSeigneuràl’égarddesonpeupleetdechaquecréature.

Après une triple invitation à l’action de grâce au Dieusouverain(v.1-3),oncélèbreleSeigneurcommeceluiquiafait«desmerveilles»(v.4),dontlapremièreestlacréation:leciel,la terre, lesétoiles (v.5-9).Lemondecréén’estpasunsimplescénariodans lequel s’inscrit l’action salvifiquedeDieu,maisc’est le début même de cette action merveilleuse. Avec lacréation, le Seigneur se manifeste dans toute sa bonté et sabeauté,ilsecomprometaveclavie,révélantunevolontédebiendont jaillit toute autre action de salut. Et dans notre psaume,faisantéchoaupremierchapitredeLaGenèse,lemondecrééestsynthétisé dans ses éléments principaux, en insistant enparticuliersurlesastres, lesoleil, lalune,lesétoiles,créaturesmagnifiquesquigouvernentlejouretlanuit.Onneparlepasicidelacréationdel’êtrehumain,maisilesttoujoursprésent;lesoleiletlalunesontpourlui–pourl’homme–pourrythmerletemps de l’homme, le mettant en relation avec le Créateur enparticulieràtraversl’indicationdestempsliturgiques.

C’est précisément la fête de Pâques qui est évoquéeimmédiatementaprèslorsque,passantàlamanifestationdeDieudansl’histoire,commencelegrandévénementdelalibérationdel’esclavagedel’Égypte,del’exode,retracédanssesélémentslesplus significatifs : la libération de l’Égypte avec la plaie despremiers-nés égyptiens, le départ de l’Égypte, le passage de lamer Rouge, le cheminement dans le désert jusqu’à l’entrée enTerre promise (v. 10-20). Nous nous trouvons au moment

Page 24: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 25: L’Âme de la prière

quiindiquelavoiedubonheur.Alors, nous pourrons nous aussi jouir dans notre prière,

commel’orantdupsaume16,desdons inattendusduSeigneuretdel’héritageimméritéquiestnotresort:

«Seigneur,mapartetmacoupe…Lapartquimerevientfait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage ! » (Ps16,5.6).

Page 26: L’Âme de la prière

L

12Lepsaume110(109)

’un des plus célèbres « psaumes royaux », un psaumequeJésuslui-mêmeacitéetquelesauteursduNouveauTestament ont amplement repris et lu en référence au

Messie,auChristestlepsaume110selonlatraditionjuive,109selonlanumérotationgréco-latine;unpsaumetrèsappréciéparl’Égliseantiqueetparlescroyantsdetouteslesépoques.Cetteprièreétaitpeut-êtreinitialementreliéeàl’intronisationd’unroidavidique ; toutefois son sens va au-delà de la contingencespécifiquedufaithistoriqueens’ouvrantàdesdimensionsplusamplesetendevenantainsilacélébrationduMessievictorieux,glorifiéàladroitedeDieu.

Lepsaumecommenceparunedéclarationsolennelle:

OracleduSeigneuràmonseigneur:

«Siègeàmadroite,etjeferaidetesennemislemarchepieddetontrône»(v.1).

Dieu lui-même intronise le roi dans la gloire, en le faisantasseoiràsadroite,unsignedetrèsgrandhonneuretdeprivilègeabsolu. Le roi est admis de cette manière à participer à laseigneurie divine, dont il est le médiateur auprès du peuple.Cette seigneurie du roi se concrétise aussi dans la victoire surlesadversaires,quisontmisàsespiedsparDieului-même;lavictoire sur les ennemis est celle du Seigneur, mais il y fait

Page 27: L’Âme de la prière

participerleroietsontriomphedevientletémoignageetlesignedupouvoirdivin.

Laglorificationroyaleexpriméedanscedébutdupsaumeaété interprétéepar leNouveauTestamentcommeuneprophétiemessianique;c’estpourquoileversetestl’undeceuxlesplusutilisés par les auteurs néotestamentaires, ou sous forme decitation explicite ou comme allusion. Jésus lui-même amentionné ce verset à propos duMessie pour montrer que leMessieestplusqueDavid, ilest leSeigneurdeDavid (cf.Mt22,41-45 ; Mc 12,35-37 ; Lc 20,41-44). Et Pierre le reprenddans son discours à la Pentecôte, en annonçant que dans larésurrectionduChristseréalisecetteintronisationduroietquedésormais le Christ est à la droite du Père, il participe à laSeigneurie de Dieu sur le monde (cf. Ac 2,29-35). C’est leChrist,eneffet,leSeigneurintronisé,leFilsdel’hommeassisàladroitedeDieuquivientsurlesnuagesduciel,commeJésussedéfinitlui-mêmeaucoursduprocèsdevantleSanhédrin(cf.Mt26,63-64;Mc14,61-62;cf.aussiLc22,66-69).C’estluilevrai roi qui, par la résurrection, est entré dans la gloire à ladroiteduPère(cf.Rm8,34;Ep2,5;Col3,1;He8,1;12,2),faitsupérieurauxanges,assisdanslescieuxau-dessusdetoutepuissance et avec tous ses adversaires à ses pieds ; jusqu’à ceque la dernière ennemie, la mort, soit par lui définitivementbattue (cf. 1Co 15,24-26 ; Ep 1,20-23 ;He 1,3-4.13 ; 2,5-8 ;10,12-13;1P3,22).Etl’oncomprendimmédiatementqueceroiquiestàladroitedeDieuetparticipedesaseigneurie,n’estpasl’undeceshommessuccesseursdeDavid,maisuniquement lenouveauDavid,leFilsdeDieuquiavainculamortetparticiperéellementà lagloiredeDieu.C’estnotreroi,quinousdonneaussilavieéternelle.

Entre le roi célébré par notre psaume et Dieu existe doncunerelationindissoluble;ilsgouvernenttousdeuxensembleun

Page 28: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 29: L’Âme de la prière

Les Évangiles laissent même entrevoir l’habitude de Jésus depasserenprièreunepartiedelanuit.L’évangélisteMarcracontel’unedecesnuits, après la lourde journéede lamultiplicationdespains,etilécrit:

«Aussitôtaprès,Jésusobligeasesdisciplesàmonterdanslabarqueet à leprécéder sur l’autre rive,versBethsaïde,pendantque lui-mêmerenvoyait lafoule.Quandil leseutcongédiés, il s’enalla sur lamontagnepourprier.Le soirvenu,labarqueétaitaumilieudelameretlui,toutseul,àterre»(Mc6,45-47).

Lorsque les décisions se font urgentes et complexes, saprièreseprolongeetdevientplusintense.Dansl’imminenceduchoix des douze apôtres, par exemple, Luc souligne la duréenocturnedelaprièrepréparatoiredeJésus:

« En ces jours-là, Jésus s’en alla dans lamontagne pourprier,etilpassalanuitàprierDieu.Lejourvenu,ilappelases disciples, en choisit douze, et leur donna le nomd’apôtres»(Lc6,12-13).

EnexaminantlaprièredeJésus,unequestiondoitnaîtreennous : et moi, comment je prie ? Comment prions-nous ?Combien de temps je consacre à ma relation avec Dieu ?Éduque-t-on et forme-t-on aujourd’hui suffisamment à laprière?Etquipeutl’enseigner?Dansl’exhortationapostoliqueVerbumDomini,j’aiparlédel’importancedelalectureenprièredelasainteÉcriture.Enrecueillantcequiétaitapparuaucoursde l’assemblée du synode des évêques, j’ai mis un accentparticulier sur la formespécifiquede la lectiodivina. Écouter,méditer,observer lesilencedevant leSeigneurquiparleestun

Page 30: L’Âme de la prière

art,quis’apprendenlepratiquantavecconstance.Laprièreestassurémentundon,quidemandetoutefoisd’êtreaccueilli;c’estl’œuvre de Dieu, mais elle exige engagement et continuité denotre part ; surtout, la continuité et la constance sontimportantes.L’expérienceexemplairedeJésusmontrejustementque sa prière, animée par la paternité de Dieu et par lacommunion de l’Esprit, s’est approfondie en un exerciceprolongé et fidèle, jusqu’au jardin des Oliviers et à la croix.Aujourd’hui les chrétiens sont appelés à être des témoins deprière, précisémentparcequenotremondeest souvent ferméàl’horizondivinetà l’espérancequiconduità la rencontreavecDieu.Dans l’amitié profonde avec Jésus et en vivant en lui etavec lui la relation filiale avec le Père, à travers notre prièrefidèleetconstante,nouspouvonsouvrirdesfenêtresverslecielde Dieu. C’est même en parcourant la voie de la prière, sansconsidérationhumaine, quenous pouvons aider les autres à laparcourir:pourlaprièrechrétienneaussi,ilestvraiquec’estencheminantques’ouvrentdeschemins.

Éduquons-nous à une relation intense avec Dieu, à uneprière qui ne soit pas occasionnelle,mais constante, pleine deconfiance, capabled’éclairer notrevie, commenous l’enseigneJésus. Et demandons-lui de pouvoir communiquer auxpersonnesquinoussontproches,àceuxquenousrencontronssurnotreroute,lajoiedelarencontreavecleSeigneur,lumièrepournotreexistence.

Page 31: L’Âme de la prière

L

2L’Hymnedejubilation

esévangélistesMatthieuetLuc (cf.Mt11,25-30etLc10,21-22)nousonttransmisun«joyau»delaprièredeJésus qui est souvent appeléHymne de jubilation ou

Hymne de jubilation messianique. Il s’agit d’une prière dereconnaissance et de louange, comme nous l’avons entendu.Dans l’original en grec des Évangiles, le verbe par lequelcommence cet hymne, et qui exprime l’attitude de Jésuss’adressantauPère,estexomologoumai,souventtraduitpar«jeproclame ta louange » (Mt 11,25 et Lc 10,21).Mais dans lesécrits duNouveau Testament, ce verbe indique principalementdeuxchoses:lapremière,c’est«reconnaîtrejusqu’aubout»–parexemple,JeanBaptistedemandaitàquivenaitàluipoursefaire baptiser de reconnaître jusqu’au bout ses péchés (cf.Mt3,6) – ; la seconde, c’est « être d’accord » L’expression parlaquelle Jésus commence sa prière contient donc le fait qu’ilreconnaîtjusqu’aubout,pleinement,l’agirdeDieulePère,etenmême temps, le fait d’être totalement, consciemment etjoyeusementd’accordaveccette façond’agir,avec leprojetduPère. L’Hymne de jubilation est le sommet d’un chemin deprièreoùapparaîtclairement lacommunionprofondeet intimede Jésus avec la vie du Père dans l’Esprit Saint et où semanifestesafiliationdivine.

Jésus s’adresse à Dieu en l’appelant « Père ». Ce termeexprimelaconscienceetlacertitudedeJésusd’être«leFils»

Page 32: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 33: L’Âme de la prière

résurrection.Cettenouveautéestsoulignéepournousparlachronologie

deladernièreCènedansl’évangiledeJean,quineladécritpascomme un dîner pascal, précisément parce que Jésus entendinaugurer quelque chose de nouveau, célébrer sa Pâque, liéebiensûrauxévénementsdel’Exode.EtpourJean,Jésusmourutsurlacroixprécisémentaumomentoù,autempledeJérusalem,étaientimmoléslesagneauxpascals.

QuelestalorslecentredecetteCène?Cesontlesgestesderomprelepain,deledistribuerauxsiensetdepartagerlacoupeduvinaveclesparolesquilesaccompagnentetdanslecontextede prière dans lequel elles s’inscrivent : c’est l’institution del’eucharistie,c’estlagrandeprièredeJésusetdel’Église.Maisregardonscemomentdeplusprès.

Tout d’abord, les traditions néotestamentaires del’institutionde l’eucharistie (cf. 1Co11,23-25 ;Lc22,14-20 ;Mc14,22-25;Mt26,26-29),enindiquantlaprièrequiintroduitles gestes et les paroles de Jésus sur le pain et sur le vin,utilisentdeuxverbesparallèlesetcomplémentaires.PauletLucparlentd’eucaristia/actiondegrâce:

«Ilpritdupain;aprèsavoirrendugrâce,illerompitetleleurdonna»(Lc22,19).

Marc et Matthieu, en revanche, soulignent l’aspectd’eulogia/bénédiction:

« Ilpritdupain,prononça labénédiction, le rompit,et leleurdonna»(Mc14,22).

Lesdeuxtermesgrecseucaristeìneteulogeìnrenvoientàlaberakha juive,c’est-à-dire lagrandeprièred’actiondegrâceet

Page 34: L’Âme de la prière

debénédictiondelatraditiond’Israëlquiinauguraitlesgrandsbanquets. Les deux mots grecs différents indiquent les deuxdirections intrinsèques et complémentaires de cette prière. Laberakha, en effet, est avant tout une action de grâce et delouange qui s’élève à Dieu pour le don reçu : au cours de ladernièreCènede Jésus, il s’agitdupain– travailléàpartirdufroment que Dieu fait germer et pousser en terre – et du vinproduit à partir du fruit mûri sur les vignes. Cette prière delouange et d’action de grâce, qui s’élève vers Dieu, revientcomme une bénédiction, qui descend de Dieu sur le don etl’enrichit.Remercier,louerDieu,devientainsiunebénédiction,et l’offre donnée àDieu revient à l’homme bénie par le Tout-Puissant.Lesparolesde l’institutionde l’eucharistiesesituentdanscecontextedeprière:enelles,lalouangeetlabénédictiondelaberakhadeviennentunebénédictionetunetransformationdupainetduvindanslecorpsetdanslesangdeJésus.

Avant lesparolesde l’institutionviennent lesgestes :celuideromprelepainetceluid’offrirlevin.Celuiquifractionnelepain et passe la coupe est avant tout le chef de famille, quiaccueilleàsatablelesparents,maiscesgestessontaussiceuxde l’hospitalité, de l’accueil à la communion conviviale del’étranger,quinefaitpaspartiedelamaison.Cesmêmesgestes,au cours du repas par lequel Jésus prend congé des siens,acquièrent une profondeur toute nouvelle : il donne un signevisibledel’accueilàlatableàlaquelleDieusedonne.Danslepainetdanslevin,Jésuss’offreetsecommuniquelui-même.

Maiscommenttoutcelapeut-ilseréaliser?CommentJésuspeut-ilsedonnerlui-mêmeàcemoment?Jésussaitquelavievaluiêtreôtéeàtraverslesupplicedelacroix,lapeinecapitaledeshommesnonlibres,cellequeCicérondéfinissaitcommelamorsturpissimacrucis.Avecledondupainetduvinqu’iloffrelors de la dernière Cène, Jésus anticipe sa mort et sa

Page 35: L’Âme de la prière

résurrection, en réalisant ce qu’il avait dit dans le discours du«BonPasteur»:

«Jedonnemaviepourlareprendreensuite.Personnen’apumel’enlever:jeladonnedemoi-même.J’ailepouvoirde la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà lecommandementquej’aireçudemonPère»(Jn10,1718).

Iloffredoncparavancelaviequiluiseraôtéeettransformede cette façon samort violente en un acte libre de don de soipourlesautresetauxautres.Laviolencesubiesetransformeenunsacrificeactif,libreetrédempteur.

Une fois de plus dans la prière, commencée sous la formerituelle de la tradition biblique, Jésus révèle son identité et sadétermination à accomplir jusqu’au bout sa mission d’amourtotal,d’offrandeenobéissanceàlavolontéduPère.Laprofondeoriginalité du don de soi aux siens, à travers le mémorialeucharistique,estlesommetdelaprièrequicaractériselerepasd’adieuaveclessiens.Encontemplant lesgesteset lesparolesde Jésus cette nuit-là, nous voyons clairement que la relationintimeetconstanteaveclePèreestlelieudanslequelilréaliselegestedelaisserauxsiens,etàchacundenous, lesacrementde l’amour, le Sacramentum caritatis. Par deux fois, auCénacle,retentissentlesparoles:

«Faitescelaenmémoiredemoi»(1Co11,24.25).

Àtravers ledondesoi, ilcélèbresaPâque,endevenant levéritable Agneau qui accomplit tout le culte antique. C’estpourquoi,enparlantauxchrétiensdeCorinthe,ilaffirme:

«Voici que leChrist, notre agneau pascal, a été immolé.

Page 36: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 37: L’Âme de la prière

soiàDieu,laconfiancequel’onmetenlui.PuisJésusdemandeauPèreque,sic’estpossible,cetteheurepasseloindelui.Cen’estpas seulement lapeur et l’angoissede l’homme faceà lamort,mais c’est lebouleversementduFilsdeDieuquivoit lepoids redoutable du mal qu’il devra prendre sur lui pour lesurmonteretlepriverdesonpouvoir.

Nous aussi, dans la prière, nous devons être capablesd’apporterdevantDieunos fatigues, la souffrancedecertainessituations,decertaines journées,notreengagementquotidienàle suivre, à être chrétiens, et aussi lemal que nous voyons ennousetautourdenous,afinqu’ilnousdonnel’espérance,qu’ilnous fasse sentir sa proximité et qu’il nous donne un peu delumièresurlechemindelavie.

Jésuscontinuesaprière:

«Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne demoi cettecoupe;pourtantpascequejeveux,maiscequetuveux!»(Mc14,36).

Dans cette invocation, il y a trois passages révélateurs.Audébut, nous avons la répétition de l’expression par laquelleJésuss’adresseàDieu:

«Abba!Père!»(Mc14,36a).

Noussavonsbienquelaparolearaméenne«Abba»estcellequ’utilisaient les enfantspour s’adresser à leurpapaetqu’elleexprimedonclerapportdeJésusavecDieulePère,unrapportde tendresse, d’affection, de confiance, d’abandon. Dans lapartie centrale de l’invocation, il y a un second élément : laconscience de la toute-puissance du Père – « tout t’estpossible » – qui introduit une demande dans laquelle, encore

Page 38: L’Âme de la prière

unefois,apparaîtledramedelavolontéhumainedeJésusfaceàlamortetaumal:

«Éloignedemoicettecoupe!»

Mais il y a ensuite la troisième expression de la prière deJésus,etc’estcelle-làquiestdécisive,danslaquellelavolontéhumaineadhèrepleinementà lavolontédivine. Jésus,eneffet,conclutendisantavecforce:

«Pourtantpascequejeveux,maiscequetuveux!»(Mc14,36c).

Dans l’unité de la personne divine du Fils, la volontéhumaine trouve sa pleine réalisation dans l’abandon total du« Je » au « Tu » du Père, appelé «Abba ». SaintMaxime leConfesseur affirme que, depuis le moment de la création del’homme et de la femme, la volonté humaine est orientée à lavolontédivineetquec’estjustementdansle«oui»àDieuquelavolontéhumaineestpleinementlibreettrouvesaréalisation.Malheureusement, à cause du péché, ce « oui » à Dieu s’esttransforméenopposition:AdametÈveontpenséquele«non»àDieuétaitlesommetdelaliberté,laplénitudedel’être.JésussurlemontdesOliviers,ramènelavolontéhumaineàun«oui»totalàDieu;enlui,lavolonténaturelleestpleinementintégréedans l’orientation que lui donne la personne divine. Jésus vitsonexistenceàpartirducentredesapersonne:sonêtredeFilsdeDieu.Savolontéhumaineestattiréedans le«Je»duFils,qui s’abandonne totalement au Père.Ainsi Jésus nous dit quec’est seulement en conformant sa volonté à celle deDieu quel’êtrehumainatteintsavéritablehauteur,devient«divin»;c’estseulement en sortant de soi, seulement dans le « oui » àDieu

Page 39: L’Âme de la prière

que se réalise le désir d’Adam, notre désir à tous, d’êtrecomplètementlibres.C’estcelaqueJésusréaliseàGethsémani:l’hommevéritablenaîtentransférantsavolontéhumainedanslavolontédivine,etc’estainsiquenoussommesrachetés.

LeCompendiumduCatéchismedel’Églisecatholiquenousdonneunenseignementsynthétique:

« La prière de Jésus pendant l’agonie au jardin deGethsémanietsesdernièresparolessurlacroixrévèlentlaprofondeur de sa prière filiale. Jésus porte à sonachèvement le dessein d’amour du Père et prend sur luitouteslesangoissesdel’humanité, touteslesdemandesetles intercessions de l’histoire du salut. Il les présente auPère qui les accueille et les exauce au-delà de touteespérance,enleressuscitantdesmorts»(n.543).

Vraiment,«enaucunautrelieudel’Écrituresaintenousnepouvons scruter aussi profondément le mystère intérieur deJésuscommedanslaprièresurlemontdesOliviers»(JésusdeNazarethII,183).

Chaquejour,danslaprièreduNotrePère,nousdemandonsauSeigneur:

«Quetavolontésoitfaitesurlaterrecommeauciel»(Mt6,10).

Nousreconnaissonsdoncqu’ilyaunevolontédeDieuavecnousetpournous,unevolontédeDieusurnotrevie,quidoitdevenir chaque jour davantage le point de référence de notrevouloiretdenotreêtre;nousreconnaissonsensuitequec’estau«ciel»quesefaitlavolontédeDieuetquela«terre»devient

Page 40: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 41: L’Âme de la prière

Dieupuisseilluminerleurcœur;etilnousinviteàvivre,dansnotre prière, lamême attitude demiséricorde et d’amour dontDieu fait preuve ànotre égard : «Pardonne-nousnosoffensescommenouspardonnonsaussiàceuxquinousontoffensés»,disons-nous chaque jour dans le Notre Père. Dans le mêmetemps, Jésus, qui au moment extrême de la mort se remettotalemententrelesmainsdeDieulePère,nouscommuniquelacertitude que, pour autant que les épreuves soient dures, lesproblèmes difficiles, la souffrance lourde, nous ne tomberonsjamais en dehors des mains de Dieu, ces mains qui nous ontcréés, qui nous soutiennent et qui nous accompagnent sur lechemindel’existence,carellessontguidéesparunamourinfinietfidèle.

Page 42: L’Âme de la prière

D

9LesilencedeJésus

ans l’exhortation apostolique post-synodale VerbumDomini, j’avais fait référence au rôle que le silenceassumedanslaviedeJésus,surtoutsurleGolgotha:

« Nous nous trouvons ici face au “langage de la croix”(1Co1,18).LeVerbesetait,ildevientsilencedemort,carils’est“dit”jusqu’àsetaire,neconservantriendecequ’ildevaitcommuniquer»(n.12).

Face à ce silence de la croix, saintMaxime leConfesseurplacesurleslèvresdelaMèredeDieul’expressionsuivante:

«Elle est sans parole, la Parole du Père, qui a fait toutecréaturequiparle ; sansviesont lesyeuxéteintsdeceluidontlamoindreparoleetlemoindregestefaitmouvoirtoutcequiestenvie»(LaviedeMarie,n.89:Testimarianidelprimomillennio,2,Rome,1989,p.253).

La croix du Christ ne montre pas seulement le silence deJésus commesadernièreparole auPère,mais elle révèle aussiqueDieuparleàtraverslesilence:

« Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement duTout-PuissantetduPèreestuneétapedécisiveduparcoursterrestreduFilsdeDieu,Paroleincarnée.Penduauboisde

Page 43: L’Âme de la prière

lacroix, ilacrié ladouleurqu’untelsilence luicausait :“Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”(Mc 15,34 ; Mt 27,46). Persévérant dans l’obéissancejusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de lamort,Jésusa invoquélePère.C’està luiqu’ils’enremetaumomentdupassage,àtraverslamort,àlavieéternelle:“Père,entre tesmains jeremetsmonesprit”»(Lc23,46),(Exhort.ap.Post-syn.VerbumDomini,n.21).

L’expérience de Jésus sur la croix est profondémentrévélatricedelasituationdel’hommequiprieetdusommetdel’oraison:aprèsavoirécoutéetreconnulaparoledeDieu,nousdevons nous mesurer aussi au silence de Dieu, expressionimportantedelaParoledivineelle-même.

La dynamique de la parole et du silence, qui marque laprièredeJésusdanstoutesonexistenceterrestre,surtoutsurlacroix,toucheaussinotreviedeprièredansdeuxdirections.

Lapremièreestcellequiconcernel’accueildelaparoledeDieu. Le silence intérieur et extérieur est nécessaire pour quecette parole puisse être entendue. Et c’est un pointparticulièrement difficile pour nous à notre époque. En effet,notreépoquenefavorisepaslerecueillementetl’onpeutmêmeavoirparfois l’impressionqu’il existeunepeurde sedétacher,même pour un instant, du fleuve de paroles et d’images quimarquent et remplissent les journées. C’est pourquoi dansl’exhortation Verbum Domini que j’ai déjà mentionnée, j’airappelélanécessitédes’éduqueràlavaleurdusilence:

«RedécouvrirlecaractèrecentraldelaparoledeDieudansla vie de l’Église veut dire redécouvrir le sens durecueillement et de la paix intérieure.La grande traditionpatristiquenousenseigneque lesmystèresduChrist sont

Page 44: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 45: L’Âme de la prière

trouvions dans le Nouveau Testament, à la fin de laquelle,comme nous l’avons entendu, « l’endroit où ils se trouvaientréunis trembla ; tous furent alors remplisduSaint-Esprit et semirentàannoncerlaparoledeDieuavecassurance»(Ac4,31).

Avant de considérer cette belle prière, notons uncomportement de fond important : face au péril de lapersécution, la communauté ne cherche pas à savoir commentréagir,maisellesemetàprier.

Et qu’est-ce qui caractérise cette prière ? C’est une prièrecommune, de toute l'Église. Cette prière consolide l'unité. laprièreunanimeetd’unseulcœurdelacommunautétoutentière,qui est confrontée à une situation de persécution à cause deJésus.

Dans l’original grec, saint Luc utilise l’expressionhomothumadon (tous ensemble, d’un seul cœur) un mot quiapparaît dans d’autres parties des Actes des apôtres poursoulignercetteprièrepersévéranteetd’unseulcœur(Ac1,14;2,46). Cette union des cœurs est l’élément fondamental de lapremièrecommunautéetdevraitêtretoujoursfondamentalepourl’Église. À ce moment-là, ce n’est pas seulement la prière dePierre et de Jean, qui se sont trouvés en danger,mais celle detoute lacommunauté,parcequecequevivent lesdeuxapôtresne les concerne pas seulement eux, mais cela regarde toutel’Église. Face aux persécutions subies à cause de Jésus, lacommunauténonseulementnes’effraiepasninesedivise,maiselleestprofondémentuniedanslaprière,commes’ils’agissaitd’une seulepersonne,pour invoquer leSeigneur. Jediraisquececiestlepremierprodigequiseréalisequandlescroyantssontmisàl’épreuveàcausedeleurfoi:leurunitéseconsolide,aulieud’êtrecompromise,parcequ’elleestsoutenueparuneprièreinébranlable. L’Église ne doit pas craindre les persécutions,qu’elle subit forcément au cours de son histoire,mais, comme

Page 46: L’Âme de la prière

Jésus àGethsémani, elle doit garder confiance en la présence,l’aideetlaforcedeDieu,invoquédanslaprière.

Faisons un pas supplémentaire : que demande à Dieu lacommunauté chrétienne en ce moment d’épreuve ? Dans laprière, les premiers chrétiens demandent à Dieu ni d'êtredéfendus, ni de ne pas être éprouvés, ni le succès, mais depouvoir proclamer avec assurance et liberté la parole de Dieu(Ac 4,29), ce qui veut dire qu’elle prie pour ne pas perdre lecourage de la foi, le courage d’annoncer sa foi. La prièrecommuneaidelacommunautéàlirecequiarriveàlalumièredela foi et de la parole deDieu.Mais avant cela, elle cherche àcomprendreenprofondeurcequis’estpassé,ellechercheàlirelesévénementsà la lumièrede la foietelle le fait justementàtravers la parole deDieu qui nous fait déchiffrer la réalité dumonde.

Danslaprièrequ’elleélèveauSeigneur,lacommunautépartdusouveniretde l’invocationdelagrandeuretde l’immensitédeDieu:

«Maître,c’esttoiquiasfaitleciel,laterre,lamerettoutcequis’ytrouve»(Ac4,24).

C’est une invocation au Créateur : nous savons que toutvient de lui, que tout est dans ses mains. C’est dans cetteconsciencequenoustrouvonscertitudeetcourage:toutvientdelui, tout est dans ses mains. Ensuite, elle reconnaît commentDieuaagidansl’histoire–ellecommencedoncaveclacréationet continue dans l’histoire – comment il a été proche de sonpeupleensemontrantunDieuquis’intéresseàl’homme,quines’est pas retiré, qui n’abandonnepas l’homme, sa créature ; etc’est ici qu’est cité explicitement le psaume 2, à la lumièreduquelonlitlasituationdifficilequevitl’Égliseàcemoment-

Page 47: L’Âme de la prière

là.Lepsaume2 célèbre l’intronisationdu roi de Juda,mais ilfait référence, de manière prophétique, à la venue duMessie,contrequinilarébellion,nilapersécution,nilesdébordementsdeshommesnepourrontrien:

« Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vainsprojetschezlespeuples?Lesroisdelaterresesontmisencampagne et lesmagistrats se sont rassemblés de concertcontreleSeigneuretcontresonOint»(Ac4,25).

Lepsaumeditdéjàceci,demanièreprophétique,ausujetduMessie et cette rébellion des puissants contre la puissance deDieuestcaractéristiquedanstoutel’histoire.C’estjustementenlisant la sainte Écriture, qui est parole de Dieu, que lacommunautépeutdireàDieu,danssaprière:

« Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette villecontre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, pouraccomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tuavaisdéterminéparavance»(Ac4,27).

LemystèreduChristest laclénécessairepourcomprendrela persécution. L'opposition à Jésus, sa mort, font partie duprojet de Dieu pour le salut du monde. Et c’est là aussi quetrouve son sens l’expérience de persécution que la premièrecommunauté chrétienne est en train de vivre ; cette premièrecommunauté n’est pas une simple association, mais c’est unecommunautéquivitdans leChrist ; cequi luiarrive faitdoncpartiedudesseindeDieu.Commecelas’estpassépourJésus,de même les disciples rencontrent-ils l’opposition,l’incompréhension,lapersécution.Danslaprière,laméditationsurl’ÉcrituresainteàlalumièredumystèreduChristaideàlire

Page 48: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 49: L’Âme de la prière

l’écoutedelaparoledeDieu,danslacommunionavecJésusetsonÉglise.

Un deuxième élément : saint Étienne voit préannoncées,dansl’histoiredelarelationd’amourentreDieuetl’homme,lafigure et la mission de Jésus. Lui – le Fils de Dieu – est letemple«nonfaitdemaind’homme»danslequellaprésencedeDieu lePère s’est faite si prochequ’elle est entrée dans notrechairhumainepournousconduireàDieu,pournousouvrirlesportes du ciel. Notre prière doit alors être contemplation deJésusàladroitedeDieu,deJésuscommeSeigneurdenotre,demonexistencequotidienne.Enlui,sousladirectiondel’EspritSaint,nouspouvonsnousaussinousadresseràDieu,établiruncontact réel avecDieu, avec la confiance et l’abandon des filsquis’adressentàunPèrequilesaimedemanièreinfinie.

Page 50: L’Âme de la prière

L

5Laprièredel’ÉglisedeJérusalempour

Pierre

isons le dernier épisode de la vie de saint Pierrerapporté dans les Actes des apôtres : sonemprisonnementpar lavolontéd’HérodeAgrippaet sa

libération après l’intervention prodigieuse de l’ange duSeigneur,laveilledesonprocèsàJérusalem(cf.Ac12,1-17).

Lerécitestunefoisdeplusmarquéparlaprièredel’Église.Eneffet,saintLucécrit:

«TandisquePierreétaitainsigardéenprison,laprièredel’Église s’élevait pour lui vers Dieu sans relâche » (Ac12,5).

Et, après avoir miraculeusement quitté la prison, àl’occasion de sa visite à lamaison deMarie, lamère de Jean,surnommé Marc, on affirme qu’« une assemblée asseznombreuses’étaitréunieetpriait»(Ac12,12).Parmicesdeuxobservations importantes qui illustrent l’attitude de lacommunauté chrétienne face au danger et à la persécution, estrapportélerécitdeladétentionetdelalibérationdePierre,quicomprend toute la nuit. La force de la prière incessante del’Églises’élèveversDieuetleSeigneurécouteetaccomplitunelibérationimpensableetinespérée,enenvoyantsonange.

Lerécitrappellelesgrandsélémentsdelalibérationd’Israël

Page 51: L’Âme de la prière

del’esclavaged’Égypte,laPâquejuive.Commecefutlecasaucours de cet événement fondamental, ici aussi, l’actionprincipale est accomplie par l’ange du Seigneur qui libèrePierre.Etlesactionsmêmesdel’apôtre–auquelondemandedeviteselever,demettresaceintureetdechaussersessandales–imitentcellesdupeupleéludanslanuitdelalibérationàtraversl’intervention de Dieu, lorsqu’il fut invité à manger en toutehâte,lesreinsceints,lessandalesauxpiedsetlebâtonenmain,prêt à sortir du pays (cf. Ex 12,11). Ainsi, Pierre peuts’exclamer:

«Maintenant je sais réellement que leSeigneur a envoyésonangeetm’aarrachéauxmainsd’Hérode»(Ac12,11).

Mais l’ange rappelle non seulement celui de la libérationd’Israëldel’Égypte,maiségalementceluidelarésurrectionduChrist.LesActesdesapôtresrapportenteneffet:

« Soudain, l’ange du Seigneur survint, et le cachot futinondé de lumière. L’ange frappa Pierre au côté et le fitlever»(Ac12,7).

Lalumièrequiremplitlacelluledelaprison,l’actionmêmede faire lever l’apôtre, renvoient à la lumière libératrice de laPâqueduSeigneurquivainc les ténèbresde lanuitetdumal.L’invitation,enfin:«Jettetonmanteausurtesépaulesetsuis-moi»(Ac12,8),faitretentirdanslecœurlesparolesdel’appelinitialdeJésus(cf.Mc1,17),répétéaprèslarésurrectionsurlelacdeTibériade,oùleSeigneurditpardeuxfoisàPierre:

«Suis-moi»(Jn21,19.22).

Page 52: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 53: L’Âme de la prière

Dieu,l’EspritdesonFilsestdansnoscœurs,etilcrieverslePèreenl’appelant“Abba!”»(Ga4,6).

Etaucentredecechantà l’EspritSaintquiest lechapitrehuitdelalettreauxRomains,saintPaulaffirme:

« L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous desesclaves,desgensquiontencorepeur;c’estunEspritquifait devousdes fils ; pousséspar cetEsprit, nous crionsverslePèreenl’appelant:“Abba!”»(Rm8,15).

Lechristianismen’estpasunereligiondelapeur,maisdelaconfiance et de l’amour au Père qui nous aime. Ces deuxaffirmations denses nous parlent de l’envoi et de l’accueil duSaint-Esprit,ledonduRessuscité,quifaitdenousdesfilsdansleChrist,leFilsunique,etnousplacedansunerelationfilialeavecDieu,unerelationdeprofondeconfiance,commecelledesenfants;unerelationfilialesemblableàcelledeJésus,mêmesisonorigineetsonimportancesontdifférentes:JésusestleFilséterneldeDieuquis’estfaitchair,enrevanche,nousdevenonsfils en lui, dans le temps, à travers la foi et les sacrements dubaptême et de la confirmation ; grâce à ces deux sacrements,noussommesplongésdanslemystèrepascalduChrist.L’EspritSaintestledonprécieuxetnécessairequifaitdenousdesfilsdeDieu,quiréalisecetteadoptionfilialeàlaquellesontappeléstous les êtres humains car, comme le précise la bénédictiondivinedelalettreauxÉphésiens,Dieu,dansleChrist,«nousachoisisavantlacréationdumonde,pourquenoussoyons,dansl’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous ad’avancedestinésàdevenirpour luidesfilsparJésus-Christ»(Ep1,4).

L’hommed’aujourd’huineperçoitsansdoutepaslabeauté,

Page 54: L’Âme de la prière

lagrandeuretleréconfortprofondcontenusdanslemot«père»par lequel nous pouvons nous adresser à Dieu dans la prière,parce qu’aujourd’hui, la figure paternelle n’est souvent passuffisammentprésenteet, souvent, ellen’estpasassezpositivedans la vie quotidienne. L’absence du père, le problème d’unpèrenonprésentdans laviede l’enfantestungrandproblèmedenotretemps,parcequ’ildevientdifficiledecomprendredanssaprofondeurcequeveutdirequeDieuestPèrepournous.DeJésus lui-même,de sa relation filiale avecDieu,nouspouvonsapprendre ce que signifie véritablement « père », quelle est lavéritablenatureduPèrequiestdanslescieux.Descritiquesdela religion ont dit que parler du « Père » de Dieu, serait uneprojectiondenospères au ciel.Mais c’est le contrairequi estvrai :dans l’Évangile, leChristnousmontrequiest lePèreetcomment doit être un véritable père, afin que nous puissionscomprendre la véritable paternité, apprendre également lavéritablepaternité.PensonsauxparolesdeJésusdanslesermonsurlamontagne,oùildit:

« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vouspersécutent, afind’êtrevraiment les filsdevotrePèrequiestdanslescieux»(Mt5,44-45).

C’est précisément l’amour de Jésus, le Fils unique – quiparvientaudondesoisurlacroix–quinousrévèlelavéritablenatureduPère : ilest l’amour,etnousaussi,dansnotreprièredefils,nousentronsdanscecircuitd’amour,amourdeDieuquipurifienosdésirs,noscomportementsmarquésparlafermeture,la suffisance, l’égoïsme typique de l’homme ancien. Nouspourrionsdoncdirequ’enDieu,lanaturedePèrepossèdedeuxdimensions. Tout d’abord,Dieu est notre Père, parce qu’il estnotre Créateur. Chacun de nous, chaque homme et chaque

Page 55: L’Âme de la prière

femme est unmiracle deDieu, il est voulu par lui et Dieu leconnaîtpersonnellement.LorsquedanslelivredelaGenèse,ondit que l’être humain est créé à l’imagedeDieu (cf. 1,27), onveut exprimer précisément cette réalité : Dieu est notre père,pourlui,nousnesommespasdesêtresanonymes,impersonnels,maisnousavonsunnom.Ilyaunephrasedanslespsaumesquimetouchetoujours,lorsquejelaprie:

«Tesmainsm’ontfait»ditlepsalmiste(Ps118,73).

Chacundenouspeutdire,danscettebelleimage,larelationpersonnelleavecDieu:

«Tesmainsm’ontfait,tum’aspenséetcrééetvoulu.»

Maiscelanesuffitpasencore.L’EspritduChristnousouvreàunedeuxièmedimensiondelapaternitédeDieu,au-delàdelacréation,carJésusestle«Fils»ausensplénier,«delamêmesubstancequelePère»commenousprofessonsdansleCredo.Endevenantunêtrehumaincommenous,àtraversl’incarnation,lamortet la résurrection, Jésusnousaccueilleàson tourdansson humanité et dans sa conditionmême de Fils ; ainsi, nouspouvons entrer nous aussi dans son appartenance spécifique àDieu.Assurément, notre condition de fils deDieu ne possèdepas la même plénitude que Jésus ; nous devons le devenirtoujoursdavantage, le longducheminde toutenotreexistencechrétienne, en grandissant à la suite de Jésus, dans lacommunionavec luipourentrer toujoursplus intimementdansla relation d’amour avecDieu le Père, qui soutient la nôtre etdonne son sens véritable à la vie. C’est cette réalitéfondamentale qui nous est révélée quand nous nous ouvrons àl’EspritSaintetilnousfaitnousadresseràDieuenluidisant:

Page 56: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 57: L’Âme de la prière

pourrésisteretpourfairecequidoitêtrefait.»

Celavautégalementpournous.LeSeigneurnenouslibèrepasdesmaux,maisnousaideàmûrirdanslessouffrances,danslesdifficultés,danslespersécutions.Lafoinousditdoncque,si nous demeurons en Dieu, « même si en nous l’hommeextérieur va vers sa ruine, s’il y a tant de difficultés, l’hommeintérieur se renouvelle,mûrit de jour en jourprécisémentdanslesépreuves»(cf.v.16).L’apôtrecommuniqueauxchrétiensdeCorinthe et également à nous que « nos épreuves du momentprésentsontlégèresparrapportaupoidsextraordinairedegloireéternelle qu’elles nous préparent » (v. 17). En réalité,humainementparlant,lepoidsdesdifficultésn’étaitpasléger,ilétait très lourd ; mais par rapport à l’amour de Dieu, à lagrandeurdufaitd’êtreaimédeDieu,ilapparaîtléger,ensachantquelevolumedelagloireseradémesuré.Donc,danslamesureoùnotreunionavec leSeigneurcroît etoùnotreprière se faitintense,nousaussinousallonsàl’essentieletnouscomprenonsquecen’estpaslapuissancedenosmoyens,denosvertus,denos capacités qui réalise le royaume de Dieu, mais que c’estDieu qui opère des merveilles précisément à travers notrefaiblesse, notre inaptitude à la tâche.Nous devons donc avoirl’humilitédenepasnousreposersurnosseulesforces,maisdetravailler,avecl’aideduSeigneur,danslavigneduSeigneur,ennousconfiantàluicommedefragiles«vasesd’argile».

Saint Paul rapporte deux révélations qui ont radicalementchangé sa vie. La première – nous le savons – est la questionbouleversantesurlaroutedeDamas:

«Saul,Saul,pourquoimepersécuter?»(Ac9,4).

C’est une question qui l’a conduit à découvrir et à

Page 58: L’Âme de la prière

rencontrerDieuvivantetprésent,etàentendresonappelàêtreapôtre de l’Évangile. La deuxième sont les paroles que leSeigneur lui a adressées dans l’expérience de prièrecontemplativesurlaquellenousréfléchissons:

«Magrâcetesuffit:mapuissancedonnetoutesamesuredanslafaiblesse.»

Seule la foi, la confiance dans l’action de Dieu, dans labontédeDieuquinenousabandonnepas,estlagarantiedenepastravaillerenvain.Ainsi,lagrâceduSeigneuraétélaforcequi a accompagné saint Paul dans ses efforts immenses pourdiffuserl’ÉvangileetsoncœurestentrédanslecœurduChrist,en devenant capable de conduire les autres vers celui qui estmortetestressuscitépournous.

Dans la prière, nous ouvrons donc notre âme au Seigneurafin qu’il vienne habiter notre faiblesse, en la transformant enforce pour l’Évangile. Et le verbe grec avec lequel Paul décritcettedemeureduSeigneurdanssonhumanitéfragileestrichedesignification:ilutiliseletermeepiskenoo,quenouspourrionstraduirepar«plantersatente».LeSeigneurcontinuedeplantersa tente parmi nous, au milieu de nous : c’est le mystère del’incarnation.LemêmeVerbedivin,quiestvenudemeurerdansnotrehumanité,veuthabiterennous,planter sa tenteennous,pourilluminerettransformernotrevieetlemonde.

L’intensecontemplationdeDieuexpérimentéeparsaintPaulrappelle celle des disciples sur le mont Tabor, quand, voyantJésussetransfigureretresplendirdelumière,Pierreluidit:

« Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressonsdonc trois tentes : une pour toi, une pourMoïse et unepourEli»(Mc9,5).

Page 59: L’Âme de la prière

«Defait,ilnesavaitquedire,tantétaitgrandeleurfrayeur»ajoute saint Marc (v. 6). Contempler le Seigneur est, dans lemême temps, fascinant et terrible, fascinant parce qu’il nousattireàluietravitnotrecœurverslehaut,leportantàsahauteuroù nous faisons l’expérience de la paix, de la beauté de sonamour ; terrible parce qu’ilmet à nu notre faiblesse humaine,notre inaptitude, la difficulté de vaincre leMalin qui menacenotrevie,cetteéchardeplantéeégalementdansnotrechair.Danslaprière,dans lacontemplationquotidienneduSeigneur,nousrecevons la force de l’amour deDieu et nous sentons que lesparolesdesaintPaulauxchrétiensdeRomesontvraies,quandilaécrit:

«J’enailacertitude:nilamortnilavie,nilesespritsnilespuissances,nileprésentnil’avenir,nilesastres,nilescieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien nepourranous séparerde l’amourdeDieuqui est en Jésus-ChristnotreSeigneur»(Rm8,38-39).

Dansunmondeoùnousrisquonsdenousfieruniquementàl’efficacité et à la puissance des moyens humains, dans cemondenoussommesappelésàredécouvriretàtémoignerdelapuissance de Dieu qui se communique dans la prière, aveclaquellenousgrandissonschaquejourenconfigurantnotrevieàcelleduChrist,qui–commel’affirmePaul–«aétécrucifiéàcausedesafaiblesse,maisilestvivantàcausedelapuissancedeDieu.Etnous,noussommesfaiblesenunionaveclui.Maisnous serons bien vivants avec lui à cause de la puissance deDieuàvotreégard»(2Co13,4).

Au siècle dernier, Albert Schweitzer, théologien protestantetPrixNobeldelapaix,affirmaitque«Paulestunmystiqueetriend’autrequ’unmystique», c’est-à-direunhommevraiment

Page 60: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 61: L’Âme de la prière

écritCicéron(cf.InVerrem,V,64,16).DanslacroixduChrist,l’hommeestrachetéetl’expérience

d’Adam est renversée : Adam, créé à l’image et à laressemblance de Dieu, prétendit être comme Dieu par sespropresforces,semettreàlaplacedeDieu,etilperditainsiladignité originelle qui lui avait été donnée. Jésus, en revanche,était«danslaconditiondeDieu»,maisils’estabaissé,ils’estplongé dans la condition humaine, dans la fidélité totale auPère, pour racheter l’Adam qui est en nous et redonner àl’hommeladignitéqu’ilavaitperdue.LesPèressoulignentqu’ils’est faitobéissant,en restituantà lanaturehumaine,à traversson humanité et son obéissance, ce qui avait été perdu par ladésobéissanced’Adam.

Dans la prière, dans la relation avec Dieu, nous ouvronsnotre esprit, notre cœur, notre volonté à l’action de l’EspritSaint pour entrer dans cette même dynamique de vie, commel’affirme saint Cyrille d’Alexandrie, dont nous célébronsaujourd’huilafête:

« L’œuvre de l’Esprit cherche à nous transformer parl’intermédiaire de la grâce dans la copie parfaite de sonhumiliation»(lettresFestales10,4).

La logique humaine, en revanche, recherche souvent laréalisation de soi-même dans le pouvoir, dans la domination,dans des moyens puissants. L’homme continue à vouloirconstruire avec ses propres forces la tour de Babel pouratteindre par lui-même la hauteur de Dieu, pour être commeDieu. L’incarnation et la croix nous rappellent que la pleineréalisation se trouve dans la conformation de notre volontéhumaine à celle du Père, dans le fait de se vider de notreégoïsme,pournousremplirdel’amour,delacharitédeDieuet

Page 62: L’Âme de la prière

ainsidevenirvraimentcapablesd’aimerlesautres.L’hommenese trouve pas lui-même en restant enfermé en lui-même, ens’affirmant lui-même.L’hommenese retrouvequ’ensortantdelui-même;cen’estqu’ensortantdenous-mêmesquenousnousretrouvons.EtsiAdamvoulaitimiterDieu,celan’estpasunmalensoi,maisils’esttrompésurl’idéedeDieu.Dieun’estpasunêtre qui veut uniquement la grandeur. Dieu est amour qui sedonnedéjàdanslaTrinité,puisdanslacréation.EtimiterDieuveutdiresortirdesoi-même,sedonnerdansl’amour.

Danslasecondepartiedecet«hymnechristologique»delalettreauxPhilippiens, lesujetchange;cen’estplus leChrist,maisDieu lePère.SaintPaulsoulignequec’est justementparl’obéissanceàlavolontéduPèreque«Dieul’aélevéau-dessusdetout;illuiaconférélenomquisurpassetouslesnoms»(Ph2,9). Celui qui s’est profondément abaissé en prenant lacondition d’esclave, est exalté, élevé au-dessus de toute chosepar le Père, qui lui donne le nom deKyrios, « Seigneur », lasuprêmedignitéetseigneurie.Faceàcenomnouveau,eneffet,quiestlenommêmedeDieudansl’AncienTestament,«qu’auNom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout êtrevivant tombeàgenoux, et que toute langueproclame : “Jésus-ChristestleSeigneur”,pourlagloiredeDieulePère»(v.10-11). Le Jésus qui est exalté est celui de la dernièreCène, quidépose ses vêtements, se ceint d’une serviette, se penche pourlaverlespiedsdesapôtresetleurdemande:

« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vousm’appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, carvraimentjelesuis.Sidoncmoi,leSeigneuretleMaître,jevousailavélespieds,vousaussivousdevezvouslaverlespiedslesunsauxautres»(Jn13,12-14).

Page 63: L’Âme de la prière

C’estdecelaqu’ilest importantde toujoursnoussouvenirdansnotreprièreetdansnotrevie:

«L’ascensionàDieuadvientprécisémentdansladescentede l’humble service, dans la descente de l’amour, qui estl’essence deDieu et donc la force vraiment purificatrice,qui rend l’homme capable de percevoir et de voirDieu »(JésusdeNazareth,2007).

L’hymne de la lettre aux Philippiens nous offre ici deuxindications importantes pour notre prière. La première estl’invocation « Seigneur » adressée à Jésus-Christ, assis à ladroiteduPère:ilestl’uniqueSeigneurdenotrevie,aumilieude tant de « dominateurs » qui veulent l’orienter et la guider.C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une échelle de valeursoùleprimatrevientàDieu,pouraffirmeravecsaintPaul:

«Jeconsidèretoutcelacommeuneperteàcausedecebienqui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, monSeigneur»(Ph3,8).

La rencontre avec leRessuscité lui a fait comprendrequ’ilestl’uniquetrésorpourlequelilvaillelapeinedeconsacrersapropreexistence.

Ladeuxièmeindicationestlaprostration,«touslesgenouxse plient », sur la terre comme aux cieux, ce qui rappelle uneexpression du prophète Isaïe, où il indique l’adoration quetoutes les créatures doivent àDieu (cf. 45,23).LagénuflexiondevantleTrèsSaintSacrement,oulefaitdesemettreàgenouxdanslaprière,exprimentjustementl’attituded’adorationdevantDieu,égalementaveclecorps.D’oùl’importanced’accomplircegeste non par habitude et en hâte, mais avec une profonde

Page 64: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 65: L’Âme de la prière

ilpartitenvainqueur,etpourvaincreencore»(Ap6,2).

Dans l’histoire de l’homme est entré la force deDieu, quiestnonseulementenmesured’équilibrerlemal,maismêmedelebattre;lacouleurblancherappellelarésurrection:Dieus’estfaitsiprochequ’ilestdescendudansl’obscuritédelamortpourl’éclairerdelasplendeurdesaviedivine;ilaprissurluilemaldumondepourlepurifieraveclefeudesonamour.

Commentgrandirdanscettelecturechrétiennedelaréalité?L’Apocalypsenousditquelaprièrenourritenchacundenousetde nos communautés cette vision de lumière et de profondeespérance : il nous invite à ne pas nous laisser vaincre par lemal,maisàvaincrelemalparlebien,àtournernotreregardversle Christ crucifié et ressuscité qui nous associe à sa victoire.L’Églisevitdansl’histoire,elleneserefermepassurelle-même,mais elle affronte avec courage son chemin au milieu desdifficultésetdessouffrances,enaffirmantavecforcequelemalendéfinitivenevaincpaslebien,quel’obscuriténevoilepaslasplendeur de Dieu. Cela est un point important pour nous ;commechrétiensnousnepouvonsjamaisêtrepessimistes;noussavons bien que sur le chemin de notre vie nous rencontronssouventlaviolence,lemensonge,lahaine,lapersécution,maiscela ne nous décourage pas. C’est surtout la prière qui nouséduqueàvoir les signesdeDieu, saprésenceet sonaction,etplus encore à être nous-mêmes des lumières de bien, quidiffusentl’espéranceetquiindiquentquelavictoireappartientàDieu.

Cette perspective conduit à élever à Dieu et à l’agneaul’actiondegrâce et la louange : lesvingt-quatre anciens et lesquatre vivants chantent ensemble le « cantique nouveau » quicélèbre l’œuvre du Christ agneau, qui rendra « toutes chosesnouvelles » (Ap 21,5).Mais ce renouveau est tout d’abord un

Page 66: L’Âme de la prière

donàdemander.Eticinoustrouvonsunautreélémentquidoitcaractériser la prière : il faut invoquer du Seigneur avecinsistance que son Royaume vienne, que l’homme ait le cœurdocileàlaseigneuriedeDieu,quecesoitsavolontéquiorientenotre vie et celle du monde. Dans la vision de l’Apocalypse,cetteprièrederequêteest représentéeparundétail important :«Lesvingt-quatreanciens»et«lesquatrevivants»quitiennententre leurs mains, avec la harpe qui accompagne leur chant,« des coupes d’or pleines d’encens » (5,8a) qui, comme il estexpliqué, « sont les prières des saints » (5,8b), c’est-à-dire deceux qui ont déjà rejoint Dieu, mais aussi de nous tous quisommes en chemin. Et nous voyons que, devant le trône deDieu,unangetientàlamainunencensoirenor,danslequelilmetsanscessedesgrainsd’encens,c’est-à-direnosprières,dontl’odeursuaveestofferteaveclesprièresquis’élèventversDieu(cf. Ap 8,1-4). C’est un symbolisme qui exprime commenttoutes nos prières – avec toutes les limites, la difficulté, lapauvreté,lasécheresse,lesimperfectionsqu’ellespeuventavoir–sontpresquepurifiéesetatteignentlecœurdeDieu.C’est-à-direquenousdevonsêtrecertainsqu’iln’existepasdeprièressuperflues,inutiles;aucuneneseperd.Etcelles-citrouventuneréponse, même si elle est parfois mystérieuse, car Dieu estamour et miséricorde infinie. L’ange – écrit Jean – « pritl’encensoiretleremplitdufeudel’autelqu’iljetasurlaterre:il y eut des coups de tonnerre, des fracas, des éclairs et untremblementde terre»(Ap8,5).Cette imagesignifiequeDieun’est pas insensible à nos supplications, il intervient et faitsentir sa puissance et sa voix sur la terre, il fait trembler etbouleverse le système duMalin. Face aumal on a souvent lasensationdenerienpouvoirfaire,maisc’estprécisémentnotreprière qui est la première réponse la plus efficace que nouspouvons donner et qui rend plus fort notre engagement

Page 67: L’Âme de la prière

quotidienpourdiffuserlebien.LapuissancedeDieurendnotrefaiblesseféconde(cf.Rm8,26-27).

Jevoudraisconclureparquelquesmotsdudialoguefinal(cf.Ap22,6-21). Jésus répète plusieurs fois : «Voici que je vienssans tarder » (Ap 22,7-12). Cette affirmation n’indique passeulement la perspective future à la fin des temps, maiségalement la perspective présente : Jésus vient, il établit sademeure en celui qui croit en lui et l’accueille. L’assemblée,guidée par l’Esprit Saint, répète alors à Jésus l’invitationpressanteàdevenirtoujoursplusproche:

«Viens»(Ap22,17a).

Elleestcommel’«épouse»(22,17)quiaspireardemmentàla plénitude de la vie nuptiale. Pour la troisième fois revientl’invocation:«Amen!Viens,SeigneurJésus!»(22,20b);etlelecteur conclut avec une expression qui manifeste le sens decetteprésence:

« Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous leshommes»(22,21).

L’Apocalypse,aveclacomplexitédesessymboles,nousfaitparticiperàuneprièretrèsriche,quiapoureffetquenousaussinous écoutons, nous louons, nous rendons grâce, nouscontemplons le Seigneur, nous lui demandons pardon. Sastructure de grande prière liturgique communautaire estégalement un appel puissant à redécouvrir la chargeextraordinaire et transformatrice que possède l’eucharistie ; jevoudraisenparticulierinviteravecforceàêtrefidèlesàlamessedominicalelejourduSeigneur,ledimanche,véritablecentredelasemaine!Larichessedelaprièredansl’Apocalypsenousfait

Page 68: L’Âme de la prière

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 69: L’Âme de la prière

1.LaprièredeJésus

2.L’Hymnedejubilation

3.LesguérisonsdeJésus

4.LaprièredeJésuslorsdeladernièreCène

5.LaprièresacerdotaledeJésus

6.LaprièredeJésusàGethsémani

7.LaprièredeJésusaumomentdemourir

8.LestroisdernièresparolesdeJésussurlacroix

9.LesilencedeJésus

4.LaprièredanslesActesdesapôtres

1.LaprièredeMarie

2.L'EspritSaintestlaforcedel’Église

3.Ledevoirdecharitéetdejustice(lesdiacres)

4.Laprièred’Étienne,premiermartyrdel’Église

5.Laprièredel’ÉglisedeJérusalempourPierre

5.LaprièredansleslettresdesaintPaul

1.Ledondel’Esprit

2.DieuestnotrePère

3.Le«oui»fidèledeDieuetl’«amen»confiantdeschrétiens

4.Laforcedelaprière2elettreauxCorinthiens

5.Laprièredelouangeetdebénédiction

Page 70: L’Âme de la prière

6.HymnechristologiquelalettreauxPhilippiens

6.Laprièredansl’Apocalypse

1.Laprièredansl’ApocalypseI

2.Laprièredansl’ApocalypseII

7.Laprièreliturgique

1.Laliturgie,domaineprivilégiédudialogueavecDieu

2.Laprièreliturgique

Page 71: L’Âme de la prière

Cestextessontextraitsdescatéchèsesprononcées,lorsdesaudiencegénérales,place

Saint-PierreàRomeparlepapeBenoîtXVIen2011et2012.

Page 72: L’Âme de la prière

Achevéd’imprimerparXXXXXX,enXXXXX2016N°d’imprimeur:

Dépôtlégal:XXXXXXX2016

ImpriméenFrance