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L'ÉNIGME DU SQUALUS

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P I E T L E G A Y

L'ÉNIGME DU SQUALUS

COLLECTION ANTICIPATION

FLEUVENOIR

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La loi du 11 mars 1957 n'autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple ou d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1 de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© 1992, Éditions Fleuve Noir

ISBN ; 2-265-04726-0 I S S N : 0768-3014

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AVERTISSEMENT

Le drame du Squalus ne pouvait, certes, rester ignoré. Mais ce qui s'est réellement passé à bord du malheureux spacetanker n'aurait jamais dû être dévoilé.

A aucun prix ! Il est des vérités dangereuses à médiatiser, surtout lors-

qu'elles peuvent engendrer la panique absolue. L'effroyable tragédie du Squalus dépasse l'entende-

ment ; pour la première fois de son Histoire, le monde des humains se heurtait à l'irrationnel, à l'inconcevable, à ce que rien de connu ne pouvait expliquer.

Pour tous ceux qui ont enduré cette abominable épreuve et qui ont eu la chance d'y survivre, l'angoisse hantera le reste de leur vie, jour après jour, nuit après nuit.

Fallait-il révéler cela au monde entier ? Celui qui a conçu la folle décision de rendre publique

l'effrayante fin du Squalus a pris là une bien lourde res- ponsabilité.

P. LEGAY.

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CHAPITRE PREMIER

— « Et nous irons à Lakkméra trousser les filles aux cheveux bleus ! La chaleur de leur corps... »

— Oh ! Arrête, Allyson, arrête cette vieille rengaine ! — C'est quoi votre problème ? Vous n'aimez pas la mu-

sique ? s'exclama l'homme dont l'opulente chevelure rousse et bouclée dessinait une étrange tache couleur feu dans l'étroit cockpit.

— Quelle musique ? mugit Ray Kimber qui avait un mal de chien à ne pas s'écrouler de sommeil. Tu appelles ça de la musique !

Ted Allyson s'étira et poussa un long bâillement sonore : — A vos ordres, patron ! — Et cesse de m'appeler patron ! — Je peux tout de même respirer ? — Oui..., mais très peu alors ! ricana Ray Kimber qui

massait de l'ongle de son pouce la longue cicatrice qui lui balafrait la joue gauche.

— Eh bien, vivement qu'on apponte sur le Chattanoo- ga ; je ne supporte plus vos manière dictatoriales, rétorqua Allyson d'une voix outrée. Faudra vous trouver un autre jeunot comme souffre-douleur. Paraît qu'il y en a sept ou huit de la trente-deuxième promo de Pyria-Rex qui vien- nent d'arriver par la navette Argonaut.

Le barrissement que poussa Ray Kimber résonna dans tout l'habitacle.

— Ah ? Parce que tu t'imagines que le vieux Swayne aura la folie de te confier un intercepteur à toi tout seul ? Je sais bien qu'il est gâteux, mais tout de même, il lui arrive encore d'avoir quelques lueurs de lucidité, gloussa Kimber, féroce.

— Je vous signale que l'excom est ouvert et que tout le

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monde est en train de se tordre de rire à bord du Chatta- nooga. Sauf peut-être Swayne lui même...

— Sbrodjes ! gronda le jeune pilote en faisant basculer un jack d'une chiquenaude agacée. Pourquoi est-ce resté ouvert ?

— Les spacecom, c'est le chef de bord, non ? Allyson se renfonça encore un peu dans sa couchette et

susurra, perfide : — Affirmer sur 3200 mégahertz à tout l'univers que son

big chief, le commodore Swayne en personne, est totale- ment sénile, voilà qui risque de me libérer rapidement une place de pilote !

— Ted, tu es l'être le plus abject que j'aie jamais ren- contré ! Et machiavélique avec ça ! En fait, je crois bien que tu es pourri jusqu'à la moelle !

Kimber balaya d'un regard machinal sa planche de bord en demi-lune puis l'écran courbe. Orion, énorme, nimbait le noir cosmique de sa lugubre lumière crépusculaire.

Un beeper fit entendre son appel rythmique. — Tiens donc ! Quand on parle du loup... Sa position couchée sur le ventre lui faisait presque tou-

cher du bout des lèvres le micro encastré dans sa console. — Condor 8. J'écoute. — De Chattanooga. Position ? — Secteur 12, quadrant 7. — Estimation appontage ? — 58 minutes. — On vous attend. Le chuintement de l'onde porteuse diminua progressive-

ment, finit par s'étouffer et tout redevint silencieux. — Un type bien ce Hockeney ; incapable de dormir tant

qu'il sait un de ses intercepteurs dehors, affirma molle- ment Allyson. Dommage qu'il ait une voix à faire grincer les dents !

— Tu n'as jamais entendu la tienne ! Le malheur c'est qu'il fiche le camp ! Lui aussi en a plein le dos.

— Eh oui ! Tout le monde n'a pas une Kitty Hawk pour venir faire des galipettes dans son silo-vie !

Kimber s'empourpra et foudroya son navigateur du regard. — Je devrais te casser la figure pour ce que tu viens de

dire !

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Le navigateur du Condor 8 réalisa au brusque change- ment de voix de son chef qu'il avait dû y aller un peu fort, chercha quelque chose à dire pour s'excuser, ne trouva rien et poussa un soupir désolé. A côté de lui, Ray Kimber, vexé, avait pris sa gueule des mauvais jours et regardait fixement l'écran-relief qui reflétait la magnificence abso- lue d'un cosmos lourd d'étoiles.

A la vitesse de trente kilomètres seconde, l'intercepteur portant fièrement sur sa coque effilée le sigle A.C.R (1) se vrillait dans l'espace sidéral.

Ray Kimber et Ted Allyson avaient été catapultés du porte-intercepteurs Chattanooga, vingt-deux heures plus tôt, pour rallier entre Altaïr et Procyon une astrobalise du système Epsylon « Trafic » qui n'émettait plus son bip-bip rassurant à l'adresse des « commerciaux » en transit.

Al Swayne, commodore du Chattanooga, pensait tout comme son second l'irascible Gunsberg, que pour une rai- son ou pour une autre, le petit cœur nucléaire qui donnait l'énergie nécessaire aux différents émetteurs était tombé en panne.

Tous deux se trompaient : quand Condor 8 était arrivé en vue de la balise Epsylon, Ray Kimber et Ted Allyson avaient découvert celle-ci tourbillonnant sauvagement sur elle-même, scalpée par une météorite qui avait dû conti- nuer sa course aveugle dans la nuit cosmique. La radio- activité qui s'échappait à flots de son unité énergétique éventrée était telle qu'il n'était bien entendu pas question d'approcher et Ray Kimber avait donc procédé à sa des- truction par la frappe d'un des missiles « Styx », justement destinés à la désintégration des météorites lorsqu'elles me- naçaient les hypernefs commerciales.

Maintenant ils retournaient à bord du Chattanooga qui lui-même, remplacé à la surveillance par le porte-intercep- teurs Rorqual, rentrait sur Taggyarek, sa spatiobase orbi- tale, près des célèbres chantiers spatiaux d'Altaïr. (1) Air and Cosmic Rescue. Formation qui dépendit de la Force-G jusqu'en 2087 puis fut rattachée au Transit Spatial et spécialisée dans l'assistance des équipages en détresse. Cette formation compte actuellement une centaine de Scorpio-VII (Qui ont depuis remplacé les Condor) Elle est essentiellement disséminée le long des grands flux commerciaux et dans la « Frange ».

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N e u f m o i s de t ra jec to i re , c ' e s t long. M ê m e p o u r le p lu s m i s a n t h r o p e !

— R a y ? K i m b e r , qu i vena i t de se fa i re p r e n d r e en f l ag ran t dél i t

de s o m n o l e n c e , s o u l e v a une p a u p i è r e p a r e s s e u s e et p o u s s a un v a g u e g r o g n e m e n t , pas ce r t a in d u tout que son cop i lo t e l ' a i t appe lé .

— Je re t i re ce q u e j ' a i dit tout à l ' h e u r e su r Kit ty, vous s avez j e ne vou la i s pas v o u s o f f e n s e r et. . .

— Okay , okay , n ' e n p a r l o n s p lus ; ce t te t r a j ec to i r e n ' e n f ini t pas et tout le m o n d e f ini t p a r être su r les nerfs . M o i non p lus je n ' a u r a i s p a s dû sau te r en l ' a i r q u a n d tu m ' e n as par lé . D ' a i l l e u r s qu i p r end ra i t au sé r i eux u n r igo lo d a n s ton style ?

Ray K i m b e r ré f l éch i t un ins tant . A sa droi te , le c h r o n o - d a t e u r ind iqua i t q u ' i l res ta i t e n c o r e 28 i n t e r m i n a b l e s mi - n u t e s avan t d ' e n t a m e r la d é c é l é r a t i o n n é c e s s a i r e à

l ' a p p o n t a g e sur le C h a t t a n o o g a . « . . . E t pu i s c ' e s t vrai q u e ce t te fi l le, j e l ' a i d a n s la p e a u !

Je c ro i s b i en q u e j e suis en t ra in de m e la i sser piéger . » A l l y s o n p a s s a une m a i n m a c h i n a l e d a n s ses c h e v e u x de

feu.

— E n c o r e un cé l iba t a i r e p e r d u p o u r la cause ! M o i , j e t r o u v e ça d r a m a t i q u e !

De n o u v e a u le top m u s i c a l d u beeper . — C o n d o r 8 ?

L ' e f f r o y a b l e v o i x de H o c k e n e y . — J ' é c o u t e , C h a t t a n o o g a , é m i t b r i è v e m e n t R a y Kimber . — M e t t e z C o n d o r 8 en c o n d i t i o n p o u r u n e va r i a t i on de

cou rbu re .

— Q u o i ! s u r s a u t è r e n t K i m b e r e t A l l y s o n d ' u n e m ê m e voix .

— L a t é l édé t ec t i on v i en t d e s igna l e r un é c h o e n s ec t eu r 625 . Il v ien t ve r s vous .

— M é t é o r i t e ?

— Le c o m m o d o r e S w a y n e ne vous aura i t p a s dé rou té p o u r si peu. . . Ce t é cho a une m a s s e néga t ive au s c a n n e r d ' é v a l u a t i o n .

— U n e h y p e r n e f ? — O n le saurai t . E t pu is c ' e s t b e a u c o u p t rop r édu i t en

v o l u m e . P a r a i l leurs l a t h e r m o s o n d e a t tes te que ce corps

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es t t o t a l e m e n t f roid.

— M a i s il n ' y a p a s de co rps c r eux d a n s l ' u n i v e r s ! r é fu t a A l l y s o n qu i su iva i t t ou t e la t r ansmis s ion .

— Il n ' y a p a s de corps c reux , c o m m a n d a n t , r é p é t a K i m - ber.

— J u s t e m e n t ! C ' e s t ça qui in t r igue le c o m m o d o r e S w a y n e . P r é p a r e z - v o u s à r é c e p t i o n n e r les p a r a m è t r e s ; o n v a vous dérouter .

— Fui i i i ! s o u p i r a A l l y s o n q u e l ' a n k y l o s e g a g n a i t sur sa c o u c h e t t e ; ça , c ' e s t une r a l longe de d e u x h e u r e s au m o i n s !

— F e r m e - l a !... C h a t t a n o o g a de C o n d o r 8 : j e c o n n e c t e la cen t r a l e d e s hype r f r équen t i e l l e s . . . Top ! Vous p o u v e z émet t r e !

K i m b e r p r o v o q u a l ' e f f a c e m e n t d ' u n éc r an d ' u n reve r s de m a i n et q u e l q u e s s e c o n d e s p lu s t a rd s ' y in sc r iv i r en t les d i f fé ren tes c o m p o s a n t e s de la n o u v e l l e t r a j ec to i r e d ' i n t e r - cep t ion . A l ly son , c h a r g é de la n a v i g a t i o n , les i n t rodu i s i t i m m é d i a t e m e n t d a n s la cen t r a l e iner t ie l le et l o r s q u e K i m - ber e n v o y a le f e u vert , ce l le -c i d é c h a î n a v i n g t s e c o n d e s du ran t le f l a m b o i e m e n t des six boos te r s d e manoeuvre ; le C o n d o r e n t a m a u n e g i ra t ion si b ru t a l e q u e les d e u x p i lo t e s en eu ren t le vo i le noir. L o r s q u ' i l s r ep r i r en t l ' u s a g e de leurs sens , le p u i s s a n t i n t e r cep t eu r fonça i t dé j à d a n s le s i l ence le p lus abso lu vers le m y s t é r i e u x corps en dé r ive q u e son r ada r ne dé t ec t a q u e d o u z e m i n u t e s p lu s tard.

— Vas-y, Ted : s igna le - l eu r q u ' o n t ient la bes t io le ! — C h a t t a n o o g a de C o n d o r 8 ? Visue l e s t i m é trois mi -

nutes .

— R a p p e l e z e n f inale . B a s c u l a n t les b o o s t e r s de m a n œ u v r e e n p o s i t i o n ré t ro ,

K i m b e r c o m m e n ç a à r a l en t i r p o u r c a l q u e r sa v i tesse sur cel le du m o d u l e i nconnu .

— Ç a y est ! Je le t iens su r le C .B.S . R e g a r d e , T e d : il tourne .

Le C o n d o r s ' é t a i t m a i n t e n a n t a s sez r a p p r o c h é p o u r que son r a d a r r évè le en t ro is d imens ions , au mi l i eu de son éc ran sphér ique , l ' é c h o t rès f lou e n c o r e d ' u n m o b i l e en g i ra t ion lente sur l u i - m ê m e .

R a y K i m b e r se p i n ç a u n m o m e n t le nez , les y e u x à d e m i - fe rmés , d i s séquan t m e n t a l e m e n t la s i lhoue t te don t les

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contours se précisaient au fur et à mesure que l 'intercep- teur s 'en approchait.

— Ça ! c 'est un vaisseau, j ' en donnerais ma main à cou- per. Rien d 'un astéroïde, ce truc.

Allyson afficha une moue dubitative. — Si petit ? Plus petit que nous ? Troublé, Ray Kimber secoua la tête. — Ça semble symétrique... et plutôt aplati, avec un

dôme. Curieux... Allyson accentua en vain le contraste de l 'écran-globe ;

le mystérieux mobile, dont l ' image virtuelle occupait le centre, se colorait graduellement d'une lueur argentée.

— Qu'est-ce que vous en pensez, patron ? — Débris d 'hypernef ; probablement l 'astrodôme d 'une

YC-10. — Un vaisseau foudroyé par une météorite ? — Ça c 'est déjà vu, non ? — Sans un seul appel de détresse ? — Parce que c'est un clandestin ; une de ces compa-

gnies fantômes comme la Solarco, la Galactic Liner ou la Golden Transtellar qui n 'ont jamais eu tellement envie qu 'on mette le nez dans ce qu'ils transportent et dont tous les spationefs, jamais révisés, ne tiennent que par la pein- ture ! Pour eux des familles de colons, du minerai d'exoti- tane ou de la chair à saucisse, c 'est tout comme !

Un rien tendu, le navigateur acquiesça ; c 'était si tragi- quement vrai en cette année 2092.

Depuis que la colonisation avait été enfin ouverte vers Procyon et surtout les mines de cyrillium d'Arcturus, une foule d'aventuriers de tout poil se ruait dans la brèche ouverte, doublant l'A.P.H.G (1) pour convoyer à prix d 'or d'innocents colons ou des matières prohibées et notam- ment des armes, sur les nouvelles terres. A coté de cette ruée vers les étoiles, l 'épopée du FarWest n 'avait été que du pipi de chat, disait-on !

Le Condor s 'enroba une seconde fois d 'une chevelure de flammes rugissantes et les deux hommes eurent, comme à l 'accoutumée, la sensation de s'engloutir dans leur filet magnétique.

(1) Agence pour le Peuplement Harmonique de la Galaxie (Taggyarek).

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— D e p lus en p lus é t range , m u r m u r a K i m b e r , ça ne res- s e m b l e à r ien de connu . D i s t ance , Ted ?

Le n a v i g a t e u r i n t e r r o g e a le t é l émè t r e - l a se r qu i ba l aya i t le v ide au -des sus de leur tête. Sur l eu r d ro i te , O r i o n res- s e m b l a i t à u n œi l géan t les é p i a n t d ' u n r e g a r d f ixe et t éné - b r e u x .

— C i n q u a n t e bo rnes , p r é c i s a le r o u q u i n au m o m e n t où le radar , don t le f a i s ceau de b a l a y a g e vena i t de pe r cu t e r le m y s t é r i e u x mob i l e , en res t i tua i t u n e i m a g e h o l o g r a p h i q u e p r e s q u e par fa i te . Je cro is que. . . O h ! B o n Dieu .

Son e x c l a m a t i o n ava i t é té si t on i t ruan te que , c o u c h é à côté de lui, K i m b e r en ava i t sursauté .

— Ça, j e sais ce que c ' e s t : r e g a r d e ! U n m o d u l e E m e r - gency.

R a y K i m b e r a t t end i t que l ' i m a g e v i r tue l l e a i t de n o u - v e a u fai t u n t o u r c o m p l e t sur e l l e - m ê m e , la d i s s é q u a n t avec au tan t d ' a p p r é h e n s i o n q u e si e l le al lai t s o u d a i n lui sau te r au v isage .

— Exact . . . , c ' e s t u n m o d u l e E. Et en pe rd i t ion encore . L ' œ i l r o u g e de l ' e x c o m s ' i l l umina . L a d é s a g r é a b l e vo ix

r a u q u e e t m é t a l l i s é e de H o c k e n e y éc l a t a peu ap rès : — D e C h a t t a n o o g a . Vous d e v i e z r a p p e l e r en v isuel ,

v o u s ne l ' a v e z pas fait. Q u ' e s t - c e que c ' e s t ? A la d i s tance où se t rouva i t e n c o r e le po r t e - in t e r cep -

teurs , l ' é c h o du C o n d o r et ce lu i de sa c ib le d e v a i e n t m a i n - t enan t appara î t r e c o n f o n d u s .

R a y K i m b e r se rac la la go rge tandis q u ' u n e n o u v e l l e f l a m m e de p lu s i eu r s k i l o m è t r e s de long t issai t p e n d a n t d o u z e s econdes une éb lou i s san t e r iv iè re d a n s le s i l lage de l ' a p p a r e i l , neu t r a l i s an t avec une p réc i s ion sans fai l le ce qui lui res ta i t de v i tesse .

— U n m o d u l e E, mons ieur . U n s i lence, pu i s de n o u v e a u la vo ix âpre du c h e f des

p i lo tes : — Q u e l s p a t i o n e f ? — ' S a i s pas encore , monsieur . . . Je rappe l le ra i . L ' œ i l r o u g e s ' é t e i gn i t à regre t et K i m b e r p e n s a que ce

q u ' i l vena i t de d i re deva i t c o m m e n c e r à faire son pe t i t e f fe t dans tout le C h a t t a n o o g a . Du c o u p il se sent i t t ou t exc i té !

— C u r i e u x q u ' i l n ' a i t m ê m e pas e n v o y é de m e s s a g e

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d ' a l e r t e ou m ê m e s e u l e m e n t b r a n c h é sa ba l i se a u t o m a -

t ique , s ' é t o n n a A l l y s o n . M ê m e son r a d i o p h a r e n ' e s t p a s réac t ivé .

— C ' e s t peu t - ê t r e u n t rès v i e u x m o d u l e E qui o rb i te d e p u i s d e s d é c e n n i e s a u t o u r d ' O r i o n . . . D e s d r a m e s , d a n s le coin, il y en a eu à la pe l l e et la p l u p a r t on t é té s o i g n e u s e - m e n t t e n u s secre t s p o u r ne p a s a f fo le r les c a n d i d a t s à l ' é m i g r a t i o n . C ' e s t p lu tô t m a l pavé , le s ec t eu r : u n v ra i c ime t i è re , ici !

K i m b e r c o n n e c t a tous les p h a r e s de r e c h e r c h e e t s c ru ta l ' o m b r e v io le t te . M o i n s de t ro is m i n u t e s p lu s t a rd u n pe t i t p o i n t é t i nce l a sous les f a i s c e a u x c o n v e r g e n t s et g ros s i t d o u c e m e n t j u s q u ' à ce q u e C o n d o r a d o p t e u n e t r a j ec to i r e r i g o u r e u s e m e n t i den t ique à ce l le d u m o b i l e q u ' i l s ' é t a i t c h a r g é de pister.

R i v é à sa c o u c h e t t e , T e d A l l y s o n a p p e l a p l u s i e u r s fois p a r a c q u i t de c o n s c i e n c e sur la f r é q u e n c e de dé t resse . E n vain. P e r s o n n e n e r é p o n d a i t p lu s à bord .

— Eh, r egarde . . . Le sas d ' e x p u l s i o n es t r e s t é o u v e r t ; ils l ' o n t é v a c u é . Il n ' y a p lu s p e r s o n n e d e p u i s be l l e lure t te d a n s ce t te v ie i l l e bo î t e !

— Et u n j o u r u n c o m m e r c i a l s ' é v e n t r e r a sur ce fou tu m o d u l e E. A force d ' a b a n d o n n e r des t rucs dans l ' e s p a c e , p e r s o n n e n ' o s e r a p lu s y c i rculer . Ç a c ' e s t dé j à vu a v e c le R e n o w n , r appe l l e - to i , il...

— C h a t t a n o o g a ? C o n d o r 8 ! C ' e s t b i en u n m o d u l e E. Il est a b a n d o n n é . S a v i t e s se o rb i ta le es t de d ix -hu i t k i l o m è -

t res s econde , ce qu i lui c o n f è r e u n e orb i te g é o s t a t i o n n a i r e a u t o u r d ' O r i o n p o u r p lus i eu r s s iècles .

— C o n d o r ? Ici d i r e c t e u r d ' a p p o n t a g e H o c k e n e y , le c o m m o d o r e dés i r e v o u s pa r l e r !

— K i m b e r ? ( L a v o i x e n r o u é e d u v i eux S w a y n e . ) A q u e l appa re i l a p p a r t e n a i t ce m o d u l e E ?

— A u c u n e idée. L e s t é l é p a l p e u r s n e d i sen t r i en ; il t ou rne l e n t e m e n t su r l u i - m ê m e , d é s e m p a r é . M a i s il a é té a b a n d o n n é : la c o u p o l e d u sas de sor t ie a m ê m e é té la i ssée ouve r t e .

— A v e z - v o u s i n t e r rogé le s c a n n e r d ' é v a l u a t i o n et l a t h e r m o s o n d e ?

— Oui , c o m o d o r e : a u c u n e act iv i té t h e r m i q u e , b io log i - que , r a d i o é l e c t r i q u e ou nuc léa i re . C ' e s t une t rès v ie i l le

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épave . — P o u v e z - v o u s p r o c é d e r à sa de s t ruc t i on ? — Je dev ra i m ' e n é c a r t e r d a n s ce cas. . . s inon je saute

avec .

U n s i lence . Ju s t e le c h u i n t e m e n t de la po r t euse . Ray K i m b e r t end i t l ' o re i l l e . Ses y e u x irr i tés le p i q u a i e n t a t ro- c emen t , sans dou te à fo rce de f ixer sa ba t t e r i e d ' é c r a n s ; après tout, ce la fa isa i t v i n g t - c i n q heures q u ' A l l y s o n et lui se t rouva ien t sur t r a jec to i re !

— Ted ? R é a c t i v e un S tyx , o n v a le s h o o t e r à t ren te mi l le mè t res , h i s to i re de se faire des cha leurs .

— U n j o u r o n se p r e n d r a u n éc la t d a n s les d e n t s et vous se rez c o n t e n t ! p ro t e s t a le n a v i g a t e u r e n s o u l e v a n t un pe t i t bo î t i e r ve r rou i l l é p a r u n c a c h e de p r o t e c t i o n rouge .

— C o n d o r ? C h a t t a n o o g a . Ici c o m m a n d a n t H o c k e n e y . C o n t r o r d r e : le c o m m o d o r e S w a y n e o r d o n n e d ' a l l e r à b o r d de ce m o d u l e E. Il veu t à tout p r ix savoi r à que l v a i s s e a u m è r e il appar tena i t .

R a y K i m b e r c o n t r a c t a ses max i l l a i r e s et fit une g r i m a c e à l ' a d r e s s e d ' A l l y s o n , qu i conna i s sa i t p a r f a i t e m e n t son a- v e r s i o n p r o n o n c é e p o u r les sor t ies dans l ' e s p a c e depu i s q u ' u n jour , p r è s de R é g u l u s , la pou t r e l l e d ' u n py lône m a - g n é t i q u e l ' a v a i t l é g è r e m e n t heur té e t q u ' i l avai t b i en fai l l i se sa te l l i ser à tou t j a m a i s au tou r du p lané to ïde . S o n an- go i s se n ' a v a i t du ré q u e d e u x longues heures , le t e m p s q u ' o n s ' a p e r ç o i v e de son absence , q u ' o n sonne le b ran le - bas et q u ' o n le re t rouve . M a i s ces heures , p o u r lui, ava i en t duré d e u x s ièc les en t ie r s et m ê m e plus. A lo r s b i en sûr, depuis , les ba l ades d a n s le vide. . .

— Sbrod jes ! Sb rod j e s ! D ' h a b i t u d e le n o m d u v a i s s e a u m è r e est pe in t en g rand en supe r s t ruc tu re , maugréa - t - i l

— Ce qu i p r o u v e b i en q u e c ' é t a i t un s a lopa rd de c lan- dest in .

— A quo i tu vo is ça , Ted ? — Avec la gueu le q u ' i l a cet E m e r g e n c y , j e pense que. . . — De C h a t t a n o o g a : vous a v e z cap té ? — Reçu , C h a t t a n o o g a . J ' y vais , se b o r n a à r é p o n d r e R a y

K i m b e r don t la v o i x ava i t b e a u c o u p de pe ine à ne p a s t rah i r son é v i d e n t m a n q u e d ' e n t h o u s i a s m e .

Il se dessang la , s ' é l e v a avec l en teu r au -des sus de sa couche t t e et cou l a u n r ega rd torve en d i r ec t ion d ' A l l y s o n .

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— Je te ju re que si j e d e v i n e un seul sour i r e sur t a v i la ine face de rat , a lors , sûr, tu m ' a c c o m p a g n e s . E t à po i l !

— Et qui a s su re ra les l i a i sons , p a t r o n ? — Ta g rande g u e u l e suf f i ra b i e n ! D ' u n e s imple p o u s s é e , R a y K i m b e r r e c u l a en f lo t tant

d o u c e m e n t j u s q u ' à l ' e n t r é e de l ' é t r o i t t unne l qu i p e r m e t - tait d ' a c c é d e r au c o m p a r t i m e n t - p r o p u l s e u r o u à la c o n s o l e de tir.

Les s c a p h a n d r e s de sor t ie é t a i e n t s tockés près du sas. A u c u n e r ad ia t ion ne s ' é c h a p p a n t de l ' é p a v e , il cho i s i t u n T-2 soup le et en t repr i t , a v e c fo rce c o n t o r s i o n s , de se c o u l e r à l ' in té r ieur . D è s q u ' i l eu t ve r rou i l l é la bu l l e de t r a n s l u d sur ses g l i ss iè res , il souf f l a d a n s la pa s t i l l e -mic ro .

— Essa i radio . O u v e r t u r e sas intér ieur .

— Okay , pa t ron . Je pou r r a i s avec un seul aux i l l i a i re ten- t e r de m e r a p p r o c h e r un p e u du m o d u l e E et...

— N e t o u c h e su r tou t à r ien, m a l h e u r e u x ! Tu serais b i en f i chu d ' a l l e r t ' é c r a b o u i l l e r d e s s u s !

D e p u i s sa couche t t e , A l l y s o n p r o v o q u a le s o u l è v e m e n t de l ' é cou t i l l e in té r ieure .

— Vous m e s o u s - e s t i m e z , pa t ron . — H é l a s n o n ! Vas-y : d é p r e s s i o n ! K i m b e r s ' i n t r o d u i s i t d a n s l ' é t ro i t cy l i nd re e t aba i s sa

l ' é p a i s p a n n e a u de p l a s t a c i e r de r r i è r e lui ; l ' a i r fusa lon- g u e m e n t , asp i ré pa r les c o m p r e s s e u r s . Pas q u e s t i o n de pe r - d re u n e seu le m o l é c u l e d ' o x y g è n e si lo in du por te - i n t e r cep teu r s , ni n o n p lu s de fa i re u n e « s o r t i e - c a n o n » en l a i s san t ne se ra i t -ce q u ' u n a t o m e d ' a i r d a n s le D a v i s !

— O u v e r t u r e sas e x t é r i e u r !

G r a d u e l l e m e n t , l ' é p a i s p a n n e a u de z e r m i u m s ' e s c a m o t a d a n s le b l i n d a g e an t i r ad ia t ion d u Condor . L e s den t s ser- rées , K i m b e r s ' e n é c h a p p a c o m m e u n l u d i o n e t c o n n e c t a son n a v i j e t dorsal .

— Ted ? Tu m e vois ? Tu m e vois , d is ? L ' œ i l r o n d d ' u n c a p t e u r ja i l l i t c o m m e un c h a m p i g n o n

ho r s de la c o q u e épa i sse , se b r a q u a su r lui et son axe op t i que n e le qu i t t a p lus .

— Ç a vous r a s su re , h e i n ? g o u a i l l a le rouqu in . — Va au d iab le !

— E h ! eh ! E t si j ' y a l la is p o u r de b o n ?

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— Ta car r iè re s ' a r r ê t e r a i t en m ê m e t e m p s que la m i e n n e , p a u v r e d e m e u r é !

K i m b e r sent i t le c o u p de p i e d hab i tue l l o r sque l ' a z o t e fu sa e n u n e d o u b l e r iv iè re g l acée d a n s ses reins . Il eu t l ' i m p r e s s i o n de s ' é c a r t e r à une v i tesse p r o d i g i e u s e du C o n d o r don t la c o q u e eff i lée in t e rposa i t une o m b r e r a s su - ran te en t re lui e t l ' é n o r m e g lobe ve rdâ t r e d ' O r i o n .

M o i n s d ' u n e cen t a ine de s e c o n d e s lui fu ren t n é c e s s a i r e s

p o u r c o u v r i r l a d i s t ance qu i sépa ra i t son i n t e r c e p t e u r de la m i n u s c u l e épave . Il neu t r a l i s a son iner t ie et s ' a c c r o c h a de ses m a i n s gan tées au d é f l e c t e u r d u t rès r u d i m e n t a i r e p ro- p u l s e u r de c a t a p u l t a g e (1) q u ' i l é t re ign i t c o m m e un nau f ra - gé sa bouée .

Il c o g n a en f in la v i t re de son c a s q u e con t r e l ' é t r o i t hu- b lo t -meur t r i è r e ; il fa i sa i t n o i r à l ' i n t é r i e u r de l ' h a b i t a c l e et il ne d i s t i ngua r ien.

— Ted ? Tu m ' e n t e n d s ?

— Pa rb leu , vous souf f lez c o m m e u n p h o q u e ! — Il n ' y a p lus a u c u n e éne rg ie d ' a u c u n e sor te ici, c ' e s t

b i en d ' u n e viei l le é p a v e d o n t il s ' ag i t . — C h a t t a n o o g a a r e d e m a n d é le n o m de. . . — A h ! J ' y a r r ive ! J ' y a r r ive ! U n e m i n u t e ! — C ' e s t q u e H o c k e n e y v i en t de rappeler . — S ' i l t r ouve que ça ne va pas a s sez vi te , il n ' a q u ' à

ven i r l u i -même . . . E n p lus la c l i m ' de m o n s c a p h a n d r e v i en t de lâcher , j e suis dans une c o c o t t e - m i n u t e !

Sen t an t la sueu r i m b i b e r l e n t e m e n t son surpl i s de ca- bine, K i m b e r s ' a p p r o c h a du sas e n t r o u v e r t q u ' i l a c h e v a d e ba scu l e r e n t i è r e m e n t d ' u n e p o u s s é e p ruden t e . Il avai t dû y avoi r e n c o r e u n p e u d ' a i r l o r s q u ' i l ava i t é té ouve r t et les g o n d s r e s t a i en t e m p e r l é s d ' u n e m i n u s c u l e pe l l i cu l e de g lace d o n t des f r a g m e n t s sc in t i l lan ts s ' é c h a p p è r e n t c o m m e des d i aman t s .

K i m b e r pa s sa la tê te à l ' i n t é r i e u r et enca s t r a ses épau l e s dans l ' é t ro i t m o d u l e c a p a b l e p e n d a n t v i n g t h e u r e s d ' a s s u - re r la survie de qua t r e h o m m e s tassés cô te à cô te sur deux n iveaux .

(1) Le petit propulseur des modules Emergency, du type « Launch », n'est conçu que pour permettre l'expulsion en catastrophe d'un vaisseau mère en perdition et ne dispose que de douze secondes d'autonomie. (Carburant- plaquette classique.)

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dix-huit secondes. Ted Allyson réalisa alors ce que voulait faire Kimber et

secoua la tête ; il fallait être totalement fou pour tenter une telle chose, ou bien alors...

Le sourire de Kitty lui revint en mémoire. Voilà ce qui dopait Ray Kimber. Il ne pouvait y avoir d'autre explica- tion à une telle folie.

— Ici 8, il semblerait que la sphère lumineuse qui « dé- fend » l'approche du spacetanker ne réagisse qu'à certains stimuli. Mon intention est d'apporter la preuve qu'on peut en approcher en navijet sans provoquer son attaque. Si je réussis, tous les Condor s'approcheront au plus près et débarqueront leurs gardes.

Kimber passa une langue rapide sur ses lèvres sèches comme de l'amadou.

— Dans le cas contraire, le commandement reviendra au Condor 27, pilote Berhik, qui rendra compte au Chatta- nooga.

— J'espère que vous savez ce que vous faites ! s'excla- ma une voix anonyme qui, à cause de l'accent chantant de Tychar, devait être celle du jeune Téwanee, « l'homme qui n'avait jamais eu l'occasion de tirer un Styx ».

Sans répondre, Kimber se dessangla, évitant le regard effaré de Ted Allyson. D'une poussée de la main, il s'éleva au-dessus de sa couchette, se laissa flotter jusqu'au sas et rafla un des casques au passage.

— A tout de suite, promit-il, grimaçant un sourire qui ne fut qu'une horrible grimace.

— Patron ! Sans pouvoir se retourner à cause du harnais qui le ri-

vait à sa couchette, Ted Allyson levait les deux mains au- dessus de sa tête rousse, index et majeur croisés.

Le panneau arrière s'enfonça dans les flancs blindés ; Kimber eut un véritable haut-le-cœur en découvrant l'im- mensité du vide cosmique béant sous lui. La folie de ce qu'il allait entreprendre lui sautait au visage maintenant ! Jamais il ne passerait la mortelle barrière de ce champ de forces tourbillonnantes dont la puissance semblait sans li- mites.

Le pouls à 150 et l'estomac en plomb, il bascula et dut un moment lutter contre l'envie poignante de renoncer. Le

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jet d'azote glacé pulsa quelques secondes, juste le temps de lui imprimer l'impulsion nécessaire pour plonger vers la sinistre épave.

Celle-ci semblait être devenue un véritable monde à elle toute seule lorsqu'au bout d'une terrifiante descente aux enfers il annula son élan pour étudier à bonne distance le rythme de la boule de feu. A chaque instant, il avait redou- té la voir brutalement ricocher, comme elle savait si bien le faire, jaillir vers lui et l'anéantir en une fraction de seconde. Mais, tel un dangereux frelon tournant sans fati- gue autour d'une ruche, elle continuait son impression- nante noria.

« Dix-huit secondes, il a dit dix-huit secondes... » Elle fulgura sous lui à environ cent mètres, continua ses

torsades vers la centrale de télépilotage, revint aussitôt, l'éclaboussant de lumière, fila vers le photonique qu'elle entoura d'un anneau de feu, se rapprocha de nouveau...

« Elle ne me « sent » pas... Elle ne « sait » pas que je suis là ! »

Évoluant dans un état second, proche de la transe hypno- tique, devinant que toutes les vidéos des Condor avaient dû zoomer sur lui, Kimber inspira un grand coup l'air cuivré de son scaphandre, attendit le passage de l'effrayant nœud de forces et se rua vers le Squalus de toute la déri- soire puissance de sa minuscule tuyère.

« Dix-huit secondes !... Dix-huit secondes !... Pas une de plus ! Dix-huit secondes... »

Un cauchemar ! Dix secondes ne s'étaient pas écoulées que le mons-

trueux champ de forces semblait déjà avoir atteint son point extrême et revenir vers lui comme si, mis en alerte, il venait encore de doubler sa vitesse. Face à lui le récep- tacle arrière et son cercle de peinture fluo grandissait sans cesse ; il commençait à discerner les gardes, stupéfaits, qui l'observaient derrière la bulle de leur casque. (Sans doute pensaient-ils que si lui réussissait à atteindre l'épave, eux pourraient s'en échapper !)

Aveuglant, le tournoiement lumineux commença à se rapprocher.

Kimber eut soudain l'impression que les sombres parois blindées lui sautaient au visage ; il bascula ses évents et

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vida en catastrophe la moitié de son navijet pour s'amortir, ce qui ne l'empêcha pas de percuter brutalement, face en avant, le pont-réceptacle et d'y rester un long moment, à quatre pattes, presque groggy, se demandant comment la bulle de lympar de son casque avait pu résister à un tel choc.

Des bravos claquèrent en rafale dans son casque à l'ins- tant précis où l'effrayante sphère fulgurait au-dessus de lui avant d'aller tourbillonner vers la zone des cœurs radioac- tifs.

A genoux sur la carapace glacée, Kimber n'osait bouger ni même admettre qu'il avait réussi ! L'impitoyable « sen- tinelle » pouvait donc détruire en une fraction de seconde un puissant Condor sans en laisser un seul atome, échap- per elle-même aux explosions nucléaires, être indestructi- ble, il n'en demeurait pas moins qu'elle ne pouvait « voir » un fragile humain voletant comme une mouche maladroite à quelques dizaines de mètres d'elle.

— Ici... ici Kimber, haleta-t-il d'une voix qu'il s'efforca de rendre ferme... Que les gardes de Condor 8 me rejoi- gnent. Seulement eux. Que les autres se préparent.

Levant les yeux vers l'effrayant gouffre cosmique, il distingua, très loin de lui, telles de minuscules comètes scintillantes, ses Condor manœuvrant à longs jets de flammes rousses, pour se rapprocher du Squalus.

Brutalement éclairé en lumière écarlate par un nouveau passage de la boule de feu, Kimber oscilla vers le sas 28. Deux des gardes de Khyar avaient enfin réussi à se faire écluser à l'intérieur du tanker ! Les deux autres attendaient leur tour.

Kimber les rejoignit, transfiguré maintenant par une for- midable rage de vaincre ; peut-être par réaction contre l'incroyable tension nerveuse qu'il avait subie pendant cette hallucinante descente aux enfers.

Il savait qu'il allait réussir : il n'était plus seul, dérivant en plein néant : quatre hommes marchaient à ses côtés, quatre autres se laissaient « descendre » vers le Squalus et d'autres encore suivraient. Rien ne leur résisterait... et il sauverait Kitty, Stack, Grooks, Hymes, Weaver, Bowinda et tous les autres !

Même Gunsberg !

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Le poing musculeux de Boggart partit comme l'éclair, percuta le menton de l'ingénieur Bowinda qui bascula en arrière, s'écrasa contre la cloison et s'effondra lentement ; avant qu'il ne perde conscience, l'étonnement le plus in- tense s'était fugitivement peint sur son visage noir.

— Qu'est-ce qui te prend ? rugit Bob Stack qui n'avait encore rien vu.

— Filons d'ici ! Il était ventousé ! Stack poussa Kitty en avant, celle-ci trébucha sur le

seuil vertical de l'écoutille et s'écroula ; il bondit sur elle, l'empoigna par les cheveux et la remit sur pied d'une trac- tion brutale tandis que Boggart, projetant Truggle hors du compartiment, claquait le panneau de zermium derrière lui.

Tous se regardèrent, effarés. — Moins une ! lâcha Boggart qui massait son poing en-

dolori. — Bowinda ne savait même pas qu'il venait d'être ven-

tousé ; supposa Truggle. Il croyait encore y échapper. Q u ' est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Kitty.

Nous sommes coincés... Tous scrutaient l'inquiétante perspective de la coursive

déserte lorsque la jeune femme poussa un hurlement stri- dent :

— Regardez ! Regardez le hublot ! Énorme, la silhouette de chauve-souris d'un intercepteur

Condor dévorait l'ombre violette du vide spatial ; l'appa- reil s'était approché à moins de cinquante mètres de l'é- pave et se tenait rigoureusement immobile.

— Il est revenu ! cria Kitty, au bord des larmes. — Ils sont revenus ! rectifia Bob Stack. Tous ! S'étant approché du bulbe transparent, il avait levé les

yeux vers le vide sidéral et y avait vu tous les appareils du Chattanooga tisser leur sillage de lumière sous le somp- tueux tapis d'étoiles. Transporté d'une joie fantastique, proportionnelle à ses terreurs passées, Truggle décocha une bourrade monumentale au colosse Boggart qui n'en bougea pas pour autant.

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— Stop ! On ne bouge plus ! En éventrant soudain le Squalus, la boule de feu n'aurait

pas produit plus d'effet ! Tous se retournèrent d'un bloc. Leurs yeux d'hallucinés plus rouges que jamais, Weaver et Hymes s'étaient approchés d'eux en silence, thermique au poing.

— Trop tard : c'est vous qui êtes foutus ! vociféra Bog- gart, oubliant que le cerveau des deux hommes ne leur appartenait plus et que pour eux les mots n'avaient plus la moindre signification.

Au même instant, l'étrange Créature sut que les humains qu'elle ne contrôlait pas encore, avaient enfin été locali- sés. Elle enfanta une gerbe de perles qui ricochèrent de cloison en cloison, trouvant infailliblement leur chemin vers leurs futures victimes.

Bob Stack regarda la flotte des intercepteurs. — Pourquoi êtes-vous venus si tard ?

— Voilà, commodore ! Ça vient d'arriver de Pyria- Rex, retransmis par Orbital-III de Io. C'est la réponse.

— Donnez ! Lydia Kahn, la jeune femme aux boucles auburn, tendit

le quartz-mémoire au vieil homme qui, depuis son bureau situé au centre géométrique de la sphère, avait réuni les principaux décideurs du Chattanooga pour tenter de réflé- chir en commun.

Il contempla le quartz et fronça ses sourcils de neige. — Eh bien ? Vous ne l'avez pas mis en clair ! — C'est surcodé, commodore. J'ai introduit les clés

aléatoires, vous n'avez plus qu'à l'insérer dans votre pro- pre décodeur : il est prêt à transmettre.

— Surcodé ? Tiens donc ! Il fallait que le message soit d'une extrême gravité pour

que le Head Galactil Council envoie un surcodé, procédure des plus rares.

— Entendu, laissez-moi ! ordonna Swayne ; ces crânes d'œuf du H.G.C. ont toujours eu la manie du secret ! Ils doivent estimer que ça leur donne encore plus d'impor- tance qu'ils n'en ont !

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Les quatre hommes présents dans le cylindre transparent s'éloignèrent aussitôt et Swayne inséra le quarz dans un codeur-décodeur rouge de dimension plus réduite que ceux des spacecom.

L'appareil émit un discret sifflement ; quelques se- condes plus tard, les lettres commencèrent à se former dans la mince fente.

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CHAPITRE XVIII

— Bon sang... Gunsberg ! Ray Kimber tourna avec lenteur autour du cadavre avant

de s'agenouiller prudemment auprès de lui. D'un seul coup, l'épais silence qui régnait dans la sphère

de télécontrôle du Squalus se fit étouffant ; tous se surpri- rent à épier les moindres recoins d'ombre comme s'il allait en jaillir une horde de monstres aux yeux pédonculés !

— On s'est battu ici, monsieur : regardez ça ! Le visage indéchiffrable, Kimber s'approcha du monitor

que Gunsberg avait vitrifié, ratant Boggart d'un cheveu et étudia la boursouflure du revêtement qui, sous l'effet du mince scalpel de lumière, s'était rétracté comme sous la morsure d'un acide.

— Le commandant Gunsberg a dû essayer de défendre son équipage, songea-t-il tout haut. Et il en est mort.

Un des gardes se tourna vers lui. — Désormais, monsieur, nous passerons devant vous.

Nos plaques iso nous protégeront le temps de faire face. Effectivement dès qu'ils avaient achevé de se faire éclu-

ser en atmosphère respirable, les quatres gardes-n'avaient rien eu de plus pressé que de se dépouiller de l'encombrant scaphandre « T », dit « souple », mais qui n'avait de sou- ple que ce qu'en prétendaient ses concepteurs. L'un après l'autre ils étaient apparus dans leur habituelle tunique mar- ron sombre, bardée aux endroits vitaux d'écailles d'iri- dium tandis que le masque anti-thermique collait à leur visage comme une double peau.

Kimber acquiesça : après tout, ces hommes étaient pro- tégés, lui pas ; ils avaient été formés pour le combat, pas lui. Il était là pour réfléchir, pas pour jouer les gladiateurs !

Il s'approcha du long hublot circulaire qui courait pres-

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que entièrement autour de la sphère. Quand passait la boule de feu tout le poste de télécontrôle s'illuminait d'une angoissante lueur d'incendie ; lorsque l'obscurité recou- vrait de nouveau l'avant du cosmotanker, il apercevait une partie du globe monstrueux d'Orion et, telle une poussière d'étoiles, « ses » intercepteurs, à distance respectueuse du vaisseau maudit.

— Il faut rendre cette justice au commandant Gunsberg, pensa-t-il tout haut : c'était un homme courageux et c'est probablement pour ça que la Chose l'a tué.

D'un coup d'œil, il inventoria la multitude de touches des claviers en demi-cercle.

— Il faudrait pouvoir émettre, au moins signaler qu'on a pu prendre pied dans le Squalus.

Sur sa droite, près du scanner d'évaluation, un écran triangulaire dévidait des symboles mathématiques avec lesquels il n'était pas familiarisé. Bien sûr, aucun garde ne savait émettre ; il était d'ailleurs hors de question de leur demander quoi que ce soit hors du domaine très restreint qui était le leur.

En plein désarroi, il contourna une longue console au double clavier alphanumérique et son cœur bondit dans sa gorge lorsqu'il buta sur le cadavre.

— Clamesy ! Leur spécialiste des spacecom. Oui, ad- mit-il, pensif, on s'est battu là !

Silencieux, trois des gardes s'étaient approchés dans son dos et semblaient ne plus pouvoir détacher leur regard de l'épaule qui ne tenait plus au reste du torse que par quel- ques filaments que l'intense chaleur du doigt de lumière avait cautérisés.

— T-gun ! diagnostiqua un des gardes. Sûr ! Kimber replia son bras et porta ses lèvres à son transvox. — A tous, ici Kimber. Qui me reçoit ? Répondez ? Il espéra en vain une réponse. Les flancs blindés du

Squalus piégeaient toutes les ondes et le petit émetteur portatif n'était pas assez puissant pour permettre une liai- son avec la flottille des Condor.

Il laissa retomber sa main. — Rien à faire ! Rien ne passe. Cherchant l'inspiration, un indice, quelque chose capa-

ble de l'aiguiller sur ce qu'il convenait de faire mainte-

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nant, il fit encore quelques pas hésitants. — Dire qu'il a fallu que le laser atteigne la console

émettrice... Pourquoi l'a-t-on détruite ? Était-ce après que Hymes ait commencé à divaguer sur toutes les fré- quences ?

Il haussa les épaules et revint vers la double écoutille qui pouvait, en cas d'avarie grave ou de décompression cata- clysmique isoler en une fraction de seconde la sphère du reste du vaisseau.

— On va commencer par le pont B. Ouvrez l'œil. On peut rencontrer n'importe quoi ; un type qui s'appelait Twyll Gordon a parlé de traits de feu... On peut même tomber nez à nez avec des gardes débarqués après vous, attention !

Ils n'avaient pas parcouru trente mètres vers le puits A G que l'homme qui marchait en tête s'immobilisa :

— Regardez ! Tous se figèrent d'instinct : une boule lumineuse roulait

rapidement vers eux. Un des gardes braqua son T-gun sur elle. — Plaquez-vous à la cloison et ne bougez plus ! chucho-

ta Kimber. Peut-être détecte-t-elle le mouvement. La petite sphère se déplaçait avec vélocité, roulant par-

fois sur le sol souple ou y bondissant par sauts brusques ; parvenue à trente mètres environ, elle tourna d'un coup, emprunta une coursive obscure qu'elle illumina de sa ve- nimeuse lueur verte et disparut vers le puits A G.

— C'est peut-être aussi une sentinelle, supputa Kimber, frémissant. Par chance on n'était pas encore sur son par- cours.

— Je suppose que si jamais elle nous touche..., commen- ça un garde dont le masque étouffait la voix.

— Aucune idée de ce qu'elle peut faire, le coupa Kim- ber, les lèvres sèches, mais j'ai idée que ça ne nous porte- rait pas chance !

« Avançons vers le puits, on aura une vue sur l'entrée des ponts. »

Tous plongèrent un regard empli d'appréhension dans le cylindre qui perçait successivement tous les niveaux du vaisseau.

— Là ! Là ! Une autre ! chuchota un garde qui pointa sa

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main gantée vers une petite sphère bleutée qui descendait doucement.

Deux autres boules surgirent, se laissèrent descendre à sa suite, puis trois autres encore qui tourbillonnaient folle- ment.

— Elles s'engouffrent toutes dans la même coursive, no- ta Kimber ; on dirait qu'elles se concentrent toutes au même endroit.

Mal à l'aise, un des gardes se retourna pour fouiller l'ombre derrière lui ; maintenant qu'il se trouvait au centre du vaisseau maudit, celui-ci lui semblait plus maléfique encore que lorsqu'il se profilait dans la blême lumière d'Orion.

— Encore deux... — Attention : trois au-dessus ! Tous reculèrent, cessant de respirer. — Curieux, lâcha Ray Kimber pensif, curieux... Un des gardes formula alors la question qu'il redoutait

de poser et qui pourtant lui brûlait les lèvres : — Qu'est-ce qu'on fait maintenant, monsieur ?

— Non, je vous en supplie : non ! Le cri s'acheva dans un sanglot aigu. D'une brutale

poussée sur la nuque, Weaver projeta Kitty en avant et, comme Boggart se retournait le poing levé, il fit aussitôt un pas en arrière pour se mettre hors de sa portée.

— Espèce de pourriture ! — Avancez tous ! hurla Hymes. Ou on vous finit ici ! Bob Stack attrappa la jeune femme par l'épaule et la fit

passer devant lui, comme pour la protéger de son corps. — Faisons ce qu'ils disent, eux font la loi ! — Pour le momment ! grommela Truggle, les dents ser-

rées. Le cerveau liquéfié par la rage de s'être fait prendre si

stupidement, Bob Stack songea qu'ils refaisaient pour la seconde fois le même chemin que leur avait fait parcourir Gunsberg et Grooks quelques dizaines d'U.T. plus tôt et qu'ils allaient une fois de plus aboutir dans l'infernal vi- vier humain que se réservait la Bête. Mais cette fois il n'y

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aurait plus personne pour les sortir de là ; les miracles ne se répètent pas deux fois ; Dieu se lasse.

Effectivement, dès que Weaver débloqua l'écoutille de la soute, ils y découvrirent le même terrifiant spectacle ; même la vieille femme qui, pour être « choisie », tendait vers eux ses bras squelettiques.

Empoignée par les cheveux, Kitty fut littéralement pro- jetée à l'écart tandis que Hymes précipitait Bob Stack et Boggart dans l'antichambre de la mort.

— Attendez tranquillement, vous ne souffrirez pas ! as- sura Weaver, la face tordue par un sombre sourire.

L'écoutille claqua, rabattue à la volée sur le dos de Trug- gle ; la dernière vision que Kitty emporta de Bob Stack fut son regard désespéré.

— Avance... Avance doucement ! Doucement, j'ai dit ! Elle sentit son cœur se rétrécir lorsqu'au bout du long

couloir sombre elle aperçut la Bête pour la première fois. Posé sur son socle, l'énorme halo empoisonné attendait en pulsant toujours sa lueur chatoyante ; parfois sa silhouette se modifiait comme sous l'effet de quelque monstrueuse respiration.

— Non ! hurla Kitty, glacée d'angoisse, je ne veux pas vieillir !

Les visages hideux de ceux que la Créature avait « inter- rogés » venaient de flasher dans sa mémoire ; elle les re- voyait revenir, méconnaissables, horriblement momifiés.

Deux hommes qu'elle n'avait jamais vus étaient là, les yeux plus rouges encore que ceux de Hymes. A leur tuni- que de cabine sale et négligée, sans aucun signe distinctif, elle pensa qu'il devait s'agir de migrants ou peut-être même des derniers survivants de ceux qui avaient consti- tué l'équipage du cosmotanker. Les premiers auxquels la Bête avaient dû s'attaquer.

Devant ses yeux horrifiés, celle-ci commença à s'enfler et se rétracter alternativement de plus en plus vite.

Tout à coup Hymes, dont le cerveau semblait attendre quelque signal et qui paralysait Kitty en lui comprimant à la fois le cou et la taille pour couper court à toute velléité de résistance, la poussa de côté.

C'est alors qu'elle vit surgir les perles de lumière ; elles jaillissaient, isolées ou en groupes compacts, éclairant la

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coursive d'une lueur de coulée de lave ; certaines en bous- culaient d'autres, d'autres ricochaient sur les parois, tour- billonnaient dans l'air, rebondissaient sur le sol s'arrêtaient et repartaient en de fulgurantes accélérations.

Toutes piquèrent droit vers la Créature et s'y englouti- rent. Curieusement celle-ci ne se modifia pas, bien qu'en quelques secondes elle eût absorbé quatre ou cinq fois son volume.

La lueur devint brutalement aveuglante ; la sphère parut devenir le siège d'un fantastique combat de forces in- connues.

Aucun de ceux qui se trouvaient là, crucifiés de lumière, n'imaginèrent seulement que cette manifestation de forces pures n'était qu'une puissante antenne et qu'elle venait de rappeler tous ceux qu'elle avait enfantés et éparpillés dans les cent coursives et les mille compartiments du vaisseau géant.

Brutalement se produisit un éclair d'une intensité insou- tenable ; Kitty Hawk poussa un hurlement.

Lorsque, de longues secondes plus tard, elle reprit l'u- sage de la vue, il n'y avait plus rien, pas la moindre trace de l'immonde créature éthérée.

Au même instant tous ceux qui se trouvaient à bord des intercepteurs virent la spirale de feu perdre de son éclat et disparaître graduellement.

Ebahie, Kitty Hawk osa un pas en avant. Vers Hymes. Comme les autres, celui-ci regardait fixement le socle vide ; ses yeux semblaient morts.

— Hymes ! fit-elle d'une voix timide. Il n'eut aucune réaction, comme s'il n'avait pas entendu.

Prise d'un doute, elle agita ses doigts en éventail devant ses yeux ; pas le moindre réflexe palpébral. Enhardie, elle écarta d'une lente poussée le thermique qu'il braquait tou- jours au creux de ses reins ce qui ne provoqua pas non plus la moindre réaction.

Alors, sans chercher à comprendre, la jeune femme tour- na des talons et détala comme une folle dans la coursive déserte.

Elle n'avait pas fait vingt pas et se croyait presque hors de danger lorsque, brutalement, trois monstrueuses sil- houettes noires de grands primates débouchèrent dans la

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galerie obscure. Un immense cri résonna sous les voûtes métalliques : — Kitty ! Bousculant les gardes qui faisaient devant lui un rempart

de leur corps bardé d'iridium, Ray Kimber démarra comme une flèche.

L'homme, dont le pectoral droit était frappé des cinq éclairs d'or, enfouit sa tête dans ses mains, ignorant ceux qui attendaient toujours derrière la porte transparente. Le vieux Swayne semblait d'un coup plus vieux encore.

Dix fois peut-être il avait relu le message du Head Ga- lactic Council, relayé par les antennes du Suprême Conseil lui-même, refusant d'admettre ce que ses yeux avaient dé- chiffré. Et pourtant il fallait bien se rendre à l'évidence : le texte était là, pulsant sa lumière malsaine par la petite fente de lecture.

Effondré, Swayne se tassa un peu plus encore sur lui- même et, les mains moites, remit le codeur-décodeur à zéro avant de déclencher un ultime défilement des lettres fluorescentes.

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CHAPITRE XIX

Jamais comme en cet instant le commodore Swayne n'a- vait senti sur ses épaules de vieux routier de l'espace le poids de sa solitude et celui de son écrasante responsabili- té.

— Ce n'est pas possible ! murmura-t-il en lui-même. On ne peut tout de même pas faire ça !

Comme s'il attendait un miracle, il fit de nouveau défiler le très long message :

G.C.U PYRIA-REX. 5635. DIPLO. CODAGE

THETA SURCODAGE TERPEX. 21-235 TEMPS U- NIVERSEL G.C.U pour P.I — CHATTANOOGA PERSONNEL. Cdre AL SWAYNE Vos rapports 2056, 2345 et 3876 concernant les manifestations surve- nues à bord du cosmotanker (ex-Spacomac) SQUALUS nous obligent à porter à votre connaissance une hypothèse, tenue rigoureusement secrète en raison des dangers poten- tiels que ferait courir sa divulgation au peuple humain CE QUI VA VOUS ÊTRE RÉVÉLÉ RESTERA TOTALE- MENT CONFIDENTIEL. VOUS N'EN FEREZ JAMAIS ÉTAT Vos messages successifs envoyés par hyperfré- quentielle à votre spatiodock d'attache PYRIA-REX et vo- tre retransmission du texte retrouvé dans le module de TWYLL GORDON ont conduit le G.C.U., en liaison avec les concepteurs du PREMIER CERCLE du HEAD GA- LACTIC COUNCIL A PENSER QUE LES ÉVÉNE- MENTS DONT VOUS FAITES ETAT SONT LES MANIFESTATIONS D'UN SEUL ÊTRE, DE NOUS CONNU... Si dans le passé, l'Antiquité et même la proto- histoire, il est, à la lecture de textes très anciens et généra- lement sacrés (donc tenus confidentiels) comme le Livre

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de Khora, les Védas ou plus récemment la Bible, quasi- ment certain que d'autres races vivent mêlées à nous dans notre continuum espace-temps. La première révélation prouvée date de 2056, soit quatorze années après le Grand Holocauste.

« Depuis l'an 2042, date de la mise en commun à MEN- SAPOLIS de toutes les archives historiques des nations fédérées, les instances suprêmes de Terre ont pu acquérir l'absolue certitude que nous sommes visités à notre insu depuis des temps immémoriaux.

« Ce jour-là, 25 octobre 2056, la station automatique ORBITAL-C du système de télésurveillance Epsylon a été encagée d'une aura lumineuse dont l'origine reste à ce jour inconnue. Le phénomène, fortuitement observé par un Skywalker venant effectuer des opérations de routine a duré huit U.T.. Une navette non pilotée Speedov envoyée étudier le phénomène a provoqué l'apparition d'une boule de feu jusqu'alors invisible et a été totalement détruite. Le phénomène a néanmoins pu continuer a être filmé par le Skywalker en « stationnaire » à cent vingt kilomètres de là.

« En 2083 soit 27 ans plus tard, les 48 techniciens d'une spatiobase avancée de Ganymède ont signalé l'apparition d'une boule de lumière et, peu après, que celle-ci pénétrait dans le blockhaus anti-météorite, bâtiment principal de la base avancée. Très vite, les messages sont devenus inco- hérents avant de cesser totalement deux U.T. seulement plus tard.

«Un cosmocruiser FT-12 de la Force G (qui existait encore à l'époque) envoyé sur Ganymède n'a retrouvé que quelques survivants prématurément vieillis, devenus tota- lement fous et tous atteints de cécité partielle.

« Pour des raisons essentiellement médicales, l'ordre a été donné d'abandonner cette spatiobase SANS ÉVA- CUER CEUX QUI S'Y TROUVAIENT.

« Avec l'affaire SQUALUS, la mystérieuse entité s'atta- que pour la première fois à une hypernef en transit.

« Nous savons, par des carnets découverts sur Gany- mède et écrits de la main du médecin de la station avant qu'il ne succombe à la folie collective, que cette manife- station s'intéresse essentiellement au cerveau des humains

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qu'elle pille, ne laissant derrière elle que des êtres devenus totalements végétatifs.

« La fantastique puissance qu'elle semble avoir lui confère jusqu'à présent l'impunité totale.

« Des tentatives ont été très secrètement faites pour en- trer en contact avec ceux qui manipulent cette force, ceux- ci choisissant le lieu et le moment de ses manifestations. Ces tentatives ont toutes été vouées à l'échec Le SUPRÊME CONSEIL estime qu'au cours de notre longue Histoire cette entité a étudié le peuple des humains de génération en génération. (Fréquence des apparitions ap- proximativement 25 années.) Elle estime de plus qu'elle nous est hostile, ne pouvant ignorer qu'elle détruit l'être qu'elle interroge, même si elle le laisse biologiquement intact.

« Quel but poursuit-elle ? Invasion future : prob- ablement pas. Asservissement ? Peut-être. Personne n'a ja- mais pu répondre à ça.

« On estime maintenant qu'à certaines époques, de Grands Initiés ont su communiquer avec l'ENTITÉ. Prob- ablement même lui demander d'intervenir, voire l'utiliser. Ceux qui avaient cette puissance — ou cette connaissance révélée — ont été de tous temps impitoyablement chassés et massacrés par les humains sous le prétexte du crime de haute sorcellerie.

« Ces Grands Initiés, appelés tour à tour mages, cha- mans, druides, pythies, sorciers, ont disparu et leurs se- crets ont disparu en même temps qu'eux sur les bûchers de toutes les Inquisitions.

« Il semble que les actions tendant à faire s'exprimer ou réapparaître cette force occulte aient été rassemblées par tous les peuples du monde sous le vocable unique et trop commode de MAGIE.

« Nous estimons que cette force est universelle ; elle ne se rend visible que lors de ses interventions et ceci d'une manière purement aléatoire.

« De nombreux exégètes pensent que ce qui a été appelé à tort esprit, génie, djinn, drill, elfe, fée, gremlin, fantôme, poltergeist, kroll... selon les peuples et les périodes de leur histoire ne sont que la même manifestation multi- forme de l'entité. Ils estiment aussi que le massacre des

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Grand Initiés, en rompant définitivement l'indispensable trait d'union entre elle et la race humaine, constitue la cause de son hostilité présente.

« En conséquence, dans l'ignorance totale de cette science ancestrale perdue, seule capable d'établir un trans- fert mental avec cet Être collectif, la décision a été prise de détruire par précaution tout endroit où cette force se manifeste de manière à annihiler, autant que faire se peut, toute propagation ultérieure dans la société hu- maine La station automatique Orbital-C a été désintégrée en 2058 et la spatiobase de Ganymède vitrifiée en 2056 En conséquence" Nous, concepteurs du pre- mier cercle siégeant au SUPREME CONSEIL de Mensa- polis, après avoir pris l'avis du GOUVERNEMENT CENTRAL UNIFIÉ de Skavellijk, en accord avec le HEAD GALACTIC COUNCIL de Lakkméra et notam- ment la DEEP SPACE AGENCY de Pyria-Rex (Altaïr- West) vous ordonnons, Commodore AI SWAYNE, d'interrompre immédiatement tout transfert de personnel vers le spacecargo et de considérer celui-ci comme défini- tivement contaminé (Mot code officiel). Je répète le mot CONTAMINÉ. Si Chattanooga a déjà envoyé une équipe

« Vous ne répondrez à ce codex que par avis d'exécution surcodé comportant le mot clé Egregore.

« VOUS DÉTRUIREZ IMMÉDIATEMENT CTK SQUALUS.

« Vous ne demanderez ni précisions ni confirmation de ce message.

« Vous ne répondrez à ce codex que par avis d'exécution surcodé comportant le motclé Egregore.

« Cet ordre est immédiatement exécutoire. Stop et fin. « S.C MENSAPOLIS. Relayé : PYRIA-REX. »

L'œil brillant, Kitty Hawk leva la tête vers Ray Kimber et lui tendit ses lèvres ; les deux amants restèrent ainsi, un long moment, enlacés face aux étoiles. A côté d'eux, Bob Stack regardait lui aussi le brusque flamboiement des in- tercepteurs.

— Bob ! On dirait qu'ils repartent.

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Tissant leur mince fils d'argent dans l'immensité noire, tous les appareils venaient de remettre le cap sur le Chatta- nooga.

— Swayne a dû les rappeler ! Pourquoi resteraient-ils ici puisque tout est terminé ? Swayne ne ménage jamais ses équipages.

— Ou Grrrrooooockeney ! rugit Bob Stack en essayant d'imiter l 'abominable voix du directeur d'appontage.

Telle une pluie de météorites une nuit d'août, les Condor glissaient sous les étoiles.

Troublée, Kitty Hawk qui sentait dans l 'ombre complice la main de Ray la caresser doucement à travers le mince tissu de sa tunique, ajouta :

— Regarde, ronronna-t-elle. Il y en a un qui vient de faire demi-tour ! Il revient droit sur nous !

A la distance à laquelle ils se trouvaient, ils ne purent déchiffrer le numéro peint sur la coque blindée de l'inter- cepteur et ne surent pas que celui qui revenait vers eux était le jeune Téwanee.

Celui qui n'avait encore jamais tiré un Styx.

Condor 29 (Pilote Téwanee — navigateur Bazrasko) re- çut l'ordre de détruire le Squalus.

Le missile Styx frappa l'hypernef le 23 mars 2092 à la 76e U.T.

L'équipage de l'intercepteur fut peu après détaché du Chattanooga. Mis au secret absolu sur une des bases de télésurveillance du système Cyclops, aux confins du nuage de Magellan, ses membres furent victimes d'un accident par irradiation accidentelle.

Et cette affaire, comme toutes les autres, sombra dans l'oubli officiel.

FIN